Un cri tira Eragon de ses pensées. Inquiet, il se retourna, redoutant

Transcription

Un cri tira Eragon de ses pensées. Inquiet, il se retourna, redoutant
CHAPITRE 1
Un cri tira Eragon de ses pensées. Inquiet, il se retourna, redoutant d’avoir reconnu la voix
d’Arya. Les Vardens, les nains et les Urgals se retournèrent en même temps que lui.
Il la repéra parmi la foule : un espace vide s’était créé autour d’elle et de celui qui la tenait à
la gorge
Sans plus réfléchir, le Dragonnier s’élança, bousculant tel ou tel Varden, se souciant peu du
désordre qu’il pourrait engendrer.
Saphira le suivit :
« Eragon, non ! C’est peut-être un piège ! »
« Ça m’est égal ! Arya est en danger ! »
Lorsqu’ils arrivèrent, Eragon eut un choc en ne reconnaissant ni Murthag, ni Galbatorix en
l’inconnu. Le jeune homme fut stupéfait de voir un dragon derrière ce dernier. S’il semblait
faire la taille de Glaedr, son corps était tout en cou et queue : celle-ci devait faire vingt bons
pieds et son long cou sinueux était caparaçonné dans une armure noire, tout comme le reste de
son corps pourpre. Son Dragonnier était vêtu d’une armure des plus belles factures. Noire et
rouge, elle était terrifiante. La tête de l’inconnu était couverte d’un casque, ce qui empêchait
toute identification.
Eragon arriva sur les lieux, essoufflé :
– Lâche-la ! s’écria-t-il.
– Approche et meurs, puceron, rétorqua l’inconnu.
– Parle pour toi ! Qui que tu sois, tu as beau être Dragonnier, tu n’en es pas moins seul face
aux Vardens, à des elfes et à un autre Dragonnier !
« Autant ne pas lui révéler combien d’elfes m’accompagnent. Si un combat doit s’engager,
un effet de surprise ne serait pas de trop » songea Eragon.
« Bonne idée, petit homme » approuva Saphira.
– Détrompe-toi, je sais que tes elfes sont des magiciens, fit le Dragonnier. Et avant que tu ne
meures, je me présente : Jack, assisté de ma dragonne Mycädnys.
– Apprendre ton nom m’importe peu, de plus, je t’ai demandé de lâcher Arya ! répliqua
sèchement Eragon.
– À qui crois-tu parler, misérable avorton ? Je suis plus puissant que toi et ta dragonne
réunis ! Plus puissant encore que cet humain soumis aux basques de Galbatorix !
« Reste à savoir s’il est plus intelligent… » dit Eragon à sa compagne.
– Tu veux jouer à ce petit jeu, Tueur d’Ombre ? Très bien. Regarde.
Jack retira son casque et Eragon pâlit.
Il était beau. Effroyablement beau.
Ses deux cornes noires n’enlevaient en rien la pureté de ses cheveux de neige, hérissés en
tous sens. Il semblait plus félin que n’importe quel autre elfe Ses yeux rouges traversés d’une
fente noire dardaient sur lui un regard dévastateur. Même s’il avait un air famélique, il n’en
restait pas moins magnifique.
« On dirait qu’il s’apprête à te croquer tout cru » lui fit remarquer Saphira.
Rompant l’enchantement, Jack détourna les yeux et regarda Arya :
– Rassure-toi, ma belle. Tu ne mourras pas étranglée. Juste écrabouillée.
Il la propulsa contre le mur d’une maison sur sa droite. Le mur se fissura et Arya s’écroula
au sol. Elle ne se releva que pour finir de nouveau dans la poigne de Jack, tel un aimant. Il eut
une moue :
– Pas très solide, ce mur.
Il répéta son geste jusqu’à ce qu’Arya s’évanouisse. Au bout d’une douzaine de fois, Eragon
entendit plusieurs craquements.
– Ordure ! jura Eragon. Ne lui fait pas de mal !
– Oh, le petit chien montre ses crocs en voyant sa maîtresse malmenée. Comme c’est
touchant !
Un rugissement sortit de la gorge de Saphira, menaçante. En effet, la dragonne ayant sentit
son Dragonnier en peine avait retroussé ses babines et mettait Jack à distance avec ses crocs.
Sa congénère pourpre lui répondit avec autant de vigueur, si ce n’est plus.
Petit à petit, les rebelles s’étaient amassés autour des deux combattants.
