Revue de presse - IMAGINE EDUCATION
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Revue de presse Les jeunes et les écoles publiques sse où il y a plusieurs jeunes familles », dit Patrick, père de Félix, 6 ans, Maya, 4 ans et William, un an et demi. Photo : Alain Roberge, La Pre « Je suis fier de venir de Ville-Émard, mais aujourd’hui c’est pire que c’était il y a 20 ans, explique-t-il. Quand j’allais à la polyvalente [...], la violence était bien rare. Aujourd’hui, la situation a changé, la pauvreté s’installe. Il y a pas mal de drogue dans notre ancien quartier. » ÇA VA MAL DANS LES ÉCOLES PUBLIQUES DE MONTRÉAL Marie Allard La Presse, 11 février 2009 Une chute spectaculaire de 5500 élèves. C’est ce que le secteur des jeunes de la Commission scolaire de Montréal (CSDM) a vécu ces quatre dernières années. Le primaire (incluant la maternelle) est de loin le plus touché, avec une perte de 5335 enfants entre 2003-2004 et 2007-2008. C’est « l’effet conjugué de la diminution du nombre de naissances et de l’augmentation des déménagements hors du territoire de la CSDM » qui a entraîné ces baisses d’effectifs au primaire, selon l’État de la situation de la CSDM daté de janvier 2009, que La Presse a obtenu. Cela laisse entrevoir des jours sombres pour le secondaire, déjà affecté par la concurrence du privé. Patrick Dufresne et Karine Beaupré sont l’un des jeunes couples qui ont quitté Montréal pour la banlieue. Il y a quatre ans, ils ont vendu leur duplex du quartier Émard pour acheter une maison à Vaudreuil. « Ici, c’est beau, c’est un secteur en développement Élèves en difficulté et absentéisme élevé En plus de diminuer, la clientèle s’alourdit à la CSDM. Plus de 12 000 élèves — soit 20 % du total — sont désormais handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA). Une hausse non négligeable de 3 % (2000 élèves) en quatre ans. Mince consolation, la proportion d’élèves HDAA a commencé à diminuer (de 0,7 % depuis deux ans) si on ne considère que le primaire. Autre problème en hausse ?: les absences. Au secondaire, le taux d’absentéisme quotidien s’élevait à 6,8 % en 2007-2008, soit 1 % de plus que trois ans plus tôt. Plus rare au début du secondaire, l’absentéisme « s’intensifie graduellement pour atteindre 8,7 % en 5e secondaire », souligne le document. Ce n’est pas anodin, puisque « l’assiduité des élèves constitue un facteur clé de la réussite scolaire » selon plusieurs chercheurs, admet la CSDM. « Hier, j’ai foxé genre deux cours, témoigne Bianka, une jolie fille de 14 ans, rencontrée alors qu’elle fumait une cigarette devant le métro [...]. Je foxe les cours que je n’aime pas, comme les maths. » Son école téléphone-t-elle à la maison quand elle manque un cours ?? « Ça dépend, répond son amie Sophie, 15 ans. Quand il y a trop d’élèves qui foxent, ils n’appellent pas. » Faible taux de réussite au secondaire La réussite du secondaire en cinq ans est malheureusement le lot d’une minorité. la troisième avenue — IIIII IIIII IIIII IMAGINE éducation Seuls 40,7 % des élèves entrés au secondaire à la CSDM en 2002 ont décroché un diplôme ou une attestation cinq ans plus tard, le plus faible taux depuis quatre ans. « À peine un tiers des garçons de la cohorte 2002-2003 obtient son diplôme en cinq ans », constate la CSDM. Une catastrophe que l’ex-premier ministre Jacques Parizeau avait dénoncée dans une lettre ouverte, en septembre dernier. Parmi les élèves qui se rendent en 5e secondaire, 64 % sont sortis avec un diplôme en 2007, une baisse de près de 4 % en deux ans. « Comparée à l’ensemble de la province, la CSDM accuse un retard de 10 % », précise l’État de la situation. Bonne nouvelle, ça va mieux au primaire. Les taux de réussite « ont légèrement progressé » dans l’ensemble des matières en un an (ils ont par exemple bondi de 6 % au 3e cycle du primaire). Mention spéciale aux gars, qui ont réduit l’écart les séparant des filles dans les trois cycles du primaire. La CSDM précise toutefois que le système d’évaluation des élèves a changé (les cotes de 1 à 5 ont été remplacées par des pourcentages en 2007-2008) et que « les conclusions des analyses doivent donc être nuancées ». Les pourcentages auraientils rendu les profs plus généreux ? Au