Chimiothérapie préventive de la tuberculose chez les sujets infectés

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Chimiothérapie préventive de la tuberculose chez les sujets infectés
INT J TUBERC LUNG DIS 3 (8): 646-650
© 1999 IUATLD
ARTICLE DE SYNTHESE
Chimiothérapie préventive de la tuberculose chez les sujets
infectés par le VIH : problèmes de faisabilité dans les pays en
développement
M.P. Hawken,* D.W. Muhindi†
*Centre for Respiratory Disease Research, Kenya Medical Research Institute and Department of Infectious
†
&Tropical Diseases, London School of Hygiene & Tropical Medicine, London, UK ; Department of Medicine,
University of Nairobi, Nairobi, Kenya.
_______________________________________________________________________RESUME
Plusieurs essais randomisés donnent aujourd'hui des preuves marquées de l'efficacité de la chimiothérapie
préventive dans la prévention de la tuberculose chez les sujets positifs au test tuberculinique et infectés par le
virus de l’immunodéficience humaine (VIH). L'Organisation Mondiale de la Santé et l'Union Internationale
contre la Tuberculose et les Maladies Respiratoires recommandent une chimiothérapie préventive pour les sujets
tuberculino-positifs et infectés par le VIH sans tuberculose active. Alors que la mise en œuvre de la thérapie
préventive est possible dans les pays développés car elle est accessible financièrement et car l'infrastructure de
dépistage, de traitement et de monitoring des patients est en place sur une base régulière, son application dans
les pays en développement cause différents problèmes. Des questions de faisabilité comme l'identification de
grands nombres de sujets infectés par le VIH, l'exclusion d'une tuberculose active, l'identification des sujets les
plus susceptibles d'en bénéficier, la supervision de la thérapie préventive et le suivi des réactions collatérales aux
médicaments doivent être résolus avant qu'une chimiothérapie préventive de la tuberculose puisse être
introduite sur une large échelle dans les pays en développement. Les sites possibles pour la mise en œuvre d'un
service de thérapie préventive de la tuberculose incluent les centres pour les tests volontaires et les conseils en
matière de VIH ainsi que les cliniques de médecine du travail pour le personnel militaire, le personnel des
hôpitaux ou les ouvriers des fabriques. Des études de faisabilité doivent être conduites pour répondre à ces
problèmes dans les pays en développement.
MOTS CLEFS : chimiothérapie préventive de la tuberculose ; isoniazide ; VIH ; pays en développement
LA CHIMIOTHERAPIE PREVENTIVE de la
tuberculose (TB) consiste à traiter des sujets
asymptomatiques infectés par Mycobacterium
tuberculosis en vue de prévenir le développement
d'une maladie active. L'Organisation Mondiale de
la Santé (OMS) et l'Union Internationale contre la
Tuberculose et les Maladies Respiratoires
(UICTMR) recommandent la chimiothérapie
préventive de la TB pour les sujets tuberculinopositifs infectés par le virus de l’immunodéficience
humaine (VIH) et qui ne souffrent pas de TB
active.1,2 Dans cet article, nous passons en revue
les justifications et les preuves d'efficacité de la
chimiothérapie préventive de la TB et nous
discutons les problèmes particuliers que pose son
application dans les pays en développement.
JUSTIFICATIONS DE LA CHIMIOTHERAPIE
PREVENTIVE DE LA TUBERCULOSE
La justification de l'utilisation d'un ou plusieurs
médicaments antituberculeux comme thérapie
préventive réside dans le fait qu'elle réduit la petite
population de bacilles dormants dans l'organisme à
des niveaux tels que le risque de réactivation de
cette infection latente est réduit de manière
significative.3 Pendant la période de traitement, la
chimiothérapie préventive peut en outre éviter
l'établissement d'une infection latente, mais une
fois que la chimiothérapie préventive est
interrompue, cet effet est suspendu.
Auteur pour correspondance : Dr Mark Hawken, Department of Infectious and Tropical Diseases, London School of
Hygiene & Tropical Medicine, Keppel Street, London WC1E 7HT, UK. Fax: (+44) 171 637 4314.
