Procédure américaine d`autorisation de nouveaux réacteurs : Bilan
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Procédure américaine d`autorisation de nouveaux réacteurs : Bilan
Procédure américaine d’autorisation de nouveaux réacteurs : Bilan et perspectives par Stephen G. Burns* n assiste depuis quelques années, partout dans le monde, à un regain d’intérêt pour le nucléaire comme composante du bouquet énergétique. Une combinaison complexe de facteurs est à l’origine de cette possible « renaissance du nucléaire » : sauvegarde de l’environnement grâce à l’absence d’émissions de gaz à effet de serre, amélioration de la fiabilité de l’exploitation des centrales, coût avantageux du combustible et de l’exploitation, mesures d’incitation des pouvoirs publics, pour ne citer que ces facteurs. Pour la première fois depuis une génération, les compagnies d’électricité envisagent sérieusement la construction de nouvelles centrales nucléaires de type commercial aux États-Unis. O La Nuclear Regulatory Commission (Commission de la réglementation nucléaire – ci-après « la NRC » ou « la Commission »), en sa qualité d’autorité chargée de la règlementation et de la délivrance des autorisations, a été informée de la volonté d’exploitants d’obtenir des autorisations pour une trentaine de nouvelles centrales au cours de la prochaine décennie et de faire certifier plusieurs conceptions nouvelles de réacteurs qui seraient utilisés dans une bonne partie de ces centrales. La NRC utilisera, pour l’instruction de ces demandes d’autorisation, une procédure sensiblement différente de celle appliquée aux 104 réacteurs aujourd’hui en service aux États-Unis. Cette procédure, contenue dans le titre 10 du Code de la réglementation fédérale, partie 52 de la réglementation de la NRC, est elle-même la résultante d’une réforme de la réglementation engagée en réponse aux critiques sévères formulées contre la procédure d’autorisation en deux étapes utilisée à l’époque à la NRC, et qui a connu son apogée à la fin des années 1980. Le nouveau cadre institué par la partie 52 prévoit des permis d’implantation préalables et la certification de modèles standard de réacteurs, que le demandeur peut ensuite invoquer dans une demande combinée d’autorisation de construction et d’exploitation ou « autorisation conjointe ». L’objectif de la NRC est de faciliter ainsi la standardisation, de faciliter la résolution rapide des problèmes de sûreté et d’améliorer la stabilité et la * Conseiller général adjoint à la Commission de la réglementation nucléaire aux États-Unis, depuis 1998. Il a rejoint la Commission en 1978 en tant que juriste et a occupé divers postes, dont celui d’assistant exécutif et juridique auprès de l’ancien Président Kenneth M. Carr. Il a reçu le prix de la Commission en 2001. M. Burns est diplômé en droit de l’université George Washington et a obtenu une licence en allemand à l’université Colgate de New-York. La responsabilité des faits et opinions exprimés dans cet article appartient exclusivement à son auteur. Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement la position officielle de la Commission de réglementation nucléaire des États-Unis sur ces sujets. Les questions et commentaires portant sur cet article peuvent être adressés à M. Burns, à l’adresse suivante : [email protected]. 9 prévisibilité de la procédure d’autorisation. Le présent article se propose de retracer les étapes qui ont abouti à l’adoption de la partie 52, de faire un premier bilan de la procédure depuis son adoption et d’évoquer certaines des difficultés à prévoir dans la mesure où la NRC devrait avoir à traiter un nombre a priori important de demandes d’autorisation de nouvelles centrales. Cadre institutionnel Créée en 1975, la NRC est une autorité réglementaire indépendante de niveau fédéral, rattachée à l’Exécutif. Avec une autre, elle a succédé à l’Atomic Energy Commission (Commission de l’énergie atomique – AEC) dont elle a repris la mission réglementaire pour ce qui concerne les applications civiles de l’énergie et des matières nucléaires dans les domaines commercial, universitaire, médical et de la recherche1. Le principal texte législatif définissant les compétences et les pouvoirs de la NRC en matière de réglementation est la loi sur l’énergie atomique (Atomic Energy Act – AEA) de 1954 modifiée (titre 42 du Code des États-Unis, 2011 et suivants). Pour simplifier, la NRC est habilitée à « établir, par voie de règle, réglementation ou décret toutes normes et instructions relatives à la possession et à l’utilisation de matières nucléaires spéciales, sources et sous-produits que la Commission peut estimer nécessaires ou souhaitables pour les besoins de la défense et de la sécurité nationales, pour protéger la santé ou réduire les dangers pour la vie humaine ou les biens [loi sur l’énergie atomique, 161b., titre 42 du Code des États-Unis, 2201(b)]2 ». Les praticiens de la législation nucléaire américaine ont coutume de dire que les pouvoirs conférés à la NRC par la loi sur l’énergie atomique sont quasi uniques, par l’étendue du champ des responsabilités de l’organisme administratif et relèvent que sa charte ne contient aucune prescription étroite quant à la manière d’atteindre les objectifs qui lui sont assignés par la loi3. En vertu de la loi sur l’énergie atomique et de la Loi de 1974 sur la réorganisation dans le domaine de l’énergie, la NRC délivre les autorisations et réglemente l’ensemble des réacteurs nucléaires de puissance commerciaux situés sur le territoire américain4. La NRC est fondée à délivrer une autorisation à toute personne qui accepte « d’observer les normes de sûreté propres à protéger la santé et à minimiser les dangers pour la vie humaine ou les biens, et qui accepte par ailleurs, de mettre à la disposition de la Commission les informations techniques et les données sur les activités couvertes par l’autorisation que la 1. La Loi de 1974 sur la réorganisation dans le domaine de l’énergie (titre 42 de l’USC, 5801 et suivants), a dissout l’AEC et l’a remplacée par la NRC et l’Energy Research and Development Administration (ERDA – Agence pour la recherche et le développement de l’énergie), par la suite intégrée à un ministère de l’Énergie remanié. 2. Cf. également 161i. et o. de la loi sur l’énergie atomique, titre 42 de l’USC, 2201(b) et (o). 3. Siegel v AEC, 400 F.2d 778, 783 (tribunal de circuit du District de Columbia, 1968), demande de certification rejetée, 439 U.S. 1046 (1968). 4. La NRC n’est pas compétente pour autoriser les installations nucléaires appartenant au ministère de l’Énergie (Department of Energy – DOE) et exploitées par lui, à l’exception de celles précisément énumérées dans la Loi de 1974 sur la réorganisation dans le domaine de l’énergie (titre 42 de l’USC, 5842). Les installations du ministère de la Défense qui utilisent des matières nucléaires sont explicitement exclues de la compétence de la NRC en matière d’autorisation par le titre 42 de l’USC, 2140. 10 Commission peut juger nécessaires à la défense et la sécurité nationales et à la protection de la santé et de la sécurité du public5 ». Jusqu’à une période récente, c’est le Service de la réglementation des réacteurs nucléaires (Office of Nuclear Reactor Regulation – NRR)6 de la NRC qui s’occupait au premier chef de l’instruction des demandes initiales de permis de construire et d’autorisations d’exploitation. En 2006, la Commission a mis en place un Service des nouveaux réacteurs (Office of New Reactors), appelé à devenir la principale instance responsable de l’examen et de l’évaluation des nouvelles conceptions de réacteurs ainsi que des demandes d’implantation de nouveaux réacteurs. La NRC reste compétente pour le contrôle au jour le jour des réacteurs en service dont les modifications des autorisations initiales. La procédure d’autorisation en deux étapes Toutes les centrales nucléaires en service industriel aux États-Unis ont été autorisées dans le cadre de cette procédure en deux étapes suivie par la NRC et, avant elle, par l’AEC. En vertu des pouvoirs qui lui avaient été dévolus par la loi sur l’énergie atomique, l’AEC avait mis en place une procédure en deux étapes pour autoriser les installations produisant ou utilisant des matières nucléaires. Cette procédure s’inspirait, en partie du moins, de la Loi fédérale de 1934 sur les télécommunications (Federal Communications Act) qui prévoyait un processus en deux étapes pour la construction et l’exploitation des installations de radiocommunications et de radiodiffusion7. Pour simplifier à l’extrême, l’AEC, puis la NRC, commençaient, sur la base d’une évaluation de données préliminaires sur la sûreté et la conception, par délivrer un permis autorisant la construction d’une centrale nucléaire puis accordaient une autorisation d’exploitation, une fois la construction terminée, après évaluation de la conception finale d’autres paramètres d’exploitation. Sans aller jusqu’à la juger comme la seule possible, la Cour suprême des États-Unis estima que la démarche de l’AEC était recevable aux fins de la mise en œuvre de la loi sur l’énergie atomique8. La procédure en deux étapes reste une solution possible pour l’autorisation de nouvelles centrales et est d’ailleurs prévue par la réglementation de la NRC (titre 10 du Code de la réglementation fédérale, partie 50)9. 5. Cf. loi sur l’énergie atomique, 103b, titre 42 de l’USC, 2133(b). En vertu de la loi sur l’énergie atomique, les réacteurs de puissance commerciaux sont des « installations utilisant des matières nucléaires » dont la possession et l’exploitation par « quiconque » sont soumises à autorisation. Loi sur l’énergie atomique, 11cc. et 101, titre 42 de l’USC, 2014(cc) et 2131. 6. Cf. titre 42 de l’USC, 5843. 7. Cf. Texas Utilities Electric Co. (Tranche 1 de la centrale électrique de Comanche Peak), CLI-86-4, 23 N.R.C. 113 (1986). 8. Cf. Power Reactor Development Co. v Electricians, 367 U.S. 376 (1961). De fait, la section 161h. de la loi sur l’énergie atomique [titre 42 de l’USC, 2201(h)] permettait d’examiner « dans le cadre d’une seule et unique demande, d’une ou de plusieurs activités nécessitant l’obtention d’une autorisation aux termes de la présente loi » et de « réunir en une seule et unique autorisation plusieurs de ces activités ». Les dispositions de la partie 52 relatives aux autorisations conjointes, adoptées en 1989, respectaient les contraintes en matière d’autorisation prévues par les textes en vigueur. Cf. Nuclear Information & Resource Service v NRC, 969 F.2d 1169 (tribunal de circuit du District de Columbia, 1992), infirmant en partie 918 F.2d 189 (1990). 9. Cf. titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 50.35 et 50.57. Ainsi, la Tennessee Valley Authority a indiqué qu’elle demanderait une autorisation d’exploitation pour la tranche 2 de sa centrale de Watts Bar conformément aux dispositions de la partie 50. Un permis de construire avait été délivré en 1973 mais, au milieu des années 1980, les travaux avaient été interrompus avant que la centrale soit mise sous cocon. 11 Permis de construire et autorisations d’exploitation Les principales dispositions législatives qui encadrent la procédure initiale sont les sections 182, 185 et 189 de la loi sur l’énergie atomique10. En vertu des dispositions originelles de la loi sur l’énergie atomique, reprises dans l’actuelle section 185a. et dans la réglementation de la Commission (titre 10 du Code de la réglementation fédérale, partie 50), toute personne sollicitant l’autorisation de construire et d’exploiter une centrale doit, dans un premier temps, obtenir un permis de construire. Le dossier présenté à l’appui de sa demande doit préciser les principaux critères de conception envisagés pour la future centrale et contenir des informations permettant de juger de la validité du site et de la solidité financière du demandeur et d’autres éléments relatifs à la sûreté et à la protection physique de la centrale11. Avant l’adoption de la Loi de 2005 sur la politique énergétique (Energy Policy Act), l’autorisation de réacteurs commerciaux nécessitait par ailleurs un examen des aspects antitrust en vertu de la section 105(c) de la loi sur l’énergie atomique12. Il convient toutefois d’insister sur le fait que le demandeur n’était pas tenu de présenter avec sa demande ou son rapport préliminaire de sûreté exigé par la section 50.34(a) une description complète de la conception de l’installation au stade du permis de construire. Le demandeur devait accompagner sa demande d’un rapport décrivant l’impact attendu de son projet sur l’environnement, ce rapport étant ensuite utilisé par la Commission pour préparer un projet d’étude d’impact sur l’environnement (voir infra). Dès lors qu’il estimait que le dossier présenté à l’appui de la demande était complet, le personnel de la NRC procédait à un examen, sous l’angle de la sûreté et de la protection de l’environnement, de la conception du réacteur et du site proposés conformément à son Plan type d’examen (Standard Review Plan – SRP) et à ses guides indiquant les critères à remplir pour valider différents aspects de la demande. La demande devait faire l’objet d’une audition donnant lieu ou non à contestation (voir ci-après). La demande était en outre soumise à l’examen du Comité consultatif sur la sûreté des réacteurs (Advisory Committee on Reactor Safeguards – ACRS), comité d’experts indépendants créé par la loi pour donner à la Commission des avis sur les risques liés aux installations projetées et sur les niveaux de sûreté revendiqués13. Après avoir rencontré le personnel de la Commission et le demandeur, l’ACRS soumettait son rapport, sous forme de lettre adressée à la NRC, dans lequel il présentait les conclusions de son analyse et recommandait la délivrance ou non du permis de construire. Sur la base de l’analyse de l’ACRS et des conclusions tirées relatives à certains aspects techniques et environnementaux évoqués lors de l’audition, le personnel de la Commission pouvait alors accorder le permis de construire. À cet égard, il convient d’insister une nouvelle fois sur le fait que les conclusions de la NRC se fondaient essentiellement sur la présentation d’une conception préliminaire mais suffisante néanmoins pour conclure que les éventuels problèmes de sûreté en 10. Titre 42 de l’USC, 2232, 2235 et 2239. 