la défense et la sécurité de l`amérique du nord après le 11

Transcription

la défense et la sécurité de l`amérique du nord après le 11
COOPÉRATION INTERNATIONALE
Poignée de main canado-américaine
LA DÉFENSE ET LA SÉCURITÉ
DE L’AMÉRIQUE DU NORD APRÈS
LE 11 SEPTEMBRE 2001
par le lieutenant général Rick Findley et le lieutenant général Joe Inge
Objectif
L
e présent article fait un bref survol
des rapports entre le Canada et les
États-Unis et donne un aperçu des progrès
réalisés par le Groupe de planification
binational en matière de coopération
militaire.
Historique
L
e Canada et les États-Unis ont combattu côte à côte lors
des deux guerres mondiales, de la guerre de Corée,
de l’opération Tempête du désert dans les Balkans et, plus
récemment, en Afghanistan. Les opérations menées lors
de ces conflits et au sein de l’Organisation du traité de
l’Atlantique Nord ont surtout été des opérations interarmées
et interalliées outre-mer. Nous avons effectué de concert
des démarches diplomatiques et pris des mesures pour
défendre l’Amérique du Nord dans le cadre de la déclaration
d’Ogdensburg (1940), du traité de l’Atlantique Nord (1948)
et de l’Accord sur la défense aérospatiale de l’Amérique du
Nord (NORAD) (1958). La longue collaboration de nos deux
nations est à l’origine de la prospérité économique, de la
sécurité et de la liberté dont jouissent nos peuples.
Printemps 2005
●
Dans les dix années qui ont
suivi le conflit du golfe Persique,
de nombreuses attaques terroristes ont
été dirigées contre les États-Unis, dont
le premier attentat à la bombe contre le
World Trade Centre de New York, en
1993, deux attentats en Arabie saoudite,
l’un à la voiture piégée à Riyad, en 1995,
l’autre au camion piégé à Dharan,
en 1996, deux attentats à la bombe
contre les ambassades américaines du Kenya et de
la Tanzanie, en 1998, et l’attentat à la bombe
contre le USS Cole au large du Yémen, en 2000. Des
mesures ont alors été prises pour protéger tous les
contingents outre-mer, et les forces de l’ordre ont enquêté sur
ces incidents.
« Avant les attentats du
11 septembre, au Canada
comme aux États-Unis,
plusieurs agences
étaient responsables
de la sécurité. »
Revue militaire canadienne
Le lieutenant général Rick Findley, des Forces canadiennes, est
commandant adjoint du Commandement de la défense aérospatiale
de l’Amérique du Nord et du Groupe de planification binational.
Le lieutenant général Joe Inge, de l’armée des États-Unis, est
commandant adjoint du United States Northern Command et
sous-chef du Groupe de planification binational.
9
États-Unis
• Défendre la dignité humaine
Canada
• Protéger le territoire et les Canadiens, à l’intérieur
et à l’étranger
• Consolider les alliances :
• Éradiquer le terrorisme international
• Prévenir les attentats
• Aider à désamorcer les conflits régionaux
• Prévenir les attaques par armes de destruction massive
• Stimuler la croissance économique mondiale
• Faciliter l’instauration de la démocratie
• Préparer des plans d’action coopérative
• Transformer les agences de sécurité
Stratégie de sécurité
nationale des États-Unis,
septembre 2002
• S’assurer que le pays n’abrite pas des personnes
susceptibles d’attaquer ses alliés
• Contribuer à la sécurité internationale
• Mesures :
• Création d’un système de sécurité intégré
- Évaluation des menaces
- Protection et prévention
- Gestion des conséquences
• Accroissement de la capacité de collecte de
renseignements
• Coopération avec les États-Unis en matière de sécurité
maritime
• Exploitation de la Déclaration sur la frontière
intelligente
Protéger une société ouverte :
la politique canadienne de
sécurité nationale, avril 2004
Tableau 1. Stratégie américaine et politique canadienne
Dans les années 1990 et au début du XXIe siècle, le
ministère de la Défense nationale et le département de la
Défense américaine s’intéressaient surtout aux menaces
externes et stratégiques pesant sur nos pays. La guerre froide
ayant pris fin, les budgets et les effectifs militaires ont été
réduits et de nombreuses bases ont fermé; les forces armées
se sont adonnées principalement à des opérations sur des
terres lointaines telles que les Balkans.
Les attentats du 11 septembre ont montré que nous devions
concevoir de nouvelles stratégies pour protéger nos territoires
et consolider nos liens afin d’affronter ce qui menace nos
intérêts communs2. Nos gouvernements ont reconnu que, si
nous collaborons, nous pouvons faire face à la situation. La
défense et la sécurité du territoire sont devenues leur priorité,
comme en témoignent la Politique canadienne de sécurité
nationale et la stratégie de sécurité nationale des États-Unis3.
