« Dom Juan ou le festin de pierre »
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« Dom Juan ou le festin de pierre »
Adapté par François Lis D’après la pièce de Molière « Dom Juan ou le festin de pierre » 1 SOMMAIRE Rappel historique page 3 Résumé de la pièce page 4 Dualité des personnages page 5 à 17 Pourquoi le Duo page 18 à20 Le public : Acteur et spectateur page 21 La presse en deux mots page 22 Duo pour Dom Juan page 23 Duo de choc page 24 Duo de charme page 25 Duo de son et lumières Page 26 2 RAPPEL HISTORIQUE En 1664, Le Tartuffe est finalement interdit. Cette défaite face à ses ennemis, laisse à Molière un mauvais goût dans la bouche. C’est en partie pour fustiger leur hypocrisie qu’il écrit, en août de cette même année : Dom Juan ou le festin de pierre Molière s’est inspiré du personnage principal de El Burlador de Sevilla y Convidado de piedra, de Tirso de Molina. Mais à la différence de son confrère espagnol, il ne fera pas se confesser son personnage principal lors du dénouement. On notera au passage l’origine probable du curieux sous-titre de notre pièce : « Le festin de pierre » résulte sans doute d’une mauvaise traduction de l’espagnol « convidado » :« convive » et non « banquet ». La pièce semble être, aux yeux des religieux, une apologie du libertinage. Sganarelle y apparaît comme étant le seul défenseur du dogme catholique alors que sa vision de la religion s’apparente plus à de la superstition. De plus, son rôle est indéniablement comique. L’œuvre de Molière va donc subir, dès sa deuxième représentation, une attaque en règle. On demandera à son auteur de supprimer certaines scènes (celle du pauvre) et certaines répliques dont «mes gages, mes gages…». Mais, malgré les coupes dans le texte, Dom Juan continuera de faire l’objet de violentes attaques de la part des dévots. Molière sera désormais plus prudent pour les pièces suivantes : la faveur du Roi est inconstante. Le Misanthrope, qui date de 1666, témoigne de son amertume. Dom Juan, créée le 15 février 1665 au théâtre du Palais Royal, connaît un vif succès auprès du public et sera représentée 15 fois jusqu’au 20 mars. Molière ne la fait pas imprimer, et elle ne sera plus jouée de son vivant. Elle ne sera éditée qu’en 1682 dans des versions souvent mutilées et ce n’est qu’en 1884 qu’elle retrouvera les planches dans sa version originale. Dans la seconde moitié du XXe siècle, la pièce fut reprise de nombreuses fois par des metteurs en scène ou cinéastes illustres : Louis Jouvet (1947), Jean Vilar (1963), Marcel Bluwal dans un téléfilm de 1965, Patrice Chéreau (1969), Antoine Vitez en 1973 puis à nouveau en 1978… 3 RÉSUMÉ DE LA PIÈCE Dans l’acte I, le personnage de Dom Juan, décrit par Sganarelle, son valet, comme «un grand seigneur méchant homme […], épouseur à toutes mains», confirme lui-même, lors d’une profession de foi pleine d’éloquence, son goût sans borne pour les conquêtes amoureuses, avant de traiter avec désinvolture Done Elvire qu’il vient d’épouser et d’abandonner. Dans l’acte II, alors qu’il tentait, par la voie des eaux, d’enlever une jeune mariée, une tempête l’a rejeté sur la côte, où il séduit aussitôt et simultanément deux paysannes, Charlotte et Mathurine. Dans l’acte III, déguisé pour échapper à la poursuite d’hommes armés (les frères de Done Elvire), Dom Juan fait part de son scepticisme religieux à son valet, qui, pour être en l’occurrence le défenseur de la religion, n’est pas pour autant un modèle de piété. Son maître tente, avec plaisir, de faire blasphémer un pauvre hère en échange d’un louis d’or. Il échoue et finit par le lui donner par «amour de l’humanité». Puis il sauve l’un des frères d’Elvire attaqué par des voleurs et, trouvant sur sa route le tombeau du Commandeur, qu’il tua autrefois, invite, par bravade, la statue à dîner. Celle-ci, contre toute attente, baisse la tête en signe d’acceptation, ce qui terrorise Sganarelle. Dans l’acte IV, Dom Juan reçoit, successivement, les visites inopportunes d’un créancier, Monsieur Dimanche, qu’il éconduit habilement, de son père, le vieux Dom Louis, dont il raille les propos moralisateurs, de Done Elvire, venue l’implorer de sauver son âme, puis enfin, de la statue du Commandeur qui l’invite à son tour à un festin de pierre : le libertin accepte par défi. Dans le dernier acte, Dom Juan change brutalement d’attitude : feignant le repentir devant son père, il fait, face à un Sganarelle médusé, l’apologie de l’hypocrisie et refuse, « au nom du Ciel », la réparation demandée par les frères d’Elvire. Après avoir négligé le dernier avertissement d’un spectre rédempteur, il est foudroyé et entraîné aux enfers par la statue du Commandeur, laissant le pauvre Sganarelle face à ses regrets : « mes gages, mes gages ! ». 