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Dimanche 15 Février 2009
Leïla HAMRAT, pasteur de l’Eglise réformée de France à Paris-Batignolles.
Avec la participation de Bernard ROTHE pour les lectures, Dorothée
MUNYANEZA pour les chants et Benoît TOURETTE pour l’accompagnement
au piano.
Jacob au gué du Yabboq
Genèse chapitre 32
Musique : Piano - Prélude en do majeur de J.S Bach - BWV 848.
Accueil/Salutation :
LH : Dans le bruit on ne peut se recueillir
Et le bruit le plus nuisible n’est pas le vacarme extérieur
Aussi éprouvant soit-il
Mais le tumulte intérieur
Celui que sans cesse nous fabriquons
Dans nos têtes et nos cœurs
Que nous entretenons ainsi qu’un mauvais feu
Qui fume sans produire ni lumière ni chaleur
Le culte est un temps de recueillement
De patience et de silence
Voici le culte qui fait renaître en nous
Le désir et l'attente,
Voici ce temps où Dieu nous précède,
Où Il nous invite au calme et à l'écoute.
Voici le culte où la Parole de Dieu ouvre à nouveau
Un espace dans notre vie,
Pour nous reposer de tous les jugements, les soucis et les devoirs
Pour accueillir et pour donner
Un espace qui nous redit que le sens de notre vie est entre les mains de Dieu.
Chant : Dorothée Munyaneza. Mwuka Wela : Saint esprit sois au milieu de nous.
Louange :
LH : Seigneur, je te rends grâce pour ta délicatesse
Pour ton amour sans tapage
Tu es toujours présent sans être pesant.
Je te rends grâce pour tous les bienfaits
Que tu dispenses dans ta tendresse discrète.
Je te rends grâce pour les choses simples de la vie
La rosée du matin et la paix du soir
La lumière et le silence
L’eau et le pain pour la route
Le sourire et la main tendue.
Je te rends grâce
A toi qui as tout offert gratuitement
A toi qui t’es donné, livré sans condition.
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Seigneur, je te rends grâce pour le souffle qui m’anime
Il me serait si difficile de vivre sans respirer
Qu’ainsi ta grâce soit ma respiration quotidienne
Et mon élan vers toi et vers les autres.
Lecture biblique :
BR : Le texte de la Bible qui peut devenir Parole de Dieu pour nous en ce jour est extrait du livre de la
Genèse au chapitre 32 :
« Jacob envoya devant lui des messagers à Ésaü, son frère, au pays de Séir, dans le territoire d'Édom.
Les messagers revinrent auprès de Jacob, en disant : Nous sommes allés vers ton frère; et il marche à ta rencontre,
avec quatre cents hommes. Jacob fut saisi d'angoisse.
Il dit : Dieu de mon père Abraham, Dieu de mon père Isaac, Éternel, qui m'as dit : Retourne dans ton pays et
dans ton lieu de naissance, et je te ferai du bien !
Délivre-moi, je te prie, de la main de mon frère car je crains qu'il ne vienne, et qu'il ne me frappe, avec la mère et
les enfants.
C'est dans ce lieu-là que Jacob passa la nuit.
Il prit de ce qu'il avait sous la main, le donna à ses serviteurs invités à le devancer. Car il se disait: Je l'apaiserai
par ce présent qui va devant moi ; ensuite je le verrai en face, et peut-être m'accueillera-t-il favorablement.
Jacob demeura seul. Alors un homme lutta avec lui jusqu'au lever de l'aurore.
Voyant qu'il ne pouvait le vaincre, cet homme le frappa à l'emboîture de la hanche.
Il dit : Laisse-moi aller, car l'aurore se lève. Et Jacob répondit: Je ne te laisserai point aller, que tu ne m'aies béni.
Il lui dit: Quel est ton nom ? Et il répondit: Jacob. Il dit encore: ton nom ne sera plus Jacob, mais tu seras appelé
Israël ; car tu as lutté avec Dieu et avec des hommes, et tu as été vainqueur.
Jacob l'interrogea, en disant : Fais-moi je te prie, connaître ton nom. Il répondit : Pourquoi demandes-tu mon
nom ? Et il le bénit là. Jacob appela ce lieu du nom de Peniel : car, dit-il, j’ai vu Dieu face à face, et mon âme a été
sauvée. Le soleil se levait, lorsqu’il passa Peniel. Jacob boitait de la hanche… »
Musique : Piano : J. Brahms Intermezzo Opus 119 n° 3.