Les attaques synchronisées du 11 septembre 2001 ont
montré que l’Atlantique et le Pacifique ne nous protègent
plus contre les agressions étrangères. Bien que le territoire
canadien n’ait pas été directement visé, les terroristes ont
réalisé temporairement l’un de leurs objectifs : porter atteinte
à l’économie nord-américaine en s’attaquant aux États-Unis.
Comprenant qu’il fallait livrer des combats simultanés à
l’extérieur et à l’intérieur des États-Unis, Bush a lancé, en
octobre 2001, l’opération Enduring Freedom pour combattre
le terrorisme international. De même, le Canada a déclenché
l’opération Apollo en Afghanistan, déployant un contingent
de 2 300 personnes, soit une contribution considérable aux
forces aériennes, terrestres et maritimes sur le terrain.
En 2003 et en 2004, le commandant et le commandant adjoint
de la Force internationale d’assistance à la sécurité déployée
en Afghanistan par les Nations Unies étaient canadiens;
le Canada a également été le principal pays responsable de la
brigade multinationale de cette force à Kaboul. Sur le plan
intérieur, les choses ont aussi changé considérablement.
Le premier ministre, Paul Martin, déclare dans la Politique
canadienne de sécurité nationale :
Par leur ampleur, les échanges commerciaux entre le
Canada et les États-Unis sont pratiquement uniques au monde.
Ils s’élèvent à 1,8 milliard de dollars canadiens par jour1.
Ainsi, 85 % des exportations canadiennes sont destinées aux
États-Unis et 25 % des exportations américaines, au Canada.
Le Canada est la principale destination commerciale de
39 États américains. Les municipalités, les États, les
provinces et l’administration fédérale de nos deux pays ont
donc subi les conséquences économiques du 11 septembre.
Par exemple, en raison du renforcement des mesures de
sécurité aux frontières immédiatement après les attentats, les
files de camions se sont étirées sur plus de 40 kilomètres
aux postes-frontières, et les stocks destinés à être livrés
rapidement ont été épuisés. Malgré la nature passagère de ces
conséquences sur nos économies, il était évident qu’une
attaque contre l’un de nos pays avait des répercussions sur la
sécurité, l’économie et le bien-être de l’autre.
10
« Les attaques du 11 septembre ont démontré les
répercussions profondes qu’une attaque dirigée
contre les États-Unis pourrait avoir pour les
Canadiens et la nécessité de collaborer pour lutter
contre ces menaces. Le Canada est déterminé à
renforcer la sécurité sur le continent nord-américain,
considérant que cela contribue largement à accroître
la sécurité au Canada4. »
Revue militaire canadienne
●
Printemps 2005
Les deux chefs d’État présentent dans la Politique canadienne de sécurité nationale et dans la stratégie de sécurité
nationale leur conception d’un environnement dans lequel le
peuple sera à l’abri du danger, selon les principes figurant
dans le tableau 1. En outre, lors de leur récente rencontre à
Ottawa, ils ont émis conjointement la déclaration suivante :
« Le Canada et les États-Unis s’efforceront de garantir
la cohérence et l’efficacité des dispositions relatives à la
sécurité en Amérique du Nord, et pour ce faire :
•
Ils amélioreront la coordination en matière de renseignement, d’application de la loi des deux côtés de la frontière
et de lutte contre le terrorisme;
•
Ils prendront d’autres mesures pour protéger la frontière
Canada-États-Unis tout en facilitant la circulation légitime,
grâce à des investissements dans l’infrastructure frontalière
et à une initiative de prédédouanement à des postes
terrestres;
•
Ils lutteront contre le trafic des personnes;
•
Ils resserreront la sécurité de l’infrastructure essentielle,
y compris les réseaux de transport, d’énergie et de
communication;
•
Ils veilleront à la sécurité et à l’intégrité des passeports
qu’ils délivrent, en conformité avec l’Accord consulaire
qu’ils ont signé le 13 janvier 2004;
•
Ils chercheront à renouveler l’entente du NORAD
et étudieront les possibilités d’intensifier la coopération
dans le domaine de la surveillance et de la défense des
approches maritimes de l’Amérique du Nord7. »
déclaration, inclut le recours à la biométrie dans les systèmes
frontaliers et d’immigration. Cette science permet d’identifier
une personne en fonction de ses caractéristiques physiques ou
comportementales, d’améliorer les méthodes de conception
et de délivrance des documents de voyage et d’identité et de
vérifier l’identité des voyageurs aux points d’entrée.