Eragon put distinguer Nasuada qui le regardait avec angoisse. Plus loin, il vit Trianna, la
même expression sur le visage.
– Tu vas dire à ta dragonne de ne pas intervenir, sinon, ta chère amie meurt. Comprit ? le
prévint Jack.
« Eragon, je ne peux pas me permettre de ne pas m’interposer ! »protesta Saphira.
« S’il te plaît, je ne veux pas qu’il y ait de blessés. Mon but est de nous tirer de là sans
effusions de sang… » répondit son Dragonnier.
« Il te traite comme un moins que rien ! »
« Mais il est aussi Dragonnier, nous sommes sur un pied d’égalité, Saphira. »
« Un pied d’égalité ? Tu plaisantes ? Ouvre les yeux, Eragon ! C’est un elfe ! »
« Je suis plus puissant depuis ma rencontre avec Oromis. Et nous avons l’Eldunarì de
Glaedr. »
« Je sais, et onze elfes prêts à nous aider » marmonna Saphira.
« Alors tu n’as pas de quoi t’inquiéter, ma belle. »
« D’accord, mais à la moindre anicroche, tant pis » grommela la dragonne. « Et la plus petite
de mes griffes me dis que tu espères surtout sauver Arya, n’est-ce-pas, petit homme ? »
Il lui sourit :
« Merci, je t’aime. »
– Alors ? demanda Jack.
– D’accord. Mais, dis-moi, que comptes-tu faire avec Arya ? esquiva Eragon.
– Je ne sais pas.
– Qui t’envoie ?
– Je l’ignore.
– Pourquoi es-tu ici ? demanda Eragon, exaspéré.
Jack une une moue dubitative avant de répondre :
– Je cherche un elfe du nom de Gabryel. L’aurais-tu vu ?
– Non. Vel eïnradhin iet ai Shur’tugal. Sur ma parole de Dragonnier.
– L’Ancien Langage n’est rien pour moi. Cela n’est pas suffisant. J’ai besoin de ta
confirmation mentale.
Eragon réfléchit. Même si Jack semblait radouci, il n’en restait pas moins dangereux.
Néanmoins, si cela pouvait le faire partir sans combat à mort…
« Eragon, tu ne devrais pas » intervint Saphira.
« Pourquoi ? »
« Ce n’est pas ce qu’Arya voudrait » fit-elle remarquer.
« Que voudrait-elle, alors ? »
« Tu le sais parfaitement. »
« Mais… je ne peux pas la laisser mourir comme ça ! »
« Ce n’est pas ce que j’ai dit ! » se défendit Saphira.
« Non, mais le sous-entendu était suffisamment explicite ! »
« J’aurais quand même essayé. » capitula la dragonne.
– Es-tu sûr que ma réponse en Ancien Langage n’est pas une preuve tangible ?
– Je t’ai dit ce dont j’ai besoin.
– Si j’accepte, après, tu partiras ? fit Eragon avec réticence.
– Oui.
– Tu lâcheras Arya ?
– Si tu veux.
– Très bien, je suis d’accord. Mais je te préviens : si tu me fais le moindre mal, Saphira se
chargeras de toi.
– Mon but n’est pas de te tuer, répondit tranquillement Jack.
– Alors vas-y.
D’un accord commun, Eragon et Saphira mettaient tout en œuvre pour cacher tout ce qui
concernait les Vardens, les elfes et Oromis et Glaedr à Jack.
À peine eurent-ils mit en place des défenses mentales que la conscience de Jack s’immisçait
en lui. Au grand étonnement du Dragonnier et de sa dragonne, son esprit ne ressemblait en
rien à celui d’Arya ou même d’Oromis – Eragon sentit son cœur se serrer en pensant à son
maître défunt. La conscience de Jack était sauvage, le Dragonnier pouvait presque sentir qu’il
avait l’habitude d’être obéi. Mais Eragon et Saphira pensaient la même chose de lui : il était
radicalement différents des elfes du Du Weldenvarden.
« Eragon… » commença Saphira.
Son Dragonnier l’entendit à peine. Jack fouillait presque minutieusement sa mémoire et les
efforts du Dragonnier et de sa dragonne étaient vains pour l’en empêcher.
Petit à petit, rien n’échappait à l’elfe.
