08012016-Decheance nationalite
Transcription
08012016-Decheance nationalite
Le 8 janvier 2016 AU LIEU DE LA « DÉCHÉANCE POUR TOUS », LA DÉGRADATION CIVIQUE Roger‐Gérard Schwartzenberg, président du groupe radical RRDP : « Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi constitutionnelle risque de donner l’impression qu’il existerait deux catégories inégales de Français. Ceux possédant exclusivement la nationalité française, qui ne pourraient en être déchus, et les binationaux, qui, eux, pourraient l’être. D’où l’idée, avancée par certains, de la « déchéance pour tous », pour tous les auteurs de crimes terroristes, qu’ils soient ou non binationaux. Toutefois, cette solution ne peut être retenue. D’une part, elle serait en contradiction avec les positions publiquement prises par l’Exécutif. Le chef de l’État l’a rappelé devant le Congrès, le 16 novembre : « La déchéance de la nationalité française ne doit pas avoir pour résultat de rendre quelqu’un apatride. » De même, l’exposé des motifs de ce projet de révision, adopté par le conseil des ministres du 23 décembre, précise : « La déchéance de la nationalité française ne pourra pas être prononcée si elle a pour résultat de rendre apatride la personne concernée. » La nation qui fut celle de Gambetta et de Jaurès n’a pas vocation à fabriquer des apatrides. D’autre part, admettre la déchéance de délinquants mononationaux serait très difficilement compatible avec nos engagements internationaux et européens. Ainsi, la Déclaration universelle des droits de l’homme (article 15) dispose : « Tout individu a droit à une nationalité. » Même si ce texte n’a pas de valeur juridique contraignante, l’on voit mal la France – qui « proclame solennellement son attachement aux droits de l’homme » dès le tout début du Préambule de la Constitution de 1958 – désavouer cette Déclaration universelle, rédigée principalement par le Français René Cassin et adoptée à Paris en 1948 par l’Assemblée générale des Nations Unies. …/… De même, selon l’article 8 de la Convention de l’ONU du 30 août 1961 sur la réduction des cas d’apatridie, « les États contractants ne priveront de leur nationalité aucun individu si cette privation doit le rendre apatride ». Cette Convention, signée par notre pays le 31 mars 1962, n’a pas été formellement ratifiée. Mais sa signature exprime la volonté de ne pas créer d’apatrides. Il convient aussi de rester en cohérence avec la Convention européenne des droits de l’homme et son Protocole additionnel n° 4, dont l’article 3 porte sur l’ « interdiction de l’expulsion des nationaux ». La dégradation civique La déchéance de la nationalité posant de nombreux problèmes, mieux vaudrait, comme je l’ai proposé à la mi‐décembre, recourir à la dégradation civique, qui a été redénommée « interdiction des droits civiques, civils et de famille » par le nouveau code pénal de 1992. Selon l’article 422‐3 de ce code, les auteurs de crimes terroristes encourent, outre la réclusion criminelle, cette peine complémentaire. Ceux‐ci ne seraient pas déchus de leur nationalité, mais seraient privés de leur citoyenneté dans ses attributs essentiels. Ce qui, symboliquement, au plan de la réprobation publique, constituerait une sanction quasi équivalente. Surtout si l’on rétablit la dénomination antérieure de cette peine, c’est‐à‐dire « dégradation civique », et si l’on porte sa durée maximale au‐delà de 15 ans. Cette solution présenterait deux avantages. D’une part, cette peine pourrait concerner tous les auteurs d’actes de terrorisme qu’ils soient ou non binationaux. Elle ne distinguerait donc pas deux catégories de Français. D’autre part, cette peine est demeurée dans le nouveau code pénal, alors que celui‐ci a abrogé l’indignité nationale, envisagée par certains, cette infraction, créée par les ordonnances des 26 août et 26 décembre 1944, paraissant très datée et spécifiquement liée à la période de l’épuration. »