homme qui rit-Dossier- - Actions Scènes contemporaines

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homme qui rit-Dossier- - Actions Scènes contemporaines
Photo et graphisme Pascal Colrat
L’HOMME QUI RIT
d’après le roman de Victor Hugo
« Je parlerai pour tous les taciturnes désespérés. Je traduirai les bégaiements, les grondements,
les hurlements, les murmures, les plaintes mal prononcées et tous ces cris de bêtes
qu’à force d’ignorance et de souffrance on fait pousser aux hommes. »
Dans l’Angleterre de la fin du XVIIe siècle sévissent les Comprachicos, des hommes qui achètent
des enfants pour les revendre après en avoir fait des bêtes de foire. Ils ont ainsi enlevé Gwynplaine,
qu’ils ont atrocement mutilé, lui imprimant sur le visage un rictus éternel en lui fendant la bouche.
Vers la fin d’une des plus glaciales journées de janvier 1690, ils abandonnent l’enfant dénué de tout
dans une dangereuse crique. Seul, bravant la tempête, il trouve dans la neige une petite fille, Déa,
rendue aveugle par le froid, qu’il emporte avec lui. Recueillis par Ursus, un bateleur misanthrope,
ils formeront bien vite une famille, un groupe nomade et Gwynplaine deviendra le célèbre
« Homme qui rit », vedette incontestée des foires de la vieille Angleterre, jusqu’au jour où la
Chambre des lords le réclame. Il découvre alors sa véritable identité : lord Fermin Clancharlie,
héritier d’une des plus prestigieuses familles du royaume. Sommé de reprendre sa place parmi les
puissants, il déclarera que son vrai nom demeure Gwynplaine, « misérable taillé dans l’étoffe des
grands par un roi dont ce fut le bon plaisir », et qu’il deviendra le lord des pauvres.
« Je représente l’humanité telle que ses maîtres l’ont faite. L’homme est un mutilé. Ce qu’on m’a fait, on l’a fait
au genre humain. On lui a déformé le droit, la justice, la vérité, la raison, l’intelligence comme à moi les yeux,
les narines et les oreilles. Comme à moi, on lui a mis au cœur un cloaque de colère et de douleur,
et sur la face un masque de contentement. »
Dans mon adaptation de ce long et foisonnant roman, j’ai choisi de ne garder que trois figures
emblématiques : Ursus, le vieux saltimbanque, qui recueille Gwynplaine, l’enfant défiguré, et
Déa, l’enfant trouvée. Face à eux, les méchants Comprachicos. Et, avec eux, la voix du poète.
Ursus, c’est le plus beau des personnages et selon moi le véritable héros de cette épopée
hugolienne. C’est le bon, le vrai, le juste, un vagabond n’ayant pour ami et pour compagnon qu’un
loup. C’est par lui et avec lui que nous marchons dans l’histoire sans fin du rapport entre les
puissants et les exclus. L’entrevoir avec le rire philosophe du saltimbanque, qui peut-être ne sert à
rien mais reste essentiel à l’humanité, c’est tentant pour un acteur…
Ces personnages, je les esquisse, je les incarne et sans prévenir je passe de l’un à l’autre pour
provoquer le public dans son écoute, qu’il vienne à moi comme je vais à lui. Un acteur en travail, un
public en travail, pour redécouvrir ensemble ce que nous raconte le roman, hier comme
aujourd’hui. Alors je pose sur mon visage le rire de Gwynplaine et il n’y a plus qu’à se laisser porter
par le souffle de Victor Hugo.
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Notes de travail
« Cela se passait il y a trois cents ans, du temps que les hommes étaient un peu plus des loups
qu’ils ne le sont aujourd’hui, pas beaucoup plus. »
Un roman que j’ai lu il y a vingt ans et que je n’ai jamais oublié.
