Notre Nanette, notre Dick, leur Québec | Le Devoir - Live
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Notre Nanette, notre Dick, leur Québec | Le Devoir - Live
SPECTACLE Notre Nanette, notre Dick, leur Québec 19 février 2014 06h50 | Sylvain Cormier | Musique On l’oublie, Nanette est tellement notre Nanette, la Québécoise ferait oublier l’Américaine si elle n’avait pas la voix large et puissante comme le Delta en crue: bon sang qu’elle peut pousser ça soulful, ça me soufflait comme une tornade, sa version de You Can’t Always Get What You Want, durant le medley des chansons de sa période choriste-à-Londres (elle fait aussi Power To The People et Honky Tonk Woman, elle aurait pu faire du Joe Cocker et du Ringo Starr…). Dick Rivers est un sacré chanteur aussi, vrai de vrai crooner, mais on n’oublie jamais le Français, le premier chanteur des Chats Sauvages, le membre en règle de la Sainte Trinité du rock’n’roll jambon beurre avec Eddy et Johnny, même s’il nous fréquente depuis si longtemps qu’on l’a un peu adopté: on l’aime bien, Dick, et il nous le rend autant, lui qui n’en a que pour le Québec, les blasphèmes de chez nous, le smoked meat de la Main et le guitariste Christian Turcotte (complice d’office depuis 1993). Oui, c’est notre Nanette, et c’est un peu beaucoup notre Dick. Pas surprenant qu’ils s’allient le temps d’une tournée estampillée Musicor à travers le Québec, dont c’était mardi soir à L’Étoile du Dix30 la quatrième de quatorze dates. Chouette soirée. Deux voix exceptionnelles. Gros tas de succès. Fichu bon band (avec harmoniciste pour elle et cuivres pour lui). Tout ça et de grands pans d’histoire de la chanson québécoise, française, anglaise et américaine des années 1960 à nos jours. Ça fait beaucoup en deux solides heures. Mise en contexte On a même la mise en contexte. Dick Rivers ne se fait pas prier pour raconter sa première visite au Québec, en janvier 1965, sa surprise d’y trouver l’Amérique de ses rêves de fada de rock’n’roll from Nice. Nanette Workman, elle, n’a pas besoin de raconter sa rencontre avec Tony Roman à New York en 1966, comment il la ramena ici et en fit une Cher pour son Sonny, version Jeunesse d’aujourd’hui. Elle ne chante pas Guantanamera, d’ailleurs, son premier grand succès solo chez nous (dommage!). Mais il n’en demeure pas moins que Nanette s’installa ici pour ne plus repartir, à quelques détours près, passant par Londres le temps de se coltiner aux Stones, puis en France le temps de chambouler le Johnny national. Et il n’en demeure pas moins que Dick Rivers nous revint fidèlement (d’où Fidèle, le titre de son nouvel album rhabillé ici rien que pour nous), obtenant ici des numéro un de palmarès avec des titres d’albums inconnus là-bas (le plus bel exemple étant Viens me faire oublier, clou du spectacle et imparable ballade). Singuliers parcours, les deux, avec le Québec en vedette. Ça donne un programme double extrêmement satisfaisant, où tout est là. Oui, Nanette aligne les tubes de ses années funky-disco, Danser danser, Donne donne, Lady Marmelade. Non, Dick n’oublie pas ses débuts avec les Chats Sauvages et nous fait C’est pas sérieux autant que le fabuleux slow pour surboums Oh! Lady. Nanette salue dûment Plamondon-Berger (Ce soir on danse à Naziland), Dick rappelle qu’il est très copain avec Cabrel (lequel a bel et bien signé l’adaptation pour Dick du Blues Eyes Crying In The Rain de Willie Nelson), et Nanette vient rejoindre Dick deux fois sur scène, dans les finales de Roule pas sur le Rivers (Proud Mary) et Maman n’aime pas ma musique (Mama Sure Could Swing A Deal). Chacun propose même quelques titres récents (When Love Leaves The Room et Just Gettin’ Started pour Nanette, Reverse et Désormais pour Dick): j’en aurais pris plus, les deux font encore de la bonne musique. Garanti sur facture, tout le monde sort content, rassasié d’elle comme de lui, et pas qu’un peu fier de leur affection absolument pas feinte pour la Belle Province: affection réciproque, m’sieur Dick, madame Nanette.