Les bâtiments La rue du Fouarre
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Les bâtiments La rue du Fouarre
Les bâtiments La rue du Fouarre La Faculté de Médecine de Paris a nommé son premier doyen en 1267, c'était le plus âgé des docteurs. A partir de 1338, le doyen sera élu pour une année renouvelable. Le premier fut Hugues du Sage. La Faculté ne possédant pas encore de local propre, les étudiants se réunissaient dans la maison du maître ou dans une maison de la rue des Escholiers, appelée ensuite rue du Fouarre au XIVe siècle et Fouarre au XVIe siècle, ce nom venant des balles de paille sur lesquelles s'asseyaient les élèves. Afin d'empêcher les écoliers d'y déposer des ordures et de venir s'ébattre avec des filles de joie, en 1358 la rue fut fermée le soir par deux portes de bois. Quatre ans plus tard, le roi Jean donna du bois de sa forêt de Bièvres pour les refaire ! Le 24 mai 1369, la Faculté achète une première maison rue des Rats, aujourd'hui rue de l'Hôtel-Colbert. Un docteur régent, médecin de Charles VII, Jean Despars, offre trois cents écus d'or, une partie de sa bibliothèque et son mobilier à la Faculté pour effectuer les travaux nécessaires et agrandir les locaux. Mais cela ne se réalise pas immédiatement, car la situation politique en cette fin de guerre de Cent Ans empêche toute transaction ; il faut attendre le 20 mars 1469 pour se décider à louer, puis à acheter aux Chartreux une maison faisant l'angle de la rue des rats et de la rue de la Bûcherie, dite de la "Couronne de fer". En 1472, sous le décanat de Guillaume Bazin, commence la construction ; elle semblait terminée en 1477, mais la Faculté de Médecine ne put ouvrir ses portes que le 5 mars 1481, sous le décanat de Mathieu Dolet, car il avait fallu refaire des travaux de consolidation ! La médecine est l'une des quatre Facultés qui composent l'université, les trois autres étant celles de Théologie, de Décret et des Arts. L'enseignement des docteurs régents Tableau de Guillaume de BALLOU (1538-1616) Député de Paris, il est l'un de ceux qui reçoivent Henri IV à Saint-Denis. Docteur régent de la Faculté de Médecine, le Doyen jurait de "faire nos leçons en robes longues à manches, le bonnet carré sur la tête, le rabat au cou, la chausse d'écarlate sur l'épaule. De faire nos leçons sans interruptions ; de les faire nous-mêmes et non par des suppléants, à moins d'urgente et d'absolue nécessité, chacune d'elle pendant une heure au moins, tous les jours de l'année qui ne sont pas fériés par la ville ou par l'université". Portrait du Docteur HAMON par Philippe de CHAMPAIGNE ou par Jean-Baptiste CHAMPAIGNE. CHAMPAIGNE représente Jean HAMON, Docteur de la Faculté de Paris, médecin de l'illustre abbaye janséniste de Port-Royal-des-Champs. "Il vint âgé de trente-trois ans dans la solitude de Port-Royal-des-Champs, pour y vivre inconnu dans le monde ; sur le champ il vendit son patrimoine et en distribua le prix aux pauvres, sans se rien réserver ; d'abord il s'occupa au travail de la campagne et s'employait à d'autres travaux pénibles. Dans la suite, il se trouva obligé de rentrer dans la pratique de la médecine. Il évitait de l'exercer sur des malades de considération et du grand monde" (le nécrologue de l'Abbaye) L'écolier qui se destinait à la médecine devait connaître le latin, le grec, la rhétorique, la métaphysique et pouvoir commenter l'œuvre d'Aristote, le maître incontesté. Alors il se présentait aux examens et recevait le titre de maître ès arts. Après avoir prouvé qu'il était bien baptisé, qualifié de "philiatre", il pouvait suivre les cours des bacheliers. La base des leçons était le commentaire des aphorismes d'Hippocrate, l'étude des "choses naturelles", qui sont l'anatomie et la physiologie, les "choses non naturelles" soit l'hygiène et le régime, et les "choses contre nature", soit la pathologie et la thérapeutique. L'année était divisée en quatre trimestres et l'étudiant devait prendre quatre inscriptions et suivre chaque fois les cours de deux maîtres différents. Pour obtenir le