Au bout d’une dizaine de minutes qui parurent une éternité à Eragon et Saphira, il se retira
de son esprit :
– Tu ne mens pas et je t’en suis reconnaissant. Si tu le vois, appelle-moi mentalement. Mon
esprit ne subit pas les défauts de la distance pour être contacté.
Sur ce, il lâcha Arya et enfourcha Mycädnys qui s’envola vers l’horizon.
Eragon se précipita vers Arya.
La voyant évanouie, il décida de l’amener à Angela afin de la réanimer. Au début, les
Vardens formèrent comme un couloir, puis ils se dispersèrent.
Sur leur passage, il y eut des murmures qui n’échappèrent pas au Dragonnier et Saphira. Ils
entendirent de nombreux Vardens se demander ce qu’Arya représentait pour lui, et s’ils
seraient… amants ?
« S’ils savaient comme ils se trompent » songea Eragon.
« Laisse-moi m’occuper d’eux, petit homme » commença Saphira.
« Non, laisse, ce n’est pas important. »
« Tu es Dragonnier ! Ils n’ont en aucun droit la permission de faire de toi la cible de ragots
de ce genre ! » protesta la dragonne.
« Ça m’est égal, ma belle. Tu es là et rien ne les fera changer. S’ils se plaisent à penser
qu’Arya et moi sommes ensemble, si cela les réconforte… je n’y peux rien. Et puis, ce n’est
pas comme si c’était vrai, n’est-ce-pas ? » rit-il.
Mais Saphira savait que par-delà les apparences, son petit homme était à la fois heureux que
les Vardens le pensent en couple avec Arya, et triste à l’idée que lui et elle serait impossible.
Et la dragonne sentait bien que c’était ce sentiment là qui l’emportait.
– Eragon !
Le Dragonnier se retourna : c’était Nasuada. Elle le rejoignit et marcha à ses côtés.
– Que s’est-il passé ? demanda-t-elle.
– J’étais sur la balustrade quand un homme en armure a attrapé Arya à la gorge. Il l’a
propulsée une quinzaine de fois sur des maisons et cherchait un elfe nommé Gabryel. Je lui ai
assuré que je ne connaissais pas cet elfe. Il a néanmoins eut besoin de ma confirmation
mentale et a pu constater que je disais la vérité.
– Tu lui as autorisé l’accès à ton esprit ? s’exclama Nasuada. Mais c’était de la folie ! Il peut
être au service de Galbatorix et avoir profité de l’opportunité qu’il avait pour glaner des
informations sur les Vardens !
« Elle n’a pas tort, tu sais. » fit Saphira.
« Je sais. » soupira Eragon.
Lorsqu’ils arrivèrent devant la tente d’Angela, celle-ci sortit :
– Bonsoir, Eragon et Saphira, bonsoir Nasuada.
– Bonsoir Angela, la salua Eragon. Arya est évanouie. Je suis venu quérir ton aide pour la
réanimer.
– Ah… entrez, je vous en prie.
– Eragon, Saphira, je vous laisse, j’ai à faire, intervint Nasuada. Ah ! Et Angela, pourras-tu
me tenir au courant de l’état d’Elva, s’il te plaît ?
– Oui, bien sûr.
– Merci. À plus tard.
La chef des Vardens sortit et Angela prit la parole :
– Pose Arya sur mon lit un moment pendant que je prépare le breuvage et raconte-moi ce qui
s’est passée, veux-tu ?
Pendant que le Dragonnier lui narrait les évènements passés, Angela s’activait et au bout de
dix minutes, le liquide fut prêt. Tout au long du récit, l’herboriste n’était pas intervenue mais
protesta de vive voix lorsqu’elle apprit qu’Eragon avait autorisé à Jack l’accès de son esprit :
– Quoi ?! Tu lui as permis d’accéder à ton esprit ?! Mais tu es complètement inconscient !
De ce que tu m’en as dit, cet elfe semble bien plus puissant que toi ! Il pourrait t’avoir volé
des informations sans que tu ne t’en sois aperçu ! Et Dragonnier avec ça ! Ah ! Tu es réveillée,
Arya !
En effet, l’elfe s’était assise et les observait silencieusement.
– Comment te sens-tu ? lui demanda Angela.
– Légèrement barbouillée, mais je crois que ça ira, répondit Arya.
– Tu devrais boire ça, tu te sentiras mieux, lui proposa l’herboriste.
– Merci, accepta l’elfe en prenant le gobelet. Que s’est-il passé ?