secondaire, les taux de réussite aux examens du ministère de l’Éducation ont aussi augmenté... comme partout dans la province. Mais quand elle se compare, la CSDM se désole. Depuis 2000-2001, « les taux de réussite à la note finale des élèves du secondaire de la CSDM sont constamment plus faibles que ceux des élèves de la région francophone de Montréal et ceux des élèves du secteur public français de la province », souligne le document. Seule exception ? : la maîtrise de l’anglais. Le taux de réussite en anglais est plus élevé à la CSDM qu’ailleurs, mais l’écart rétrécit (il n’est plus que de 0,6 % en faveur de la CSDM). REVUE DE PRESSE - PAGE 1 Revue de presse Terminus, école publique... Les jeunes et les écoles publiques Chaque année, le nombre d’élèves expulsés des collèges privés du Québec et accueillis par le réseau public varie grandement. La Commission scolaire de Montréal (CSDM) a accueilli 79 de ces élèves en 2007-2008 et 66 l’année suivante. À la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSMB), on en a reçu 45 en 20072008 et 36 l’année dernière. « On en reçoit en moyenne une quarantaine par année dans nos 12 écoles secondaires. L’impact est très faible », assure la porteparole de la CSMB, Brigitte Gauvreau. Le directeur du service de l’organisation scolaire à la Commission scolaire des Patriotes, Claude Sasseville, n’est pas tout à fait de cet avis: « Si tous mes groupes sont au maximum dans une école, c’est difficile de trouver de la place pour un nouvel élève en milieu d’année. Il faut parfois tout réorganiser. Mais cela arrive assez rarement. » Selon M. Sasseville, les collèges privés renvoyaient plus facilement leurs élèves il y a quelques années. « C’est bien moins marqué maintenant, dit-il. Les collèges privés gardent un peu plus leur clientèle. » M. Sasseville croit que la situation s’explique par le fait que les collèges privés n’ont plus un aussi grand bassin de jeunes à aller recruter en première secondaire. « Il y a une limite à ce que tu peux aller chercher comme élèves dans la région, soutientil. Pour faire de l’argent, les collèges les gardent tout simplement plus longtemps. » N’empêche que, dans les écoles secondaires publiques, les enseignants accueillent régulièrement des élèves expulsés du privé au milieu de l’année. « Ces jeunes ont principalement eu des problèmes de drogue, de comportement ou de notes », dit Marc Hébert, qui enseigne les mathématiques à l’école secondaire [...], à [...]. En 2007-2008, M. Hébert a reçu deux élèves expulsés du privé dans une de ses classes. Pour lui, le plus difficile a été le peu d’information qu’on lui a transmise sur eux. « Quand les jeunes arrivent du privé, on ne sait rien d’eux. Il faut tirer les vers du nez à tout le monde. Les élèves ne parlent pas de ça », dit M. Hébert. « On ne nous tient pas informés, sauf si le jeune a de graves allergies. Le reste, il faut aller aux nouvelles, et ce n’est pas toujours évident », ajoute Philippe Michaud, qui enseigne au secondaire depuis 1979. M. Hébert renchérit : « Parfois, le collège privé n’envoie pas le dossier de l’élève avec les notes sur son comportement. Si j’ai un jeune violent, je ne le sais pas. C’est dangereux ! » L’enseignant déplore ce manque de collaboration du privé. Mais il reconnaît que les collèges ne sont pas obligés d’envoyer le dossier de l’élève. M. Hébert explique toutefois que le principal problème est que des enseignants apprennent « au bout de deux ou trois semaines » que le comportement d’un élève ne va pas, et qu’il est alors « trop tard pour lui accorder des ressources ». Le porte-parole de l’Alliance des professeurs de Montréal, Yves Parenteau, est du même avis. « Ces élèves qui arrivent en milieu d’année se font le plus souvent expulser parce qu’ils ont des problèmes la troisième avenue — IIIII IIIII IIIII IMAGINE éducation Photo : Ivanoh Demers, La Ariane Lacoursière La Presse, 10 octobre 2009 Presse « Le palmarès des écoles secondaires de L’actualité, ce n’est pas une blague. Les collèges font tout pour avoir de bonnes notes. Ils ne veulent pas des élèves qui abaissent la moyenne », note Philippe Michaud, enseignant depuis 1979 dans des écoles secondaires privées et publiques de la région de Montréal. de