Un roman politique, philosophique, historique. De la poésie pure au service de l’intelligence. Au
départ, je voulais faire un spectacle drôle et puis je n’ai pas réussi, quoique… Je voulais faire rire
avec les appétits humains les plus sombres. Je pensais à Chaplin, j’avais des images de films en tête,
je pensais aussi à Gabin, au cinéma expressionniste allemand. J’imitais pour comprendre. Cela m’a
nourrie. Et en abandonnant peu à peu l’imitation j’ai trouvé mon propre chemin. Mon rire.
L’Homme qui rit, un titre aussi puissant, énigmatique et émouvant que celui du film Larmes de
clown! d’un autre Victor, Sjöström celui-là, un des pères du cinéma suédois des années 20,
considéré par Chaplin comme le meilleur réalisateur du monde. Dans ce film muet, dont l’histoire
présente quelque similitude avec celle d’Hugo, on peut lire ce carton!:! «!Qu’y a-t-il dans la nature
humaine pour que les hommes rient si facilement lorsque quelqu’un se fait gifler, que se soit
spirituel, mental ou physique!? » Bergson nous dit aussi que « le comique exige, pour produire tout
son effet, quelque chose comme une anesthésie momentanée du cœur ». Le clown pleure, l’homme
rit. Qui est l’homme qui rit!? Est-ce Gwynplaine, à qui on a marqué sur la peau le rire comme on
marque le bagnard, l’étranger, le juif, le pauvre!? Est-il celui qui rit ou celui qui fait rire!? Rit-il de
ce qu’on lui a fait ou est-il le seul à ne pas rire!? Bien sûr, il ne rit pas, car les hommes qui rient sont
ceux qui le regardent!: la force, le pouvoir, la tradition, l’impunité. Mais aussi l’humanité tout
entière, à qui la cruauté du rire appartient. Face à cette foule de rieurs, l’homme blessé n’a qu’une
ressource!: l’amour. Ici, pour Gwynplaine, c’est Déa, et elle est aveugle. Et Ursus de dire à son
enfant!: «!Tu es heureux de deux bonheurs ; le premier c’est que la foule voit ton museau, le second,
c’est que Déa ne le voit pas. »
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Merci Victor…
C’est un vieil homme, notre Totor, quand il écrit l’Homme qui rit… Certain bien moins
talentueux, au XIXe siècle, et quelque peu oublié aujourd’hui, a osé dire qu’il coûte de le lire et qu’il
pourrait déshonorer intellectuellement la vieillesse d’un homme qui n’a pas su se taire à temps… En
revanche, pour Dumas, c’est un souffle surhumain, pour Claudel, le chef-d’œuvre de Victor Hugo,
et j’aime Claudel d’aimer cette œuvre… C’est mon livre, et je dépose un geste sur scène car je suis
saltimbanque. Je ne suis qu’une voix, qui encourage à la lecture… les chanceux qui ne l’ont pas lu,
les heureux qui veulent y retourner.
Extrait pour le plaisir
Les persécuteurs de Gwynplaine avaient manqué leur but. On avait voulu faire un désespéré, on
avait fait un enchanté. La nature vient au secours de tous les abandons ; là où tout manque, elle se
redonne tout entière ; elle a le lierre pour les pierres et l’amour pour les hommes. Être aimé, est-ce
que ce n’est pas tout ? La destinée l’avait comblé. Ce réprouvé était un préféré. Quelle folie que
d’être heureux ! comme on rêve ! il venait des idées à Gwynplaine.
— Oh si j’étais puissant, comme je viendrais en aide aux malheureux ! Mais que suis-je ? un
atome. Que puis-je ? rien.
Il se trompait. Il pouvait beaucoup pour les malheureux. Il les faisait rire. Et faire rire, c’est faire
oublier. Quel bienfaiteur sur la terre, qu’un distributeur d’oubli !