Jadis, la menace était stratégique, nucléaire et symétrique.
Elle était posée par des bombardiers, des missiles intercontinentaux et des missiles de croisière lancés en mer ou sur
terre. Elle est désormais constante et symétrique et se double
d’une nouvelle menace asymétrique qui plane sur tous les
secteurs, frontières et organismes. Nos dirigeants politiques ont
donc ressenti le besoin de réformer nos forces armées pour la
défense territoriale. Ainsi, les États-Unis ont créé le commandement du Nord (USNORTHCOM) pour défendre leur territoire
et fournir un appui militaire aux autorités civiles.
Le Canada et les États-Unis se livrent conjointement à
des opérations aériennes sous l’égide du NORAD depuis près
de 50 ans. Pendant longtemps, le NORAD s’est concentré sur
l’Union soviétique et d’autres menaces extérieures; bien qu’il
subsiste des menaces extérieures, il se concentre désormais
sur les éventuelles menaces intérieures. Or, à l’ère du terrorisme
transnational, un acteur non étatique peut disposer d’une
puissance destructrice qui était jadis celle d’un État8. C’est
pourquoi les autorités canadiennes et américaines ont jugé
qu’il était capital d’examiner la défense et la sécurité de
l’Amérique du Nord dans les autres secteurs. Vu le succès du
NORAD, on pourrait envisager, entre autres, de lui assigner
de nouvelles fonctions et missions.
Nous en déduisons que l’inclusion de ces principes dans
les nouvelles ententes politiques et dans l’application de ces
politiques aurait pour effet d’améliorer la défense et la
sécurité des deux pays, permettant ainsi à leurs peuples de
continuer de prospérer et de se sentir en sécurité. Avant les
attentats du 11 septembre, au Canada comme aux États-Unis,
plusieurs agences étaient responsables de la sécurité. Cela a
changé quand George Bush a créé le département de
la Sécurité du territoire et Paul Martin, Sécurité publique et
Protection civile Canada. La sécurité du territoire relève de
ces organismes, qui sont les principales agences fédérales
d’intervention en cas d’urgence à l’intérieur des frontières.
Le Canada et les États-Unis ont également signé en
décembre 2001 la Déclaration sur la frontière intelligente pour
surveiller les personnes et les marchandises qui transitent entre
les deux pays. La sécurité frontalière, l’un des volets de cette
Printemps 2005
●
Revue militaire canadienne
Le lieutenant général Rick Findley, Forces canadiennes
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COOPÉRATION INTERNATIONALE
De même, pour Bush, les liens entre le Canada et les
États-Unis sont vitaux : « nous partageons les mêmes valeurs :
liberté, dignité humaine et humanité5. » Le président précise
dans la stratégie de sécurité nationale: « sans la collaboration
active de nos amis et alliés canadiens, beaucoup de
réalisations des États-Unis dans le monde n’auront qu’un
effet limité et peu durable6. »
Groupe de planification binational
E
n raison du nouveau climat de sécurité et à la demande
du ministre canadien des Affaires étrangères et du
secrétaire d’État américain, le Groupe de planification
binational a été formé pour étudier de quelle manière les
deux pays pourraient collaborer plus étroitement à la
défense et à la sécurité de l’Amérique du Nord 9. Aux
termes de l’entente de décembre 2002 sur le renforcement
de la coopération en matière de sécurité, ce groupe a
un mandat polyvalent. Il est chargé de déterminer quels
dispositifs seraient les plus efficaces pour éviter ou
tempérer les menaces et les attaques et pour réagir
à toute catastrophe naturelle ou à toute autre situation
d’urgence au Canada et aux États-Unis. Pour tenir compte
du point de vue de tous les intéressés, il regroupe des
représentants des forces canadiennes, du NORAD et du
USNORTHCOM.
Le Groupe de planification binational a commencé à
envisager l’intensification de la coopération militaire et
à déterminer ce qu’il conviendrait de modifier sur les
plans de la conception, des politiques, des autorités, de
l’organisation et de la technologie. Ses travaux portent tout
particulièrement sur :
•
l’examen de tous les plans et protocoles de défense
binationaux en vigueur dans le but d’améliorer la
défense terrestre et maritime de l’Amérique du Nord
ainsi que l’appui militaire aux organismes civils du
Canada et des États-Unis;
•
la préparation de plans d’urgence binationaux en
prévision de toute menace, attaque ou autre urgence au
Canada ou aux États-Unis;
•
la détection d’anomalies dans le contexte de la surveillance maritime, y compris l’évaluation des menaces,
des accidents et des urgences maritimes ainsi que la
prestation de conseils ou d’avertissements aux deux
gouvernements;
•
l’élaboration d’exercices et la participation à ceux-ci;
•
la planification et la mise sur pied de programmes
d’instruction conjoints;
•
la mise en place de mécanismes de coordination auprès
des organismes fédéraux concernés10.
