LES RAPPORTS DE PUISSANCE DURANT LA GUERRE FROIDE

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LES RAPPORTS DE PUISSANCE DURANT LA GUERRE FROIDE
Julien Ebersold et Christophe Marchand, enseignants au lycée Marcel Rudloff et formateurs, ont construit des outils pédagogiques permettant de mettre en œuvre en classe une approche systémique pour traiter de la Guerre froide. Les supports sont mis à disposition dans les pages suivantes (fiches de cours, schémas et corrigés). LES RAPPORTS DE PUISSANCE DURANT LA GUERRE FROIDE La fin du conflit Est-­‐Ouest, le recul pris sur cette période, la désidéologisation progressive de ces questions ou encore l’ouverture des archives soviétiques ont profondément renouvelé l’analyse des relations internationales de la Seconde Guerre Mondiale à la fin des années 1990. Les historiens de la Guerre froide se sont attachés depuis les années 1990 à repenser la périodisation de l’époque en essayant de dépasser les découpages classiques, qui étaient jusque là tous plus ou moins issus de l’Histoire de la Guerre froide d’André Fontaine (Fayard, 1974) et qui étaient largement enseignés dans les classes : « Guerre froide » (1947-­‐ 1953), « Coexistence pacifique » (1953-­‐
1962), « Détente » (1962-­‐1975), « Guerre fraîche » (1975-­‐ 1985) et « Nouvelle détente » (1985-­‐1991). Pierre Grosser a défini en particulier un « système de la guerre froide ». Il analyse d’abord sa mise en place entre 1945 et 1947. Il en définit les caractéristiques qui perdurent jusqu’en 1985, avant d’étudier les logiques qui aboutissent à sa disparition. Il a synthétisé ces conceptions dans son ouvrage sur Les temps de la guerre froide, réflexion sur l’histoire de la guerre froide et les causes de sa fin (Complexe, 1995) et ce nouveau regard a été diffusé à un public d’enseignants plus large grâce à sa Documentation Photographique sur le sujet (La guerre froide, 2007). Les programmes -­‐ en particulier ceux de la filière technologique qui sont les plus récents -­‐ ont d’ailleurs intégré très tôt cette nécessité de penser la manière de réfléchir sur la Guerre Froide. Cette idée rend l’approche scolaire de la question plus complexe car elle vient rendre obsolète le découpage traditionnel des relations internationales de 1945 à 1991 au profit d’une périodisation en trois phases chronologiquement déséquilibrées mais plus opératoires pour la compréhension de cette période. On peut envisager d’aborder ces trois temps : les logiques de mise en place du système de guerre froide (1945-­‐1947), les logiques de fonctionnement de ce système (1947-­‐1985), les logiques qui mettent fin à ce système » (1985-­‐1991). Si on voit assez bien comment travailler la première et la dernière phases de ce découpage en classe, se pose davantage le problème de traiter dans une seule partie la période 1947-­‐1985. A cause de sa longue durée et des multiples événements qui s’y succèdent, il devient nécessaire d’être synthétique à l’extrême, sans pour autant oublier les faits, les personnages et les appellations traditionnelles connues de tous. La schématisation est un exemple de réalisation pratique permettant, à partir de fiches relativement simples qui rappellent les faits, de tirer assez rapidement les grandes logiques de cette période. On aurait tout aussi bien pu en tirer d’autres outils pédagogiques éclairants (comme une chronologie complexe par exemple), mais les schémas ont ici l’intérêt de montrer et de localiser l’extension de ce conflit, ainsi que les enjeux territoriaux qui le caractérisent. Ils constituent aussi des outils mnémotechniques pour les élèves. Procédant par grandes décennies, ils ont aussi le mérite de ne pas éliminer complètement les périodisations traditionnelles, qui restent opératoires pour comprendre l’alternance des périodes de tensions et de relatif dégel. Ils visent ainsi à privilégier la compréhension des logiques de cette longue phase sur le récit fastidieux des événements qui s’y succèdent. J.E. & C.M Les rapports de puissance durant la Guerre froide 1/9 www.rhenanes.com, N°2 / Hiver 2011 ENTRE TENSION ET DETENTE, QUELLES SONT LES PHASES DU CONFLIT EST-­‐OUEST ? 1947-­‐1985 I. Un monde bipolarisé en 2 blocs ennemis de 1947 à 1962 A partir de la fin des années 1940, la guerre froide qui a éclaté en Europe avec l’installation du Rideau de Fer, s’étend au reste du monde. Comment la guerre froide se traduit-­‐elle par la bipolarisation du monde en 2 blocs ennemis ? 