4 DUALITÉ DES PERSONNAGES DOM JUAN On peut voir dans le personnage de Dom Juan, l’archétype de la démesure et de la transgression des codes moraux. La pièce de Molière décrit un personnage infidèle, libertin, séducteur, blasphémateur puis hypocrite. Seule la conquête semble l’intéresser et les jeunes femmes sont abandonnées sitôt séduites «Grand seigneur, méchant homme» d’une insolence totale, Dom Juan manie avec aisance l’ironie et le sarcasme, l’impertinence et l’offense, l’irrévérence et l’irrespect. Dom Juan est résolument un personnage tragique. Seul face à ses adversaires, il donnerait à la pièce une coloration tout à fait sombre si la présence de Sganarelle ne venait l’éclairer de son contrepoint comique Visant exclusivement à séduire les femmes, il ne recherche pas le plaisir sexuel, mais se passionne plutôt pour la conquête. Préoccupé de son propre bonheur, Dom Juan a toujours une idée derrière la tête, la sienne, et fera tout en son pouvoir pour arriver à ses fins. C’est un être profondément « de mauvaise foi » et pas nécessairement sympathique : pour lui, tout est jeu et prétexte à la provocation. Dom Juan, c’est la volonté de transgression. 5 La transgression des règles imposées par sa naissance, sa noblesse et son père. Il n’éprouve aucun respect envers ce dernier et lui souhaite même de mourir. Il refuse de changer sa conduite comme le nécessiterait son rang. Son père, Dom Louis, l’accuse d’être la honte de sa famille dans une tirade que l’on pourrait qualifier de cornélienne. La transgression des « lois du ciel » également. Il ne croit que« deux et deux sont quatre » et que « quatre et quatre sont huit ». Il refuse, à maintes reprises de se repentir, il garde une attitude de libre-penseur à l’encontre de tous les codes moraux et religieux de l’époque. Même à sa mort, il refuse de se renier, il reste déviant jusqu’au bout. Ne recevant jamais la réponse qu’il attend, il refuse de reconnaître ce dieu qui ne le reconnaît pas comme son égal. Dom Juan est l’éternel adolescent. Refusant la sagesse comme somme de ses expériences, il lui préfère la transgression constante comme mode d’expérimentation d’un monde qui lui est offert. Il refuse toutes responsabilités ; seuls comptent les sensations fortes et le moment présent. L’autre n’existe qu’en tant que miroir lui renvoyant le reflet de sa propre existence. L’effort est banni et la solution à tous les problèmes est la fuite. Ne pouvant créer (puisque la création, c’est aussi la prise en compte de l’autre) il ne peut que détruire, faire souffrir et jouir du malheur dont il est l’auteur. Sa révolte, qu’elle soit religieuse ou sociale, ne s’accompagne d’aucune proposition, d’aucun projet. Elle est stérile. Tout comme lui. Ce qui ne lui ôte pas la suprême lucidité de décider pour sa sauvegarde (dans l’acte V) une immersion dans l’hypocrisie, ce « vice à la mode » qui « passe pour vertu ». Afin de survivre, il va jusqu’à se renier. Mais il le fait ouvertement, comme un suicide moral dont son valet sera le seul témoin. En cela il demeure un personnage hors du commun, cynique, démesuré, éminemment dramatique et surtout formidablement ancré dans notre réalité d’hommes et de femmes du XXIe siècle, en but à l’individualisme, au court terme, à l’égoïsme mal assumé et à l’impérialisme de l’apparence. 