Le massacre de la Saint-Barthélemy vu par Prosper Mérimée*
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Le massacre de la Saint-Barthélemy vu par Prosper Mérimée*
「프랑스문화연구」 제19집 2009. pp. 153~178 Le massacre de la Saint-Barthélemy vu par Prosper Mérimée* 1)LI 차 Ⅰ. Introduction Ⅱ. Un massacre non prémédité Hong** 례 Ⅲ. Des responsabilités partagées Ⅳ. Une insurrection nationale I. Introduction Le massacre de la Saint-Barthélemy est considéré comme un des évènements les plus sanglants de l'Histoire de France. Les tueries qui eurent lieu à Paris dans la nuit du 23 au 24 aoû̂t 1572 constituent, encore aujourd'hui, un sujet inépuisable de réflexion pour les chercheurs et inspirent également de nombreux auteurs et cinéastes fascinés par le climat extrê̂me de fanatisme et de haine qui embrasa la capitale et désireux de retracer le fil des évènements ainsi que * 이 논문은 인하대학교의 지원에 의하여 연구되었음. ** 인하대학교 154 LI Hong l'engrenage qui déclencha le carnage. Dès le lendemain du drame, des écrivains populaires rédigeaient des récits de la tragédie dans des styles variés et proposés suivant des versions divergentes, reflétant leurs convictions religieuses et politiques. Les auteurs de romans ou de feuilletons, qui voulaient diffuser leurs écrits auprès du grand public, prirent beaucoup de liberté avec l'Histoire en privilégiant les éléments spectaculaires afin que le grand public comprenne plus aisément ces évènements et les hommes qui les vécurent. D'autres écrivains, fidèles à leur documentation personnelle, firent des récits dont le canevas était très proche de celui des contemporains de cette extermination, notamment Prosper Mérimée (1803-1870) qui donna sa version des faits dans ses Chroniques du règne de Charles IX, ouvrage publié en 1829.1) L'objectif de cette recherche est d'analyser l'écriture de Mérimée dans ce roman pour saisir sa vision des évènements et voir dans quelle mesure elle se rapproche ou s'éloigne de celle des historiens. Nous tenterons également de faire apparaî̂tre l'importance et la signification historiques qu'il accorde à la nuit de la Saint-Barthélemy ainsi que le degré de responsabilité qu'il attribue aux principaux protagonistes de cette nuit de fureur. Nous observerons également avec attention le style que Mérimée emprunte pour relater cette hécatombe 1) Prosper Mérimée, Chroniques du règne de Charles IX, Édition de Pierre Josserand, Paris, Gallimard, 1969. Le massacre de la Saint-Barthélemy vu par Prosper Mérimée 155 Ⅱ. Un massacre non prémédité Dans l'introduction de son roman, Prosper Mérimée, qui s'interroge sur les causes du massacre, esquive la réponse dans un premier temps, rappelant clairement qu'aucun historien n'a pu apporter de réponse définitive, manquant de preuves et de sources fiables sur lesquelles appuyer d'éventuelles affirmations, confirmant sa volonté de respecter au maximum la réalité historique : À toutes ces questions, aucun historien ne me donne de réponse satisfaisante.2) Un peu plus loin dans le texte, Mérimée se montre beaucoup plus catégorique concernant la préméditation éventuelle des massacres, question au centre de nombreuses polémiques, encore de nos jours, mê̂me si la plupart des spécialistes privilégient la thèse d'un complot commandité conjointement et avec des degrés de responsabilité divers par le duc Henri de Guise (1549-1588), le roi Charles IX (1550-1574) et sa mère, Catherine de Médicis (1519-1589) : Pour moi, je suis fermement convaincu que le massacre n'a pas été prémédité...3) Ici, Mérimée se démarque clairement de la tendance générale et fait part de son désaccord avec les autres auteurs à qui il reproche leur manque de rigueur et l'inconstance de leurs jugements, notamment dans les descriptions très contradictoires et équivoques de Catherine de Médicis : ... des auteurs qui s'accordent en mê̂me temps pour représenter 2) Prosper Mérimée, op. cit., p. 39. 3) Prosper Mérimée, op. cit., p. 40. 