Europe, comment sortir de l`impasse

Transcription

Europe, comment sortir de l`impasse
Compte-rendu du débat
« Europe, comment sortir de l’impasse ? »
du mercredi 16 novembre à l’ESCP Europe
Table ronde :
Quelles propositions concrètes pour sortir l’Europe de l’impasse ?
Ouverture :
Thomas HETH, Président de l’association Tribunes ESCP
Thomas HOUDAILLE, Secrétaire général d’EuropaNova
Interventions :
Joachim BITTERLICH, Directeur des Affaires internationales chez Veolia Environnement
Jean LEONETTI, Ministre chargé des Affaires européennes
Guillaume KLOSSA, Président d’EuropaNova
Karine BERGER, Député et secrétaire national à l’économie du Parti socialiste
Alors que l'on entend les mots d'impasse, de gouffre lorsque l'on parle de l'Europe et qu'il apparaît
que la crise qu'elle connaît aujourd'hui est une crise majeure, on peut aussi penser que ce moment
est une opportunité, notamment pour les nouvelles générations, de réfléchir à la définition de
l'intérêt général européen et de repenser la politique au niveau européen. En effet, on réalise
clairement que l'UE fonctionne mal, que son mode réactif n'est pas adapté aux enjeux actuels. La
preuve en est, les Conseils européens se multiplient sans parvenir à répondre de façon durable et
crédible à la crise. Si on a pu récemment se réjouir de l'accord du 27 octobre, qui a fait avancer la
gestion de la dette grecque, qui a amorcé des solutions de gouvernance économique pour la zone
euro et qui a renforcé le Fonds européen de stabilité, il apparaît que cela ne suffira pas pour faire
face à la crise profonde que connaissent l'Europe et les Européens, qui est la crise du modèle de
développement d'un continent qui a perdu le monopole de l'innovation et de la mondialisation dans
un monde en mutation continue et accélérée.
L'Europe est-elle pour autant dans une impasse ? Nous pensons pour notre part que c'est aussi une
opportunité pour prendre conscience qu'il faut réfléchir à l'Europe du futur et repenser le projet
européen. La pensée ayant mûri ces trois dernières années, les citoyens et les décideurs ont compris
que l'échelon national n'était plus pertinent pour certains sujets et qu'il fallait en conséquence
repenser l'architecture européenne. L'élection présidentielle en France en 2012 sera donc un
moment clé de politique européenne, puisque le Président élu aura la responsabilité d'être un acteur
fort de la refondation de l'architecture européenne. Au-delà du diagnostic, l'ouvrage « Europe, la
dernière chance » propose des solutions concrètes de sortie de crise, ouvertes au débat et notamment
un pacte qui sera soumis aux candidats de la présidentielle.
Essai de diagnostic(s) : un état de l'Europe.
Guillaume Klossa rappelle que la période actuelle est une phase de transition majeure pour
l'Europe. L'Europe a perdu le monopole de la mondialisation, un monopole vieux de cinq siècles,
qui lui permettait de contrôler les normes internationales et de capter les ressources mondiales.
Cette « main » sur le monde a été perdue récemment, alors que de nouveaux acteurs sont apparus à
l’instar de la Chine et de l'Inde.
En 2000, lorsque les Européens se sont réunis pour élaborer la Stratégie de Lisbonne, ils
entendaient se préparer à cette « nouvelle donne » mondiale, dont on pensait qu'elle s'établirait en
2015 ou 2020. C'est dans ce contexte que l'Europe voulait se doter d'une stratégie de compétitivité
et de réforme structurelle pour garder la main sur la mondialisation, en transformant l'Europe en
puissance publique européenne.
Il y a quelques années, en revanche, nous savions tout à fait que le « papy-boom » allait priver
l'Europe de l'un de ses moteurs de croissance, c'est-à-dire sa population active, formée et incluse
dans la société. Nous savions aussi que la capacité d'innovation allait manquer en conséquence, ce
qui exigeait que les Européens inventent de nouveaux mécanismes en vue de créer, de produire, de
vendre de façon moderne et innovante pour répondre aux besoins du monde.