11. Cf. par exemple titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 2.101, 50.33 et 50.34(a). La NRC a établi le guide no 1.70 (Standard Format and Content of Safety Analysis Reports for Nuclear Power Plants: format et contenu standard des rapports de sûreté des centrales nucléaires) à l’usage des demandeurs qui peuvent ainsi vérifier que leur demande comporte bien les informations dont la NRC a besoin pour conduire son examen. 12. Pub. L. 109-58, 119 Stat. 784, venant modifier le titre 42 de l’USC, 2135(c). Cf. Alabama Power Co. v NRC, 692 F.2d 1362, demande de certification rejetée, 464 U.S. 816 (1983) pour une description de l’ancien dispositif d’examen des aspects antitrust. Au stade du permis de construire, il arrivait qu’une audition soit exclusivement consacrée à ces aspects. Les demandes d’autorisation d’exploitation n’étaient pas obligatoirement soumises à un examen des aspects antitrust, à moins que la Commission estime que des « modifications substantielles » étaient intervenues dans les activités du demandeur depuis l’examen antérieur de la demande de permis de construire. 13. Loi sur l’énergie atomique, 29 et 182b, titre 42 de l’USC, 2039 et 2232(b). 12 suspens pourraient être résolus avant l’achèvement de la construction et au stade de la délivrance de l’autorisation d’exploitation14. Si le déblaiement et le nivellement du site ainsi que la construction des structures, systèmes et composants de sûreté ne pouvaient pas débuter tant que le permis de construire n’avait pas été délivré, la Commission autorisait tout de même la conduite de certaines activités préliminaires en accordant une autorisation limitée de travaux (Limited Work Authorization – LWA)15. Avant la date prévue d’achèvement de la construction (en général, lorsque la centrale était achevée à 50 %), le demandeur déposait une demande d’autorisation d’exploitation. À ce stade de la procédure, il devait fournir un rapport définitif de sûreté décrivant contenant le référentiel de sûreté complet ainsi que d’autres informations relatives au dispositif mis en place pour garantir l’exploitation de la centrale dans des conditions sûres, les spécifications techniques d’exploitation de la centrale, une description des programmes prévus en matière de formation, de sécurité physique et d’intervention en cas d’urgence16. Des données actualisées relatives aux incidences du projet sur l’environnement étaient également fournies pour permettre à la NRC de compléter son propre examen de cet aspect. À ce stade, l’examen auquel procédait la NRC avait pour but de déterminer : Si la centrale nucléaire avait été construite conformément au permis de construire, à la demande telle que modifiée et à la réglementation de la NRC. Si l’on peut raisonnablement penser que la centrale peut être exploitée conformément à la réglementation et sans menacer la santé et la sécurité de la population, ni la défense et la sécurité nationales. Si le demandeur possédait bien les qualifications techniques et la solidité financière requises17. Le personnel de la NRC devait également établir une nouvelle étude d’impact sur l’environnement (EIE) actualisant la précédente. Une audition pouvait être demandée et organisée. Le comité ACRS devait examiner la demande une nouvelle fois et donner son avis. Là encore, en fonction des conclusions de cet examen et de l’audition éventuelle, la Commission pouvait alors délivrer l’autorisation d’exploitation. 14. Cf. titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 50.35(a). 15. La Commission pouvait délivrer une autorisation limitée de travaux (Limited Work Authorization – LWA) préalablement à la décision finale concernant un permis de construire : 1) si toutes les questions d’environnement et de choix du site soulevées par le permis de construire avaient été résolues ; 2) si le conseil compétent chargé des questions d’autorisation avait conclu que l’on pouvait raisonnablement penser que le site réunissait les conditions exigées du point de vue radiologique et de la sûreté pour la construction d’un réacteur de la puissance et du type proposé. La LWA pouvait aussi permettre la réalisation des fondations. Récemment, la NRC a redéfini les activités de construction soumises à l’obtention préalable d’une autorisation restreinte. Règlement définitif, Limited Work Authorizations for Nuclear Power Plants (autorisations limitées de travaux pour les centrales nucléaires), 72 Fed. Reg. 57, 416 (9 octobre 2007). 16. Cf. titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 50.34(b)-(h). 17. Cf. titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 50.57(a), 182a. et 185a. de la loi sur l’énergie atomique, titre 42 de l’USC, 2232(a) et 2235(a). 13 Évaluation de l’impact sur l’environnement prévue aux deux étapes de la procédure Pour la procédure d’autorisation, la Commission doit par ailleurs respecter les dispositions de la Loi de 1969 sur la politique nationale de protection de l’environnement (National Environmental Policy Act – NEPA 42 USC, 4321 à 4347). La NEPA oblige les organismes fédéraux à évaluer les incidences potentielles sur l’environnement des initiatives fédérales et, dans le cas des initiatives fédérales « majeures », prescrit la réalisation d’une étude d’impact sur l’environnement (EIE)18. Si, dans un premier temps, l’AEC s’est montrée réticente à appliquer la NEPA aux installations soumises au régime d’autorisation prévu par la loi sur l’énergie atomique, elle a dû se résoudre à le faire après qu’une décision de justice lui a donné tort19. Les dispositions réglementaires actuelles afférentes aux obligations de la NRC au regard de la NEPA sont contenues dans le titre 10 du Code de la réglementation fédérale, partie 51. Au sens de la NEPA, la délivrance d’un permis de construire est considérée comme une initiative fédérale majeure. Dans ces conditions, la Commission avait obligation d’effectuer une étude d’impact sur l’environnement au stade de la délivrance du permis de construire. Cette étude permettait d’évaluer les incidences sur l’environnement de la construction et de l’exploitation de la centrale proposée et d’examiner des sites de remplacement. Bien que l’impact sur l’environnement de la délivrance de l’autorisation d’exploitation ait dû être évalué dans une EIE supplémentaire, cet examen se limitait aux modifications intervenues depuis la réalisation de l’EIE en vue de l’obtention du permis de construire. Il n’était pas nécessaire de poursuivre l’examen de sites de remplacement dans l’EIE supplémentaire. La NEPA prévoit que le projet d’EIE de l’organisme en question est d’abord publié afin de recevoir les commentaires du public. Par la suite, une version finale de l’EIE qui tient compte des commentaires reçus est effectuée. Si, aux termes de la NEPA, l’organisation d’une audition publique n’est pas obligatoire, la Commission a néanmoins permis que les aspects environnementaux soient étudiés au cours des auditions qu’elle organise au même titre que les questions relatives à la sûreté et à la sécurité dont l’examen est prescrit par la loi sur l’énergie atomique. Auditions publiques sur les permis de construire et les autorisations d’exploitation Qu’il s’agisse d’accorder, de suspendre, de retirer ou de modifier une autorisation, ou encore d’adopter une réglementation ou de la modifier, la loi sur l’énergie atomique fait obligation à la NRC d’organiser une audition à la demande de « toute personne dont les intérêts sont susceptibles d’être lésés » par la délivrance d’un permis de construire ou d’une autorisation d’exploitation et d’y faire participer ces personnes20. Aux termes d’une modification de 1957 de la loi sur l’énergie atomique, la NRC est tenue d’organiser une audition lors de l’instruction d’une demande de permis de construire, 18. La NEPA est l’une des lois relatives à la protection de l’environnement (aux côtés, par exemple, de la loi sur la pollution de l’air [Clean Air Act] et de la loi sur la pollution de l’eau [Clean Water Act]), qui obligent à prendre en compte de multiples aspects environnementaux au cours du processus d’autorisation. L’examen prévu par ces différentes lois fait intervenir de nombreux organismes au niveau fédéral et des États. Si la résolution d’un grand nombre de ces questions doit être prise en compte par la NRC pour statuer sur la délivrance d’une autorisation, toute société ayant le projet de construire une centrale nucléaire, ou d’ailleurs tout type de centrale électrique, devra préalablement obtenir des autorisations de toute une série d’organismes réglementaires au niveau fédéral, des États et des collectivités locales. 19. Cf. Calvert Cliffs̓ Coordinating Comm. v Atomic Energy Commission, 449 F.2d 1109 (tribunal de circuit du District de Columbia, 1971). 20. Loi sur l’énergie atomique, 189a(1)(A), titre 42 de l’USC, 2239(a)(1)(A). 14 même si personne n’en a fait la demande21. Une demande d’autorisation d’exploitation ne doit pas obligatoirement faire l’objet d’une audition publique, à laquelle il peut toutefois être procédé à la demande d’une partie intéressée ou si tel est le choix de la Commission. Pour la conduite des procédures d’autorisation et d’audition, la Commission doit se conformer aux dispositions de la Loi de 1946 sur les procédures administratives (Administrative Procedure Act – APA), titre 5 de l’US Code, 551 à 559 et 701 à 706. Cette loi définit les règles de procédure généralement applicables aux travaux réglementaires des organismes fédéraux, à la délivrance d’autorisations et à toute autre procédure22. Pour son travail réglementaire, la Commission a généralement suivi jusqu’à présent la procédure informelle autorisée par la Loi APA, selon laquelle l’organisme doit commencer par publier la règle proposée au Registre fédéral (Federal Register – Fed. Reg.) et la soumettre à commentaires, puis adopter une règle définitive tenant compte des éventuels commentaires reçus23. Au cours de la première vague d’autorisations de centrales nucléaires, l’AEC comme la NRC, organisaient des auditions selon une procédure de type juridictionnel, conformément aux prescriptions de la section 189 de la loi sur l’énergie atomique. Les procédures en vigueur comportaient des mécanismes de divulgation de preuve et des contre-interrogatoires similaires à ceux en vigueur devant les tribunaux fédéraux, en vertu des règles fédérales de procédure civile. En 2004, la NRC a profondément réformé ses procédures juridictionnelles en permettant, notamment, la tenue d’auditions plus informelles pour l’autorisation de réacteurs24. Les procédures ainsi révisées prévoient toujours une audition sur les faits litigieux, la divulgation des éléments de preuve et la possibilité de demander, lorsque les circonstances l’exigent, un contre-interrogatoire. Les procédures d’audition passées et actuelles figurent au titre 10 du Code de la réglementation fédérale, partie 2 de la réglementation de la NRC. 21. Loi sur l’énergie atomique, 189a(1)(A), titre 42 de l’USC, 2239(a)(1)(A) ; voir Pub. L. 85-256 para. 7, 71 Stat. 576 (1957). 22. La loi sur les procédures administratives est l’une des lois fédérales visant à accroître la transparence du processus décisionnel des organismes fédéraux. Cf. A. Fung, M. Graham et D. Weil, Full Disclosure 25-28 (Cambridge Univ. Press 2007). Cette loi s’applique à l’ensemble des initiatives prises par la NRC pour l’application de la loi sur l’énergie atomique, comme cette dernière le prévoit (181, titre 42 du Code des États-Unis, 2231). Le débat sur la régularité et la conformité des procédures d’audition pratiquées par l’AEC puis la NRC – sujet qui dépasse le cadre de cet article – a été présent tout au long de l’histoire des deux organismes et est parfois remonté jusqu’à la Cour suprême et différentes cours d’appel. Cf. par exemple Vermont Yankee Nuclear Power Corp. v Natural Resources Defense Council, 435 U.S. 519 (1978) ; Citizens Awareness Network, Inc. v NRC, 391 F.3d 338 (1er circuit, 2004). 23. L’affaire Siegel v AEC, 400 F.2d 778, 783 (tribunal de circuit du District de Columbia, 1968), demande de certification rejetée, 439 U.S. 1046 (1968), a établi le principe selon lequel la procédure de publication pour avis était conforme aux prescriptions de la section 189 relatives aux auditions exigées des organismes de réglementation. Au cours des années 1970, l’AEC et la NRC ont à plusieurs reprises utilisé une procédure plus formelle en matière réglementaire, du type de celle utilisée dans le cadre d’un procès. On citera en particulier l’adoption de la réglementation concernant le refroidissement de secours du cœur des réacteurs nucléaires. Cf. Rulemaking Hearing on Acceptance Criteria For Emergency Core Cooling Systems For Light-Water-Cooled Nuclear Power Reactors, CLI-73-39, 6 A.E.C. 1085, 1973 WL 18177 (1973). 24. Règle définitive, Changes to Adjudicatory Process [Changements apportés à la procédure juridictionnelle], 69 Fed. Reg. 2, 182 (14 janvier 2004). Les changements apportés ont fait l’objet d’un recours au motif qu’ils étaient contraires aux dispositions de la loi sur les procédures administratives mais une cour d’appel fédérale les a jugés recevables. Cf. Citizens Awareness Network, Inc. v NRC, 391 F.3d 338 (1er circuit, 2004). 