Logistique urbaine : silence, on roule!
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Logistique urbaine : silence, on roule!
LM238_P026-031_DEMETER SOLUTIONS 16/07/09 11:30 Page 26 ÉVÉNEMENT Journée Demeter L Logistique urbaine : silence, on roule ! L’ESSENTIEL ■ Le club Demeter a tenu sa réunion annuelle le jeudi 12 mars à la mairie de Paris, sur le thème de la logistique urbaine. ■ Carrefour (associé à Stef-TFE) et Casino (avec DHL Exel Supply Chain) ont présenté deux tests pilotes de livraisons par camions silencieux. ■ Plates-formes de proximité et multimodalité sont des pistes d’avenir. ■ Les bonnes idées repérées à l’étranger. 26 LOGISTIQUES MAG AZ INE • AVRIL 20 0 9 • N° 238 e développement durable n’est plus seulement une belle idée.Depuis le Grenelle de l’Envi ronnement, c’est un objectif qui touche d i rectem ent les en treprises. La l oi d’ori entation de 2007 établ i t en effet la nécessité de divi s er par quatre les émissions de gaz à effet de serre à l’hori zon de 2050. Or, «les émissions des véhicules lourds co n ti nu ent d’augm en ter chaque année de 0,5 million de tonnes par an (soit 29 % d’augmentation des émissions en tre 1990 et 2006) », constate Alain Morcheoine,directeur de l’Air, du Bruit et de l’Efficacité énergétique, de l’Ademe. Les tra n s porteu rs ont donc du pain sur la planche. Afin de diminuer leur impact sur l’envi ronnement, la logistique urbaine est l’une des pistes qui a mobilisé cette année le club Dem eter. ■ Le club Demeter regroupe industriels, distributeurs et prestataires logistiques. Réuni à la mairie de Paris, il présentait le 12 mars dernier ses récents travaux. Au menu de cette année, la logistique urbaine et ses multiples chantiers, des livraisons silencieuses à la multimodalité. Réduction du bruit Les dernières expérimentations du club ont porté sur la rédu ction du bruit.«Il est considéré par les riverains comme une nuisance aussi fo rte que la poll u tion atmosphérique »,a ra ppelé Alain Morch eoine. Au sein de Dem eter, la mairie de Pa ris avait évoqué, sur ce thème,l’expérience Piek menée aux Pays - Bas (voir en c ad r é , page 30). Ses résultats concluants ont incité les membres du club à conduire en France des chantiers similaires. Ca rrefour et Ca s i n o ont donc testé des livraisons “silencieuses”. Le projet pilote a associé l’Ademe (pour les mesures de bruit), la mairie de Paris (aires et hora i res de livra i s on), ainsi que Ca rrefour – avec son tra n s porteur Stef-TFE – et Casino, a s s ocié à DHL Exel Supp ly Chain. Le test s’est déroulé entre le 16 février et le 27 mars . Demeter en bref Le club Demeter a été créé en 2001 à l’initiative de JeanMarie Picard, Pdg de CPV Associés. Devenu, en 2004, “Association du club Demeter Environnement et Logistique”, il réunit des industriels, des distributeurs et des prestataires logistiques sur des sujets de réflexion communs. Son objectif est de développer des collaborations logistiques sur des produits de grande consommation et de trouver des solutions opérationnelles permettant de maîtriser l’impact sur l’environnement. Les chantiers en cours portent sur les emballages et suremballages, la logistique urbaine, mais aussi sur des indicateurs de référence. Didier Thibaud, directeur supply chain France de Carrefour, est le nouveau président du club Demeter. Il succède à Jean-Michel Rothier, directeur supply chain clients Europe chez Coca-Cola Entreprises. Jean-Michel Rothier, directeur supply chain clients Europe chez Coca-Cola Entreprises. Jean-Marie Picard, fondateur du club Demeter, Pdg du cabinet CPV Associés. Didier Thibaud, directeur supply chain France de Carrefour, nouveau président du club Demeter, succède à Jean-Michel Rothier. De gauche à droite : Hervé Levifve, chargé des transports de marchandises en ville à la mairie de Paris, Alain Hamel, directeur organisation et méthodes supply chain de Carrefour France, Jean-Philippe Mazet, directeur des opérations transport de DHL Exel Supply Chain, et Christophe Ripert, responsable du pôle Mobilité urbaine à la direction de