156 LI Hong Catherine comme une femme très méchante, il est vrai, mais comme une des tê̂tes les plus profondémént politiques de son siècle.4) Mérimée ne s'attarde pas sur la reine mère, qu'il n'évoque donc que brièvement, et tente plutô̂t d'analyser le niveau de crédibilité, la vraissemblance que l'on peut accorder aux assertions de nombreux historiens qui imputent au duc de Guise et à Charles IX les tueries de la nuit de la Saint-Barthélemy. 1) La détermination du duc de Guise Prosper Mérimée accorde peu de crédit à une conspiration ourdie par le duc de Guise. Il rappelle simplement la nature des relations privilégiées que celui-ci entretenait avec la population parisienne, en grande majorité catholique et animée d'une haine viscérale pour les protestants qui leur paraissaient particulièrement "odieux" depuis les premiers affrontements des guerres de religion, animosité accrue à la pensée des faveurs dont certains chefs, en particulier l'amiral Gaspard de Coligny (1584-1646), conseiller du roi, jouissaient à la cour.5) Pour Mérimée, ces catholiques parisiens, menés par les bourgeois qui avaient organisés des milices disposées au combat, 4) Ibid. L'argumentation de Mérimée paraît logique mais il est permis de se demander si l'auteur est vraiment convaincu dans son point de vue, Catherine de Médicis ayant partout été décrite comme une femme à double visage. Balzac parla d'une “habile Italienne”, tout en évoquant une “femme supérieure”. Cf. Honoré de Balzac, Études philosophiques sur Catherine de Médicis, Albin Michel, 1957. 5) Pour Mérimée, ces ressentiments trouveraient leur origine dans les sièges de la capitale entrepris par le duc de Condé (1621-1686) en 1562 et en 1567. Le massacre de la Saint-Barthélemy vu par Prosper Mérimée 157 voyaient en Henri de Guise le leader qu'ils attendaient et dont ils avaient besoin pour leur ordonner les sinistres besognes qu'ils étaient prê̂ts à accomplir. Conscient de la situation et encouragé par la confiance que les Parisiens nourrissaient à son égard, le duc de Guise n'aurait donc que ré̂̂pondu à la ferveur populaire de plus en plus exigeante qui se manifestait autour de lui, d'autant plus qu'il se trouvait dans une position politique fragile et délicate, peu en rapport avec ses ambitions personnelles. Animé d'un fanatisme et d'une fureur sinistres qui enveloppaient une rancoeur profonde, Guise avait justement besoin d'un appui populaire pour diriger les expéditions punitives qu'il envisageait. Pour Mérimée, la détermination cruelle que montra le duc de Guise envers les huguenots était donc partagée par les Parisiens qui firent de lui leur leader naturel. L'auteur reconnaî̂t cependant que Guise a profité de ces circonstances alarmantes pour provoquer et exalter les chefs des milices bourgeoises de Paris afin de mettre au point l'holocauste qu'il était en train d'envisager. Il assemble les chefs de la garde bourgeoise, leur parle d'une conspiration des hérétiques, les engage à les exterminer avant qu'elle éclate et alors seulement le massacre est médité.6) On peut remarquer que Mérimée emploie l'adverbe "seulement" en italique, ce qui montre qu'il est vraiment convaincu que le duc de Guise n'a pas fomenté de complot. Pour lui, la détermination qui animait le "Balafré" a été guidé à la fois par une situation pressante et les exhortations des Parisiens, ainsi que par une animosité ressentie personnellement et par sa famille envers les huguenots. 6) Prosper Mérimée, op. cit., p. 45. 158 LI Hong Cette courte analyse confirme le fait que Marimée ne croit pas à la thèse d'une préméditation des massacres de la Saint-Barthélemy. Dans l'extrait de phrase suivante, il précise que Guise n'aurait pas eu matériellement le temps de préparer la conspiration dont l'accusent de nombreux historiens. Comme entre le plan et l'exécution, il ne se passa que peu d'heures...7) 2) La faiblesse de Charles IX Concernant l'implication directe de Charles IX dans la fomentation d'un complot destiné à éliminer les chefs huguenots au cours de la nuit de la Saint-Barthélemy, Prosper Mérimée se livre à une analyse scrupuleuse, évoquant différentes hypothèses dont il pèse prudemment le pour et le contre. Il insiste ici sur l'importance du peu de fiabilité que l'on peut accorder aux sources citées et utilisées par certains auteurs et historiens, en mettant en avant les évocations discordantes décrivant Charles IX, comme il l'avait fait pour Catherine de Médicis.8) Mérimée évoque d'abord un plan de massacre, répandu par de nombreux auteurs, supposé avoir été mis au point environ une année 7) Prosper Mérimée, op. cit., p. 45. 