Tenant compte de cette prévision d'un déficit structurel, le potentiel de croissance était alors de 1 à
2 % pour la décennie 2010 et autour de 1,1 % pour la décennie 2020. En bref, la situation
d'aujourd'hui était prévisible et la crise économique et financière venue des Etats-Unis en 2007 n'a
fait qu'accélérer un mouvement européen et un changement de donne mondiale au profit des
grandes puissances émergentes.
Ce changement a été acté lors du G20 de novembre 2008 : à travers cette organisation, les
puissances anciennes reconnaissaient les nouvelles venues, déjà présentes sur la scène internationale
depuis un moment.
La situation aujourd'hui est profondément différente de celle qui précédait il y a cinq ans et cette
mutation est durable. Pourtant, les études montrent que les Européens considèrent que ni l'Europe,
ni la zone euro ne sont adaptés à cette nouvelle réalité.
Dans cette nouvelle donne, sommes-nous capables de penser collectivement notre destin ?
Concrètement, il s'agit de remettre l'homme au cœur du système. C'est un préalable indispensable
pour échapper à la technocratie, voire à la « monstruosité », de la construction économique. Ensuite,
il faut reprendre la main sur la croissance économique et sur notre destin politique. Plus
globalement, il s'agit donc de se réinventer résolument, de penser la politique de manière différente
et d'admettre que politique européenne et politique nationale fonctionnent ensemble.
Cette idée doit être un enjeu de la campagne présidentielle française de 2012. Puisque l'Europe et
les Etats membres sont liés, il faut réfléchir à la stabilisation de l'ensemble. Cette stabilisation doit
s'appuyer sur les piliers essentiels que sont la démocratie et l'innovation économique et politique.
Jean Leonetti est d’accord avec le diagnostic de Guillaume Klossa. La question récurrente est
« comment sortir de la crise ? ». Il faut pourtant comprendre qu'il ne s'agit pas de sortir de la crise.
La situation actuelle est un espace entre un monde, d'un modèle qui se termine et un modèle qui se
termine. Cette période est un moment d'instabilité, qui peut générer des angoisses mais aussi
permettre de voir toutes les opportunités. Il faut aussi prendre conscience que les pays émergents
ont émergé, ce qui bouleverse les équilibres économiques du monde globalisé.
Cela s'est fait peu à peu et de façon « cosmétique », dans la mesure où l'Europe a protégé les Etats,
notamment ceux qui développaient leur dette pour préserver leur niveau de vie face à la
mondialisation, qui empruntaient à des taux d'intérêts excessivement bas au regard de leur situation
économique. A l'échelle européenne, la redistribution avait pris le pas sur l'anticipation.
L'Europe naïve est devenue l'Europe réaliste. Toutefois, les structures ne sont pas complètement
reformées, on raisonne toujours en termes d'Etats membres quand il s'agit
du budget, des dépenses, du projet ou d'organisation. La dualité logique de l'Europe et de ses
institutions ne permet pas de la présenter comme un outil simple, utile et populaire. Parallèlement,
la crise est un moment propice à l'euroscepticisme et au populisme. Le peuple et les institutions
s'interrogent alors sur la façon de « franchir le pas » : par un pas institutionnel, par un pas
démocratique et institutionnel, en validant l'accord des Etats autour d'un projet ?
Alors qu'il est dit que l'Europe n'avance que par crise, cette crise profonde et durable peut nous
conduire à une réflexion plus forte et à la constitution d'une Europe qui respecte la
souveraineté des Etats et leur identité culturelle, tout en délégant à d'autres entités que les
marchés et les spéculateurs la part de souveraineté qui permettrait d'organiser une coopération.