— Tu me fais l’effet d’un observateur, imbécile ! prends-y garde, cela ne te regarde pas. Tu as
une chose à faire, aimer Déa. Tu es heureux de deux bonheurs ; le premier c’est que la foule voit
ton museau, le second, c’est que Déa ne le voit pas. Ce bonheur que tu as, tu n’y as pas droit. Nulle
femme, voyant ta bouche, n’acceptera ton baiser. Et cette bouche qui fait ta fortune, cette face qui
fait ta richesse, ça n’est pas à toi. Tu n’es pas né avec ce visage-là. Tu l’as pris à la grimace qui est au
fond de l’infini. Tu as volé son masque au diable. Il y a dans ce monde, ce qui est une chose très
bien faite, les heureux de droit et les heureux de raccroc. Tu es heureux de raccroc. Sais-tu ce que
c’est, misérable, que l’heureux de droit ? C’est un être terrible, c’est le lord. Un lord est celui qui a,
jeune, les droits du vieillard, vieux, les bonnes fortunes du jeune homme, vicieux, le respect des gens
de bien, poltron, le commandement des gens de cœur, fainéant, le fruit du travail, ignorant, le
diplôme de Cambridge et d’Oxford, bête, l’admiration des poètes, laid, le sourire des femmes.
N’abuse pas de mes paroles, je ne dis pas qu’un lord soit nécessairement ignorant, poltron, laid, bête
et vieux ; je dis seulement qu’il peut être tout cela sans que cela lui fasse du tort. Un philosophe
serait plaisant s’il conseillait à cette pauvre diablesse de multitude de se récrier contre la largeur et la
lourdeur des lords. J’ai vu un jour un hippopotame marcher sur une taupinière ; il écrasait tout ; il
était innocent. Il ne savait même pas qu’il y avait des taupes, ce gros bonasse de mastodonte. Mon
cher, des taupes qu’on écrase, c’est le genre humain. L’écrasement est une loi. Et crois-tu que la
taupe elle-même n’écrase rien ? Elle est le mastodonte du ciron, qui est le mastodonte du volvoce.
Mais ne raisonnons pas. Mon garçon, les carrosses existent. Le lord est dedans, le peuple est sous la
roue, le sage se range. Mets-toi de côté et laisse passer. Quant à moi, j’aime les lords et je les évite.
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Photo Pascal Colrat
Adaptation et jeu : Christine Guênon
Assistée de Laure Guillem
Création lumières : Dominique Fortin
Régie lumières : Patrick Marchant et Jord Le Dortz
Je remercie Ludovic Longelin sans qui rien ne se serait passé…
Je remercie François Rancillac pour sa confiance et son théâtre…
Je remercie Laure Guillem pour sa présence…
Juillet 2016 : Théâtre de l’Île à Nouméa
Novembre-décembre 2015 : tournée dans le Lot
Août 2015 : Festival de Figeac
Mai 2015 : CDN de Châteauroux
Mars 2015 : Théâtre de Cachan
Février 2015 : Théâtre George-Sand de La Châtre
Novembre-décembre 2014 : tournée dans l’Hérault
Juillet 2014 : Tulla en Russie
Mars 2014 : tournée en Algérie (Annaba, Constantine, Alger, Oran, Tlemcen)
Novembre 2013 : Théâtre Sortie-Ouest à Béziers
Juillet 2013 : Festival de Murviel-lès-Béziers
Mars-avril 2013 : Théâtre de l'Aquarium à Paris
Janvier 2012 : Théâtre du Colombier à Bagnolet
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Scénographie
Un banc, deux chaises et une table
Durée du spectacle
Une heure
Coût du spectacle
2 000 euros TTC
(hors déplacement, défraiement, logement pour deux personnes)
Prévoir un service de montage pour les lumières
Contact : 06 76 87 20 34 • Compagnie Chaos Vaincu : [email protected]
Diffusion : Actions Scènes Contemporaines
www.actionsscenescontemporaines.fr
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Revue de presse