titre de bachelier, il fallait au moins vingt-huit mois d'études et pour être nommé maître ès arts suivre encore trente-six mois de cours. Les examens donnaient lieu à de véritables cérémonies, avec de longs entretiens avec les examinateurs, et se terminaient par des agapes bien arrosées. Le candidat ayant réussi devait jurer d'observer les règles et de ne pas enfreindre les statuts de la Faculté à laquelle il devait éternelle obéissance. Le nouveau docteur devait encore, pendant deux années, exercer gratuitement son art envers les pauvres, soit à l'Hôtel-Dieu soit dans une paroisse de la ville. Basé sur les écrits de la collection hippocratique et sur la théorie humorale de Galien, l'enseignement va se scléroser peu à peu. Mais ne soyons pas trop critique vis-à-vis des maîtres du Moyen Age, ils ont su réaliser la synthèse de la pensée antique, de la doctrine chrétienne et de la science orientale. Ils reprennent les principes de l'Antiquité grecque transmis au travers d'un réseau complexe de traducteurs de langue arabe, qui ajoutent les apports des Ecoles de Bagdad, de Cordoue et du Caire. Ainsi, Albucasis de Cordoue fait la synthèse des techniques grecques et romaines. Son traité de chirurgie, très inspiré des textes de Paul d'Egine, est traduit vers 1550 par Gérard de Crémone et fera ainsi connaître à l'Occident le savoir de la science antique. Les chirurgiens ont su apporter des éléments nouveaux comme l'emploi du fil de soie dans la ligature des artères (opérations réalisée bien avant A. Paré) et le recours à l'anesthésie préconisé par le bolognais Théodoric. Ce dernier se servait d'éponges imprégnées de décoction d'opium, de jusquiame, d'huile de mandragore et de chanvre indien qu'il faisait inhaler au patient avant de l'opérer. Un autre chirurgien, Guy de Chauliac, au XIVe siècle, reprendra les enseignements de Théodoric pour les pansements alcoolisés à base de vin qu'il rend encore plus antiseptiques en y mêlant de la poudre d'encens et de térébenthine lavée. Quant à Henri de Mondeville, il récuse aussi les "suppuratifs" et emploie six siècles avant sa généralisation, le pansement sec. L'historien Ernest Wickersheimer souligne avec force le rôle des chirurgiens du Moyen Age : "La renaissance ne vit s'épanouir dans ce domaine aucune idée particulièrement féconde, la base de la chirurgie est toujours dans les travaux des chirurgiens du XIVe siècle, il n'y a qu'à voir la multiplication des éditions du traité de Guy de Chauliac !" Mais les médecins trop occupés à discourir sur les textes ne font pas cas de ces travaux, ils ont d'autres soucis ! A nouveau leurs locaux se révèlent trop exigus et sous le règne de François 1er on achète la maison dite des "Trois-Roys", puis sous Charles IX, celle à l'enseigne du "Soufflet", enfin sous Henri IV celle "A l'image Sainte Catherine". Le premier théâtre anatomique Ces agrandissements successifs permettent l'aménagement d'un jardin botanique sur place, évitant aux élèves de se rendre dans la plaine de Gentilly pour faire pousser et étudier les herbes médicales. En 1604, les médecins font construire leur premier théâtre anatomique, en bois couvert de plomb mais bien mal construit et pillé - certains étudiants avaient récupéré des morceaux de la toiture - si bien qu'il n'était plus protégé contre les intempéries ! Alors l'amphithéâtre, dit de Riolan en souvenir du médecin de Marie de Médicis, est mise en chantier en 1617 et inauguré le 20 décembre 1620. A la fin du XVIe siècle, après quelques réparations, la Faculté disposait de deux salles : la salle des actes située au rez-de-chaussée constituant les Écoles inférieures et la salle des Assemblées au premier étage ou Écoles Supérieures. C'est dans la salle des Actes très bien éclairée par de hautes par de hautes fenêtres ouvrant sur le jardin botanique que se donnaient les cours et se soutenaient les examens. Les docteurs ne pouvaient y pénétrer qu'en robe longue à manches, coiffés du bonnet carré, revêtus de l'épitoge écarlate et du rabat. C'est là aussi que le futur docteur devait