En complément de l'approche transversale et globale présentée jusqu'ici, Karine Berger fait le
diagnostic de la relation franco-allemande et tente de répondre à la question : comment sauver le
soldat franco-allemand ? Elle constate que le Rhin s'élargit, que le fossé entre France et Allemagne
se creuse, que leurs approches divergent. Les problèmes en Europe ne sont pas liés au reste du
monde, mais bien à des difficultés internes depuis dix ans à mener à bien la construction
européenne. Il n’y a plus de dialogue franco-allemand. Les différences entre les opinions
publiques sur tous les sujets sont flagrantes. Pourquoi en est-on arrivé là ?
En premier lieu, il y a un défaut de gouvernance majeur, qui relève de la responsabilité politique.
La France parle de moins en moins à l'Allemagne depuis dix ans et moins encore depuis quatre ans.
Cela s'est révélé notamment lors de la Présidence Française de l'UE, volontairement orientée vers le
Royaume-Uni et se détournant de l'Allemagne et du partenariat franco-allemand. En réponse, la
Chancelière allemande a attendu le 3 janvier 2009, c'est-à-dire la fin de la présidence française, pour
annoncer son plan de relance. Ceci marque une fissure qui ne cesse de s'agrandir.
En second lieu, la France n'a pas donné à l'Allemagne le signal que cette dernière attendait en
matière de finances publiques, répétant que le traité de Maastricht et le Pacte de Stabilité ne
constituaient pas vraiment une obligation pour un pays tel que la France. En conséquence, à défaut
d'assurance et d'engagement de la part de la France, l'Allemagne s'interroge sur la crédibilité
française sur ce sujet. Reconnaissant que les deux pays ne parlaient plus le même langage, la France
veut s'efforcer désormais de restaurer la confiance entre eux et de construire à nouveau en commun.
Au-delà des seules réformes institutionnelles, nécessaires, la reconstruction de la gouvernance
passera par la reconstruction forte, rapide et sincère de l'amitié franco-allemande.
Selon Joachim Bitterlich, le problème fondamental est que l'Europe a raté ce qui se passait autour
d'elle depuis 2000. La stratégie de Lisbonne, trop technocratique et éloignée des réalités, a échoué.
Le président de la Commission a tenu la semaine dernière à Berlin un discours toujours éloigné des
réalités de l'Europe et de ce monde.
Alors que l'Europe est confrontée à la crise aujourd'hui, la tâche prioritaire des Européens consiste à
sortir de cette crise ensemble et réfléchir aux perspectives d’avenir. Le monde d’intégration
européen est-il à bout de souffle ? La crise révèle le déficit de confiance entre le politique et
l'économie, entre le politique et les citoyens. Il y a également une crise de crédibilité de l'Europe
et de ses projets. L’Europe n’a pas pris en compte le poids des puissances émergentes.
Le « fédéralisme » a le vent en poupe pour remédier à la crise mais n’a pas un sens clair pour tous.
Il faudrait plutôt s'interroger sur la façon de construire en commun en échangeant ensemble sur le
fond des affaires. Les solutions simplificatrices ne répondent pas aux enjeux européens de
demain. Dans tous les cas, il faut relier davantages les parlements nationaux au processus de
décision pour assurer la légitimité des actions.
Selon Guillaume Klossa, les points d'accord dans le diagnostic européen sont nombreux et les
expériences sont instructives.
La stratégie de Lisbonne est un bon exemple. S'appuyant sur une méthode communautaire ouverte,
non contraignante, les Etats et l'Europe n'ont pas réussi à la mettre en œuvre et n'a pas dégagé un
projet politique commun. Comment faire de la politique en commun, de façon intelligente et
concertée ?
Parallèlement, il faut renforcer le dialogue franco-allemand et réinstaurer le dialogue entre tous
les pays européens.
La réalité de la négociation actuelle est la suivante : un pays a une idée, une majorité ou au
minimum une dynamique se crée autour de cette idée, puis les Etats entrent dans la discussion.
L'accord entre la France et l'Allemagne n'est pas une nécessité préalable. N'ayons pas d'illusion sur
le couple franco-allemand. La dynamique doit être ouverte et la reconnaissance et le respect doivent
être mutuels entre tous.