8) Il faut rappeler que Mérimée avait un goût prononcé pour les études historiques. Il sera d'ailleurs nommé inspecteur général des Monuments historiques en 1834 et entreprendra des recherches dans le domaine de l'Histoire dès 1838, époque où époque où le roman historique était en vogue avec des auteurs comme Amédée Thierry (1797-1873) ou Jules Michelet (1798-1874). Le massacre de la Saint-Barthélemy vu par Prosper Mérimée 159 avant les évènements de la Saint-Barthélemy. L'auteur souligne le peu de vraisemblance de ce projet spectaculaire : au cours d'une sorte de tournoi organisé au Pré-aux-Clercs, le duc de Guise accompagné de notables et de soldats catholiques était censé attendre dans une tour de bois une attaque feinte des protestants menés par Coligny. À un signal convenu, les catholiques devaient charger et tuer les huguenots.9) Pour Mérimée, l'hypothèse de ce complot est peu crédible car les préparatifs nécessaires à cette bataille auraient certainement alerté les protestants. De plus, ces derniers devaient participer nombreux et en armes à ce tournoi. Ils auraient donc été prê̂ts à se défendre alors que le but d'un éventuel complot aurait été de les exterminer sans merci. Mérimée ne prend donc pas du tout au sérieux ce qu'il ne considère que comme une rumeur acceptée avec "légèreté". Je ne veux citer que certaine histoire qui se trouve rapportée partout, et qui prouve avec quelle légèreté on admet tous les bruits les moins probables.10) Mérimée analyse avec plus de recul et de rigueur la principale raison qui aurait pu pousser Charles IX à tramer une conspiration contre les protestants : une éventuelle intolérance religieuse qui aurait pu provoquer en lui un désir intense d'éliminer le calvinisme du royaume de France en la personne des chefs huguenots. L'auteur 9) Cette machination aurait été imaginée par René de Birague (1506-1583), cardinal et chancelier de France d4origine italienne, considéré comme un des inspirateur des massacres de la Saint-Barthélemy. Birague était un "serviteur dévoué" de Catherine de Médicis. Cf. Philippe Erlanger, Le massacre de la Saint-Barthélemy, Gallimard, 1960, p. 118. 10) Prosper Mérimée, op. cit., p. 39. 160 LI Hong repousse cette hypothèse, ne considérant pas Charles IX comme un intégriste capable de fanatisme. Il avance également qu'à son avis, le roi, malgré son caractère faible et pusillanime, n'aurait pas non plus pu ê̂tre persuadé par sa mère Catherine de Médicis, celle-ci étant davantage préoccupée par ses ambitions politiques que par ses convictions religieuses. ... s'il n'était pas un esprit fort, il n'était pas non plus un fanatique.11) Mérimée ne pense donc pas que Charles IX ou la reine mère auraient pu fomenter un complot pour massacrer les protestants de France, sa conviction étant étayée par deux arguments : d'abord, si le roi avait réellement souhaité l'élimination totale des huguenots, il aurait fallu organiser les opérations destructrices partout dans le royaume et dans un espace de temps le plus réduit possible afin d'éviter que les réformés ne puisse organiser leur défense. Un seul jour aurait suffi pour les détruire.12) Or, Charles IX ne signa l'ordre d'extermination que le 28 aoû̂t, soit quatre jours après les tueries de la Saint-Barthélemy, laissant à la rumeur un temps amplement pour se propager jusqu'aux oreilles des protestants.13) D'autre part, afin d'assurer à la fois l'efficacité du complot et la sécurité des catholiques, il aurait été nécessaire 11) Prosper Mérimée, op. cit., p. 41. 12) Prosper Mérimée, op. cit., p. 42. 