Polyphonie pour le Jeune France

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Polyphonie pour le Jeune France
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oins célèbre que le Groupe des Six, fondé sous l'égide de Jean Cocteau et d'Erik Satie après la première guerre mondiale, le Groupe Jeune France est créé en 1935 par quatre compositeurs qui s'opposent à l'esthétique défendue par les Six, à leur ironie légère, leur goût pour les formes du passé qu'ils aimaient encanailler grâce à des copiés­collés dans la musique populaire. Au contraire, les Jeune France ont défendu une esthétique ­ ou plutôt une éthique ­ de la spiritualité. Des quatre membres fondateurs ­ André Jolivet (1905­1974), Yves Baudrier (1906­1988), Olivier Messiaen (1908­1992) et Jean­Yves Daniel­Lesur (1908­2002) ­, Baudrier est le moins connu, car il a surtout fait carrière dans le cinéma. Son catalogue semblant dépourvu de musique chorale a capella, il est absent de ce disque comme presque chaque fois qu'un hommage à Jeune France est proposé. Son Agnus Dei avec orgue aurait pu, pour l'élégance du geste, figurer à ce programme dévolu à des compositions virtuoses pour douze voix solistes. Certes, ce disque du groupe Sequenza 9,3 de Catherine Simonpietri, installé en Seine­Saint­Denis, témoigne de quelques faiblesses (notamment un premier soprano qui ne peut chanter vraiment piano ses aigus, une palette de nuances trop réduite, quelques attaques ou montages problématiques) mais peu d'interprètes ont, dans ces difficiles compositions, cette qualité de fraîcheur, de poésie et cette clarté de diction. Il suffit d'écouter l'enregistrement crispé du redoutablement difficile Epithalame (1953) d'André Jolivet par le compositeur lui­même, en 1957 (récemment réédité par EMI, collection Les Rarissimes), pour mesurer ce qui fait la différence entre la pratique d'ensemble vocal professionnel d'alors et celle d'aujourd'hui. Les Cinq rechants (1949) d'Olivier Messiaen bénéficient d'une lecture honnête, qui manque parfois d'un rien d'assurance dans certaines interventions solistes. Le groupe francilien s'y impose sûrement moins que dans le Cantique des Cantiques (1952), de Jean­Yves Daniel­Lesur, un chef­ d'oeuvre comparable à Figure humaine de Francis Poulenc. C'est la plus accessible des trois partitions, la moins affectée d'accessoires sonores exotiques, d'onomatopées, qui sont la limite des compositions de Messiaen (surtout) et de Jolivet (un peu). Polyphonies Jeune France. Œuvres de Jean­Yves Daniel­Lesur, Olivier Messiaen et André Jolivet. Par l'ensemble Sequenza 9,3, Catherine Simonpietri (direction). 1 CD Alpha/Harmonia Mundi. Ren au d Mach art Article paru dans l'édition du 29.01.08.