[Traduction de l'article "Tuberculosis preventive therapy in HIV-infected persons: feasibility issues in developing
countries." Int J Tuberc Lung Dis 1999; 3 (8): 646-650.]
2
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
LA CHIMIOTHERAPIE PREVENTIVE DE LA
TUBERCULOSE AVANT L'ERE DU VIH
Peu après qu'en 1952 l'isoniazide se soit avéré un
agent antituberculeux efficace, l'on a suggéré son
utilisation comme agent de chimioprophylaxie. De
nombreux essais contrôlés impliquant plus de 100
000 personnes ont démontré de façon constante
l'efficacité de l'isoniazide chez des enfants et des
adultes non infectés par le VIH.4 L'efficacité était
influencée par l'adhésion thérapeutique et se situait
entre 25 et 92%, mais dépassait 90% quand
l'adhésion était assurée. Le grand essai contrôlé le
plus récent portant sur la chimiothérapie préventive
à l'isoniazide avant le VIH fut celui de l'Union
Internationale Contre la Tuberculose impliquant
28000 personnes porteuses de lésions fibrotiques
dans sept pays d'Europe de l'Est.5 Le pourcentage
de réduction de l'incidence de la TB fut meilleur
chez ceux recevant 12 mois d'isoniazide
quotidiennement, par comparaison à ceux qui n'en
recevaient que 6 mois, particulièrement parmi ceux
qui s'avéraient compliants et qui avaient des
lésions supérieures à 2 cm. Toutefois, lorsque l'on
a introduit dans l'analyse l'incidence de l'hépatite
après 5 ans de suivi, le ratio risque-bénéfice était
supérieur pour le régime de 6 mois. Avant l'ère du
VIH, un essai randomisé, conduit à Hong-Kong
chez 679 hommes tuberculinopositifs atteints de
silicose, a comporté un bras avec 3 mois de
rifampicine seule, un bras avec 3 mois de
rifampicine et d'isoniazide et un bras avec 6 mois
d'isoniazide ; une efficacité significative est apparue
de manière similaire dans chacun des bras.6
L'ASSOCIATION DE VIH ET DE TB
Dans les pays en développement, l'on n'a pas
accordé beaucoup d'intérêt à la chimiothérapie
préventive. Le diagnostic, le traitement et la
guérison des cas à bacilloscopie positive de TB par
l'emploi de la stratégie DOTS sont considérés
comme la mesure de lutte la plus importante et
celle susceptible d'avoir le plus d'impact sur
l'incidence de la TB. Toutefois, avec l'apparition de
l'infection VIH, la TB a surgi comme infection
opportuniste majeure, particulièrement dans les
pays en développement.7 L'infection VIH est le
facteur de risque isolé le plus important pour la
réactivation d'une infection mycobactérienne
latente.7 Le risque annuel de TB chez les adultes
infectés par le VIH varie selon leur statut
tuberculinique et va de 0-4,5% chez les individus
tuberculinonégatifs jusqu'à 5-16% chez les
individus tuberculinopositifs. En raison de cette
relation, il y a eu une augmentation dramatique de
l'incidence de la TB dans les pays où la prévalence
de la TB et celle du VIH étaient élevée.8 En outre,
quoique ce soit toujours controversé, il y a des
arguments croissants plaidant pour la stimulation
de la réplication du VIH par la TB qui, de cette
manière accélère la progression de la maladie
VIH.9 Cette association du VIH et de la TB a
conduit à une réévaluation de la chimiothérapie
préventive en tant que moyen potentiel visant à
infléchir l'incidence croissante dans les pays en
développement.
Tableau Résumé des essais randomisés contrôlés par placebo de thérapie préventive de la tuberculose chez les sujets
infectés par le VIH
Régimes
Sujets
RR brut
(IC 95%)
Valeur
de P
Efficacité
protectrice
(IC 95%)
Pays
Auteurs et année
Haîti
Pape et al.
