Vladimir Fédorovski raconte Saint-Pétersbourg par Hervé

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Vladimir Fédorovski raconte Saint-Pétersbourg par Hervé
Lundi 31 octobre 2016
Vladimir Fédorovski raconte Saint-Pétersbourg
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Saint-Pétersbourg recèle des trésors artistiques et culturels inestimables.
C'est la ville des tsars et la plus au Nord, jeune cité construite voilà trois cents
ans sur les sables et les marécages. Un étonnement permanent dont Vladimir
Fédorovski se fait l'interprète.
Le plus surprenant : la neige
« Quand le brouillard s'est dissipé et que roulent dans le ciel de gros nuages
blanchâtres aux reflets de plomb, c'est un enchantement d'apercevoir au loin se
dessiner la ville. Avec la neige, tout apparaît enfin : la flèche de l'amirauté, la
forteresse Pierre-et-Paul, le pont Anickov avec ses quatre statues équestres, le canal
Catherine où Alexandre II fut assassiné après cinq tentatives, Notre-Dame de Kazan,
et la perspective Nevski qui a retrouvé son nom après s'être appelée l'avenue de
l'Octobre-Rouge. Des sphinx égyptiens de couleur ocre regardent, impassibles, le
fleuve jaune. Par-delà la Neva, l'alignement des palais depuis la cathédrale de
Smolny jusqu'au palais d'Hiver et le golfe de Finlande, où la ville a surgi en 1703
pour devenir la capitale en 1712. »
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Le plus beau : les couleurs de Rastrelli
« Rastrelli, arrivé en Russie à l'âge de 16 ans avec son père sculpteur, devient le
principal architecte de l'impératrice Elisabeth. Il invente un style nouveau, réunissant
des composantes apparemment incompatibles dans une heureuse symbiose, en
alliant le rococo autrichien, le goût décoratif à la française et la tradition russe
inspirée des églises de Kiev et de Novgorod. Comme Pierre le Grand, Rastrelli
entreprit un pari surhumain. Son célèbre Palais d'Hiver - aujourd'hui musée de
l'Ermitage - se déploie sur deux kilomètres de façade soutenue par une forêt de
colonnes corinthiennes. Son chef-d'oeuvre, la cathédrale du couvent de Smolny est
un étonnant mariage réussi du baroque et des coupoles bulbeuses dans la pure
tradition russo-byzantine. Rastrelli représente le symbole d'une heureuse tentative de
fusion entre la tradition russe et le style occidental. »
Le plus romantique : les nuits blanches
« J'ai l'habitude de revenir à Saint-Pétersbourg pour le festival de musique, au
moment où la fin du printemps offre l'émerveillement des nuits blanches. Je prends
alors le train de nuit à partir de Moscou. Tandis que vos paupières sont closes, défile
devant la vitre la beauté des campagnes et des lacs nappés par la nuit. Au petit
matin, vous entrez enfin dans le rêve retrouvé de Saint-Pétersbourg. Alors je marche
toujours sur la perspective Nevski jusqu'au bâtiment de l'Amirauté, dont la flèche
dorée perce le brouillard au-dessus du fleuve. Le soleil s'amuse, joue à cache-cache,
pour réapparaître de plus belle. Les peintres essayaient de transmettre leur beauté
magique, les poètes chantaient l'ambiance de ces folles nuits. Dostoïevski exprime si
bien « cet état d'âme » typiquement pétersbourgeois dans son oeuvre
énigmatique Les Nuits Blanches. »
Le plus personnel : les promenades avec Dostoïevski
« C'est par lui qu'à l'âge de 13 ans j'ai découvert Saint-Pétersbourg. Loin des
imposantes façades et des palais grandioses de la capitale, Dostoïevski décrit dans
ses oeuvres les rues et les canaux de la périphérie de Saint-Pétersbourg, un monde
de sombres cours intérieures, d'escaliers de service puants, de caves humides et de
mansardes fétides. Ces descriptions créent une image insolite de la capitale
