Travail de Fin d`Études
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Travail de Fin d`Études
Travail de Fin d’Études : La prise en charge des familles en Réanimation... Naomi Riou 16 mai 2014 Sous la direction de : Madame Patricia Perret Promotion 2011-2014 IFSI J.LEPERCQ 42 Bis rue du Professeur Grignard 69007 Lyon Travail de Fin d’Études : UE 3.4 : Initiation à la démarche de recherche UE 5.6 : Analyse de la qualité et traitements des données scientifiques et professionnelles La prise en charge des familles en Réanimation... Naomi Riou 16 mai 2014 Sous la direction de : Madame Patricia Perret Promotion 2011-2014 IFSI J.LEPERCQ 42 Bis rue du Professeur Grignard 69007 Lyon « Tout homme bien portant est un malade qui s'ignore ». Docteur Claude Bernard dans Knock, pièce de théâtre de Jules Romains Remerciements Je souhaite tout d'abord remercier ma directrice de recherche mais également référente pédagogique Patricia Perret pour sa disponibilité et son soutien à l'élaboration de ce travail de fin d'études et lors de cette troisième et dernière année. Je remercie aussi toute l'équipe pédagogique de l'IFSI J.LEPERCQ ainsi que Laurence Auray pour son temps et sa précieuse aide. Je souhaite également remercier l'équipe de Sainte Philomène de l'Hôpital de Fourvière avec qui j'ai travaillé, qui m'a soutenue lors de mes examens, concours et mémoire. Ils m'ont fait confiance et j'ai ainsi pu grandir professionnellement. Je remercie tous les services et professionnels qui m'ont ouvert leurs portes et ont partagé leur expérience pour m'aider dans ce travail. Merci à mes amis de promotion, ou d'ailleurs, ainsi que ma famille pour m'avoir encouragé et pour avoir cru en moi durant ces trois années. Enfin, je souhaite remercier la bonne étoile de mon père qui l'a fait rester auprès de moi et qui m'a fait prendre conscience de l'aide dont on a besoin lorsque l'on se retrouve de l'autre côté de la barrière. Sans toi, je ne serais pas là où je suis aujourd'hui. Merci. 1 Sommaire Remerciements.........................................................................................................................p.1 Introduction..............................................................................................................................p.3 1 ) Situation de départ............................................................................................................. p.4 2 )Phase pré-exploratoire........................................................................................................ p.8 2.1 ) Synthèse de la phase pré exploratoire.......................................................................p.14 3 ) Cadre Conceptuel..............................................................................................................p.15 3.1 ) La Réanimation..........................................................................................................p.15 3.1.1 ) Le service de réanimation.....................................................................................p.15 3.1.2 ) L’infirmier de réanimation....................................................................................p.16 3.2 ) La relation d'aide........................................................................................................p.16 3.2.1 ) La relation d'aide thérapeutique avec les patients et la famille............................p.16 3.2.2 ) Les limites de la relation d'aide............................................................................p.17 3.3 ) La place de la famille dans le soin.............................................................................p.18 3.3.1 ) La famille..............................................................................................................p.18 3.3.2 ) La place de la famille dans un service de réanimation.........................................p.18 3.4 ) L'accompagnement de la famille...............................................................................p.19 3.4.1 ) L'accompagnement de la famille en fin de vie.....................................................p.19 3.4.2 ) L'accompagnement de la fin de vie en réanimation..............................................p.20 3.5 ) La communication.....................................................................................................p.21 3.5.1 ) La communication avec les proches en réanimation............................................p.21 3.5.2 ) La communication dans le cadre de l'urgence......................................................p.23 4 ) Objectifs de recherche......................................................................................................p.24 5 ) L'enquête de terrain...........................................................................................................p.25 5.1 ) L'outil de recherche....................................................................................................p.25 5.2 ) Le choix des infirmiers..............................................................................................p.25 5.3 ) Le déroulement des entretiens...................................................................................p.26 6 ) Analyse corrélative...........................................................................................................p.27 6.1 ) Comparaisons des réponses.......................................................................................p.27 6.2 ) Confrontation des entretiens avec les recherches......................................................p.31 6.2.1) Les moyens mis à disposition dans le service......................................................p.31 6.2.1.1 ) Les moyens à disposition pour les familles....................................................p.31 6.2.1.2 ) Les ressources auxquelles font appel les infirmiers.......................................p.32 6.2.2 ) Les difficultés rencontrées par les infirmiers......................................................p.33 6.2.3 ) Les familles et leur accompagnement dans le service de réanimation...............p.34 6.2.3.1 ) L' accompagnement des familles...................................................................p.34 6.2.3.2 ) L'attitude des infirmiers et leurs compétences …..........................................p.35 7) Synthèse de l'analyse.........................................................................................................p.38 Conclusion.............................................................................................................................p.40 Bibliographie.........................................................................................................................p.41 Annexes.................................................................................................................................p.43 2 Introduction Après une situation vécue lors d'un de mes stages en deuxième année en soins intensifs, j'ai décidé d'éclairer ma vision sur ce que j'avais trouvé manquant. En effet, lors de l'hospitalisation d'un patient dans le coma suite à un arrêt cardio-respiratoire, j'avais eu très peu de liens avec sa famille qui se déchirait sous mes yeux. J'ai donc décidé de rechercher quel aurait été un accompagnement adéquat pour ces proches dans cette situation brutale. J'ai souhaité me cibler sur un service de réanimation, dont ce patient faisait partie en premier lieu. Je vais donc dans un premier temps, détailler cet événement si particulier qui m'a frappé. Puis, faire des recherches en lien avec le sujet de l'accompagnement de la famille. Ensuite, des concepts seront mis en évidence après cette phase d'exploration pour ainsi énoncer des objectifs de recherche. Par la suite, je vais effectuer une enquête de terrain auprès d'infirmiers exerçant en réanimation afin d'apporter des éléments nouveaux. Enfin, je vais donc pouvoir faire émerger une analyse corrélative entre mes recherches et mon enquête. Je pourrai faire une synthèse de ce que j'ai pu retenir pour me questionner de nouveau sur un thème sous-jacent et d'élaborer une hypothèse de résolution. 3 1) Situation de départ Lors de ma deuxième année, j'étais en stage pendant cinq semaines dans une Unité de Soins Intensifs Cardiologiques. Les pathologies les plus récurrentes du service sont l' Infarctus du myocarde, l’œdème Aigu Pulmonaire et l'arrêt cardio-respiratoire. A leur arrivée, les patients sont généralement envoyés en urgence en salle de coronarographie pour subir une angioplastie par ballonet ou stent. Le motif principal de cet examen est le Syndrome Coronarien Aigu avec sus décalage du segment ST qui est l'obstruction complète d'une artère coronaire par un thrombus, formé par l'athérosclérose. Cette obstruction complète est une urgence cardiologique car elle peut entraîner une nécrose irréversible du myocarde (infarctus) et ainsi conduire à la mort. La coronarographie permet de déterminer la présence ou l'absence d'une maladie coronaire essentiellement obstructive et ainsi d'agir en conséquence. Je me suis intéressée au cas de M. Bertrand1 âgé de 53 ans, kinésithérapeute de profession, arrivé dans le service par le Samu pour arrêt cardio-respiratoire. Il avait pour seul antécédent le tabagisme actif. Il était marié et avait quatre enfants d'un premier mariage. La relation entre belle-mère et enfants ne se passait pas toujours bien. Il a arrêté de respirer devant son associé et ce dernier l'a massé immédiatement après avoir appelé le Samu. Il a continué le massage pendant quelques minutes jusqu'à ce que M. Bertand réussisse à faire à nouveau des mouvements respiratoires. En réalité, il s'agissait de gasps. Les gasps sont des mouvements respiratoires qui traduisent une souffrance cérébrale dus au manque d'oxygène. Ils sont présents dans 40 % des arrêts cardiaques 2 venant de se produire et sont très souvent confondus avec une reprise de la respiration. Lorsque le Samu est arrivé, il présentait une cyanose faciale et une mydriase arréactive. Les médecins ont diagnostiqué un arrêt cardio-respiratoire d'origine cardiovasculaire et l'ont adressé à l'Unité de Soins Intensifs Cardiologiques. Arrivé dans le service, il a subi une coronarographie avec deux poses de stents et a été mis sous protocole hypothermique pendant 24h. Ce protocole sert à mettre au repos les fonctions neurologiques afin de les préserver en abaissant la température du corps entre 32 et 34 °C. Ceci permet de diminuer les dépenses énergétiques, la consommation d’oxygène et la production de CO2 de tous les organes. Ses équipements étaient nombreux :Voie Veineuse Centrale, cathéter artériel, sonde à demeure, sonde naso-gastrique, intubation oro-trachéale avec ventilation contrôlée... Je n'avais jamais connu de service où le patient était autant 1 Nom d'emprunt 2 Source: http://www.fedecardio.org/1vie3gestes/ 4 surveillé et « branché ». Il était ce que l'on peut appeler « un patient de réanimation ». Six jours après son arrivée, la levée du protocole hypothermique et des sédations a entraîné des myoclonies. Ces mouvements musculaires sont involontaires et ressemblent à des convulsions. M. Bertrand était pyrétique à cause d'une pneumopathie de ventilation et était traité par antibiotiques. Il était stable au niveau hémodynamique. Le problème principal était neurologique car le premier électro-encéphalogramme présentait un aspect de coma profond arréactif et un indice sur le score de l'échelle de coma de Glasgow de 3 sur 15 (voir annexe I). Un indice égal à 3 est le score le plus bas et correspond à une mort cérébrale mais le pronostic de la personne ne peut se baser uniquement sur ce résultat. Puis, il a eu son deuxième électro-encéphalogramme qui a présenté une activité d'aspect péjoratif et une réactivité nulle à tous les modes de stimulation tels que l'appel de son nom, flash de lumières ou encore des bruits... Le diagnostic de coma a été confirmé à l'aide de deux électro-encéphalogrammes dits « plats ». En fin de journée, il commençait à se déstabiliser sur le plan tensionnel, il avait une tension artérielle de 85/42. La famille de M. Bertrand était très présente. Sa femme venait à chaque créneau de visite alors que ce service de soins intensifs avait des horaires de visite restreints et n'autorisait que deux personnes par chambre. Ses quatre fils d'une vingtaine d'années venaient aussi tour à tour. Le plus âgé n'avait pas parlé à son père depuis un an après une dispute et ressentait énormément de culpabilité, il était à l'étranger et était rentré dès l'annonce de l'accident de son père. Deux fils étaient tristes, un autre était énervé et tapait contre les murs... La femme nous disait qu'il fallait à tout prix sauver son mari car il avait lui, sauvé des vies. Les quatre fils et la belle-mère ne s'entendaient pas et cela n'arrangeait pas la cohabitation lors des visites. Je n'ai pas réussi à trouver ma place dans cette situation car même pour l'équipe la prise en charge était difficile : il fallait sans cesse répéter qu'il devait y avoir seulement deux personnes dans la chambre. Le discours de l'épouse m'a oppressée, je réfléchissais à mes actes et soins davantage que pour d'autres patients. S'ils me posaient des questions sur l'évolution de M. Bertrand, je les dirigeais vers l'infirmier ou le médecin. Je n'osais pas répondre au risque de me tromper. C'est la première fois lors d'un stage où je me suis identifiée à un patient et sa famille, car non seulement le patient était issu d'une profession paramédicale, mais ses enfants avaient mon âge et M.Bertrand avait celui de mes parents. C'est cet aspect d'une personne dans le coma qui m'a interpellé : sa famille. Lorsque l'on s'occupe d'une personne inconsciente, nous ne devons pas oublier qu'il a eu une vie, avec des proches, une famille. Et qu'eux aussi ont la nécessité d'être « pris en charge » après une 5 annonce si brutale du pronostic engagé de leur proche. A l'âge de M. Bertrand, aucune personne de son entourage n'était préparée à son arrêt cardio-respiratoire. Ce fut un foudroiement dans la famille. Le lendemain, un entretien s'est réalisé avec la cadre du service et un médecin cardiologue pour aborder la question de limitation thérapeutique. Ils n'ont pas cherché à s'acharner. Les procédures concernant les limitations thérapeutiques sont discutées en amont en équipe pluridisciplinaire : médecins réanimateurs et cardiologues, internes, oncologues, cadre de santé, infirmie(è)r(e)s, aide-soignant(e)s, infirmier technique peuvent donner leur avis sur la question. Ensuite, la famille est informée des prises de décision de l'équipe et choisissent en général de se mettre en accord avec elle. Enfin, les objectifs de la décision de limitation et arrêt des thérapeutiques doivent être atteints. Cela consiste à avoir une approche organisée, humaine et technique tout en respectant les choix du patient, s'il en a exprimé, et de sa famille. Les traitements peuvent être interrompus ou adaptés mais les soins, comme ceux de conforts ou afin d' atténuer la douleur par exemple, sont toujours maintenus. Pour la plupart des patients, le consensus entre équipe et famille est obtenu. Si ce n'est pas le cas, une réunion de négociation est organisée afin de convaincre la famille que la décision est prise dans l'intérêt du patient et qu'aucune chance de survie n'est possible. Les entretiens avec la famille sont réalisés à leur demande ou lors de changements significatifs de l'état du patient. Suite à la limitation thérapeutique de M.Bertrand, les traitements médicamenteux ont été arrêtés et M.Bertrand est décédé pendant la nuit. L'équipe présente a rapporté l'attitude de la famille durant ce moment difficile. Elle s'est énervée dans le couloir puis est partie après le décès sans en informer le personnel. 6 Constats et problématiques soulevés par cette situation : – Les difficultés de communication entre les soignants et la famille (horaires de visites, restriction des visiteurs...). – La place à tenir en tant qu'infirmier dans une situation où une famille est déchirée par une annonce brutale. – L'identification de l'infirmier à la situation du patient et/ou de la famille. Je me pose donc de nombreuses questions : – Quel est le comportement à avoir, les mots qui doivent-être utilisés par un infirmier ? – Existe-t-il réellement une conduite à tenir de la part d'un infirmier dans ces situations ? – Des aides/outils sont-ils présents dans les services pour aiguiller l'infirmier ? – A quelles difficultés se heurtent-les infirmiers ? Je peux ainsi établir une question profane : Quel est le rôle de l'infirmier auprès de ces familles qui viennent d'apprendre que le pronostic vital de leur proche est engagé ? 