comportement, dit-il. Ils arrivent et ont besoin de services. C’est plus dur de les leur offrir en milieu d’année, les budgets étant limités. On gère le pire : qui en a le plus besoin. Les plus grandes difficultés ont priorité. » M. Parenteau ajoute que les nouveaux venus atterrissent souvent dans des classes ordinaires, qui ne sont pas nécessairement adaptées à leurs besoins. Même s’il est plus difficile d’offrir des services en milieu d’année, « nous, au moins, on a les services », mentionne M. Michaud. « Par exemple, les jeunes qui consomment peuvent aller voir un intervenant en toxicomanie, illustre-t-il. Mais au fil des ans, le secteur public s’appauvrit et les coupes budgétaires se font presque tout le temps dans les services. » Pour M. Hébert, il est frustrant de voir que les écoles privées peuvent « balayer leurs problèmes ailleurs », mais pas les établissements publics. « Nos classes sont déjà difficiles. Les gens du privé qui arrivent en milieu d’année, c’est un problème de plus. C’est parfois difficile d’accepter que le privé se débarrasse de ses problèmes au lieu de les corriger », dit-il. REVUE DE PRESSE - PAGE 2 Le calvaire Revue de presse des profs en 2010 Les jeunes et les écoles publiques Notre journaliste spécialisé en éducation, Sébastien Ménard, a enseigné incognito aux élèves d’une polyvalente située en région. Sébastien Ménard Le Journal de Montréal, 21 décembre 2011 En plus de devoir composer avec des élèves qui les envoient régulièrement promener et des parents qui accordent peu d’importance à l’école, les enseignants québécois sont constamment sur le qui-vive, en 2010, craignant à tout moment d’être filmés à leur insu et de se retrouver sans le savoir sur le Web. Pour être prof, ces temps-ci, il faut beaucoup plus que de la patience. Il est aussi utile d’avoir des yeux tout le tour de la tête, a constaté le Journal, en se glissant dans la peau d’un suppléant durant 11 périodes d’enseignement, la semaine dernière, soit l’équivalent d’une semaine de travail complète pour bien des profs. Six ans après avoir mené une enquête similaire dans une polyvalente de la RiveNord, le Journal s’est rendu dans une école secondaire située en région et qui incarne bien la moyenne québécoise. L’auteur de ces lignes a enseigné incognito à des élèves de 3e et 5e secondaires. On lui a demandé de donner des cours de français, de superviser des périodes du nouveau cours « projet personnel d’orientation » (PPO), et de donner quelques leçons du fameux programme d’éthique et culture religieuse. DÉTRESSE PSYCHOLOGIQUE Premier constat : qu’ils habitent en région ou près de Montréal, les élèves sont tout aussi irrespectueux envers les profs qu’il y a six ans. Sinon davantage. Le représentant du Journal ne compte d’ailleurs plus les fois où des élèves ont failli le faire sortir de ses gonds en lui servant des blasphèmes en guise de réponse. « Coudon, câl... As-tu rien que ça à faire surveiller ce qu’on fait », a lancé une élève du cours de PPO à qui notre journaliste demandait de faire son travail. « Ben là, qu’est-ce ça fait, câl... », d’ajouter un autre élève au même moment. Photo : Le Journal de Montréal Le règne des enfants-rois s’est aussi poursuivi dans les écoles, ces dernières années. Des élèves de 14 ou 15 ans refusent systématiquement de faire ce qui est demandé sous prétexte que « ça ne leur tente pas ». « J’ai pas rien que ça à faire, écrire comme tu veux », a lancé une adolescente à notre suppléant-reporter. À l’heure où 20 % des profs souffrent de détresse psychologique, selon une étude rendue publique récemment, les parents ne sont pas toujours d’un grand secours, déplore un enseignant expérimenté. UN STRESS DE PLUS « Il y en a qui motivent n’importe quelle sorte d’absence, que ce soit pour aller magasiner ou pour suivre leurs cours de conduite au lieu d’aller à l’école », dit-il En accueillant notre journaliste à l’école, le prof lui a fait la même mise en garde qu’il sert « à tous ceux » qui y travaillent, cette année. « Fais attention aux cellulaires, aux iPod et aux iPod Nano. Et garde toujours ton sangfroid : tu ne sais jamais quand tu peux être filmé », a-t-il expliqué. « C’est un stress de plus sur nos épaules », confie-t-il. Il