– Eragon t’a amenée à moi pour te réanimer, il t’expliquera le reste. Je reviendrais un peu
plus tard, bonne soirée.
Angela sortit, laissant Eragon et Arya seuls.
Eragon la regarda dans les yeux et plongea dans ses yeux émeraude.
Soudain, tout tourna autour de lui :
Il la vit, je jour de ses dix-neuf ans. En colère, elle s’en va dans les bois. Une colère non
étanchable, sinon par la destruction. Elle invoqua la magie et les arbre tombèrent autour
d’elle dans un rayon de dix mètres… Elle s’évanouit.
Reprenant pied dans la réalité, il se rendit compte qu’Arya avait l’air ailleurs, comme lui.
Elle eut un soubresaut, et le regarda.
Il détourna les yeux, gêné.
Il l’avait reconnue, et ne s’expliquait pas pourquoi il l’avait vu le jour de ses dix-neuf ans.
Ce fut l’elfe qui rompit le silence :
– Où est Jack ?
– Il est parti, répondit Eragon. Il cherchait un elfe du nom de Gabryel. J’ai beau eut lui
confirmer en Ancien Langage, celui-ci ne signifie rien pour lui. Je lui ai donc permis de
vérifier en moi si je ne mentais pas.
– Il a donc eut ton autorisation pour te fouiller la mémoire.
– Oui.
– Eragon, soupira Arya. Tu sais parfaitement qu’il a pu te soutirer des informations pour le
compte de Galbatorix.
– Je le sais, merci. Nasuada et Angela m’ont fait exactement la même remarque, répliqua le
Dragonnier d’un ton sec.
– Et elles ont eut raison, Eragon.
– Je n’avais pas le choix !
– Si, répondit fermement l’elfe.
– Et quoi, je te prie ?
– Refuser, par exemple.
– Et il aurait continué à te malmener pour que j’accepte, pas question, maugréa le
Dragonnier.
– Eragon, ma vie importe peu comparée à toutes celles des Vardens réunis.
– Si, justement ! s’emporta le semi-elfe.
– De plus, quelques côtes cassées, ça n’est pas très grave, essaya-elle de le raisonner.
– Ça dépend du nombre de côtes cassées, rétorqua Eragon.
– Eh bah dis donc, il est têtu, ce Dragonnier ! Remarque, un peu comme toi, Arya.
– Slytha ? Que fais-tu ici ? fit Arya, surprise.
– J’étais prisonnière chez Galbatorix avec un groupe composé d’elfes. L’un d’eux, Gabryel,
semble être extrêmement puissant, peut être autant que Jack, qui a l’air d’être son pire
ennemi. Donc, Gabryel s’est transformé en tigre blanc. Il a alors commencé à creuser après
s’être fait fouetté une bonne cinquantaine de fois ! Je n’ai jamais vu ça ! Il a réussi à nous
faire échapper et lui et ses compagnons m’ont escortée jusqu’à la sortie que je serais bien
incapable de retrouver. Je me suis souvenue que les Vardens faisaient le siège de Feinster et
me suis dirigée jusqu’ici sur leurs conseils. Après, plus de nouvelles d’eux. Arrivée à l’entrée
du camp des Vardens, qui n’ont pas fait attention à moi, j’ai senti ta présence ici après m’être
annoncée à Nasuada.
« Saphira, cette Slytha parle de Gabryel ! C’est sûrement celui dont parlait Jack » fit Eragon.
« En effet, mais prends garde à ne pas faire confiance au premier venu. » l’avertit Saphira.
« Je sais, ma belle. »
« Et ce Gabryel me semble plus fiable que Jack. De plus, on dirait que Gabryel est recherché
pour les même raisons que toi, si ce n’est qu’il n’est pas Dragonnier. »
« Tu as raison. Je demanderais à Slytha si elle en sait plus. »
– Pourquoi t’es-tu faite capturée par Galbatorix ? demanda Arya.
– Parce que j’étais plus éloignée de Gil’ead. Je m’étais disputée avec M… Islanzadì,
expliqua Slytha.
Eragon détailla l’elfe. Si elle semblait avoir quinze ans, le Dragonnier savait qu’il n’en était
rien depuis qu’il connaissait l’âge d’Arya. En revanche, sa ressemblance avec celle-ci était
frappante, il aurait juré qu’elle était sa sœur – jumelle ou non – si Arya ne lui avait pas dit
qu’elle était fille unique.
