Plus qu`une voiture, un OVNI

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Plus qu`une voiture, un OVNI
PLEINS PHARES
60 ANS DE DS
◀ Les 50 ans
de la DS en 2005
en avaient attiré
1 600, dont
ce modèle 1956
champagne toit
aubergine, couleurs
de celle du Salon
de Paris 1955.
Plus qu’une voiture, un OVNI
En 2005, les 50 ans de la DS avaient donné lieu à une grande fête populaire dans les Yvelines
et dans Paris. Dix ans plus tard, les collectionneurs et les clubs vont remettre le couvert.
Avec l’aide de Citroën qui entend bien en profiter pour asseoir sa marque DS.
Philippe Losson,
négociant spécialisé à Tournus
«La DS a intégré
les grandes
collections»
«J’ai commencé à me spécialiser dans
la DS en 1986. En 28 ans, j’ai vendu plus
de 800 DS, dont plusieurs fois les mêmes.
Les meilleures, dès qu’elles reviennent
sur le marché, je les reprends… Avec l’augmentation des prix, les choses ont radicalement
changé depuis 6-7 ans. Autrefois, on avait à faire à des collectionneurs passionnés, qui
n’hésitaient pas à travailler eux-mêmes sur leur voiture, à l’améliorer. Aujourd’hui, mes clients
sont des investisseurs, qui veulent une auto en parfait état, garantie et la certitude de la
revendre avec une plus-value. Au moins ce que la banque leur offrirait. Le coût du plaisir
n’est plus du tout pris en compte. Le profil type de l’acheteur de DS est donc un homme de
50-60 ans au pouvoir d’achat élevé, surtout pour les cabriolets bien sûr, qui cotent 130 000 €
pour un 19 et entre 150 000 et 200 000 € pour un 21. Le bon côté des choses, c’est que la
DS a intégré les grandes collections. Quand j’ai commencé à exposer à Rétromobile, les grands
marchands ne m’adressaient pas la parole. Aujourd’hui, ils considèrent mon stand avec intérêt.
Les voitures aussi ont évolué en qualité. Il y a 15-20 ans, on ne restaurait pas les DS, on les
remettait en état. Aujourd’hui, celles qui le nécessitent sont intégralement reconstruites,
ce qui représente un temps de main d’œuvre énorme. Et l’on se heurte à la mauvaise qualité
de bien des pièces refabriquées. Car là aussi, le client achète un prix, pas une qualité, puisque
de toute façon il roulera peu. C’est un gros problème. Je ne restaure que des voitures qui me
plaisent et que je revendrai. Je ne prends pas des chantiers pour des clients. Les DS les plus
recherchées sont toujours les 21 de 1967 et depuis quelques années les 23 ie, autour
de 30 000 €. Mais toutes se vendent, même les ID 19 ou DSpécial. Je privilégie alors
des voitures en très bon état d’origine et je conseille aux acheteurs de les maintenir ainsi,
sans faire de frais. Le jour où ils voudront mieux, une DS Pallas, je la leur reprendrai.
Les breaks sont aussi rares que les cabriolets, mais leurs acheteurs aussi, ça s’équilibre.»
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LA VIE DE L’AUTO N° 1645 / 8 janvier 2015
Photo : Daniel DENIS
Par Bruno LEROUX
Tous les modèles
◗ DS 19 : octobre 1955-septembre 1965
1 911 cm3 3 paliers , 75 puis 83 ch*, boîte hydraulique à 4 vitesses,
ou boîte mécanique à partir de janvier 1963 seulement
◗ DS 19 A : septembre 1965-septembre 1968
1 985 cm3 5 paliers, 90 ch, boîte hydraulique ou mécanique à 4 vitesses
◗ DS 20 : septembre 1968-avril 1975
1 985 cm3, 103 puis 108 ch, boîte hydraulique à 4 vitesses,
ou boîte mécanique jusqu’à août 1969 seulement
◗ DS 21 : septembre 1965-août 1972
2 175 cm3, 109 puis 115 ch, boîte hydraulique ou mécanique à 4 vitesses,
ou boîte auto Borg Warner de novembre 1971 à août 72
◗ DS 21 ie : juillet 1969-août 1972
2 175 cm3, 124 ch grâce à l’injection électronique, boîte hydraulique
ou mécanique à 4 vitesses
◗ DS 23 : août 1972-avril 1975
2 347 cm3, 139 ch, boîte mécanique 5 vitesses, hydraulique 4 vitesses
ou automatique 3 vitesses
◗ DS 23 ie : août 1972-avril 1975
2 347 cm3, 141 ch grâce à l’injection électronique ; boîte mécanique
5 vitesses, hydraulique 4 vitesses ou automatique 3 vitesses
◗ ID 19 : mars 1957-octobre 1960
1 911 cm3, 66 ch, boîte mécanique uniquement
◗ ID 19 A et B : septembre 1965-septembre 1969
1 911 cm3, 81 puis 83 ch, boîte mécanique uniquement
◗ ID 20 : sept 1968-septembre 1969
1 985 cm3, 103 ch, boîte mécanique uniquement. L’ID 21 existe en break
◗ DSpécial : juillet 1969-août 1972
remplace l’ID 19 ; 91, 98 puis 108 ch, boîte mécanique uniquement
◗ DSuper : juillet 1969-août 1972
remplace l’ID 20 ; 103 puis 108 ch, boîte mécanique uniquement
◗ DSuper 5 : août 72-janvier 1975
remplace la DS 21 ; 2 175 cm3, 115 ch, boîte mécanique 5 vitesses
*Les puissances sont indiquées en ch SAE.