l’Air, du bruit et de l’efficacité énergétique de l’Ademe, sont intervenus à la table ronde sur la logistique urbaine, animée par Catherine Fournier, rédactrice en chef de Logistiques Magazine. “Si nous pouvions utiliser les véhicules la nuit, nous pourrions amortir les coûts de véhicules vraiment respectueux de l’environnement”, Le convoi DHL Exel Supply Chain a testé pour Casino en livraison silencieuse un semi-remorque équipé par Lamberet, Dhollandia et Carrier. JEAN-PHILIPPE MAZET, DIRECTEUR DES OPÉRATIONS TRANSPORT DE DHL EXEL SUPPLY CHAIN Alain Morcheoine (deuxième à partir de la droite), directeur de l’Air, du bruit et de l’efficacité énergétique de l’Ademe est entouré par Jean-Marie Picard, fondateur de Demeter (à sa gauche), et Jean-Michel Rothier, président sortant (à sa droite). N° 238 • AVRIL 2009 • LOGIS T IQUES MAG AZINE 27 LM238_P026-031_DEMETER SOLUTIONS 3 16/07/09 11:30 Page 28 TENDANCES Q U E S T I O N S À … Christhophe Ripert, responsable du pôle Mobilité urbaine à la direction de l’Air, du bruit et de l’efficacité énergétique de l’Ademe. “Chaque ville a ses points forts” Logistiques Magazine : Vous avez effectué des visites techniques à Londres, Barcelone et Tokyo pour étudier la prise en compte des marchandises en ville. Existe-t-il une ville modèle? Christophe Ripert : N o n . Je pense que chacune a ses points forts dont il faut reprendre les bonnes idées plutôt que de transposer un modèle. À Londres, c’est l’approche globale qui est intéressante. Le grand Londres représente un territoire de 1500 km2, soit l’équivalent de l ’Île-de-France, et c’est à cette échelle que la politique marchandises est envisagée. Au total, une vingtaine de personnes sont dédiées à cette question. En France, à ce jour, nous sommes six personnes en tout et pour tout à l’échelle de l’Île-de-France, et la région est peu impliquée quant à la question du fret. À Londres, il y a un vrai plan fret coordonnant les flux maritimes, les aéroports, le train et le fleuve. Lorsqu’on parle multimodalité 28 par exemple, Paris ne peut pas agir isolément. Autre atout de Londres, l’efficacité du contrôle. La politique de réduction des gaz à effet de serre et le péage urbain sont ainsi très respectés. L.M. : Quels sont les atouts de Barcelone? C.R. : Parmi les grands succès de Barcelone, on peut citer les aires de livraison. La ville leur a consacré une brigade spécialisée qui distribue des amendes très dissuasives. La réglementation est donc là aussi très respectée. La ville a en outre restreint l’accès des aires aux seuls professionnels, munis d’un disque horodateur. Par ailleurs, ces aires sont utilisées en temps partagé : suivant les heures, le trottoir est alloué soit aux résidents, soit aux livraisons, soit aux bus, et le système marche très bien car il est très contrôlé. Contrairement à Paris, les aires de livraison ne font pas l’objet d’un marquage au sol à Barcelone, ni à Londres : le système fonc- LOGISTIQUES MAG AZ INE • AVRIL 20 0 9 • N° 238 tionne par trottoirs entiers, ce qui rend plus facile l’utilisation en temps partagé et le contrôle. L.M. : Du côté du Japon, enfin, quelles sont les bonnes idées ? C.R. : Ce qui est frappant au Japon, c’est que les riverains sont très impliqués dans la gouvernance des villes. En pratique, ce sont eux, effectivement, qui subissent les nuisances et qui peuvent freiner les projets. À Yo k ohama, quartier de Tokyo où quelque 450 commerces se concentrent dans trois rues, 85 % des livraisons sont mutualisées sans passer par aucune réglementation. Un espace logistique urbain a été installé à l’entrée du quartier. Conséquence, plus aucun véhicule ne circule dans les rues commerçantes. Cette idée est partie des riverains. Et elle ne leur coûte pas un centime, car les volumes sont tels qu’une société privée gère profitablement cette activité logistique. Propos recueillis par A. D. Ca rrefour et Casino ont mené leu rs tests séparément, avec des véhicules disti n cts (lire l’en c adré, p a ge 29). Ca rrefour livra i t un seul point de vente par porteur (10 tonnes) dans Paris. Il