7 2 ) Phase pré-exploratoire En arrivant dans l'univers de la réanimation et des soins intensifs, j'ai pu renforcer mes connaissances sur la prise en charge d'un patient inconscient : soins d'hygiène, pathologies, traitements, législation, avec un service sans cesse rythmé de sonneries et bips vitaux. J'ai rencontré mes premiers patients dans le coma et forcément avec eux une famille souvent brisée par la tragédie d'un récent accident. Étant stagiaire, j'étais fixée sur mes objectifs de stages techniques. Pourtant j'avais oublié l'aspect familial du patient. Je n'avais pas encore réalisé que je m'occupais d'une personne à part entière avec une famille, un métier, des souvenirs, un passé plutôt que d'un être fait de chair raccordée à une multitude de machines. De très nombreux soins étaient effectués et peu de temps était consacré aux visites des familles : les horaires étaient limités. Les familles rencontraient la cadre de santé principalement pour être informées des décisions des réunions pluridisciplinaires. Je n'ai pas été présente lors des entretiens concernant M. Bertrand et je n'ai eu donc aucune notion de l'accompagnement des familles et de l'annonce d'une limitation thérapeutique. Bien sûr, lors de l'hospitalisation, la famille a dû bénéficier d'une prise en charge spécifique mais elle n'était pas évidente. On parle souvent des soins palliatifs pour accompagner le patient et sa famille dans la fin de vie, mais on oublie qu'il n'y a pas que dans ces lieux que l'on décède. C'est pourquoi je souhaite m'interroger et rechercher comment sont et pourraient être prises en charge les familles des patients en soins intensifs. La loi n°2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, J.O.R.F. n°95 du 23 avril 2005, évoque : « Le médecin doit accompagner le mourant jusqu'à ses derniers moments, assurer par des soins et des mesures appropriés la qualité d'une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage ». " Réconforter son entourage" est ce que je veux approfondir, pourtant cette loi fait référence au médecin et non à l'infirmier. Cependant, la famille est aussi proche du médecin que de l'infirmier et, l'accompagnement, tel qu'il est évoqué, pourrait être du rôle de l'infirmier. En effet la compétence 6 de la profession d'infirmier « Communiquer et conduire une relation dans un contexte de soins » a comme critères : « Rechercher et instaurer un climat de confiance avec la personne soignée et son entourage en vue d'une alliance thérapeutique » et « Identifier les besoins spécifiques de relation et de communication en situation de détresse, de fin de vie, de deuil, de déni, de refus, conflit et agressivité ». Le deuil est une des notions présentes dans ma 8 situation d'appel. Quand doit-on commencer à dire aux familles de « faire leur deuil » ? Doiton en parler si l'avenir et le réveil sont incertains ? Doit-on les laisser espérer un réveil ou justement commencer à parler du pire en évoquant un éventuel décès ? Je souhaite travailler sur cette étape où la prise en charge est la plus floue pour moi, le moment où le patient est dans le coma et lorsqu'on ne connaît pas son avenir. Avant de commencer à parler de limitation thérapeutique, après avoir annoncé l'accident tragique de leur proche, prendre en charge la famille du malade est nécessaire. Dans son étude, Mourir à l'hôpital , la sociologue et chercheuse, Nancy Kentish-Barnes, décrit huit mois passés dans quatre services de réanimation. Elle a suivi médecins, infirmières et familles de patients, observé les gestes et les comportements, écouté les discussions, assisté aux prises de décisions. Elle a constaté que chaque équipe affronte seule la fin de vie et développe sa propre perception du processus de mort, définissant comment et jusqu'où impliquer les proches, choisissant, enfin, la meilleure manière de faire mourir les patients. De nombreux témoignages de familles ont pu la faire avancer dans son analyse et elle est parvenue à reconnaître des phases et des étapes que les proches rencontrent. Nancy KENTISH-BARNES, Mourir à l'hôpital, Paris VIe, Éditions du Seuil, 2008, page 100 : On distingue généralement quatre étapes dans le cheminement des familles : le choc initial laisse peu à peu la place à une période d'adaptation puis de recherche de sens. Cette recherche de sens s'accompagne le plus souvent d'une période d'espoir -parfois vain- qui permet au proche de se réapproprier le malade et de le réinscrire dans une histoire personnelle et non plus uniquement médicale et technique. Enfin, le proche éprouve le besoin de trouver de nouveau, un équilibre -certes fragile, mais nécessaire à la gestion de la vie de tous les jours. L'absence de compréhension du processus, alliée à l'absence de sens et au sentiment de vide, rend plus complexe le deuil des familles. Ces étapes sont-elles systématiques ? Je me pose la question si dans ces phases, une place est réservée à l'infirmière. Peut-être est-elle l'initiatrice elle-même de ces étapes et de l'entendement par la famille . Un témoignage présent dans cette étude m'a particulièrement marqué : Ibid, page 149 : Je pense que le plus dur en réa, c'est la relation avec les familles . Les patients, bon, c'est un peu égoïste, mais généralement ils ne parlent pas, il y a très peu de contact avec eux à part le regard, etc., alors que les familles, c'est des gens comme toi et moi, il n'y a pas qu'une expression qui passe par les yeux, ça passe par la parole, les pleurs, les expressions, plein de choses, et ça, c'est le plus dur à gérer je pense. [...] (infirmier, 31 ans, Sainte-Claire) La question que cet infirmier soulève est l'attitude à adopter face à tous ces 9 « bouleversements » que traversent les familles. On ne sait jamais comment se comporter avec elles, doit-on leur sourire ? Doit-on avoir l'air triste ? Doit-on aller vers la famille ? Trouver les bons mots n'est pas toujours évident et il nécessite selon l'auteur un travail sur soi et une certaine confiance. Les jeunes infirmiers n'en sont pas toujours dotés. En effet, cette relation entraîne sans cesse une remise en question de ses capacités relationnelles et c'est pourquoi elle peut devenir fatigante. Comment donc adopter une attitude professionnelle et aidante sans nuire à son bien-être personnel ? Un article éclaire ma réflexion: « La place de la famille en service de réanimation » publié dans la revue Soins n°756 en juin 2011. Le concept de la présence de la famille en service de réanimation a pris naissance au Foote Hospital de Jackson dans le Michigan. Les soignants ont établi un constat : la place de la famille est nécessaire car la séparation entraînait des crises d'hystérie, des attaques de panique, des agressions verbales et/ou physiques envers les soignants. Une étude a été réalisée par la suite avec dix-huit familles dont leur proche avait été intégré en réanimation cardio-pulmonaire. 72% des personnes interrogées souhaitent être présentes au cours des manœuvres de réanimation. Suite à ce constat, un programme d'accompagnement des familles d'une personne dans un état grave a été mis en place par les soignants. Pourtant, en 2007 une étude a révélé que seulement 5 % des services d'urgence et de réanimation ont élaboré au cours des vingt dernières années, un protocole ou un référentiel de prise en charge de la famille au cours des manœuvres de réanimation dans leurs unités de soins. De plus, selon le tableau de l'article « Limitation des thérapeutiques actives en réanimation », en France seulement 50 % des familles étaient impliquées dans les décisions des limitations et arrêts des thérapeutiques contre plus de 90% au Royaume-Uni, au Canada ou encore aux États-Unis. Lors de mes recherches, j'ai eu souvent l'occasion de rencontrer l'étude « Famiréa » comme référence. Cette étude a été établie par Elie Azoulay, médecin anesthésiste-réanimateur en 1999 auprès de quarante-trois services de réanimation de France. Le thème est la présence des proches en service de réanimation et la population interrogée était de neuf-cent vingt familles. Trois grands critères ont été nécessaires pour effectuer l'étude : la compréhension des informations délivrées, la satisfaction vis-à-vis de la qualité des soins et de l'accueil, et l'importance des symptômes d'anxiété et de dépression. La compréhension et la satisfaction des proches semblent nécessaires à un climat propice à l'accompagnement de la famille. Ainsi, des interactions avec l'équipe peuvent être faites pour discuter ensemble des volontés du 10 patient. Les attentes de la famille peuvent être mesurées grâce aux quatorze critères de Molter3 répartis en quatre groupes: – La qualité de l'accueil à l'arrivée des familles en réanimation ; – La qualité de la communication entre les soignants et la famille ; – L'empathie exprimée par les soignants envers les familles ; – Le sentiment d'isolement lors des visites et dans la salle d'attente. Cette étude révèle que dans ce contexte de stress aigu, 81,1% des époux ont des signes d'anxiété et 47,3% d'entre eux présentent des signes de dépression avec un degré plus ou moins important. Appuyée sur d'autres études, cette recherche révèle des points essentiels. Les familles souhaitent une information personnalisée et fidélisée des soignants afin d'éviter de recevoir des informations contradictoires. De plus, les familles souhaiteraient avoir un avis extérieur de leur médecin traitant (s'il en existe un), un généraliste ou un spécialiste qui connaît le patient et la dynamique familiale. Il pourrait apporter un avis extérieur, favoriser la communication et argumenter à la famille l'avis des réanimateurs. Cela soulève la question d'une intervention d'un tiers pour l'information de la famille. Enfin, la place des conjoints est remise en cause. Ils peuvent être sollicités dans les prises de décisions et la compréhension des informations alors que, comme nous l'avons vu, les conjoints sont les plus touchés par les symptômes anxieux ou dépressifs parmi les proches. Hospitalisé en réanimation, le patient est dans le coma, il ne peut mettre en mots ses souhaits et désirs. C'est pour cela que l'équipe, sans avis (consentement) contraire du patient, s'adresse directement aux proches. Dans ce cas, les rapports du médecin sont encadrés par la procédure collégiale et le principe de collégialité. De plus, il est nécessaire de rechercher si le patient a rédigé des directives anticipées et désigné une personne de confiance. La décision sera dirigée dans la même perspective que les demandes du patient et avec la recherche de consentement de la personne de confiance. Selon la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie concernant les conditions de la limitation ou l’arrêt de traitement. Elles sont révocables à tout moment. La personne de confiance est un porte parole de la personne en fin de vie. Cela consiste à désigner une 3 Proposés en 1979 et retenus en 1994 par la SCCM (Society of Critical Care Medicine : Équivalent de la société américaine de réanimation). 11 personne de son vivant pour qu’à un moment donné elle puisse porter témoignage de sa conviction personnelle. Un parent, un proche ou le médecin traitant peut être la personne de confiance. Elle peut accompagner le malade dans ses démarches et l’assister aux entretiens médicaux. Cette désignation est faite par écrit. Ce sont les « proches » auxquels je m'intéresse. Un éclaircissement m'a été apporté par « Réanimation et coma » qui traite d'un nouvel aspect du soin en réanimation : celui du soin psychique. L'ouvrage concerne le vécu du patient ainsi que les implications pour les différents partenaires : les équipes soignantes et les proches. Il propose d'utiliser un soin psychique, indispensable au sein de la démarche thérapeutique hospitalière. Cette clinique demande aux proches « d'avoir une notion du monde si insoupçonnable du réanimé, pour leur permettre à nouveau de penser, parler, rétablir des liens avec le patient : mais aussi avec eux-mêmes dans leur solitude ». L'auteur définit le soin à proposer à la famille du patient. Michèle GROSCLAUDE, Réanimation et coma : Soins psychique et vécu du patient, Paris, Masson, 2002, page 58 : Du côté des proches, le soin implique un accueil attentif, humain et averti de leurs capacités de compréhension de l'information (amoindries par le bouleversement d'une situation impensable), de leur dépendance au discours médical et soignant, de leur sensibilité plus grande à la voix, au geste, et à l'expression générale du discours mais aussi à certains termes plus qu'à leur contenu. Il appelle à accepter sans juger des comportements parfois incompréhensibles au premier abord (par exemple, la valeur défensive de l'évitement ou de la froideur affichée de certains proches). L'accompagnement des familles est récurrent dans les préoccupations des soignants et est considéré comme « complexe et lourd ». Les compétences du soignant doivent correspondre à des exigences de disponibilité, de savoir-faire et surtout d'humanité. L'article « Limitations des thérapeutiques actives en réanimation » paru en 2006 dans la Revue des Maladies Respiratoires étudie les impacts des décisions de limitation thérapeutique. Une prise de conscience par les équipes soignantes à effectuer une « bonne mort » a été constatée. Ils assurent donc aux patients et à leur famille accompagnement, réassurance, déculpabilisation, confort et dignité. La bioéthique, dont la notion est fondamentale dans la prise de décision de fin de vie comprend quatre principes fondateurs : bienfaisance, non malfaisance, autonomie et justice. L'attitude de bienfaisance est liée à la famille. Elle précise qu'il est nécessaire d'avoir des rapports étroits et privilégiés avec les proches. La présence continue de la famille, si elle le 12 souhaite, est donc nécessaire. La pratique de tout rite religieux doit également être rendue possible. L'attitude bienfaisante consiste à donner aux proches les moyens de comprendre les décisions, de répondre à leurs attentes, parfois les anticiper et comme nous avons vu précédemment dans l'étude « Famiréa », avoir conscience des troubles anxieux et dépressifs qui peuvent entraver une prise de décision optimale. La non-malveillance comprend une communication intensive avec la famille par une approche multi-disciplinaire et/ou une consultation d'éthique, pour lui donner le choix de partager la prise de décision, de respecter le désir de ne pas en prendre et d'arriver à la convaincre de privilégier un traitement de confort. La qualité de l'information doit être optimale car l'implication de la famille dans le processus décisionnel peut encourir le risque d'engendrer un stress post-traumatique et un deuil pathologique. Les études générales ont cherché à comprendre les conséquences de la réanimation chez les familles. Elles ont permis de mettre en évidence : la volonté de la famille de ne pas voir le patient souffrir et le manque quantitatif ou qualitatif d' informations. Concernant le processus décisionnel, les familles ont des attentes majeures (voir annexe II) : un processus bien expliqué, sa réalisation comme il a été prévu, que le patient soit confortable, la possibilité d'exprimer ses émotions et que l'intimité de la famille soit respectée. Ici encore, le fait de répondre aux besoins religieux et spirituels a été souligné. Les processus décisionnels servent à renforcer la communication entre famille et équipe. Au cours de ces conférences, le terme de mort doit être abordé et les circonstances de survenue explicitées aux familles. Les soignants doivent laisser le temps à la famille de parler et exprimer leurs ressentis, mais également anticiper les questions qu'elle n'oserait pas aborder. Les soignants doivent accompagner les familles et leur faire comprendre que la décision prise est pour le patient et qu'ils n'ont pas à culpabiliser d'avoir partagé les décisions. La compassion et la compréhension sont primordiales dans la communication. Enfin, afin de donner aux proches un sentiment de confort, d'intimité et d'utilité, ils peuvent s'impliquer dans les soins : toilettes, massages ou encore traitements contre la douleur. La demande majeure des familles est aussi de favoriser la communication par le toucher, le parler, les photos, la musique... Il ne faut pas oublier de respecter les silences et encore une fois, lutter contre tout sentiment de culpabilité, de remords et de regrets ressentis par la famille. 13 2.1 ) Synthèse de la phase pré-exploratoire Les recherches que j'ai pu effectuées m'ont permises de cibler mon sujet, mon cadre conceptuel ainsi que les attentes de mon enquête. Les thèmes ont été l'accompagnement de la famille, l'attitude à adopter de la part de l'infirmière, la question du deuil à aborder ou non, une information fiable et précise demandée par la famille, la population cible : les proches dont la personne de confiance, les compétences que l'infirmier doit avoir et enfin les processus décisionnels.Nous pouvons retenir que la présence de la famille est très importante. A partir de ces recherches je peux formuler ma question de départ : Quel est le rôle infirmier, dans l'accompagnement d'une famille dont le proche, hospitalisé en réanimation, a son pronostic vital engagé ? 14 3) Cadre conceptuel 3.1 ) La Réanimation 3.1.1 ) Le service de réanimation Selon le Larousse médical, la réanimation est l'ensemble des moyens mis en œuvre soit pour pallier la défaillance aiguë d'une ou de plusieurs fonctions vitales, dans l'attente de la guérison, soit pour surveiller des malades menacés de telles défaillances du fait d'une maladie, d'un traumatisme ou d'une intervention chirurgicale. La réanimation n'est pas sans risque, elle agit souvent entre la vie et la mort. Les décisions sont prises individuellement selon l'histoire du malade, la nature de sa maladie et ses probabilités de guérison. Cette spécialité suscite de nombreuses réflexions d'ordre professionnel et éthique sur ses limites, la finalité des soins ou l'acharnement thérapeutique. Selon l'Organisation Mondiale de la Santé, « la réanimation est l’ensemble des moyens, dispensés par des médecins spécialisés (réanimateurs) permettant de rétablir ou surveiller les fonctions vitales momentanément défaillantes et compromises mettant directement en jeu le pronostic vital, susceptibles de survenir au cours de traumatisme, de situation médicale aiguë ou chirurgicale. Elle implique un monitorage continu des fonctions vitales et le cas échéant, le recours à des méthodes de suppléance (transfusion de dérivés sanguins, remplissage vasculaire, ventilation mécanique, hémodialyse, circulation extracorporelle, etc)». Les pathologies qui nécessitent une hospitalisation en réanimation sont nombreuses : états de chocs, comas, insuffisances organiques aiguës, décompensations de maladies chroniques, hémorragies, intoxications, infections sévères, périodes post-opératoire de chirurgies lourdes, etc. De plus, le service de réanimation a besoin d'un grand nombre de professionnels médicaux et paramédicaux compétents et performants. La réanimation ne saurait être confondue avec les soins intensifs ou la surveillance continue, même si, elle apparaît cependant indissociable de la surveillance continue et des soins intensifs. Selon la circulaire N°DHOS/SDO/2003/413 du 27 août 2003 relative aux établissements de santé publics et privés pratiquant la réanimation, les soins intensifs et la surveillance continue, un service de réanimation doit avoir plusieurs critères : - des locaux spécialement aménagés, avec une norme de lits entre huit et vingt suivant la taille du service ; - du matériel spécialisé ; - une proximité d’un plateau technique important et complet ; - une permanence médicale 24/24 h, qualifiée et spécifique, c’est-à-dire ayant en 15 charge uniquement les malades de la structure de réanimation ; - une permanence soignante assurée par du personnel expérimenté en nombre suffisant et affecté exclusivement au service ou à l’unité ; 3.1.2 ) L'infirmier de réanimation L'infirmier en réanimation est avant tout un infirmier diplômé d'état avec la formation initiale de base enseignée par les Instituts de Formation en Soins Infirmiers. Il n'existe pas de spécialisation ou de formation particulière. Néanmoins, être infirmier en réanimation nécessite des compétences particulières qui sont citées dans le référentiel de compétences de l'infirmière de réanimation : accompagnement des patients en situation de détresse vitale et de ses proches, connaître la prise en charge des nombreuses pathologies de réanimation (insuffisances cardiaque et respiratoire, polytraumatisme...), connaître la prise en charge d'un patient en fin de vie en réanimation, d'un patient en situation de prélèvement de multiorganes, identifier et prévenir les risques, etc. Être infirmier en réanimation signifie d'être toujours alerte, il faut comprendre et réagir vite dans des situations vitales. Il a comme compétence d'accompagner le patient ainsi que sa famille. Il doit maîtriser ses connaissances, apporter une information fiable et vérifiée, communiquer avec la famille, rester accessible et être conscient de l'importance de la présence de la famille. Les professionnels de réanimation sont régulièrement confrontés au coma et ainsi à la limitation thérapeutique. Il y a un consensus de l'équipe où parfois la famille peut participer afin de prendre la meilleure décision possible pour le patient. 