BR : Que s’est-il passé dans l’ombre nocturne, en ce lieu sinistre, près du torrent qui roule sur les pierres ?
Quel est le sens de cette lutte acharnée qui s’achève par une bénédiction ?
Et qui est cet adversaire qui soudain assaille Jacob ?
Toute cette nuit est énigmatique.
LH : Ce récit qui a inspiré nombre d’œuvres picturales et littéraires passe pour l’un des plus mystérieux de la
Bible. On est obligé de lutter pour approcher ce texte.
Il faut carrément l’empoigner pour tenter d’y comprendre quelque chose.
Parce que ce texte nous résiste, peut-être pouvons-nous justement y puiser une force, une promesse, une
bénédiction…
L’histoire de Jacob est finalement simple. C’est un aller-retour à la case départ.
A l’aller il ruse, s’enrichit et s’enfuit loin d’Esaü chez Laban.
Au retour, il ruse à nouveau, s’enrichit et s’enfuit loin de Laban à la rencontre d’Esaü.
A deux reprises, Jacob a dû partir.
Mais à la différence de son grand-père Abraham, sa mise en route n’est pas motivée par un appel, une vocation
mais par une fuite.
BR : Peut-on fuir indéfiniment ?
Ne vient-il pas un jour où nous sommes rattrapés par ce que nous cherchons à contourner, ce qui nous contrarie,
nous dérange et que nous évitons.
Ne vient-il pas un jour où nous sommes au pied du mur ou au milieu du gué et où il nous est impossible
d’avancer ou de reculer sans que quelque chose ne change ?
Ne vient-il pas un jour où nous avons rendez-vous au gué du Yabboq ?
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LH : Voyez-vous c’est ce qui arrive à Jacob.
Toute sa vie a suivi un trajet méandreux.
Il a trompé son vieux père, floué son frère…
A son tour il a été abusé par son oncle et beau-père jusqu’au jour où enrichi, auprès ou sur le dos de celui-ci, il
s’enfuit, est rattrapé puis négocie un départ à l’amiable.
Et nous le retrouvons en chemin vers le pays qui l’a vu naître.
Ce retour sur le lieu de sa jeunesse ne peut se faire dans l’évitement de la rencontre avec le frère fui vingt ans
plus tôt.
Frère animé de ressentiment et d’hostilité qui s’avance accompagné de quatre cents hommes.
Frère au-devant duquel il envoie des émissaires chargés de présents et de messages bienveillants destinés à
renouer les liens de la fraternité malmenée.
Mais avant de faire front à Esaü, un autre face à face lui est imposé. Comme une espèce de répétition générale.
Jacob vient de faire traverser le torrent à toute sa famille.
Il reste seul.
Seul face à Dieu dans cette nuit dangereuse où il va devenir Israël.
Où il va entrer dans une sorte d’épaisseur historique qui caractérise l’existence d’Abraham et d’Isaac.
Il reste seul.
Il faut entendre ce mot dans sa double signification. Solitaire mais aussi unique.
En face de Dieu nous sommes seuls.
Personne ne peut décider à notre place. Et nous ne sommes pas interchangeables.
BR : Rencontre solitaire mais aussi rencontre-affrontement.
L’affrontement sent la sueur et l’effort.
Pourquoi cette lutte et avec qui ?
LH : Tout d’abord, quelques précisions sur le lieu où se déroule l’affrontement.
Le Yabboq est un affluent du Jourdain, à l’est de Canaan. C’est un passage obligé pour pénétrer en terre
promise.
Dans la Bible, les fleuves, les rivières constituent toujours des frontières critiques.
Le Yabboq a cette même fonction de frontière.
Traverser le Yabboq pour rejoindre la Terre promise c’est se rapprocher de Dieu, de sa promesse.
Le lieu est appelé peny’el : littéralement « Tourne-toi vers Dieu ».
Ce rapprochement, ce face à face avec Dieu ne peut avoir lieu que si l’on se tient en vérité devant lui, c’est-àdire dans une identité désaliénée du poids du passé, une identité délivrée de la prétention à l’autosuffisance.
Car voyez-vous le problème de Jacob est que toute sa vie il s’est épuisé à revendiquer le droit d’exister par ses
propres efforts.
