Portrait à charge - FRAC Poitou

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Portrait à charge - FRAC Poitou
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contact presse : Hélène Dantic, [email protected], 05 45 92 87 01
communiqué de presse
Portrait à charge
Brice Dellsperger | Sarah Jones
Eric Poitevin | Jean-Marc Tingaud
Olivier Zabat
œuvres de la collection du FRAC Poitou-Charentes
exposition
5 novembre - 15 décembre 2014
finissage le 15 décembre à 17h
Cité scolaire Jean Moulin
Montmorillon (86)
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ill. : Sarah Jones,
The Dining Room
(Mulberry Lodge) II,
1997,
collection FRAC
Poitou-Charentes
Qu’il soit ou non réaliste, le portrait est souvent chargé
d’une ambition : représenter, raconter, glorifier,
commémorer, asseoir un pouvoir, incarner un symbole, idéaliser, ériger un modèle,
caricaturer… l’histoire regorge de ce type de représentations élaborées à des fins de
culte, de propagande ou de critique.
Si l’on se penche sur les portraits présents dans la collection du FRAC Poitou-Charentes,
révèlent-ils des démarches similaires ou les artistes les chargent-ils d’autres propos
sur nos sociétés ? Identité instable, image de la femme, témoignages sociétaux ou,
encore, considération sur le statut de l’artiste, ces portraits tendent davantage à
témoigner qu’à édifier.
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Questionner l’identité et ses constituants
Derrière un apparent portrait de la société bourgeoise, Sarah Jones aborde la notion
de construction de l’identité au travers du passage de l’enfance à l’âge adulte.
The Dining Room (Mulberry Lodge) II est issue d’une série de photographies dans
lesquelles l’artiste met en scène des adolescentes au sein de leur environnement
familial. La composition des images évoque le classicisme du portrait peint. Cette
impression est renforcée par le cadre à la fois strict et rutilant dans lequel posent les
jeunes filles. Cependant, l’attitude indolente de celles-ci contraste fortement avec
le décor. Un sentiment d’abattement se dégage de leurs poses. Les adolescentes
semblent ici incarner l’inconfort que peut générer cet âge de la vie synonyme de
transition : entre introspection, conformisme et rébellion, l’ensemble de leurs êtres paraît
convoqué par l’indécision.
C’est un autre aspect de l’identité qui se développe dans la démarche de Brice
Dellsperger. L’artiste regroupe l’ensemble de son travail vidéo sous le titre générique
de Body Double (inspiré par un film de Brian de Palma et signifiant «doublure de
cinéma» en anglais). Ses œuvres abordent la notion de double/doublure sous divers
aspects : d’abord par l’idée du remake, ensuite par l’idée d’une identité instable voire
interchangeable.
Toutes ses vidéos sont produites selon un principe commun : tirées de scènes cultes
de films, celles-ci sont reconstruites plan par plan avec les moyens volontairement
rudimentaires et amateurs de la vidéo. Un seul acteur incarne tous les rôles, travesti tour
à tour en homme ou en femme. Les trucages, du décor au plus petit accessoire sont
laissés visibles et viennent révéler leur fonction et leur rôle. Plus qu’un remake, il s’agit
pour l’artiste d’un travestissement au sens propre comme au figuré (de l’acteur comme
du support), qui rend visibles (et donc inopérants) les dispositifs du cinéma.
Si l’illusion disparaît, c’est au profit du trouble. Au fil des vidéos, les identités sont
perturbées. On se questionne sur un corps modulable, l’artifice, le genre, la
personnalité instable, la représentation sociale ou, encore, le narcissisme.
Le témoignage, l’espace temporel
En 1984, Éric Poitevin obtient une bourse du secrétariat d’État aux Anciens Combattants
pour réaliser une série de cent portraits d’anciens combattants qui, nous dit-il « ont
presque tous pris le parti de ne rien dire, car lorsque la violence atteint un tel niveau,
c’est comme si l’on rentrait d’un voyage dans l’espace ou je ne sais d’où ».,« Quand
j’ai eu le projet de photographier les Anciens Combattants de 14-18, j’étais intéressé
par la jonction après coup entre deux générations, faire la jonction entre la génération
qui disparaît, qui a vu, et moi prenant le relais. Je crois que la guerre ne peut pas se
photographier. Elle est forcément hors-champ. On ne peut en photographier que les
séquelles… La photographie comme aide-mémoire. […] » Éric Poitevin
Cette notion de distance temporelle est également présente dans la série
Correspondances de Jean-Marc Tingaud.
Pour celle-ci, l’artiste a invité des habitants de Nevers d’âges et d’origines les plus divers
à venir poser dans son atelier. Il en retient 24, comme les 24 heures d’une journée : des
individualités participant toutes d’un ensemble. L’artiste avait demandé à chaque
modèle d’apporter au moins un portrait photographique le représentant, c’est-à-dire
une image antérieure à cette séance. La série se compose donc de diptyques : un
portrait photographique en pied dans le contexte neutre du studio et une reproduction
de la photographie apportée. Entre ces deux images, le temps s’est écoulé. L’espace
de l’image devient également celui du temps.
L’artiste et la société
Dans ses premiers travaux, Olivier Zabat se met en scène, questionnant à travers la
figure de l’autoportrait, le statut de l’œuvre et celui de l’artiste. La photographie lui
permet de fabriquer des mises en scène efficaces, jouant sur l’illusion, où l’artifice
est directement perçu et compris par le regardeur. Dans Le Géant, l’image vient
immédiatement contredire le titre tant l’artifice de la mise en scène est visible. L’air
suffisant de l’artiste ne fait qu’amplifier le caractère volontairement caustique de cet
autoportrait. Dans cette caricature de l’artiste usant d’artifices, Olivier Zabat utilise la
figure du nain telle qu’elle fut employée dans la peinture classique (chez Vélasquez
par exemple) comme contraste entre ce qui serait la perfection et l’imperfection,
comme métaphore d’un ordre naturel et social. Au-delà, l’artiste cherche à déstabiliser
la réception que l’on a d’une œuvre, qui elle aussi tend à se conformer à la norme (ici
l’on pourrait s’indigner par exemple), affirmant que l’œuvre ne dispense ni morale ni
vérité, assumant le doute que peut (et que doit) avoir le spectateur sur les intentions
réelles de l’artiste.
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Cité scolaire Jean Moulin
avenue Jean Moulin | 86500 Montmorillon
05 49 91 00 02
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