UNE SOCIETE SANS CONFLITS EST-ELLE SOUHAITABLE

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UNE SOCIETE SANS CONFLITS EST-ELLE SOUHAITABLE
UNE SOCIETE SANS CONFLITS EST-ELLE SOUHAITABLE ?
Eléments de problématisation.
D’abord, il faut bien distinguer possible et souhaitable. On peut tout à fait
envisager qu’une société sans conflits ne soit pas possible, mais soit souhaitable
comme un idéal régulateur vers lesquels les hommes tendent. Ce n’est pas la
même chose. Votre problématique ne pouvait donc pas être : « une société sans
conflits est-elle possible ? ». Toutefois, cela ne signifie pas qu’il ne peut pas être
utile de se demander si une société sans conflits est possible. On pourra dire que
si c'est impossible, on voit mal à quoi cela peut bien servir de la souhaiter, mais
en restant prudent. Heureusement qu’il se trouve des hommes pour souhaiter
l’impossible (et le rendre possible).
Le problème est donc le suivent : en théorie, a priori, une société sans conflits est
souhaitable puisque c’est précisément l’absence de conflits que cherchent les
hommes lorsqu’ils entrent en société. Mais, en pratique, la paix, l’absence totale
de conflits, ne risquent-elles pas d’être contre-productives ? Le conflit ne peut-il
pas être productif ? La société est à la fois une entité hétérogène (composée de
classes qui s’opposent) et une entité homogène (c’est une société, un ensemble
unifié et cohérent par opposition à la foule ou à la multitude de l’état de nature).
Il faudra, pour bien traiter le sujet, convenablement problématiser la définition du
conflit. On peut penser à l’utilisation du terme dans le langage courant : conflit
social, conflit d’intérêts, conflit mondial (pour parler des guerres mondiales). Il y a
donc différents degrés de conflit. Ce qui caractérise d’abord le conflit, c’est donc
l’opposition. Un conflit c’est une situation dans laquelle deux forces s’opposent.
La forme que peut prendre ce conflit est donc variable. On pourra distinguer
entre un conflit violent et un conflit non violent (même s’il faudrait aussi
distinguer différents types de violence : violence matérielle, violence symbolique
par exemple). La réponse apportée à la question posée pourra alors varier en
fonction de la violence ou pas du conflit. L’autre caractéristique du conflit c’est
son caractère irréconciliable. Un conflit ce n’est pas seulement une divergence.
Pas seulement deux forces qui s’opposent mais deux forces qui ne vont pas dans
le même sens et ne parviennent pas à trouver un compromis. Ces tensions
peuvent, peut-être, être moins néfastes que l’opposition de forces. Le conflit
appelle une solution, c’est une situation difficilement supportable. Mais la
question qu’il faudra se poser alors est celle de savoir comment on obtient
l’absence de conflits : est-ce par sa résolution (par une forme de conciliation) ou
par la force ?
I. Une société sans conflits est souhaitable.
a) C’est la finalité de la société (sans cohésion, c’est-à-dire absence de conflits,
pas de société possible). Une société se caractérise par l’absence de conflits
violents, par l’ordre, la sécurité. Référence possible : Hobbes – Leviathan. But
de la société : sécurité, disparition des conflits violents.
b) Une société cohérente doit également supprimer les conflits d’intérêt. La
constitution d’un corps politique nécessite que chacun soumette son intérêt
particulier à l’intérêt général ce qui doit faire disparaître les conflits d’intérêt.
Référence possible : Rousseau – Contrat social. Conflit social (antagonisme de
classe : différents types de violence). Condition de l'existence de la société =
accord, convention, disparition des conflits d'intérêts.
c) Enfin, cela est souhaitable également sur le plan économique : l’absence de
conflits est profitable aux échanges économiques. Référence possible : Locke –
Lettre sur la tolérance (on peut éventuellement ajouter une dimension
morale : une société sans conflits est souhaitable compte tenu du coût humain
des conflits). Association paix/prospérité économique (même si c’est plutôt
pensé dans l’autre sens).
Transition : pour autant, l’absence totale de conflits ne risque-t-elle pas de figer la
société ?
II. Le conflit peut être utile, voire nécessaire.
III. L’absence de conflits est un idéal vers lequel la
société doit tendre (même si elle ne pourra peut-être
a) « Les périodes de paix constituent des pages blanches de l’histoire » (Hegel –
Leçons sur la philosophie de l’histoire). Reprise d’Héraclite : le conflit est père
de toute chose. Il ne sort pas forcément que du négatif d’un conflit. Au
contraire, il peut être productif, même positif (si l’on dépasse la question du
coût humain). Autre référence possible : Kant – Idée d’une histoire universelle
au point de vue cosmopolitique. Popper : nécessité d’une collaboration
« amicale/hostile » à la production de la vérité qui ne s’obtient que dans
l’épreuve de la réfutation. Voir aussi la sous-partie sur la désobéissance dans le
cours sur droit et justice.
b) D’ailleurs, on peut se demander par quelle manière on obtient une société
sans conflits. En ce sens, elle n’est pas souhaitable au sens où ce ne doit pas
être une fin en soi. Au contraire, l’absence de conflits peut être inquiétante :
ce peut être le signe de l’exercice d’une force, voire d’une violence politiques
sur la société. Référence possible : Hobbes – Leviathan (c’est par la crainte du
souverain que l’ordre est obtenu). Nécessité, par exemple, de la
désobéissance. Diderot.
c) Ou ce peut être une manière d’entériner un conflit social. Référence possible :
Engels - L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’État. (l’absence de
conflits n’est que le signe que l’une des classes de la société a suffisamment
assis son pouvoir sur l’autre pour la bâillonner complètement). Réconciliation
nationale étouffe des insatisfactions et peut ressurgir pour troubler la société :
par exemple en Espagne, Baltasar Garzon.
Transition : pour autant, ce n’est pas parce que le conflit est nécessaire comme
une étape de l’histoire qu’on ne peut pas viser l’absence de conflits comme
objectif final, comme idéal pour la société.
jamais l’atteindre).
a) Ainsi, le conflit est un moyen vers une fin extérieure qui est l’absence totale de
conflits. Dans une société idéale, les individus n’ont ni conflits violents, ni
même divergence d’intérêts, ils sont spontanément unifiés dans la société car
ils se soumettent d’eux-mêmes à une loi générale qui dépasse leur intérêt
particulier. Référence possible : Kant – Idée d’une histoire universelle au point
de vue cosmopolitique. Même si l’insociabilité est dans un premier temps
nécessaire, elle doit permettre de transformer les premières sociétés en un
« tout moral », c’est-à-dire une entité harmonieuse où le conflit n’a plus lieu
d’être.
b) Cela ne signifie pas, d’ailleurs, que les divergences ont disparu. Ce qui
caractérise le conflit, c’est son caractère violent, irréconciliable. Une
divergence, au contraire, peut être dépassée. Le conflit est le signe d’un échec
de la raison, de la délibération. Référence possible : Spinoza – Traité
théologico-politique. Rawls, Libéralisme politique Il ne faut pas entrer en
conflit contre l’Etat, ce qui ne signifie pas qu’on ne peut pas exprimer une
divergence d’opinion (distinguer conflit armé, violent et divergence de vue).
c) Ainsi, grâce à la délibération, où tous s’expriment et sont entendus, on peut
éviter le conflit qui est produit par l’absence de discussion. Référence
possible : Aristote – Les politiques. Le lien politique par excellence, c’est
l’amitié. Quel genre d’homme serions-nous si nous renoncions à souhaiter ou
espérer la fin des conflits ? Eric Weil : substituer la discussion à la violence.