s’agissait du magasin Champion de la rue de Vouillé, dans le XVe a rrondissement, livré à 6h45 le matin, un site particulièrement sensible en termes de voisinage. Le distributeur a simplement utilisé un véhicule silencieux,répondant aux normes Piek, et procédé à qu elques aménagements dans le point de vente,sans modif i er l’heure de livra i s on. Pour Ca s i n o, l’enjeu était différent. L’enseigne a elle aussi utilisé un véhicule silencieux répondant aux ex i gences Piek, mais il s’agissait ici d’un semi-remorque (23 tonnes) qui livrait sur deux plages horaires. Le matin,sa tournée partait de l’entrepôt d’Auxerre pour servir le Casino de la ru e de Flandres à 5h30 puis, dans la foulée,celui de Pantin vers 6 h30. Le soir, ce semi-rem orque remplaçait les deux porteurs utilisés pr é c é demment pour ravi t a i ll er le Casino de Ménilmontant à 21 h (au lieu de 18h 30 en porteur), puis celui de Nation à 22 h. de manière très sen s i ble l’impa ct ressen ti par les riverains », comDeux véhicules de tests spécifiques pour Carrefour et Casino m en te Alain Ha m el , directeur organisation et méthodes Ca r> Carrefour a employé un porteur Renault 21 palettes loué par Petit Forestier et spécialement équipé par refour Su pp ly Chain Fra n ce . Lecapitaine pour être silencieux et ne pas dépasser le seuil de 60 dB d’émissions sonores (norme Piek). Quant aux su rco û t s , il évoqu e Il possède un groupe frigorifique Carrier et un hayon élévateur Dhollandia. Stef-TFE qui a réalisé les livrai«q u elques milliers d’eu ros » pour sons, a formé spécifiquement ses chauffeurs à l’utilisation du camion et au respect des bonnes pratiques l’équ i pem ent du magasin, et 7 à pour limiter les émissions de bruit. 10 % de coût de revi ent supplé> Casino a utilisé pour sa part un véhicule DHL Exel Supply Chain assuré par General Electric, avec un mentaire sur le véhicule.Une protracteur MAN Euro 5 appartenant à General Electric, et une semi-remorque Lamberet SR2 Futura Silent portion négligeable sachant qu’une Trailer totalement homologuée Piek aux Pays-Bas (tant la carrosserie Lamberet que le hayon Dhollandia produ cti on en gra n de série sufet le groupe frigorifique Carrier). f i rait à gommer l’écart . Derrière cette expérience pilote sur le bruit, l’obj ectif des profe s- les plus “vertueux”sont à la norme “Le test de livraison silencieuse sionnels est bien,à terme,de pou- Euro 5. Mais si la ville veut génévoir faire en trer des véhicules raliser l’usage de véhicules encore du magasin Champion dans lourds à des heures non autori- moins polluants,roulant au GNV le XVe arrondissement de Paris sées aujourd’hui en vi lle.En effet, par exemple, le surcoût est proa fait baisser de manière en période de faible trafic, les hibitif. «Si nous pouvions uti l i ser très sensible l’impact ressenti camions con s om m ent moi n s , les véhicules sur des plages horaires par les riverains”, po llu ent moins et sont plus ren- élargies la nu i t , il serait envi s atables. Au-delà se cache un enjeu geable – grâce à la rentabilité ainsi ALAIN HAMEL, encore plus crucial pour le déve- obtenue – d’amortir les coûts de DIRECTEUR ORGANISATION ET MÉTHODES l oppem ent du rable. Actu ell e- véhicules vraiment respectueux de CARREFOUR SUPPLY CHAIN FRANCE m en t , les camions de livra i s on l’envi ronnement », souligne Jean- Des tests concluants Au bo ut d’un mois de te s t , même sans disposer encore des résultats détaillés (qui seron t communiqués ultéri eurement), les membres de Demeter se sont mon trés très convaincus. Pour Casino et DHL Exel Supply Chain, la durée du trajet d’Auxerre à Pa ris intra - mu ros a quasiment été réduite de moitié en utilisant ces plages horaires, actuellement non pr é vues par la régl ementation. L’uti l i s a tion d’un semirem orque au lieu de deux porteu rs a aussi diminué les coûts de carbu rant et les émissions de CO2.Transposée en année pleine, l’économie globale atteint 20000 l i tres de ga zole et 54 tonnes de CO2. Sur ce test isolé, l’ensei gn e amortit donc déjà les surcoûts, de l’ordre de 15 %,entraînés par le matériel spécifique. Carrefour tire les mêmes conclus i ons en courageantes. « Le te s t est très significatif et a fait ba i s ser N° 238 • AVRIL 2009 • LOGIS T IQUES MAG AZINE 29 LM238_P026-031_DEMETER SOLUTIONS 16/07/09 11:30 Page 30 TENDANCES P h i l i ppe Ma zet , directeur de s op é ra ti ons Tra n s port de DHL Exel Supply Chain. Une analyse p a rtagée par Bruno Théry, ch ef de projet de LR Servi ces, prestataire logi s tique de Mc Donald’s. “Le report modal pose encore aujourd’hui nombre de difficultés concrètes, notamment des conflits de réglementations”, Des espaces logistiques urbains CHEF DE PROJET DE LR BRUNO THÉRY, Le bruit et les livraisons noctu rnes ne con s ti tuent pas les seules pistes d’améliorati on de la logi s ti que urbaine. La table ronde tenue par Demeter a balayé d ’ a utres thèmes d’actu a l i t é , comme celui des plates-formes u rbaines souterraines. Le développement de ces ELU (Espaces logi s tiques urbains) semble rencon trer un vrai succès. La Vi ll e de Paris, obligée – pour des ra isons de sécurité – de ferm er de s stations d’essence dans des parkings souterrains dont elle est propri é t a i re, a créé des espaces logi s ti ques de proximité afin de désengorger le trafic. Autre intérêt, massifier les flux de marchandises a rrivant dans Pa ri s , puis uti l i s erdes modes de trans- Le convoi Stef-TFE pour Carrefour a testé en livraison silencieuse un porteur 21 palettes équipé par Lecapitaine, Dhollandia et Carrier. Les Pays-Bas, pionniers des livraisons silencieuses Les membres du club Demeter se sont inspirés, pour tester leurs livraisons silencieuses, d’un test néerlandais probant mené par l’enseigne de supermarchés Albert Heijn. Afin de désengorger le trafic et de réduire la pollution en ville, les pouvoirs publics des Pays-Bas, notamment l’agence SenterNovem –comparable à l’Ademe– ont lancé entre 2001 et 2004 le projet Piek (ce qui signifie seuil maximal de bruit autorisé la nuit). Objectif, créer des véhicules silencieux (répondant à la norme Piek) qui permettraient de livrer la nuit et qui amortiraient leur surcoût grâce à leur utilisation plus intensive. Ces véhicules ont été expérimentés pendant l’été 2007 dans neuf villes, avec des résultats tout à fait concluants. Les magasins étaient livrés entre 5h et 7h du matin et entre 19 h le soir et 2h le matin. Résultat de l’opération : à peine une plainte pour 1000 livraisons, et un temps de trajet des camions réduit de deux tiers, passant en moyenne de 1 h 30 à 30 minutes. Autre bénéfice : grâce à l’application de la norme Piek, les livraisons de centre-ville ont pu être assurées par un semi-remorque (capacité de 62 rolls) en remplacement des trois porteurs (capacité unitaire de 28 rolls) nécessaires auparavant. L’enseigne de supermarchés néerlandaise Albert Heijn a donc optimisé ses coûts à quatre niveaux : un meilleur rendement des camions du fait des plages horaires élargies, une utilisation optimisée des remorques, une réduction des accidents, une diminution du nombre de chauffeurs. Ce qui va conduire 90 % des supermarchés des Pays-Bas à s’équiper à l’horizon 2010. 30 LOGISTIQUES MAG AZ INE • AVRIL 20 0 9 • N° 238 port non po lluants en vi lle pour le “dernier kilomètre”. Le premier de ces espaces logi s tiques a vu le jour derrière la Samaritaine, sur 800 m2,courant 2003,sous l’église Saint-Germain l’Auxerrois, dans le Ier arron d i s s em en t . C’est La Petite Reine,société de livraisons u rbaines utilisant des tricycles à assistance électri que, qui a remporté l’appel à projets. Partie avec trois véhicules en 2003, son parc est grimpé à 35 en cinq ans .