15 En 1962, suite à une modification de la loi sur l’énergie atomique, la Commission a été autorisée à mettre en place des conseils chargés des questions de sûreté et d’autorisation (Atomic Safety and Licensing Boards), composés de juristes et d’experts techniques, pour mener les auditions organisées dans le cadre de la procédure d’autorisation25. De manière générale, ces conseils ont des compétences pour se prononcer sur l’admissibilité des parties et sur la recevabilité des questions litigieuses, superviser le mécanisme de divulgation des éléments de preuve, mener les débats sur les points litigieux et rendre une décision sur la base des éléments de preuve qui leur sont soumis. Outre le personnel de l’AEC et de la NRC et le demandeur, la participation à ces procédures est ouverte à quiconque est en mesure, d’une part, de prouver sa qualité pour agir, c’est-à-dire un intérêt spécifique, fondé, susceptible d’être lésé par l’issue de la procédure et, d’autre part, de présenter une cause recevable26. Peuvent également être parties à une procédure d’autorisation les gouvernements des États, des collectivités locales, des associations militantes ou des particuliers27. Il était possible de faire appel des décisions des conseils devant la Commission. Entre 1969 et 1991, la Commission délégua en grande partie à un conseil ad hoc (Atomic Safety and Licensing Appeal) le soin d’examiner les recours formés contre les décisions des conseils chargés des questions d’autorisation. Ce conseil examinait aussi, de sa propre initiative, les décisions définitives prises en matière d’autorisation n’ayant fait l’objet d’aucun recours. La Commission elle-même examinait les recours en appel formés contre les décisions prises lors des auditions quoique cet examen ait été de portée bien plus restreinte. Cette pratique fut sévèrement critiquée lors des principales enquêtes diligentées à la suite de l’accident de Three Mile Island28. Lorsque la NRC s’était définitivement prononcée sur un recours, une partie non satisfaite pouvait introduire une demande en révision auprès de la cour d’appel fédérale compétente, conformément à la section 189 de la loi sur l’énergie atomique [titre 42 de l’USC, 2239(b)]. Ainsi que nous allons le voir, la NRC n’a pas ménagé ses efforts au cours des vingt dernières années pour mettre en place une procédure d’autorisation qu’elle espère plus efficace. Même si, selon 25. Loi sur l’énergie atomique, 191, titre 42 de l’USC, 2241. Pour l’essentiel, cette modification introduisait une dérogation au principe général prévu par la loi sur les procédures administratives, selon lequel les personnes conduisant les interrogatoires et les juges administratifs devaient être des avocats. 26. Titre 10 du Code la réglementation fédérale, 2.309(a), (d) et (f) (2007). Même si rien ne l’y oblige, la Commission suit en règle générale le concept de « qualité pour agir » pour déterminer s’il convient d’admettre une personne à une procédure en tant que partie. Cf. Sequoyah Fuels Corp., CLI-01-2, 53 NRC 9, 14 (2001) ; Envirocare of Utah, Inc. v NRC, 194 F.3d 72, 75 (tribunal de circuit du District of Columbia, 1999). Pour prouver sa qualité pour agir dans le cadre d’une procédure dont la NRC a à connaître, un demandeur doit invoquer « (1) un préjudice personnel, concret, réel potentiel pour lequel (2) il existe un lien de causalité relativement aisé à établir avec les mesures contestées, (3) qui répond à la définition des intérêts généraux protégés par la loi sur l’énergie atomique (ou d’autres textes législatifs applicables comme la NEPA) et (4) qu’une décision favorable permettrait de réparer ». Sequoyah Fuels Corp. 13. 27. Dans les premiers temps, les procédures ne donnaient généralement pas lieu à contentieux, et ce n’est qu’à partir de la fin des années 1960 que des associations militantes ou des particuliers commencèrent à faire régulièrement entendre leur voix dans les procédures d’autorisation. Cf. Groupe d’enquête spécial de la NRC, Three Mile Island: A Report to the Commissioners and to the Public [Three mile island: rapport aux commissaires et au public], Vol. II, 3 (1980) (ci-après « Rapport du groupe d’enquête spécial ») ; H.P. Green, Public Participation in Nuclear Power Plant Licensing: The Great Delusion, 15 Wm. et Mary L. Rev. 503, 512 (1974). 28. Voir Report of the President’s Commission on the Accident at Three Mile Island [rapport de la Commission présidentielle sur l’accident de Three Mile Island], 51 (1979) (ci-après « le Rapport de la Commission Kemeny ») ; Rapport du groupe d’enquête spécial, voir supra note 27, Vol. I p. 140-41. 16 toute probabilité, la plupart des nouvelles demandes d’autorisation seront instruites selon la nouvelle procédure prévue par le titre 10 du Code de la réglementation fédérale, partie 52, la NRC n’a pas pour autant supprimé la procédure en deux étapes, qui reste utilisable pour l’autorisation de nouveaux réacteurs. Réforme de la procédure d’autorisation Même si la procédure d’autorisation conduite initialement par l’AEC et, plus tard, par la NRC a été marquée par un débat quasi permanent sur la nécessité d’une réforme29, le propos ici est plutôt de fournir un panorama des initiatives et des efforts qui ont abouti à l’adoption par la NRC de la procédure décrite dans le titre 10 du Code de la réglementation fédérale, partie 52. La partie 52 autorise à solliciter une autorisation conjointe de construction et d’exploitation et non, successivement, un permis de construire puis une autorisation d’exploitation. Une autorisation conjointe donne le feu vert à la construction dès lors que le demandeur a fourni des données exhaustives sur la conception de l’installation ; elle permet également d’exploiter la centrale, à condition que la conformité de la construction à l’autorisation délivrée, à la conception et à la réglementation de la Commission ait pu être vérifiée. La partie 52 introduit également deux autres procédures importantes : 1) l’examen et l’agrément de modèles standardisés de réacteurs via une procédure de certification (Design Certification) et 2) l’examen et la reconnaissance de la validité d’un site via la délivrance d’un permis d’implantation préalable (Early Site Permit – ESP) et ce, avant que la décision de construire la centrale en question ait été prise30. À l’appui de sa demande d’autorisation conjointe, le demandeur peut invoquer la certification de la conception de son réacteur et/ou le permis d’implantation préalable. Sauf dans des cas très précis on ne reviendra pas, lors de l’instruction d’une demande d’autorisation conjointe, sur les conclusions auxquelles a abouti l’instruction de la demande de certification de la conception ou de permis d’implantation préalable quant aux caractéristiques de conception et à la validité du site. Au moment où la NRC s’apprête à instruire les premières demandes d’autorisation conjointe en vertu de la partie 52, il n’est pas inutile de rappeler que la règle de base date elle-même déjà de près de vingt ans. Lorsqu’elle a été proposée en 1988, les principaux concepts (autorisation conjointe, certification de la conception et permis d’implantation préalable) étaient déjà en débat depuis le début des années 1970 au moins. Comme nous allons le voir, ce sont les critiques formulées contre la procédure d’autorisation en deux étapes et l’absence de consensus au sein du Congrès américain sur la législation à adopter pour réformer le régime d’autorisations qui ont conduit la NRC à entreprendre une réforme administrative de la procédure d’autorisation. Critiques formulées à l’encontre de la procédure en deux étapes Les objectifs annoncés par la NRC lors de la publication du projet de partie 52 étaient les suivants : « Améliorer la sûreté des réacteurs et simplifier la procédure d’autorisation en encourageant l’utilisation de modèles standardisés de réacteurs et en permettant la résolution rapide des problèmes d’environnement et de sûreté liés au site et à la conception. La procédure de 29. Voir de manière générale J. Samuel Walker, Containing the Atom, 37-56 (Université de Californie, 1992). 30. Le demandeur d’une autorisation conjointe peut également invoquer dans sa demande une autorisation de fabrication ou une certification définitive de modèle. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.73(a). 17 délivrance d’une autorisation conjointe pour une installation peut s’en trouver considérablement allégée par rapport à la procédure actuelle en deux étapes. De la même façon, au terme de la procédure de délivrance d’une autorisation conjointe, les aspects réglementaires restant à résoudre avant l’obtention de l’autorisation d’exploiter la centrale seraient moins nombreux et mieux définis qu’actuellement, avec la simple autorisation d’exploitation31 ». Cet énoncé des objectifs de la réforme de la procédure d’autorisation révèle en creux les défauts reprochés à la procédure en deux étapes : l’absence de standardisation et le fait que l’on conçoive les centrales au jour le jour ; la résolution d’importantes questions de sûreté à un stade assez avancé de la construction ; l’instabilité des prescriptions réglementaires et, enfin, l’apparente inefficacité d’une double procédure d’instruction des demandes et d’audition. Le fait surtout que les détails de conception ne soient pas définis avant la délivrance de l’autorisation de construire ouvrait la voie à la construction de réacteurs présentant « un degré de variabilité et diversité hors du commun », en somme, de centrales conçues et construites sur mesure32. Cette absence de standardisation interdisait à la NRC de contrôler correctement la sûreté d’exploitation des centrales mais aussi aux exploitants de tirer les leçons du retour d’expérience d’exploitation 33. D’un point de vue économique, la variabilité des modèles de réacteurs ainsi produite a elle aussi contribué à l’escalade des coûts et à l’allongement des délais de mise en service d’une installation (entre 12 et 16 ans). À ce propos, les partisans d’une standardisation plus poussée prenaient les expériences étrangères, comme celle de la France, pour des modèles d’utilisation de la standardisation au profit de la sûreté et de l’efficience34. Puisque la conception était encore trop sommaire et que les questions de sûreté pertinentes n’étaient pas résolues, les exigences réglementaires nouvelles ou modifiées n’étaient prises en compte qu’au stade de l’instruction de la demande d’autorisation d’exploitation, alors que la construction était déjà bien avancée. Cette démarche par à-coups et à la mise en conformité a posteriori avec les nouvelles exigences ont été critiquées peu rigoureuses et effectuées sans que l’on ait toujours bien mesuré l’impact global sur la sûreté des nouvelles exigences. On a peine à imaginer qu’aient pu être autorisées des centrales qui n’étaient pas conformes aux exigences réglementaires importantes adoptées dans les années 1970 et 1980 (protection contre les incendies, qualification environnementale des équipements électriques, plans de sécurité, plans d’intervention en cas d’urgence et qui n’intégraient pas non plus les améliorations de la conception et de l’exploitation consécutives à l’accident de Three Mile Island. Et pourtant, bon nombre de ces exigences ont été intégrées aux centrales à un stade avancé de leur construction quand elles n’étaient pas déjà en exploitation. C’est à Seabrook et à Shoreham que l’on observe les conséquences les plus spectaculaires de décisions 31. Projet de règlement, Early Site Permits; Standard Design Certifications; and Combined Licenses for Nuclear Power Reactors [Permis d’implantation préalables, certification de réacteurs standard et autorisations conjointes pour les réacteurs nucléaires], 53 Fed. Reg. 32060, 32062 (23 août 1988). 32. Office of Technology Assessment du Congrès américain, Nuclear Powerplant Standardization [standardisation des centrales nucléaires], 6 (1981) (ci-après « rapport de l’OTA »). 33. Ibid., pp. 3, 12, 38, 55-57. 34. Ibid., pp. 46-48 ; Témoignage de A. Philip Bray, notant que deux réacteurs de General Electric à Taïwan avaient été construits en seulement 5 ans Hearings before the Subcomm. on Energy & the Environment, House Comm. on Interior & Insular Affairs on Nuclear Licensing Reform, 98e Congrès, 1re Session, 254 (1983). J’aimerais à ce propos partager une anecdote personnelle : lorsque j’ai visité, en 1987, sur la côte normande, la centrale de Paluel, qui comporte 4 tranches, mes hôtes français n’ont pas été peu fiers de préciser que la construction de la centrale avait pris moitié moins de temps (environ 6 ans) que celle de sa centrale jumelle, le South Texas Project, sur la côte texane. 