« Poignant et d’une saisissante vérité. C’est fulgurant, c’est fort, bravo Christine Guênon ! »
Evelyne Trân, le Monde
« Une véritable prouesse, une adaptation magistrale. »
Aline Pailler, France Culture
« Dès le premier instant, Christine Guênon arc-boutée à la langue d’Hugo nous stupéfie. »
Anna Grahm, Un fauteuil pour l’orchestre
« La maison Hugo à Paris revisite l’Homme qui rit à travers ses adaptations au théâtre, au cinéma et en
bandes dessinées (photo : Christine Guênon dans le rôle-titre pour la compagnie Chaos vaincu). Paru en
1869, le roman sombre et touffu de Victor Hugo avait reçu un accueil mitigé. Depuis, il a fait naître une forêt
d’images, où domine le visage hideux et spectaculaire du héros Gwynplaine, mutilé dès l’enfance pour
afficher en permanence un sourire d’une oreille à l’autre. « Quelles étranges relations se tissent entre un
texte et ce second destin que lui donne l’imagination ? », s’interrogent l’exposition et son commissaire,
Gérard Audinet, avant d’apporter des réponses en photos, dessins, masques, costumes et textes. »
L’Homme qui rit, d’après le roman de Victor Hugo
Que vous ayez lu ou non ce roman incroyable de Victor Hugo, nous vous recommandons d’aller voir son
adaptation au théâtre par Christine Guênon. Vous rentrez de plein fouet dans le génie de la langue de Victor
Hugo, prodigieux conteur, créateur de personnages fascinants, extraordinaires, véritables tribunes de ses
révoltes. L’Homme qui rit, considéré comme un roman initiatique, raconte le parcours de Gwynplaine, un
enfant volé, défiguré puis abandonné par les Comprachicos, recueilli par Ursus, un saltimbanque dont le
seul compagnon est un loup. C’est la voix du peuple que veut faire entendre Victor Hugo à travers
Gwynplaine qui résume ainsi sa vie lors de son discours à la Chambre de lords : « Une nuit, une nuit de
tempête, tout petit, abandonné, orphelin, seul dans la création démesurée, j’ai fait mon entrée dans cette
obscurité que vous appelez la société. La première chose que j’ai vue, c’est la loi, sous la forme d’un gibet ;
la deuxième, c’est votre richesse, sous la forme d’une femme morte de froid et de faim ; la troisième, c’est
l’avenir, sous la forme d’un enfant agonisant ; la quatrième, c’est le bon, le vrai et le juste, sous la figure d’un
vagabond n’ayant pour compagnon et pour ami qu’un loup. » Gwynplaine dira encore : « L’homme est un
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mutilé. Ce qu’on m’a fait, on l’a fait au genre humain, on lui a déformé le droit, la justice, la vérité, la raison,
l’intelligence, comme à moi les narines, les yeux, et les oreilles ; comme à moi on lui a mis dans le cœur un
cloaque de colère et de douleur, et sur la face un masque de contentement. » Christine Guênon, sur scène,
a l’allure d’un Gavroche à l’ossature frêle mais nerveuse. Elle est un personnage de Victor Hugo, elle
résume tout entière ceux de l’épopée de l’Homme qui rit. À travers elle, c’est toute la complexité des
personnages, leurs drames, leur humanité, leur violence à fleur de peau qui bousculent les spectateurs
captivés. Devenue corps de livre qui parle, hypnotisée elle-même par son récit, elle se transforme suivant les
tribulations de Gwynplaine et d’Ursus, pour devenir l’Homme qui rit, qui invoque son destin, celui de Lord
des pauvres. C’est poignant et d’une saisissante vérité. La vision de « l’homme qui rit », le visage contracté
par son rire figé, frêle mais si passionné, nous emporte dans la houle de son message. C’est fulgurant, c’est
fort, bravo Christine Guênon !