6 SGANARELLE À la fois victime et auxiliaire de Dom Juan, Sganarelle réprouve les caprices de son maître, plaint sincèrement Done Elvire ou Dom Louis, et cherche à éclairer les paysannes séduites sur ce qui les attend… Mais il se révèle lâche et vil «après tant d’années de service» au contact du séducteur ; il suffit d’un mot ou d’un regard de ce dernier pour qu’il approuve tout haut ce qu’il déteste en son for intérieur : «Ô complaisance maudite, à quoi me réduis-tu ?». S’il lui arrive d’avoir des formules heureuses face à l’impiété de son maître, il est tout à fait incapable de raisonner sans tomber dans des propos sans suite qui ridiculisent sa pensée tout autant que son auteur. On remarquera que, dans la distribution, au début du livret, Molière ne sous-titre pas Sganarelle comme le valet de Dom Juan. C’est La Violette et Ragotin que l’on désigne par cette fonction. Le personnage de Sganarelle est présent depuis les premières comédies de Molière. L’auteur l’utilise afin de se dédouaner de la fascination qu’opère Dom Juan sur le public. Il est une sorte de caution morale face aux débordements de son maître. Il vient apporter de l’humanité et du rire à une pièce qui sans lui aurait été bien noire. Mais le Sganarelle de Dom Juan se démarque des autres valets de Molière ; dans la mesure où il ne « récupère » pas les conquêtes de Dom Juan, ce que pouvait faire un valet Moliéresque. 7 Pourtant une relation dominant/dominé nous saute aux yeux. Il est au service de Dom Juan mais bien différemment des traditionnels valets comme Scapin. Loin d’être le fourbe flamboyant, il subit sa fonction comme une malédiction dont il ne peut se défaire. Tout comique qu’il est, il n’en est pas moins contaminé lui aussi par le registre tragique. Ainsi, ses revirements quand son maître le menace prêtent à rire mais l’intensité de ses cas de conscience donne à pleurer. On peut néanmoins s’interroger sur les véritables raisons qui le poussent à demeurer auprès du « plus grand scélérat que la terre ait jamais porté ». La peur du châtiment serait-elle suffisante pour justifier sa lâcheté ou bien la fascination face à un tel monstre, la curiosité malsaine du voyeur face aux tragédies rencontrées, « la beauté du mal » pourraient elles éclairer les raisons de son attachement pour Dom Juan ?... Sganarelle n’est pas un simple factotum, un détail dans cette histoire, un vulgaire témoin des tréfonds de l’âme de son maître. Il est le miroir d’un public médusé par l’ignominie mais toujours fasciné par les êtres d’exception. 8 DONE ELVIRE Elvire, n’était nullement préparée à la tragédie que fut sa rencontre avec Dom Juan. Mais qui le serait ? De noble origine et entrée au couvent depuis peu, elle se préparait à une vie de sacrifices et de prières. Séduite par l’éclat et les promesses du monstre, elle oublie, pour Dom Juan, tout ce qu’on lui a appris, tout ce à quoi elle se destinait. Romanesque, passionnée, elle refuse son abandon et poursuit son séducteur afin que des réponses soient données à ses questions. Mais devant le jeu de Dom Juan, d’une cruauté terrible qui salit tout ce à quoi elle croit. Devant la froideur et le mépris qu’il affiche pour sa douleur, elle ne pourra que lui promettre un châtiment divin et si le Ciel n'a rien qu’il puisse appréhender, qu’il appréhende du moins la colère d'une femme offensée. Elle est un adversaire de taille pour notre séducteur. Non pas en tant que proie mais en tant qu’être lumineux. Elle est son opposée, le sommet de la pyramide des femmes. Et lorsqu’elle réapparaît, au quatrième acte, son front ceint du voile nonnal, empreinte de l’exaltation d’une messagère céleste, elle ne parvient pas à pousser Dom Juan vers la pénitence et le repentir. Elle l’abandonnera donc à sa chute, non sans verser les larmes d’une amante, délaissant la douleur de l’abandon pour la compassion pure. 9 CHARLOTTE, MATHURINE ET PIERROT Charlotte, Pierrot (promis l’un à l’autre) et Mathurine sont les représentants du monde rural. Des « rustiques », des « inférieurs », du menu fretin ; l’illustration de l’appétit sans borne d’un Dom Juan qui n’a que faire des frontières sociales. Ce n’est pas la difficulté qui l’attire, c’est la profusion. Ils n’apparaissent qu’à l’acte II et le teintent, par leurs seules présences, de bouffonnerie. Depuis le récit vaseux fait par Pierrot du sauvetage de Dom Juan, en passant par la sérénade donnée à la belle, façon marché aux bestiaux (« Haussez un peu la tête » « Ouvrez vos yeux entièrement » « Que je vois un peu vos dents »), pour finir par le jeu de miroir où Dom Juan s’enferre à tenter de garder ses deux coquettes conquêtes caquetantes éloignées l’une de l’autre afin de ne perdre aucune des deux. 10 Sans oublier la bastonnade du pauvre Pierrot par le séducteur de sa propre fiancée, qui l’avait, elle-même, bien malmené précédemment. De toutes ces péripéties, Dom Juan ne sort pas grandi. Ne pouvant se confronter à des personnages grandioses, il s’étiole et finit par s’adapter à son auditoire. L’argument massue de ses entreprises de séduction face à Charlotte comme face à Mathurine, demeure la « promesse du mariage ». Quelle piètre victoire… Voilà ce qui arrive à un personnage tragique lorsqu’on le trempe dans un bain de farce. Ces rustres l’auront, pour un temps, banalisé, vulgarisé, humanisé. 