Le Gouvernement économique et social européen démocratique : la proposition d'EuropaNova.
C’est une des propositions phares d'EuropaNova, comme le rappelle Guillaume Klossa. Il s'agit
d'un gouvernement et non pas seulement d'une gouvernance, qui se définit essentiellement par un
ensemble de règles ce qui signifie que les budgets et les approches des uns sont surveillés par les
autres. Cette situation attise la défiance, ce qui aggrave la crise en termes politiques.
La dimension sociale doit être placée au cœur de l'action. Un gouvernement économique,
entendu pour la zone euro pour compléter la politique monétaire, doit se fixer des objectifs un
objectif de croissance économique et d'emploi, sur le court et le moyen terme. A défaut, les
citoyens européens se détourneront de ce gouvernement et de ses politiques. Ce gouvernement aura
vocation à s'appuyer sur quatre piliers :
- sur le modèle du FESF (Fonds Européen de Stabilité Financière), les politiques de
prévention et la gestion de crise devront être communautarisées ou fédéralisées, puisque
la garantie inter-gouvernementale ne suffit pas dans ce domaine.
- La coordination des politiques économiques des Etats membres assortie de règles de
surveillance budgétaire
- Une stratégie d'investissement
- Un contrôle démocratique par le Parlement européen et des représentants des parlements
européens avec notamment la création d’une Assemblée parlementaire de zone euro qui
effectue de manière légitime et démocratique un contrôle sur ce Gouvernement Economique
et Social Européen.
Une réponse à 27 à la crise
Jean Leonetti constate qu'il n'est pas possible de dire parfois que le coupe franco-allemand se
réunit tout le temps et décide de tout et de déplorer d'autres fois qu'il ne se parle pas. François
Mitterrand disait que le couple franco-allemand n'était d'accord sur presque rien, mais avait
l'obligation de trouver des compromis. Les désaccords entre la France et l'Allemagne sont
nombreux lorsque le débat s'engage : sur l'élargissement, sur le FESF, sur le degré d'intervention de
la BCE, sur l'attitude face aux banques ou à la Grèce. C'est la façon dont fonctionne la relation entre
Paris et Berlin depuis les années 1980 : on sait que si la France et l'Allemagne ne s'entendent pas,
l'Europe se défera. S'entendre est une obligation alors que les différents ont été trop nombreux
dans le passé. En caricaturant, on dirait que les Allemands rappellent à la rigueur et que les Français
rappellent à la solidarité. Comment faire pour ne pas revivre un référendum et une réponse négative ?
Il faut rappeler que l'Europe réunit des Etats souverains, que les propositions de l'un doivent
recueillir l'accord des autres et que cet accord implique l'adhésion démocratique nationale.
Comment faire pour que ce fonctionnement ne détruise pas les démocraties et les gouvernements ?
Avancer ensemble implique de comprendre et de prendre conscience de l'autre, de ne pas oublier le
fonctionnement et les particularités de chacun, afin que les différences ne soient pas une menace
pour l'Europe et les gouvernements.
Concrètement, la mise en place d'un Parlement de la zone euro crée le risque de reproduire la
fracture entre les parlements nationaux, soupçonnés de nationalisme, et le Parlement européen,
forcément européiste. Il pourrait alors être envisagé de fusionner le Parlement de la zone euro
avec les commissions en charge des questions économiques et sociales des parlements
nationaux.
Il faut un ancrage parlementaire, en prenant garde à créer des structures isolées. Il importe de ne
pas oublier que la différenciation crée le risque d'une fragmentation de l'UE. Comment alors
l'Europe pourrait-t-elle porter les valeurs communes ?