Evelyne Trân
Études, revue de culture contemporaine
Le premier chapitre du cycle était donc formé de deux soliloques « noirs » tour à tour et respectivement
cynique et ironique (Swift mis en scène par Rancillac et interprété par David Gabison), épique et pathétique
(Hugo mis en scène et interprété par Christine Guênon). Si le premier fait mouche par une ironie grinçante
qui prend le masque de l’oppression économique pour mieux la dénoncer sous couvert d’un humour noir de
combat, le second soliloque, quant à lui, peuplé d’âmes et de personnages, joue sur un autre registre, celui
de l’émotion, et présente une mise en espace véritablement saisissante de ce roman-océan (avec Hugo, on
est en effet bien au-delà du roman-fleuve). Dans la performance de Christine Guênon (qui constitue, à mon
sens, une des plus belles adaptations au théâtre d’un roman de Hugo), le rire est moins, comme chez Swift,
l’instrument du combat qu’il n’en est l’objet et le masque en tant que stigmates de la douleur, la cruauté, la
misère des enfants, et donc des hommes en devenir. En deux heures de temps, et comme dans un parcours
initiatique qui le mène d’une salle à une autre, le spectateur a éprouvé et gravi dans tous les sens l’échelle
des affects dramatiques et attend dès lors avec impatience la suite du feuilleton.
Yvon Le Scanff, avril 2013
Un fauteuil pour l'orchestre
« J’ai senti le besoin d’affirmer l’âme », Victor Hugo.
La deuxième partie de la soirée nous conte l’histoire d’un enfant que l’on a mutilé. Les Comprachicos
l’ont défiguré et abandonné à son sort. Là encore, les marques de violences et d’exclusion butent sur les
notions d’égalité, et l’on doute encore et toujours d’apprendre un jour à vivre ensemble. Dès le premier
instant, l’actrice en marcel nous happe, nous harponne, nous habite. Un petit bout de femme sur un plateau
nu nous embarque dans une vaste épopée. Une seule femme va nous immerger dans le chef-d’œuvre de
e
Victor Hugo, passant par quatre figures, nous faisant voyager dans le XVII siècle. Et nous la suivons, en
apnée, suspendus à son souffle, nous avons froid, nous avons peur, nous n’existons plus, faibles parmi les
faibles, plus petits qu’un atome. Une seule femme qui découd les codes du genre devient homme, enfant,
bête affamée, parcourt le monde, ressurgit du chaos et tombe et se relève, et cherche partout les traces
d’une humanité disparue. Par sa bouche, les mots du poète nous élèvent, nous transportent dans les replis
surréalistes qui sont encore et toujours, hélas, une réalité. Dans ce roman initiatique, l’enfant abandonné va
traverser toutes les épreuves, rencontrer la mort, puis sauver une vie, une petite fille, puis trouver Ursus,
magnifique personnage, figure de la bonté et qui n’avait, jusqu’alors, supporté que la compagnie d’un loup.
L’itinéraire de l’orphelin qui a traversé la torture, et s’est senti écrasé par l’univers, est sidérant et, Christine
Guênon, arc-boutée à la langue d’Hugo, nous stupéfie. Elle dessine la plaine enneigée, le ciel étoilé, la
falaise abrupte, façonne le bruit des vagues, le souffle de l’errance et du naufrage des bourreaux, repousse
l’ombre de la bouteille qui rendra son identité à l’homme qui rit. Et le charme opère, à chaque changement
de rôle, dans chaque silence, à chacun de ses pas, une nouvelle clarté, un champ du possible. Et c’est dans
la Chambre des lords que les convictions de Victor Hugo s’expriment : droit, justice et vérité. Il pensait alors
pouvoir détruire la misère. L’homme au rire monstrueux n’a pas fini de se préoccuper de l’avenir.
Anna Grahm
Théâtrothèque
Deuxième volet de Bourreaux d’enfants. En tout rire sommeille la face de l’homme.