3.2 ) La relation d'aide 3.2.1 ) La relation d'aide thérapeutique avec les patients et la famille La relation d'aide est une relation consciente et réfléchie, qui s'inscrit dans une démarche d'accompagnement, résultant d'une analyse d'une situation de soins et s'inscrit dans un projet thérapeutique. Elle s'appuie sur : – L'écoute active : est centrée sur ce qui est vécu par le patient. Le soignant doit comprendre l'autre sans chercher à le maîtriser. L'écoute active est facilitée par : la bonne distance, la bienveillance, l'authenticité, la capacité à respecter les silences, l’observation des attitudes verbales et non verbales, etc. – L'empathie : est la capacité de se mettre à la place de l'autre. Le professionnel reconnaît, comprend et croit son expérience et sa perception de la réalité. Néanmoins, 16 il garde une distance relationnelle nécessaire tout en faisant preuve d'une ouverture d'esprit. Ainsi, le patient se sent valorisé et peut abandonner des mécanismes de défense. – La congruence : est l'implication sincère de chacun dans la relation. Cela renforce la confiance pour permettre la rencontre. – L'acceptation positive inconditionnelle de l'autre : Le patient se sent valorisé et peut donc s'accepter tel qu'il est. Il peut ensuite accepter les autres et les relations en seront facilitées. – La reformulation : Elle est très importante pour éclaircir les points afin d'en vérifier la compréhension. Il n'y a pas d'interprétation mais elle permet de mettre en mots les émotions ressentis de la personne. Dans le cas d'un patient dans le coma, le professionnel ne peut instaurer une relation d'aide avec le patient. Il n'existe alors plus de relation soignant/soigné. Il doit s'adresser alors à la famille et/ou à la personne de confiance et doit instaurer avec eux/elles cette relation d'aide. Une mort envisagée peut faire ressortir davantage de mécanismes de défense de la part du soignant. Le Code de la Santé Publique, Article R.4311-5/40, régit que l'infirmier participe à la « prévention, à l'évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse physique et psychique des personnes, particulièrement en fin de vie, au moyen des soins palliatifs, et d'accompagner si besoin leur entourage ». En santé mentale, l'article R.4311-6, l'infirmier doit proposer un entretien d'accueil au patient ainsi que son entourage. Cela montre que l'entourage est pris en compte par la loi. 3.2.2 ) Les limites de la relation d'aide La relation d'aide peut néanmoins se heurter aux mécanismes de défense des soignants. Ces mécanismes sont mis en jeu lorsque le soignant souhaite s'éloigner d'une réalité trop difficile pour lui. Il en existe de très nombreux, parmi eux : – La technicisation : Le soignant se réfugie derrière le côté technique du soin afin de ne pas affronter le côté relationnel ; – La fausse ré-assurance : La confrontation à la réalité est retardée, le professionnel fait preuve d'un optimisme déplacé ainsi que de donner des faux espoirs ; 17 – Le déni : Le refus de prendre en compte quelque chose qui est pourtant irréfutable ; – L'esquive : Le soignant va aborder des thèmes superficiels pour éviter la confrontation à la souffrance ; Etc... Des mécanismes de défense peuvent aussi être rencontrés par les proches ( peur, culpabilité, colère, déni, frustration...) . Des processus psychiques peuvent également être mis en place dans la relation d'aide. Ce sont des processus inconscients : – Le transfert : est le phénomène qui va du soigné au soignant. C'est l'ensemble des pensées, fantasmes, constituants une réactualisation de mouvements psychiques anciens en rapport avec l'histoire infantile du patient ; – Le contre-transfert : est le phénomène qui va du soignant vers le soigné. Le soignant va réagir avec son propre vécu antérieur et élaborer son contre-transfert. 3.3 ) La place de la famille dans le soin 3.3.1 ) La famille La famille est composée de plusieurs personnes. « Les proches » sont : – la famille biologique : ce sont les personnes liées par le sang au patient ; – La famille par alliance : ce sont les personnes liées par le mariage ou un contrat et sont de ce faits conjoints ; – La famille choisie : ce sont des amis, des personnes familières que l'on a choisi en fonction de ses affinités ; – La personne choisie : la personne de confiance qui peut être un membre de la famille ou une personne extérieure. 3.3.2 ) La place de la famille dans un service de réanimation Auparavant, l'hôpital était considéré comme une structure institutionnalisée stricte et plus autonome que celle d'aujourd'hui. Dorénavant, les familles souhaitent être entendues, vues et écoutées. L'implication des proches est reconnue comme essentielle dans le traitement pour assurer l'observance du traitement, la continuité des soins et le soutien social, surtout en fin de vie. Pourtant, dans un service de réanimation, les horaires de visite sont peu étendus et si un soin a besoin d'être effectué durant ces derniers, il est souvent demandé qu'elles sortent de la chambre un instant. De nombreux progrès sont constatés dans la place du soin pour les 18 familles en service palliatif ou pédiatrique par exemple. Le 19ème congrès national du CREUF (Collège de Réanimation des hôpitaux Extra-Universitaires de France qui s 'est déroulé les 17 et 18 octobre 2013 aux Sables d'Olone a permis de mettre en évidence que la place des familles dans les soins est importante et d'envisager de les faire participer à des massages à visée anxiolytique par exemple et d'améliorer la restriction des horaires de visite. Ils doivent toutefois établir une politique de service définissant le champ d'action des familles pour éviter les conflits avec les soignants et de garantir la sécurité du patient. 3.4 ) L'accompagnement de la famille 3.4.1 ) L'accompagnement de la famille en fin de vie L'accompagnement de la famille est individuel et personnalisé car il ne se fait que dans l'appréciation de ce qu'elle vit. La famille traverse elle aussi le processus terminal de son membre. Il est nécessaire de voir la famille dans sa totalité, son unicité et son inachèvement pour avoir une vision globale. Les proches traversent les hauts et les bas de la maladie et du traitement : l'espoir surgit puis est anéanti, les bons moments alternent avec les mauvais et finalement, la famille prend conscience que la personne aimée va mourir. A certains moments de l'accompagnement, on constate que quand la famille va mieux, le patient aussi et inversement. Des stratégies peuvent être mises en place par les soignants : – Observer et écouter ; – Repérer les ressources familiales ; – Évaluer la situation,les réactions, les deuils antérieurs ; – Considérer les circonstances de la mort ; – Découvrir la place et la fonction du malade pour les membres de la famille ; – Discuter avec les membres de la famille ; – Guider et assister les membres de la famille pendant le contact avec le patient ; – Être présent quand la famille en a besoin, s'effacer à d'autres moments ; – Préparer les vœux en vue du décès... Le deuil est un processus psychique mis en œuvre par un sujet à la perte d'un objet d'amour externe. Le deuil sera obligatoirement mis en place pendant la fin de vie par les proches mais 19 parfois à des étapes différentes. On distingue généralement sept étapes dans le deuil étudiées par le Dr. Elisabeth Kubler Ross : – le choc ; – la négation ; – la colère ; – le marchandage ; – la dépression ; – l'acceptation ; – la reconstruction. Ces étapes sont indicatives et ne sont surtout pas figées. Il peut y avoir des allers-retours entre différentes phases. De plus, le deuil est un processus personnel et chaque individu peut donc vivre à sa manière son deuil. C'est un phénomène variable. On parle plus souvent du deuil du patient et qu'il doit être pris en charge selon le physique, l'émotionnel, l'intellectuel et le spirituel. On va donc soulager sa souffrance psychique puis les peines affectives afin de mettre en place un accompagnement. En réanimation, ce ne sera pas le deuil du patient mais celui des familles qui sera mis en jeu. Le deuil est possible en réanimation lorsque l'on aborde le décès par limitation ou arrêt des thérapeutiques. Il y a donc eu en amont un travail d'annonce de la perte du proche. Le deuil peut toutefois être très difficile car l'annonce sera très rapide et violente. 3.4.2 ) L'accompagnement de la fin de vie en réanimation Dans le cas de la personne comateuse, les familles désirent se sentir écoutées, accueillies, rassurées, guidées pour s'impliquer. Elles souhaitent rencontrer une équipe compétente qui soit accessible et communicante. Les familles attendent que le patient soit confortable, qu'il ne soit pas abandonné et qu'on leur laisse le plus d'autonomie possible. Ma situation ne se porte pas sur la fin de vie, mais le futur n'est tellement pas prévisible qu'il faut toutefois s'attendre à un décès et préparer un accompagnement « de fin de vie ». La loi du 22/04/2005, Loi Léonetti, concernant le droit des malades et à la fin de vie, affirme les droits des malades dans le cadre spécifique de la fin de vie et prévoit le refus de l'obstination déraisonnable. Un processus de réflexion collégiale dans le cas du patient 20 inconscient et une démarche palliative sont notifiés. La prise d'anti-douleurs efficace est autorisée même si cela entraîne une mort plus rapide. Cette loi condamne l'acharnement thérapeutique définie comme « toute obstination déraisonnable refusant par un raisonnement buté de reconnaître qu'un homme est voué à la mort et qu'il n'est pas curable » ( Code de déontologie médicale ). Élie Azoulay nous rappelle qu'il faut présenter une « attitude bienfaisante » : donner aux familles les moyens de comprendre l' information, de répondre à leurs attentes et d' avoir conscience des symptômes d' anxiété et de dépression qui pourraient s'opposer à une prise de décision optimale. En réanimation et dans le cas d'un patient inconscient, aucune décision ne sera prise sans une réunion collégiale, une recherche des directives anticipées et une consultation d'une personne de confiance selon la Loi Léonetti. La décision prise permettra un lien, des échanges entre familles et équipe tout en privilégiant l'intérêt du patient. Il pourra être mis en place en dernière intention des soins palliatifs. Selon le code de la santé publique, ils sont « des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage ». Dans tous les cas, il est nécessaire d'assurer une mort digne par : – Des soins de confort et des soins pour lutter contre la douleur ; – Favoriser la présence des proches ; – Laisser l'intimité des « derniers instants », si possible. 3.5 ) La communication 3.5.1 ) La communication avec les proches en réanimation La communication est l'action de communiquer, transmettre des informations ou des connaissances à quelqu'un ou, s'il y a échange, de les mettre en commun. En sociologie, la communication est l'ensemble des phénomènes qui peuvent intervenir lorsqu'un individu transmet une information à d'autres individus à l'aide du langage articulé ou d'autres codes (ton de la voix, gestuelle, regard, respiration...). Comme avec les patients, la communication avec les proches se situe entre la proximité et la distance : il faut faire preuve d' empathie tout en affichant une approche professionnelle. Cela peut leur donner des moyens de partager les décisions s' ils le souhaitent, de respecter leur désir de ne pas prendre de décisions et d'arriver à les convaincre de privilégier un traitement de confort plutôt qu'un traitement agressif. Le rôle de la personne de confiance est primordial dans la communication. Les communications 21 verbales et non verbales sont aussi importantes l'une que l'autre dans la relation avec les familles. Lorsque leur proche est inconscient, elles attendent avant tout des informations sur son état et son évolution et ne supportent pas d'être sans nouvelles. L'hospitalisation d'un proche en réanimation peut représenter un traumatisme, ainsi une information et une communication de qualité peuvent permettre de réduire ses conséquences. En effet, bien qu'elle ne soit qu' « une composante de la relation famille/équipe », l'information médicale est un préalable indispensable à « l'implication des proches dans les soins et les décisions concernant le malade ». Cette mise en lien entre les deux partis va pouvoir offrir au patient les soins répondant au mieux à ses valeurs et à ses attentes. L'étude française « Famiréa » évalue la qualité de l'information selon trois indicateurs : compréhension, satisfaction des familles et présence de symptômes d’anxiété et de dépression. Je me focalise sur deux principes importants de la communication : – L'information : L'information constitue pour les médecins une obligation régie par des règles juridiques précises; elle a pour fonction de permettre au patient et à ses proches de disposer des éléments adéquats pour prendre une décision "éclairée". Les informations qui sont transmises, avant toute décision médicale, ont pour but de mettre en situation d'accepter ou de refuser ce qui est proposé, voire de choisir entre différentes alternatives. Les actes et démarches doivent être envisagés dans une finalité thérapeutique et/ou médicale. Celle-ci est soit déterminée par les médecins eux-mêmes lorsque les soins envisagés le sont dans l'intérêt du patient, soit fixée par la loi lorsque les interventions sont faites dans l'intérêt d'un tiers (recherches biomédicales, prélèvement d'organes). – La compréhension : Il est nécessaire que la famille comprenne bien le diagnostic médical, le pronostic ainsi que les soins et traitements prévus. L'intérêt de la compréhension est primordial pour que la famille puisse interagir avec l'équipe et témoigner des volontés du malade. Les soignants doivent donc s'assurer de la bonne compréhension des familles en utilisant un langage accessible et compréhensible par toute personne non issue de l'univers médical grâce à des données claires, précises et complètes. Ils doivent vérifier si elles ont bien saisi ce qui leur a été annoncé et doivent se montrer présents pour d'éventuelles questions. Différentes études concernant les stratégies de communication ont permis à la Société de Réanimation de Langue Française (SRLF) et la Société Française d'Anesthésie et de Réanimation (SFAR), lors de la dernière 22 conférence de consensus Mieux vivre la réanimation, d'élaborer des recommandations afin d'améliorer la relation famille/équipe soignante. Elles révèlent également qu'elles sont applicables aux situations de fin de vie. 3.5.2 ) La communication dans le cadre de l'urgence La communication peut être entravée dans le cas de l'urgence. Les soignants sont préoccupés par l'urgence vitale et les soins qui sont du fait mis en place. La priorité dans l'instant est le patient. La famille, pendant ce temps, peut être dans l'incompréhension la plus totale et la peur de la perte de l'être cher. Les 11èmes Journées Annuelles de la Santé Publique se sont déroulées du 20 au 23 novembre 2007 à Montréal, au Québec, et expliquent que « l'improvisation n'a pas sa place dans l'urgence ». En effet, le personnel doit être formé pour savoir qui parle, ce qu'il dit et ce qu'il doit dire à la famille. Une personne doit être « référente » pour garder un lien de confiance et maintenir un contact. Il ne faut pas oublier que la communication verbale n'est pas la seule composante de la communication. Notre intervenant, M. Noubia, un psychologue, nous a expliqué que la communication verbale ne représentait que 38 % de la communication, le contenu de l'information seulement 7 % et la communication non verbale, 55%. Lors des 11èmes Journées Annuelles de la Santé Publique, ils évoquent la règle des 4 C : – Crucial : le discours doit expliquer ce qu'il se passe et les risques encourus ; – Concis : le discours doit être clair ; – Continuité : Ne rien cacher, être présent et disponible du communicateur ; – Compassion : Les proches doivent se sentir soutenus. 