Frégate Aquitaine : Brest n`a pas que des sous

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Frégate Aquitaine : Brest n`a pas que des sous
Brest
Ouest-France
Mercredi 28 novembre 2012
Frégate Aquitaine : Brest n’a pas que des sous-marins
C’est un coup de neuf pour la flotte de surface.
Son challenge : tourner avec un équipage divisé par deux ou trois.
Reportage
Gare aux candidats romantiques qui
rêveraient de voir la mer ! La frégate
européenne multimissions (Fremm)
Aquitaine ressemble à un coffre-fort.
Fin, racé, élancé, certes. Mais pour la
vue sur mer, c’est grillé. Les seules
ouvertures sont à la passerelle (très
larges d’ailleurs). Et le privilège du
commandant s’appelle « hublot ».
9 h mardi au large de Lorient. L’hélicoptère Caïman vient de déposer
une escouade de journalistes venus
découvrir le dernier bijou de la Marine, livré la semaine dernière par
DCNS. La mer ? « Je m’efforce d’aller sentir le vent une fois par jour »,
témoigne Josselin Detrieu. Mais ce
responsable du central opérations
(CO) a plutôt le nez dans le guidon.
Le CO, c’est le centre névralgique
de ce bâtiment de combat. La salle,
bardée d’écrans, regroupe toutes les
communications stratégiques, les
ordres de tirs de missiles ou de torpilles, les opérations d’écoute sonar
pour détecter un sous-marin, la surveillance aérienne…
Les capteurs sont rois
9 h 30. Des pompiers tirent des
tuyaux. Exercice incendie en « Juliette 0011 », crache la diffusion sonore qui peut avoir des accents poétiques. Encore un. Répéter, répéter,
pour trouver ses marques sur un
bâtiment de 140 mètres. Les marins
n’y sont plus que 94 à la manœuvre,
contre 250 sur les actuelles frégates
anti sous-marines.
L’équipage réduit, c’est le fil rouge
pour atteindre les économies budgétaires. Le challenge. Les automatismes sont rois et les capteurs de
température ou pression se comptent par centaines. Les hommes (et
les sept femmes) leur doivent une entière confiance. La passerelle peut se
contenter de deux ou trois personnes
à la navigation, là où il en fallait six.
Les caméras surveillent
Dix suffisent au soutien (administration, approvisionnements, cuisine…),
là où on en compte encore 30 sur
les frégates De Grasse ou Georges
Leygues. Finies les rondes permanentes en machine. Des caméras
surveillent quelques points névralgiques. Sur la Jeanne d’Arc, la mécanique à vapeur avait besoin de dizaines de personnes de quart, dans
la chaleur étouffante de la « mine » !
Deux ou trois générations la séparent
de l’Aquitaine. Son désarmement ne
remonte pourtant qu’à deux ans.
Ici, au PC navire, deux hommes
de veille ont une vue sur l’ensemble
de la propulsion, de la production
d’énergie et du dispositif de sécurité.
Les brevets de maîtrise bac + 3 sont
plus nombreux que les simples matelots.
En machine se cache « une pièce d’orfèvre »
Des écrans, partout des écrans.
Tout a son double ou même son triple
pour parer à une attaque ou à une avarie : hélices, moteurs, commandes…
Mais pas les hommes. Un équipage
aussi réduit, « ça marche en théorie », explique la commissaire Peggy Mac Gregor. Reste à valider cela
sur le long terme, en partant loin, plusieurs mois. Ce sera le cas en 2013,
en Méditerranée d’abord, puis au
Brésil et au Canada.
Et la flotte renaît
L’entrée au service actif est prévue
au « deuxième semestre 2013 », selon le commandant Rouvière. Assis
sur un beau canapé rouge, « il est à
nous », se réjouit celui qui porte le
sigle A + sur le cœur. Ce n’est pas
un au revoir amical mais son groupe
sanguin. Il est à bord depuis plus de
deux ans pour les tests de cette tête
de série qui va donner un sacré coup
de jeune à la flotte de surface basée
à Brest. Cinq Fremm remplaceront
d’ici 2023 les cinq frégates actuelles,
dont la conception remonte aux années 1970.
Depuis 20 ans, la plupart des
grands bâtiments ont déserté le quai
des Flottilles pendant que Toulon
voyait des formes modernes peupler son port : porte avions Charles
de Gaulle, BPC Tonnerre, Mistral et
Dixmude, frégates de défense aérienne… « La Méditerranée était plus
«
Hier au large de Lorient, la frégate Aquitaine poursuivait ses essais. Elle rejoindra Brest, son nouveau port d’attache
mi-décembre.
proche de l’arc de crise », justifie Xavier Magne, commandant de la Force
d’action navale (tous les bâtiments
de surface). L’amiral reconnaît « un
siphonage doux ». Mais il ajoute :
« Il restera toujours quelque chose
«
Pour la discrétion acoustique, « tous les ensembles sont montés sur des plots
élastiques ».