13) Dans cette Déclaration rédigée la veille et envoyée partout en France, le roi manifeste d'abord son intention de faire arrêter les violences, mais à la seule condition que les huguenots se soumettent à sa volonté, les récalcitrants devant être châtiés sans pitié. Cf. Denis Crouzet, La nuit de la Saint-Barthélemy, Fayard, 1994, pp. 420-421. Le massacre de la Saint-Barthélemy vu par Prosper Mérimée 161 d'occuper les places de sû̂reté des réformés, notamment celle de La Rochelle mais aucune mesure ne fut prise dans ce sens, constatation qui laisse une impression d'improvisation et semble donner raison à Mérimée lorsqu'il affirme que les massacres n'ont pas été prémédités.14) Pour l'auteur, s'il est difficile de déterminer la part de responsabililté à attribuer à Charles IX dans le déclenchement des massacres de la Saint-Barthélemy, on ne peut pas non plus l'accuser d'avoir fomenté un complot. Condamnant au contraire les projets de tueries, il aurait été dépassé par des évènements qui prenaient une ampleur qu'il n'avait sans doute pas prévue. Après deux jours de meurtres et de violences, il désavoua tout et voulut arrê̂ter le carnage. Mais on avait déchaî̂né les fureurs du peuple...15) Ⅲ. Des responsabilités partagées Outre la position de Prosper Mérimée sur la part de responsabilité à accorder aux principaux acteurs de la vie politique de la France des guerres de religion dans le déclenchement des massacres de la Saint-Barthélemy, le roman pourrait révéler la nature des émotions ressenties par l'auteur et, par là mê̂me, quel parti pourrait bénéficier de sa sympathie. Afin de satisfaire notre curiosité, il apparaî̂t 14) Il faut préciser que les notables, officiers et habitants de La Rochelle refusèrent de laisser entrer des troupes royales dans leur ville, se plaçant ainsi en situation de "résistance à la volonté du roi". Cf. Denis Crouzet, op. cit., p. 431. 15) Prosper Mérimée, op. cit., p. 45. 162 LI Hong nécessaire d'examiner la description donnée de deux personnages représentatifs des religions ennemies : le frère Lubin et le ministre Laplace. 1) Des catholiques fanatiques Le frère Lubin est présenté pour la première fois aux lecteurs à la fin du chapitre IV par le capitaine George qui évoque le moine en usant de termes particulièrement bienveillants. C'est un cordelier qui rend la religion si plaisante, qu'il y a toujours foule pour l'entendre...16) Le cordelier fait sa première véritable apparition au chapitre V de l'ouvrage. La description qu'en fait Prosper Mérimée nous donne l'impression d'un homme débonnaire et à l'apparence physique ordinaire mais portant les signes distinctifs inhérents à sa fonction ecclésiastique. ...un gros homme, à la mine réjouie et enluminée, revê̂tu de la robe de Saint-François...17) Ce premier portrait ne semble donc pas défavorable à la religion catholique, d'autant plus que le religieux montre un caractère jovial et une bonne humeur communicative, confirmant l'évocation qu'en avait fait le capitaine George au chapitre précédent, Cette ouverture d'esprit encourage sans doute des interlocuteurs beaucoup plus jeunes que lui à faire des plaisanteries grivoises tout en lui demandant des conseils. 16) Prosper Mérimée, op. cit., p. 110. 17) Prosper Mérimée, op. cit., p. 111. Le massacre de la Saint-Barthélemy vu par Prosper Mérimée 163 Le cordelier répondit à cette plaisanterie par un clignement d'oeil malin...18) Le frère Lubin montre cependant une certaine grossièreté, notammant dans les expressions très familières qu'il emploie en parlant, notamment des jurons, particularité que connaissent très bien ses interlocuteurs et dont ils s'amusent en le provoquant, le poussant à utiliser ce langage inconvenant dans son prochain sermon, à l'occasion d'un pari lancé à l'improviste : Je parie qu'il ne jurerais pas dans son sermon..19) Le cordelier relève aussitô̂t le défi et commence son sermon par trois jurons, proférés subitement devant de nombreux fidèles au milieu d'une attitude feinte de colère indignée. Par la vertu ! par la mort ! par le sang !...20) Cependant, la réaction sptupéfaite et indignée de l'assistance, tout comme la force de ses convictions religieuses, poussent le frère Lubin à rassurer rapidement les paroissiens. Il le fait d'une manière habile, enchaî̂nant immédiatement son troisième juron avec l'expression "de Dieu" pour continuer avec "nous sommes sauvés et délivrés de l'enfer".21) La suite du sermon montre le fanatisme du cordelier qui apostrophe sans complaisance, avec brutalité et une certaine ironie les huguenots. ... messieurs les hérétiques, huguenots huguenotisant...22) Cette manière de s'adresser aux protestants est très claire dans sa 18) 19) 20) 21) 22) Prosper Prosper Prosper Prosper Prosper Mérimée, Mérimée, Mérimée, Mérimée, Mérimée, op. op. op. op. op. cit., cit., cit., cit., cit., p. p. p. p. p. 112. 