18 tardives sur des aspects essentiels du choix du site ou de la délivrance d’une autorisation. Alors que leur construction était déjà bien avancée, les deux centrales furent l’objet d’une controverse quant à la possibilité de présenter des plans d’urgence adaptés pour leurs sites respectifs. Si la centrale de Seabrook finit par être exploitée à pleine puissance, ce ne fut pas le cas de celle de Shoreham. Alors que l’exploitant avait entamé des essais à basse puissance, l’État de New York, qui avait émis des doutes sur l’efficacité des plans d’urgence prévus sur le site, racheta la compagnie d’électricité pour mettre la centrale à l’arrêt et la démanteler35. Il n’y avait pas unanimité sur le point de savoir si la procédure d’audition mise en place par la NRC était préjudiciable à la procédure d’autorisation dans sa globalité36. En revanche, de l’avis général, la procédure en deux étapes laissait croire, à tort ou à raison, qu’il serait inévitablement donné une suite favorable à la demande d’autorisation d’exploitation eu égard aux investissements significatifs consentis par le demandeur dans une centrale déjà pratiquement achevée au moment où commençait l’instruction de la demande37. Paradoxalement, cela fait écho à l’argument rejeté par la Cour suprême dans une affaire jugée dans les années qui suivirent l’adoption de la loi sur l’énergie atomique : la Cour avait alors validé la démarche de la Commission consistant à délivrer des permis de construire sur la base d’informations sur une conception au stade d’ébauche38. Il n’en reste pas moins que les critiques de la NRC se rejoignaient pour dire que cet organisme devait adopter une procédure d’autorisation en une seule étape, en lieu et place d’un système dans lequel « un premier, long examen de sûreté, est mené trop tôt pour être utile tandis que le second examen intervient trop tard pour être totalement efficace39 ». Premières tentatives de réforme de la procédure d’autorisation Dès le début des années 1970, l’AEC adopta des mesures pour encourager une standardisation plus poussée de la conception des centrales. Aussi étonnante que puisse paraître cette affirmation, au vu des évolutions qu’allait connaître un secteur alors tout jeune et des difficultés qu’il allait devoir résoudre, l’AEC encouragea cette standardisation dans des déclarations de politique générale en 1972 et 197340. Elle fit également des propositions législatives qui sont une première approche théorique des principaux concepts de la partie 52 actuelle, à savoir autorisations conjointes, certification de modèles 35. Pour se faire une idée de la controverse suscitée par ces deux centrales, voir Massachusetts v NRC, 924 F.2d 311 (tribunal de circuit du District de Columbia, 1991) ; Seacoast Anti-Pollution League v NRC, 690 F.2d 1025 (tribunal de circuit du District de Columbia, 1982) ; Long Island Lighting Co. (tranche 1 de la centrale nucléaire de Shoreham), CLI-89-2, 29 NRC 211 (1989). 36. Comparer le témoignage de Bart Z. Cowan et celui de Peter A. Bradford, Hearings before the Subcomm. on Nuclear Regulation of the Senate Comm. on Environment & Public Works on Nuclear Licensing Reform , S.893 & S.894, 98e Congrès, 1re Session, pp. 226 et 239 et 477 et 567 (1983). 37. Cf., par exemple, le rapport de la Commission Kemeny, voir supra note 28, p. 52 ; Notice of Request for Comments on Proposed Legislation; Nuclear Standardization Act of 1982 [Loi de 1982 sur la standardisation des centrales nucléaires], 47 Fed. Reg. 24044, 24045 (2 juin 1982) ; Témoignage d’Ernest F. Gellhorn, Hearing before the Subcomm. on Energy & Power of the House Comm. on Energy & Commerce on Nuclear Licensing Reform, 100e Congrès, 2e Session, p. 36 (1988). 38. Cf. Power Reactor Development Co. v Electricians, 367 U.S. 376 (1961). La Cour déclara qu’elle ne pouvait pas penser que la Commission outrepasserait ses prérogatives, ni que ces nombreuses mesures de sauvegarde destinées à protéger l’intérêt public ne seraient pas pleinement efficaces, op.cit., pp. 415-16. 39. Rapport du groupe d’enquête spécial, voir supra note 27, Vol. I p. 139 ; op.cit., p. 141 ; Rapport de la Commission Kemeny, voir supra note 28, p. 65. 40. Déclaration sur la standardisation des centrales nucléaires (28 avril 1972). 19 de réacteurs par voie réglementaire et délivrance de permis d’implantation avant même le dépôt d’une demande d’autorisation de construction d’une centrale41. Dans sa déclaration de 1973, l’AEC distinguait trois voies possibles vers la standardisation: 1) les systèmes de référence : à savoir des sections entières de la conception d’une centrale qui seraient standardisées et pourraient servir de références une fois agréées par la NRC ; 2) les installations standard : la conception ne serait examinée qu’une fois et pourrait ensuite être appliquée aux centrales identiques ; 3) les autorisations de fabrication : ce système s’appliquerait aux installations construites puis implantées sur des sites ayant fait l’objet d’un agrément distinct. L’AEC a par la suite adopté ces concepts dans sa réglementation, repris dans la version initiale de la partie 52 et conservés lors de l’actualisation récente de la règle42. Plus tard, l’AEC allait ajouter une quatrième solution, la copie de modèle, permettant d’utiliser des conceptions homologuées moyennant quoi, seul le site ou les modifications apportées à la conception approuvée seraient soumis à son examen. Bien que les efforts de l’AEC aient porté quelques fruits au cours des dernières années de son existence et au début de l’existence de la NRC, cette dernière reconnut, dans sa déclaration de politique générale de 1978 que le faible nombre de commandes de centrales attendues rendait peu probable, dans l’immédiat, le recours extensif à des conceptions standard43. Quoi qu’il en soit, dans la même déclaration, la NRC fournissait des conseils supplémentaires sur la mise en œuvre des options de standardisation et assurait, après consultation du ministère de la Justice, que les exploitants qui adopteraient la standardisation ne seraient pas nécessairement soupçonnés d’avoir des comportements anticoncurrentiels aux termes de la législation fédérale antitrust. Un certain nombre de préhomologations de la conception furent accordées à des systèmes de référence puis arrivèrent à expiration, de sorte qu’aucune conception de réacteur ne fut adoptée conformément à l’option prévue par le titre 10 du Code de la réglementation fédérale, partie 50, annexe O. Une seule autorisation de fabrication fut délivrée pour l’Offshore Power System, mais ce dernier ne fut jamais construit 44. De la même façon, on enregistra une vingtaine de demandes pour des centrales standard ou des copies de modèles, mais seulement quelques tranches, dont les centrales de Callaway et Wolf Creek exploitées par le consortium SNUPPS (Standardized Nuclear Unit Power Plant System) et quatre tranches des 41. Audition devant la Commission conjointe sur l’énergie atomique relative au choix du site des centrales nucléaires et à leur autorisation, 93e Congrès, 2e Session, Vol. 2, 985-1005 (1974) (AEC bill, H.R. 13484). Cf. H. Shapar et M. Malsch, Proposed Changes in the Nuclear Power Plant Licensing Process: The Choice of Putting a Finger in the Dike or Building a New Dike, 15 Wm et Mary L. Rev. 539, 549-50 (1974). Le texte législatif visait par ailleurs à supprimer l’obligation d’organiser une audition publique avant la délivrance du permis de construire ainsi que l’expertise du comité ACRS, pp. 545-46. 42. Le concept d’autorisation de fabrication est inscrit dans l’annexe M du titre 10 du Code de la réglementation fédérale, partie 50 sous Standardization of Design; Licenses to Manufacture Nuclear Power Reactors, [Standardisation des modèles de réacteurs ; autorisations de fabrication de réacteurs nucléaires], 38 Fed. Reg. 302151 (2 novembre 1973) ; les concepts de centrales standard et système de référence sont quant à eux inscrits dans les annexes N et O de la partie 50, respectivement, sous Licensing of Duplicate Nuclear Power Plants; Review of Standard Nuclear Power Plant Designs [Autorisation de centrales nucléaires standard ; Examen de conceptions standardisées de centrales nucléaires], 40 Fed. Reg. 2974 (17 janvier 1975). Les trois options ont été reprises en grande partie avec la mise à jour récente de la partie 52. Cf. titre 10 du Code de la réglementation fédérale, partie 52, sous-parties E, F, et annexe N, 72 Fed. Reg. 49, 352, 49, 538-44, 49, 559 (28 août 2007). 43. 43 Fed. Reg. 38, 954, 38, 955 (31 août 1978). 44. Cf. Offshore Power Systems, LBP-82-49, 15 NRC 1658 (1982), jugement confirmé, ALAB-718, 17 N.R.C. 384 (1983). 20 centrales de Byron et de Braidwood construites pour Commonwealth Edison, obtinrent une autorisation d’exploitation45. À la fin des années 70, les compagnies d’électricité abandonnèrent leurs projets de construction et suite à l’accident de Three Mile Island, l’attention se focalisa sur les réformes à entreprendre à la NRC et chez les industriels46. Dans ces conditions, il fallut attendre la fin des années 80 pour que l’on constate une volonté de poursuivre la réforme de la procédure d’autorisation et l’effort de standardisation. Comme on l’a vu, les deux principales enquêtes sur l’accident de Three Mile Island mirent sévèrement en cause la procédure d’autorisation des centrales suivie par la NRC et préconisèrent, sinon la standardisation obligatoire, du moins des mesures pour l’encourager ainsi que l’adoption d’une procédure d’autorisation en une seule étape pour les futures centrales. Le Congressional Office of Technology Assessement publia en 1981 un rapport sur la standardisation à la demande des commissions compétentes de la Chambre des Représentants et du Sénat47. Nunzio Palladino, qui venait d’être nommé à la tête de la NRC par le Président Reagan, mit en place, fin 1981, un groupe de travail (Regulatory Reform Task Force) chargé de réfléchir aux réformes de la procédure d’autorisation de la NRC à entreprendre au niveau législatif ou en interne. Ce groupe présenta une proposition de texte qui fut publié au Registre fédéral et soumise à commentaires, avant sa présentation au Congrès par la Commission48. Le ministère de l’Énergie soumit son propre projet de loi au nom de l’administration Reagan. On retrouve dans ces deux projets les principaux aspects de la procédure d’autorisation prévue par la partie 52 : autorisations conjointes, conceptions certifiées et permis d’implantation préalables. Même s’ils furent examinés par diverses instances du Congrès, ils ne furent jamais adoptés. L’expérience devait se reproduire en 1985 et en 1987 : une législation réformatrice fut présentée, des auditions organisées, mais la législation ne fut pas adoptée faute de volonté affirmée 49. 45. On trouvera une vue d’ensemble des débuts du programme de standardisation dans le document du Service du Secrétaire de la Commission (SECY) no 85-382, Note adressée à la Commission par W. Dircks, Directeur exécutif des opérations (EDO), Déclaration sur la standardisation, pièce jointe n o 2 (4 décembre 1985). Ce document est accessible via le système ADAMS, sous le numéro ML8512120471 www.nrc.gov/reactors/new-licensing/related-documents.html#history. 46. Voir en général J. Samuel Walker, Three Mile Island 209-25 (Université de Californie, 2004). 47. Rapport de l’OTA, voir supra note 32. 48. Notice of Request for Comments on Proposed Legislation ; Nuclear Standardization Act of 1982, 47 Fed. Reg. 24044 (2 juin 1982). 49. Cf. Hearings before the Subcomm. on Nuclear Regulation of the Senate Comm. on Environment & Public Works on Nuclear Licensing Reform: S.893 & S.894, 98e Congrès, 1re Session (1983) ; Hearings before the Subcomm. on Energy & the Environment, House Comm. on Interior & Insular Affairs on Nuclear Licensing Reform: H.R. 2511 & 2512, 98e Congrès, 1re Session, 3 et 33 (1983) (projets de loi de la NRC et du DOE) ; Hearing before the Subcomm. on Nuclear Regulation of the Senate Comm. on Environment & Public Works on Nuclear Regulatory Reform [Audition sur la réforme de la réglementation nucléaire devant la sous-commission sur la réglementation nucléaire de la commission du Sénat sur l’environnement et les travaux publics], 99e Congrès, 1re Session (1985) ; Hearings before the Subcomm. on Energy & the Environment, House Comm. on Interior & Insular Affairs on Nuclear Licensing and Regulatory Reform Legislation [Audition sur le système d’autorisation des centrales nucléaires et la législation portant réforme de la réglementation devant la sous-commission sur l’énergie et l’environnement de la commission de la Chambre des Représentants sur les affaires intérieures et insulaires], 99e Congrès, 2e Session, 19 (1986) (projet de loi de la NRC, H.R. 1447) ; Hearing before the Senate Comm. on Energy & Natural Resources on Nuclear Facility Standardization Act of 1986 [Audition sur la Loi de 1986 portant standardisation des installations nucléaires devant la commission du Sénat sur l’énergie et les ressources naturelles], S.2073, 99e Congrès, 2e Session (1986). 