1) Le bloc de l’Est : Il regroupe les pays communistes derrière l’URSS (Pays d’Europe de l’Est, Chine, Corée du Nord, Vietnam, Cuba). Il est caractérisé par la démocratie populaire sur le plan politique (régime totalitaire dominé par le parti unique) et par une économie de type socialiste. Les pays du blocs sont associés par une alliance militaire (le Pacte de Varsovie 1955), une organisation de coopération économique (le CAEM, Conseil d’Assistance économique mutuelle 1949), une organisation idéologique (le KOMINFORM, 1947). L’URSS domine totalement le bloc de l’Est et y impose son pouvoir par la violence en réprimant toute opposition (Coup de Prague en 1948, Crise de Budapest en 1956 …). La Yougoslavie, qui est communiste sous la direction de son chef TITO, rejette la domination soviétique et se voit violemment critiquée par la propagande soviétique. La Chine de MAO, lassée de la domination soviétique, rompt avec l’URSS en 1960. 2) Le bloc de l’Ouest : Il regroupe le Monde dit « libre » derrière les Etats-­‐Unis. Il se caractérise par la démocratie sur le plan politique et par le capitalisme libéral sur le plan économique. Les différents pays du bloc sont liés militairement aux Etats-­‐Unis par toute une série par toute une série de pactes (OTAN pour l’Europe de l’Ouest, ANZUS/OTASE pour l’Asie, Pacte de Bagdad pour le Moyen-­‐Orient, OEA/Traité de Rio pour l’Amérique du Sud). L’objectif des Etats-­‐Unis est d’encercler le bloc soviétique (Politique de containment). 3) L’extension progressive de la guerre froide à l’échelle mondiale : 
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La guerre est née en Europe dans les années 1940 et se traduit par l’établissement du Rideau de Fer qui coupe l’Allemagne et l’Europe en deux pour 40 ans. Elle se manifeste principalement par les crises de Berlin (1948* / 1961*), qui se soldent par le maintien du statu quo. Faute de pouvoir étendre le communisme en Europe, les Soviétiques profitent de la victoire de MAO en Chine pour étendre leur système en Asie (Guerre de Corée*), ce qui provoque la réaction américaine et un déplacement de la guerre froide. Avec l’arrivée au pouvoir de Fidel CASTRO à CUBA en 1959, le communisme menace l’Amérique, pourtant considérée par les Etats-­‐Unis comme leur chasse-­‐gardée. La crise des fusées* qui en résulte (1962) est d’une extrême violence et constitue le sommet de la guerre froide. Bilan : La principale caractéristique de la période 1947-­‐1962 est la bipolarisation presque totale du monde qu’on peut définir comme une division militaire, idéologique et territoriale de la planète en deux blocs antagonistes. Elle produit des crises qui risquent à chaque fois de déboucher sur un affrontement direct entre les deux Grands. La première crise de Berlin (1948/1949) Depuis la fin de la guerre et la défaite allemande, l’Allemagne et Berlin sont divisés en quatre zones d’occupation (GB, France, USA, URSS). Les Occidentaux décident de réunir leurs zones d’occupation allemandes. Pour riposter, les Soviétiques organisent le blocus de Berlin (juin 1948). Les Occidentaux organisent alors le ravitaillement de Berlin-­‐Ouest par un pont aérien. En mai 1949, le blocus cesse. Les Occidentaux créent alors la République Fédérale d’Allemagne (RFA). En octobre, les Soviétiques transforment leur zone d’occupation en République Démocratique allemande (RDA). Désormais et jusqu’en 1991, l’Allemagne et Berlin sont séparés en deux Etats distincts. La Guerre de Corée (1950/1953) Lors de la deuxième guerre mondiale, les Américains ont libéré le sud de la Corée et les Soviétiques le Nord, où ils ont installé le régime communiste de Kim Il Sung. Les deux Corée sont alors reconnues comme indépendantes par l’ONU. En 1950, la Corée du Nord envahit la Corée du Sud. Elle est soutenue par la Chine devenue communiste en 1949 sous la direction de Mao et par l’URSS qui cherche à étendre le système soviétique en Asie. Les Américains, sous couvert de l’ONU, envoient des troupes défendre les Sud-­‐Coréens. On est au bord de la Troisième guerre mondiale. Le combat s’enlise cependant jusqu’en 1953, date à laquelle la mort de Staline permet l’arrêt des combats et le ème