23 4) Objectifs de recherche Je cherche dans un premier temps à découvrir avec quels outils les infirmiers accompagnentils ces familles ? Existent-ils des moyens mis à disposition dans leur service ? Ont-ils ou reçoivent-ils des ressources auxquelles ils peuvent faire appel ? Dans un second temps, je cherche à savoir les émotions que peuvent ressentir les infirmiers. Ont-ils le temps l 'accompagnement et/ou l'envie ? Des contraintes (horaires, fatigue...) ? Les peuvent-elles différences parfois entraver d'âges, d'ancienneté, de compétences des infirmiers peuvent-elles modifier l'attitude de chacun face aux familles ? Enfin, je souhaite connaître comment s'effectue l'accompagnement des familles, celles qui ont un proche inconscient, endormi artificiellement. Je souhaite cibler mon étude sur l'annonce brutale qui brise une famille par un pronostic vital engagé. Les patients ne sont pas hospitalisés depuis plusieurs mois en réanimation, ils viennent d'être pris en charge et leur avenir est en suspens. Les familles se trouvent en attente d'une évolution de l'état de leur être cher. Comment les infirmiers doivent-ils se comporter face aux familles de ces patients de réanimation ou de soins intensifs ? Je souhaite alors comparer la théorie : mes recherches de la phase pré-exploratoire et du cadre conceptuel, avec la pratique : des entretiens que je souhaite effectuer avec des infirmiers et infirmières de réanimation. 24 5) L'enquête de terrain J'ai choisi d'effectuer des entretiens avec des infirmiers et infirmières de réanimation. J'ai souhaité en effectuer cinq pour obtenir un nombre impair de réponses. Lorsque j'ai contacté les cadres de service pour prendre des rendez-vous, il a fallu attendre longtemps avant d'avoir des dates concrètes car ils voulaient lire la grille d'entretien ou faire la demande à la direction auparavant. 5.1 ) L'outil de recherche Mon outil de recherche a été un entretien directif (voir annexes III et IV), c'est à dire, un entretien où les personnes peuvent s'exprimer librement à chaque question que je leur pose. Mes questions avaient un ordre pré-établi. L'avantage de l'entretien, par rapport au questionnaire, est l'ajout de précisions sur des questions, de pouvoir recentrer sur le thème et la reformulation. J'avais treize questions définies concernant : – la présentation du professionnel ; – leur observation lorsque des familles arrivaient en réanimation ; – leur posture ; – les moyens auxquels ils font appel ; – les améliorations qu'ils souhaiteraient avoir ; – leur avis sur l'accompagnement. J'ai testé ma grille d'entretien avec la première infirmière. A la fin, j'étais satisfaite de ses réponses et de sa compréhension, j'ai donc pu utiliser son interview dans mon analyse. 5.2 ) Le choix des infirmiers Je n'ai pas choisi les infirmiers, j'ai seulement exprimé aux cadres, au préalable, qu'ils devaient avoir vécu un accompagnement d'une famille dont le proche était en réanimation à cause d'un accident brutal, ce qui était assez facile à obtenir du fait du service. Même si cela a été selon les disponibilités des services, j'ai eu un très bon échantillonnage des infirmiers car j'ai interviewé deux femmes et trois hommes entre 27 et 51 ans, et entre six mois et vingt et un ans d'expérience. Un seul infirmier a suivi la formation de la nouvelle réforme. L'échantillonnage est donc valide car large. Je me suis rendue dans trois services de réanimation différents. Le service n°1 où travaillaient 25 les infirmières A et B, le service n° 2 où travaillaient les infirmiers C et D, et le service n° 3 où travaillait l'infirmier E. J'ai choisi de ne pas me rendre dans le service où s'était déroulée ma situation de départ pour avoir une vision plus globale de la problématique et de ne pas influencer les réponses des professionnels qui auraient pu m'encadrer en tant que stagiaire. 5.3 ) Le déroulement des entretiens J'ai été très bien accueillie dans les trois services. Les infirmiers étaient au courant de l'entretien, à l'exception du dernier qui a été choisi à mon arrivée. Tous les infirmiers ont été intéressés par mon sujet et se sentaient concernés par les questions. Les entretiens se sont déroulés dans des petites salles en plein cœur du service, parfois ce qu'ils appelaient les salles de familles. J'ai utilisé un dictaphone et mon téléphone pour enregistrer chaque entretien. Ils ont duré entre douze et dix-huit minutes. Avant de commencer les entretiens, je leur présentais mon sujet afin de vraiment centrer leurs réponses sur des patients hospitalisés pour des accidents brutaux. Deux entretiens ont été coupés par l'intervention de collègues, ce qui a été difficile pour pouvoir reprendre le fil de la discussion. 26 6 ) Analyse corrélative 6.1 ) Comparaisons des questions Je vais mettre en lien les réponses que m'ont donnés tour à tour les cinq infirmiers. – Les trois hommes n'ont travaillé qu'en réanimation depuis leurs débuts. Les deux femmes ont travaillé auparavant dans des services que l'on pourrait dire « pré et postréanimation ». En effet, la première était aux urgences 4 et la seconde5 en service de rééducation neurologique post réanimation. – Le choix de travailler en réanimation a été un hasard pour les deux infirmiers C et D. Pour l'infirmière A, c'est le côté technique et « speed »6 qui lui a plu. L'infirmière B et l'infirmier E, quant à eux, ont décidé de rentrer en réanimation pour ensuite effectuer la spécialisation d'infirmier anesthésiste. – L'accompagnement d'une famille dont le proche a un pronostic vital engagé est régulièrement présent : « Ici, on le fait un peu au quotidien », déclare l'infirmière B. Son avis est rejoint par les autres infirmiers. Seul, l'infirmier C ne rencontre pas beaucoup d'accidents brutaux dans son service. – Lorsque les familles arrivent pour la première fois en réanimation, elles sont à l'unanimité dites « dans l'incompréhension »7 mais aussi « perdues »8. L'infirmier D parle d'un « état de sidération », que l'on peut relier à l'état d'incompréhension. Elles sont également stressées, angoissées, en colère selon l'infirmière A. L'infirmière B parle d'être « sous le choc » et des phases de deuil avec le choc et le « déni », terme qui a été aussi évoqué par l'infirmier C. L'infirmier E aborde « la peur de la perte de l'être cher » par les familles. Puis, ensuite, vient la « tristesse 9». – En ce qui concerne l'attitude à adopter face aux familles qui arrivent pour la première fois, les infirmiers A, B et E disent qu'ils expliquent tout. Ils répondent aux questions que se posent les familles : pourquoi la personne est-elle là ? « Ce qu'il se passe, 4 5 6 7 8 9 Infirmière B Infirmière A Infirmière A Infirmiers A et E Infirmier E Infirmière A 27 [ ...]ce qu'il s'est passé auparavant »10. Ils exposent aussi le fonctionnement des diverses machines et du fonctionnement du service. L'infirmier C révèle que lui, aime « être franc » et dire « ce qu'il pense ». Il ajoute que tant qu'un patient sera en réanimation, « ses jours seront en danger » et que l'on doit rester réservé sur le pronostic du patient. L'infirmier D parle d'une « attitude de compassion » avec « une relation d'aide » à adopter. L'infirmière B souhaite rappeler aux familles leur place, qu'ils n'empiètent pas sur leur rôle, ils ne doivent pas s'inquiéter des multiples sonneries parasitantes, leur rôle est de « tenir la main et de parler à la personne de leur famille ». Enfin, l'infirmier E déclare que parfois « juste une présence » est nécessaire, dans certaines situations, « les mots ne servent pas à grand chose ». Et, au contraire de temps en temps, il faut savoir « les laisser seuls avec le membre de leur famille ». – Les difficultés rencontrées sont le manque de temps par l'infirmière A pour aller parler aux familles. Elle doit d'abord s'occuper du patient en priorité. La difficulté rencontrée par l'infirmière B est qu'il est difficile de sortir des problèmes des patients parfois lorsque l'on rentre à la maison. L'infirmier E explique que la prise en charge des patients de son âge est difficile due à des transferts. Les infirmiers C et D « ne rencontrent pas de difficultés ». De plus, ces deux derniers ne disent pas, contrairement aux autres que la première ressource à laquelle ils font appel, est « l'équipe 11». Pour les infirmiers B et C, l'expérience est également une des ressources, rappelons qu'ils travaillent respectivement en réanimation depuis 19 et 8 ans. Les infirmiers D et E disposent dans leurs services, de formations concernant l'accompagnement des familles. L'infirmière B va évoquer la présence de formations mais plus tard, à la question 10. Cependant, l'infirmier C a fait une demande de formation qui est restée sans réponse jusque là (même service que l'infirmier D). Enfin, certains utilisent comme ressources « la présence d'un psychologue 12» pour l'équipe et celle de « son cadre 13». A la question 11, l'infirmier E dit qu'il vient de sortir de l'école , qu'il a eu « des cours d'accompagnement » et qu'ils sont encore dans sa tête. 10 11 12 13 Infirmière A Infirmiers A,B et E Infirmier D et C (question 10) Infirmier E 28 – Pour les infirmiers C et D, « l'expérience » est une des compétences mobilisées dans ces situations. L'infirmière A raconte qu'elle écoute et explique les familles et que l'on peut appeler cela « la relation d'aide ». Ce qui est important pour l'infirmière B est « l'aspect humain » et qu'il faut savoir comprendre les réactions des familles. L'infirmier E considère que le « professionnalisme » et « la remise en question » sont les deux compétences primordiales à mobiliser. Les réponses des infirmiers C et D peuvent être liées, ils déclarent que l'on doit « être bien dans sa vie privée 14» mais surtout « avoir la capacité de faire la différence entre le milieu extérieur et le milieu professionnel 15».L'un d'entre eux évoque le fait de « ne pas être en burn-out 16». L'infirmier doit être reposé. – Il est étonnant de mettre en lien les professionnels du même service concernant les moyens mis à disposition. Par exemple, les moyens mis à disposition pour la famille, pour l'infirmière A sont le « livret d'accueil » et « la salle des familles ». Sa collègue, l'infirmière B déclare que les moyens sont « plus le temps de discuter » par rapport à son expérience des urgences et « des formations ». Elles ne donnent pas les mêmes réponses. La « salle des familles »17 est également présente dans le second service mais évoquée seulement par l'infirmier C, avec « des visites libres lorsque le patient est en fin de vie 18». Un projet de visites 24/24 va être mis en place selon l'infirmier C. Dans ce service, l'infirmier D annonce « la possibilité d'avoir des religieux » et des « réunions éthiques ». Les familles du troisième service ont à disposition un psychologue, contrairement aux autres, selon l'infirmier E. Pour lui, l'accompagnement est aussi effectué par les équipes médicales ; les médecins qui sont « très ouverts et disponibles » ; par les équipes paramédicales et également le cadre du service qui les « accompagne énormément et dans toutes les démarches après ». Un psychologue est parfois présent pour les équipes19 mais pas pour les familles dans les deux premiers services, au regret des infirmiers A et C. 14 15 16 17 18 19 Infirmier C Infirmier D Infirmier C Infirmier A et C Infirmier D Infirmier C 29 – En général, les infirmiers sont globalement satisfaits de leur accompagnement des familles. L'expression « on est plutôt pas mal 20» a été utilisée à deux reprises. L'infirmier C répond « oui et non » car il se trouve confronté à la fatigue et à l'intensité du travail. Le plus âgé des infirmiers répond oui et est satisfait de son accompagnement grâce aux visites libres, la présence des soignants et le fait qu'ils proposent à manger et à boire aux familles. L'infirmier qui a le moins d'expérience accompagne « comme il peut le faire ». La première difficulté qu'il a rencontré est de savoir si l'accompagnement était satisfaisant du côté des familles car il n'y a pas de retours, à part quelques cartes de remerciements. « Il faudrait pouvoir rencontrer ces familles quelques mois plus tard et leur demander concrètement comment, eux, ont ressenti la prise en charge ». Si mon travail ne concernait pas seulement le rôle infirmier, il est vrai qu'il aurait été intéressant et avec une vision plus large, de poser la question aux principaux intéressés : les proches. – L'accompagnement des familles s'acquière principalement, selon les cinq infirmiers, avec l'expérience. « Le temps 21» est également associé. Il permet de ne plus appréhender les machines, les sonneries, « l'univers anxiogène,stressant 22», de « maîtriser le côté technique 23» et d'être donc plus disponible pour les familles. Certains évoquent leur expérience personnelle. L'infirmière B est « passée de l'autre côté de la barrière » et cela a permis de lui faire comprendre « des choses ». L'infirmier D, lui, était aide soignant en réanimation auparavant et cela l'a aidé dans sa profession d'infirmier. L'infirmier E, diplômé depuis six mois, a été aidé par la théorie avec certains cours. Il a également appris en stage un « schéma » qui explique les différentes étapes de deuil dont il se ressert pour expliquer aux patients où ils se situent. – Un accompagnement de la famille ne peut être idéal car selon quatre infirmiers 24 c'est « toujours une situation qui est difficile »25, « il est difficile d'évaluer si on a bien fait 20 21 22 23 24 25 Infirmières A et B Infirmières A et B Infirmier D Infirmière B Infirmiers B,C,D et E Infirmière B 30 les choses 26» et que « chaque accompagnement est différent 27», même si « c'est quand même pas trop mal 28» En général, ils ne savent pas ce que peut être un accompagnement de la famille idéal, cette question a été difficile à répondre. Selon l'infirmier C, un meilleur accompagnement pourrait être possible grâce à plus de temps. L'idéal pourrait être avec « la présence de psychologue 29» et de « formations ». 6.2 ) Confrontation des entretiens avec les recherches 6.2.1) Les moyens mis à disposition dans le service 6.2.1.1 ) Les moyens à disposition pour les familles A la suite de mes recherches, j'avais pu découvrir que lorsqu'un patient était dans le coma, l'équipe s'adressait à une personne de confiance. Or, aucun des infirmiers n'a évoqué cette personne. On peut penser qu'ils s'adressent à la famille présente, pas uniquement à la personne de confiance, et qu'ils ne font pas de différences dans les termes. Selon l'article « Limitations des thérapeutiques actives en réanimation » de la Revue des Maladies Respiratoires de septembre 2006, par rapport aux demandes des familles, le fait de répondre aux besoins spirituels et religieux a été souligné. Un seul infirmier 30 nous a répondu qu'il était possible de faire appel à « des prêtres, imams, pasteurs ». Pourtant, l'infirmier C faisait partie du même service. Presque tous les infirmiers, pensent que « les médecins encadrent beaucoup les familles 31», « ils expliquent les choses assez simplement 32», « ils utilisent des mots de tous les jours pour expliquer l'état de santé 33». Ils sont très présents aujourd'hui dans l'accompagnement des familles, ceci est en lien avec la loi n°2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie « Le médecin doit accompagner le mourant jusqu'à ses derniers moments, assurer par des soins et des mesures appropriés la qualité d'une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage ». Le 19ème congrès national du CREUF de 2013, cité précédemment, a permis de mettre en évidence que la place des familles dans les soins est importante (concept n°3 : la place de la famille dans le soin). Dans les services, cela est devenu vraie car les infirmiers avaient tous 26 27 28 29 30 31 32 33 Infirmière C Infirmier E Infirmier B Infirmière A Infirmier D Infirmière B Infirmière A Infirmier E 31 conscience de cette nécessité. Ils prennent en considération les familles par des petites attentions : leur proposer « des collations ou des repas, des fauteuils dans les chambres 34», les familles peuvent appeler à toute heure, « ils répondent toujours », ils arrivent également à être tolérants sur les horaires de visites et le nombre limité de personnes en chambre 35 . Deux services sur trois ont une salle des familles, où elles peuvent venir « se recueillir 36», ces deux mêmes services ont un livret d'accueil qu'ils donnent à l'entrée des familles. Le troisième service en a un mais qui ressemble davantage à une plaquette d'information et est seulement à disposition dans la salle d'attente. Par ailleurs, ce troisième service est le seul qui propose un psychologue pour les familles. Prochainement, dans le service n°2, va être mis en place le 24/24 37: les visites seront libres. En règle générale, l'équipe médicale et paramédicale est très disponible dans les trois services. Seul, l'infirmier E ajoute que le cadre de son service « accompagne énormément les familles et dans toutes les démarches après ». 6.2.1.2 ) Les ressources auxquelles font appel les infirmiers La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé spécifiait que les décisions se faisaient lors de réunions collégiales. L'infirmier C a cité les « réunions éthiques » avec les médecins, infirmiers et internes pour discuter du futur du patient, est-ce que l'on continue, est-ce que l'on arrête... « Le protocole LATA 38» est présent dans le troisième service, c'est à dire la limitation et l'arrêt des thérapeutiques actives : on arrête les amines et s'il y a un arrêt cardiaque, on ne fait pas de massage cardiaque. Selon l'article « Limitations des thérapeutiques actives en réanimation » de la Revue des Maladies Respiratoires de septembre 2006, les familles ont des attentes majeures concernant les processus décisionnels : un processus bien expliqué, sa réalisation comme il a été prévu, que le patient soit confortable, la possibilité d'exprimer ses émotions et que l'intimité de la famille soit respectée. Les infirmiers ont l'air de faire beaucoup participer les proches à ces décisions. Pour leurs ressources, les infirmiers font beaucoup appel au travail d'équipe et à leurs collègues afin de mettre en mots leurs difficultés. Les médecins sont également disponibles et à l'écoute39. 