Le Groupe de planification a ensuite « mis sur
pied une bibliothèque de documents binationaux
renfermant les traités, les accords, les protocoles d’entente
et les ententes de principe entre le Canada et les
États-Unis. Cette bibliothèque accessible en ligne contient
diverses directives et divers règlements [...] qui
proviennent des deux pays11 », soit plus de 540 documents
au total. Elle constituera un outil très utile pour les
planificateurs qui, des deux côtés de la frontière,
travaillent sur des dossiers binationaux et transfrontaliers.
La recherche se fait par mot clé, par catégorie, par
titre, par classification ou par le numéro du document.
Des hyperliens conduisent à d’autres sites de
recherche, tels que la Bibliothèque virtuelle des
Forces canadiennes et le centre de documentation
du département de la Défense américaine. C’est une
réalisation remarquable, car il n’existait jusque-là aucun
organe regroupant les plans, les politiques et les accords
binationaux.
L’étude de ces documents a convaincu les
chercheurs que, pour assurer la défense et la sécurité
de nos États, les instances clés du ministère et
du département de la Défense devaient forger des liens
solides entre elles ainsi qu’avec les autres ministères
ou agences.
Examen des plans et des protocoles
canado-américains
L
e Groupe de planification binational a étudié les
plans et les ententes canado-américains du quartier
général de la Défense nationale du Canada, du NORAD et du
USNORTHCOM ainsi que les protocoles et les accords
binationaux ayant une incidence sur les forces canadiennes,
Transport Canada, le U.S. Transportation Command, le U.S.
Pacific Command, le U.S. Joint Forces Command, l’ancien
U.S. Atlantic Command et le U.S. Army Forces Command.
12
Le lieutenant général Joe Inge, armée américaine
Revue militaire canadienne
●
Printemps 2005
Gouvernement
canadien
Gouvernement
américain
Accords
Politique canadienne
de sécurité nationale
Stratégie de
sécurité nationale
Livre blanc sur la défense
du ministère de la Défense nationale
Stratégie militaire
nationale
Document de base
en matière de sécurité
canado-américaine
Plans unilatéraux
du Canada
Processus de planification opérationnelle
des forces canadiennes et du système
américain de planification et d’exécution
des opérations interarmées
• Plan des moyens
stratégiques interarmées
• Plan de commandement
unifié
• Forces du commandement
unifié
• Directives sur la coopération
en matière de sécurité
PLANS DES OPÉRATIONS
CANADO-AMÉRICAINES
Tableau 2. Processus de planification du Groupe de planification
binational 12
Rédaction des plans canado-américains
L’
élaboration de plans de défense binationaux remonte à
l’accord d’Ogdensburg, conclu en 1940 entre le Canada
et les États-Unis. Le premier plan portait sur les mesures à
prendre au cas où l’Allemagne tenterait d’envahir l’Amérique
du Nord; les autres, sur la menace que représentait le Japon
en 1941. Quand, pour la première fois, l’article V du traité de
l’Atlantique Nord a été invoqué à la suite des attaques
du 11 septembre, les plans de guerre de l’Amérique du Nord,
qui avaient dormi sur des étagères, étaient en grande partie
caducs. L’examen de ces plans a montré que le document de
base en matière de sécurité, le plan des opérations terrestres,
et les plans des opérations maritimes sur les littoraux est et
ouest étaient tous dépassés.
En comparant le processus de planification opérationnelle des forces canadiennes et le système américain de
planification et d’exécution des opérations interarmées
(JOPES), les membres du Groupe de planification binational
ont noté des points communs et de légères différences de
forme. S’appuyant sur ces deux documents, ils ont préparé
un plan d’appui militaire aux autorités civiles pour
faciliter la gestion des conséquences.
Enfin, le Groupe de planification a commencé à élaborer
une conception stratégique de la défense interarmées et
interalliée de l’Amérique du Nord dans le cadre d’un plan de
défense combiné. Ce plan comprendra les données, les
méthodes et les processus importants tirés des anciens plans
des opérations terrestres et des opérations maritimes sur les
littoraux est et ouest, mais il tiendra également compte
des menaces asymétriques et des interventions interarmées et
interalliées destinées à empêcher, détecter ou éliminer ces
menaces par des mesures binationales.