11 LE PAUVRE (spectateur choisit au hasard) Il est l’incarnation de la misère. Il n’a même pas de nom et ne possède que sa foi en Dieu et sa crainte du ciel. Malgré l’état d’abandon dans lequel il se trouve, il refusera jusqu’au bout le pacte que lui propose Dom Juan (« je m'en vais te donner un Louis d'or tout à l'heure, pourvu que tu veuilles jurer. ») On voit l’aspect corrupteur de DOM JUAN. Il veut acheter la foi du pauvre comme il a acheté Charlotte par une promesse de mariage Si bien, qu’exaspéré mais ne voulant accepter son échec Le suborneur le lui donnera, ironie suprême, « pour l’amour de l’humanité ». La phrase est ambiguë. À travers cette phrase, DOM JUAN lance un défi à Dieu. La phrase s’oppose à l’expression « pour l’amour de Dieu, et montre que l’homme en tant qu’individu n’est rien mais que l’humanité représente peut-être quelque chose pour Dom Juan. Cette scène, très audacieuse à l’époque, présentait Dom Juan comme un suppôt de Satan, tentateur, impie puisque défiant Dieu sur son terrain, celui de la charité. Elle excluait toutes possibilités d’élan vers l’ignoble personnage, toutes sympathies avec le Diable. Et pourtant… 12 DOM CARLOS (spectateur choisit au hasard) Pourtant Molière contrebalance cette ignominie (celle du parjure) par un élan de courage hors norme. Dom Carlos, l’un des frères d’Elvire, sauvé par Dom Juan lors d’une attaque de brigands (dans l’acte III) est le seul personnage de la pièce pour qui le séducteur de Séville est un « bienfaiteur ». Ce sauvetage est l’unique bonne action de Dom Juan : totalement gratuite, elle n’est le fait que d’un sentiment d’injustice et de refus de l’emprise d’un groupe sur un individu (« mais que vois-je là? Un homme attaqué par trois autres ?! La partie est trop inégale, et je ne dois pas souffrir cette lâcheté. » ) Ce bienfait permettra au maître de Sganarelle d’échapper, pour un temps, à la vendetta de ses ex-beaux-frères. C’est lors de leur seconde rencontre (dans l’acte V) que Dom Juan effacera, de vile manière, sa dette d’honneur en repoussant définitivement la demande de Dom Carlos visant à faire de Don Elvire sa femme légitime. La promesse d’un duel imminent clôture leur ultime confrontation. 13 LE COMMANDEUR (masque à effets spéciaux) Le Commandeur, symbole d’autorité, mais mari cocufié puis tué par Dom Juan, se retrouve magnifié pour l’éternité sous forme de statue. Dès lors, on pourrait dire que, grâce à sa mort, le Commandeur prend sa revanche sur son meurtrier. Il le surpasse puisqu’il accède à l’immortalité et à la grandeur. Son acquiescement miraculeux à l’invitation à souper de Dom Juan le place comme détenteur de ce que l’impie pourchasse depuis longtemps : la preuve de l’existence d’une force surnaturelle, supérieure. La foi pourrait enfin le gagner… Mais notre héros, ne trouvant pas le miracle suffisant à ses yeux, provoque la statue et, ce faisant, défie la mort. Ce n’est pas par hasard que le défi porte sur l’acte de manger ; en effet, symboliquement, le fait de s’alimenter affirme la puissance de la vie. Inviter la statue à un repas, signifie alors inviter la mort à souper afin de la nier le plus totalement possible ou bien de se faire rencontrer, sous son toit et dans son corps, ces deux principes primordiaux : La vie et le trépas. 14 MONSIEUR DIMANCHE La visite de Monsieur Dimanche symbolise les intérêts de la Terre. Dans cette scène hautement comique, véritable ballet où Dom Juan trouve l’occasion de montrer sa méchanceté à travers sa désinvolture, son adresse, sa volubilité. Le séducteur, menant le jeu, jonglant avec Monsieur Dimanche, déployant tous ses dons (affabilité mondaine, ton protecteur dans l’intérêt témoigné, psychologie, aisance de parole, insolence marquée, habileté de l’invitation à souper, succès de la manoeuvre), se payant le luxe d’un combat où il a l’avantage, anime une farce un peu grinçante. Il lui demande de l’embrasser, le traitant donc en égal, ce qui ne peut que le gêner. Il lui fait «toucher là», geste qui impliquait promesse d’amitié. Monsieur Dimanche a conscience de l’humilité de son rang, et c’est cette bonhomie qui nous touche le plus. Il est désarçonné par le mélange d’intérêt feint et d’honneurs excessifs exprimé par son débiteur. Mais il y a une nette gradation, les paysannes séduites étaient sottes et vaniteuses, tandis que ce personnage n’est qu’intimidé et réclame le fruit d’un travail. 