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Procureur général du Québec v. Municipalité de St-Séverin, Juge Guylaine Tremblay, 8 septembre 2005 Faits Les 19 octobre et 14 novembre 2001, la Municipalité de St-Séverin (la « Municipalité »), par l’intermédiaire du groupe conseil René Gervais (le « Groupe »), a exécuté des travaux d’aqueduc et d’égouts d’envergure dans le cadre d’un programme provincial d’assainissement des eaux sans avoir obtenu l’autorisation du ministre de l’Environnement contrairement aux dispositions de l’article 32 de la Loi sur la qualité de l’environnement (la « Loi »). Nul ne conteste que la réalisation des travaux nécessitait un certificat d’autorisation qui n’avait pas été délivré, ce dont la Municipalité était consciente. Toutefois, cette dernière invoque les défenses de nécessité et de diligence raisonnable pour justifier sa conduite. Afin d’obtenir l’autorisation en vertu de l’article 32 de la Loi, un demandeur doit produire (1) un avis du ministre des Affaires municipales précisant la technique utilisée et son acceptabilité et (2) un avis du ministère de l’Environnement 1 . En l’espèce, tous les documents requis pour l’étude par le ministère des Affaires municipales lui ont été transmis le 30 mai 2001 par le Groupe. En l’absence de réponse à son envoi du 31 mai, le Groupe écrit de nouveau au ministère des Affaires municipales le 26 juillet 2001, pour l’aviser notamment des appels d’offres prévus pour le 4 août avec octroi de contrat prévu pour le 4 septembre et un échéancier de travaux du 5 septembre au 16 novembre 2001. Ayant constaté que le dossier était bloqué au ministère des Affaires municipales, un représentant du Groupe intervient auprès du Service des avis et des expertises de la Direction du suivi de l’état et de l’environnement du ministère de l’Environnement (la « Direction »). Le 27 août 2001, la Direction émet l’avis que la construction de deux émissaires temporaires, facilitant les travaux d’interception semble acceptable. Cependant, le positionnement de ces émissaires devrait nécessiter des mesures particulières afin de minimiser les répercussions sur l’environnement qui pourraient être associées à ces travaux. Le dossier ne débloque toujours pas. Rien n’indique qu’il manquait des documents, que des analyses n’avaient pas été faites ou que le projet n’était pas conforme. Le Groupe poursuit ses démarches croyant que les documents présentés aux ministères étaient suffisants pour obtenir l’autorisation du ministère de l’Environnement. 1 Les dossiers subventionnés d’assainissement des eaux font l’objet d’une analyse au niveau provincial par le ministère des Affaires municipales, de concert avec la Direction du suivi de l’état de l’environnement. Ces deux entités s’occupent de la partie technique du projet, le bureau régional du ministère de l’Environnement ne faisant que délivrer l’autorisation. Suite à la lettre du 26 juillet, une communication a lieu vers la fin du mois de septembre entre le Groupe et un fonctionnaire au sein du ministère des Affaires municipales. Ce dernier mentionne qu’il sera nécessaire de faire une demande de certificat d’autorisation au ministère de l’Environnement. Le Groupe est formel: cette exigence est inhabituelle, le formulaire demandé étant habituellement réservé à une demande de prolongement ou de réfection mineure. Au début du mois d’octobre 2001, il n’est plus possible d’attendre pour commencer les travaux. Deux choix s’imposent : (1) commencer les travaux sans certificat d’autorisation ou (2) reporter les travaux à l’année suivante. La demande de certificat d’autorisation est produite à la Direction régionale du ministère de l’Environnement le 9 octobre 2001. Le 26 novembre 2001, la Municipalité est avisée que le 15 novembre 2001, la Direction régionale a reçu du ministère des Affaires municipales et de la Direction, les documents requis pour compléter la demande d’autorisation pour des travaux dont une grande partie sont déjà réalisés. Décision La Municipalité se devait d’agir en raison des contraintes de temps pour réaliser les travaux au plus tard le 15 décembre et de la contrainte pécuniaire dont notamment le risque de perdre une partie non négligeable de la subvention du ministère des Transports. Le but visé par le projet dans son contexte global était de cesser de déverser les eaux usées directement à la rivière afin de protéger la qualité des eaux. Il est inconcevable que les moyens de pression d’un fonctionnaire du ministère des Affaires municipales faisant des caprices détourne le tribunal de l’objet premier de la Loi. La simplicité du rapport d’analyse finalement produit par le fonctionnaire est extrêmement révélatrice de sa négligence à remplir avec célérité les fonctions qui lui sont dévolues. Le retard à traiter ce dossier ne peut s’expliquer que par des actes délibérés visant à retarder la délivrance du certificat d’autorisation demandé pour la réfection d’une première partie des conduites d’aqueduc et d’égouts. Cette situation était tout à fait imprévisible lors de la demande initiale du 30 mai 2001. Cette imprévisibilité conjuguée avec les multiples démarches faites pour la réalisation de ce projet d’envergure ne visant que le bien commun rencontre la condition d’urgence de la défense de nécessité. Poursuivre la contamination de l’environnement par le rejet d’eaux usées, prendre une population en otage en exécutant des travaux dans toutes les rues en même temps en prenant des risques pour la sécurité, perdre des subventions dont le montant n’est pas négligeable pour une municipalité de 1000 habitants suffit pour évaluer que le danger était pressant et qu’il fallait agir en commençant les travaux. Le début des travaux était une solution réaliste alors qu’il n’y avait aucune autre solution raisonnable et légale. La dernière condition de la défense de nécessité est l’exigence de proportionnalité entre le mal infligé et le mal évité. Dans le présent cas, les travaux exécutés sans certificat d’autorisation étaient conformes aux normes, il n’y a pas eu de dommages à l’environnement. Cette condition est donc remplie. La défense de nécessité est accueillie et la Municipalité est acquittée des chefs qui pesaient contre elle.