34 35 36 37 38 39 Infirmier D Infirmiers A et D Infirmier C Infirmier C Infirmier E Infirmiers A, B et E 32 Les trois services proposent des formations mais c'est le troisième qui propose exactement l'intitulé « Accompagnement de la famille 40». Les services n°2 et 3 ont des psychologues pour les équipes. Le premier service n'en a apparemment pas. Le Décret n° 91-129 du 31 janvier 199141 énonce le statut particulier des psychologues de la fonction publique hospitalière : « Il étudie et traite au travers d'une démarche professionnelle propre, les rapports réciproques entre la vie psychique et les comportements individuels et collectifs afin de promouvoir l'autonomie et le développement de la personne. Il conçoit les méthodes et met en œuvre les moyens techniques correspondant à la qualification issue de la formation qu'il a reçue. Il entreprend, suscite ou participe à des travaux de recherche et de formation ». Il est autant nécessaire auprès des familles que des professionnels dans ce type de service où l'émotion est très vive. L'idéal serait qu'il y en ait un pour l'équipe et un différent pour les familles. Deux infirmiers42 font appel à leur expérience comme ressources. L'infirmier issu de la nouvelle réforme et diplômé depuis peu43 fait appel aux cours d'accompagnement qu'il a reçus. 6.2.2 ) Les difficultés rencontrés par les infirmiers pour accompagner les familles L'infirmier de 31 ans dans Mourir à l'hôpital de Nancy KENTISH-BARNES faisait un témoignage poignant : « alors que les familles, c'est des gens comme toi et moi, il n'y a pas qu'une expression qui passe par les yeux, ça passe par la parole, les pleurs, les expressions, plein de choses, et ça c'est le plus dur à gérer ». La prise en charge d'un patient et de sa famille peut parfois rencontrer des limites ( concept n°2 : la relation d'aide et ses limites) comme l'a rencontré l'infirmier E « ça a été un moment difficile, quand vous avez une personne comme ça, qui a un peu la même tranche d'âge, et qui vous dit : si c'était votre père, vous feriez quoi ? ». Les transferts peuvent être régulièrement rencontrés mais plutôt lorsque l'on débute, « lorsque l'on a peu d'expérience et même quand on a de l'expérience, c'est pas simple » selon l'infirmier C de 56 ans. « Je ne fais plus de transferts, j'en ai fait une fois... 44». Les autres difficultés rencontrées par les infirmiers sont le manque de temps45 pour aller 40 41 42 43 44 45 Infirmier E Source : http://www.legifrance.gouv.fr Infirmiers B et C Infirmier E Infirmier C Infirmière A 33 discuter avec les familles lorsque les patients arrivent, cela est « frustrant » pour l'infirmière A. Pour l'infirmière B, il est difficile de ne plus penser à ces patients, une fois rentrée à la maison lorsque l'on est jeune et célibataire. Certains infirmiers peuvent avoir des mécanismes de défense (concept n°2 : la relation d'aide et ses limites). Ils peuvent être mis en jeu lorsque la situation devient trop difficile pour le soignant comme la banalisation, la rationalisation, la fuite en avant, l'esquive ou encore la dérision46... Parfois, la fatigue, le stress et l'intensité du travail47 peuvent entraver un bon accompagnement. Il faut « être reposé, ne pas être en burn-out »48 pour pouvoir s'occuper d'autres personnes que de soi. Lorsque l'on arrive également dans ce service sans expérience, « l'univers est relativement anxiogène, stressant donc quand c'est stressant, on peut pas bien informer les gens 49». Il faut un peu d'expérience, selon l'infirmière B :« du moment où on maîtrise plus cet aspect technique, je pense qu'on prend plus de recul et on passe plus de temps avec les gens ». Il ne faut pas oublier que la réanimation est un service de soins intensifs et que les soins sont techniques et très longs. La priorité de ces services est avant tout le maintien de la vie des patients. 6.2.3 ) Les familles et leur accompagnement dans le service de réanimation 6.2.3.1 ) L' accompagnement des familles L'acteur principal dans les services qui accompagne les familles est le médecin. L'infirmier D dit que les proches sont vus par « le médecin, l'interne, les infirmiers et les aide-soignants ». Ils essaient d'accompagner comme ils peuvent, « d'expliquer les choses mais c'est difficile 50», ils « annoncent le pronostic 51» et assombrissent plutôt le tableau pour « éviter que les familles se fassent des illusions 52», elles sont informés du déroulement de la suite puis ils laissent ensuite le temps pour poser des questions. Après l'intervention du médecin, les familles se tournent souvent vers les infirmiers pour avoir des réajustement sur ce qu'ils n'ont 46 47 48 49 50 51 52 Bruno Thévenet :Les attitudes de la relation aidante Infirmiers C et D Infirmier C Infirmier D Infirmier E Infirmier D Infirmière B 34 pas compris. Dans le service n°1, les familles sont rencontrées par le médecin une fois par semaine et « ne sont jamais laissées seules 53» Les rencontres avec le médecin sont faites, dans la limite du possible, avec l'infirmière 54 pour avoir un discours uniforme et sans contradictions. Cela favoriserait « la qualité de la communication entre les soignants et la famille », un des critères de Molter de l'étude « Famiréa 55». Les réunions collégiales servent à renforcer la communication entre famille et professionnels selon l'article « Limitations des thérapeutiques actives en Réanimation » de la Revue des Maladies Respiratoires. Au cours de ces réunions, le terme de mort doit être abordé et les circonstances de survenue explicitées aux familles. Cela rappelle ce qu'un infirmier expliquait, « il faut toujours rester réservé » concernant l'avenir d' un patient en réanimation. On ne doit pas cacher l'état d 'un patient et faire primer le pessimisme pour « éviter les chutes de haut 56». Le pessimisme est « une doctrine qui soutient soit que tout est mal, soit que la somme des maux l'emporte sur celle des biens 57». La difficulté dans l'accompagnement est qu'il est différent en fonction de chaque personne : l'accompagnant et les accompagnés. « L'accompagnement c'est l'humain […] c'est un soin technique, mais qui est indescriptible... qui est abstrait 58». C'est pour cela que pour quatre infirmiers sur cinq, « l'accompagnement idéal » n'existe pas, il est trop difficile à évaluer. Serait-il judicieux de demander l'avis aux proches quelques temps après l'hospitalisation de leur proche pour pouvoir connaître leur point de vue concernant l'accompagnement qu'ils ont reçu ? 6.2.3.2 ) L'attitude des infirmiers et leurs compétences Selon Nancy Kentish-Barnes dans Mourir à l'hôpital, il est nécessaire que l'infirmier accompagne les familles dans la compréhension du processus de deuil, comme le fait l'infirmier D lorsqu'il explique à l'aide d'un schéma où se situent les familles. 53 54 55 56 57 58 Infirmière A Infirmière A Étude de Elie Azoulay en 1999 auprès de 43 services de réanimation. Infirmière A Définition Larousse http://www.larousse.fr Infirmier E 35 « On peut donner des conseils 59» mais on doit leur rappeler que ce ne sont pas les infirmiers qui décident à leur place. Nous devons également rappeler le rôle de chacun, leur importance est d'être auprès du patient sans empiéter sur le rôle de l'infirmier 60 car d'après l'article « La place de la famille en service de réanimation 61», la séparation entraînait des crises d'hystérie, des attaques de panique, des agressions verbales et/ou physiques envers les soignants. Selon l'infirmière B, nous sommes là pour faire le lien entre le médecin et les proches et « expliquer des choses qu'ils n'ont pas compris ». Il est très important de bien expliquer les choses : les circonstances de l'arrivée du patient, son état de santé actuel, le pronostic, ses équipements, les sonneries. Il faut répondre à toutes les réponses que les familles se posent. Ensuite, ils expliquent le fonctionnement du service : les horaires de visite, le nombre de personnes autorisées à rentrer dans la chambre, etc. L'infirmier C résume que l'on doit « être franc » et dire « ce que l'on pense ». Comme expliqué auparavant, il ne faut « jamais être optimiste, que cela reste grave 62» en réanimation. Un infirmier évoque la « relation d'aide » (concept n°2) que l'on propose grâce à l'écoute active, l'empathie, la congruence, l'acceptation positive inconditionnelle de l'autre et la reformulation. Cette notion est apprise au semestre 5 dans l'UE 4.2 : Soins relationnels. Il faut savoir écouter et répondre à leurs interrogations, parfois « juste une présence 63» est nécessaire. Et, au contraire de temps en temps, il faut savoir « les laisser seuls avec le membre de leur famille ». Pour presque tous les infirmiers, un prise en charge ne peut être réussie sans être bien dans sa vie privée. En effet, il faut avoir une « vie extérieure riche 64», « savoir couper les ponts » pour se sentir reposé et éviter le burn-out et les transferts. Comment aider les infirmiers de réanimation à se sentir bien dans leur vie privée pour qu'ils fassent un accompagnement de qualité auprès des patients et des familles ? On doit donc faire preuve de disponibilité65 pour pouvoir être professionnel tout en restant humain. En effet, l'infirmier doit faire preuve de savoir-faire et d'humanité. 59 60 61 62 63 64 65 Infirmier E Infirmière B Paru dans Soins n°756 en juin 2011 Infirmière A Infirmier E Infirmier D Réanimation et Coma : Soins psychiques et vécu du patient, Michèle GrosClaude,2002, page 58 36 La « remise en question et l'humilité »66 sont également des compétences nécessaires pour qu'un infirmier accompagne une famille dans l'épreuve d'un accident brutal. Les capacités pour accompagner une famille s'acquièrent avec l'expérience s'accordent à dire les cinq infirmiers. Les deux infirmières pensent que le temps est également nécessaire et un peu la théorie, selon le nouveau diplômé. 66 Infirmier E 37 7 ) Synthèse de l'analyse Dans cette analyse, nous avons pu mettre en lien la théorie et la pratique. Les moyens proposés aux familles afin de les accompagner au mieux dans l'épreuve qu'ils vivent semblent de plus en plus nombreux: visites libres, salles des familles, livret d'accueil, disponibilité des équipes,etc... Cela a été possible grâce à la considération des proches. Il reste une question à éclaircir : comment savoir si ces familles ont pu bénéficier d'un accompagnement satisfaisant selon elles ? Les moyens mis à disposition pour les infirmiers sont toutefois moins importants. En effet, la première ressource à laquelle ils font appel sont en fait... eux : le travail d'équipe. Ils se soutiennent entre eux. De plus, des formations existent mais beaucoup sont techniques et ne prennent pas en compte le côté relationnel mis en jeu dans la prise en charge des familles. Dans deux services sur trois, un psychologue est disponible pour les professionnels, ne pourrait-il pas être systématique dans les services de réanimation ? Cette analyse a pu mettre en évidence que les infirmiers de réanimation peuvent rencontrer certaines difficultés (stress, transferts, manque de temps...) dans leur quotidien mais ils arrivent à les surmonter surtout grâce à l'expérience et le temps. Ils savent toutefois accompagner les familles comme ils le peuvent et le souhaitent. Les professionnels font preuve de considération à leur égard: explications, rappel du rôle de chacun, aide à la compréhension du processus de deuil. Ils restent disponibles pour les proches et leurs questions, et ne cachent pas l'état du patient, ils font preuve de plutôt de pessimisme. Enfin, les infirmiers de réanimation doivent savoir jongler entre deux facettes: être humain et être professionnel. Une relation d'aide est présente en restant dans un professionnalisme et un savoir-faire pour savoir rassurer les familles qui, à ce moment-là de leur vie, en ont grandement besoin. 38 Cette analyse m'a permis d'aboutir à une nouvelle problématique : Quels seraient les moyens à mettre en place dans un service de réanimation afin d'aider les infirmiers à être capables d'accompagner les familles en détresse tout en évitant le burn-out ? Hypothèse de résolution : Des mesures de psychologie, de prise en compte des compétences et du rôle de l'infirmier peuvent être mises en place pour pouvoir aider l'infirmier à se sentir considéré. 39 Conclusion Ce travail sur l'accompagnement des familles après un accident brutal de leur proche m'a permis d'étudier les règles législatives qui encadrent un service de réanimation. J'ai pu également découvrir les attentes des familles grâce à des sondages que je n'aurai pu effectuer dans mon enquête. Les recherches m'ont aidées à cibler la population et les compétences attendues des infirmiers. J'ai ensuite établi une grille d'entretien pour pouvoir confronter mes recherches à la réalité du terrain. J'ai pu m'entretenir avec cinq infirmiers qui m'ont informés sur l'accompagnement des familles. De nouvelles données ont ainsi être pu traitées : les familles ont une grande place dans le service et peuvent profiter de multiples moyens, les infirmiers peuvent faire appel à des psychologues, à des formations, à leurs collègues mais les services ne les ont pas toujours. Les compétences auxquelles font appel les infirmiers sont principalement celles de la relation d'aide. Ils sont un lien entre le médecin et les familles et doivent rester francs et faire preuve de remise en question. Ainsi, la théorie et la pratique sont relativement semblables. Il reste des disparités mais j'ai été étonnée de tous les moyens mis à disposition au fur et à mesure pour améliorer le quotidien des familles qui traversent une épreuve aussi difficile. La prise en charge d'une famille dans cette épreuve fait appel aux capacités relationnelles et professionnelles et d'une remise en question permanente sur soi. De ne pas oublier l'aspect relationnel avec les proches m'a fait réfléchir sur l'infirmière que je souhaite être dans quelques mois. Parce que je n'avais pas eu le temps de méditer sur la place des familles en stage ou parce que je suis passée « de l'autre côté de la barrière » au cours de l'élaboration de ce mémoire, j'ai appris que les familles doivent être, elles aussi, également soignées. Le bien-être de la famille est primordial pour l'amélioration du patient. 40 Bibliographie Ouvrages GROSCLAUDE Michèle, Réanimation et coma : Soins psychique et vécu du patient, Paris, Masson, 2002 HALLOUET Pascal, Méga Mémo IFSI, Elsevier Masson KENTISH-BARNES Nancy, Mourir à l'hôpital, Paris VIe, Editions du Seuil, 2008 Cours Cours DA SILVA Maria / THEVENET Bruno, cadres formateurs infirmiers, La relation soignant-soigné, UE 4.2 Soins Relationnels, Semestre 5 Cours DUBREUIL Olivier, cadre formateur infirmier, Syndrome Coronarien Aigu, UE 2.5 Processus Obstructifs, Semestre 3 Cours MOREL Claire, cadre formateur infirmier, SCA ST+, UE 2.5 Processus Obstructifs, Semestre 3 Cours THEVENET Bruno, cadre formateur infirmier, Les attitudes de la relation aidante, UE 4.2 Soins Relationnels, Semestre 5 Textes officiels Loi Léonetti n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, Code de la Santé Publique : - Décret n° 2006--120 du 6 février 2006 relatif aux directives anticipées - Décret n° 2006--120 relatif à la procédure collégiale Loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, Code de la Santé Publique Circulaire N°DHOS/SDO/2003/413 du 27 août 2003 relative aux établissements de santé publics et privés pratiquant la réanimation, les soins intensifs et la surveillance continue Décret n° 91-129 du 31 janvier 1991 Articles AZOULAY Elie, Limitations des thérapeutiques actives en réanimation, Revue des maladies respiratoires, septembre 2006 (CDI em-consulte) ROHBRACHER Emmanuel , La place de la famille en service de réanimation, Revues Soins spécial cardiologie supplément n° 756, juin 2011 (CDI em-consulte) Sitographie http://www.legifrance.gouv.fr/ http://www.infirmiers.com/ http://www.soins-infirmiers.com AZOULAY Elie, L’information au patient en réanimation et à ses proches: le point de vue de la SRLF, 5 juillet 2001 http://www.urgencesserveur.fr/IMG/pdf/consensus_rea_information.pdf 41 BAIANA Christina, La place des proches en milieu hospitalier, 4 février 2012 https://www.uclouvain.be/cps/ucl/doc/ebim/documents/La_place_des_proches_en_milieu_hos pitalier_2012.pdf Fédération Française de Cardiologie, Reconnaître l'arrêt cardiaque et les gasps, 2011 http://www.fedecardio.org/1vie3gestes/les-gestes/reconnaitre-arret-cardiaque 11èmes Journées Annuelles de la Santé Publique, Communiquer dans l'urgence http://jasp.inspq.qc.ca/Data/Sites/1/SharedFiles/presentations/2007/10h30_CORRIVEAU_Gil les.pdf Dr LAMY Bernadette, Arrêt des soins en réanimation, Janvier 2009 lyon1.fr/files_m/M4052/Files/491840_81.pdf http://spiral.univ- Méthodologie du TFE http://www.soins-infirmiers.com/methodologie_travail_fin_etudes.php Référentiel de compétences de l'infirmière de réanimation, 2011 http://www.srlf.org/Data/Upload/Files/PDF/20110419-R%C3%A9f%C3%A9rentiel%20IDE %20final.pdf Le rôle du psychologue en réanimation http://www.infirmiers.com/votre-carriere/cadre/lerole-du-psychologue-en-reanimation-neurochirurgicale-point-de-vue-dun-cadre-de-sante.html 42 Annexes Annexe I :Tableau 3 de l'article Limitations et arrêts des thérapeutiques en réanimation Attentes des familles des patients en fin de vie (Recommandations pour les soins fin de vie en unités intensives : Crit Care Med 2001) – être présent avec le patient – être utile au patient – être informé de la situation et des modifications de l'état du patient – comprendre ce qui est fait au patient ( et pourquoi c'est fait) – être assuré du confort du patient – être réconforté – pouvoir exprimer ses émotions – être assuré que les décisions prises sont les bonnes – trouver un sens dans l'accompagnement de son proche – être nourri, hydraté et reposé – trouver réponse honnête à ses questions 43 Annexe II : Échelle de coma de Glasgow M. Bertrand avait un indice de 3/ 15 : le score le plus bas qui correspond à une mort cérébrale 44 Annexe III : Grille d'entretien Mon sujet se porte sur une annonce qui vient soudain foudroyer l'équilibre familial. L'infirmier va devoir accompagner une famille d'un proche avec son pronostic vital engagé. Comment va-t-il s'y prendre ? 