113. 114. 114. 114. 164 LI Hong simplicité et montre que le frère Lubin considère le calvinisme non pas comme une religion mais comme une hérésie et qu'il ne prend pas au sérieux les pratiques religieuses des adeptes de la religion réformée, raillant ces derniers par l'expression "huguenots huguenotisant". Le religieux poursuit son sermon en menaçant les huguenots, sans oublier la grossièreté qui le caractérise, comparant les protestants à des "pourceaux", tout en leur laissant entrevoir une chance de salut. ...messieurs les huguenots, convertissez-vous... autrement... foin de vous ! vous n'ê̂tes ni sauvés ni délivrés de l'enfer...23) Le cordelier voue donc les huguenots à l'enfer mais, poussé par la force de sa foi et son fanatisme, il interpelle ensuite les catholiques présents dans l'église, leur rappelant que si le paradis leur semble promis, ils pourraient aussi se retrouver en enfer dans le cas où ils ne respecteraient pas leurs croyances et se détourneraient de leurs pratiques religieuses. ... gare à vous si Satan vous rattrape !24) Prosper Mérimée fait donc du frère Lubin le portrait d'un religieux qui est également un homme ordinaire, de part son apparence physique et le langage commun qu'il utilise, mê̂me quand il se trouve dans sa chaire pour délivrer un sermon. Cette apparence pourrait attirer la sympathie des lecteurs mais la fermeté de ses convictions religieuses et son fanatisme ne font pas oublier que nous sommes en période de guerre civile et que les catholiques et les protestants s'affrontent avec acharnement. 23) Prosper Mérimée, op. cit., p. 115. 24) Prosper Mérimée, op. cit., p. 115. Le massacre de la Saint-Barthélemy vu par Prosper Mérimée 165 2) Des protestants iconoclastes Plus loin dans le roman, Prosper Mérimée fait intervenir le ministre Laplace au chapitre XXV. Parallèlement à sa description du cordelier, l'auteur a ici l'occasion de faire le portrait d'un représentant officiel des huguenots. Cependant, contrairement à l'entrée en scène du frère Lubin, annoncée et relatée progressivement dans le texte avec certains détails à la fois pittoresques et précis, donnant au lecteur une idée nette sur l'apparence et le caractère du personnage, l'introduction du pasteur est arrangée presque subrepticement, Laplace étant juste cité, et de manière laconique, à la suite du maire et de quelques notables qui sortaient de l'hô̂tel de ville de Paris. ... un ministre â̂gé nommé Laplace.25) Nous n'apprenons donc que le nom de ce pasteur, la seule autre information que nous pouvons ici obtenir de lui étant son â̂ge avancé. Mérimée ne s'est donc pas attardé sur une description précise et imagée de ce huguenot alors que nous disposions d'un portrait détaillé du cordelier, au point que ce dernier nous était devenu familier. Les premières paroles que leui prê̂te l'auteur sont à la fois tranchantes et auroritaires, révélant la force de ses convictions religieuses, nous laissant penser que le ministre Laplace n'est pas moins fanatique que le frère Lubin. Eh ! bien que ferait La Noue sans le secours de Dieu ? s'écria aigrement le vieux ministre. C'est le Dieu fort qui a combattu pour nous aujourd'hui; il a écouté nos prières.26) 25) Prosper Mérimée, op. cit., p. 306. 