1993
H quotidien / 12 mois
TT-positif
TT-négatif
0.17 (0.03-0.83)
0.56 (0.11-2.5)
Zambie
Wadhawan et al.,
1993
H quotidien / 6 mois
Statut TT
nondéterminé
0.4 (0.2-0.82)
Kenya
Hawken et al.
1997
H quotidien / 6 mois
TTC-positif
TTC-négatif
0.70 (0.29-1.78)
1.20 (0.52-2.46)
0.48
0.77
30% (-78-71%)
-20% (-146-48%)
USA
Gordin et al.,1997 H quotidien / 6 mois
Anergie
0.48 (0.12-1.91)
0.30
52% (-91-88%)
Ouganda
Whalen et al.
1997
H quotidien / 6 mois
RH quotidien / 3 mois
RHZ quotidien / 3 mois
H quotidien / 6 mois
TTC-positif
TTC-positif
TTC-positif
Anergie
0.33 (0.14-0.77)
0.40 (0.18-0.86)
0.51 (0.24-1.08)
0.83 (0.34-2.04)
0.01
0.02
0.08
0.68
67% (23-86%)
60% (14-82%)
49% (-8-76%)
17% (-104-66%)
Zambie
Mwinga et al.
1998
H deux fois par sem. /
6 mois
TTC-positif
TTC-négatif
0.25 (0.05-1.14)
0.86 (0.31-2.38)
0.04
0.77
75% (-14-95%)
14% (-138-69%)
RZ deux fois par sem. /
3 mois
TTC-positif
TTC-négatif
0.30 (0.06-1.40)
1.25 (0.49-3.16)
0.09
0.64
70% (-40-94%)
-25% (-216-51%)
<0.05
>0.05
83% (17-97%)
44% (-150-89%)
60% (18-80%)
RR = ratio de risque ; IC 95% = Intervalle de confiance à 95% ; H = isoniazide ; R = rifampicine ; Z = pyrazinamide ; TTC = test
tuberculinique
Chimiothérapie préventive de la tuberculose dans les pays en développement
ESSAIS D'EFFICACITE CHEZ LES SUJETS
INFECTES PAR LE VIH
Le Tableau résume les essais randomisés et
contrôlés par placebo, actuellement connus chez
les sujets infectés par le VIH.10-15 Plusieurs régimes
différents ont été étudiés dans ces essais.
L'isoniazide (H) a été étudié à la fois
quotidiennement pendant 6 et 12 mois et deux fois
par semaine pendant 6 mois ; les combinaisons de
rifampicine (R), H et pyrazinamide (Z) ont été
étudiées quotidiennement et deux fois par semaine
pendant des durées plus courtes. Lorsque
l'isoniazide était utilisé quotidiennement pendant 6
ou 12 mois, l'efficacité protectrice s'étalait entre 30
et 83%.10,11,14 Ce résultat est statistiquement
significatif chez les sujets tuberculino-positifs dans
toutes les études sauf une.14 Une tendance similaire
mais non statistiquement significative est observée
chez des sujets anergiques dans deux études.12,13
En Zambie, l'isoniazide deux fois par semaine
pendant 6 mois s'est avéré efficace chez les sujets
tuberculinopositifs.15 Le régime plus court de RH
quotidien pendant 3 mois s'avère également
protecteur chez les sujets tuberculino-positifs en
Ouganda.12 Le RHZ quotidien pendant 3 mois a
une efficacité protectrice de 49% chez les sujets
tuberculino-positifs,
mais
la
signification
statistique de cette étude est à la limite.12 Les
données sont limitées chez les sujets tuberculinonégatifs, mais n'importe quel effet protecteur
démontré n'a pu atteindre la signification
statistique dans ce groupe à la fois pour l'isoniazide
quotidien pendant 6 ou 12 mois10,14 et par
l'isoniazide deux fois par semaine pendant 6
mois.15
Des preuves moins rigoureuses proviennent des
USA, d'Espagne et de Haïti. Selwyn et al. ont
montré l'absence de TB chez 25 sujets qui avaient
reçu 6 mois d'isoniazide.16 Moreno et al., dans une
étude de cohorte rétrospective en Espagne, a
démontré que les patients tuberculino-positifs qui
n'avaient pas reçu la chimiothérapie préventive à
l'isoniazide avaient un risque de TB 6,6 fois plus
élevé que ceux qui avaient reçu de 6 à 9 mois de
chimiothérapie préventive à l'isoniazide.17 Halsey
et al. ont comparé l'efficacité de l'isoniazide deux
fois par semaine pendant 6 mois et de RZ deux fois
par semaine pendant 2 mois chez les sujets
tuberculino-positifs à Haïti ; les deux régimes ont
assuré une protection similaire contre la TB après
36 mois.18
Bien que les critères d'admission et la définition
de la TB aient varié dans chacune de ces études, si