1) Quel âge avez-vous ? 2) Depuis combien de temps êtes-vous diplômé(e) ? Année d'obtention du diplôme : 3) Depuis quand travaillez-vous dans ce service ou un service similaire ? Où avez-vous travaillé auparavant ? 4) Quelle a été votre motivation/choix de travailler en réanimation ? 5) Avez-vous déjà accompagné une famille d'un proche dont le proche en réanimation/soins intensifs avait son pronostic vital engagé? Pouvez-vous expliquer une situation qui vous a marqué ? 6) A votre sens, dans quel état émotionnel se trouvent le plus souvent les familles lorqu'elles arrivent pour la première fois dans le service ? 7) Quelle est l'attitude que vous adoptez lorsqu'une famille arrive pour la première fois? 8) Qu'est-ce que cela vous renvoie ? - Difficultés que vous pouvez rencontrer (transferts...) - Ressources auxquelles vous faîtes appel (formations, cours...) 9) Selon vous, quelles sont les compétences mobilisés par l'infirmier lors de ces situations ? 10) Quels sont les moyens mis à disposition dans votre service pour accompagner les familles et ceux que vous considérez manquants (formations, participation à des congrès, réunions, présence de psychologues...) 11) Accompagnez-vous les familles comme vous le souhaiteriez ? Si non, qu'il y a t-il à améliorer ? (contraintes horaires, charge de travail, fatigue...) 12) Comment pensez-vous que l'accompagnement des familles en réanimation s'acquière-t-il ? (avec le temps, l'expérience, la théorie à l'école, les compétences de chacun...) 13) Selon vous, quel serait un accompagnement de famille idéal ? Quels seraient les outils ? 45 Annexe IV : Entretiens Présentation des infirmier(ère)s : Infirmière A Infirmière B Infirmière C Infirmière D Infirmière E Femme de 27 ans, diplômée Femme de 45 ans, diplômée Homme de 38 ans, diplômé depuis Homme de 57 ans, diplômé depuis Homme de 31 ans, diplômé depuis depuis 7 ans qui travaille depuis 2 depuis 24 ans qui travaille depuis 8ans qui travaille depuis 8 ans en 21 ans qui travaille depuis 21 ans 6mois qui travaille depuis 6 mois ans en réanimation Nord au 19 ans en réanimation dont 11 ans réanimation dont 4 ans en en réanimation Sud au CHLS. en réanimation à la Clinique du CHLS. en réanimation Nord au CHLS. réanimation Sud au CHLS. Tonkin. 1) Quel âge avez-vous ? Euh... 27. 45. J'ai 38 ans Donc, je vais sur mes 57 ans. J'ai 31 ans. 2) Depuis combien de temps êtes-vous diplômé(e) ? Année d'obtention du DE : 7 ans. Novembre 2007. 1990, donc ça fait 24 ans 2006. Ça fait 8 ans. Alors, je suis diplômé depuis juin Et ben début novembre 2013... Ça 1993. Donc j'ai fait mes études assez fait 6 mois, le temps passe vite. tard, donc j'étais agent de service puis aide-soignant. Avant d'être agent de service, je travaillais dans la métallurgie. 3) Depuis combien de temps travaillez-vous dans ce service ou un service similaire ? Où avez-vous travaillé auparavant ? Alors, je suis là depuis 2 ans. Et Et bien en fait j’ai travaillé 5 ans avant en fait, j'étais en SRPR. Et aux urgences à HEH et après j’ai euh, la, c'est un service de travaillé en réa à HEH de 1995 à rééducation post-réanimation. 2003 et puis depuis 2003 je suis là. C'est de la neuro mais euh post-réa mais en neuro quoi. Avec des réveils de comas et tout ça. C'était à Henry Gabriel mais le service maintenant est en neuro. Alors, j'ai toujours travaillé en réanimation depuis 2006 et là ça fait 4 ans que je suis ici. Alors, ça fait une vingtaine Alors ben j'ai commencé en juillet, d'années. Et quand j'étais aidetout de suite à la fin de l'école. soignant, je travaillais déjà en J'avais commencé, j'étais en réanimation à l'hôpital de la Croix- doublure pendant 3 semaines et Rousse. euh... J'ai planté mon mémoire donc je l'ai représenté en octobre, je l'ai eu. Donc après en novembre j'ai réintégré l'équipe infirmière. Entre juillet et novembre, j'ai fait aide-soignant. 4) Quelle a été votre motivation/choix de travailler en réanimation ? Euh, ben moi c'était pour la suite, enfin par rapport aux services que j'avais fait avant. Donc pour deux choses, déjà pour les 12 heures et ensuite je voulais un service speed, j'avais peur de m'ennuyer et puis pour voir du coup l'avant, parce que moi javais des patients à la sortie de la réa. Donc j'avais envie de voir ce qu'il se passait avant, voilà. Et bah en fait au départ, j’avais fait un stage aux urgences qui m’avait bien plu donc j’ai commencé par ça, et puis en fait au départ, enfin, je voulais faire une école d’infirmière anesthésiste puis la vie a fait que j’ai pas pu le faire mais finalement j’ai pas regretté... Parce que ma relation est différente, je trouve qu’on fait beaucoup de choses différentes, on voit des... Enfin voilà. C’est beaucoup plus varié, je trouve. Par hasard. J'étais sur Paris et en fait il y a avait énormément de postes à l'époque, et quand on postulait, ils nous filaient une liste de postes et donc on choisissait ce qu'on voulait et donc il y en avait un service de neuro-chir ou la réa, il était sympa et donc voilà c'est tout. Et ils m'ont filé le poste parce que de toute manière, on choisissait. C'est un peu compliqué, en fait. Quand je suis sorti de ma formation d'aidesoignant à l'époque euh... J'ai pas eu bien le choix en fait y'avait des postes en réanimation et euh... ça m'a plu, la spécialité m'a plu. Euh, alors c'est vrai qu'à l'époque on avait encore des anciens... Où je travaillais, il y avait tout un côté du service qui était occupé par des myopathes et des anciens polios donc voilà. Donc ça m'a plu et j'y suis resté. C'est une spécialité qui m'a plu, parce que bon, s'occuper des malades en totalité... Donc euh voilà j'y suis resté. Et puis j'y suis resté parce que l 'équipe était jeune, c'était sympa, on faisait plein de choses, voilà. C'est ce qui m'a motivé. Et après mon DE, ben pareil. Après mon DE, j'ai découvert ce service un peu par hasard et y'avait des postes et j'ai pu obtenir un poste ici, voilà. Il y en a eu plusieurs. C'est de la réanimation, un service technique. Par rapport à mon projet professionnel où j'ai éventuellement le souhait de faire l'école d'IADE, c'est un passage incontournable. Et puis euh, aussi par rapport aux multiples candidatures que j'ai faites et c'est ceux qui m'ont répondu le plus rapidement et qui m'ont proposé un poste tout de suite. 5) Avez-vous déjà accompagné une famille d'un proche dont le proche en réanimation/soins intensifs avait son pronostic vital engagé? Pouvez-vous expliquer une situation qui vous a marqué ? Oui, souvent . Alors, on a beaucoup de patients d'hémato. Donc c'est des patients qui sont un peu chroniques mais en même temps quand ils arrivent en réanimation c'est brutal parce qu' ils se dégradent d'un coup. Et ces patients là souvent ça se passe mal. Généralement, l'issue est fatale. Euh, y'a ces patients là. Après y'a les patients plus âgés, en détresse respi sur des décompensations de BPCO où du coup là c'est plus chronique et puis on a quelques jeunes euh, des accidents de la route, avec des dons d'organes. Donc là aussi c'est brutal mais c'est pas ce qu'on a le plus, quoi. Ils viennent pas chez nous en priorité. Donc voilà en gros les cas. Bah en fait on le fait un peu au Oui bien sûr, oui. Plus d'un m'a quotidien. Ici, c'est... Je saurais pas marqué. Il y en a beaucoup. En dire. De toute façon c’est toujours fait, les plus marquants c'est pas un peu le même truc, quand forcément des accidents brutaux. l’accident est brutal c’est toujours Si tu veux, j'étais sur HEH, on super compliqué la première faisait tout ce qui était greffes et approche. L’avantage qu’on a ici mort encéphalique mais il n'y avait c’est que les médecins encadrent pas trop. Ici, si y'en a peut-être un, beaucoup les familles je trouve, et François, qui a eu un accident de c’est vrai que des fois il n’y a pas moto, qui était tétraplégique. besoin de leur dire de voir telle [Blanc ] famille, d’eux même ils nous Mais accidents brutaux, non pas disent « bon bah la famille je l’ai trop. pas vu est ce qu’il y a quelqu’un.. » d’emblée, en fait, en principe on les prend ici, donc nous on assiste à l’entretien, ce qui est bien, parce que du coup on sait exactement ce qu’ils savent, rien n' est caché hein de toute façon, des fois ils ont même tendance un petit peu à assombrir le tableau parce que si jamais ça se passe pas bien, pour être sûr que les familles ne se fassent pas d'illusions, quoi. Et puis en fait je trouve qu'ils prennent bien le temps de laisser poser des questions. Et puis après, au fur et à mesure du séjour, ils sont vus, revus et revus. Nous on est là un petit peu pour faire le lien, et expliquer des choses qu'ils n'ont pas forcément compris. Alors ici, ça marche comme ça. Je sais pas, je vais peut-être un peu vite mais ici quand on a des patients graves, même si c'est brutal par exemple, on voit les familles. On voit les familles avec le médecin qui s'occupe de l'unité. Donc le médecin, l'interne euh... L'infirmière euh... l'aide-soignante. Voilà, donc l'annonce du pronostic se fait, donc c'est le médecin qui le fait, mais on voit ça en équipe. Euh, on fait aussi ce qu'on appelle des réunions éthiques donc infirmiers, médecins, l'interne... euh pour savoir, enfin ce que va devenir le malade, ce qu'on va faire, est-ce qu'on continue, est-ce qu'on arrête... enfin, c'est pas toujours simple. En sachant qu'ici on a entre 20 et 25 % de décès... Euh dans le service. Après les décès post-réanimation, y'en a. Le nombre je ne sais pas, j'en avais discuté une fois avec un médecin mais on a... Enfin des fois on sait pas trop ce que les malades deviennent mais il y a quand même un nombre de patients assez important qui décèdent aussi après en post-réanimation. Alors, bien sûr il y a les critères d'âges, les pathologies et voilà. Oui. Euh... en fait c'était une famille avec... Donc c'était le père qui avait son pronostic vital engagé, il était insuffisant rénal...euh non respiratoire importante, il avait une détresse respiratoire importante et euh le pronostic est engagé, et donc la fille. Moi je m'occupais de son père, et la fille en fait, nous demande dans la chambre, le médecin lui avait parlé de ce que nous on appelle le protocole LATA, l'arrêt des traitements euh l'acharnement thérapeutique, les limitations thérapeutiques, on arrête tout ce qui est amine, on met en place le fait que s'il y a un arrêt cardiaque, on ne masse pas. Et donc la fille m'a demandé, m'a dit « mais ce serait... ce serait votre père vous feriez quoi ? » et là, c'est... C'est une histoire de transfert aussi parce qu'on imagine si c'était notre père, on peut aussi avoir perdu son père depuis peu, donc difficile d'arriver à se mettre comme ça , on essaie de faire comprendre que c'est pas notre décision, que nous on est là pour l'accompagner mais qu'on est pas là pour ça, pour prendre ses décisions c'est à elle, c'est elle qui pèse le pour et le contre, nous on peut l'accompagner, on peut lui donner des conseils mais qu'on ne peut pas nous, dire « voilà, ce serait mon père, je ferai ça... » parce que c'est propre à chacun. Ça a été un moment difficile quand vous avez une personne comme ça et qui a un peu la même tranche d'age et qui vous dit « si c'était votre père vous feriez quoi ? ». Donc on essaie d'accompagner comme on peut, on essaie d'expliquer les choses mais c'est difficile. 6) A votre sens, dans quel état émotionnel se trouvent le plus souvent les familles lorsqu'elles arrivent pour la première fois dans le service ? Euh, ben ils sont stressée, Ben, ils sont sous le choc quoi. angoissées, en colère, ça dépend Donc je pense que c'est un petit les circonstances, mais ça peut peu comme si on vous annonce un arriver euh, et puis surtout dans décès brutal quoi. Enfin, on sait l'incompréhension. Parce que c'est pas quoi dire, on comprend pas, quand même un service enfin je trouve que c'est un petit super...vraiment spécial. peu comme les phases de deuil, il Généralement quand les patients y a le choc, le déni, enfin c'est un arrivent, les familles suivent petit peu ça je trouve. derrière et nous on a plein de soins à faire à l'arrivée donc on peut rester deux heures dans une chambre sans pouvoir faire rentrer la famille. Donc ils arrivent, ils sont stressés, du coup ils sont un peu en colère contre nous parce qu'ils peuvent pas rentrer, ils ont du mal à comprendre pourquoi ils peuvent pas rentrer et ce qu'on est en train de faire. Mais pour nous la priorité c'est vraiment le patient et après la famille on va la voir après malheureusement parce qu'on peut pas, enfin voilà. Le plus urgent c'est de s'occuper du patient quand il arrive. Euh,voilà en gros, je pense que... et puis ben après y'a la tristesse mais ça, ça vient après, quand ça se passe mal. Elles sont bien dans le déni. Enfin, ils réalisent pas trop ce qui arrive, ils comprennent pas forcément. Il faut leur expliquer mais des fois, c'est pas clair. Ils veulent savoir s'il va s'en sortir ou s'il va pas s'en sortir. Et il suffit de leur dire clairement,alors des fois on sait pas,des fois on sait, moi je trouve que des fois leur dire clairement « il va pas s'en sortir » ben c'est mieux. Souvent, c'est le médecin qui va redire les choses et des fois ben il ose pas trop dire ben « il va mourir ». Y'a des médecins qui savent vraiment bien faire, y'a des médecins... souvent ça nous aide pas. Moi, pour moi, je pense que c'est plus facile de dire « ben il oui va pas s'en sortir » de dire « ben on va essayer de faire tout ce qu'il faut etc.. » Alors, état émotionnel,euh... [blanc] Je veux dire, des fois il y a un état de sidération hein. Je veux dire, elles sont... un peu sidérées, elles sont... C'est un peu difficile à répondre ça comme question parce que l'état émotionnel euh... Il y a des gens qui pleurent, voilà quand on vous annonce que le proche va décéder, c'est différent. Nous on essaie un peu de faire de la relation d'aide, mais c'est pas souvent, c'est pas toujours facile parce qu'on peut aussi avoir un côté un peu émotif, surtout quand on a peu d'expérience et même quand on a de l'expérience, c'est pas simple. Il faut avoir une vie extérieure quand on sort d'ici assez riche, il faut pas... il faut couper les ponts, voir sa famille et vraiment avoir une vie personnelle. Alors... Ben souvent, elle ont peur. Elles ont peur de perdre la personne chère. Dans l'incompréhension, elles savent pas concrètement ce qu'il se passe, elles savent pas ce qu'il s'est passé, ce qu'il se passe et ce qu'il va se passer. Euh, les médecins ont pas forcément le vocabulaire adéquat même si ici ils sont très bien, ils utilisent des mots de tous les jours pour expliquer l'état de santé d'un patient, c'est vrai qu'on voit les familles, souvent elles sont perdues. Elles sont complètement perdues, déchirées entre « c'est un membre de ma famille, c'est mon père, c'est ma femme, c'est ma fille... » et se dire voilà, « oui il faut qu'on arrête, ces critiques ça ne sert plus à rien, et non je ne peux pas plus rien dire au médecin, ne peut plus rien faire. Parce que c'est... Une personne chère ». Donc elles sont vraiment, on voit, elles sont vraiment perdues. 