Vigilance dans le secteur maritime
Ces plans ne tenaient pas suffisamment compte des
menaces asymétriques et faisaient état de nombreux organismes
qui n’existaient plus. En outre, même si le document de base
et le plan des opérations terrestres abordaient l’appui militaire
aux autorités civiles, ni l’un ni l’autre n’incluait le département
de la Sécurité du territoire et Sécurité publique et Protection
civile Canada, ces nouveaux organismes fédéraux chargés de
la sécurité du territoire. Le Groupe de planification a donc
adopté une méthode de planification approfondie.
Après avoir analysé la Politique canadienne de sécurité
nationale et le Livre blanc de 1994, les membres du Groupe de
planification ont comparé ces documents avec la Stratégie
de sécurité nationale, la Stratégie militaire nationale et les
directives sur la coopération en matière de sécurité des ÉtatsUnis. Ils ont aussi examiné le plan des moyens stratégiques
interarmées, le plan de commandement unifié et les forces du
commandement unifié pour s’assurer que leur analyse se
conformait à ces directives américaines fondamentales.
Cet examen a donné lieu à une révision du document de
base en matière de sécurité, auquel le personnel du quartier
général et du USNORTHCOM doit apporter d’autres
modifications. La version mise à jour présente l’orientation
Printemps 2005
●
Revue militaire canadienne
A
ux États-Unis, l’honorable Paul McHale, secrétaire
adjoint de la Défense et responsable de la défense du
territoire, et l’amiral (retr.) James Loy, secrétaire adjoint
du département de la Sécurité du territoire, ont créé le groupe
de vigilance du secteur maritime, qui a permis de résoudre
bon nombre de problèmes épineux posés par la surveillance
de ce secteur.
Cet organisme est chargé de déceler tout ce qui risque
de nuire à la sécurité, à l’économie ou à l’environnement du
Canada et des États-Unis15. Son champ d’application et son
territoire débordent le cadre de la simple surveillance. Outil
clé de toutes les missions maritimes, il doit être totalement
intégré aux activités des administrations, des municipalités,
des États, des provinces, des gouvernements fédéraux et
du secteur privé. Comme les biens et les personnes qui
transitent par voie maritime ont utilisé d’autres moyens de
transport, la vigilance dans ce secteur interdépendant relève
du transport international, du départ jusqu’à la destination
finale, et de la vigilance générale, c’est-à-dire la connaissance,
dans tous les environnements, de ce qui pourrait nuire à
la sécurité, à l’économie ou à l’environnement canadien et
américain16.
13
COOPÉRATION INTERNATIONALE
VALEURS ET INTÉRÊTS
NATIONAUX AMÉRICAINS
VALEURS ET INTÉRÊTS
NATIONAUX CANADIENS
stratégique de la planification des opérations binationales de
défense du Canada et des États-Unis ainsi qu’un appui militaire
aux autorités civiles 13. Le document provisoire inclut les
directives générales que donnent la Politique canadienne de
sécurité nationale du premier ministre du Canada, le Livre
blanc de 1994 sur la défense, la stratégie de sécurité
nationale du président américain ainsi que les orientations
recueillies dans d’autres documents importants du ministère
et du département de la Défense14. Ce document a donc une
portée semblable à celle du plan américain sur les capacités
stratégiques interalliées, car il transmet aux responsables des
opérations canado-américaines les directives stratégiques du
chef d’état-major de la Défense du Canada (au nom du ministre
de la Défense) et celles du président du conseil des chefs
d’état-major américains (au nom du secrétaire de la Défense).
P h o t o d u M D N p a r l e c a p o r a l Yv e s G e n u s , B F C d e Va l c a r t i e r
Le Groupe de planification binational, ayant
évalué les mesures de surveillance maritime
du Canada et des États-Unis, les a déclaré
insuffisantes en raison de l’absence de
mécanismes, de plans, de politiques et de
procédures binationaux, sur les plans :
Des soldats du 5 e Régiment de Génie de Combat aident une équipe d’Hydro-Québec
à reconstruire des pylônes près de Drummondville (Québec), dans le cadre de
l’opération Récupération, menée pour secourir les victimes de la tempête de verglas
qui a ravagé l’Est de l’Ontario et l’Ouest du Québec en janvier 1998.
La vigilance générale requiert l’intégration harmonieuse,
dans tous les secteurs, de la connaissance de la situation
et des renseignements fiables afin que toutes les fonctions
opérationnelles soient synergiques. Elle se traduit par
toutes sortes d’activités dans de nombreuses agences
et organisations civiles et militaires, en raison des
interdépendances multiples et de l’interconnectivité, dont
voici quelques exemples :
•
les moyens de transport terrestre alimentent le transport
maritime et vice versa;
•
le transport multimodal brouille la séparation entre
les secteurs aérien, terrestre et maritime;
•
les menaces maritimes asymétriques élargissent encore
plus la gamme des vecteurs de menaces;
•
international (frontière entre le Canada et
les États-Unis);
•
interinstitutionnel (ministère et département
de la Défense, département de la Justice,
Sécurité publique et Protection civile
Canada, département de la Sécurité du
territoire et administration fédérale des
mesures d’urgence);
•
interservices (forces canadiennes, forces
armées et garde côtière américaines);
•
du transport multimodal (transports terrestre,
maritime et aérien).
