Ordonnance du Tribunal administratif de Montpellier
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Ordonnance du Tribunal administratif de Montpellier
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MONTPELLIER N° 1603975 ___________ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Société SCAM TP Société FCC AQUALIA ___________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS M. Alfonsi Juge des référés ___________ Le Tribunal administratif de Montpellier, Audience du 16 août 2016 Ordonnance du 16 août 2016 ___________ 54-03-05 C Le juge des référés Vu la procédure suivante : Par une requête enregistrée le 29 juillet 2016 sous le n° 1603975, et un mémoire complémentaire enregistré le 12 août 2016, la société SCAM TP et la société FCC Aqualia, représentées par Me de Gérando, demande au juge des référés précontractuels : 1°) d'annuler la procédure de passation de la délégation de service public par affermage pour l'exploitation et l'entretien des ouvrages de collecte, de transport et traitements des eaux usées et résidus d'épuration (lots n° 1 et n° 2) organisée par la communauté d'agglomération Béziers Méditerranée ; 2°) de condamner la communauté d'agglomération Béziers Méditerranée à leur payer une somme de 2.500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elles soutiennent : - que le groupement qu'elles avaient constitué s'est porté régulièrement candidat et a déposé une offre pour l'attribution de ces contrats ; - qu'après avoir participé à une réunion le 30 mai 2016 pour le lot n° 1, elles ont été invitées à transmettre des précisions et compléments avant le 7 juin 2016 à 18H00 ; 2N° 1603975 - que, bien qu'elles aient fait parvenir les éléments demandés le 7 juin 2016 à 17H18, la communauté d'agglomération Béziers Méditerranée n'a pas analysé leur offre ainsi complétée, de sorte que la décision, prise le 6 juin 2016, de ne pas poursuivre la négociation avec le groupement a vicié la procédure de négociation ; - que la procédure d'attribution du lot n° 2 est entachée du même vice puisque, après une réunion qui a eu lieu le 27 mai 2016, elles ont été invitées à transmettre des précisions et compléments avant le 4 juin 2016 à 18H00, ce qu'elles ont fait dès le 4 juin à 16h03, avant d'apprendre que, dès le 6 juin 2016, la communauté d'agglomération Béziers Méditerranée avait choisi les candidats avec lesquels se poursuivrait la négociation alors qu'il ne lui était matériellement pas possible, étant donné la brièveté du délai, d'avoir pris connaissance de leurs offres dans leur dernier état ; - que ces manquements les ont nécessairement lésées, puisque le groupement constitué entre elles n'a pas été mis à même d'optimiser ses offres, notamment sur le plan financier, au cours de la deuxième phase des négociations. Par un mémoire en défense enregistré le 10 août 2016, la communauté d'agglomération Béziers Méditerranée, représentée par Me Peru, avocat, conclut au rejet de la requête et à la condamnation des sociétés requérantes à lui payer une somme de 3.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; Elle fait valoir : - que les négociations ont été engagées, dans le strict respect des principes d'égalité et de confidentialité, avec les candidats qui avaient déposé et maintenu leur offre ; - que les candidats ont été conviés à une réunion de négociation qui s'est tenue le 27 mai 2016 pour le lot n° 2 et le 30 mai pour le lot n° 1 , au cours de laquelle ils ont, chacun, disposé de trente minutes pour présenter leur offre, et d'un échange de 30 minutes ; qu'à l'issue de cette réunion, il leur a été demandé d'adresser tous compléments utiles pour les 4 et 7 juin 2016, accompagnés d'une réponse aux différentes questions posées lors de la réunion ; - qu'après avoir reçu les informations demandées de tous les candidats, il est apparu que les offres présentées par les candidats Suez-Lyonnaise des Eaux et Véolia étaient celles qui répondaient le mieux aux critères d'appréciation des offres ; que la négociation financière ne s'est donc poursuivie qu'avec ces deux candidats ; - que, contrairement à ce qui est soutenu, il n'y avait aucune obligation de négocier avec tous les candidats, l'administration ayant la faculté, sous réserve qu'il n'en soit disposé autrement par le règlement de la consultation, de choisir librement parmi les candidats admis à présenter une offre, ceux avec lesquels elle entend négocier ; qu'en l'espèce, le règlement de la consultation ne comporte aucune précision quant aux modalités de négociation ; - que la personne publique n'a pas l'obligation de communiquer aux candidats admis à négocier les règles de la négociation et, en particulier, un calendrier des différents phases de négociation, et pas davantage celle de faire connaître à l'un des candidats son choix de ne pas poursuivre les négociations avec lui. 3N° 1603975 Par deux mémoires enregistrés le 11 août 2016 et le 16 août 2016, la société Lyonnaise des Eaux, représentée par le cabinet d'avocats Richer & associés, conclut au rejet de la requête et à la condamnation des sociétés SCAM TP et FCC Aqualia à lui payer une somme de 3.