y a quelques semaines, une enseignante de l’école où a travaillé le Journal s’est retrouvée, sans le savoir, sur Facebook, où une page avait été créée pour se moquer d’elle. Depuis, tout le personnel est sur les dents. « Je ne sais pas comment on va régler ce problème-là », indique le directeur, visiblement désemparé. la troisième avenue — IIIII IIIII IIIII IMAGINE éducation REVUE DE PRESSE - PAGE 3 L’intimidation L’intimidation féminin auau féminin Sarah-Maude Lefebvre Le Journal de Montréal, 21 décembre 2011 Alors qu’elle dévoilera cette semaine des capsules troublantes sur « l’enfer » vécu par des adolescentes à l’école, la Fondation Jasmin-Roy lance une offensive pour sensibiliser la population à la violence chez les filles, un phénomène méconnu, mais qui prend de plus en plus de place dans l’univers scolaire. Photo courtoisie « T’es laide, méchante, menteuse et pas bonne. On t’haït. F... you ! » Ces mots, entendus pendant des semaines, hantent toujours la petite Éloyse, 7 ans. Dès son entrée en deuxième année, la fillette a été prise en grippe par une camarade. Le harcèlement a eu un impact sur ses notes, son humeur, sa joie de vivre. Aujourd’hui, elle ne veut plus aller à l’école. Ce n’est plus la petite fille que j’ai connue. On lui a enlevé sa joie de vivre », soupire sa mère, Valérie. Comme beaucoup d’autres filles du primaire et du secondaire, Éloyse a été victime d’intimidation par des filles. Depuis quelques années, les cas se multiplient à un point tel que la Fondation Jasmin-Roy a décidé de lancer une offensive cet automne pour sensibiliser parents et enfants. « ÇA VA TROP LOIN » « Nous n’avons pas le choix. Il faut faire quelque chose », dit Jasmin Roy, dont la fondation lutte contre l’intimidation en milieu scolaire. L’intimidatio au féminin Ça se parle à coups de bitch et de salope entre filles à l’école. On a un problème. L’héritage féministe de nos mères et de nos grands-mères ne s’est pas rendu à nos filles. » « Les filles s’intimident entre elles couramment, poursuit-il. Ça ouvre la porte à des agressions sexuelles quand on banalise certains mots. Certains gars finissent par se dire que ce n’est pas grave de tripoter telle fille si elle est considérée comme une salope de toute façon. » Pour « réveiller les consciences », la Fondation lance une série de mesures, dont des capsules Web relatant des histoires d’intimidation entre filles. « JE SOUHAITE QUE TU CRÈVES, SALOPE » Josée Roy espère de tout coeur qu’une telle initiative évitera à d’autres adolescentes de vivre le « calvaire » subi l’an dernier par sa fille Catherine-Alexandra. la troisième avenue — IIIII IIIII IIIII IMAGINE éducation La pré-adolescente de 13 ans a subi les foudres de son ancienne meilleure amie pendant des mois. Elle s’est fait traiter de tous les noms. Même Josée, sa mère, n’a pas été épargnée, l’intimidatrice se chargeant de répandre la rumeur voulant qu’elle soit une « pute ». Un jour, les choses sont allées trop loin. Sur Facebook, Catherine-Alexandra lit ce message: « Je souhaite juste une chose, c’est que tu crèves, salope. » « On a porté plainte, mais les policiers n’ont pu rien faire, étant donné qu’il s’agissait d’un souhait et non d’une menace. Mais ç’a été terrible, ma fille avait toujours peur et ses notes ont baissé. Aujourd’hui, des mois plus tard, elle voit encore un psychologue. Jusqu’où allons-nous laisser les choses aller ? » REVUE DE PRESSE - PAGE 4 Photo : Ivanoh Demers, archives La Presse Le melting-pot des écoles lavalloises Un après-midi glacial de février dernier, environ 200 élèves ont participé à des échauffourées à l’école secondaire [...]