"En France, nous avons limité la casse"

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"En France, nous avons limité la casse"
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"En France, nous avons limité la casse"
23/03/2016
Chaque semaine, retrouvez notre
interview sur une question d’actualité.
Denis Lesprit, président de la Compagnie
nationale des commissaires aux comptes
(CNCC), livre son point de vue au sujet de
la réforme de l'audit.
La réforme de l’audit est quasibouclée en France, il ne reste plus qu’un ou plusieurs décrets en
attente…
Il s’agit d’une fusée à trois étages : l’ordonnance, qui vient d’être publiée, les décrets, qui devraient
être bouclés en avril, puis les conventions qui seront publiées par arrêté. Ces dernières fixeront les
modalités entre le H3C et la CNCC en matière de normalisation, de contrôle qualité, de formation et
d’inscription comme le veut la réforme européenne.
A ce stade, êtes-vous satisfait de la réforme ?
C’est une question en elle-même assez complexe car la profession n’a pas voulu cette réforme
européenne. Elle a été imposée par l’Europe. Michel Barnier s’est saisi du sujet suite à la crise
financière. Il a voulu agir sur les banques, sur les agences de notation et sur nous, commissaires
aux comptes, alors que nous n’avons pas démérité. C’est comme ça, il faut faire avec ces textes
européens. La France va transposer la directive et transcrire le règlement. Sommes-nous
satisfaits ? Nous nous sommes battus pour avoir le minimum de contraintes. Sur le champ des EIP
[entités d’intérêt public], nous avons été entendus sur nos principales préoccupations : définition
des EIP, option pour le co-commissariat aux comptes, option pour les appels d’offre. Nous n’avons
pas été entendus sur la rotation des signataires.
Sur quoi n’avez-vous pas été entendus concernant la rotation des
signataires ?
Pour les entités qui rentrent dans le champ EIP, cela concerne notamment les mutuelles livre II,
nous n’avons pas été entendus. Il n’a pas été prévu de période de transition pour ces nouvelles EIP
qui devront faire tourner leur signataire en place depuis 6 ou 7 ans. Sur les EIP qui existaient déjà
dans la définition en France, cela ne pose pas de problème pour les cabinets car il y avait déjà une
rotation des signataires.
Le cadre général
va avoir une
conséquence sur
l’organisation
globale de la
profession vis-à-
Par contre, pour les mandats non EIP, il n’y aura pas de
bouleversement au quotidien dans le travail technique, les
mutations prévues dans l’ordonnance étant marginales. Ce qui
est paradoxal. Facialement, cette réforme européenne modifie
l’exercice de la profession globalement. Le régulateur se
retrouve avec davantage de prérogatives, ce qui va entraîner
un ressenti de l’exercice professionnel qui va impacter. Mais
pour les mandats non EIP, les échanges avec le H3C et les
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déclarations de son président nous amènent à dire qu’en
matière de normalisation nous ne sommes pas loin du
système actuel — la profession aurait voix au chapitre par sa
participation à l’élaboration des normes avec une commission placée auprès du H3C et les normes
seront adoptées après avis de la CNCC — ; en matière de formation, nous avons peu de
prérogatives actuellement mais avec la convention de délégation, nous pourrons lever le caractère
trop contraignant du comité scientifique et donc espérer acquérir plus de souplesse ; en matière
d’inscriptions, aujourd’hui la profession n’intervient pas car elles sont entre les mains de la Cour
d’appel compétente alors que demain la convention de délégation devrait nous permettre
d’intervenir ; pour le contrôle qualité, les conventions que nous mettrons en place devraient être,
pour le champ non EIP, comparables au système actuel. Donc il ne devrait pas y avoir de
bouleversement profond pour les non EIP.
vis de son
régulateur
Par contre, le cadre général va avoir une conséquence sur l’organisation globale de la profession
vis-à-vis de son régulateur. Il faudra définir la place des uns et des autres. Les sanctions
pécuniaires auront un impact sur l’attractivité, ce qui remet sur le métier notre réflexion sur
l’attractivité de notre profession. Ces sanctions, que l’Europe a voulues, sont moins élevées en
France que dans certains pays. Bruxelles nous donne sa vision au problème que nous devons
régler sur le terrain, celui d’expliquer à quelqu’un qui ne nous connaît pas que nous sommes
indépendants alors que nous sommes payés par celui que nous auditons.
La rotation des
cabinets va avoir
un effet
concentrateur
Pensez-vous que la nouvelle
réglementation va renforcer la qualité de
l’audit ?
Le règlement européen est là pour renforcer l’indépendance
du commissaire aux comptes donc a priori cela devrait donner plus de moyens pour que
l’environnement nous fasse confiance. Mais je reste convaincu que la vraie réponse c’est la valeur
ajoutée de l’audit légal et l’Europe n'apporte pas cette réponse. Le sujet reviendra dans les années
qui viennent. La directive met en avant l’audit proportionné, ce qui est repris par le code de
commerce. C’est un élément qui nous permet d’adapter notre approche à la taille de l’entité. C’est
un atout. Il faut faire attention à ce que cette réforme ne pénalise pas l’exercice du Cac dans la
PME.
Pensez-vous que cette réglementation va déconcentrer le marché
de l’audit des grandes entreprises ?
Quand Michel Barnier a lancé cette réforme, la déconcentration du marché de l’audit figurait parmi
ses objectifs. En France, je crains que l’effet soit inverse. La rotation des cabinets va avoir un effet
concentrateur. Quand un cabinet de petite taille va perdre un mandat du fait de la rotation
obligatoire, il sera moins loti qu’un plus grand cabinet pour obtenir un nouveau mandat.
Certains disent que la nouvelle réglementation européenne va
bloquer le marché de l’audit des multinationales en raison de la
rotation périodique obligatoire des cabinets combinée avec les
règles d’incompatibilité entre l’audit et certains services de
consulting ?
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Je ne me prononce pas sur la question de savoir si le marché serait bloqué mais il faut que cette
question soit portée dans les années à venir. Ce recueil de dispositions pose des problèmes très
complexes pour les groupes internationaux. Le sujet que vous évoquez en est un parmi d’autres.
En France, nous avons limité la casse mais la réforme européenne est effectivement excessive.
Pour le champ des non EIP, il ne devrait pas y avoir proportionnellement plus de nouvelles
prérogatives du H3C vis-à-vis du Cac que celles nouvelles des OGA vis-à-vis des expertscomptables.
Ludovic Arbelet
Ecrit par
Ludovic Arbelet
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