En effet, Slytha avait les mêmes cheveux noirs d’ébène, mêmes yeux, ou presque car plus
clairs étaient ceux de Slytha. Elle avait le même air autoritaire mais paraissait plus
décontractée, presque encore dans l’insouciance si caractéristique des jeunes enfants.
« Eragon, tu sais qu’Arya est quelqu’un qui cache ses secrets mieux que quiconque » lui dit
doucement Saphira.
« Je sais, ma belle. »
« Il se pourrait donc qu’elle ne t’ai pas dit toute la vérité concernant le fait de n’avoir aucun
frères et sœurs. » fit-elle remarquer, ayant entendu ses pensées.
« Je te l’accorde, mais dans ce cas là, pourquoi ne nous l’aurait-elle pas dit ? » l’interrogea
Eragon.
« Parce qu’elle l’aurait promis, peut-être. Je l’ignore. Questionne-la sur ça. »
« Je verrais. »
– Donc, c’est toi, Eragon, lui fit Slytha. Et vu ta tête, je ne pense pas qu’Arya t’ai parlé de
moi, si ?
Le Dragonnier regarda celle-ci.
– En effet.
– Ce n’est pas grave, nous auront tout le temps de faire connaissance. Bon, j’y vais. Je suis
exténuée, je vais faire un tour. Tu viens, Arya ?
Celle-ci parut hésiter avant de la suivre :
– Je te souhaite une bonne nuit, Tueur d’Ombre.
– Merci, à toi aussi Arya Svit-Kona.
L’elfe sortit à la suite de Slytha.
Eragon, de son côté, regagna sa tente avec Saphira qui passa sa tête et son cou dans
l’embrasure de l’habitat. Visiblement, elle mourrait d’envie de lui faire partager son
ressentiment :
« Une autre dragonne, Eragon ! Je n’y crois pas ! Cela ne peut être le dernier œuf, quand
même ? » demanda-t-elle avec une pointe d’inquiétude dans la voix.
« Je ne pense pas. Murthag m’a dit que Galbatorix savait que le dernier dragon est un mâle.
Or, nous avons vu une dragonne. »
« Et son Dragonnier ! Un elfe ! Qui l’eut cru ? »
« En effet. Mais, si ce n’était pas un elfe du Du Weldenvarden ? S’il venait d’une autre
contrée ? » fit Eragon.
« Laquelle ? Vroengard ? » proposa Saphira. « Cela me paraît crédible : personne ne sait s’il
reste des elfes là-bas, pas plus que des dragons. Mais, de ce côté, je n’espère plus, petit
homme. J’ai perdu l’espoir de voir un jour un dragon mâle pour assurer l’avenir des
dragons. » soupira-t-elle.
« Ne dis pas ça, ma belle. Tu sais très bien que ça me déchire le cœur de t’entendre dire ça. »
« C’est pourtant la vérité. » renifla Saphira.
« Écoute-moi. »
« Mais… »
« Écoute-moi, Saphira. Je te jure de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour libérer le
dernier œuf de dragon. Et je te promets que je veillerai personnellement à l’avenir des
dragons. Avec toi. »
« Oh, Eragon ! Quand je pense que je ne t’ai rien dit ! Je t’avais pourtant promis de ne plus
remâcher ces pensées dans mon coin ! » s’exclama-t-elle avant de continuer : « Je suis une
dragonne indigne. »
« Jamais de la vie, ma belle. C’est normal de penser à la survie de son peuple. J’en aurais fait
de même. Dors, maintenant, tu es épuisée. »
« Merci, petit homme. Je t’aime. Bonne nuit. »
« Moi aussi, je t’aime. Dors bien.
Le Dragonnier s’endormit dans la courbe du cou de Saphira, qui avait laissé son encolure
dans la tente. Ils sombrèrent rapidement dans le sommeil
Non loin de là, sur la colline, Slytha et Arya discutaient :
– Alors ? demanda Slytha.
– Alors quoi ?
– Alors, qu’y-a-t-il entre toi et Eragon ?
– Mais rien, je t’assure ! fit Arya, prise au dépourvu.
– Mhm… Pourquoi est-ce que je ne te crois pas ?
– Parce que tu n’as pas envie de me croire, répliqua sèchement Arya.
– Arrête un peu de râler ! Qui ne pourrait pas remarquer les yeux qu’il fait quand il le
regarde ? Ou même quand tu parles…
– Que veux-tu dire ?