. Hugo Meunier et Katia Gagnon La Presse, 4 janvier 2011 Le portrait a bien changé dans les écoles de Laval au cours des dernières années. La commission scolaire est débordée par la vague d’immigration qui déferle sur l’île Jésus depuis 10 ans. La pauvreté et les tensions raciales font désormais partie du paysage scolaire. Six enseignants témoignent de leur réalité. À l’école primaire [...], au coeur du quartier [...], les classes de maternelle sont remplies, parfois aux trois quarts, d’enfants d’immigrés qui ne parlent pas un mot de français. La tâche est titanesque pour les enseignants, qui se plaignent d’une décision qu’a prise la commission scolaire il y a huit ans : supprimer les classes d’accueil à la maternelle. Selon les enseignants, la Commission scolaire de Laval est submergée par la vague d’immigration qui déferle sur l’île Jésus depuis 10 ans. « Ça augmente continuellement. Et avec le métro, les démé- la troisième avenue — IIIII IIIII IIIII IMAGINE éducation nagements Montréal-Laval sont devenus plus fréquents que l’inverse », souligne une enseignante, qui travaille en classe d’accueil à [...], et qui a préféré conserver l’anonymat. Selon des chiffres du ministère de l’Immigration du Québec, entre 1998 et 2007, 21 000 nouveaux arrivants ont posé leurs valises à Laval. « Pas nécessairement des gens qui débarquent au pays : il y a aussi un exode vers la banlieue d’immigrés installés REVUE DE PRESSE - PAGE 5 melting-pot à Montréal depuis quelques années », explique le porte-parole Claude Fradette. Ils sont d’origine roumaine, libanaise, marocaine, algérienne, haïtienne. « Il y a beaucoup de jeunes familles : le quart d’entre eux ont moins de 14 ans », souligne M. Fradette. Environ 15 % de ces Lavallois d’adoption ont le statut de réfugié. La majorité des enfants sont scolarisés et leurs parents gagnent généralement de bons salaires, note Claude Fradette. L’école [...] reflète cette nouvelle réalité et ressemble donc beaucoup à certaines écoles de Montréal. « Quand je dis à des gens de Montréal que je travaille à Laval, les gens disent: « Ah, une belle petite école tranquille. » Mais non ! C’est comme à Montréal dans certains quartiers difficiles », raconte notre enseignante. Et c’est d’autant plus difficile que la Commission scolaire de Laval ne semble pas avoir pris acte de ce changement. « Chaque année, on commence avec cinq ou six classes d’accueil et on augmente à une douzaine en cours de route. Chaque année, on commence au minimum et il faut réinventer la roue », dit une autre enseignante de [...], qui travaille elle aussi en classe d’accueil depuis des années. Il y a quelques années, la Commission scolaire a même songé à fermer toutes les classes d’accueil. On voulait intégrer les enfants au secteur ordinaire en ajoutant un volet francisation. Une aberration, disent les profs. « Il a fallu se battre, monter des dossiers ?. Les enfants qui ne connaissent pas le français seraient un boulet dans les classes régulières », souligne une enseignante. Les enseignants notent également un changement de mentalité chez les immigrés qui s’établissent à Laval. « Il y a 10 ans, nos enfants étaient motivés, ils voulaient apprendre. Le prof était vu comme une figure d’autorité. Aujourd’hui, on a des enfants différents, qui ont un rapport différent avec l’autorité, dit l’une des deux profs. On a beaucoup plus de problèmes de discipline. » Une école sous tension Un vent sec et glacial souffle en cet aprèsmidi de février 2010. Ce jour-là, le terrain de l’école secondaire [...] a l’air d’un champ de bataille. Environ 200 élèves et des dizaines de policiers de l’escouade anti-émeute, matraques à la main, se font face. Quelques policiers sont atteints par des morceaux de glace et des pierres. Les élèves interrogés ce jour-là sont unanimes : un conflit entre Québécois de souche et jeunes d’origine arabe est à l’origine de cette escalade de violence. « La tension monte, il va y avoir de la grosse marde dans les prochaines semaines », prévient l’un d’eux. Les choses n’ont finalement pas dégénéré entre les murs de la polyvalente de [...], mouton noir de la Commission scolaire. S’ils entendent fréquemment résonner toutes sortes de rumeurs dans les corridors, deux enseignants de l’école [...] sont convaincus qu’aucune guerre raciale ouverte ne fait rage. « Nos jeunes sont très bons pour partir des affaires. Une simple dispute au sujet d’une fille peut se transformer en affrontement ethnique », croit Julie Bossé, qui enseigne les mathématiques. « L’affrontement avec les policiers était un jeu, pour eux », enchaîne son collègue, qui préfère garder l’anonymat. Les élèves ont avant tout un problème avec l’autorité, et d’abord avec les policiers, ajoute-t-il. Malgré ce dérapage, les deux enseignants brossent un portrait positif de leur école. « Les