D'une façon plus large, voire caricaturale, les points de blocage sont connus : les Etats contribuent
ponctuellement et promeuvent à cette occasion leurs intérêts particuliers (une politique, un intérêt
national), raisonnant en terme de « juste retour ». Or l'Europe ne peut pas être la somme
d'intérêts particuliers, ni assurer ce juste retour, mais doit représenter un intérêt général. En
conséquence, il est nécessaire qu'elle dispose elle-même de ressources propres pour alimenter le
budget européen, au-delà des seules contributions de chaque Etat membre. Une dynamique entre
ressources et projets s'instaurera, les parlementaires pourront s'approprier le budget et choisir la
distribution et la projection de l'Europe.
Alors que tous les Etats adoptent une discipline budgétaire qui amoindrit la perspective d'une
relance, le projet européen doit être repensé en ce qui concerne la croissance, la compétitivité et
l'emploi de façon essentielle. A terme, l'Europe sera toujours face aux nouvelles puissances. Un
gouvernement économique et social européen permettrait à l'Europe de devenir la grande
puissance qu'elle a vocation à être.
Dans des frontières qui doivent cesser de s'élargir au-delà des Balkans, l'Europe doit incarner des
valeurs, offrir une projection et créer de l'espoir, c'est-à-dire regarder vers le futur avec sérénité et
porter un modèle économique à destination de la Méditerranée et des voisins du Partenariat oriental.
Il ne s'agit pas d'une Europe qui impose des règles de surveillance, mais d'un projet capable de
regarder le futur avec sérénité.
L'urgence de la survie de la zone euro
Karine Berger affirme que l'enjeu actuel de tout projet de gouvernance doit absolument être celui de
la survie de la zone euro. A côté des questions légitimes et nécessaires du chemin de croissance ou
des perspectives démographiques à un horizon de trente ans, il faut aujourd'hui et en priorité
s'assurer que la zone euro résiste à la crise. Après quatorze sommets en vingt-et-un mois, la question
est toujours la même : la Grèce sera-t-elle membre de la zone euro dans deux mois ?
Les propositions d'EuropaNova sur le sujet de la zone euro sont donc importantes. Face à la
divergence croissante des taux d'intérêts long terme français et italiens face aux taux allemands, une
réponse politique est indispensable. La création d'un Ministre européen de la zone euro pour les
questions économiques et financières ne sera pas aisée, mais elle serait une réponse claire à
destination de l'extérieur pour affirmer l'orientation de l'Europe. La création d'un Trésor commun à
la France, l'Allemagne et l'Italie pour une politique financière, monétaire et de change en
réponse à la BCE serait également une solution intéressante.
Bien qu'elle inquiète Berlin, une autre solution, peut-être plus rapide et efficace, pourrait être la
mutualisation des dettes des Etats sous la forme d'euro-obligations, adressant une opposition
claire à l'égard de nos partenaires. Il s'agirait d'un pas concret en faveur de la convergence, au
minimum pour la zone euro. La monnaie commune est un formidable projet, porté par la France et
l'Allemagne à l'origine ; elle est un symbole et ce symbole ne doit pas détruire l'avenir ni les
perspectives de l'UE. Cela ne peut être fait qu'à la condition que tous s'accordent sur la priorité
suivante : conserver tous les membres de la zone euro, conserver une seule zone et une seule
monnaie unique, et non scinder la zone en deux groupes.
Le risque de la communautarisation irresponsable.
Joachim Bitterlich affirme que toute politique doit être initiée à domicile.
Lorsque le traité de Maastricht a été rédigé, tous pensaient que ses règles seraient évidemment
respectées et qu'aucun Etat n'oserait dépasser les limites qu'elles posaient, compte tenu de la charge
psychologique que le sujet représentait pour l'Allemagne. A l'époque, si un référendum avait été
organisé en Allemagne, les Allemands auraient refusé le projet. Finalement, l'Allemagne et la
France ont été les premiers à s'écarter des règles du traité. Dans le même temps, la Grèce a
toujours ouvert la main face à Bruxelles sans jamais réformer ses finances. Aujourd'hui, il est
demandé aux Allemands de porter la responsabilité de politiques nationales. La solidarité de
l'Allemagne dans l'Europe a été forte déjà. Parallèlement, l'Europe et l'euro ont apporté un gain de
80 milliards d'euro à l'Italie et 15 milliards à la Grèce chaque année entre 1997 et 2007, sans que cet
argent ne soit investi. Lorsqu'un député allemand doit endosser la responsabilité des dettes d'autres
pays, qui ont bénéficié de la situation sans contrepartie, il est compréhensible qu'il réfléchisse à la
situation en termes de gain pour lui-même.