prêter serment. Au-dessus, la salle des Assemblées était strictement réservée aux licenciés et aux docteurs. A côté se trouvait la chapelle. Sur les boiseries sculptées décorant les murs étaient suspendues des tapisseries et les portraits des doyens ou docteurs régents. Une mention dans les "Commentaires de la Faculté de Médecine" fait état de l'achat en 1511 de 24 tableaux dont certains figurent encore dans les collections du Musée. Ainsi se maintenait la Faculté de médecine, grâce aux dons de ses propres médecins car, comme le note avec mélancolie Jean Riolan : "En 1651, notre Exchole a été fondée et entretenue aux dépens des médecins particuliers qui ont contribué pour la bastir ; elle n'a pas eu pour fondateurs ny les rois de France, la ville de Paris, desquels elle n'a jamais reçu aucune gratification en argent pour la bastir, doter et entretenir". L'amphithéâtre de Winslow Vue de l'église Notre-Dame et de l'Hôtel-Dieu de Paris Ancien amphihtéâtre Winslow, rue de la Bûcherie Il est vrai que la Faculté de Médecine n'avait pas de budget propre et que les dépenses prises sur les droits de scolarité et des examens étaient parfois très lourdes. Les doyens devaient y faire face, ils étaient responsables sur leurs biens de leurs dettes, même de celles de leurs prédécesseurs. Aussi, comment entreprendre de vastes travaux ? il fallait beaucoup de courage et de vanité pour le faire, comme ce fut le cas en 1741. Au fil du temps, l'amphithéâtre, construit 124 ans plus tôt, menaçant ruine, il fallut songer à le remplacer. Le nouvel édifice fut nommé "Winslow", du nom du célèbre anatomiste danois, docteur régent, professeur à la faculté de Médecine et au jardin du Roi. Il servira jusqu'à la veille de la Révolution et c'est celui qui subsiste encore de nos jours près de la place Maubert. L'architecte Barbier de Blignière l'avait voulu de forme ronde terminé par une coupole, d'un diamètre de dix mètres, le pourtour garni de gradins pour les étudiants. Huit colonnes doriques soutenaient une corniche sur laquelle était un balcon. L'inauguration eut lieu le 18 février 1745. Mais en 1775, les Ecoles étaient devenues inhabitables, l'humidité due à de fortes crues de la Seine ayant fortement envahi les murs. Que faire ? La décision est prise de s'installer dans les locaux de la rue Jean-de-Beauvais, rendus libres par les juristes qui se transportaient dans le majestueux édifice élevé par Soufflot place Sainte-Geneviève. Le jour de la Saint-Luc, patron des médecins, le 18 octobre 1775, la Faculté abandonne la rue de la Bûcherie. Toutefois, les démonstrations anatomiques ont toujours lieu dans l'amphithéâtre. Au fil des siècles, l'enseignement a peu changé. Assuré au XVIéme siècle par deux professeurs, l'un pour les "choses naturelles", le second pour les "choses non naturelles", il s'y ajoute, en 1634, un cours de chirurgie donné par Antoine Charpentier en latin ; en 1646, François Blonde occupe la chaire de Botanique, mais en 1651, la Faculté n'a pas de quoi payer ses quatre professeurs. C'est l'université qui accorde, sur ses fonds, une rente pour rémunérer les enseignants ! En 1753, l'enseignement est confié à six professeurs. Les cours sont les suivants : pathologie, physiologie, matière médicale, chirurgie latine, chirurgie française (à l'usage des chirurgiens) et pharmacie. On y ajoutera une chaire d'accouchement. les cours d'anatomie se font toujours en hiver ; le professeur n'a pas besoin d'être habile anatomiste, il parle du haut de sa chaire et laisse le soin à un barbier-chirurgien de disséquer. Ancien amphitéâtre de l'Académie de chirurgie, rue de l'Ecole de médecine, par Pierre DESBOIS Suppression de la Faculté La révolution supprime par décret du 18 août 1792 la faculté de Médecine sise rue de Beauvais : disons d'ailleurs qu'elle était déjà moribonde, vivant sur un prestige passé, d'un esprit rétrograde, toujours en lutte contre les chirurgiens. Elle n'avait pas décerné de titre de docteur depuis 1786, mais des thèses sont soutenues jusqu'en 1793. Le Triomphe de la mort