on les considère ensemble, elles démontrent
clairement que la chimiothérapie préventive est
3
efficace chez les sujets tuberculino-positifs infectés
par le VIH, tout au moins à court terme. Deux
méta-analyses des études contrôlées randomisées
décrites plus haut confirment toutes deux un effet
protecteur chez les sujets tuberculinopositifs.19,20
Toutefois, la durée moyenne de suivi n'a dépassé
36 mois dans aucune de ces études et donc, l'on
ignore encore la durée de l'effet protecteur.
Mwinga et al., en Zambie, ont montré qu'après 18
mois de suivi, un effet protecteur de l'isoniazide
n'était plus évident.15 L'on ignore toujours si des
cures répétées de chimiothérapie préventive ou une
thérapie préventive pendant toute la vie sont
efficaces.
Aucune de ces études n'a été structurée pour
examiner l'effet de la thérapie préventive sur la
mortalité.
EVALUATION DU RAPPORT COUTBENEFICE
Il y a peu de publications concernant l'évaluation
du rapport coût-bénéfice de la thérapie préventive.
Dans une étude, modélisée sur l'exemple de la
Zambie, l'on a pris comme hypothèse une
probabilité de 25% pour un sujet infecté par le VIH
de développer la TB pendant son existence, une
efficacité de l'isoniazide de 60% ainsi que le fait
que la prévention d'un cas de TB ouverte éviterait
cinq cas additionnels de TB. Dans cette étude, le
ratio coût-bénéfice est de 1,71, c. à d. que les
bénéfices excèdent les coûts avec une marge
significative.21 Une étude opérationnelle en
Ouganda a montré que le coût estimé par patient
pour une cure de 6 mois de chimiothérapie
préventive, le test au VIH et les conseils y afférant
exclus, fut de 18 US$.22
PROBLEMES DE FAISABILITE
Malgré la démonstration de son efficacité, tout au
moins à court terme, il existe différentes
limitations potentielles à l'utilisation large de la
chimiothérapie préventive de la TB, en particulier
dans les pays en développement.
Identification des sujets infectés par le VIH
La mise en œuvre de la chimiothérapie préventive
exige en premier lieu l'identification des individus
infectés par le VIH. Ceci est difficile puisqu'ils
sont souvent asymptomatiques et ne se présentent
pas pour un test volontaire du VIH. Beaucoup de
sujets préféreraient ne pas savoir qu'ils sont
séropositifs pour le VIH, puisqu'ils pensent que
ceci ne comporte pas d'avantages médicaux et que
l'effet psychologique de se savoir positif est
4
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
susceptible de conduire à un décès plus rapide. Les
centres de test et de conseil volontaires (TCV) pour
le VIH pourraient être un site où le dépistage du
VIH et le suivi pourraient être offerts. Ceci exige
toutefois des ressources pour les conseils, les tests
VIH et le suivi. Quoiqu'initialement il y ait eu un
enthousiasme pour les centres TCV en Afrique,
beaucoup de pays n'en disposent toujours pas ; ceci
est dû principalement aux dépenses qu'impliquent
le maintien des tests VIH et des conseils et le
manque d'enthousiasme des donateurs vis à vis du
soutien à un programme qui ne peut pas être
poursuivi. Toutefois, l'observation d'une étude
multicentrique récente au Kenya, en Tanzanie et à
Trinidad a contribué à réveiller l'enthousiasme
pour les conseils et les tests volontaires.23 Cette
étude a randomisé les sujets, soit vers les centres
TCV, soit vers la seule éducation à la santé. Le
suivi à 6 mois a montré que la fréquence des
relations sexuelles non protégées avec des
partenaires non primaires était significativement
plus basse pour les sujets qui avaient bénéficié du
TCV par comparaison à ceux qui n'avaient reçu
que des informations santé. Cette observation
positive a entraîné un soutien renouvelé des
donateurs pour les TCV, considérés comme une
intervention efficace.