7) Quelle est l'attitude que vous adoptez lorsqu'une famille arrive pour la 1ère fois ? Alors on gère déjà le patient comme je te disais, en général quand le patient est à peu près géré, le médecin rencontre la famille, toujours avant de les faire rentrer, donc avec l'infirmière si possible, on essaie toujours d'être présent et puis l'aide soignante qui s'en occupe. A ce moment là, il explique ce qu'il se passe, pourquoi il est arrivé chez nous , il explique souvent, ce qu'il s'est s'est passé avant, parce que comme c'est dans le cadre de l'urgence, il passe aux urgences tout ça , ils ont pas suivi le cheminement donc ils comprennent pas toujours. Donc le médecin il reprend toute l'histoire, il réexplique tout et puis on a des médecins qui sont top là dessus qui prennent le temps, qui expliquent les choses assez simplement; et puis après il leur demande s'ils ont des questions etc. Ensuite on les fait rentrer, nous on donne le livret d'accueil ; on explique le fonctionnement du service, les horaires de visite, on essaie de vraiment bien expliquer puis aussi expliquer le patient, tout l'équipement qu'il a autour de lui pour dédramatiser un peu, bien leur expliquer qu'il y a beaucoup de sonneries et que c'est pas grave, qu'ils sont sous surveillance. Et puis on les accompagne toujours dans la chambre, on les laisse jamais rentrer seuls. Et donc généralement, normalement on fait rentrer par deux, donc quand le patient vient d'arriver ça peut arriver qu'on fasse rentrer toutes les personnes qui sont là si possible un petit moment et comme ça ça les rassure et ils voient... ils ont besoin de voir leur proche même si c'est cinq minutes ça les rassure toujours un petit peu, quoi. Alors on essaie d'expliquer un maximum les choses. Moi ce que j'essaie de faire c'est surtout leur dire qu'ils sont là pour, qu'ils... enfin comment dire, que nous on est là pour soigner mais eux ils ont leur importance aussi. Voilà, tenir la main et tout ça, mais par contre qu'il faut pas non plus, qu'ils empiètent sur nous, c'est à dire, ils sont pas là pour surveiller un respirateur, savoir pourquoi telle courbe elle est comme ça, c'est pas leur rôle. Moi, j'essaie de leur dire, vous regardez pas le respirateur, vous regardez pas le scope, c'est pas votre rôle, nous on est là pour gérer, vous votre rôle c'est de tenir la main et de parler à la personne de votre famille. Je dis la vérité. Oui je dis ce que je Alors, moi personnellement, pense. Alors, après si... En fait, j'essaie, je dis bien j'essaie, dans j'évalue l'état de compréhension de la 98 % des cas maintenant, enfin à famille. Et souvent quand on leur l'instant T, depuis déjà pas mal de parle trop technique, comme le font temps, je dis pas y'a 30 ans en les médecins, ils savent pas trop ce arrière, c'est différent. Mais que ça veut dire, c'est un peu du... Je maintenant, quand les portes de vais pas dire du charabia, ils peuvent comprendre mais à ce moment là, ils l'hôpital se ferment, je pense à mes sont vraiment dans le pragmatique, ils collègues, des choses comme ça veulent savoir ce qu'il va se passer, mais les patients je décide de ne dans combien de temps, quand est-ce plus y penser. Je m'occupe de ma que ça va arriver, est-ce qu'il va s'en fille... Donc voilà (rires). sortir, si ses jours sont en danger... On Non,non . Je.. Je fais a tendance à dire ses jours sont en complètement la différence entre danger tant qu'il sera en réanimation, ce qui est entre mon activité euh dire s'il va s'en sortir ou pas... En professionnelle et mon activité général, même avec des accidents extérieure. Et l'attitude face aux graves on est assez réservés, le jeune homme avec l'accident de moto c'était familles, ben j'essaie d'avoir une attitude de compassion ou une grave parce qu'il est tétraplégique, il est sorti juste en bougeant la tête donc attitude... euh une relation d'aide on l'a sauvé quand même mais à ce euh... voilà c'est ça... mais je veux moment-là pour les autres c'était dire moi j'essaie de, de... voilà. difficile, même pour l'équipe, il a 25 ans donc... La famille ils sont un peu... euh... Le papa... Il essaie de tout comprendre mais à un moment donné il lâche prise mais pas tout de suite. Donc nous on accompagne en fonction de ce qu'ils ont envie de dire, il essaie de pas craquer mais à un moment donné en fait il craque, il faut écouter, il faut être là et on peut pas faire grand chose de plus. Il faut être franc. Ben on essaie de les accompagner, de leur expliquer au mieux les choses, ce qu'elles arrivent à comprendre, de répondre au mieux à leurs questionnements, à leurs attentes. Après, des moments, c'est juste une présence, c'est juste euh... Vraiment les mots ne servent pas à grand chose. Après on essaie aussi de prendre de la distance nous et on essaie de les laisser seuls avec leur membre de famille. Ça sert à rien qu'on soit là, on essaie de leur laisser le plus longtemps possible ensemble. Et puis après... tout ce qui est annonce de diagnostic, tout ce qui est quand les personnes demandent vraiment, quand la famille demande vraiment l'état de santé réel et qu'on sait que l'état est critique euh... Je sais que moi, euh je suis jeune dans la profession euh j'ai pas beaucoup d'expérience en réanimation, en général, je laisse le médecin faire. Je leur dis « je vais appeler le médecin, le médecin viendra vous voir » et c'est au médecin de faire l'annonce de diagnostic, c'est pas à moi. 8) Qu'est-ce que cela vous renvoie ? - Difficultés que vous pouvez rencontrer (transferts...) - Ressources auxquelles vous faîtes appel (formations, cours...) Ben on essaie de faire au mieux. Mais ce qui est délicat ici c'est que du coup comme je te disais dans l'urgence on a beaucoup de soins à faire et la famille, on a pas forcément le temps d'aller la voir tout de suite. Donc là, des fois c'est un peu frustrant parce qu'on a envie d'aller expliquer les choses et tout ça, c'est mieux. Je sais pas quoi te dire de plus. Les ressources sont le travail d'équipe c'est à dire que s'il y a un patient dont on s'occupe depuis plusieurs jours et qu'on a du mal avec la famille, ça c'est typique pour les patients d'hémato, où la famille c'est très dur ça se passe mal enfin ils sont vraiment en détresse (intervention de la part d'un de ses collègues pour une question par rapport à son patient ) Donc l'équipe,oui si on est à bout avec ce patient, avec la famille parce que des fois c'est dur plusieurs jours ben on passe le relais, on change de patient et puis l'équipe aussi, dans le sens où quand on rencontre les familles on est plusieurs. Nous en tant qu'infirmières c'est vrai qu'on donne des nouvelles par téléphone, mais le minimum, on s'engage... on... en réa on est jamais optimiste on leur dit toujours que ça reste grave parce que ça peut basculer d'un moment a l'autre tout le temps donc il faut toujours être réservé pour éviter les chutes de haut. Voilà parce qu'après on n'a rien en ressources extérieures. Sinon y'a peut-être des formation, je t'avouerai que je me suis pas trop penchée dessus, peut-être qu'elles existent mais elles sont pas systématiques. Il faut les demander... mais elles sont pas forcément acceptées. Ben de toute façon, enfin souvent les Euh... non il n'y a pas de Non, pas de transferts. Enfin, moi gens nous disent « oh ben de toute difficultés. L'émotion. Je ne fais je n'ai plus mes parents, je veux façon, vous êtes blindés, machin... » plus de transferts. J'en ai fait une dire. Vous voulez-dire ce que ça C'est pas vrai. Et puis au cours de la fois, mais pas sur un accident etc vous renvoie une perte de vie, je pense qu'il y a une évolution c'était sur une pathologie... quelqu'un ? Non, pas de parce que quand on commence à Les ressources, ben si moi j'ai fait difficultés, moi j'ai perdu mes travailler par exemple on est parents, ça fait déjà un moment célibataire, on rentre à la maison, ben une demande de formation sur le y'a rien d'autre quoi, bah du coup c'est diagnostic grave mais je crois que donc je ne fais pas de... non,non. difficile de sortir de ça parce qu'on ça fait depuis le début que je suis Les ressources, alors ici au sein de reste un peu là-dedans. Après, moi je là que je demande donc... Après l'hôpital, il existe des formations vois avec les enfants c'est plus facile sur les cours non plus, sur... sur la mort, euh on a la parce qu'on a d'autres soucis en l'expérience. possibilité de voir une rentrant à la maison et du coup ça fait psychologue euh pour ceux, donc du bien aussi parce qu'il faut savoir pour ceux qui le souhaitent il y a prendre du recul hein. Voilà, et puis la des possibilités, voilà. vie fait qu'on a aussi des expériences qui font que... même si ça nous marque, il faut essayer de passer au dessus quoi, et puis parce que pour moi sinon c'est pas la peine de travailler ici. Les ressources, moi je trouve que c'est beaucoup entre nous en fait. Donc parler avec les médecins... L'avantage ici, c'est qu'ils sont assez ouverts et quand on a des inquiétudes, des questions qu'on se pose, ils sont vachement là pour nous répondre et puis, entre nous. Moi, je trouve que travailler la nuit, on a une certaine proximité et puis un jour c'est l'un qui a des difficultés parce qu'avec le malade ça se passe pas bien, et je trouve qu'entre nous, on arrive vachement à se remonter le moral. Oui, forcément, on a des difficultés. Alors euh... C'est toujours pareil, ça dépend des cas, ça dépend... mais euh des patients de 80-90 ans, y'a beaucoup moins de transferts. Quand on reçoit des patientes ou des patients de 35-40 ans qui décèdent... Voilà on a toujours plus de mal, on le voit on en discute ensemble avec les collègues, on dit « c'était dur », émotionnellement c'est dur, après voilà on est une bonne équipe, on peut s'appuyer les uns sur les autres, c'est difficile dans une chambre où un cas est compliqué et particulier, on se retire et on dit à son collègue « écoute, tu peux...tu peux t'en occuper parce que moi je ne peux plus ». Euh, les ressources c'est les collègues. On a pas beaucoup plus de ressources, euh alors effectivement on a notre cadre qui est là, si on a un souci avec un patient, on peut aller le voir, on lui explique les choses, on lui dit « voilà écoutez, tel patient me renvoie telle chose, j'ai du mal à m'en occuper, est-ce que je peux changer de secteur ? » Après souvent, on s'entraide entre collègues, comme on est au moins 2 par secteur, s'il y a un patient avec qui on a vraiment du mal, ben on va voir son collègue on lui dit « bah écoute, je te prends un patient, est-ce que tu peux prendre le mien » en accord avec le cadre, parce que voilà c'est trop difficile pour moi. Alors, sur la prise en charge, non... on n'a pas de formation propres imposées. Euh, sur les formations imposées, on a les formations sur le métier : fonction respiratoire, fonction cardiaque et ainsi de suite, pour savoir ce qu'on fait. Après pour les formations d'accueil à la famille, il y a des formations possible, on peut demander, y'avait un tableau il y a encore quelques mois où on pouvait écrire les formations qu'on souhaitait passer. Et je sais que la formation « Accompagnement de la famille » y était donc on peut demander de suivre une formation d'accompagnement. 9) Selon vous, quelles sont les compétences mobilisés par l'infirmier lors de ces situations ? Euh, la relation d'aide si on peut Ben je pense que c'est autant L'expérience. Enfin, les appeler ça comme ça. L'écoute qui l'aspect humain mais ça c'est compétences, je pense qu'il n'y a peut prendre du temps, les quelque chose de naturel, parce pas de compétences. Je pense qu'il explications, toujours expliquer que, même si on n'est pas dans faut...être pré...non pas préaux familles c'est super important, leur cas, on arrive à comprendre disposés, je pense qu'on est tous simplement. Voilà, euh.. Je pense que ça peut être difficile et qu'il y pré-disposés mais qu'il ne faut pas que c'est le principal. a des fois, même s'ils se mettent à être en burn-out, il faut être crier, même s'ils nous en veulent reposé. Si on est trop fatigué et sur le coup, il faut aussi dire, ben qu'on en a vraiment marre ben c'est normal, on ferait pareil dans c'est vrai qu'on est moins à ce cas-là et voilà. l'écoute, plus en distance, il faut être bien dans sa vie privée, à un moment donné, il faut être bien pour pouvoir prendre en charge les familles... Ce qui n'est pas toujours facile. [blanc] Alors... Ça je ne sais pas bien quoi répondre, piégé hein. Quelles compétences ai-je mobilisées ? Euh... c'est un peu difficile à dire parce que... C'est pas prétentieux hein, pas du tout mais avec l'expérience, un petit peu, pas qu'on ait l'habitude mais... comme je vous disais on peut pas... [blanc] Je pense qu'il faut faire la part des choses entrer ce qui est le travail enfin le milieu professionnel, en sachant que dans le milieu professionnel dans lequel on travaille ici, on est confronté..donc à la mort hein et c'est quelque chose de réel et euh donc je pense qu'il faut, il faut avoir la capacité de faire la différence entre le milieu extérieur et le milieu professionnel. Je crois qu'il faut être capable, alors est-ce que c'est une compétence, je ne sais pas. Être capable, c'est pas toujours facile, être capable de faire la différence. En sachant que... c'est peut-être un peu fort mais oui la mort ça fait un peu partie ici de notre quotidien. On a des personnes, on a beaucoup de décès. Voilà, c'est comme ça. Ça vous va comme réponse ou pas ? Dites-moi, parce que c'est pas facile de répondre à ça. Quand j'étais plus jeune, c'était un peu différent j'avais pas la vie extérieur donc... Il y a des malades qui m'ont touché, qui me touchent toujours mais c'est différent, mais voilà à l'époque qui m'ont touché. Des choses que je gardais pour moi, qui sont très personnelles et donc, voilà, mais... maintenant, non. Maintenant, je, je... Je pense qu'avec l'expérience, euh... Puis voilà, sinon c'est pas vivable, sinon il faut plus travailler ici. Donc moi je suis bientôt en cessation d'activité, je vais bientôt partir, je serai à la retraite donc voilà. [blanc] Euh, bah y'a la compétence... le professionnalisme, déjà. Arriver à rester professionnel, à maîtriser ses émotions et rester professionnel dans toutes les circonstances. Et que si on n'y arrive pas, on soit... Voilà, assez professionnel pour dire « je ne peux plus, je laisse mon collègue prendre en charge, éviter de tout prendre sur soi et dire « il faut que je le fasse, il faut que je le fasse... ». Au bout d'un moment, on s'écroule. Ça... Et, ça va avec la remise en question, c'est à dire « je ne peux plus, donc il faut que... que je m'arrête ». Voilà, compétences : professionnalisme, humilité, euh principalement je pense que c'est les deux qui sont importantes. 10) Quels sont les moyens mis à disposition dans votre service pour accompagner les familles et ceux que vous considérez manquants (formations, participation à des congrès, réunions, présence de psychologues...) Euh, ben les moyens, les moyens... Alors on n'a pas de psychologues, ça pourrait être utile quelques fois. Depuis qu'on a ces patients d'hémato. On a beaucoup de mal à s'en occuper pour la plupart. Euh, après ben les ressources, principalement le travail en équipe, les familles on les rencontre à l'arrivée mais après on les rencontre tout le long du séjour donc le médecin les rencontre une fois par semaine et ces entretiens là on essaie de participer aussi donc c'est quand même, ça permet d'entendre ce que le médecin dit, et pour avoir le même discours... Parce que les familles généralement, devant le médecin elles ne posent pas de questions, sur le coup ils n'ont pas les questions qui leur viennent, et puis les questions ils les posent à nous après. Donc ça permet de savoir ce qui a été dit, ce qui a été entendu ou pas, des fois il faut leur dire plusieurs fois pour qu'ils entendent bien. Voilà, après on a le livret d'accueil qui les aide un petit peu, ben cette petite salle là qui est ce qu'elle est mais qui permet d'être un peu...à l'écart, seuls et pour les mettre un peu là s'ils ont besoin. Et Ben en fait, y'a un truc, je pense qu'on est tous d'accord là-dessus, c'est qu'il faut pas être borné, c'est à dire que, bon les soins c'est une chose, mais les gens ils nous appellent ben il faut être dispo pour leur répondre, et des fois un petit mot ben ça rassure vachement. Nous, ici on fait rentrer 2 personnes de 13 à 20h, si la personne va décéder ben on a bien compris, quoi, que ce soit n'importe quelle heure du jour ou de la nuit... Voilà, je pense aussi que c'est la relation avec la famille qui permet aussi de faire passer la pilule quoi. Et puis on a quand même, enfin en ayant travaillé aux urgences où on était tout le temps en train de courir, on était tout le temps au téléphone, on a pas le temps de parler aux familles, les gens étaient vachement agressifs je trouve. Et quand je suis arrivée en réa ben je me suis dit on a moins de patients, on a plus le temps de discuter et puis ça fait partie, une grosse partie de notre travail, ben ça se passe toujours mieux. Parce que, parce qu'il faut comprendre qu'ils puissent être angoissés, que... Je pense que les gens qui sont agressifs du moment Ben là on a mis une salle des familles pour les accueillir, c'est un moyen qui est assez récent. Qu'elles puissent se recueillir. Euh, on a mis en place le 24/24 qui n'est pas encore effectif même si on est ouvert à ce que les gens puissent rester plus longtemps, qu'ils accompagnent leur proche, qu'ils soient présents, je sais pas si c'est des moyens mais ça en est hein quand même. Les horaires de visite, ils vont pouvoir venir quand il veulent, malgré que quand c'est grave on ouvre la porte quand il veulent, ils peuvent venir, y'a pas de souci. Euh les autres moyens... La présence de psychologues ça a été demandé récemment, mais ça a été demandé par une aidesoignante ou certains aidesoignants qui n'en pouvaient plus de voir trop de gens décéder. Ils étaient en burn-out ; moi c'est pas mon cas, mais après j'entends que mes collègues puissent en avoir marre. Donc ça a été entendu par la direction, donc il y a une permanence d'un psychologue qui a été mis en place mais pas pour les familles. Pour les familles, il y a des familles qui font la demande mais en fait on a rien. Je pense que Alors, pour accompagner les Au niveau des outils, je sais qu'il y familles. Alors, déjà les familles, a un psychologue qui est mis à euh quand il y a un patient qui est disposition, donc les médecins en fin de vie et qu'on a décidé de sont très ouverts, sont très limiter les thérapeutiques mais disponibles. Donc l'équipe vraiment d'une manière euh médicale et paramédicales est très importante. Les visites sont libres. disponible aussi, donc le Les gens viennent quand ils veulent psychologue qui est là, il y a un et restent le temps qu'ils le accompagnement ; le cadre souhaitent. Et le problème, être là accompagne énormément toutes quand le patient décède c'est les familles et dans toutes les souvent des fois difficile parce démarches après. Moi je pense, qu'ici, les patients sont scoppés honnêtement, j'ai pas vu encore de donc on arrête certains manques. Sur l'accompagnement médicaments, ils sont sous des familles, je pense qu'ici il y a morphine, donc ça peut durer un vraiment tout ce qu'il faut. moment, et le décès en général est brutal, la tension chute brutalement. Ou la famille est là et présente ou la famille n'est pas présente. Euh, là la semaine dernière, chez nous, on a eu une dame qui est décédée qui avait, qui était jeune enfin jeune, oui qui était jeune, qui avait 62 ans, d'un cancer du sein métastasé, elle en avait partout. Et, elle est décédée le matin à 6h, sa famille ne souhaitait pas être présente donc on était là. Donc on l'a mis dans la relève « équipe soignante présente près du patient », enfin moi je l'ai mis. Voilà. Donc on a visites libres, les patients ont possibilité d'avoir aussi des... des religieux, que ce puis sinon c'est un peu réduit, voilà. où ils comprennent pas ce qu'il se ce serait bien, ce serait un plus, passe. comme en hémato, ils ont une Sinon, oui il y a des formations, psychologue qui est présente. En sur la prise en charge de la fait, dans les services de violence, des trucs comme ça, réanimation j'en ai jamais vu. C'est mais honnêtement j'en ai jamais très mal perçu. Pas par l'équipe fait ! paramédicale mais par la profession médicale. On avait sur HEH, pas ici, parce qu'ici je trouve que la prise en charge des familles est quand même... bien : le personnel est disponible, ben les médecins sont là . Euh, sur HEH, c'était difficile, on avait demandé qu'une psychologue vienne, un psychologue était d'accord mais « c'était ridicule », « y'avait pas besoin », etc. Donc j'ai jamais connu de psychologue en réanimation. soit prêtres, imams, pasteurs...voilà. Alors il y a la possibilité d'avoir la présence d'une psychologue, pour nous, il faut en faire la demande, et on peut l'avoir, pour les soignants. Pour les familles, bonne question, je ne m'en suis jamais soucié effectivement, je pense qu'il y a une possibilité de voir une psychologue, oui. Donc, nous sinon on fait des réunions, avant certaines décisions, le matin. Le problème c'est qu'ici on travaille en poste de 12h, aussi bien en jour que la nuit alors ce qui nous fait des grandes périodes d'absence au sein des unités. Et euh... Donc des fois on arrive, les patients on les connaît pas très bien mais bon le matin, le médecin de l'unité, on fait le tour avec lui. Donc on est deux par unité, « ce malade, ben qu'est-ce que t'en penses... » si on dit « ben il a ça ça... » ben on va peut-être arrêter... Enfin bon, on fait ce qu'on appelle une réunion éthique, c'est marqué, donc on va arrêter les thérapeutiques. La famille est prévenue, on revoit éventuellement la famille. Parce qu'il y a des familles qui comprennent tout de suite ce qu'il se passe, la gravité de la situation et puis il y a des familles qui comprennent pas bien. Ce qui est normal, ici c'est particulier donc les familles comprennent pas très bien. Donc on revoit les familles à ce moment-là. Voilà, avant que les décisions soient tout à fait claires. 