«Notre politique est de concéder ces emplacements sur une longue durée, généralement dix ans, à un coût logi stique annu el de 60 euros/m2 », précise Hervé Levi f ve, chargé des tra n s ports de marchandises en vi lle à la mairie de Paris. Bilan favorable pour Chronopost En 2005,un nouvel espace situé sous la Concorde a été ch oisi par Ch ron opost. Il a repr é s enté un i nve s ti s s em ent gl obal de 500000 euros (HT). La société y traite 700000 colis par an et toutes ses livra i s ons de colis express sur les VIIe et VIIIe a rrondissements, soit 14 % de ses livra i s ons parisiennes. Sur ces 950 m2, Chronopost sert ses clients avec 14 véhicules électriques et deux chariots conduits par des livreu rs à pied. «Cet te exp é ri en ce a donné lieu à un bilan écodurable,indique Hervé Levifve. Ce nouveau schéma logistique a réduit de deux tiers les émissions de gaz à effet de serre par rappo rt à l’anci enschéma, économies essen ti ellement générées par l’util i s a tion de véhicules électriques. » Autre enseignement : la nouvelle or ga n i s a ti onn’a fait app a ra î tre aucun su rcoût significatif par objet transporté, notamment gr â ce aux écon omies de carburant réalisées. Q u a tre ELU ex i s tent sur ce modèle à Paris et deux autres vont bi entôt voir le jour, dont un, de 500 m2, à Sa i n t - G ermain-desPrés : «L’appel à projets vient d’être lancé », i n d i que Hervé Levi f ve . Le second est programmé po u r fin 2009 dans un autre parking souterrain de Pyramides (qu a rti er du Louvre). “Nous envisageons la «professionnalisation» des aires de livraison, comme cela existe à Barcelone”, CHRISTOPHE RI P E RT, RESPONSABLE DU PÔLE MOBILITÉ URBAINE À LA DIRECTION DE L’AIR, DU BRUIT, ET DE L’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE DE L’ADEME La mairie de Paris a appuyé une autre soluti on ori ginale pour limiter les trajets Paris-banlieue liés à des approvi s i on n ements. «Chaque jour, des centaines d’artisans ou de te ch n i ci ens de SAV travaillant pour Da rty ou dans la mainten a n ce d’ascen seu rs , par ex em ple, vont ch erch er des pièces d é t a chées en vo i ture », souligne Hervé Levifve. Pour agir sur ce ph é n om è n e , la mairie, depuis 2006, a concédé dans ses parkings souterrains une dizaine de très petits espaces (quelques dizaines de mètres carrés) à la s ociété Con s i gn i ty, qui install e et exploite des armoires-consignes a utom a ti ques perm ettant aux artisans de se faire livrer les pièces par les réseaux d’ex pre s s i s te s directement dans leur consigne. Un système que la société Consign i ty est d’aill eu rs en train de dével opper en dehors de Paris. To utes ces initiatives s’inscrivent dans la Ch a rte de bonnes prati ques des tra n s ports et de s livraisons de marchandises dans Paris, s i gnée par la municipalité en 2006 (voir encadré ci-après). La mairie s’y est engagée à dével opper des « op é ra tions ex emplaires », dont tous ces exemples font partie. Favoriser les aires de livraison La municipalité a aussi mené un lourd travail autour des aires de livraison. L’obj ecti f était de fournir des aires correspondant r é ellem ent à la demande logi sti que des rues. Principal ch a nti er : s i m p l i f i erla régl em en t ation et améliorer la disponibilité de ces emplacements dans Paris. Après avoir recensé les aires existantes et étudié leur fonctionnement, la mairie a institué l’usage d’un disque horod a teur po u r é vi ter le stati on n em ent ill i c i te et, en collabora ti on avec la pr é- SERVICES fecture,mené une politique répressive des infracti ons. Autre nouve a uté insti tu é e : aucune aire de livra i s on ne doit se tro uver à plus de 50 mètre s d’un com m erce . Enfin, dès que des travaux de voi rie majeu rs sont entrepris dans une rue, une évaluation des besoins logistiques est systématiquement menée pour position n er des aires en quantité suffisante et corre s pondant aux be s oins de la zone. Cet exemple, dans l’Essonne, une réglementation en vigueur protégeant les zones de pri se d’eau interdit, en pratique, l’installation de platesformes le long des berges du fleuve.» Autre exemple d’inconvénient : Mc Don a l d , pour opti m i s er sa l ogi s ti que ro utière, l ivre en tritempéra tu re (avec des com p a rti m ents re s pecti fs pour le frais, le sec et le su r gelé). Dès lors, le ferrovi a i re, qui impose des ru ptures de charge pénalisant le re spect de la chaîne du froi d , ne constitue pas actu ellem ent une solution compéti tive. Aujourd’hui, le