PLEINS PHARES
◀ L’habitacle
de la DS est
une invitation
au voyage :
vaste, lumineux,
confortable
au-delà de tout
ce qui était connu.
Ici, une DS Confort
de 1962-1968 à
boîte hydraulique.
Quelques dates
pour les reconnaître
◗ mai 1957 : plus d’alu strié sur la jupe avant
◗ février 1958 : double échappement sortant
à gauche et non plus au centre
◗ août-septembre 1959 : ailes AR allongées,
ailes AV à grille “cendrier”
◗ août 1961 : planche de bord vague en tôle
◗ septembre 1963 : nouvel AV jointif à butoirs
en boomerang, butoirs sur le pare-chocs AR
◗ août 1964 : sortie de la Pallas, passage du liquide
synthétique rouge LHS au minéral vert LHM
◗ septembre 1965 : roues en 380 (15’) à 5 tocs au
lieu de 400 à serrage central, enjoliveurs différents,
jupe AV bulbeuse, entrées d’air plus larges
◗ septembre 1967 : face avant à doubles phares sous
vitres, plaque d’immatriculation sous le pare-chocs
◗ septembre 1968 : planche de bord vague
entièrement noire, boutons-poussoirs
◗ septembre 1969 : planche de bord symétrique
à 3 cadrans, feux AR plus gros
◗ septembre 1971 : poignées de portes à palette
affleurante au lieu de poignées à bouton-poussoir,
volant en mousse
▲ Ce break DS 23 de 1974 est l’un des
derniers fabriqués, au terme d’une production
d’environ 100 000 voitures. Trois finitions
étaient proposées : Commerciale 5 places,
Break Confort à 2 sièges en vis-à-vis dans le
coffre, et Familiale 7-8 places à 3 strapontins.
◀ Un cabriolet DS 19 de 1962, avec grilles
dans les ailes avant. Il y eut moins de
1 400 cabriolets ID et DS usine, plus une
centaine de versions spéciales Chapron.
Une ID 19 jaune jonquille.
On la reconnaît à ses pare-chocs
en aluminium, ses petits enjoliveurs
de roues, son toit brut, son grand
volant, son joint de pare-brise noir,
ses cornets en plastique… ▶
▲ En soulevant le capot d’une DS, on trouve la roue de secours et sa béquille,
le radiateur d’eau au-dessus de la boîte et des freins, puis le moteur qui empiète
sous le pare-brise galbé. Avec la batterie et le système hydraulique, l’accessibilité
n’est pas idéale mais on a tôt fait de démonter les ailes.
Henri Fradet,
Michel Boutias,
Citromuseum de Castellane
Atelier 524 à Grenoble
«Sa technique
me passionne»
«Hyper fiable mais
chère à restaurer»
«J’ai ouvert la première tranche du Citromuseum en avril 2005, pour
les 50 ans de la DS, et j’en expose une vingtaine, toutes en excellent
état d’origine et très peu kilométrées, comme cette 23 ie de 19 000 km
seulement. Je n’ai pas d’histoire familiale avec la DS mais, très jeune,
sa technique m’a passionné. Beaucoup de visiteurs sont étonnés
d’apprendre ou de se souvenir de tout ce qu’elle a apporté, il y a 60 ans.
Ne serait-ce que la pompe à eau/pompe hydraulique basse pression
en une seule pièce, c’est un cas unique en mécanique. Je me suis donc
mis à chercher la plus ancienne possible, la plus proche des prototypes,
et ai pu acheter la n°32, la plus ancienne DS commercialisée connue.