En l’absence de mécanismes communs
structurés (plutôt que ponctuels), tels qu’un
système de renseignement maritime doté de personnel et de
réseaux fusionnant les activités des centres opérationnels
canadiens et américains, le Groupe de planification a conçu
un système d’observation maritime qui permet d’échanger
des renseignements et de surveiller les navires suspects.
Ce système constitue une solution provisoire à la question de
l’observation maritime binationale. Toutefois, étant donné
son efficacité, les forces canadiennes ont envoyé un
analyste du renseignement maritime au centre interallié de
renseignement et de fusion de NORAD-USNORTHCOM,
qui collabore étroitement avec son homologue américain.
Les renseignements sur les navires suspects sont ensuite
transmis au Centre de commandement de la Défense
nationale du Canada et, du côté américain, au centre d’alerte
local et au groupe responsable des opérations.
Ces exemples, qui sont loin d’être exhaustifs, permettent
de voir sous un nouvel angle les caractéristiques de la
guerre froide, dont certaines sont caduques 17, et notre
réaction à diverses menaces. Les raisonnements habituels ne
sont guère utiles en cas de menace asymétrique. Ce n’est
pas un destroyer ennemi qui a attaqué le USS Cole;
ce n’est pas un chasseur ou un missile de croisière qui a
attaqué le Pentagone; le retrait des troupes de Mogadiscio,
en Somalie, n’était pas causé par des armes blindées
perfectionnées. La démarcation entre la défense, la sécurité
et le maintien de l’ordre n’étant plus nette, le besoin
d’un organe binational de vigilance générale est encore
plus pressant.
Le Groupe de planification mène actuellement des
recherches sur le renseignement, la surveillance et la
reconnaissance, l’échange automatique de renseignements,
la fusion du renseignement et la mise au point d’une
conception commune des opérations maritimes. Les moyens
de surveillance maritime et de coopération binationale,
les centres militaires et civils de coordination des
renseignements ainsi que le Réseau des Grands Lacs –Voie
maritime du Saint-Laurent présentent des insuffisances
(d’autres recherches seront effectuées au Canada et
aux États-Unis). Une équipe binationale étudie le transit sur
ces voies maritimes afin d’améliorer la vigilance stratégique.
On a aussi examiné et discuté certaines questions de
vigilance dans le secteur maritime lors de la simulation en
salle d’une attaque terroriste sur Détroit et Windsor, destinée
à donner un aperçu des réactions et des besoins des deux
pays. D’autres questions de coordination se poseront sans
doute à mesure que l’on comblera les postes pour le
document de base en matière de sécurité et le plan de défense
combiné.
14
Revue militaire canadienne
•
les agences d’application de la loi peuvent avoir les
meilleurs renseignements, et les forces armées, les
meilleurs moyens d’intervention ou vice versa, d’où
l’importance de la coopération interinstitutionnelle.
●
Printemps 2005
D
es exercices et un entraînement interarmées et
binationaux, couvrant tous les domaines, seraient
avantageux pour la défense de nos territoires et
pourraient être utiles à nos deux forces armées, en
cas de déploiement outre-mer lors d’une crise, d’une
catastrophe ou d’une urgence. Bien que le NORAD
soumette périodiquement son personnel à l’entraînement
et à des exercices pour qu’il soit prêt en cas de menace
aérospatiale, le Groupe de planification s’est aperçu
que, en dehors du NORAD, il n’y a pas eu, depuis
plus de dix ans, d’exercices interarmées et interalliés
de grande envergure, soit sur le plan stratégique, soit
avec une force opérationnelle interarmées, dans les
secteurs terrestre ou maritime. C’est une lacune, car
l’entraînement et les exercices sont des mécanismes
qui intensifient l’interopérabilité, c’est-à-dire la capacité
des systèmes, des unités ou des forces de se fournir
mutuellement des services et de mettre ces services à
profit pour la plus grande efficacité de leurs opérations
communes.