maintien du statu quo (2 Corée divisées le long du 38 Parallèle). La deuxième crise de Berlin (1961) Les Allemands de l’Est profite de la situation de Berlin pour passer à l’Ouest. Pour l’empêcher, la RDA, soutenue par les Soviétiques, construit un mur entre les deux parties de la ville. On parlera du Mur de la Honte qui symbolise à la fois le Rideau de fer entre les deux Europe et l’enfermement des populations d’Europe orientale dans les dictatures totalitaires. La crise des fusées de Cuba (1962) En 1959, Fidel CASTRO prend le pouvoir à Cuba et instaure un régime communiste allié à l’URSS. Les Soviétiques décident d’installer des fusées nucléaires sur le territoire cubain. Elles menaceraient alors directement le territoire américain. Le Président KENNEDY applique la doctrine du containment et envoie un ultimatum au dirigeant soviétique KHROUCHTCHEV pour exiger le retrait du dispositif de lancement des fusées. Au bord de la guerre, les Soviétiques cèdent, en échange du retrait des fusées américaines présentes en Turquie. Avec la crise de Cuba, on s’est rendu compte que la guerre atomique pouvait réellement avoir lieu et que la course aux armements mettait en danger la planète toute entière. Les rapports de puissance durant la Guerre froide 2/9 www.rhenanes.com, N°2 / Hiver 2011 II. Une détente relative entre les deux blocs de 1962 et 1975. Après les crises de Berlin (1961) et de Cuba (1962) les deux Grands décident de mettre en place les conditions d’un dégel dans leurs relations. Comment se manifeste la détente après 1962 ? 1)
Les causes de la détente 
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Avec la crise des fusées de Cuba, on s’est rendu compte que la guerre atomique pouvait avoir réellement lieu et qu’on pouvait ainsi aboutir à la destruction mutuelle. On décide alors de s’entendre afin de limiter ce risque permanent d’explosion d’une guerre directe entre les deux blocs. Par ailleurs, le coût financier de la course aux armements pousse les deux Grands à limiter l’escalade du surarmement. D’autre part, il apparaît des difficultés internes au sein de chaque bloc : la France du Général DE GAULLE quitte l’OTAN en 1966 après s’être dotée de sa propre force de dissuasion nucléaire. La Chine de MAO rompt avec l’URSS en 1960 pour suivre son propre modèle de mise en place du socialisme. Des démocraties populaires d’Europe de l’Est veulent sortir de la domination soviétique (1968 : lors du Printemps de Prague, les Tchèques veulent le « socialisme à visage humain » mais leur contestation est écrasée par les chars de l’Armée Rouge = application de la « doctrine Brejnev » : les pays du Bloc de l’Est n’ont qu’une « souveraineté limitée » qui ne doit pas contrevenir aux intérêts soviétiques). Les conséquences de la détente 2)
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Installation du Téléphone Rouge entre le Kremlin et la Maison Blanche pour prendre contact immédiatement en cas de crise majeure. Multiplication des sommets entre les dirigeants soviétiques et américains (Visite de NIXON à Moscou en 1972, Visite de BREJNEV aux USA en 1973). Signature des Accords SALT pour limiter la prolifération des missiles nucléaires (1972). La détente n’empêche pas la permanence de conflits anciens ou nouveaux cependant Les risques de conflit se déplacent vers les nouveaux Etats issus de la décolonisation  La guerre du Vietnam (1954-­‐1975) : le Vietnam du Nord communiste et le Vietnam du Sud proche des USA sont en guerre. Les Américains s’engagent massivement à partir de 1954 mais devant l’échec qu’ils rencontrent face à la guérilla communiste aidée par les Chinois et les Soviétiques, ils laissent le pays devenir communiste et abandonnent la partie en 1975.  Eclatement de conflits au Moyen-­‐Orient autour d’Israël : depuis sa création en 1947, les pays arabes refusent de reconnaître l’Etat d’Israël. Il éclate ainsi deux guerres en 1949 et en 1956, puis celle dite des Six Jours (1967) et celle du Kippour (1973). Elles tournent toutes à l’avantage d’Israël mais la situation dans la région reste très fragile. Bilan : Cette période de détente offre un espoir de paix durable qui culmine à la Conférence d’Helsinki (1975). Cependant, aucun des deux Grands ne renonce au principe de l’universalité de son modèle, ce qui empêche toute résolution réelle de la guerre froide, qui repart dès la fin des années 1970. III. La reprise des tensions avec la « Guerre Fraîche » de 1975 à 1985. 1)
Le recul de l’influence américaine et le retour de l’expansionnisme soviétique. Les causes : 
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Fragilisation des Etats-­‐Unis : le choc pétrolier et la crise qui s’en suit ; le désastre du Viêt Nam, guerre considérée comme inutile, coûteuse et étrangère aux valeurs ou idéaux américains ; le scandale du Watergate en 1974, qui pousse le président Nixon à la démission. Nouvelle attitude des dirigeants américains : l’élection du Président Carter en 1976, semble incarner ce repli et cette phase de doute. Il entend redonner une légitimité morale aux USA. Il se fait le défenseur du respect des droits de l’Homme, il réduit l’aide aux dictatures anti-­‐communistes surtout en Amérique Latine. C’est une période de reprise des conflits périphériques dans le monde. 