élèves de [...] sont d’ordinaire très respectueux », souligne Mme Bossé. Mais l’établissement du boulevard [...] traîne sa mauvaise réputation comme un boulet. Plusieurs élèves et enseignants l’évitent d’ailleurs comme la peste. « Il y a un nuage au-dessus de l’école depuis au moins 10 ans », reconnaît Julie Bossé. Pour les deux profs, le plus grave problème des élèves de [...] ne se trouve pas dans la cour d’école ou dans les corridors, mais bien dans les salles de classe. « Nos élèves sont extrêmement faibles en général », résume Julie Bossé. Dans son palmarès annuel publié par le magazine L’actualité, l’école [...] était classée au 423e rang provincial sur 477 en 2008. « En fait, notre plus grande difficulté, c’est la langue. Pour au moins 50 % de la clientèle, le français n’est pas la langue maternelle, ni même la deuxième ou la troisième langue, dit l’autre enseignant. On observe alors qu’il n’y a pas de bagage culturel commun. Pour une élève afghane qui ne sait pas lire ou écrire en français, les fables de La Fontaine ne veulent pas dire grand-chose. » Au lendemain de cette mini-émeute, la direction de l’école avait demandé aux profs de resserrer l’étau autour des élèves. « Les jeunes ont l’impression qu’ils sont capables de faire la loi à l’école. Honnêtement, ça fonctionne un peu », constate Mme Bossé. la troisième avenue — IIIII IIIII IIIII IMAGINE éducation REVUE DE PRESSE - PAGE 6 Revue de presse La pauvreté au détour Les jeunes et les écoles publiques de chaque corridor Caroline Touzin La Presse, 25 janvier 2009 [...] est l’école secondaire de l’autre « Bronx » de [...]. Le genre d’école où des élèves disent tout haut devant la classe qu’ils veulent devenir proxénètes. Où des parents n’ont plus d’argent pour l’épicerie après avoir payé l’uniforme scolaire. Où des ados fraîchement débarqués d’Haïti ne savent même pas comment tenir un crayon. Et où, malgré tout, les enseignants ont [...] tatoué sur le coeur. Hier, La Presse vous a décrit le quotidien des enfants du quartier; voici aujourd’hui ce qui leur arrive à l’adolescence. La rencontre de remise des bulletins est commencée. On est en début d’année scolaire à l’école secondaire [...]. Au beau milieu du gymnase, une mère éclate en sanglots devant la directrice, Sylvie Beaupré. Les regards de dizaines de parents sont soudainement tournés vers les deux femmes. « Dix dollars, c’est trop cher », explique péniblement la mère de deux ados. Dix dollars par mois, c’est ce qu’on demande aux élèves démunis contre un repas chaud tous les midis à la cafétéria. Pour la maman, cette somme dérisoire est la goutte qui fait déborder le vase. Elle a fait d’énormes sacrifices pour payer l’uniforme de ses deux ados (environ 120 $ par enfant). Elle n’a plus d’argent pour les nourrir. « J’ai passé toute ma carrière en milieu défavorisé, mais on ne peut pas devenir insensible à des scènes comme celle-là », raconte la directrice de cette école secondaire publique de [...]. La pauvreté n’est pas subtile, ici. Elle vous saute au visage au détour de chaque corridor. L’uniforme, obligatoire depuis deux ans, ne masque pas le problème. Un élève est expulsé de sa classe parce qu’il n’a pas son polo réglementaire. Il est gêné d’expliquer au surveillant qu’il en a seulement deux. Les deux sont au lavage. « Je connais des gens qui Photo : La Presse portent le polo de l’école la fin de semaine. Ils n’ont pas d’autre linge », souligne un élève. L’adolescent en est à sa première année à [...]. Il arrive d’une école privée. Le choc est grand. « J’ai donné Dans le gymnase au plancher usé, les 12 beaucoup de nourriture à la guignolée. Je joueurs de basket de [...] n’ont pas l’air sais que ça va servir à des élèves de ma de former une équipe. Le premier match classe », ajoute-t-il. à domicile de la saison est sur le point de commencer, et plusieurs ne se sont même Dans chaque conversation à l’apparence pas encore changés. Les jeunes Noirs de anodine, on sent à quel point des jeunes 13-14 ans n’écoutent pas leur entraîneur. en arrachent. Comme dans cette classe Ils ont les yeux rivés sur leurs adversaires. réservée aux élèves aux prises avec Certains ont l’air terrorisé. Et il y a de quoi. des problèmes de langage. Que