21 En 1987, la NRC décida d’encourager la standardisation et de revoir sa procédure d’autorisation à la fois par la voie législative et par la voie administrative. Bien qu’elle restât persuadée de la nécessité d’adopter une nouvelle législation, la Commission indiqua dans une déclaration révisée sur la standardisation que la plupart des aspects du texte de loi proposé relevaient des prérogatives qui lui avaient été dévolues par la législation en vigueur et fit part de son intention de s’atteler à la réforme de la procédure d’autorisation et à la standardisation par voie réglementaire50. La déclaration de 1987 présentait l’homologation par voie réglementaire de la conception de référence mentionné dans l’annexe O du titre 10 du Code de la réglementation fédérale, partie 50, comme le cadre à utiliser pour encourager la standardisation et ainsi améliorer l’efficacité de la procédure d’instruction des demandes et la sûreté des futures centrales. De fait, comme elle s’y était engagée dans sa déclaration, la NRC établit sa propre réglementation en publiant en août 1988, pour commentaires, son projet de partie 52 du titre 10 du Code de la réglementation fédérale51. La règle définitive fut publiée en avril 198952. Plusieurs associations militantes formèrent un recours devant une cour d’appel fédérale. S’il valida pour l’essentiel la démarche proposée par la NRC dans la partie 52, le collège de trois juges qui avait à l’origine examiné le recours rejeta la procédure d’audition proposée par la NRC pour les autorisations conjointes. Réunie en assemblée plénière, la Cour cassa ce premier jugement et valida la règle de la NRC dans sa totalité53. Principales dispositions de la partie 52 et premier bilan Afin de présenter une vue d’ensemble des principales dispositions de la partie 52 et de dresser un premier bilan de la procédure d’autorisation, les aspects les plus importants de la règle et les changements significatifs apportés par rapport à sa version initiale datant de 1989 ont été identifiés. Si, pour l’essentiel, la démarche reste identique, certains éléments ont été modifiés pour intégrer les dispositions de la Loi de 1992 sur la politique énergétique qui elle-même reprenait des aspects significatifs de la partie 52 d’autres, à l’occasion de l’importante mise à jour de la règle effectuée par la Commission en 2007 pour la clarifier et prendre le premier bilan de l’instruction des demandes de certification de conceptions et de permis d’implantation préalables54. De fait, la refonte de la règle en 2007 avait en partie pour objectif de clarifier l’articulation entre la certification de modèles de réacteurs, les permis d’implantation préalables et les autorisations conjointes ainsi que le lien entre, d’une part, les critères techniques et exigences relatifs aux centrales nucléaires du titre 10 du Code de la réglementation fédérale, partie 50 et, d’autre part, les procédures prescrites par la partie 52. La refonte de la règle visait également à préciser la procédure d’autorisation et d’audition concernant les 50. Déclaration de politique générale, Nuclear Power Plant Standardization [standardisation des centrales nucléaires], 52 Fed. Reg. 34884 (15 septembre 1987). Les déclarations du directeur du Service des affaires juridiques de la NRC, William C. Parler, en 1988 vont dans le même sens. Cf. Hearing before the Subcomm. on Energy & Power of the House Comm. on Energy & Commerce on Nuclear Licensing Reform, 100e Congrès, 2e Session, 5-20 (1988). 51. Projet de règle, Early Site Permits; Standard Design Certifications: and Combined Licenses for Nuclear Power Reactors, 53 Fed. Reg. 32, 060 (23 août 1988). 52. Règle définitive, 54 Fed. Reg. 15, 372 (18 avril 1989). 53. Nuclear Information & Resource Service v NRC, 969 F.2d 1169 (tribunal de circuit du District de Columbia, 1992), jugement initial annulé en partie, 918 F.2d 189 (1990). 54. Cf. Loi de 1992 sur la politique énergétique, Pub. L. 102-486, 106 Stat. 2776, confirmant les modifications adoptées dans 57 Fed. Reg. 60, 975 (23 décembre 1992) ; Règle définitive, Licenses, Certifications, and Approvals for Nuclear Power Plants, 72 Fed. Reg. 49, 352 (28 août 2007). 22 conclusions de la NRC quant à la réalisation des inspections, essais et analyses et aux critères d’acceptation (ITAAC). Il s’agissait de s’assurer que la contestation des conclusions de la NRC en la matière n’allait pas inutilement retarder les opérations de rechargement du combustible et d’exploitation prévues par l’exploitant. On notera également que les changements introduits par l’adoption de la partie 52 visaient en priorité à encourager la standardisation et à simplifier la procédure d’autorisation, sans s’appesantir sur les procédures à suivre pour les auditions55. Si les procédures utilisées en la matière par l’AEC puis la NRC étaient aussi visées par les critiques faites à la procédure d’autorisation dans sa globalité, cet aspect fut largement laissé de côté et renvoyé à d’autres initiatives réglementaires56. Voici donc une description des principales caractéristiques de la procédure d’autorisation établie par la partie 52 : permis d’implantation préalables, certification de conceptions standard, autorisation de fabrication et autorisation conjointe. Sauf mention contraire, les renvois à telle ou telle disposition de la partie 52 concernent la version définitive de la règle publiée en août 200757. Permis d’implantation préalable (titre 10 du Code de la réglementation fédérale, sous-partie A) Un permis d’implantation préalable est, de fait, un permis de construire partiel au sens de la loi sur l’énergie atomique, qui permet au demandeur de s’assurer que le site est adapté du point de vue de la sûreté radiologique et de la sécurité, de résoudre les questions environnementales y compris en évaluant des sites convenant mieux du point de vue de l’environnement et de préparer les plans d’urgence. S’il se le voit accorder, un demandeur peut invoquer ce permis dans ses demandes futures de permis de construire et d’autorisation d’exploitation en vertu de la partie 50 ou d’autorisation conjointe en vertu de la partie 5258. Un permis d’implantation préalable peut être accordé pour 10 à 20 ans et renouvelé d’autant59. Dans sa demande, l’exploitant doit entre autres fournir un rapport définitif de sûreté indiquant le nombre, le type et la puissance thermique des installations nucléaires susceptibles d’être implantées sur le site et fournir des informations qui permettront à la NRC de déterminer si ce site se prête à la construction et à l’exploitation de centrales nucléaires au regard des prescriptions pertinentes contenues dans le titre 10 du Code de la réglementation fédérale, parties 50 et 100, un rapport environnemental et, enfin, des informations relatives à l’état de préparation du site à des situations d’urgence (identification des principaux obstacles à la mise en œuvre des plans d’urgence, description détaillée de ces plans, notamment)60. Le demandeur n’est pas tenu de préciser la conception précise du réacteur : il peut se contenter d’indiquer une « enveloppe de paramètres », c’est-à-dire les valeurs des paramètres de dimensionnement qui, selon lui, représentent les valeurs limites des caractéristiques de 55. Cf. 54 Fed. Reg., 15, 373 (18 avril 1989). 56. Cf., par exemple, règle définitive, Changes to Adjudicatory Process [Modifications du processus juridictionnel], 69 Fed. Reg. 2, 182 (14 janvier 2004), jugement confirmé, Citizens Awareness Network, Inc. v NRC, 391 F.3d 338 (1er Circuit, 2004) ; Procedural Changes in the Hearing Process [Modifications de procédure apportées aux audiences], 54 Fed. Reg. 33, 168 (11 août 1989), jugement confirmé, Union of Concerned Scientists v NRC, 920 F.2d 50 (tribunal de circuit du District de Columbia, 1989). 57. 72 Fed. Reg. 49, 352 (28 août 2007). 58. Cf. titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.13 et 52.73(a). 59. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.26 et 52.33. 60. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.17. 23 conception de la centrale qu’il pourrait à l’avenir construire sur le site. Le demandeur peut également, en préalable à la délivrance du permis d’implantation préalable, solliciter une autorisation limitée de travaux (LWA), sous réserve d’avoir fourni les informations nécessaires sur la sûreté et la protection de l’environnement et d’avoir préparé un plan de réhabilitation du site pour le cas où il serait amené à mettre un terme aux activités couvertes par la LWA ou dans l’éventualité où sa demande de permis de construire ou d’autorisation conjointe serait rejetée61. Le personnel de la NRC a publié une norme pour faciliter l’instruction des demandes de permis d’implantation préalable62. Elle prévoit qu’en sus de prendre en compte les critères applicables en matière de choix du site et de sûreté, la NRC doit effectuer une étude d’impact sur l’environnement conforme à la réglementation prise en application de la Loi NEPA au titre 10 du Code de la réglementation fédérale, partie 51. Le permis d’implantation préalable étant une autorisation partielle de construction, en vertu de la section 189 de la loi sur l’énergie atomique, une audition publique doit être organisée63. La demande doit également être soumise à l’examen du Comité ACRS64. Si les conclusions relatives à la sûreté et à l’environnement sont conformes aux dispositions du titre 10 du Code de la réglementation fédérale (52.24), la NRC est fondée à délivrer le permis d’implantation préalable. Plus précisément, la NRC doit avoir estimé que les inspections, essais, analyses et critères d’acceptation éventuellement proposés, y compris ceux relatifs aux plans d’urgence, sont « nécessaires et suffisants » pour déterminer que la construction et l’exploitation de la future installation seront conformes à l’autorisation délivrée, à la réglementation de la NRC et à la loi sur l’énergie atomique. Le permis d’implantation préalable doit par ailleurs identifier les caractéristiques du site, les paramètres de dimensionnement et d’autres éléments qui, en vertu des dispositions du titre 10 du Code de la réglementation fédérale (52.39[a]) sur l’irrévocabilité, ne sont généralement pas susceptibles d’être modifiés par la NRC, sauf s’il s’agit de les mettre en conformité avec ses prescriptions en vigueur au moment de la délivrance du permis ou si le respect de norme fondamentale de « la protection suffisante » prévue par la loi sur l’énergie atomique l’exige. Lors de toute instruction ultérieure d’une demande de permis de construire et d’autorisation d’exploitation présentée en vertu de la partie 50 ou d’une demande d’autorisation conjointe déposée en vertu de la partie 52 et faisant référence à un permis d’implantation préalable, les questions qui auront été résolues dans le cadre de l’instruction de la demande de permis préalable seront réputées l’avoir été une fois pour toutes et ne seront pas réexaminées65. Les modifications apportées en 2007 à la partie 52 prévoient que les demandeurs d’autorisations conjointes qui invoquent un permis d’implantation préalable doivent néanmoins signaler tout élément nouveau et significatif en rapport avec les questions résolues lors de l’instruction de la demande de permis d’implantation préalable et décrire un moyen de les repérer66. Du fait de cette obligation, les permis d’implantation préalable ne permettront peut-être plus de résoudre aussi rapidement les questions liées au site. 61. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 50.10(c), 52.17(c), publié dans 72 Fed. Reg. 57, 416, 57, 442 et 57, 447 (9 octobre 2007). 62. RS-002, Processing Applications for Early Site Permits [Instruction des demandes de permis d’implantation préalables] (2004) (no d’accès ADAMS : ML040700099). 63. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.21. 64. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.23. 65. Cf. titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.39(c). 66. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 51.50(c)(1) ; Cf. 72 Fed. Reg., 49431. 24 À ce jour, trois permis préalables ont été délivrés pour les sites de North Anna, de Grand Gulf et de Clinton, où ont été déjà construits des réacteurs67. Une quatrième demande concernant le site de Vogtle est en cours d’instruction. Une demande d’autorisation conjointe vient d’être déposée pour le site de North Anna, qui pourra faire référence au permis d’implantation préalable. La NRC ne prévoit pas dans l’immédiat de recevoir beaucoup de demandes de permis d’implantation préalables, principalement parce que ceux qui se sont déclarés intéressés par la construction de centrales devraient demander directement des autorisations conjointes, qui permettent de juger de la validité d’un site. À certains égards, l’instruction des demandes de permis d’implantation préalables (relativement encouragée par le ministère de l’Énergie) a servi à tester la procédure d’autorisation prévue par la partie 52, en prévision de l’instruction des demandes d’autorisation conjointe et des auditions associées. Sur les trois permis préalables délivrés, seuls les sites de North Anna et de Clinton firent l’objet de contestations de la part de tiers. Dans les deux cas, les points litigieux furent résolus sur la base des pièces versées au dossier, sans qu’il soit nécessaire de porter l’affaire devant les tribunaux. Pour l’audition obligatoire prévue par la section 189, la Commission a fourni des indications sur la manière de traiter les points non litigieux et sur la conduite des auditions par les conseils chargés des questions de sécurité atomique et d’autorisation qui en assurent la présidence68. Depuis, la Commission a fait part de son intention de diriger seule la plupart des auditions obligatoires69. Certification de conceptions standard (titre 10 du Code de la réglementation fédérale, partie 52, sous-partie B) La certification de réacteurs standards est la pierre angulaire du dispositif de la partie 52 qui vise à standardiser davantage la nouvelle génération de centrales nucléaires. De fait, la réglementation sur la certification des modèles de réacteur fut l’une des premières initiatives prises dans le cadre de la partie 52 dans les années 1990. À ce jour, la NRC a certifié quatre conceptions de réacteurs : le modèle américain de réacteur à eau bouillante avancé, le système 80+, l’AP600 et l’AP100070. La partie 52 autorise toute personne à solliciter la certification de réacteurs à eau légère évolutionnaires ou de réacteurs avancés, bien que pour ce dernier type de réacteur, des essais de prototype puissent être nécessaires71. La certification peut être accordée pour une durée de 15 ans et reconduite72. Elle peut être invoquée dans les demandes de permis de construire et d’autorisation d’exploitation ou les demandes d’autorisation conjointe présentées en vertu de la partie 50 et de la partie 52, respectivement. Les questions relatives à la validité de la conception d’un réacteur qui ont été résolues 67. Dominion Nuclear North Anna, LLC (permis d’implantation préalable attribué au site de North Anna), CLI-07-27, 66 NRC 215 (novembre 2007) ; Exelon Generation Co., LLC (permis d’implantation préalable attribué au site de Clinton), CLI-07-12, 65 NRC 203 (mars 2007) ; System Energy Resources, Inc. (permis d’implantation préalable attribué au site de Grand Gulf), CLI-07-14, 65 NRC 216 (mars 2007). 