– L’âge ne t’aura pas arrangé, on dirait ! ria Slytha. Lorsque tu parles, Eragon te regarde et
écoute tes paroles comme s’il voulait boire à la source. Mais il te jette des coup d’yeux à la
dérobée, comme s’il craignait quelque chose. Que lui as-tu dit ?
– Rien.
– Arya, dis-moi. S’il te plaît.
– Il n’y a rien entre nous !
– Ce n’est pas ce que je t’ai demandé, Arya Svit-Kona.
Arya serra les poings à s’en faire blanchir les phalanges. Slytha l’observait, patiente,
attendant qu’elle se livre. Cela faisait beau avoir des années qu’elles s’étaient vues, Slytha
connaissait suffisamment Arya pour savoir qu’il fallait attendre pour qu’elle se confie.
« Patience qu’Eragon n’a sûrement pas » se dit Slytha.
En l’observant, elle s’aperçut qu’Arya paraissait plus marquée par les années écoulées. Elle
paraissait plus lasse et ses yeux étaient fatigués.
La dernière fois qu’elle l’avait vue, elle la savait aux bras de Fäolìn.
Maintenant… C’était à elle de le dire.
Soudain, elle se rendit compte que l’elfe serrait les mâchoires, comme pour se contenir de ne
pas pleurer.
– Arya… qu’y-a-t-il ? demanda doucement Slytha.
– Ce qu’il y a ? Tu penses trop fort, rit-elle d’une voix étranglée.
– Dis-moi.
– Je… Fäolìn est mort, Slytha. Cela va bientôt faire trois ans.
– Comment ? fit Slytha, ébahie. Il est mort ?
– Oui. Lui, Glenwing et moi devions ramener l’œuf chez les Vardens. Hélas, nous fûmes pris
dans une embuscade par un Ombre. Les flèches tirées par ses Urgals étaient entourées de sorts
maléfiques. Ils sont morts sur place.
– Qui est cet Ombre ? Je vais m’en charger sur le champ ! Où est-il ? Personne ne peut te
causer autant de tort ! PERSONNE ! hurla Slytha qui s’écroula sur les genoux en sanglotant.
– Il est mort. Eragon l’a tué.
– Il l’a tué ? Lui ? Tu ne me dis pas tout.
– J’ai distrait l’Ombre avec Saphira pour qu’il réussisse à reprendre le dessus et à
l’embrocher.
Finalement, elle n’avait pas tant changé que ça. Toujours si peu encline à vanter ses
exploits !
– Et, Ma… Islanzadì est au courant ?
– Oui. À l’époque, elle m’a crue morte et a refusé tout contact avec les Vardens.
– Eh bah dis donc ! Toujours pareille, notre chère reine ! Je suis sûre qu’elle s’en fiche
royalement, que Fäolìn et Glenwing soient morts !
– Je ne pense pas, Slytha.
– Qu’en sais-tu ?
– Elle regrette, tu sais.
– Non, je ne sais pas.
Avant d’ajouter :
– Il t’aime, tu sais.
– Qui ? Eragon ? fit Arya.
– Oui. Il te l’a dit ?
– Nous en reparlerons plus tard, Slytha, je suis exténuée.
– D’accord, si ça peut t’aider.
– En effet, merci, lui dit Arya, reconnaissante. Bonne nuit.
– Bonne nuit, Arya.
L’elfe partit regagner sa tente.
– Attends, Arya !
Elle parut hésiter, puis se retourna :
– Oui ?
– Tu m’as manqué, ma vieille.
– Toi aussi Slytha. Dors bien.
– De même pour toi ! Atra esternì ono thelduin !
– Mor’ranr lìfa unir hjanta onr.
– Un du evarinya ono varda.
Arya laissa Slytha seule et partit se coucher.
« Tu as bien changé, Arya. » songea Slytha avant de regagner la tente qui lui avait été
attribuée.
L’elfe laissa le jeune homme l’installer dans le lit et lui prit la main quand il eut terminé.
– Dors avec moi. Je…j’ai besoin de toi, lui dit-elle à son plus grand étonnement.
Il la rejoignit sous les couvertures et elle l’attira dans ses bras. Elle l’enlaça par la taille et
se détendit contre son épaule. Malgré son incompréhension grandissante, il lui caressa les
cheveux pendant quelques minutes puis il sentit la chaude pression des lèvres de l’elfe dans
son cou.
Il lui prit la main, la porta aux siennes pour lui retourner son baiser.
