L`évaluation scientifique et la gestion de la douleur animale

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L`évaluation scientifique et la gestion de la douleur animale
tribune
L’évaluation scientifique et la gestion
de la douleur animale
Depuis 1924, date de la création de l’Organisation mondiale
de la santé animale (OIE), la science a beaucoup avancé
dans la connaissance des maladies animales, de leurs causes
et de la manière de les prévenir et de les traiter. Partout dans
le monde, la recherche scientifique s’est intéressée aux
maladies infectieuses et aux diverses pathologies d’origine
nutritionnelle, environnementale et génétique affectant les
animaux, ainsi qu’à l’influence de l’état général d’un animal
sur sa sensibilité aux maladies infectieuses. Ces travaux ont
grandement contribué à améliorer le statut sanitaire des
animaux et leur productivité à l’échelle mondiale. Toutefois,
ce n’est que depuis quelque 20 à 25 années que le bien-être
animal est explicitement étudié en tant que tel. Les
© Paloma Blandín
améliorations du bien-être animal constatées par le passé ne
sont qu’une conséquence naturelle des travaux sur la santé
animale, dans la mesure où la santé des animaux est un
facteur déterminant de leur bien-être. Les chercheurs
s’intéressant désormais de plus en plus aux causes et aux
prophylaxie. Suite à l’adoption de ces lignes directrices en
conséquences de la douleur chez les animaux, ainsi qu’à la
2005, l’OIE a continué à développer son initiative en faveur
manière de minimiser et de gérer cette douleur, l’OIE prévoit
du bien-être animal mondial en constituant plusieurs groupes
que le bien-être animal au niveau mondial connaîtra une
ah hoc chargés de sujets d’actualité, à savoir : contrôle des
nette amélioration dans un proche avenir.
populations de chiens errants, bien-être des animaux de
Conscients du fait que la santé animale et le bien-être
animal sont étroitement liés, les Membres de l’OIE (qui sont
laboratoire et systèmes de production animale.
Deux autres initiatives ont confirmé le rôle de chef de file
joué par l’OIE dans l’élaboration de normes internationales
l’unanimité, en 2002, la décision d’élargir le mandat de
pour le bien-être animal fondées sur des bases scientifiques.
l’Organisation afin d’y inclure le bien-être animal. Par la suite,
La première d’entre elles est la publication des Actes de la
le Groupe de travail permanent de l’OIE sur le bien-être
Première Conférence mondiale sur le bien-être animal, qui
animal a été créé afin d’orienter la mise en œuvre de ce
s’est tenue au siège de l’OIE à Paris du 23 au 25 février
mandat élargi. Quatre Groupes ad hoc d’experts ont été
2004. Cette publication témoigne de l’engagement de l’OIE à
chargés de préparer des lignes directrices internationales
informer et à sensibiliser l’opinion mondiale sur les questions
spécifiques pour les quatre domaines suivants : abattage
liées au bien-être animal. La Conférence a accueilli les
© Denormadie-PACE
aujourd’hui 172 Pays et Territoires) ont approuvé à
des animaux destinés
Membres de l’OIE ainsi que des représentants du secteur
à la consommation
privé, des ONG1 internationales œuvrant dans le domaine du
humaine ; transport
bien-être animal et de nombreuses associations scientifiques
des animaux par voie
et professionnelles. La deuxième initiative a été la publication
terrestre ; transport
en 2005 du numéro spécial de la Revue scientifique et
des animaux par voie
technique de l’OIE intitulé «Bien-être animal : enjeux
maritime et abattage
mondiaux, tendances et défis ». Cet ouvrage offre une
des animaux dans
perspective plus large sur le bien-être animal en se
des conditions
rapportant aux lignes directrices de l’OIE en la matière, à
décentes aux fins de
leurs objectifs, à leur conception et à leur mise en œuvre.
1- ONG : organisation non gouvernementale
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Le bien-être animal peut être défini de plusieurs manières.
Si la question de savoir comment définir et décrire exactement
le bien-être animal reste ouverte, un consensus général s’est
néanmoins dessiné sur le fait que l’état de bien-être d’un
animal est lié à ce que cet animal éprouve dans une gamme
continue d’expériences allant des plus positives, indicatives
d’un bon niveau de bien-être, aux plus négatives, indicatives
de souffrance. Par conséquent, l’état mental de l’animal est
très important. Dans son versant négatif, l’état mental inclut
l’anxiété, la peur, la souffrance sous diverses formes et la
douleur. Les états mentaux négatifs peuvent avoir pour origine
une agression extérieure, par exemple une situation effrayante.
Ils peuvent aussi résulter de modifications fonctionnelles chez
l’animal dues à des anomalies, à des perturbations ou à des
restrictions d’origine nutritionnelle, environnementale, sanitaire
ou comportementale. La faim due à une privation de
nourriture ou la douleur causée par une blessure ou par une
Une Série technique est
maladie en sont de bons exemples.
La douleur est l’une des expériences les plus désagréables
en préparation à la demande de
et nocives qu’une personne puisse éprouver. En outre, en
l’OIE eu égard à ce qui précède
fonction de son intensité, de sa nature et de sa durée, la
et à l’importance de la douleur
douleur peut causer d’intenses souffrances chez l’homme. Il
animale et de sa gestion pour
est désormais généralement admis qu’il en va de même chez
l’initiative de l’OIE en faveur du
l’animal. Ainsi, une douleur intense éprouvée par un animal
bien-être animal mondial. Le but
met en péril son bien-être. C’est pourquoi les instances
de cet ouvrage est d’offrir aux
nationales consultatives de plusieurs pays et régions, y
lecteurs un panorama aussi clair
compris l’Australie, la Nouvelle-Zélande et l’Union européenne
que possible de l’état actuel des
ont recommandé que des mesures soient prises pour éviter la
connaissances scientifiques et des orientations probables de
douleur animale ou, le cas échéant, pour gérer cette douleur
la recherche scientifique dans ce domaine à l’avenir. La
de manière à minimiser les souffrances qu’elle peut
préparation de l’ouvrage s’est trouvée facilitée par la reprise
occasionner chez l’animal.
de plusieurs contributions qui avaient été présentées lors du
Le champ scientifique consacré à la connaissance
Sommet scientifique sur la douleur et la gestion de la douleur
de la douleur animale et de sa gestion est en pleine évolution,
organisé par l’Australian Animal Welfare Strategy (AAWS),
comme en témoigne le volume exponentiel de travaux publiés
tenu à Melbourne le 17 mai 2007, et que leurs auteurs
sur ce sujet dans des revues à comité de lecture. Néanmoins,
ont spécialement revues et actualisées pour cette édition.
des stratégies de gestion de la douleur ont déjà été validées
D’autres experts internationaux ont également apporté
et donnent matière à ce que les politiques publiques
leur contribution.
et les pratiques professionnelles intègrent davantage ces
avancées scientifiques. Parallèlement, il convient de tenir
compte des contraintes propres aux pays en développement
et de la demande croissante en produits alimentaires au
niveau mondial.
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