68. Exelon Generation Co., LLC, et al., CLI-05-17, 62 NRC 134 (2005). 69. Voir note 103 infra. 70. Cf. titre 10 du Code de la réglementation fédérale, partie 52, Annexes A à D. 71. Des essais de prototypes peuvent être exigés pour les réacteurs autres que les réacteurs à eau légère ou les réacteurs à eau légère possédant des caractéristiques particulières ou conçus selon des principes encore jamais éprouvés. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.41 et 52.47(c)(2) [renvoyant à l’alinéa 50.43(e)]. 72. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.55 et 52.57. 25 lors de l’instruction de la demande de certification ne sont pas réexaminées lors de l’instruction de la demande d’autorisation conjointe73. Les informations à fournir dans le dossier de demande sont précisées par le titre 10 du Code de la réglementation fédérale (52.47) : elles doivent permettre de démontrer que la conception du réacteur est conforme aux normes de la NRC en matière de sûreté radiologique, de protection de l’environnement et de sécurité74. La demande doit, en particulier, respecter les exigences techniques pertinentes introduites après l’accident de Three Mile Island, fournir des informations permettant de résoudre une fois pour toutes les questions de sûreté génériques ou en suspens et préciser les dispositions intégrées à la conception pour faire face aux accidents graves. Enfin, le demandeur doit fournir, à l’appui de sa demande, une étude probabiliste de sûreté et identifier les inspections, essais, analyses et critères d’acceptation qui permettront de s’assurer de l’existence des principales dispositions de conception. La NRC a récemment publié, pour commentaires, un projet de règle qui ferait obligation à toute personne sollicitant la certification d’une conception de réacteur d’évaluer le niveau de protection contre les conséquences de la chute d’un gros avion de ligne qui est inhérent à la conception ou sa capacité de mitigation 75. Une décision définitive sur cette règle est attendue courant 2009. Sur le plan de la procédure, la conception d’un réacteur est certifiée à l’issue d’un processus comprenant la publication d’un avis pour commentaires, même si la Commission se réserve le droit d’organiser des auditions de type législatif, sur les commentaires reçus au sujet de la certification proposée76. À la NRC, la voie réglementaire, généralement suivie pour adopter des normes et exigences génériques offre davantage de souplesse que les procédures juridictionnelles. En effet, à la différence de ces procédures, où il doit être démontré que les intérêts particuliers d’une personne sont lésés et que la cause est recevable, toute personne peut soumettre ses commentaires sur n’importe quel aspect du projet de règle par laquelle la NRC certifie la conception de réacteur. Le Comité ACRS examine lui aussi les demandes de certification et fait rapport sur les aspects qui concernent la sûreté77. Si, à l’origine, l’annexe O de la partie 52 faisait obligation aux demandeurs de faire homologuer 73. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.63 et 52.98. 74. Cf. titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.48. 75. Proposition de règle, Consideration of Aircraft Impacts for New Nuclear Power Reactor Designs [Prise en compte des conséquences de la chute d’un avion dans les nouveaux modèles de réacteurs nucléaires de puissance], 72 Fed. Reg. 56, 287 (3 octobre 2007). Cette règle ferait obligation au demandeur de décrire et d’évaluer « les dispositions de conception, les capacités fonctionnelles et les stratégies propres à prévenir les conséquences de la chute d’un avion ou à les atténuer (…). La présente règle a pour objectif d’imposer aux concepteurs de centrales nucléaires la réalisation d’une évaluation rigoureuse des dispositions de conception susceptibles d’offrir, dans la mesure du possible, une protection supplémentaire contre les conséquences d’une chute d’avion ou d’en atténuer les effets, et qui permettraient ainsi de moins compter sur les actions des opérateurs ». 76. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.51. La règle de 1989 prévoyait à l’origine que la Commission organise une audience informelle devant un conseil chargé des questions d’autorisation qui pouvait demander l’autorisation de recourir à des procédures plus formelles telles que le contreinterrogatoire. La partie 52 révisée prévoit que la Commission peut décider d’organiser une audition similaire à celle tenue dans le cadre d’une procédure législative en vertu du titre 10 du Code de la réglementation fédérale, partie 2, sous-partie O. Règle définitive, Changes to Adjudicatory Process, 69 Fed. Reg. 2, 182 (14 janvier 2004). 77. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.53. 26 définitivement la conception, ce n’est plus le cas depuis l’actualisation de la règle en 200778. Après intégration des commentaires du public et des conclusions du rapport de l’ACRS, la NRC adopte une règle définitive certifiant la conception du réacteur et la publie dans le Code de la réglementation fédérale, en annexe à la partie 52. Cette règle intègre par renvoi, le dossier de conception détaillé du demandeur (Design Control Document – DCD). La question de la quantité nécessaire d’informations sur la conception s’est posée rapidement après la sortie de la partie 52 en 1989, alors que les industriels du secteur passaient à la phase de développement des premiers modèles de réacteurs certifiés proposés. Les points de vue de la Commission et des industriels quant au niveau de détail à partir duquel l’on pouvait considérer que les données étaient exhaustives étaient souvent très éloignés. C’est d’ailleurs ce qui a motivé en grande partie la recherche d’une standardisation plus poussée et la volonté de donner un caractère définitif aux décisions prises, qui avaient fait défaut à la première génération de réacteurs. S’il serait hors de propos, dans cet article, de retracer tout l’historique du débat sur le niveau de détail des informations sur la conception, précisons seulement que la NRC finit par accepter plusieurs solutions de compromis sur le niveau et l’importance de cet aspect pour la certification. Elle permit qu’une distinction soit faite entre les données essentielles considérées comme faisant partie intégrante du modèle certifié (« Données de niveau 1 ») et les autres données (« Données de niveau 2 »), approuvées dans la règle mais pas « certifiées79 ». Les données de niveau 2 doivent être surveillées et peuvent, par exemple, démontrer la manière dont les prescriptions relatives aux données de niveau 1 ont été respectées mais ne sont pas soumises aux mêmes modalités de modification et de contrôle80. La NRC parvint également à un compromis sur le niveau de détail des données en autorisant, pour certains aspects de la conception, l’emploi de « critères d’acceptation » (Design Acceptance Criteria – DAC) au lieu de données détaillées pour se prononcer de façon définitive sur les questions de sûreté prévues par le titre 10 du Code de la réglementation fédérale (52.47)81. Les principales raisons mises en avant par les constructeurs pour justifier l’utilisation des critères DAC et non des informations détaillées sont les suivantes : « 1) le rythme d’évolution des technologies, peu compatible avec la fixation définitive, par la NRC, des caractéristiques détaillées de la conception de nombreuses années avant qu’une centrale soit prête à être construite ; 2) le fait qu’ils ne possèdent pas, dans certains secteurs de 78. Cf. 72 Fed. Reg. 49442. La NRC prévoit toujours l’homologation définitive de la conception conformément à la sous-partie E de la partie 52, même si la certification est semble-t-il privilégiée pour résoudre rapidement les problèmes de conception, 72 Fed. Reg., 49, 391. Cette homologation n’a pas le même effet contraignant qu’une décision de certification. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.145. 79. Cf., par exemple, Rulemakings to Grant Standard Design Certifications for Evolutionary Light Water Reactor Designs (Réglementation en vue de la certification de réacteurs évolutionnaires standard à eau légère), 58 Fed. Reg. 58, 664 (3 novembre 1993), utilisant les définitions des données de niveau 1 et de niveau 2). Cf. également SECY-90-377, Note de J. Taylor, Directeur exécutif des opérations, à la Commission, Requirements for Design Certification under 10 CF.R Part 52 (Prescriptions relatives à la certifications de réacteurs an application du titre 10 du Code de la réglementation fédérale, partie 52) (8 novembre 1990), accessible via le système ADAMS sous le numéro ML003707889 www.nrc.gov/reactors/new-licensing/related-documents.html#history ; Staff Requirement Memorandum adressé par S. Chilk, Secrétaire de la Commission, à J. Taylor, SECY 90-377 (no d’accès ADAMS : ML003707892). 80. Cf., par exemple, titre 10 du Code de la réglementation fédérale, partie 52, Annexe D, II.D et E (définitions dans la certification du réacteur AP1000). 81. Cf. guide de la NRC no 1.206, Combined License Applications for Nuclear Power Plants [Demandes d’autorisation conjointe de centrales nucléaires], para. C.III.5 (juin 2007). 27 la conception, tels que des analyses des contraintes subies par les tuyauteries et les supports, suffisamment d’informations sur le matériel construit ou à la réception pour pouvoir proposer une conception définitive82 ». Il reste au demandeur à mettre au point les inspections, essais, analyses et critères d’acceptation correspondant aux DAC afin qu’il soit possible de s’assurer de la conformité de la centrale, une fois construite, à la conception certifiée. La NRC encourage les postulants à une certification à mettre au point des inspections, essais, analyses et critères d’acceptation qui soient aussi objectifs que possible afin, d’une part, de garantir une stabilité et une prévisibilité optimales de la réglementation et, d’autre part, d’augmenter les chances de dérogation, prévue par la loi sur les procédures administratives, à l’obligation d’organiser une audition, en cas d’inspections et d’essais83. La partie 52 prévoyait à l’origine qu’une fois la conception du réacteur certifiée, le document de certification ne serait plus modifié pendant sa durée de validité, à moins que cela ne soit nécessaire à la mise en conformité avec les prescriptions de NRC en vigueur au moment de la certification ou avec le niveau de protection exigé par la législation84. De fait, la standardisation s’en trouva accrue mais, parallèlement, cette pratique empêcha le demandeur de proposer des améliorations ultérieures de la conception pour, notamment, améliorer la sûreté ou préciser certains éléments à la place des DAC. Outre les critères de conformité et de protection adéquate, les modifications de la règle de 2007 assouplirent les modalités de révision d’une certification en autorisant quiconque, et plus seulement le constructeur, à demander des changements de nature à éliminer des contraintes réglementaires superflues, apporter des précisions sur la conception permettant de faire l’économie de certains critères DAC, corriger les erreurs, améliorer notablement la sûreté, la fiabilité ou la sécurité globales à un rapport coûts/bénéfices avantageux ou, enfin, à contribuer à une standardisation accrue85. Si ces changements sont adoptés par la NRC par voie de règlement pour modifier le document de certification, ils s’appliquent à l’ensemble des centrales de même conception86. Ainsi, récemment, Westinghouse a demandé à apporter des modifications à la conception de l’AP-100087. Par ailleurs, la NRC instruit actuellement trois demandes de certification concernant l’EPR développé par Areva pour les États-Unis, le réacteur à eau bouillante simplifié ESBWR) de General Electric et le réacteur à eau sous pression avancé (APWR) de Mitsubishi88. 82. Cf. SECY-92-053, note de J. Taylor, Directeur exécutif des opérations, à la Commission, Use of Design Acceptance Criteria During 10 CF.R Part 52 Design Certification Reviews [Utilisation des critères DAC pour l’instruction des demandes de certification effectuée en application du titre 10 du Code de la réglementation fédérale, partie 52] (19 février 1992) (no d’accès ADAMS : ML003707942). 83. Titre 5 de l’USC, 554(a)(3). 84. Cf. titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.68, 54 Fed. Reg., 54, 392 (1989). 85. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.63. 86. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.63(a)(3). 87. Cf. Notice, Acceptance for Docketing of a Design Certification Rule Amendment Request for the AP1000 Design (Enregistrement d’une demande de modification de la règle de certification de l’AP1000) 73 Fed. Reg. 4, 926 (28 janvier 2008). 