impériale. Selon Dostoïevski, tout est « incertain » dans la capitale de l'empire des
tsars : non seulement l'avenir, mais aussi le destin même de la ville. »
Le plus mystérieux : le palais Youssoupov
« Le 29 décembre 1916, Raspoutine, directeur de conscience du tsar Nicolas II, fut
convié sur la Moïka, au palais Youssoupov où il fut tué. Ce palais exquis fut, tout au
long du XIXe siècle, la résidence de plusieurs générations de l'une des plus
puissantes familles russes. Une pièce spectaculaire de ce palais est dans le goût
mauresque. Une cheminée d'onyx, un sol en marqueterie de marbre, des murs à
panneaux de marbre sculpté et une fontaine dans un bassin, taillé au sein d'un seul
bloc de pierre, produisent un effet extraordinaire, de couleurs et d'or. Ce décor fut
celui d'un coup de théâtre de l'histoire, dont l'écho résonna bien au-delà de SaintPétersbourg. Après avoir essayé d'empoisonner Raspoutine, Youssoupov affirma
qu'il tira plusieurs fois sur lui. Pourtant, aujourd'hui encore, il y a des doutes sur
l'identité du véritable assassin de Raspoutine, car le grand-duc Dimitri Pavlovitch,
présent sur les lieux du crime, aurait reconnu qu'il aurait personnellement achevé
Raspoutine, blessé par la main maladroite du prince Youssoupov. Quoi qu'il en soit
le corps de Raspoutine, assassiné, était repêché le lendemain dans la Neva. »
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Le plus secret : la forteresse Pierre-et-Paul
« Fondée le 16 mai 1703 sur l'île aux Lièvres, la forteresse Pierre-et-Paul fut bâtie
pour défendre les territoires de la Neva, conquis par la Russie aux dépens de la
Suède lors de la guerre du Nord. Le 27 mai 1703 devint donc la date officielle de la
fondation de Saint-Pétersbourg. La forteresse comprend plusieurs bâtiments, dont la
cathédrale Pierre-et-Paul où sont enterrés tous les empereurs russes, la Monnaie
nationale, le bastion Troubetskoï, la crypte grand-ducale et le musée municipal de
Saint-Pétersbourg. Le ravelin Alexeïevski, devenu la principale prison politique de
l'époque des tsars est construit dans la partie occidentale de l'île entre 1733 et 1740
en l'honneur du tsar Alexeï Mikhaïlovich.
L'histoire de cette prison emblématique de l'empire des tsars commence en février
1718, quand le fondateur de Saint-Pétersbourg y jeta son propre fils Alexis. »
Le plus intéressant : l'Ermitage
« Ce musée n'est pas seulement un coffre aux trésors artistiques inestimables, il est
aussi l'un des plus forts symboles de Saint-Pétersbourg.
Fondé par l'impératrice Catherine II, il possède l'une des collections d'art les plus
renommées au monde, environ trois millions d'objets d'art, dont seulement 5 % sont
exposés dans plus de 350 salles. »
Le plus indispensable : la Moïka
« La Moïka n'est pas seulement une rivière qui se jette dans la Neva. C'est aussi l'un
des lieux magiques de Saint-Pétersbourg. Nous sommes ici au coeur même du vieux
Saint-Pétersbourg. Tout y est lié avec son histoire ! J'hésite même à énumérer tous
ces lieux extraordinaires et les quinze ponts qui sont devenus une source
d'inspiration pour tant d'artistes et poètes.
La promenade sur la Moïka est un rare plaisir esthétique. Chaque façade y est d'un
style différent : classicisme français, néo-gothique, néo-Renaissance italienne. En se
promenant sur les quais vous suivez aussi les liens entre les couleurs extraordinaires
de Saint-Pétersbourg et les styles architecturaux. Partout à Saint-Pétersbourg, on
murmure le nom d'Alexandre Pouchkine. L'appartement de ce grand poète se trouve
également quai Moïka. »
Propos recueillis par Hervé Bertho
Rédacteur en chef à Ouest-France
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