166 LI Hong Contrairement à Lubin, qui apparaî̂ssait grossier mais aussi débonnaire et de caractère jovial, capable de facéties, Laplace est décrit comme un vieil ecclésiastique, d'apparence et d'attitude grave et sévère, sans doute incapable de concessions dans le domaine religieux. Mérimée le représente sans complaisance, l'expression "s'écria aigrement le vieux ministre" en faisant un personnage rebutant, tant par son â̂ge que par le ton de sa voix. Les paroles qu'il prononce un peu plus loin montrent un autre aspect de sa personnalité : le pasteur peut se montrer impitoyable et capable de cruauté envers les ennemis de sa religion. trait de caractère qui n'avait pas été dépeint à propos du frère Lubin dont l'exaltation et le fanatisme ne se manifestait que par des imprécations dans lesquelles il menaçait les huguenots et leurs sympathisants d'enfer. Vous auriez dû̂ faire pendre le trompette...27) L'attitude autoritaire et catégorique du ministre ne varie pas tout au long du chapitre, les paroles qu'il prononce invoquant en permanence la puissance de Dieu et sa miséricorde. Le feu du ciel tombera sur les papistes... Dieu fera tomber la manne...28) Ici aussi, l'attitude du pasteur diffère obstensiblement de celle du cordelier, qui ne perdait pas sa bonne humeur, tout en montrant une certaine fermeté dans son engagement religieux, lorsqu'il dialoguait avec de jeunes interlocuteurs qui le taquinaient, notamment dans sa 26) Prosper Mérimée, op. cit., p. 307. Le capitaine François de La Noue (1531-1591) participa aux guerres de religion sous les ordres de Coligny et du prince de Condé et s'illustra dans différents faits d'armes. 27) Prosper Mérimée, op. cit., p. 307. 28) Prosper Mérimée, op. cit., p. 308. Le massacre de la Saint-Barthélemy vu par Prosper Mérimée 167 manière d'interpeller François de La Noue, déjà pris à partie un peu plus haut, à qui il reproche un manque de conviction spitiruelle. ... homme de peu de foi...Tu as perdu le bras droit et ton courage en mê̂me temps.29) Il est difficile de savoir si Mérimée prê̂te ces propos à Laplace pour stimuler la foi de son interlocuteur ou pour le provoquer mais il est certain qu'elles sont blessantes et entachées de cruauté. Plus loin, Laplace redouble de violence verbale et s'acharne sur La Noue qui cherche une solution pacifique dans le conflit, confirmant l'opinion négative que nous commencions à avoir sur le ministre. Lâche !... tu désires la paix parce que tu crains pour ta vie.30) Ces paroles, à la fois exaspérantes et odieuses, montrent la méchanceté et la perfidie de Laplace qui en arrive mê̂me à gifler La Noue, celui-ci s'étant montré ironique et méprisant en décrivant l'attitude agressive et belliqueuse du pasteur. ... les gens de guerre parlent de paix, et les ministres prê̂chent la guerre..31) Prosper Mérimée fait donc des portraits très contrastés du frère Lubin et du ministre Laplace, les principaux traits de leurs caractères étant la grossièreté pour le premier et la méchanceté pour le second. Dans des styles différents, les deux personnages montrent cependant un point commun : la force de leurs convictions religieuses et leur 29) Prosper Mérimée, op. cit., p. 308. Gravement blessé au siège de Fontenay-le-Comte, en 1570, La Noue fut amputé du bras gauche et porta depuis une prothèse métallique, ce qui lui valut le surnom de "Bras de fer". 30) Prosper Mérimée, op. cit., p. 309. 31) Prosper Mérimée, op. cit., p. 310. 168 LI Hong fanatisme. Ici, l'auteur semble ne pas prendre parti et vouloir rester neutre, la ferveur religieuse et l'intolérance des catholiques et des protestants manifestant une égale intensité dans le roman. Les paroles proférées par le capitaine George au chapitre IV reflètent peut-être la neutralité de Mérimée. Papistes, huguenots ! superstition des deux parts... 32) Ⅳ. Une insurrection nationale Dans l'introduction à son roman, Prosper Mérimée semble curieusement vouloir atténuer l'ampleur et la gravité du carnage, comme s'il ne fallait accorder qu'une importance mineure à ces évènements dramatiques. Pour lui, un massacre, inimaginable à son époque, n'avait pas la mê̂me signification au XVIe siècle, d'autant plus que la majorité de la population catholique du royaume de France avait participé à cette "chasse" aux huguenots. L'auteur compare aussi le soulèvement de la Saint-Barthélemy aux révoltes espagnoles de 1809, excusant presque les notables de Paris pour des exactions motivées par la force de leurs convictions religieuses. ... les bourgeois de Paris, en assassinant des hérétiques, croyaient fermement obéir à la voix du ciel.33) Mérimée reconnaî̂t cependant qu'il s'agissait d'un "grand crime" de dimension nationale. Nous tenterons maintenant d'examiner comment 32) Prosper Mérimée, op. cit., p. 101. 