Retour de l’agressivité du Bloc de l’Est : cette période est aussi qualifiée d’expansionnisme brejnévien. On assiste à une rupture dans l’équilibre de la terreur au profit de l’URSS. Progressivement elle obtient une supériorité dans tous les systèmes d’armes nucléaires. Les rapports de puissance durant la Guerre froide 3/9 www.rhenanes.com, N°2 / Hiver 2011 Les manifestations : Les régions du monde où le communisme s’est étendu et où l’influence américaine recule Echec des Etats-­‐Unis au Vietnam (1975) qui provoque la diffusion du communisme aux pays voisins (théorie des dominos) : Laos, Cambodge (victoire des Khmers Rouges, dirigés par Pol Pot, qui massacre 40 % de la population). En Asie En Afrique En Amérique Au Moyen-­‐
Orient En 1979, l’Armée rouge intervient en Afghanistan. Elle impose le régime communiste installé à Kaboul depuis 1978 qui se heurte à une forte résistance armée de la part des moudjahiddines. L’URSS profite de la décolonisation pour implanter le communisme dans de nombreux pays (dans des anciennes colonies portugaises : Angola, Mozambique, Guinée Bissau ; Ethiopie avec Mengistu. Face aux problème du sous développement, certains d’Afrique optent pour un modèle de développement marxiste : Algérie, Egypte, Libye. En 1979, une insurrection amène au pouvoir au Nicaragua les Sandinistes, un mouvement communiste. Les Etats-­‐Unis lâchent le Shah d’Iran et son régime pro-­‐américain en 1979. Un régime islamiste dirigé par l’Ayatollah Khomeiny se met en place. Il est férocement anti-­‐américain (Prise d’otages de l’ambassade US à Téhéran). Les conséquences : 
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L’URSS réussit à déjouer la logique d’encerclement dans laquelle elle était maintenue et parvient à sortir de la logique du containment. L’URSS remet en question la chasse gardée des Etats-­‐Unis en Amérique et prend pied en Afrique pour y menacer les alliés traditionnels de l’Amérique. L’expansionnisme soviétique dans le Tiers Monde multiplie les risques de conflits locaux qui peuvent dégénérer en guerre mondiale 2) La réaction américaine : Face à ces menaces, REAGAN renoue avec le volontarisme en matière de politique étrangère : il l’a défini par une expression, « America is back ». Reagan renonce à la détente qu’il juge comme une voie à sens unique favorisant l’expansion du communisme. Il veut aller plus loin que le simple containment en allant jusqu’au « roll-­‐back » (c’est-­‐à-­‐dire le recul voire la disparition du communisme).  REAGAN a une vision manichéenne du monde où il cherche à opposer clairement les USA à l’URSS qu’il veut présenter comme « l’Empire du mal », oppresseur pour les peuples, athée et agressif sur le plan diplomatique et militaire.  Il lance contre l’URSS une véritable « croisade » qui combine containment mais aussi soutien actif aux mouvements anti-­‐
communistes : Contras au Nicaragua, UNITA en Angola, Moudjahidin en Afghanistan. Les USA interviennent aussi directement comme à la Grenade en 1983.  Face à l’installation des euromissiles (SS-­‐20) par l’URSS en Europe de l’Est, l’OTAN installe des Pershings 2 en RFA et en Grande-­‐
Bretagne.  En 1983, il relance la course aux armements par le programme IDS (Initiative de Défense Stratégiques surnommée « Guerres des étoiles », sorte de bouclier antimissile) afin de dépasser l’URSS et de l’essouffler voire de l’asphyxier économiquement. Bilan : Cette reprise des tensions est surnommée « Guerre Fraîche », elle marque un certain durcissement des relations bipolaires, au profit finalement des Etats-­‐Unis à partir de 1983. Les rapports de puissance durant la Guerre froide 4/9 www.rhenanes.com, N°2 / Hiver 2011 Les rapports de puissance durant la Guerre froide 5/9 www.rhenanes.com, N°2 / Hiver 2011 Les rapports de puissance durant la Guerre froide 6/9 www.rhenanes.com, N°2 / Hiver 2011 Les rapports de puissance durant la Guerre froide 7/9 www.rhenanes.com, N°2 / Hiver 2011 Les rapports de puissance durant la Guerre froide 8/9 www.rhenanes.com, N°2 / Hiver 2011 Les rapports de puissance durant la Guerre froide 9/9 www.rhenanes.com, N°2 / Hiver 2011 

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