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir : - que le groupement constitué entre les sociétés requérantes, simplement invité à une réunion de présentation de ses offres, n'a jamais été admis à négocier ; - qu'aucun principe n'impose à une collectivité publique d'engager une négociation avec tous les candidats ; qu'en choisissant de ne pas négocier avec le groupement sans lui notifier de décision formelle, la communauté d'agglomération Béziers Méditerranée n'a enfreint aucune règle ; - que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l'administration a, en l'espèce, examiné les offres au regard des critères énoncés dans le règlement de la consultation, la circonstance qu'elle a fait connaître à deux candidats, dès le 6 juin, qu'elle poursuivrait les négociations avec eux ne pouvant être interprétée comme la manifestation de sa volonté d'évincer le groupement SCAM TP – FCC Aqualia de la négociation sans avoir pris connaissance de ses offres. Vu : - les autres pièces du dossier ; Vu : - l'ordonnance n° 1603657 du 29 juillet 2016 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, refusé d'admettre l'intervention de la société SCAM TP à l'instance et, d'autre part, rejeté la requête en référé précontractuel formée par la société SAUR à l'encontre de la procédure d'attribution de la délégation de service public litigieuse. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience ; Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de M. Alfonsi, juge des référés, - les observations de Me de Gerando pour les sociétés SCAM TP et FCC Aqualia, - les observations de Me Delarue pour la communauté d'agglomération Béziers Méditerranée, - et les observations de Me Colombet pour la société Lyonnaise des Eaux. 4N° 1603975 1. Considérant qu’aux termes de l’article L.551-1 du code de justice administrative : "Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public. // Le juge est saisi avant la conclusion du contrat." ; 2. Considérant que par leur requête susvisée, les sociétés SCAM TP et FCC Aqualia demandent l'annulation de la procédure de passation des contrats de délégation de service public par affermage pour l'exploitation et l'entretien des ouvrages de collecte, de transport et traitements des eaux usées et résidus d'épuration (lots n° 1 et n° 2) organisée par la communauté d'agglomération Béziers Méditerranée, dont le groupement SUEZ – Lyonnaise des Eaux a été déclaré attributaire ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article L.1411-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable à la procédure litigieuse : "Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service (…) // Les délégations de service public des personnes morales de droit public relevant du présent code sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat (…) // La commission mentionnée à l'article L. 1411-5 dresse la liste des candidats admis à présenter une offre (…) // Les offres ainsi présentées sont librement négociées par l'autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme de ces négociations, choisit le délégataire." ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L.1411-5 du même code : "Au vu de l'avis de la commission, l'autorité habilitée à signer la convention engage librement toute discussion utile avec une ou des entreprises ayant présenté une offre (…)" ; 4. Considérant qu'en l'absence de toute disposition contraignante relative aux modalités de négociation prévue par le règlement de la consultation, le président de la communauté d'agglomération Béziers Méditerranée avait la faculté, ainsi qu'il l'a fait dès le 6 juin 2016, de faire connaître à deux des candidats dont il avait déjà reçu les propositions complétées après les réunions de présentation des offres qui se sont tenues le 27 mai 2016 pour le lot n° 1 et le 30 mai 2016 pour le lot n° 2, que les négociations se poursuivraient avec eux pour chacun des deux lots, sans qu'une telle circonstance puisse être interprétée comme manifestant nécessairement sa volonté d'évincer les autres candidats de la négociation avant l'expiration du délai qui leur avait été imparti pour apporter les précisions qu'il leur avait demandé de fournir avant le 4 juin à 18H00 pour le lot n° 1 et avant le 7 juin 2016 à 18H00 pour le lot n° 2 ; qu'ainsi, les sociétés requérantes, qui affirment qu'elles ont été évincées de la négociation sans que les précisions apportées au soutien de leurs offres eussent été examinées en se fondant sur la seule circonstance susmentionnée, ne sont pas fondées à soutenir que le refus de poursuivre les négociations avec elles a été la conséquence d'une rupture, à leur détriment, du principe d'égalité de traitement des candidats à la consultation en ce que, sans qu'elles en aient été averties, le délai qui leur avait été imparti pour apporter les compléments et précisions relatifs à leurs offres a été réduit par rapport à celui dont ont bénéficié les autres concurrents ; ' 5N° 1603975 5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête susvisée des sociétés SCAM TP et FCC Aqualia doit être rejetée ; 6N° 1603975 Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative : 6. Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la communauté d'agglomération Béziers Méditerranée, qui n'est pas partie perdante, soit condamnée à rembourser aux sociétés requérante les frais, non compris dans les dépens, qu'elles ont exposés à l'occasion de la présente instance ; 7. Considérant qu'il y a lieu, en revanche, de condamner les sociétés SCAM TP et FCC Aqualia à payer, à la communauté d'agglomération Béziers Méditerranée et à la société Lyonnaise des Eaux une somme de 1.200 euros chacune au titre de ces mêmes dispositions ; ORDONNE Article 1er : La requête susvisée des sociétés SCAM TP et FCC Aqualia est rejetée. Article 2 : Les sociétés SCAM TP et FCC Aqualia paieront à la communauté d'agglomération Béziers Méditerranée et à la société Lyonnaise des Eaux une somme de 1.200 euros chacune au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée aux sociétés SCAM TP et FCC Aqualia, à la communauté d'agglomération Béziers Méditerranée et à la société Lyonnaise des Eaux. Fait à Montpellier, le 16 août 2016. Le juge des référés, Le greffier en chef, SIGNE SIGNE J.-F. ALFONSI P. LALLOUE La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Montpellier, le 16 août 2016. Le greffier en chef, P. LALLOUE