33) Prosper Mérimée, op. cit., p. 38. Mérimée évoque la rébellion madrilène qui déclencha la guerre d'indépendance (1808-1814). Le massacre de la Saint-Barthélemy vu par Prosper Mérimée 169 il raconte les évènements dans son ouvrage. Mérimée, qui évoque lui-mê̂me une "page sanglante" de l'Histoire de France, décrit essentielement les massacres de la Saint-Barthélemy au chapitre XXI de son roman. L'évocation des évènements, qui mê̂le des dialogues et des tableaux descriptifs, ne représente en fait qu'un peu plus de quatre pages dans le texte, simplicité qui nous amène à reconnaî̂tre quelques caractéristiques du style de l'auteur. 1) Un récit véridique Quatre passages décrivent de manière impersonnelle les évènements de cette nuit sinistre. Le premier introduit subitement la situation et nous informe à la fois avec la simplicité qui caractérise le style de Mérimée et une certaine froideur l'imminence du danger qui se rapproche des personnages présents dans ce chapitre, en l'occurrence la comtesse catholique Diane de Turgis et le gentilhomme huguenot Bernard de Mergy. L'auteur cherche et réussit à aménager un suspense effroyable en mettant à contribution nos oreilles dans un rythme extrê̂mement rapide, le bruit entendu au loin paraissant au départ insignifiant pour devenir sinistre. Les deux sons entendus, en harmonie dans le texte, donnent un aspect dantesque et irrémédiable à la scène. ...on reconnaissait déjà dans le lointain le tintement des cloches et des détonations d'armes à feu...34) Le deuxième passage détaille brutalement et une certaine cruauté les horreurs du carnage. Mérimée est ici fidèle à son style : il lui 34) Prosper Mérimée, op. cit., p. 267. 170 LI Hong suffit d'une dizaine de lignes pour dépeindre avec une grande efficacité et dans un rythme particulièrement soutenu l'atrocité de la situation. Usant de phrases courtes, il fait maintenant appel à tous nos sens sans montrer d'émotion apparente.35) La vue est d'abord interpellée, une vision terrifiante teintée de rouge s'imposant à notre imagination. ... Une fumée rougâ̂tre montait vers le ciel...36) Mérimée nous permet également d'entendre ou plutôt, il nous demande d'écouter les premières tueries par une évocation, à la fois sobre dans son expression et inhumaine dans sa signification, des hurlements entendus, exprimant à la fois l'acharnement des catholiques et les souffrances ressenties par les huguenots agressés. On croyait y démê̂ler des cris de douleur et des hurlements de joie.37) Après la vue et l'ouï̈e, Mérimée choque brutalement notre odorat par une "odeur de résine" qui nous fait prendre conscience à la fois naturellement et sans ménagement de la barbarie de cette nuit de fureur. L'expression utilisée ici est particulièrement concise, sans perdre de son efficacité, les lecteurs pouvant imaginer instantanément de quel senteur il s'agit.38) Après avoir dépeint le paysage extérieur 35) Plusieurs auteurs évoquent ce manque d'émotion, notamment Paul de Saint-Victor qui dit : "L'émotion seule manque à ces beaux et parfaits récits". Cf. Paul de Saint-Victor, Galerie du XIXe siècle. Prosper Mérimée in L'Artiste, septembre 1871, p. 338. Il faut noter que la revue hebdomadaire L'Artiste, organe de presse fondamental pour la connaissance de la vie artistique et littéraire du XIXe siècle en France, a été mise en ligne progressivement ces derniers mois. Les années 1831 à 1868 sont d'ores et déjà disponibles. 36) Prosper Mérimée, op. cit., p. 267. 