En cette nuit noire, il doit affronter la face obscure, la face souterraine de sa vie, cette identité d’emprunt qu’il
s’est fabriquée en croyant pouvoir vivre d’une bénédiction volée.
Il ne lui est pas facile de prendre congé du vieil homme, de son passé de tours et de détours qui l’a tenu éloigné
des siens et de Dieu.
Le terme employé pour parler de cette lutte est un mot hébreu dérivé du mot poussière.
On devrait traduire : ils se roulèrent dans la poussière.
Qu’est-ce se rouler dans la poussière sinon s’attaquer au problème, le saisir à bras le corps ?
Pour la première fois, au lieu de tricher et de fuir, Jacob se fait lutteur, c’est-à-dire qu’il accepte de ne plus
mentir, de ne plus se mentir à lui-même.
Car mentir ou se mentir à soi-même c’est la même chose.
Car à force de faire croire aux autres des vérités qui n’en sont pas, on ne peut plus discerner sa propre vérité.
Cette lutte corps à corps visualise en quelque sorte ce dur travail intérieur, cette descente dans la partie cryptique
de la personne.
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Cette nuit Jacob veut être vraiment lui-même. Il se bat contre tout ce qui, en lui, résiste, se cabre.
La récompense de ce travail de vérité avec soi-même est une théophanie.
Dans cette étreinte redoutable, Dieu lui est révélé.
« J’ai lutté avec un homme, et j’ai vu Dieu face à face ».
On ne voit guère Dieu face à face dans la Bible. C’est impossible. On en meurt.
Soucieuse de préserver la transcendance de Dieu, la tradition exégétique juive traduira : j’ai vu un ange de Dieu
face à face.
BR : Il est troublant d’imaginer qu’on puisse approcher la présence de Dieu sous la figure d’un adversaire.
Il est encore plus troublant d’imaginer que dans ce combat Dieu semble lui demander grâce : laisse-moi partir
dit l’adversaire au petit matin.
Et que Jacob pose comme condition : être béni.
Rien de tout cela ne correspond à l’idée que l’on se fait de Dieu.
LH : L’enjeu du combat : toujours cette fameuse bénédiction.
La première fois, Jacob l’a acquise par la tromperie.
Il s’est en quelque sorte béni lui-même. Mais cette bénédiction a été sans effet.
On voit très bien ce qui a cloché.
BR : Mais comment comprendre maintenant cette idée d’une bénédiction qui s’obtient par un combat ?
LH : Et bien tout simplement par le fait que la bénédiction de Dieu n’est pas un bien extérieur qu’on se transmet
de père en fils.
Celle-ci ne peut advenir que lorsque l’on se laisse toucher au plus enfoui de soi-même, que lorsqu’on s’investit
corps et âme.
La bénédiction va de pair avec la recherche intime de Dieu.
La bagarre avec l’ange – le messager, le porte-parole de Dieu – illustre de manière métaphorique la lutte avec la
Parole de Dieu. Cette parole que nous cherchons à apprivoiser mais qui nous résiste, nous bouscule, nous
déporte.
On ne sort pas indemne d’un contact approfondi avec Dieu, sa Parole.
Jacob boîte.
On peut voir une double signification à cette claudication :
-L’intimité du corps à corps a révélé la boiterie du cœur ;
-Son corps a imprimé la trace de Dieu dans sa vie. Il restera déboité.
BR : S’il est entamé, diminué physiquement il n’en demeure pas moins reconnu et élevé spirituellement.
LH : Reconnaissance certifiée dans le nom programmatique qu’il reçoit, un nom distinctif qui est symbole de
conversion.
Jacob, le trompeur, le supplanteur, le tortueux est nommé Israël.
Nom qui signifie : « En toi Dieu combattra » (Gen 32.28-30).
Ce nom dévoile le sens et l’enjeu de la lutte.
Il ne s’agit plus de combattre avec ses propres forces et par des moyens discutables mais d’être réceptif et de
laisser Dieu combattre pour toi, avec toi et en toi.
BR : Dans cette empoignade Jacob a affronté la tendresse de Dieu qui sauve et pardonne.
LH : Ce fut vital, fondamental pour que Jacob en sorte avec une identité, un autre nom, une vocation et surtout
pour qu’il puisse retrouver son frère dans une fraternité réparée.
