Maurice Schuhmann, Die Lust und die Freiheit

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Maurice Schuhmann, Die Lust und die Freiheit
Maurice Schuhmann, Die Lust und die Freiheit. Marquis de Sade und Max Stirner. Ihr
Freiheitsbegriff im Vergleich. Berlin: Karin Kramer Verlag, 2007. 144 pages. ISBN 13:
978-3-87956-308-1.
Compte rendu par Rudy de Mattos, Louisiana Tech University.
Ce livre résulte en partie de la recherche que Maurice Schuhman, un des
fondateurs et président de la Société Max Stirner (Max-Stirner Gesellschaft), a initiée
pour sa thèse de doctorat qui porte sur la comparaison du concept de l’individualité chez
le Marquis de Sade, Max Stirner et Friedrich Nietzsche.
Avant d’entamer la lecture de cet ouvrage, je ne me souvenais – en dépit de ma
formation de germaniste – que de peu de choses concernant le philosophe Max Stirner.
Certes, j’avais croisé à quelques reprises son nom au hasard de mes lectures notamment
sur Karl Marx, Proudhon, Engels, Feuerbach, Bauer, et Nietzsche. L’étendue de mes
connaissances se limitait à quelques informations succinctes. Tout comme Ludwig
Feuerbach et Bruno Bauer auxquels il fut souvent associé, Stirner avait appartenu au
groupe des jeunes hégéliens, ou hégéliens de gauche. Considéré comme un des
fondateurs de la pensée nihiliste et plus précisément de l’anarchisme individualiste
(« Individualanarchismus »), il publia en 1844 Der Einzige und sein Eigentum (L’Unique
et sa propriété) dont j’avais lu une grande partie il y a de nombreuses années. Après avoir
refusé de prendre part à la Révolution de 1848 à Berlin, Stirner mourut seul et miséreux
en 1856. La lecture de ce livre eut pour effet de rafraîchir ma mémoire sur ce philosophe
auquel les universitaires allemands n’ont toujours pas accordé une juste place.
Comme le signale Maurice Schuhmann, au début de son livre, « il semble, au
premier abord, difficile d’établir une corrélation entre l’auteur français de textes érotiques
qui mena une vie de débauche Donatien Alphonse François Marquis de Sade (1740-1814)
et Max Stirner, ce prude « anarchiste individualiste » allemand 1 » (11). Cependant,
Maurice Schuhmann accomplit à un tour de force et démontre avec succès que ces deux
auteurs, bien qu’issus de courants de pensée différents, ont en fait un point commun : ils
partagent une approche philosophique similaire du concept de liberté. En effet, pour Sade
comme pour Stirner, la réalisation d’une liberté véritable ne peut être garantie que par
« l’idéalisation d’un sujet souverain qui dépasse les limites de la notion d’universel (…)
c’est-à-dire [par] un individualisme porté à l’extrême » (11). 2
La tâche principale de cet ouvrage consiste à répondre à une question
fondamentale sur la nature du concept de liberté tel qu’il est conçu par Sade et Stirner : il
s’agit en effet de savoir s’il y a convergence ou variation : (« Basierend auf den
vorliegenden Forschungsergebnissen spitze ich die Fragestellung dahingehend zu, ob es
im Freiheitsbegriff der beiden Denker Übereinstimmungen bzw. Abweichungen gibt. »)
(31).
Die Lust und Freiheit a également un autre mérite important, celui de replacer
l’œuvre de Sade dans un contexte non pas littéraire, mais philosophique. Ainsi,
Schuhmann nous rappelle que le personnage du libertin dans l’œuvre de Sade remplit une
double fonction ; d’une part, il sert à exprimer une critique sociale de la situation de la
1
Il s’agit ici de ma traduction : « Auf dem ersten Blick fällt es schwer, eine Verbindung zwischen dem
ausschweifend-lebenden französischen „Erotikschriftsteller“ Donatien Alphonse François Marquis de Sade
(1740-1814) und dem prüden deutschen „Individualanarchisten“ Max Stirner (1806-1856) herzustellen.“
2
“Sie verbindet dennoch ein gemeinsames Element – die Idealisierung eines souveränen Subjektes, das
sich über die Grenzen der Begrifflichkeit des Allgemeinen emporhebt. Ihre Hauptwerke sind Oden an
dieses sich emporhebende souveräne Subjekt, d.h. an ein bis zum äußersten Extrem gesteigerten
Individualismus.“
France dans les années qui précèdent la révolution, d’autre part, Sade s’en sert aussi afin
d’exprimer ces idées philosophiques (39). Schuhmann examine aussi l’influence de Sade,
le philosophe, dans la pensée philosophique allemande post-nietzschéenne.
La lecture du texte est facilitée par la construction en chapitres brefs qui
définissent ou analysent des concepts précis comme par exemple l’athéisme, les libertés
politiques, l’attitude face aux libertés politiques, la volonté, nature et propriété, le propre
(le Moi), l’individu, etc… tels qu’ils sont conçus chez Sade et Stirner. Cette construction
permet au lecteur des pauses fréquentes favorisant ainsi l’assimilation et la réflexion.
Une autre des qualités essentielles de ce texte repose dans le fait que Schuhmann
nous familiarise avec une littérature critique, philosophique et des thèses de doctorat
récentes d’outre-Rhin ayant trait à Sade, Stirner et à leur philosophie respective. Maurice
Schuhmann suscite ainsi un certain intérêt pour les travaux de Stefan Zweifel, Michael
Pfister, Andrejs Petrowski, Hienz-Günther Stobbe, et Roel van Duyn pour n’en nommer
que quelques uns.
En conclusion, il est important de noter que Maurice Schuhmann réussit ici un
véritable tour de force. Je recommande fortement la lecture de ce livre fort instructif et
original dans son approche et en suggère la traduction en français ou en anglais afin
d’être accessible à une audience plus large. Il est en effet dommage que seule une
audience germaniste puisse profiter de cet essai.