Christine Guênon lève le voile sur un roman sombre à faire pâlir la face du monde. Dans une
scénographie épurée, les miroirs ébréchés d’une coiffeuse renvoient la pudeur du texte à l’intensité de la
narration exprimée par la comédienne. Elle a l’intelligence d’être un visage parmi plusieurs visages sans
occulter le désir de découvrir l’histoire du jeune garçon.
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Elle vagabonde entre les lignes du roman de Victor Hugo en dosant avec subtilité la narration de poésie
et de romantisme. Elle marche à bonne allure sur l’histoire de Gwynplaine en lui restituant justesse et vérité.
Ses murmures ressemblent à des cris désespérés, ses joies feignent des souffrances vécues de l’intérieur,
ses yeux pétillants dessinent une esquisse dépourvue de couleurs. Bien plus qu’un roman, l’Homme qui rit
raconté par la comédienne s’écoute comme un conte. Christine tient de corps en bouche les sens artistiques
propres aux grands interprètes. Le drame de l’histoire de cet enfant violenté s’ouvre sur les pages d’une
autre histoire écrite en caroline. Une feinte à l’ironie des hommes magistralement interprétée par Christine
Guênon.
Reg’Arts
La seconde partie est une adaptation du sombre roman de Victor Hugo, L’homme qui rit. L’action a été
resserrée autour de quelques personnages que Christine Guênon incarne tour à tour : le narrateur, Ursus,
Homo et Gwynplaine – l'enfant défiguré. Il est toujours question des injustices sociales, mais l'humour au
second degré a cédé la place au tragique de la situation de l'enfance maltraitée. La très belle performance
de comédienne que nous offre Christine Guênon est réellement époustouflante, et le public ne s’y trompe
pas, qui lui offre l'ovation qu’elle mérite. Sans doute le numéro vaut-il à lui seul le déplacement jusqu’à
Vincennes.
Frédéric Manzini, mars 2013
Les Trois Coups
Le rire souffrance
Avec l’Homme qui rit présenté au Théâtre Le Colombier, Christine Guênon est présente sur tous les
fronts : en plus d’avoir adapté et mis en scène le roman de Victor Hugo, elle assure seule l’interprétation de
plusieurs personnages. Cette entreprise difficile est maniée avec dextérité et talent. « Qui connaît
aujourd’hui le nom de Comprachicos ? », entame Christine Guênon, minuscule sur l’immense plateau du
e
théâtre. Ce terme inventé par Victor Hugo désigne les trafiquants d’enfants en Angleterre à la fin du XVII
siècle, explique-t-elle les mains dans les poches. Ces hommes volaient et mutilaient des nourrissons, avant
de les exhiber dans les foires. Tel fut le sort réservé au héros répondant au nom de Gwynplaine : à l’âge de
deux ans, deux cicatrices l’ont affublé d’un sourire ignoble. Dès lors, il fut condamné à susciter le rire par sa
monstruosité. Parmi les quelque 800 pages du roman, Christine Guênon a su faire des coupes judicieuses
dans le récit. Si elle a omis certains passages, elle s’est d’avantage concentrée sur le destin hors du
commun du héros. Sans que l’on ne s’en aperçoive, la comédienne réussit en une poignée de minutes et
grâce à ses talents de narratrice à nous transporter plus de trois siècles en arrière, au cœur du drame créé
par Victor Hugo. À cela près qu’elle s’éloigne du ton dramatique de l’œuvre originale pour insuffler une
touche comique au récit. Ainsi, lorsque Christine Guênon considère que l’auteur va trop loin en plaçant toute
la misère du monde sur les épaules de Gwynplaine, elle n’hésite pas à lancer un « merci, Victor » ironique.