Car le Conservatoire Citroën possède l’ELV 31, mais il s’agit d’une
voiture d’essais, jamais réceptionnée. Et elle a été pillée à une certaine
époque. Électronicien de formation, les 21 et 23 injection électronique
m’intéressent aussi. Du fait de tous ses asservissements hydrauliques,
la DS supporte encore moins qu’une autre voiture l’inactivité.
C’est un souci pour des voitures de musée. J’ouvre six mois de l’année
et consacre les six autres à entretenir le parc, remettre en route, faire
rouler, remplacer les pièces défectueuses… En période d’immobilité,
je conseille de retirer la batterie, qui dégage des vapeurs acides,
vidanger le réservoir et retirer la jauge, pour que l’air circule. Sinon,
l’essence se décompose et ses vapeurs font rouiller le haut du réservoir.»
«La DS est une voiture d’une fiabilité
exceptionnelle, surtout pour son degré
de technicité. Mais il faut avoir conscience
qu’elles ont toutes entre 40 et 60 ans.
Celles qui n’ont jamais été restaurées sont
très fatiguées et nécessitent un gros travail,
sur la coque, les longerons, les brancards
de pavillon, sur les trains roulants…
Et c’est une opération onéreuse. Nous sortons de l’atelier des DS comme elles tombaient de chaîne
à l’époque, pour un prix de 60 00 à 80 000 €. Après, l’entretien courant est très raisonnable : une
vidange par an, une ou deux fuites minimes vite réparées. On trouve de moins en moins de pièces
d’origine mais toutes sont refabriquées. Et là, on a le choix entre de la mauvaise qualité vendue
bon marché et une qualité approchant celle de Citroën, beaucoup plus chère. Nous sommes le
1er site français de vente de pièces DS-SM, avec une clientèle 50 % française et 50 % étrangère.
C’est au contact des Américains, Australiens ou Sud-Africains que l’on se rend compte combien la
DS est mythique, synonyme de luxe à la française, associée à Chanel ou au Concorde. Nous offrons
un service expertise à ceux qui souhaitent acheter une DS. Pour 180 €, cela peut éviter bien
des pièges. On ne sait jamais si une DS a 80 000, 180 000 ou 280 000 km. Surtout, privilégiez
une voiture non bricolée. On voit arriver des injection électronique complètement inréglables.
Commençant à ratatouiller à cause d’injecteurs fatigués, certains bricoleurs touchent à la partie
électrique et après, pour tout remettre en état, c’est l’enfer.»
LA VIE DE L’AUTO N° 1645 / 8 janvier 2015
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PLEINS PHARES
60 ANS DE DS
Une DS 23 ie Pallas de 1975,
avec intérieur en tissu et appuie-tête.
Les phares longue-portée ne sont
directionnels en série que sur les Pallas,
et les Confort à partir de 1972.
Bob Neyret, pilote de rallye
Le premier
tableau de bord,
de 1955 à 1961,
est une œuvre
d’art de Flaminio
Bertoni, tout en
plastique. ▶
Le troisième
tableau de bord
dit “de sécurité”
(1970-1975) est
massif et bien
moins élégant que
les précédents, mais
plus ergonomique.
Ici sur une DSuper 5
à boîte mécanique
5 vitesses. ▶
Le saviez-vous ?
◗ La DS est due au génie d’André Lefebvre, chef du bureau d’études, de
Paul Magès, responsable de l’hydraulique et de Flaminio Bertoni, styliste.
◗ La série D (DS et ID) a été produite à 1 445 960 ex. dont 1 330 755
en France (Javel et Aulnay).
◗ La DS a remporté 2 fois le Rallye Monte-Carlo, 2 fois le Tour
de Corse, 3 fois le Rallye du Maroc et bien d’autres épreuves.
Elle a donné 4 coupes des constructeurs à Citroën.
◗ Le différentiel des DS est un peu en avant des moyeux de roues, pour
que les arbres de roues forment un V. Cela réduit le rayon de braquage.
◗ Les articulations de roues avant se trouvent au centre de la bande
de roulement, ce qui donne la meilleure tenue de route en toute
circonstance. Cela s’appelle “le pivot dans l’axe”.
◗ Tous les breaks, badgés ID ou DS, ont le freinage haute pression
et la pédale-champignon de la DS.
◗ Six mois avant le Salon 1955, l’arrière de la DS n’était toujours pas
finalisé. Imaginés en dernier, les cornets de clignotants sont restés
de deux types sur la DS, inox ou plastique rouge, jusqu’en 1961.