– Merci. Je sais que c’est contradictoire…
Une bouche appliquée sur la sienne coupa court aux excuses.
Elle l’embrassait.
Cela faisait si longtemps qu’il en rêvait, presque en en rougissant de honte. Mais
maintenant, c’était différent. Elle l’embrassait et elle répondait.
Tout comme son propre corps.
Il n’arrivait toujours pas à croire tout à fait ce qu’il était en train de faire.
Lorsque cela prit fin, ils se dévisagèrent et elle lui adressa un sourire hésitant.
Cela lui fit un effet qu’il fut incapable de s’expliquer, et il l’embrassa de nouveau, plus
longuement, plus profondément. L’elfe, d’abord assez réticente, finit par lui répondre avec
ardeur.
Involontairement, il s’appuya sur elle et il la sentit gémir pour ses côtes cassées. Il essaya
de reculer mais le bras qui lui entourait le torse resserra son étreinte.
Il enfouit ses doigts dans sa chevelure de jais, hésitant.
– Viens…
En entendant cela, il eut l’impression que quelque chose qui l’avait retenu depuis
longtemps, se délivrait enfin. Il écarta ses doigts et les plongea avec plus d’assurance dans
ses cheveux.
Elle portait encore la tenue qu’elle avait mise en l’honneur de la fête de Nasuada et sa jupe
en était légèrement remontée.
Il pouvait sentir la chaleur de ses jambes nues contre les siennes à travers son pantalon.
Son cœur se mit à battre plus vite lorsqu’il approfondi son baiser et qu’elle y répondit avec
une ferveur évidente.
L’elfe ne se méprenait pas plus sur les caresses du jeune homme que sur l’indéniable
érection qu’elle sentait se développer contre sa cuisse. Sans trop savoir ce qu’elle faisait,
mais résolue de tout manière, elle lui saisit la main et l’appliqua sur son sein gauche. Il le
cueillit doucement à travers le tissu, puis, délaçant le corsage, écarta le chemisier pour
caresser l’elfe à même la peau. Son geste déclencha…………… alors qu’il l’embrassait en
descendant jusqu’à sa gorge et lui mordillait tendrement la pointe d’une oreille.
Doucement, elle le délesta de ses vêtements avant qu’il n’en fasse de même pour elle.
Elle s’allongea sur lui…
Eragon se réveilla en sursaut, haletant, pantelant, couvert de sueur, et s’empourpra lorsqu’il
prit conscience que son entrejambe…
« Eragon ? Que se passe-t-il ? » s’inquiéta Saphira.
« Je… J’avais déjà fait des rêves prémonitoires, mais, jamais, Saphira, ô grand jamais je n’en
ait fait avec Arya. Pas plus que j’en aurais songé en secret. » bredouilla-t-il.
« Avec Arya ? »
« Nous… nous faisions l’amour, Saphira ! » s’exclama le Dragonnier. « Je vais prendre
l’air. »
Il sortit, suivit de sa dragonne, prête à l’épauler en cas de besoin.
Jamais elle n’avait vu son petit homme dans cet état. C’était comme s’il sortait d’un rêve-quivoit-l’avenir. Même s’il lui avait dit que cela y ressemblait, elle doutait que ça se réalise dans
des-jours-après-celui-là.
Elle savait que l’elfe au-parfum-des-épines-de-pin était toujours présente dans les pensées de
son petit homme, mais de là à arriver à ça…
« Saphira, aide-moi. » l’implora-t-il.
« Je suis là, Eragon. Comme toujours. »
« Que dois-je faire ? Je suis perdu. »
« Va voir Arya. » lui suggéra-t-elle.
« Pour lui relater mon rêve ? Elle va penser que j’en fais exprès et… va me dire que notre
amitié doit cesser d’exister, comme à l’Agaetì Sanghren. Mais son amitié, avec ou sans
amour, m’est trop importante pour la gâcher comme ça. J’ignore la démarche à suivre. »
« Excuse-moi. Ma proposition était idiote. Nous devrions retourner nous coucher. Nous
sommes fatigués et je n’aimerais pas me disputer avec toi pour des broutilles. »
« Moi non plus, ma belle. »
Ils rentrèrent en silence, aucun Varden ne les surpris pas plus que lorsqu’ils étaient sortis. Au
passage, ils arrivèrent devant la tente d’Arya. Le Dragonnier hésita puis poursuivit son
chemin.