Deux questions à…
Fabrice Quénéhervé,
commandant adjoint de l’Aquitaine.
Comment peut-on propulser
6 000 tonnes sur l’eau,
à 50 km/h ?
Grâce à une masse de 420 tonnes :
l’appareil propulsif. Jusqu’à 17
nœuds (30 km/h), deux moteurs
électriques sont alimentés par quatre
alternateurs, produisant de l’électricité à 6 600 volts à partir de gasoil.
Au-delà de 17 nœuds, c’est une turbine à gaz qui prend le relais. C’est
du matériel aéronautique navalisé.
Le flux de gaz d’échappement entraîne une roue, puis un ensemble
réducteur, qui à lui seul active les
deux lignes d’arbre. C’est une pièce
d’orfèvre, un bijou de technologie.
L’intérêt d’avoir une seule turbine,
c’est de limiter la consommation de
carburant et la charge de maintenance.
Et en cas de pépin grave ?
On peut perdre toute la partie arrière et ramener la frégate à bon port.
Grâce au propulseur azimutal. Télescopique, à l’avant, c’est une tuyère
avec une hélice à l’intérieur, que l’on
peut descendre sous la coque. Il peut
s’orienter à 360 °C et propulser le bateau à 7 nœuds. C’est aussi un outil de manœuvre portuaire. On n’avait
cela sur aucune frégate encore.
«
Benoît Rouvière,
commandant de l’Aquitaine.
Ce bateau, c’est un sous-marin de surface
»
.
Un collègue journaliste
En cuisine, quelqu’un s’est cassé la main hier.
Du coup, la boulangère est passée en cuisine.
Et aujourd’hui, nous avons du pain surgelé .
»
En cuisine.
«
l’instant ? « Cela va se régler dans le
temps », dit-il optimiste. La maritimisation est en vogue. La Marine veut
y croire.
Sébastien PANOU.
Repères
On conduit ce bateau très à distance. C’est
vraiment de la surveillance. Mais il ne peut pas
y avoir de maillon faible. À 94 ça marche.
À 93, il y a des soucis .
»
ici pour soutenir la Fost » (sous marins nucléaires). « Aujourd’hui, c’est
la renaissance de la flotte de lutte
anti sous-marine. Demain, ce sera
celle de la guerre des mines ». Et les
cinq avisos, sans successeurs pour
Ces dernières années, on est passé
de 28 frégates de premier rang à 18.
La Marine a souffert dans son ensemble.
Il n’y a pas que Brest .
»
Xavier Magne,
commandant de la Force d’action navale.
Chien de garde des sous-marins
nucléaires
La première vocation des Fremm est
la protection et le soutien des quatre
sous-marins nucléaires lanceurs
d’engins (SNLE) français. Elles peuvent aussi participer à la garde rapprochée des unités de grande valeur
comme le porte-avions ou les bâtiments de projection et de commandement (BPC).
Très armé
L’Aquitaine est dotée de missiles
Exocet pour les cibles navales, de
torpilles MU90 contre les sous-marins, d’un canon de 76 mm, de missiles Aster anti aériens. En 2014, elle
sera dotée de missiles de croisière
naval (MDCN) pour frapper des cibles à l’intérieur des terres.
6000 tonnes furtives
La motorisation silencieuse joue en
faveur de la discrétion. Les échappements sortent refroidis au niveau de
la ligne de flottaison. Cela ce traduit
par de la vapeur d’eau. Tous les angles et les ouvertures ont été réduits.
La signature radar de l’Aquitaine serait ainsi comparable à celle d’un chalutier ! Contre les mines magnétiques
et torpilles, un système compense en
permanence la magnétisation de la
coque en acier alors qu’elle évolue
en se déplaçant dans le champ magnétique terrestre.
7 milliards
C’est en euros le budget du
programme Fremm. Il prévoit
la livraison de onze frégates à
la Marine nationale d’ici 2022 (cinq à Brest et six à Toulon). En
2005, ce programme en prévoyait dix-sept pour la France et dix
pour l’Italie. Il a été revu à la baisse en 2009, mais avec un coût
à l’unité (630 millions d’euros) bien supérieur à ce qui était envisagé au départ. Le chantier de l’Aquitaine avait débuté en 2007
à Lorient.
Frégate européenne multi-missions
Longueur : 142 m
État major
Déplacement : 6 000 tonnes
Équipage : 94 personnes
+ 14 personnes pour le groupe hélicoptère
Torpilles MU90
Missiles Exocet
Bu
Bureau
du commandant
Passerelle
(navigation)
Missiles Aster
et MDCN (en 2014)
Poste de commandement
des machines
Canon de 76 mm
Hélicoptère Caïman
Sonar remorqué
Sonar de coque
Salle à manger de l'équipage
Source : Marine nationale
Postes d'équipage
Salle des machines
Canot rapide
pide des commandos
Ouest-France
Central opérations
(direction de lutte anti sous-marine)