constat est sans appel : 32 millions de tonnes de marchandises en trent ch a qu e année dans Paris, dont 1 million par voie ferroviaire, et 2 millions par le fleuve (essentiellement des “Dans Paris, les sites multimodaux sont restreints, les premiers arrivés seront les premiers servis !”, HERVÉ LEVIFVE, CHARGÉ DES TRANSPORTS DE MARCHANDISES EN VILLE À LA MAIRIE DE PARIS exemple illu s tre un des résultats très concrets de la Charte. Christophe Ripert,membre de l’Ademe d é t aché à la mairie de Paris, qu i a su pervisé ce trava i l , pr é c i s e : «Nous envisageons même la “professionnalisati o n” des aires de livraison, comme cela existe à Barcelone ». E lles ne seraient réservées alors qu’aux véhicules de s professionnels et pourraient être utilisées en temps partagé : la nuit et les jours fériés pour le stationnem ent des riverains, et le jour par les professionnels. Les pistes multimodales Pa rmi les thèmes ph a res de la l ogi s tique urbaine, la multimodalité a aussi été débattue lors de la table ronde de Dem eter. Mais elle re s te encore un chanti er en devenir,car les expérimentations sembl ent peu conclu a n tes po u r l’instant,comme l’a rappelé Bruno Théry,chef de projet chez LR Servi ces, qui a testé le tra n s port fluvial. « Dès qu’on rentre dans le co n cret, de multiples difficultés su rgi s sen t , ex p l i qu e - t - i l . Pa r flux destinés au secteur BTP). Avec le port autonome de Paris,la mairie tente de développer des projets dans d’autres types de secteurs comme les commerces et les restaurants. Paris,en effet,est ouverte à la multimodalité.«Dans ses documents de planification urbaine (plan local urbanisme, plan des dépl a cem ents dans Paris, etc.), la mu n i cipalité prend réellement en co m pte les marchandises »,souligne Hervé Levifve.Le long de la Seine,21 sites au total sont prêts à accuei llir des activités logisti qu e s , dont 13 à temps partagé (port d’Austerlitz, port du Pont-Neuf, port de Gren elle, etc.). La mairie finance également des études pour accompagner les opérateurs dans leurs projets de report f luvial. Cela a été le cas en 2005 pour Monoprix, concernant ses produits de grand import. Résultat : depuis novembre 2008, l’ens ei gne ach emine 500 tonnes de marchandises en train ch a que soir en provenance de l’entrepôt Sa m ada (filiale logi s ti que de Mon oprix) de Combs-la-Ville. Elles arrivent vers 20 h 30 à la Ha lle Gabri el Lamé de Bercy,par le RER D, puis sont transportées par Geodis BM vers les magasins par camions roulant au GNV. Actu ell em ent, la mairie prof i te d ’ a i ll eu rs du grand proj et de réaménagement du qu a rtier des Ha lles pour conduire une étu de sur le transport marchandises via le RER entre l’aéroport de Roissy et les Halles.«Beaucoup d’expressistes, implantés à proximité de l’aéroport, peuvent assurer un flux constant », justifie Hervé Levifve. Arrivant au bo ut de leurs po ssibilités d’optimisation dans des schémas exclusivement routiers, les en treprises vont aujourd’hui devoir con s i d é rer ces nouveaux modes. «D’autant que dans Paris, les sites mu l ti m odaux sont re streints et les premiers arrivés seront les prem i ers servi s ! », rem a rque Hervé Levi f ve. Alexandra Dejean Une Charte de bonnes pratiques pour devancer la réglementation Signée en 2006, la Charte de bonnes pratiques des transports et des livraisons de marchandises dans Paris a été conclue par tous les acteurs du secteur transports et marchandises (organisations de transporteurs, entreprises, commerçants, chambres consulaires, pouvoirs publics, Ademe, etc.). Elle a été pensée comme un outil pragmatique, reposant sur des engagements volontaires afin d’anticiper et de préparer la réglementation à venir. Fixant un programme de travail assez précis, elle devrait être révisée fin 2009. Y figurent notamment le passage progressif des véhicules des transporteurs à la norme Euro 5, mais aussi l’installation, par la mairie, d’aires de livraison correspondant à la réelle demande logistique des rues. N° 238 • AVRIL 2009 • LOGIS T IQUES MAG AZINE 31