En plus des simulations, depuis 28 ans, les forces canadiennes et les autres services ou organismes gouvernementaux
observent l’exercice Unified Defense 2004 du USNORTHCOM,
qui présente à l’état-major interarmées du quartier général
le processus opérationnel et les principaux membres du
USNORTHCOM. C’était une excellente initiative pour
intensifier la coopération lors des exercices et de l’entraînement
binationaux, mais nous devons désormais nous exercer
à exécuter des tâches interarmées et mixtes essentielles du
point de vue stratégique et opérationnel.
Conclusion
U
ne alliance ne diffère guère d’un partenariat. Elle exige
du temps, de l’attention et de l’énergie pour donner de
bons résultats. Le Canada et les États-Unis ont des rapports
uniques, car ils ont un patrimoine et des buts communs, la
plus longue frontière non défendue du monde et des
économies intégrées en plein essor. Leurs forces armées ont
servi et combattu côte à côte depuis la Première Guerre
mondiale jusqu’aux opérations récentes en Afghanistan. La
plus grande menace pour leur économie, leur sécurité et leurs
rapports pourrait être une attaque terroriste lancée du Canada
contre les États-Unis ou vice versa. C’est pourquoi il est
essentiel de consolider les rapports et les protocoles.
Photo du MDN ISd97-069 par le caporal Mike Barley
Dans l’immédiat, le Groupe de planification a mis
sur pied, dans le cadre du Plan d’aide aux autorités
civiles, un programme de simulation en salle, dont le
scénario alimentera les discussions et les analyses des
catastrophes naturelles et des attentats terroristes.
Les leçons tirées de chaque simulation sur les processus,
les fonctions et les mécanismes seront incorporées
à la planification de la défense et de l’aide aux
civils. Ces simulations portent sur des opérations
interarmées et interalliées et font intervenir des militaires
et des civils.
Les simulations nous aideront aussi à valider nos
plans avant de les soumettre à l’approbation des autorités,
conformément au processus de planification approfondie des
forces canadiennes et américaines, qui va de la conception
d’un plan à son perfectionnement par sa mise en application18.
Elles aident également à découvrir et à parfaire les processus
et les mécanismes de coordination appropriés entre les
ministères canadiens et les agences fédérales américaines.
Des soldats et des marins apportent des milliers de sacs de sable pour protéger les habitations menacées par les inondations au sud du canal
d’évacuation de la rivière Rouge, près de Winnipeg.
Printemps 2005
●
Revue militaire canadienne
15
COOPÉRATION INTERNATIONALE
Exercices et entraînement binationaux
Compte tenu des menaces asymétriques qui pèsent
désormais sur nous, nous devons intensifier notre
collaboration militaire pour mieux assurer la défense et la
sécurité du territoire nord-américain et pour que des
militaires bien entraînés assistent rapidement et efficacement
la population civile. Pour augmenter nos chances de succès,
il est impératif de tisser et de cultiver des liens étroits
entre le ministère et le département de la Défense et
d’établir des rapports intergouvernementaux et interinstitutionnels entre les principaux organes fédéraux et
les organismes, les provinces, les États, les organisations
locales et autres.
Les forces qui suivent un entraînement interarmées et
interallié sont plus interopérables. L’accroissement de
l’interopérabilité dans les secteurs aérien, terrestre et
maritime nationaux aura également un effet synergique sur
les opérations mondiales des prochaines coalitions.
La coopération militaire devrait reposer sur les 46 ans de
succès que représente le NORAD. Pour commencer, nos pays
doivent encore améliorer l’échange de renseignements
entre tous leurs services et organismes. En matière de
défense et de sécurité, le Groupe de planification binational
recommande le libre-échange des renseignements entre le
Canada et les États-Unis.
Selon le rapport d’étape du Groupe de planification
binational, compte rendu provisoire sur le renforcement de la
coopération militaire, nous devons aborder la nouvelle menace
sous un angle nouveau. La culture de nos deux pays souverains
doit donc évoluer : au « besoin de savoir », où prime la
protection des renseignements, doit se substituer le « besoin de
partager ». Ce nouveau paradigme bénéficie de l’appui non
seulement de la Politique canadienne de sécurité nationale mais
aussi du directeur des services de renseignements américains,
qui écrit :
« Tous les membres du comité de renseignement doivent
donc désormais [...] élaborer des politiques, des processus, des
modalités et des méthodes d’entraînement permettant d’optimiser l’échange de renseignements entre les organismes du
comité, avec nos clients et avec nos partenaires étrangers19. »
Bien que cette directive ait précédé le rapport de la
commission d’enquête sur le 11 septembre, elle rejoint les
conclusions de ce rapport, selon lesquelles il est essentiel de
passer du traditionnel « besoin de savoir » au « besoin
de partager » pour prévenir une autre attaque surprise20.