Exclusion d'une tuberculose active
Avant de commencer une thérapie préventive, il
faut exclure une TB active. En raison du taux accru
de bacilloscopies négatives chez les individus
infectés par le VIH,24 les experts ont prétendu que
pour exclure une TB active avec quelque certitude,
il fallait disposer non seulement d'une
bacilloscopie des expectorations, mais aussi d'un
cliché thoracique. L'utilisation d'une monothérapie
en présence d'une TB active peut provoquer
l'apparition de souches résistantes de M.
tuberculosis. Ces souches peuvent alors se
disperser dans la collectivité, non seulement parmi
les sujets infectés par le VIH mais aussi dans la
population non infectée. Malgré ce risque
théorique, dans aucune des études d'efficacité chez
les sujets infectés par le VIH, on ne trouve aucun
signe
d'augmentation
de
la
résistance
médicamenteuse chez ceux qui ont développé une
TB après avoir bénéficié d'une chimiothérapie
préventive à l'isoniazide. Des directives claires
doivent être élaborées pour la prise en charge des
patients qui développent la TB au cours d'une
chimiothérapie préventive en tenant compte que les
test de culture et de sensibilité ne sont
généralement pas disponibles dans beaucoup de
pays en développement.
Test tuberculiniques cutanés (TTC)
A ce jour, les études indiquent que la thérapie
préventive est surtout utile pour ceux dont les tests
tuberculiniques sont positifs. L'identification de ce
groupe exige que l'on pratique le test
tuberculinique chez les clients, ce qui demande du
temps et des dépenses et constitue une étape
complémentaire où les patients peuvent être perdus
pour le suivi. Au cours d'une étude dans un centre
TCV en Ouganda, on a noté une diminution
significative des nombres de clients à tous les
niveaux du dépistage de telle manière que 34%
seulement des sujets séropositifs pour le VIH
avaient pu commencer la chimiothérapie
préventive.22
Adhésion à la thérapeutique
Un service de thérapie préventive exige une
supervision des clients quant à leur adhésion
thérapeutique. Il est difficile de convaincre les
patients qui se sentent essentiellement bien de
prendre une médication pendant une période
prolongée. Ceci exige l'éducation du patient, ce qui
prend du temps et peut ne pas mener à une
adhésion persistante. Dans la même étude
opérationnelle en Ouganda, 38% des patients ne
sont pas venu chercher au moins 80% de leur
médication pendant une période de traitement de 6
mois.22 Dans l'étude d'efficacité de Nairobi, chez
31% des sujets, le recueil des comprimés a fait
défaut pendant au moins 5 semaines sur la période
de traitement de 6 mois.14 Dans une étude
prospective de cohorte en Thaïlande, utilisant
l'isoniazide quotidien pendant 9 mois, le régime de
9 mois n'a pas été complété par 31% des sujets.25
Les études de faisabilité devraient tester les
différentes techniques pour maximiser l'adhésion
thérapeutique.
Surveillance des effets secondaires des
médicaments
Pendant la période de chimiothérapie préventive de
la TB, les réactions collatérales aux médicaments
doivent
être
suivies
soigneusement.