15 DOM LOUIS Dom Louis, C’est Le père. La « référence ». Il symbolise l’exact opposé de son fils attaché qu’il est à l’honneur, la famille, le rang et les responsabilités qui en incombent. C’est un preux. Un de la vieille école. Tout ce que Dom Juan rejette, soit par volonté d’opposition, soit par incapacité à être à la hauteur de ce monument. Tous les espoirs projetés sur son fils se sont envolés et la honte d’avoir mis au monde ce monstre (pourtant tant désiré !) pousse ce père désespéré à maudire son fils, qui le lui rendra bien puisqu’il lui souhaite, après son départ, de mourir « le plus tôt que vous pourrez ». Mais « afin de ménager un père » dont il a besoin, Dom Juan ira jusqu’à lui demander pardon et lui promettre de s’amender et de changer de vie. La réaction de Dom Louis est conforme aux attentes de son fils puisqu’il « jette des larmes de joie » et qu’il n'a « plus rien désormais à demander au Ciel. ». Cette réconciliation nimbe le début de l’acte V d’une lueur amère de dégoût et de regret puisqu’ils ne se croiseront plus et que dernier moment ensemble n’aura été que mensonge. 16 leur Et pour finir : LE SPECTRE Il est la dernière semonce, le dernier avertissement avant la chute. Le dernier signe de la miséricorde céleste La dernière chance qui, refusée, prendra l’apparence du châtiment de Dom Juan : La Mort et la damnation de son âme. Il disparaît pour laisser place au bourreau, à ce convive de pierre qui exécutera la sentence après l’avoir prononcé et laissera Sganarelle seul, éploré, coupable. 17 POURQUOI LE DUO Mais parce que, dans Dom Juan ou le festin de pierre, tout marche en couple. Mais un couple est le résultat d’une construction et avec notre odieux séducteur, nulle chance laissée aux bâtisseurs. Nous parlerons plutôt de DUOS. Le duo fondateur, c’est celui de Dom Juan avec Sganarelle. Binôme indissociable, l’un parle, l’autre écoute. C’est la loi du plus fort, du « mieux né ». Et lorsque le dialogue s’inverse, c’est la porte ouverte aux galimatias, à une parodie de dialectique. Il manque à l’un du fond, (quoique le sien soit bon) alors que le second construit son discours sur la destruction des valeurs du premier. Ce principe d’opposition est palpable lors de chaque rencontre que Dom Juan fait. Bonnes ou mauvaises, le séducteur s’y emploie à vaincre ou à convaincre mais jamais à écouter. Face à Elvire (symbole de la femme trahie mais puissante dans sa recherche d’explication), d’abord maladroit et fuyant, son ex-amant cherchera la faille qui la poussera à fuir lui évitant de le faire lui-même. Cette femme, pleine d’un amour si pur qu’il pourra se reporter sur le Christ en croix, se brûle les ailes face à la négation du partage et de la fusion des êtres. Elle est prête à tout donner mais lui refuse de prendre (il ne fait qu’effleurer pour corrompre) et abandonne sans motif, outre celui d’un autre vol de cœur, en un lieu plus éloigné. Face à Dom Louis, son père, c’est l’opposition des générations, des principes de vie. La noblesse face à la vilenie. Les espoirs déçus. La hargne liée à l’incapacité de ressembler à un modèle de haut rang. L’éloignement de deux êtres pourtant enchaînés par les liens du sang. Face à Dom Carlos, son ex-beau-frère, c’est encore une fois un jeu de miroir déformant. Même âge, même rang et pourtant si différents. Liés par une dette d’honneur (« je lui suis redevable de la vie, et sans le secours de son bras, j'aurais été tué par des voleurs que j'ai trouvés. »), mais séparés par une vendetta, leur rencontre aurait dû se terminer dans le sang si le Ciel n’avait pris les devants. Bien que sauveteur, Dom Juan détruira son image de bienfaiteur aux yeux de Dom Carlos afin de ne laisser aucun regret derrière lui, afin que tous le haïssent. 