88. On trouvera des informations sur l’état d’avancement de l’instruction de ces demandes, l’instruction des demandes d’autorisation conjointe ainsi que d’autres informations sur les activités de la NRC en rapport avec les nouveaux réacteurs sur le site de la NRC : www.nrc.gov/reactors/new-reactor-licensing.html. 28 Autorisation de fabrication (titre 10 du Code de la réglementation fédérale, partie 52, sous-partie F) Si la NRC n’a accordé aucune autorisation de fabrication depuis l’adoption de la partie 52 (une seule licence avait été délivrée en application de la règle d’origine datant de 1974), elle n’en a pas pour autant supprimé de sa réglementation cette voie possible vers la standardisation. Pour l’essentiel, il s’agit ainsi d’obtenir l’autorisation de fabriquer une centrale nucléaire sur un site autre que celui sur lequel elle est destinée à être installée et exploitée89. Ce peut être une solution intéressante pour la fabrication de petits réacteurs modulaires en cours de développement. Parmi les changements apportés à l’autorisation de fabrication, le principal est que désormais, le demandeur doit présenter une conception suffisamment achevée comme pour la certification de réacteurs ou pour l’obtention d’une autorisation d’exploitation en application de la partie 5090. Il doit accompagner sa demande d’une description des inspections, essais, analyses auxquels il procédera et des critères d’acceptation ainsi que d’un rapport sur les incidences de son projet sur l’environnement91. Une demande d’autorisation de fabrication fait l’objet d’une audition sur requête de toute partie intéressée. Une étude d’impact sur l’environnement est par ailleurs réalisée, et la demande est instruite par le comité ACRS92. Si les éléments fournis à l’appui de la demande s’avèrent concluants, l’autorisation est accordée pour une durée de 5 à 15 ans93. Les conditions de modification d’une autorisation de fabrication sont plus restrictives que pour une certification. Ainsi, la NRC ne peut imposer ni changement ni modification si ce n’est pour assurer une protection suffisante de la santé et de la sécurité du public ou pour garantir la conformité avec ses propres exigences en vigueur au moment de la délivrance de l’autorisation. De la même façon, le titulaire de l’autorisation ne peut y apporter aucune modification sauf à déposer une demande à cet effet94. Autorisations conjointes (titre 10 du Code de la réglementation fédérale, partie 52, sous-partie C) L’autorisation conjointe prévue par la partie 52 permet à son titulaire de construire et, sous certaines conditions, d’exploiter une centrale nucléaire. À ce jour, aucune autorisation conjointe n’a encore été accordée, mais, début avril 2008, la NRC avait reçu une quinzaine de demandes. Comme nous l’avons vu, le demandeur d’une autorisation conjointe peut, sans que cela constitue une obligation, invoquer dans sa demande un permis d’implantation préalable, la certification ou l’homologation de son réacteur, ou encore une autorisation de fabrication obtenus par application de la partie 5295. S’il fait usage de cette possibilité, les décisions rendues antérieurement s’agissant, par exemple, du permis d’implantation préalable, de l’autorisation de fabrication ou de la certification ne sont pas réexaminées lors de l’instruction de la demande d’autorisation conjointe. Le demandeur doit démontrer que la conception de l’installation est conforme aux caractéristiques du site et aux paramètres de conception spécifiés dans le permis d’implantation préalable ou dans le document de certification. 89. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.153. 90. 72 Fed. Reg., 49, 392 ; cf. titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.157. Le demandeur peut invoquer la certification d’un réacteur standard. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.158. 91. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.158. 92. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 51.54, 52.163 et 52.165. 93. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.167 et 52.173. 94. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.171. Cf. 72 Fed. Reg., 49, 392-93. 95. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.73. 29 Comme stipulé au titre 10 du Code de la réglementation fédérale (52.79), le demandeur doit fournir l’ensemble des informations permettant de conclure à la possibilité de construire et d’exploiter l’installation sans que soit mis en danger la santé et la sécurité du public ou la défense et la sécurité nationales. Doivent également être décrits les inspections, essais, analyses et critères d’acceptation (voir infra) permettant de s’assurer que la construction de l’installation est conforme à la conception96. Il doit présenter aussi des plans d’urgence, respectant les prescriptions de la NRC en la matière 97. Est également exigé un rapport environnemental contenant, d’une part, les informations nécessaires concernant des aspects qui n’auraient pas été abordés lors d’un examen antérieur du site ou de la conception et, d’autre part, toute information nouvelle significative sur des impacts environnementaux déjà étudiés98. De la même façon que pour le permis d’implantation préalable, le demandeur peut également solliciter une autorisation limitée de travaux lui donnant le droit d’effectuer certaines activités de construction avant la délivrance de l’autorisation conjointe99. La demande doit par ailleurs être examinée par le comité ACRS100, la NRC étant pour sa part tenue de respecter ses obligations au regard de la Loi NEPA, comme stipulé au titre 10 du Code de la réglementation fédérale, partie 51, et doit préparer un projet d’étude d’impact l’environnement (EIE). Cette étude, soumise à commentaires, est censée examiner les incidences sur l’environnement de la construction et de l’exploitation de la centrale et évaluer les solutions de remplacement possibles. Les questions d’environnement peuvent être évoquées au cours de l’audition organisée dans le cadre de l’autorisation conjointe, sauf si le demandeur fait état dans sa demande d’un permis d’implantation préalable, pour l’obtention duquel une EIE toujours valable a été effectuée. Une EIE définitive intégrant les commentaires reçus est ensuite établie. Ainsi que le prévoit la section 657 de la Loi de 2005 sur la politique énergétique, la NRC doit consulter le Department of Homeland Security avant de délivrer une autorisation afin de déterminer si le site proposé pour l’installation serait vulnérable à un attentat terroriste101. Différence importante par rapport à la procédure d’autorisation en deux étapes toutes les questions doivent être résolues en amont, avant le début des travaux de construction, ce qui pose la question fondamentale de savoir si le respect des critères d’acceptation (y compris théoriques) dans le cas de l’autorisation conjointe permettra d’être raisonnablement sûr que l’installation a été construite et sera exploitée conformément aux exigences de la Commission. 96. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.80(a). 97. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.79 (a)(21) et (25). 98. La NRC avait auparavant publié des projets de consignes relatives à la rédaction du rapport sur l’environnement, qui pourraient être modifiées pour prendre en compte les changements apportés récemment à la règle sur les autorisations limitées de travaux. Cf. document NUREG-1555, Standard Review Plans for Environmental Reviews for Nuclear Power Plants [Plans type d’examen environnemental des centrales] (versions révisées de 2000 et 2007). 99. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 50.10(d)-(f) et 52.91, dans sa version révisée et intégrée à la Règle définitive, Limited Work Authorizations for Nuclear Power Plants [Délivrance d’autorisations limitées de travaux à des centrales nucléaires], 72 Fed. Reg. 57, 416 (9 octobre 2007). La règle sur les autorisations limitées de travaux, tel que révisée, exclut certaines activités préparatoires de la définition de la construction relevant de la réglementation de la NRC. 100. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.87. 101. Pub. L. 109-58, 119 Stat 814; Memorandum of Understanding between NRC and the Department of Homeland Security Regarding Consultation Concerning Potential Vulnerabilities of the Location of Proposed New Utilization Facilities [Protocole d’accord entre la NRC et le Secrétariat d’État à la sécurité intérieure sur les consultations concernant la vulnérabilité potentielle des sites des nouvelles installations proposées], 72 Fed. Reg. 9959 (6 mars 2007). 30 De la même façon que pour un permis de construire dans le cadre de la procédure en deux étapes et en application de la section 189a de la loi sur l’énergie atomique, la délivrance d’une autorisation conjointe doit au préalable faire l’objet d’une audition. Cette audition peut, si elle a été demandée par une partie intéressée, avoir un caractère contentieux. Deux faits récents méritent d’être signalés s’agissant de cette procédure. Premièrement, la Commission a rédigé un projet de déclaration de principe, appelé à être prochainement publié sous sa forme définitive, qui fournit des consignes complémentaires sur la conduite d’une audition102. Ce projet de déclaration concerne en particulier le traitement des questions générales qui se posent lors des procédures d’autorisation et préconise l’examen groupé de ces questions lors des procédures juridictionnelles. La Commission fait également des recommandations sur le regroupement des auditions relatives à des demandes d’autorisations conjointes pour une conception standardisée en cours d’instruction. Deuxièmement, la Commission a récemment fait part de son intention d’organiser elle-même les auditions non contentieuses et de ne plus déléguer cette tâche à un conseil chargé des questions d’autorisation103. Deux aspects importants de la procédure de délivrance d’une autorisation conjointe font l’objet d’une législation spécifique : la spécification des critères d’acceptation (ITAAC) et les étapes à suivre avant de mettre en service une installation bénéficiant d’une autorisation conjointe. Nous avons déjà fait allusion, à propos des permis d’implantation préalable et de la certification, au fait que les inspections, essais, analyses et critères d’acceptation sont intégrés aux critères d’acceptation dans le cadre de ces procédures d’homologation. S’agissant de l’autorisation conjointe, il est essentiel que ces critères aient été jugés respectés pour que la centrale entre en phase d’exploitation. Les inspections, essais, analyses et critères d’acceptation approuvés dans le cadre du permis d’implantation préalable ou de la certification sont intégrés dans l’autorisation conjointe qui y fait référence. La règle de 1989 traite des inspections, essais, analyses et critères d’acceptation (ITAAC) et de la nature de l’audition postérieure à la construction. La NRC avait lancé le concept d’ITAAC en réponse aux critiques faites à la procédure en deux étapes, selon lesquelles les décisions prises dans ce cadre manquaient de rigueur et fonction de critères variables. La nouvelle procédure prévoyait que la NRC approuve un ensemble d’ITAAC au moment de la délivrance de l’autorisation initiale, l’objectif étant de créer un cadre plus stable et plus prévisible pour décider si la centrale était conforme à la conception approuvée et pouvait être mise en service. Ensuite, pendant la phase de construction, le personnel de la NRC publierait à intervalles réguliers au Registre fédéral des avis faisant état de la réalisation des inspections, essais et analyses104. Par ailleurs, ne voyant pas très bien comment, compte tenu des dispositions de la section 189a, faire l’économie d’une seconde audition avant la mise en service de la centrale, la NRC orienta les débats au cours de l’audition sur le respect par le demandeur de son obligation d’effectuer les inspections, essais, et analyses prévus dans l’autorisation conjointe105. Cette nouvelle conception de l’audition consécutive à la construction fut au centre du recours le plus sérieux formé contre la partie 52. Comme indiqué supra, le collège de juges de la cour d’appel fédérale qui eut en premier à connaître du recours formé contre la règle de la NRC ont considéré que cette dernière ne pouvait restreindre l’audition préalable à la mise en service de l’installation aux 102. Draft Statement of Policy on Conduct of New Reactor Licensing Proceedings [Projet de déclaration sur la conduite de la procédure d’autorisation de nouveaux réacteurs], 72 Fed. Reg. 32, 139 (11 juin 2007). 103. Staff Requirements Memorandum adressé par A. Vietti-Cook, Secrétaire, à L. Reyes, Directeur exécutif des opérations, et al., COMDEK-07-0001/COMJSM-07-0001 – Rapport du groupe de travail sur l’instruction des demandes d’autorisation conjointe (22 juin 2007) (no d’accès ADAMS : ML071930224). 104. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.99(e). 105. Cf. 54 Fed. Reg., 15, 380-15, 381. 