Après tout, n’est-il pas question de rire dans l’Homme qui rit ? La comédienne ne se limite pas à jouer les
narratrices. Tour à tour, elle incarne Gwynplaine et Ursus, un saltimbanque misanthrope qui se prend
d’affection pour le héros, abandonné à l’âge de dix ans dans un des recoins sordides de Portland. La
neutralité de sa tenue noire et blanche lui permet de passer aisément d’un personnage à un autre. Il lui suffit
de s’allonger sur un banc pour incarner Ursus ou de se farder le visage de blanc pour se mettre dans la
peau de Gwynplaine. Mis à part quelques accessoires, aucun décor ne vient combler les 11 x 13 mètres du
plateau. La profondeur de l’espace cerné de hauts murs noirs permet de laisser notre imaginaire se perdre
dans les paysages suggérés par la comédienne. Alors que Gwynplaine passe sa vie sur les foires à divertir
le public, sa véritable identité lui est soudainement restituée. De misérable saltimbanque, il devient l’héritier
des lords Clancharlie. N’oublions pas que la coexistence du grotesque et du sublime est une des spécificités
de l’univers hugolien. C’est sans doute dans cette dernière partie que la comédienne excelle. Assise sur une
chaise face au public, Christine Guênon se pare d’un simple élastique sur le visage pour illustrer le rictus
figé du personnage. Le visage déformé inondé de lumière, elle restitue avec talent le plaidoyer politique
réalisé par Gwynplaine à la Chambre des lords. « Je serai le lord des pauvres », affirme Gwynplaine. Son
« masque de contentement » en guise de cache-misère lui permet de dissimuler « toute la gueuserie du
monde ». Car, en plus de dénoncer la bêtise humaine occupée à rire du monstrueux, il incarne la mutilation
faite à l’humanité par la noblesse et les excès de leurs privilèges. Christine Guênon a pris le parti d’achever
la pièce sur cette dimension allégorique de la misère. Et cette conclusion ne manque pas de nous plonger
dans une réflexion sur l’injustice sociale qui continue de sévir aujourd’hui.
Mathilde Penchinat
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Paris le 20 janvier 2011,
Christine Guênon, (formidable comédienne avec qui j’ai travaillé à plusieurs reprises), me parle depuis belle
lurette de sa passion pour L’Homme qui rit. Je la comprends, ce roman étant sans doute un des plus forts et
étonnants de notre toujours si jeune et si inoxydable Hugo. Et puis elle m’annonce un jour qu’elle pense
avoir réussi à trouver sa porte d’entrée dans ce monstre d’écriture, qu’elle voudrait pouvoir dire ce texte sur
scène, qu’elle cherche un espace pour travailler, etc. L’Aquarium, riche en espace à défaut de moyens, doit
justement pouvoir servir à cela, et Christine a pu profiter de tous les créneaux encore disponibles de notre
salle, quitte à passer entre les gouttes, parfois, pour travailler, chercher, construire. Nous avions programmé
trois représentations gratuites pour les professionnels et nos spectateurs fidèles, à 18h30, juste avant les
représentations du Roi s’amuse du même Hugo, que j’avais moi-même mis en scène.
J’ai été, nous avons tous été bluffés par la proposition de Christine. Parce qu’avec rien (deux chaises, un petit
banc, une petite table de maquillage branlante) et trois effets de lumière, elle réussit à nous happer dans
l’épopée hugolienne, avec ses espaces, sa folie, sa drôlerie, son intelligence narquoise et en même temps si
généreuse!; elle réussit de sa seule voix à faire entendre toutes les voix, à croquer d’un geste, d’un sourire en
coin, d’un silence tel ou tel personnage, à faire résonner toutes les strates de l’œuvre, entre roman d’aventure,
histoire d’amour, réflexion philosophique et pamphlet politique contre l’injustice sociale (hélas toujours
d’actualité).
Christine est une grande comédienne, et son Homme qui rit est du grand théâtre. À suivre, à accompagner
absolument!!