18 Face à Monsieur Dimanche, son créancier, il s’agit plus de la confrontation de deux milieux sociaux opposés. La noblesse ridiculisant la bourgeoisie, mais faisant apparaître, par là même, sa dépendance face aux richesses financières des marchands. C’est ici aussi un enchaînement forcé qui semble rabaisser Dom Juan. Malgré la brillance de son action, la virtuosité hypnotisante de cette « mise à la porte », on sent le vernis craqueler et l’odeur de putréfaction sous les parfums. La noblesse est exsangue, sans fonction réelle et la bourgeoisie pointe son nez pour prendre sa place. Face au pauvre, c’est l’opposition du croyant face à l’impie, l’existence d’une force plus grande que celle de l’argent (même si c’est la peur qui gouverne les actions hautes). C’est l’échec du matérialisme face à une foi aveugle (et presque sotte). C’est une frontière placée devant Dom Juan. Celui-ce la contourne en offrant cyniquement cette pièce « pour l’amour de l’humanité ». Face à Pierrot, c’est un combat perdu d’avance puisque l’un des adversaires ne peut répliquer, enfermé qu’il est dans une logique de classes. C’est Samson contre un David privé de sa fronde et paralysé de terreur. C’est la loi du plus fort. Et le lion n’est pas magnanime, il est impitoyable ! Toutes ces « faces à faces » fonctionnent comme des prismes reflétant les différentes facettes du personnage titre. Toujours placé en opposition à des archétypes de la société de l’époque, Dom Juan ancre, en cela, sa particularité, son unicité. Mais, tout unique qu’il soit, il ne se sent exister que dans le regard des autres. Cette volonté ultime de séduire (« dame, demoiselle, bourgeoise, paysanne, il ne trouve rien de trop chaud, ni de trop froid pour lui ») est la marque d’un besoin irrépressible de trouver des preuves de sa propre existence. La reconnaissance de ses pairs (qu’il ne reconnaît pas comme tels, d’ailleurs), toute négative soit elle, tout auréolée de soufre qu’elle fut, lui est une drogue. Il ne saurait vivre seul. Mais il ne saurait, non plus, vivre avec une femme (« le plaisir de l’amour est dans le changement. »).Voilà pourquoi il souffre la présence indéfectible de ce valet prompt à la réprimande camouflée (mal camouflée.). 19 Si Sganarelle semble n’avoir aucune existence en dehors de celle que lui procure son maître, Dom Juan, de son côté, ne peut s’en séparer. C’est lui qui est chargé de l’aider dans ses entreprises amoureuses ; c’est lui sur qui son maître essaie de se débarrasser des corvées; c’est à lui qu’il se confie. Ce besoin d’un faire-valoir et d’un témoin, à la présence réprobatrice mais impuissante, met en valeur la force de ses théories et l’audace de ses actions. Mais la lâcheté du valet est le reflet de celle du maître. Dom Juan c’est aussi l’art de la dérobade. Ne jamais rien terminer afin que tout reste dans le domaine du possible. Sganarelle assume son piètre rôle en se cachant derrière sa fonction de valet, sa peur des représailles mais le public n’est pas dupe du plaisir que prend ce voyeur à assister aux exploits du séducteur et les noms d’oiseaux qu’il donne tout bas à son maître ressemblent fort à des titres de gloire. Puisque Dom Juan est quelqu’un, Sganarelle ne peut faire partie du vulgum pecus, de la plèbe. Sur lui rejaillit une noblesse obscure qui entretient sa fascination. Dom Juan d’ailleurs le traite plus comme son complice, le majordome de ses intrigues. Il entretient l’orgueil de cette fonction en ne lui confiant aucune basse œuvre. La Violette et Ragotin sont ses laquais, mais Sganarelle, lui, est son « maître d’œuvre ». Mais lorsque, dans l’acte V, Dom Juan décide de sombrer dans l’hypocrisie, il choit aux yeux de son valet. Il rejoint la masse et Sganarelle, qui a supporté bien des sévices en courbant le dos, qui a mis son âme en danger en servant ce démon, ne peut accepter de déchoir (« Ô Ciel! Qu’entends-je ici? Il ne vous manquait plus que d'être hypocrite pour vous achever de tout point, et voilà le comble des abominations. Monsieur, cette dernière-ci m'emporte, et je ne puis m'empêcher de parler. »). Mais la chute est entamée et la rupture consommée et ce n’est que face à la mort elle-même que Dom Juan retrouvera de sa superbe en arrêtant de fuir enfin et en décidant dignement de faire face à ses responsabilités de pêcheur. Grâce à ce dernier exploit, il se réhabilite aux yeux de son valet et termine ses jours dans ses bras. Piéta détournée où