Préface rédigée par Marie Goré

Transcription

Préface rédigée par Marie Goré
Préface
Madame Esther Bendelac livre ici, avec la publication de sa thèse de
doctorat, rédigée en quatre ans, fait suffisamment rare pour qu’il soit souligné, un travail tout à fait innovant sur un sujet particulièrement difficile. Il
s’agit pour l’auteur d’analyser les mécanismes, inconnus du droit français et
à ce titre qualifiés d’exorbitants, que sont les différentes techniques d’Estate
Planning du droit anglo-américain. L’expression d’Estate Planning désigne
l’ensemble des procédés de planification successorale permettant d’organiser
par anticipation une succession afin d’écarter les règles applicables ab intestat. On sait en effet que spécialement en droit américain, la pratique, confortée par la jurisprudence, au besoin encadrée par les textes, fait régulièrement
preuve d’imagination pour contourner la procédure de probate. Ces techniques n’ayant jamais fait l’objet d’une étude exhaustive en droit français,
il convenait d’en dresser les contours dans leur milieu d’origine, d’en révéler
les fonctions et d’en tirer les conséquences au regard des catégories du droit
international privé. Il faut savoir gré à Madame Esther Bendelac d’avoir eu
l’audace d’être la première à se lancer dans l’aventure.
C’est d’abord une étude de droit comparé que nous offre l’auteur. L’objectif de l’ouvrage est précisément circonscrit. Madame Esther Bendelac a
entendu, avant tout, se concentrer, à l’intention des juristes français, sur la
présentation ainsi que sur la qualification de ces opérations ignorées pour
une grande part de notre système juridique. Si les tribunaux français, n’ont
pas encore été confrontés à ces mécanismes, hormis l’institution du trust, les
notaires trouveront ici d’utiles informations pour comprendre tant la variété
que la spécificité de l’Estate Planning. En effet, l’auteur analyse successivement la clause de survie, right of survivorship, la life insurance, le joint tenancy
le pay-on death designation, le bank account with right of survivorship. Ces
mécanismes font tous l’objet d’analyses de première main, la bibliographie en
langue étrangère ayant été directement lue à l’occasion de plusieurs séjours
de recherches dans les pays de common law. Chaque technique est l’occasion
d’un approfondissement de son contexte historique, d’une définition précise
Le transfert de biens au décès autrement que par succession en droit international privé
de ses périmètres et de ses utilités, avant que ne soit conduite une comparaison avec des institutions françaises voisines, sans pour autant être équivalentes. L’auteur conclut au caractère exorbitant de ces mécanismes qu’aucune
catégorie française ne pourrait accueillir.
On aurait tort de croire que l’auteur se satisfait d’un inventaire descriptif. Madame Esther Bendelac propose une présentation ordonnée en distinguant les « institutions structurées par une seule spécificité », c’est-à-dire qui
comprennent soit un right of survivorship, soit un life interest, des « institutions dites complexes ». Au nombre de ces dernières figurent les mécanismes
qui combinent la clause de survie et l’encadrement des bénéficiaires, ainsi
que ceux qui sont fondés sur des rapports tripartites comme le living trust
et le charitable split interest trust. Sans doute s’agit-il là d’un critère parmi d’autres, et la classification ne prétend pas être exhaustive et totalement
scientifique: elle présente fort heureusement l’avantage d’être didactique et
de faire apparaître l’inventivité de la pratique de la gestion de patrimoine en
common law. On ajoutera que les développements techniques, exposés dans
un style agréable, sont souvent illustrés d’exemples très éclairants, ce qui traduit les qualités pédagogiques de la candidate.
Souhaitant tirer les conséquences de sa démarche comparative, c’est
ensuite une étude de droit international privé que propose l’auteur. Madame Esther Bendelac souhaite, elle le précise d’emblée dans son introduction, se limiter à la seule recherche de la détermination de la loi applicable,
excluant l’articulation entre la loi qui régit l’institution et la loi successorale. Ceci pourrait faire l’objet d’un examen dans un autre travail, une
fois maîtrisées et validées les qualifications nécessaires au choix du rattachement approprié.
De façon classique, la thèse est divisée en deux parties, l’une consacrée à
la qualification, l’autre à la loi applicable aux institutions, au cours desquelles
l’auteur prend le lecteur par la main et lui fait suivre pas à pas le cheminement
de sa pensée. Soucieuse de justifier ses choix, Madame Esther Bendelac examine ainsi la méthode de la reconnaissance pour l’écarter, réfute l’application
d’éventuelles lois de police, pour retenir la méthode conflictuelle. Elle n’hésite
pas à faire preuve de personnalité en avançant, à l’issue de sa démonstration,
une proposition de thèse originale, par laquelle elle dégage une catégorie juridique autonome, spécifique aux institutions d’Estate Planning. À cette catégorie est attachée une règle de conflit propre : une professio juris encadrée et,
à défaut, la loi de la résidence habituelle du constituant. En cas de pluralité
de constituants, c’est la loi de la résidence habituelle du constituant la plus
favorable à la validité de l’institution en cause qui serait applicable. Sans
doute la création d’une catégorie nouvelle peut-elle susciter un certain débat
si l’on tient pour déterminant le caractère synthétique des catégories du droit
international privé, mais Madame Esther Bendelac rejoint ici la légion des
auteurs favorables à la spécialisation de la règle de conflit.
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bruylant
Préface
Madame Esther Bendelac a défriché avec beaucoup de talent un terrain
difficile et neuf. Son ouvrage sera utile à bon nombre de professionnels français qui y trouveront des analyses et informations précieuses. Les qualités
dont fait preuve Madame Esther Bendelac dans cet ouvrage sont très certainement porteuses d’un bel avenir.
Marie Goré
bruylant
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