François Rancillac,
Directeur du Théâtre de l’Aquarium
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Christine Guênon
Formation
Espace Acteur, direction Guy Shelley, classe de Michel Cerda
Atelier du Théâtre des Quartiers d’Ivry, direction Catherine Dasté, classes de Catherine Dasté et Françoise
Gerbaulet
Stages professionnels avec : Joël Pommerat, Jean-Michel Rabeu, Elisabeth Chailloux, Omar Porras, Oscar
Gomez Mata, Marc Paquien.
Transmission
Depuis 2010, assistante de François Rancillac sur les stages professionnels : Pasolini, Corneille, Hugo,
Minyana, Sony Labou Tansi.
Depuis 2012, intervenante auprès de l’association Postures, actions autour des écritures contemporaines
en direction de publics jeunes et non initiés à la littérature d’aujourd’hui
Depuis 2010, intervenante en milieu scolaire et bac théâtre
Théâtre
2016
2015
2014
2013
2012
2011
2010
2009
2008
2007
2006
2005
2004
2003
2002
2001
2000
1999
1998
1997
1996
1995
1994
1993
1992
1991
Tournée La Mort de Danton
Tournée l’Homme qui rit + Avignon Off
La Mort de Danton, de Georg Büchner, mise en scène d’Antoine Caubet
Tournée l’Homme qui rit
Tournée l’Homme qui rit
Tournée le Roi Lear
Reprise l’Homme qui rit
Avignon le Roi Lear
Tournée Détours
Détours, d’après Sophie Calle, mise en scène de François Rancillac
L’Homme qui rit, de Victor Hugo, adaptation et jeu de Christine Guênon
Tournée le Roi Lear
Tournée l’Affiche
L’Affiche, de Philipe Ducros, mise en scène de Guy Delamotte
Tournée le Roi Lear
Le Roi Lear, de Shakespeare, mise en scène d’Antoine Caubet
Tournée Retour à la citadelle
Retour à la citadelle, de Jean-luc Lagarce, mise en scène de François Rancillac
Tournée Mademoiselle Julie
Mademoiselle Julie, d’Auguste Strindberg, mise en scène de Jacques Falguière
Hantés, de Sophie Renault, mise en scène de Sophie Renault
La Folle de Chaillot, de Jean Giraudoux, mise en scène de François Rancillac
Tournée le Pays lointain
Tournée le Pays lointain
Le Pays lointain, de Jean-Luc Lagarce, mise en scène de François Rancillac
Fantasio, d’Alfred de Musset, mise en scène de Manuel Rebjock
Mademoiselle Julie et l ’ O u r s , d’Anton Tchekhov, et Deux gros lots, de Lucas Carragiale,
mise en scène de Manuel Rebjock
Baal, de Bertold Brecht, mise en scène de Jean-Christian Grinevald
Gotcha, de Barry Kieffe, mise en scène de Jean-Christian Grinevald
Britannicus, de Jean Racine, mise en scène de Manuel Rebjock
Tournée le Misanthrope
L’Observatoire, de Thierry Atlan
Avatar, d’après Théophile Gaultier, mise en scène de Thierry Atlan
Le Misanthrope, de Molière, mise en scène de Manuel Rebjock
Une femme tuée par la douceur, de T. Heywood, mise en scène de Thierry Atlan
L’Épreuve, de Marivaux, mise en scène de Daniel Dupont
Le Misanthrope, de Molière, mise en scène de Jean-Christian Grinevald
Molière, de Carlo Goldoni, mise en scène de Daniel Soulier
Au jour le jour, de Stéphane Keller, mise en scène de Stéphane Keller
Poucette, de Charles Vidrac, mise en scène de Nicolas Lormeau
Mademoiselle Rose, de Federico Garcia Lorca, mise en scène de Michel Cerda
Le Journal de Witold Gombrowicz, mise en scène de Thomas Biailkowski
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