◗ La DS est composée de quelque 12 000 pièces en fer, aluminium
(capot), matière plastique (pavillon, tissus et planche de bord, 1,45 m
de large, la plus grande pièce de plastique moulé à l’époque),
verre et même de bois (cales d’épaisseur).
◗ Les 12 panneaux de carrosserie, démontables, étaient peints en usine
sur un carrousel.
◗ Pour éviter de démarrer avec une vitesse enclenchée, c’est le levier
de vitesses hydraulique qui fait office de commande de démarreur.
◗ Jusqu’à février 1956, la DS n’aura pas de levier de commande
de hauteur, mais un cric à manivelle pour changer de roue.
◗ Les 1 371 cabriolets usine et Chapron sont assemblés sur
des soubassements de breaks, à 4 têtons de cric au lieu de 2.
◗ Plus de 100 pièces décoratives distinguent une Pallas d’une Confort.
◗ Les capots moteur et de malle, ouverts, ne gênent pas la visibilité.
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LA VIE DE L’AUTO N° 1645 / 8 janvier 2015
«La vision de Citroën vis-à-vis
de la DS a totalement changé»
«Des bons souvenirs de compétition en DS, j’en ai des tas, c’était
une voiture tellement extraordinaire. Je ne voulais que des boîtes
hydrauliques, car elles permettaient de conduire avec un pied sur
le frein et l’autre sur l’accélérateur. Ainsi, on jouait sur la suspension,
on corrigeait ses plongeons aux pédales en mettant le poids sur l’avant
ou l’arrière. Les temps de passage des vitesses étaient réglés beaucoup
plus rapides que sur les DS de série. Les freinages aussi étaient
très courts. Le plus sympa, c’est quand j’ai couru le Londres-Mexico
1970. Tous les gars prenaient le bateau à Lisbonne pour rejoindre
Rio de Janeiro. Avec Jacques Terramorsi, nous avons pris l’avion pour
Casablanca, gagné le Rallye du Maroc, et sauté dans un autre avion pour
Rio. Mais ce que je vis aujourd’hui avec Citroën est aussi très agréable.
Quand j’ai commencé à faire courir des DS il y a 3-4 ans, on m’envoyait
promener, il ne fallait surtout pas évoquer le passé. Depuis 6-8 mois,
nos rapports ont totalement changé. Quelqu’un a compris que l’histoire
de la DS peut aider à lancer la nouvelle marque DS Spirit et cet homme,
c’est Carlo Tavares, qui admirait en 1969 le vainqueur du Rallye
du Portugal en DS, son compatriote Francisco Romaozinho.
Même les jeunes cadres qui n’ont jamais connu les DS et SM veulent
savoir, me questionnent. Je n’en reviens pas d’un tel changement.»
Norbert Samson,
organisateur des 60 ans
de la DS à Paris
«700 DS sur les
Champs-Élysées»
«Les trois clubs DS de la région
parisienne travaillent ensemble depuis
des années, et organisent par exemple
conjointement un rallye annuel en mai.
Ils ont décidé de fêter les 60 ans de la
DS à cette période, les 23 et 24 mai,
pour s’inscrire dans la DS Week de
Citroën, du 18 au 24 mai dans les jardins
des Tuileries à Paris. Le 3 novembre,
nous avons créé l’association Le Monde
de la DS pour coordonner les animations
envisagées. Les contraintes logistiques nous obligent à limiter à 700 DS. Il ne faudra donc pas
tarder à s’inscrire. Samedi 23 : rendez-vous à Montlhéry qui présente toute l’infrastructure
désirée et dont le directeur Denis Huille a longtemps dirigé le Conservatoire Citroën. Il y aura des
parades sur l’anneau, un concours d’élégance, une conférence sur l’histoire de la DS et une autre
sur la nouvelle marque DS, un exercice de roulage sur 3 roues. Citroën Héritage sortira plusieurs
DS de course pilotées par d’anciens pilotes d’usine. Un dîner de gala avec orchestre clôturera
la journée. Dimanche 24 : rassemblement à l’Étoile pour descendre les Champs-Elysées jusqu’aux
Tuileries où sera servi un brunch, proche de l’exposition préparée par Citroën Héritage.
Nous attendons l’autorisation. Le site Internet Le Monde de la DS sera opérationnel le 15 janvier
et la manifestation sera véritablement lancée à Rétromobile.»
On verra aussi des DS à Rétromobile du 4 au 8 février sur le stand Citroën, aux salons de Reims et d’Anvers,
les 20-21 juin à Roubaix, au DS Day les 5-6 septembre à Nointel et à Citro-Rétro dans le Nord le 13 septembre.