L'hépatotoxicité représente l'effet collatéral majeur
des trois médicaments antituberculeux étudiés dans
les essais de chimiothérapie préventive. Son
éventail s'étend d'une lésion hépatocellulaire
asymptomatique à l'hépatite fatale. Dans le cas du
seul isoniazide, l'hépatotoxicité est rare en dessous
de l'âge de 35 ans, mais son incidence augmente
avec l'âge.26 Elle survient habituellement dans les
trois premiers mois du traitement et est
potentialisée par d'autres produits hépatotoxiques
Chimiothérapie préventive de la tuberculose dans les pays en développement
comme l'alcool. L'hépatite n'a pas été identifiée
comme un problème significatif dans les études
des sujets infectés par le VIH publiées à ce jour.
Ceci suggère que la surveillance des enzymes
hépatiques au cours du traitement n'est pas
nécessaire, tout au moins chez les sujets de moins
de 35 ans. Toutefois, ceci suppose que les enzymes
hépatiques soient normales avant le début du
traitement. Cet aspect doit être clarifié dans les
études de faisabilité , de manière à établir des
directives claires, particulièrement dans les pays en
développement où le dosage des enzymes
hépatiques n'est pas largement disponible en
dehors des grands centres.
Quel régime faut-il utiliser?
Quoique divers régimes aient prouvé leur
efficacité, il reste à établir quel est le régime idéal
à recommander. Le choix du régime est susceptible
d'être influencé par le coût et la disponibilité des
médicaments. L'isoniazide seul pendant 6 mois ou
RH pendant 3 mois sont des régimes autoadministrés acceptables. La thérapie préventive
utilisant plus d'un médicament permet de
raccourcir la durée du traitement mais augmente
son coût. L'administration quotidienne de RHZ
pendant 3 mois s'est avérée efficace mais
l'incidence accrue des effets collatéraux est
susceptible de la rendre moins bénéfique. Si un
traitement directement observé est possible, le
régime intermittent d'isoniazide deux fois par
semaine pendant 6 mois est une alternative
acceptable. Lorsque les patients sont traités par
inhibiteurs de protéases, il faut utiliser des régimes
à base d'isoniazide et exclure ceux contenant la
rifampicine. La chimiothérapie préventive
quotidienne auto-administré exige au moins une
supervision mensuelle pour s'assurer de l'adhésion
thérapeutique et pour la surveillance clinique du
patient en matière d'effets collatéraux de
médicament. Les régimes intermittents devraient
être administrés sous thérapie directement
observée.
CONCLUSIONS
En conclusion, même si la chimioprophylaxie de la
TB a prouvé son efficacité, avant qu'elle ne puisse
être introduite sur une large échelle dans les pays
en développement, il faut résoudre plusieurs
problèmes de faisabilité comme l'identification
d'un grand nombre de sujets infectés par le VIH,
l'exclusion d'une TB active, la supervision de la
thérapie préventive et le suivi des effets
collatéraux. Une introduction au petit bonheur
pourrait mettre en péril les résultats de nombreuses
5
années de dur labeur des programmes nationaux de
lutte contre la TB. Quoique que l'on n'ait pas
observé d'augmentation du taux de résistance
médicamenteuse dans les études d'efficacité chez
ceux qui ont reçu l'isoniazide et ont développé
ultérieurement la TB, ceci pourrait bien ne pas être
le cas lorsque la chimiothérapie préventive de la
TB sera introduite sur une plus large échelle. Les
centres TCV sont des sites où de grands nombres
de sujets infectés par le VIH peuvent être
identifiés. La chimiothérapie préventive pourrait
être réalisable à titre alternatif, dans des groupes
stables sélectionnés comme le personnel militaire,
les travailleurs institutionnels de la santé ou les
employés de compagnie, où l'intérêt des
institutions ou de la compagnie pourrait être de
prendre en charge les coûts encourus.
Le défi actuel est d'établir la faisabilité de la
thérapie préventive de la TB ; c'est une recherche
prioritaire dans les pays en développement où
beaucoup d'études d'efficacité ont été menées et où
se trouve aussi le fardeau le plus important de TB
et de VIH.
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