31 questions de la conformité avec les ITAAC106. Réunie en assemblée plénière, la cour infirma ce premier jugement et valida la démarche de la NRC, et la législation qui fut adoptée en reprit une bonne partie des éléments. C’est ainsi que les dispositions concernant les inspections, essais, analyses et critères d’acceptation et l’audition postérieure à la construction sont désormais régis par les dispositions de la section 185b, ajoutée par la loi de 1992 sur la politique énergétique : « Au terme d’une audition publique tenue en application de la section 189a(1)(A), la Commission délivre au demandeur une autorisation conjointe si les données fournies à l’appui de la demande permettent de le faire et si la Commission estime que l’on peut être raisonnablement sûr que l’installation sera construite et exploitée conformément à l’autorisation conjointe, aux dispositions de la présente loi et au règles et règlements de la Commission. La Commission identifie, dans l’autorisation conjointe, les inspections, essais et analyses devant être réalisés par le titulaire de l’autorisation, y compris ceux applicables aux plans d’urgence, ainsi que les critères d’acceptation dont le respect permet d’être raisonnablement assuré que l’installation a été construite et sera exploitée conformément à l’autorisation, aux dispositions de la présente loi et aux règles et règlements de la Commission. Une fois l’autorisation conjointe délivrée, la Commission veille à ce que les inspections, essais et analyses prescrits soient réalisés et, avant que l’installation puisse entrer en exploitation, s’assure que les critères d’acceptation imposés sont remplis. Sauf cas prévu par la section 189a(1)(B), aucune des conclusions auxquelles sera parvenue la Commission en appliquant les disposition de la présente sous-section ne fera l’objet d’une audition107 ». Dans ces modifications de la section 189a de la loi sur l’énergie atomique, la Loi de 1992 sur la politique énergétique recentre l’audition organisée postérieurement à la construction sur les inspections, essais, analyses et critères d’acceptation108. D’après la section 189a modifiée, la NRC est tenue, 180 jours au moins avant la date prévue du chargement du réacteur en combustible, de publier un avis sur l’opportunité d’organiser une audition « sur le point de savoir si l’installation, telle qu’elle a été construite, respecte ou respectera une fois achevée les critères sur la base desquels l’autorisation a été délivrée109 ». Pour être accordée, une demande d’audition doit « démontrer que l’un ou plusieurs des critères sur la base desquels l’autorisation conjointe a été délivrée n’ont pas été ou ne seront pas, prima facie, respectés, et exposer les effets particuliers de ce non-respect sur l’exploitation, qui permettraient de douter que la santé et la sécurité du public seront suffisamment protégées ». Si elle accède à la demande d’audition, « la Commission vérifie, au vu des éléments fournis par les requérants et des éventuelles réponses apportées, si, pendant une période d’exploitation provisoire, il est possible d’obtenir l’assurance que la santé et de la sécurité du public pourront être suffisamment protégées. Dans l’affirmative, la Commission donne son feu vert à l’exploitation, pour une période provisoire, dans le cadre de l’autorisation conjointe 110 ». 106. Nuclear Information & Resource Service v NRC, 918 F.2d 189, 194-196 (tribunal de circuit du District de Columbia, 1990), jugement initial partiellement infirmé, 969 F.2d 1169 (1992). 107. Loi sur l’énergie atomique, 185b., titre 42 de l’USC, 2235(b) (ajouté par la Loi de 1992 sur la politique énergétique, 2801, 106 Stat 3120). 108. Titre 42 de l’USC, 2239 (a)(1)(B), (ajouté par la loi de 1992 sur la politique énergétique, 2801, 106 Stat. 3120-21). 109. Titre 42 de l’USC, 2239 (a)(1)(B)(i). 110. Titre 42 de l’USC, 2239 (a)(1)(B)(iii). 32 La Commission a toute latitude pour adopter des procédures, formelles ou informelles, d’audition et est invitée, dans toute la mesure du possible, à rendre une décision dans les 180 jours qui suivent l’avis d’audition ou la date prévue du chargement du combustible, la dernière de ces deux dates étant retenue111. Les dispositions législatives relatives à l’audition tenue entre la fin de la construction et le début de l’exploitation dans le cas d’une autorisation conjointe sont désormais énoncées au titre 10 du Code de la réglementation fédérale (52.103). La NRC offre également la possibilité aux requérants de demander une modification des conditions de l’autorisation conjointe, mais ce type de demande ne nécessite pas d’être examiné sur le fond dans le cadre d’une audition et le fait qu’il soit accédé à la demande n’est pas nécessairement incompatible avec l’entrée en exploitation de la centrale ou la conduite d’autres activités avant que la NRC ne se prononce112. Au moment où elle se préparait à d’éventuelles demandes d’autorisation conjointe, la NRC a dû se poser la question de l’ampleur et du niveau de détail des inspections, essais, analyses et critères d’acceptation à exiger à l’appui d’une demande d’autorisation. Si les débats se poursuivent aujourd’hui, un aspect important a néanmoins pu être réglé ces dernières années, qui concerne la question de savoir si le demandeur d’une autorisation doit décrire les inspections, essais, analyses et critères d’acceptation qu’il utilisera pour certains programmes. S’il n’y avait aucun doute sur la nécessité d’imposer certains critères pour la construction des structures importantes pour la sûreté et l’installation des composants matériels, les avis étaient en revanche partagés quant à la nécessité d’imposer de tels critères aux programmes relatifs à la sûreté radiologique, à l’assurance qualité, à la formation des opérateurs, à la sécurité physique notamment. La Loi de 1992 sur la politique énergétique exigeait des inspections, essais, analyses et critères d’acceptation pour les plans d’urgence mais était muette sur les autres aspects. La Commission donna pour instruction que la question soit soumise à consultation publique et finit par décider, allant en cela à l’encontre de la recommandation de son personnel, que ces inspections, essais, analyses et critères d’acceptation ne seraient pas exigés pour des programmes autres que la planification d’urgence113. En effet, de son point de vue, il était possible de trancher sur la plupart des aspects relatifs à l’exploitation avant la délivrance de l’autorisation conjointe, sachant que la description des inspections, essais, analyses et critères d’acceptation propres à certains programmes serait peut-être néanmoins nécessaire dans certains domaines limités. Il convient de dire encore quelques mots sur les dispositions relatives aux autorisations conjointes contenues dans la partie 52. L’autorisation conjointe est valable pendant 40 ans à compter du moment où la NRC a estimé que les critères exigés ont été remplis ou à compter du début de la période d’exploitation provisoire au cas où une audition sur les inspections, essais, analyses et critères d’acceptation a été engagée114. Comme les permis d’implantations préalables et la certification, les autorisations conjointes sont subordonnées à la règle de mise en conformité aux nouvelles normes115. 111. Titre 42 de l’USC, 2239 (a)(1)(B)(v). 112. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.103(f). 113. Avis d’appel à commentaires sur les inspections, essais, analyses et critères d’acceptation [Notice, Public Comment on Inspections, Tests, Analyses and Acceptance Criteria (ITAAC)], 66 FR 33718 (25 juin 2001). Pour plus de détails sur les ITAAC et cet aspect, voir SECY-02-0067, Note de W. Travers, Directeur exécutif des opérations, à la Commission, Inspections, Tests, Analyses and Acceptance Criteria (ITAAC) for Operational programs (Programmatic ITAAC) [ITAAC pour les programmes d’exploitation], (15 avril 2002) (no d’accès ADAMS : ML020700641). Staff Requirements Memorandum adressé par A. Vietti-Cook, Secrétaire, à W. Travers, Directeur exécutif des opérations (11 septembre 2002) (no d’accès ADAMS : ML022540755). 114. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.104. 115. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.98. 33 À l’instar de ce qui se pratique pour les autres types d’autorisation, les éventuelles modifications apportées à l’autorisation conjointe peuvent entrer en vigueur immédiatement, sans attendre les conclusions de l’audition116. Les conditions sont en place pour la construction de réacteurs aux États-Unis Les paragraphes qui précèdent se sont attachés à décrire le processus qui a conduit à la réforme de la procédure d’autorisation appliquée par la NRC à la construction et à l’exploitation des réacteurs de puissance commerciaux et à dresser un premier bilan. Comme on l’a vu, la NRC instruit actuellement plusieurs demandes de certification de réacteurs de conception nouvelle ou modifiée ainsi que quinze demandes d’autorisations conjointes, ce chiffre étant vraisemblablement appelé à augmenter considérablement dans les années qui viennent. La plupart des projets de centrale se situent dans la partie sud-est des États-Unis, le long d’un croissant qui s’étire de la Caroline du Nord au Texas. La nécessité d’accroître la capacité de production d’électricité dans la région a incontestablement contribué au regain d’intérêt pour la construction de centrales nucléaires. Par ailleurs, la Loi de 2005 sur la politique énergétique a fourni des incitations en ce sens. Cette loi proroge jusqu’en 2025 le Price-Anderson Act, qui prévoit un dispositif très complet d’indemnisation et de responsabilité en cas d’accident nucléaire se produisant sur le territoire des États-Unis117. La Loi de 2005 prévoit également une assurance couvrant les coûts, pour un maximum six réacteurs, d’un retard dans la procédure d’autorisation de la NRC et garantit les emprunts souscrits pour des projets nucléaires ou autres faisant appel à des « technologies innovantes118 ». Pour se préparer instruire ces nouvelles demandes d’autorisations, la NRC s’est concentrée sur les recrutements et a amélioré sa structure réglementaire. Ainsi, l’année passée, ses effectifs se sont enrichis de plus de 200 personnes. Au moment où les experts techniques, inspecteurs et juristes embauchés dans les années 1970 et 1980 pour faire face à la vague d’autorisations de centrales nucléaires s’apprêtent à partir à la retraite, le transfert de connaissances et de compétences est devenu une priorité pour la NRC. La NRC a également amélioré sa capacité de répondre aux nouvelles demandes d’autorisation qui lui seront présentées. Elle a ainsi mis à jour ses principaux guides, tels que les plans types d’examen et les guides réglementaires utilisés pour évaluer la conformité d’une demande avec la réglementation et les normes119. La NRC prévoit également d’adopter, début 2009, des règles 116. Titre 10 du Code de la réglementation fédérale, 52.98(e) ; cf. loi sur l’énergie atomique, 189a.(2)(B), titre 42 de l’USC, 2239(A)(2)(B). 117. Loi sur l’énergie atomique, 170c., titre 42 de l’USC, 2210(c), tel que modifié par la Pub. L. 109-58, 602(b), 119 Stat. 779 (2005). 118. Pub. L. 109-58, 638 et titre XVII, 119 Stat. 791, 1117 (2005). Le Ministère de l’Énergie a mis ces dispositions en œuvre par voie réglementaire. Voir Règle définitive, Standby Support for Certain Nuclear Power Plant Delays [Dispositif de secours mis en place pour faire face à certains retards dans la procédure d’autorisation des centrales nucléaires], 71 Fed. Reg. 46, 306 (11 août 2006) ; Règle définitive, Loan Guarantees for Projects that Employ Innovative Technologies [Garanties des emprunts contractés pour des projets faisant appel à des technologies innovantes], 72 Fed. Reg. 60, 116 (23 octobre 2007). 119. Regulatory Guide no 1.206, Combined License Applications for Nuclear Power Plants [Demandes d’autorisation conjointe pour des centrales nucléaires] (2007) ; Document NUREG-0800, Standard Review Plan for the Review of Safety Analysis Reports for Nuclear Power Plants [Plans type d’examen des rapports de sûreté des centrales nucléaires] (2007) ; Document NUREG-1555, Standard Review Plan for Environmental Reviews for Nuclear Power Plants [Plan type d’examen environnemental des centrales nucléaires] (projets de versions révisées de 2000 et 2007). 34 définitives qui viendront actualiser ses prescriptions en matière de sécurité et de protection physique en fonction des modifications et améliorations apportées après les attentats terroristes qui ont frappé les États-Unis le 11 septembre 2001120. Le personnel de la NRC adopte une démarche centrée sur le type de réacteur pour instruire les demandes en s’intéressant aux principaux modèles de réacteurs pour parvenir à des décisions qui puissent s’appliquer à toutes les demandes d’autorisation conjointe portant sur le type de réacteur en question. La NRC espère que cette méthode lui permettra d’exploiter au mieux les moyens dont elle dispose pour l’instruction des demandes d’autorisation et en attend également une standardisation accrue et une plus grande cohérence de la réglementation. La NRC espère aussi tirer des enseignements du Programme multinational d’évaluation des conceptions (MDEP) mis en place en 2005 avec ses homologues français et finlandais. Ce programme a été lancé afin d’améliorer la coopération entre les autorités de sûreté nationales, de mutualiser les connaissances et les expériences, de s’accorder sur des exigences techniques acceptables et d’aboutir à une réciprocité en matière de contrôle entre autres entre pays participants qui entreprennent la construction de réacteurs ou envisagent de le faire121. La NRC s’emploie, depuis plus de vingt ans, à élaborer un cadre pour la délivrance des autorisations qui permette d’aboutir à une standardisation plus poussée et à un processus décisionnel à la fois plus efficace et plus stable. Ce nouveau cadre a été mis en place grâce au dialogue permanent engagé au fil des années avec les différentes parties prenantes pendant que la nouvelle procédure était mise au point et testée. Même si toutes les parties ne sont pas pleinement satisfaites, les avancées réalisées sont considérables et des enseignements ont été tirés des premières années d’expérimentation de la nouvelle procédure. Il faudra pourtant attendre que la NRC entame l’instruction des nouvelles demandes d’autorisation pour dire si les objectifs ont été totalement atteints. 120. Un projet de règle a été publié pour commentaires. Power Reactor Security Requirements [Exigences de sécurité applicables aux réacteurs de puissance], 71 Fed. Reg. 62, 664 (26 octobre 2006). La NRC a adopté en 2007 une règle révisée sur la menace de référence qui décrit les mesures de sécurité à prendre. Règle définitive, Design Basis Threat, 72 Fed. Reg. 12, 705 (19 mars 2007). 121. Le programme MDEP a été lancé dans le contexte de la construction de la centrale d’Olkiluoto en Finlande. Cette centrale utilise la filière de réacteur développée par Areva, dont la certification est actuellement en cours d’instruction aux États-Unis. L’Agence de l’OCDE pour l’énergie nucléaire (AEN) assure actuellement le secrétariat du programme MDEP. AEN Infos no 24.2 (2006). 35