Sganarelle, malgré une ode funèbre d’une violente douceur, mais ne parvenant pas à lui exprimer son amour, se détourne de lui et retourne à la plèbe en terminant ses adieux par les fameux : « Mes gages, mes gages. » 20 LE PUBLIC, ACTEUR ET SPECTAEUR Utiliser les spectateurs pour jouer certains personnages de ce drame est la suite logique des confrontations multiples rencontrées dans la pièce. Les sortir du rôle de voyeur, pour les impliquer dans la problématique du séducteur, leur permet d’entrer de plein fouet dans l’action et ressentir enfin une part de la jouissance d’être regardé. L’existence liée à la représentation, au jeu, au mensonge qu’est le théâtre, c’est toucher du doigt l’essence de Dom Juan, ce sublime menteur. La fragilité du désir, sa fugacité mais aussi sa démesure, font partie des sensations du comédien sur scène. Offrir une part de tout cela au public nous semble aller de soi puisque nos n’existons que par leur « bon vouloir » et ne perdurerons que dans leur mémoire. 21 LA PRESSE , EN DEUX MOTS 15 janvier 2006 La proximité au public, c'est leur tasse de thé (âtre) Tous deux ont foulé et arpentent encore les planches des plus prestigieuses salles parisiennes, pour y interpréter de grands classiques(…) Suffisant pour les nourrir, mais pas pour les rassasier. «On n'aime pas s'installer dans le confort, argumentent en choeur les deux affables comédiens professionnels. Jouer devant plus de 900 personnes au théâtre de la Porte Saint-Martin, c'est source d'une immense joie. Mais se retrouver dans une salle devant 80 personnes, pour absorber leur énergie et s'appliquer à leur restituer, ça c'est un vrai challenge. Un vrai plaisir. Jouissif.» François et Bruno vont de ville en ville, de France en Navarre. Pour y jouer du Diderot (Jacques et son Maître), du Molière (Dom Juan), du Pennac (Comme un roman), du Hugo (Ruy Blas). Déjà plus de 500 représentations au compteur. Et encore autantàvenir. Décomplexant, revigorant, stimulant Soixante-quinze minutes de spectacle. Un décor des plus sobres, quelques accessoires seulement. Mais une incroyable fougue et une implacable passion. Et un irrésistible goût pour la provocation, qui les pousse à titiller leur public,...« Ce qui nous motive, ce qui nous nourrit, c'est le partage, le plaisir avec les spectateurs. Et pourtant, on ne les ménage pas!» Et le pire, c'est qu'ils en redemandent... Ils n'en recevront peut-être jamais, mais François Lis et Bruno Biezunski peuvent êtres sûrs d'une chose: Molière aurait été fier d'eux. Hubert FÉRET 24 mars 2006 Ces deux-là ne jouent pas , ils sont Dom Juan et Sganarelle, et puis Charlotte et Pierrot, et aussi Elvire et Dom Louis !. On y prend un plaisir fabuleux et intense. Grâce à F.Lis et B.Biezunski, le public vacille du rire aux larmes ; très certainement comme Molière l’a écrit. Romain Michard 17 avril 2006 Peut-on rire de tout ? Avec eux et le texte de Molière, Oh que oui. ! Tous les personnages apparaissent soit grâce au masque, à la marotte, au costume…et quand ça manque « on trouve toujours dans le public ». Les spectateurs qui se retrouvent sur scène sont surpris, amusés mais tellement heureux de partager ce petit moment de gloire. Brigitte Mothais 22 DUO POUR DOM JUAN Résumé : Jean-Baptiste, un metteur en scène, abandonné par la majeure partie de son équipe, décide malgré tout d’assurer la représentation du « Festin de pierre ». Aidé de Charles, son comédien principal, d’une caisse d’accessoires et d’une guirlande lumineuse, il tentera de remplir cette mission. Adaptation : François Lis. Direction d’acteurs : Stéphanie Wurtz. Costumes : Agnès «Clochette» Amboyan Distribution : Bruno Biezunski : Jean-Baptiste. François Lis : Charles. Durée du spectacle : 80 minutes. Décor : Une toile de fond de couleur prune devant laquelle apparaîtront masques et costumes. Types des Costumes : Historiques et masqués. Genre : Mise en abîme autour de la représentation du Festin de pierre par un metteur en scène et son comédien principal. Extrait : Charles : 5 actes, 27 scènes, 17 personnages, 3 femmes, 14 hommes dont un spectre et une statue de commandeur… Tu veux jouer ça tout seul ?!!! Jean-Baptiste : Non, je te l'ai dit : A deux… avec toi. 23 DUO DE CHOC François Lis Comédien depuis 1994, il côtoie les plateaux de cinéma et de télévision; on le voit dans « Une Chance