La question globale est celle de la cohérence, mais les Européens refusent de l'affronter depuis les
années 2000.
J'ai alors une crainte : celle de se noyer dans les procédures, celle de communautariser les erreurs du
passé et d'occulter les problèmes de fond. La solution de la mise en commun ne peut pas être
indéfinie, la ressource financière elle-même est limitée. Les euro-obligations pourraient se mettre en
place entre Paris et Berlin après un moment, mais l'Allemagne n'a pas suffisamment confiance dans
ses autres partenaires pour s'engager à l'échelle européenne. Les solutions reposant sur la confiance
mutuelle, il est impossible de brûler les étapes en matière financière et monétaire.
Les autres propositions d'EuropaNova et l'importance de leur présence dans le débat
présidentiel de 2012.
Guillaume Klossa rappelle que dans le livre et dans le Pacte européen envoyé aux candidats à la
présidentielle, il est rappelé l'importance de la confiance mutuelle et de la fiabilité des
engagements de chacun, qui sont des éléments cruciaux pour la démocratie européenne.
A ce jour, la confiance généralisée n'existe pas et il importe de participer à un travail politique
empathique. Les dirigeants doivent s'écouter, se comprendre et de réfléchir ensemble.
Il y a aujourd'hui urgence. Les débats d'aujourd'hui auraient dû être ouverts il y a vingt ans, alors
que l'on discutait du traité de Maastricht et que l'on identifiait déjà ses insuffisances. Cela nous
apprend notamment que l'on ne peut pas bâtir un avenir commun avec des règles. Il faut du pilotage
politique, il faut une vision politique partagée qui porte sur le long terme. La proposition
d'EuropaNova d'un gouvernement économique et social européen peut être débattue et construite
progressivement. Dans tous les cas, il faut définir un sens politique collectif.
Joachim Bitterlich attire toutefois votre attention sur le fait que cette projection ne peut être que
progressive. Ainsi, chaque pas d'intégration exige un référendum, par exemple en Allemagne. Ceci
ne doit pas être oublié lorsqu'on réfléchit à l'avenir et exige que chaque étape doive être préparée de
façon très sérieuse. En conséquence, certains propose du Ministre LEONETTI m'inquiètent et
suscitent la crainte d'un retour d'une politique dirigiste à la française.
Guillaume Klossa soutient qu’il faut un débat en France, notamment sur les propositions de
Wolfgang SCHAUBLE, Ministre de l’économie allemande et notamment celle de l'élection d'un
président de l'UE au suffrage universel. Egalement, la question d'un gouvernement européen,
qui ne serait pas limité aux questions économiques et sociales, des modalités de la fédération et des
règles de gouvernance.
EuropaNova souhaite que ces éléments soient débattus en France et notamment à l'occasion de la
campagne présidentielle. Tous les candidats doivent s'en emparer, poser le débat et prendre un
mandat clair. Or, à ce jour, le débat est un débat à deux vitesses : en Allemagne, le débat avance
très vite sur ces questions, tandis qu'il n'est pas encore né en France.
Karine Berger affirme que la primaire socialiste a largement abordé le sujet de la dette et de la
crise européenne. La difficulté en ce moment est celle de la position française face à la dette. Il ne
s'agit donc pas encore de projet et de construction européens, élaborés avec nos partenaires. Tant
que la France ne sera pas capable de s'engager face à ses partenaires sur le sujet des finances
publiques, elle n'aura pas l'oreille de l'Allemagne.

Documents pareils