Lors des discussions qui aboutiront au renouvellement
de l’accord du NORAD, en 2006, le Canada et les États-Unis
auront l’occasion d’aborder la question d’une coopération
plus active dans l’échange des renseignements d’ordre
maritime et terrestre et de se pencher sur le dossier de l’aide
militaire binationale aux autorités civiles en cas de
catastrophe. Le Groupe de planification binational se met
à la disposition des deux nations qui s’engagent dans le
renouvellement de cet accord politique crucial.
Les auteurs tiennent à exprimer leur reconnaissance à
Biff Baker, Ph. D., de la Science Applications International
Corporation et membre du Groupe de planification
binational, pour l’aide qu’il a apportée à la recherche et
à la rédaction du présent article.
NOTES
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
16
Données fournies par l’honorable Rob Wright,
conseiller à la sécurité nationale auprès du
premier ministre du Canada et secrétaire adjoint
du Cabinet, à l’occasion de la conférence
IFPA-Fletcher, le 28 octobre 2004.
U.S. Strategic Planning Guidance 2004, p. 3.
Bureau du Conseil privé, Protéger une société
ouverte : la politique canadienne de sécurité
nationale, gouvernement du Canada, Ottawa,
avril 2004, p. vii et White House, National
Security Strategy of the United States of America.
<www.whitehouse.gov/nsc/nss.html>.
Bureau du Conseil privé, op. cit., p. 6-7.
Extrait du discours du président George W. Bush
prononcé à l’occasion du Sommet des Amériques,
le 13 janvier 2004.
White House, op. cit., p. 25.
Déclaration conjointe du Canada et des ÉtatsUnis – Sécurité commune, prospérité commune :
Un nouveau partenariat en Amérique du Nord,
le 30 novembre 2004, Ottawa, Canada. [TCO]
Information fournie par l’honorable Paul McHale,
le 28 octobre 2004.
Le texte intégral de la note diplomatique figure
à l’annexe I du compte rendu provisoire sur
le renforcement de la coopération canadoaméricaine en matière de sécurité, présenté
par le Groupe de planification binational le
13 octobre 2004. Il est accessible à l’adresse
<https://bpg.noradnorthcom.mil>.
10.
11.
12.
13.
14.
Le texte intégral du mandat figure
à
l’annexe
II
du
compte
rendu
provisoire sur le renforcement de la
coopération canado-américaine en matière
de sécurité, présenté par le Groupe
de planification binational le 13 octobre
2004. Il est accessible à l’adresse
< w w w. f o r c e s . g c . c a / s i t e / n e w s r o o m /
view_news_f.asp?id=1528>.
Voir la bibliothèque du Groupe de
planification binational à l’adresse <https://
bpg.noradnorthcom.mil>.
En vertu du Joint Staff Officer’s Guide,
le système américain a été modifié pour
devenir binational (Joint Forces Staff
College, National Defense University,
Washington, p. 4-8).
Cette information est tirée du livret
d’information du Comité de coopération
militaire canado-américain (paragraphe 13,
p. 19).
Joint Forces Staff College, The Joint Staff
Officer’s Guide, National Defense University,
Washington, p. 2-11. La stratégie de sécurité
nationale, qui est signée par le président,
présente les directives stratégiques sur
le maintien de la sécurité et de la prospérité
des États-Unis; la Politique canadienne
de sécurité nationale a une fonction
semblable.
15.
16.
17.
18.
19.
20.
La définition de la vigilance dans le secteur
maritime est celle qu’a donnée le groupe de
travail en mai 2004.
Compte rendu provisoire sur le renforcement
de la coopération canado-américaine en
matière de sécurité, présenté par le Groupe
de planification binational le 13 octobre
2004. Il est accessible à l’adresse <https://
bpg.noradnorthcom.mil>.
Les principales caractéristiques de la guerre
froide étaient les suivantes : bipolarité;
opposition des idéologies communiste et
capitaliste; conflits généralement entre acteurs
étatiques; menaces symétriques où l’avion
était la meilleure arme contre l’avion, le
tank, contre le tank, le navire, contre le navire, etc.
Cela a donné lieu à un raisonnement
dualiste qui rendait les États-Unis vulnérables
à une menace asymétrique comme celle du
11 septembre.
Joint Forces Staff College, The Joint
Staff Officer’s Guide, National Defense
University, Washington, p. B-3, paragraphe g.
Directive 8/1 de l’Initiative sur les capacités
de défense, datée du 4 juin 2004. [TCO]
National
Commission
on
Terrorist
Attacks Upon the United States, The 9/11
Commission
Report,
U.S.
Government
Printing Office, Washington, le 22 juillet
2004, p. 390.
Revue militaire canadienne
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Printemps 2005

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