11) Accompagnez-vous les familles comme vous le souhaiteriez ? Si non, qu'il y a t-il à améliorer ? (contraintes horaires, charge de travail, fatigue...) Ben presque. Non, dans l'ensemble, je pense qu'on se débrouille bien ou presque. Il faut rester dans l'idée que c'est de la réanimation donc forcément, on peut pas être auprès d'eux tout de suite et tout ça mais je pense que dans l'ensemble, on est très à l'écoute des familles, les médecins aussi, on essaie toujours de faire vraiment au mieux, même si c'est pas dans l'immédiat, les familles sont toujours vus, elles sont jamais laissées seules. Ils peuvent appeler à toute heure, on répond toujours. Voilà après on a des horaires de visite, où on arrive à être quand même un peu laxistes dans certains cas et à étendre un peu si besoin, le nombre de personnes aussi. Je pense qu'on est pas mal, même si on a très peu de moyens extérieurs, on s'en sort pas mal quand même. En principe, moi je trouve que ça Euh.... Oui et non. Oui, parce se trouve plutôt pas trop mal. que...quand... quand c'est Après c'est toujours difficile, parce nécessaire, je le fais. Après, je que surtout depuis 2 ans, là on a pense qu'avec la fatigue et euh des hématos, c'est des gens qui comment ça s'appelle, le travail sont souvent jeunes, y'en a pas qui est des fois intense, on a peutbeaucoup qui s'en sortent donc être pas le temps assez de... je vais forcément on s'y attache, donc pas dire discuter mais à un c'est hyper dur. Le truc c'est que moment donné ils sont nous dans notre service, je trouve demandeurs et on peut pas... On qu'on se bat pour la vie, donc on a peut pas tous les jours toujours heu, c'est pas comme un accompagner. service de soins palliatifs où on connaît bien l'issue, là on essaie d'aller vers le positif et je pense que c'est ce qui nous booste aussi quoi. Je pense qu'ici, elles sont bien accompagnées, oui. Enfin, moi en ce qui me concerne, oui. Je ne sais pas ce que dira après mon collègue ou ma collègue mais je pense que oui, c'est pas mal. Il y a toujours à améliorer, quoi je ne sais pas, il y a toujours à améliorer. Mais je pense que le fait que les visites soient libres, le fait qu'on soit présent, on leur propose à boire, on leur propose de manger éventuellement s'ils restent. Voilà... il y a... je pense... des fauteuils dans les chambres. Comme je le souhaite, je ne sais pas, comme je peux le faire, aujourd'hui, oui. Euh, je pense qu'après avec l'expérience, je modifierai certainement mon approche. J'aurai certainement, je me dirais peut-être qu'aussi « J'ai des manques, voilà il me manquerait telle chose ou telle chose... ». Euh, effectivement, une formation d'accompagnement ce serait pas... inutile. Après, comme je sors tout juste de l'école et qu'on a ces cours là d'accompagnement, ça m'aide aussi beaucoup parce que c'est encore dans la tête. Et ceux qui ont 3,4,5 ans de diplôme, c'est pas la même chose, ils ont l'expérience mais ils ont peut-être plus trop la théorie, donc voilà, moi je pense qu'aujourd'hui, en tout cas, je fais de mon mieux. S'il y a quelque chose à améliorer, il faudrait que je pose la question aux familles parce que dans ces moments-là, c'est compliqué de savoir si on fait bien, si on fait pas bien, c'est... on n'a pas de retours... C'est pas comme... On travaille en binôme avec un collègue, à la fin on peut lui dire « ben voilà, comment t'as trouvé ma façon de travailler ? » Il va nous le dire. Avec une famille, dans ces situations-là, euh, il faut trouver le juste milieu, on sait jamais si on est vraiment bien, si on est trop présent, si on n'est pas assez présent. Il faudrait pouvoir rencontrer ces familles quelques mois plus tard et leur demander concrètement comment eux ont ressenti la prise en charge. Mais malheureusement, on n'a pas de retours, alors, on en a hein, il y a des petits mots qui sont écrits, en disant « nous remercions tout l'équipe pour leur attention, leur soutien, leur accompagnement tout au long de l'hospitalisation de notre père, notre sœur, notre... » Mais, hum, mis à part ces mots, on n'a pas de retours directs. 12) Comment pensez-vous que l'accompagnement des familles en réanimation s'acquière-t-il ? (avec le temps, l'expérience, la théorie à l'école, les compétences de chacun...) Euh, oui je pense qu'on arrive à Ben oui je pense que c'est avec le Pas la théorie. La théorie, non. Je accompagner les familles avec le temps et l'expérience et puis aussi pense pas que la théorie soit bien temps et l'expérience, parce qu'au ce qu'on vit personnellement parce utile. Je pense que l'expérience, début c'est un peu difficile même que quand on est de l'autre côté de oui. si ça arrive souvent. Je me la barrière, là on arrive aussi à souviens pas vraiment d'avoir eu comprendre des choses. Et puis, des cours sur la prise en charge oui le temps parce que quand on des familles, voilà. commence à travailler en réa, on est vachement fixés sur les machines et tout ça, et petit à petit, du moment où on maîtrise plus cet aspect technique, je pense qu'on prend plus de recul et on passe plus de temps avec les gens. Et la théorie à l'école, c'est un peu vieux ! Mais franchement, je pense que c'est plus sur ce qu'on vit tous les jours. Et puis après ça plaît... Je pense qu'en réa soit on arrive et au bout de 6 mois ça nous plaît vraiment pas, c'est pas fait pour tout le monde, ça se comprend, soit je crois qu'on adhère au truc et puis voilà, enfin je pense que c'est tout un ensemble. Alors, déjà je pense qu'au début c'est un peu difficile quand on est nouveau DE. Bon moi, j'avais un peu des atouts parce que j'avais été aide-soignant et je travaillais déjà en réanimation donc voilà. Mais quand on commence ici, enfin moi à l'époque, où j'ai commencé ici, c'était... l'univers était relativement anxiogène, stressant donc quand c'est stressant, on peut pas bien informer les gens. Quand vous êtes vous-même stressé... Pour bien accueillir les gens, je pense qu'il faut déjà bien s'accueillir soi-même. Et quand on peut pas bien s'accueillir soimême entre guillemets parce qu'il y a le stress, parce qu'on pense à autre chose euh.. les gens vont vous poser des questions et vous savez pas quoi trop répondre euh c'est difficile. Donc ça, ça s'acquière avec une certaine expérience ou...euh.. bon vous faîtes la part des choses et je pense qu'au début... Moi quand j'ai commencé ici, l'univers, enfin le cadre était relativement anxiogène pour les soignants. Enfin, moi je trouve. On était beaucoup, on était nombreux, un nombre relativement important de nouveaux DE à arriver donc avec les médecins, les relations un peu particulières, des fois un peu tendues, voilà, le service venait d'ouvrir. Voilà, je pense qu'il faut déjà... Je pense qu'il faut déjà avoir un petit peu d'expérience. Avec l'expérience. La théorie, que moi j'ai pu avoir en cours, avec les processus de deuil et toutes ces choses-là où on sait, où on peut expliquer aux personnes. Euh, la courbe que moi j'avais appris en stage, toute bête hein en stage en psychiatrie, donc qui n'avait strictement rien à voir avec la réanimation ou les soins palliatifs ou quoi que ce soit, à expliquer le processus de deuil avec une sorte de schéma, qui expliquait très bien le schéma avec tous les processus et euh en fait ça permet de l'avoir en tête ce schéma et de pouvoir l'expliquer aux gens. Leur dire, effectivement, vous venez de perdre ou vous allez perdre une personne, vous êtes ici (main vers le bas), vous allez mettre du temps, ça va être long, mais vous allez pouvoir... Arrivé à un moment, vous allez remonter (main vers le haut). Donc effectivement, d'avoir la théorie en tête, c'est une chose. Après, c'est comme tout métier, enfin comme tout service on va dire, comme toute situation, c'est par l'expérience qu'on acquiert les compétences et euh la première fois, même si on a la théorie, on en prend plein la tête et on ressort, on n'a pas le moral on se dit « ça a été dur... ». La deuxième fois, ben c'est déjà un peu moins dur, on a d'autres mécanismes, on a d'autres réflexes et puis au fur et à mesure on arrive à... à savoir exactement -ce que je disais- le juste milieu, savoir où se positionner, qu'est-ce qu'il ne faut pas que je fasse, qu'est-ce qu'il faut dire, qu'est-ce qu'il ne faut pas dire, mais voilà c'est... C'est comme ça. 13) Selon vous, quel serait un accompagnement de famille idéal ? Quels seraient les outils ? Et ben dans les cas de décès brutaux c'est sûr qu'une psy ce serait idéal. Autant pour les familles que pour nous après. Là, dimanche dernier, on a eu le cas d'un décès, j'ai un collègue qui l'a très mal vécu donc je pense que dans ces cas-là, il s'en était occupé tout le week-end, c'était vraiment très dur, donc là je pense que ce serait utile vraiment. Et puis ben les formations, enfin je pense qu'on pourrait faire des formations dans tout, voilà après je pense que c'est tout. Ben de toute façon,nous, je pense pas que ce soit idéal mais ça se passe quand même plutôt bien, moi je vois avec du recul, les premières années où je travaillais c'est, déjà la distance avec les gens était différente,souvent les médecins parlaient aux familles, on repassait derrière et les familles nous disaient « j'ai rien compris quoi » , et eux ils mettaient une super distance. Alors que maintenant, ils sont beaucoup plus accessibles, ils emploient des mots beaucoup plus simples, et souvent nous on fait juste un petit réajustement mais voilà je pense qu'ils sont beaucoup plus proches. Mais après, idéal je ne sais pas parce qu'il n'y a rien d'idéal parce que c'est toujours une situation qui est difficile, je ne saurai pas dire quoi parce que ça dépend des fois, ça dépend des gens, ça se passe pas toujours comme on voudrait et puis des fois ça se passe bien. Mais dans la globalité, je trouve que c'est quand même pas trop mal, franchement. Je... je ne sais pas s'il y a quelque chose d'idéal dans l'accompagnement des familles. Je pense qu'au niveau des familles, on peut pas trop savoir. On le voit, parce qu'il y a des familles, qui souvent, qui nous remercient donc... Là on le sait. En fait, c'est difficile d'évaluer si on a fait un accompagnement idéal parce que... souvent ils partent, ils sont tristes, ils sont dans la tristesse... C'est difficile, si c'est nous qui... Enfin ils sont dans cet état , je veux dire que c'est difficile d'évaluer si on a bien fait les choses. Y'a pas de plaintes en disant « voilà... ». En tout cas , nous dans le service, y'a pas de plaintes. Nous, l'accompagnement idéal, je pense c'est de pas... euh de pas... de pas faire de transferts et de comparaisons... Tant qu'on arrive à différencier le travail et puis.. la vie extérieure. C'est difficile hein des fois parce que des fois y'a des cas difficiles et on ramène forcément ça à la maison. Mais à un moment donné, il faut savoir couper. Je pense que ça c'est... déjà important. Je pense que si on ramène ça à des moments, et puis que ça nous touche et qu'on arrive pas à évacuer et ben je pense que le burn-out arrive... C'est vrai que c'est Un accompagnement de famille idéal ? Je ne sais pas... Enfin, je trouve qu'ici c'est pas « idéal »,« idéal », mais la possibilité d'être là au moment du décès, je ne sais pas comment ça se passe ailleurs mais ils ont la possibilité d'être là, les visites sont libres, on limite pas le nombre de personnes dans la chambre euh... on leur propose des collations. Voilà, après, ils sont informés du déroulement pour la suite, souvent on nous demande hein « comment ça va se passer » « est-ce qu'il faut les habiller »... Nous on les habille pas ici, ils sont habillés au dépôt mortuaire. On les déséquipe, on enlève tout et après, voilà. On a l'histoire des 2 h mais parfois on dépasse, on a des gens qui viennent de loin. Même si au dépôt mortuaire, c'est des gens très compétents, c'est mieux des fois que les familles puissent les voir dans la chambre. Voilà, alors après idéal je ne sais pas, je ne sais pas du tout. Alors, est-ce qu'il y a un accompagnement idéal ? Euh... honnêtement, je pense qu'il n'y a pas d'accompagnement idéal parce que chaque accompagnement est différent. On peut pas traiter une personne, un accompagnement d'une personne, de la même façon dont on accompagne une autre personne. Pour X ou Y soins, on peut mettre en place des protocoles, on sait qu'un soin c'est comme ça, comme ça, comme ça, l'accompagnement c'est l'humain, il n'y a plus... c'est plus du soin technique, dans le sens où j'ai fait des gestes techniques, c'est de la technicité, c'est de la, c'est un soin technique mais qui est... indescriptible, qui est abstrait. Donc euh... L'accompagnement idéal, on le sait à la fin si effectivement on a un remerciement de la famille, c'est qu'on a été compétent et qu'on a réussi l'accompagnement qu'on voulait faire. difficile, on est touchés un petit peu, un petit peu partout. En fait, c'est l'histoire de chacun. Y'avait aussi un cas, c'était pas un accident grave, c'était un monsieur qui était atteint... d'un cancer en phase terminale, qui devait pas être ici, en fait. Et il a été transféré en réanimation par erreur, en tout cas , il aurait du aller en soins palliatifs. Et tous les soins palliatifs, en fait ici, ben quand on a plusieurs patients, la prise en charge était pas adéquate pour lui. Il demandait beaucoup beaucoup et la famille demandait beaucoup. Et nous avec la charge de travail ben on pouvait pas subvenir à la demande de la famille. Euh.... Donc pour nous, c'était difficile y'a des choses qu'on voulait plus les faire. Par contre, y'a un médecin qui a beau... enfin je sais pas s'il a fait un transfert mais y'avait quelque chose qui le dépassait et il arrivait pas à gérer, il arrivait pas à gérer la situation. Il voulait qu'on gère comme lui il aurait souhaité peut-être, mais on pouvait pas le faire, pas très bien. Enfin, il y a eu une grosse tension dans l'équipe. Et aussi une grosse tension avec la famille. Donc après les moyens, ce serait plus de temps, mais des fois c'est pas toujours faisable avec les autres patients, quand on a le temps on a le temps mais quand on a pas le temps...euh, voilà. Code couleur :::: A Accompagnement de la famille ::::::::::: Attitude à adopter par l'infirmier ::::::::::: Difficultés rencontrées par l'infirmier ::::::::::: Compétences de l'infirmier :::::::::::: Processus décisionnels :::::::::::: Les moyens à disposition Naomi Riou IFSI J.LEPERCQ L'accompagnement des familles en réanimation après un accident brutal Résumé Abstract Après un accident brutal, la dynamique d'une After a violent accident, family dynamics are famille est gravement bouleversée. severely turned upside down. L'incompréhension du service de réanimation et Both the lack of understanding of the intensive la peur de l'avenir peuvent être des causes d'un care unit and the apprehension of future can be mal-être. Pour éviter cela, les infirmiers peuvent causes of a discontent. In order to avoid such a aider les proches à traverser cette épreuve. situation, nurses can help patient’s relatives to Mais sont-ils formés sur cette prise en charge go through this hardship. But are they trained plus relationnelle que technique ? Dans un enough for this support that is more related to service avec autant de soins et d'urgences people than to technics? In a unit with as much vitales, les infirmiers ont-ils des difficultés à cares and vital emergencies, are the nurses proposer une prise en charge adaptée ? confronted with difficulties to offer an adapted Comment les infirmiers doivent-ils accompagner support? How are they expected to nurse les familles dans un service de réanimation ? families in an intensive care unit? We will look Nous allons rechercher s'il existe des moyens for the possible ways available for nurses and mis à disposition pour les infirmiers et pour les patient’s relatives in the units. proches dans les services. After a comparison of searches and results of a Après confrontation des recherches et les survey conducted with intensive care nurses, we résultats d'une enquête auprès d'infirmiers de will try to produce some answers. réanimation, nous tenterons d'apporter des réponses. Mots-clés : Réanimation, Accident brutal, Key Words : Intensive care, Violent accident, Accompagnement des familles, Compétences de Patient’s family support, Intensive care nurse l'infirmière en réanimation skills.