voulezvous faire plus tard ? leur demande-t- Les joueurs de l’équipe des visiteurs, l’école on. « Pimp », répond Louis. La classe de [...], viennent de faire leur entrée dans le 18 élèves rigole. L’enseignant, Denis gymnase, gonflés à bloc. Ils sont plus Nadeau, ne rit pas. costauds et plus forts. Ils ont une routine d’échauffement et un cri de ralliement. Ses élèves n’obtiendront jamais leur L’équipe de [...] n’a rien de tout ça. Elle diplôme d’études secondaires. Au mieux, ils n’a même pas suffisamment de dossards termineront une formation pour se trouver de la même couleur. Ceux de [...] ont un un métier semi-spécialisé. « Moi je veux être bel uniforme blanc. Ceux de [...], de vieux médecin. Si un membre de ma famille est dossards troués. Des bleus et des verts. malade, je pourrai le soigner gratuitement », « Ouache, il pue. Je ne veux pas jouer avec articule difficilement Justin. ça », s’exclame un joueur en enfilant le sien. L’adolescent a 10 frères et soeurs. Les parents de Justin, comme plusieurs immigrés, ont de grands rêves pour leurs enfants. Et refusent parfois de voir leurs limites. « On a des jeunes de 16 ans avec une scolarité de première secondaire, mais leurs parents continuent de croire qu’ils vont devenir médecins. C’est très difficile de valoriser la formation professionnelle », explique la conseillère pédagogique Lucille Buist. la troisième avenue — IIIII IIIII IIIII IMAGINE éducation On se croirait dans le film de Walt Disney Mighty Ducks. Une équipe sportive partie de loin, de très loin se frotte à un adversaire plus imposant, plus riche, plus agressif. Plus TOUT. Plusieurs joueurs de [...] n’ont pas mangé avant le match. Et ils ne se sont pas apporté de bouteille d’eau. Ils n’ont pas écouté les conseils de leur entraîneur, qui est aussi le REVUE DE PRESSE - PAGE 7 responsable des loisirs de l’école, Marco Trottier. Rien d’étonnant, dit ce dernier. « Au début de l’année, j’ai des joueurs qui arrivent avec des vieux Converse aux pieds. Je dois faire des ententes de paiement avec eux pour qu’ils arrivent à payer l’inscription de 90 $ », raconte-t-il. Le match commence. Il est 17 h 30. L’équipe de [...] prend l’avance. Même s’ils communiquent moins sur le terrain, les jeunes ont des années de pratique dans les parcs de Montréal-Nord derrière le dossard. Et cela paraît. Un joueur qui ne mesure pas cinq pieds fait un panier de la lointaine ligne de trois points. Un autre, connu pour ses graves problèmes de comportement en classe, fait une superbe passe. « Wow, avezvous vu ça ? demande le coach aux jeunes restés sur le banc. Il a passé le ballon. C’est ça qu’il faut faire. » Quelques spectateurs au look hip-hop, âgés dans la vingtaine, se tiennent debout, le long des murs du gymnase. Ils n’ont pas le choix. Il n’y a pas de gradins dans ce complexe sportif, qui aurait bien besoin de rénovations. Ils encouragent bruyamment [...]. « Les grands frères et les amis sont souvent là. Les parents, eux, ne viennent jamais », ajoute l’entraîneur. Il n’y a pas qu’au basket que les parents brillent par leur absence. L’école a énormément de difficultés à les rejoindre. Même quand il est question des absences répétées de leur enfant. Un fléau, ici, de l’aveu même de la direction. Mme Beaupré a donc invité par lettre les parents des 1400 élèves à une conférence sur la motivation scolaire, en plus de les relancer au téléphone. Résultat : 25 parents se sont déplacés. Et impossible de tenir une réunion au tout début du mois. Avec un chèque d’aide sociale dans les poches, les parents ont autre chose à faire que de venir à l’école. Le président du conseil d’établissement, André Morin, a déjà vu des assemblées générales où ils étaient sept ou huit parents. Aux grands maux, les grands remèdes. Cet hiver, l’école fera venir d’Haïti un conteur-vedette là-bas, Tonton Bicha, pour faire passer des messages de base aux parents. Des messages qui semblent pourtant aller de soi du genre : un jeune a besoin d’encouragement. Les rares parents impliqués ont un enfant inscrit au programme omnisports de l’école, le projet Ose. C’est le cas de M. Morin, du conseil d’établissement, dont les quatre filles ont étudié à [...]