sur Deux » de Patrice Leconte ou bien dans « Grégoire Moulin contre l’humanité » d’Arthus de Pengern. Il apparaît aussi dans des publicités ainsi que d’une façon récurrente dans des programmes pour la jeunesse de France 2. Il s’investit aussi dans de nombreuses aventures théâtrales qu’elles soient classiques, telles « Le barbier de Séville » ou « Le Misanthrope », contemporaines comme « Bal Trap » de XavierDurringer, « Le Premier » de Izrael Horovitz ou « Le Monte-Plats » d’Harold Pinter ou bien encore parodiques comme « Kronch » qu’il écrit et interprète au théâtre Trévise à Paris. C’est là qu’il rencontre Bruno Biezunski avec qui il décidera de métamorphoser les lycées en scènes de théâtre. Adaptateur de Daniel Pennac et de son « Comme un roman » au théâtre, Il peaufine actuellement la mise en scène d’un « Edmond Rostand de Bergerac » qui devrait se jouer à Paris à la saison prochaine. Bruno Biezunski Comédien depuis 15 ans, on a pu voir Bruno dans « Kronch » de François Lis (Parodie de conte chevaleresque), « Tardieusement », (un montage de textes de Jean Tardieu), « Les Mille et une nuits » au théâtre de la Porte Saint Martin, « Carnet de Bal » (spectacle qui mêle chant, danse et théâtre). Il tourne depuis 3 ans son solo en scène « J’aime mieux pas en parler ». Il porte, avec brio, la parole de Voltaire dans une « Rencontre à Ferney». Il reprend « Cupidon n’a pas dit non » en mars 2007. On peut le voir également dans le « Groland » de Moustic sur Canal+. Parce que le théâtre est un lieu de parole et de liberté, il s’engage également en mettant en place et en animant des ateliers théâtre dans une association d’aide à la réinsertion de personnes en difficulté (anciens prisonniers, toxicomanes, réfugiés politiques…). 24 DUO DE CHARME Stéphanie Wurtz La directrice d’acteurs Depuis plus de huit ans, cette touche-à-tout exerce ses talents dans les domaines artistiques les plus divers. En effet elle pratique aussi bien la danse orientale que le tango ou la capoiera, elle maîtrise trois langues ainsi que celle des signes, en tant que comédienne on a pu la voir au théâtre dans « la rose tatouée » de Tenesse Williams, « Topaze » de Marcel Pagnol ou bien « Les Milles et unes nuits » (où elle rencontre Bruno Biezunski). Au cinéma on la retrouve dans des films d’Elie Chouraqui et de Bertrand Tavernier. Elle endosse la lourde responsabilité de mettre en scène quatre des « cinq dialogues… » scellant ainsi une collaboration fructueuse de huit années avec François Lis et Bruno Biezunski.. La costumière Agnès CLOCHETTE Amboyan Éclectique dans l’âme, cette créatrice a travaillé aussi bien aux côtés de Serge Moati que de Jean Pierre Foucault. A la télévision elle a collaboré à des séries comme « Avocats et associés », « Vérité oblige » avec André Dussollier. La publicité pour la Lancia Lybra lui permet de rencontrer et de se faire apprécier d’Harrison Ford. Au théâtre des Amandiers elle participe activement aux créations de grands metteurs en scène tels Bruno Bayen, Jacques Lassalle, Jean Jourdheuil ou bien Nazim Boudjemah. Entre temps elle donne naissance à une compagnie de théâtre jeunes publics qui porte son nom, créé les costumes originaux de spectacles historiques, comme « une nuit au moyen âge » au théâtre Rive Gauche à Paris et plus fantaisiste comme « Megacomix » (spectacle en tournée du Parc Astérix). Son travail avec la compagnie Très Tôt Sur Scène a permis d’apporter une cohérence visuelle indispensable à nos spectacles. Elle est définitivement la bonne fée qui s’est penchée sur le berceau de nos créations… 25 DUO DE SON ET DE LUMIÈRE FICHE TECHNIQUE Dimension du plateau. Ouverture 8 mètres. Profondeur 6 mètres. Équipement SON. Le matériel de sonorisation Façade et Retour devra être de bonne qualité et adapté à la superficie de la salle. La console* devra gérer : 2 Micro HF cravate AKG SR4. 1 Lecteur MD. 1 Lecteur CD. 1 Égaliseur graphique 31 bandes stéréo sur la façade. Équipement scénique Pendrillons en velours noir.* 6 Pendrillons* 1 Rideau d'avant scène. 1 Rideau de fond de scène en velours noir. Matériels lumières. 1 Jeu d'orgue 48 circuits à mémoires avec restitutions manuelles.* 4 Découpes 1 kW. 27 PC 1 kW halogènes. 14 PAR 64 1 kW. 6 x CP 61-8 X CP 62. 6 Platines noirs pour les projecteurs au sol. Gélatines LEE Filter 132,135, 151,195. 26