Ce gué du Yabbok a les allures d’une expérience pascale, d’un rite de passage…
Le passage de la nuit au lever du jour, le passage de l’obscurité à la lumière. Une traversée de la mort vers la
vie.
Au petit matin, se tenant dans la lumière du jour nouveau, Jacob est enfin prêt à rencontrer son frère dans la
lumière de l’amour de Dieu et dans la lumière d’une identité sans ombre, sans travestissement, sans arrière-
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pensée.
Il franchit le Yabbok et cette fois-ci au lieu d’envoyer ses femmes et ses troupeaux comme pare-chocs, il
s’avance, lui le premier, à découvert et à cœur ouvert, prêt à affronter la fureur éventuelle de son frère.
La suite de l‘histoire nous la connaissons : les deux frères tombent dans les bras l’un de l’autre.
Et Jacob-Israël deviendra le père et le conducteur du peuple de Dieu.
La bénédiction reçue, fruit d’une recherche intime de Dieu ne peut s’épanouir que si elle est partagée.
Si elle débouche sur une action concrète au service de nos semblables.
La parole qui a saisi Jacob dans la nuit est aussi celle qui le lie aux autres.
Voilà pour le côté altruiste de toute bénédiction qui n’est pas seulement un bien pour soi mais aussi un bien pour
les autres.
Après sa conversion, Jacob-Israël devient témoin.
Le lieu initialement nommé par lui Peny’el : tourne-toi vers Dieu est nommé Penu’el : tournez-vous vers Dieu…
Comme s’il invitait les siens à entrer dans sa démarche.
Oui chacun d’entre nous a rendez-vous un jour au gué du Yabbok.
Le combat peut parfois durer toute une vie.
BR : Quelle patience pour conquérir un cœur d’homme dans l’intimité d’une lutte à bras le corps qui dure aussi
longtemps que notre nuit.
LH : Il est difficile de maîtriser tout ce qui, en nous, se défend contre Dieu.
Souvent nous refusons de regarder nos vies en face.
Nous refusons d’abandonner nos vies.
Chacun d’entre nous a rendez-vous un jour au gué du Yabbok.
BR : Peut-être et c’est ce que nous apprend ce récit, l’aurore ne se lève sur nos vies que lorsque nous
comprenons que dans cette rencontre, Dieu ne cherche pas à nous vaincre mais à nous convaincre.
Chant : Dorothée Munyaneza. Turirimbe. : Chantons, dansons, louons le Seigneur.
Prière : (antiphonée, par Leila Hamrat et Bernard Rothé)
Notre Père qui es aux cieux
Toi qui nous donnes aujourd’hui notre pain
Tourne nos regards et nos cœurs
Vers ceux qui, dans le monde, n’ont ni pain, ni maison
Ni justice, ni espoir.
Pardonne-nous notre volonté insatiable
De ne manquer de rien
Alors que tant d’êtres humains n’ont pas le nécessaire.
Aide-nous à vivre simplement,
A dominer nos besoins factices et nos dépenses exagérées
Pour pouvoir partager et aimer davantage ;
Ainsi nous serons sœurs et frères
Nous œuvrerons avec toi
Pour que ton Règne vienne dans le monde
Pour que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Nous te prions pour ceux qui ont perdu l’espoir
Pour ceux que décourage la dureté des humains
Que, pour eux, le mal ne soit pas plus fort que le bien
Mais qu’ils gardent un cœur ouvert
Qui sache attendre et espérer ;
Que ton Eglise jalonne la route des hommes et des femmes
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De gestes qui donnent une authentique espérance ;
Que notre vie personnelle soit un signe concret d’espoir
Aux yeux de tous et surtout
Aux yeux des plus humbles et des plus humiliés
Aujourd’hui
Tu mets ton nom dans notre bouche
Ton œuvre est dans nos mains
Fais de nous
Des germes de paix et d’espérance pour le monde.
Bénédiction :
LH : Que chacun de vous trouve
A travers les mots anciens de la Bible
La bénédiction particulière que Dieu lui adresse aujourd’hui.
Le Seigneur vous bénit et vous garde.
Le Seigneur fait resplendir sur vous sa lumière
Et vous accorde sa grâce.
Le Seigneur tourne sa face vers vous et vous donne la paix.
Bon dimanche et bonne semaine.
Musique : Piano - S. Heller Prélude opus 81 n° 12.
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