. Les élèves qui participent à Ose sont la crème de l’école. Ils ont réussi une épreuve d’habileté physique et n’ont pas de difficultés scolaires, grâce à quoi ils ont droit à davantage de périodes d’éducation physique. Or, le projet n’est pas très populaire. « Les jeunes d’un quartier défavorisé comme ici auraient intérêt à bouger plus. Malheureusement, on en attire de moins en moins », se désole un prof d’éducation physique, Sandy Fournier. Tatoués [ le nom de l’école ] Être enseignant à [...], c’est devoir expliquer à des élèves de cinquième secondaire le chemin pour se rendre au métro Berri-UQAM lors d’une sortie de classe au centre-ville. « Certains ont 17 ans et ne sont jamais sortis de Montréal-Nord », dit Michel Thouin, prof de français. C’est aussi faire le tour de son quartier avec son cutter pour décrocher les pancartes électorales au lendemain d’un scrutin, comme le professeur de sciences, Benoît Lalande. Son radar de prof dans une école publique y voit du matériel gratuit pour des activités scientifiques. Les profs ont [ le nom de l’école ] tatoué sur le coeur, comme ils disent. Jérôme Vanier y enseigne l’anglais depuis 30 ans. Mais ce qui l’allume le plus, ce sont les deux midis par semaine qu’il passe à enseigner bénévolement la guitare dans l’auditorium de l’école. L’un avec des débutants à qui il prête des guitares bas de gamme pour répéter à la maison. L’autre avec un orchestre, des élèves plus âgés passionnés de musique. Ce midi-là, le groupe répète du Rancid, du Linkin Park et du Ariane Moffatt. « L’ouverture d’esprit n’est pas une fracture du crâne », chante une adolescente noire. Un jeune Libanais l’accompagne au piano. « C’est mon prodige », dit le prof d’anglais en montrant le frêle adolescent. « J’ai rarement vu un talent comme ça en 30 ans d’enseignement. » Ce prodige n’a jamais pris de cours de musique. Il ne sait pas lire une partition. Mais il peut jouer n’importe quelle chan- son au piano après l’avoir entendue une fois. L’ado vient d’une famille nombreuse. Et comme plusieurs autres élèves de [...], il a vu la guerre de près. Il était au Liban quand le conflit a éclaté à l’été 2006. « J’ai cru que j’allais mourir », raconte le garçon au regard vif. M. Vanier tentera de convaincre ses parents de lui payer des cours. Sans se faire d’illusion. La priorité des nouveaux arrivants, c’est de payer le loyer et l’épicerie. Pas des cours de piano. L’enseignant d’anglais n’échangerait pas sa place avec quiconque. « Je n’irais pas au privé. C’est une classe de jeunes privilégiés avec des attentes très liées au capitalisme. Ici, papa et maman ne sont pas souvent derrière leur jeune, mais les enfants ont beaucoup de gratitude. » Mauvaise note de 10 sur 10 [...] est dans le lot des 200 écoles secondaires en milieu défavorisé financées par le ministère de l’Éducation avec le programme Agir autrement. Elle a obtenu l’indice de pauvreté le plus élevé : 10 sur 10. La bonne nouvelle ? Cette mauvaise note s’accompagne de ressources supplémentaires. Il y a un éducateur spécialisé pour chaque niveau. Un travailleur social du CLSC à temps plein dans l’école. Une travailleuse communautaire chaque midi pour faire de l’animation dans un local réservé aux élèves de première secondaire. Chaque jour, trois enseignants de l’école – c’est chacun leur tour – restent une heure de plus pour donner un coup de main aux élèves dans leurs devoirs. Pour motiver les jeunes à venir chercher de l’aide, chaque présence leur donne des points échangeables contre des sorties gratuites (La Ronde, par exemple). Une collation santé leur est servie. Et malgré toutes ces « conditions gagnantes », le programme n’attire vraiment pas beaucoup de jeunes. Qu’à cela ne tienne, la direction et le personnel de [...] ne se découragent pas. Ils en ont vu d’autres. L’équipe de basket benjamin garçon, aussi. Comme dans le film de Walt Disney Mighty Ducks, c’est l’équipe partie de loin, de très loin, qui a remporté la victoire au basket. Score : 74 contre 52 en faveur de [...]. Le nom des écoles de même que les informations permettant de les reconnaître ont été remplacés par [...] pour éviter l’identification des élèves qui les fréquentent. la troisième avenue — IIIII IIIII IIIII IMAGINE éducation REVUE DE PRESSE - PAGE 8