37) Prosper Mérimée, op. cit., p. 267. Le massacre de la Saint-Barthélemy vu par Prosper Mérimée 171 et nous avoir donné une vue d'ensemble d'une ville en proie aux flammes et aux horreurs, Mérimée décrit, toujours avec une sobriété mê̂lée d'efficacité, la peur ressentie par Bernard de Mergy. Mergy ressentit une sueur froide qui se répandait dans tous ses membres.39) On reconnaî̂t ici aussi l'écriture dépuillée de Mérimée qui use ici d'une expression particulièrement simple mais qui a pour effet de nous représenter de manière abrupte et particulièrement efficace un homme terrifié. Dans cette phrase courte, chaque mot a son importance, la "sueur froide", symptô̂me habituel de la terreur s'écoulant dans tout le corps de Mergy, signifiant qu'il a atteint le paroxysme de l'épouvante. Le troisième passage descriptif du chapitre sert de conclusion et tranche avec les deux premiers destinés à faire prendre conscience d'une réalité effroyable. L'auteur se contente de détailler les portes des maisons de la capitale, comme s'il voulait calmer les sensations d'effroi et de répugnance provoquées aux pages précédentes. ...des portes massives en chê̂ne, garnies de gros clous et de bandes de fer...40) Les expressions suggérant les violences de cette nuit de massacres sont d'ailleurs centrées sur l'organisation minutieuse de la sécurité des habitants d'une ville en flammes. Ici aussi, Mérimée reste sobre, n'usant pas de termes inutiles. 38) Prosper Mérimée, op. cit., p. 267. 39) Prosper Mérimée, op. cit., p. 268. 40) Prosper Mérimée, op. cit., p. 271. 172 LI Hong 2) Des dialogues pathétiques Mérimée fait alterner ces passages descriptifs avec des dialogues qui nous font prendre définitvement conscience de l'atrocité de cette buit de haine. Il cherche à impressionner et inquiéter les lecteurs par une évocation concise mais suffisamment claire le carnage qui est est en train de commencer. Comme dans ses passages descriptifs, l'auteur reste donc sobre, chaque terme utilisé dans des dialogues très courts exprimant les sentiments d'angoisse et d'épouvante ressentis par Diane et Mergy ayant son importance. L'avertissement que la comtesse donne à son amant montre sa foi en la religion catholique et sa volonté de le sauver en essayant de le convaincre de se convertir, seule voie envisageable pour rester en vie. Sa demande apparaî̂t pressante. ...tu as encore un quart d'heure pour te repentir.41) La réaction de Mergy montre dans un premier temps qu'il ne réalise pas encore ou refuse d'admettre la gravité et l'urgence d'une situation qui le met en grand péril. Stupéfait, il a une réaction soudaine et violente qui exprime et reflète son angoisse et son effroi, en s'écriant : Quelles horreurs m'annoncez-vous ? 42) Le dialogue suivant, également très court dans sa conception, décrit et résume en trois répliques la fureur et la cruauté qui animent les catholiques en cette nuit de tueries. On peut remarquer que Mérimée utilise deux fois le nom "massacre" et une fois le verbe 41) Prosper Mérimée, op. cit., p. 267. 42) Prosper Mérimée, op. cit., p. 267. Le massacre de la Saint-Barthélemy vu par Prosper Mérimée 173 "égorger" qui reviendront plusieurs fois dans le chapitre. La teneur des propos échangés par Diane et Mergy est suffisamment explicite mais l'attitude épouvantée de la comtesse est également détaillée, sans doute pour ajouter un peu d'intensité à l'évocation des sentiments d'horreur et de terreur qui la saisissent. - Le massacre est commencé ! s'écria la comtesse en portant les mains à sa tê̂te avec effroi. - Quel massacre ? Que voulez-vous dire ? -Cette nujt, on égorge tous les huguenots; le roi l'a ordonné.43) Un peu plus loin dans le texte, Diane montre qu'en fervente catholique, elle veut rester fidèle à sa religion tout en sauvant son amant en essayant une nouvelle fois de le convaincre de se convertir. Le dialogue est à la fois sobre et poignant, la comtesse implorant le huguenot, qui représente donc tout pour elle, d'écouter sa supplique, et rappelle qu'en cette buit de haine, les protestants n'avaient pas d'autre alternative que se convertir au catholicisme pour ê̂tre épargnés. - Je réponds de ta vie si tu te fais catholique.44) La réponse de Mergy indique clairement que les huguenots, malgré les persécutions dont ils étaient victimes, restaient fortement attachés aux valeurs de leur croyance et étaient disposés à lutter pour leur liberté de culte, au risque de perdre la vie dans cet affrontement spirituel devenu guerre civile par l'intolérance de l'époque. Si j'abjurais... je me mépriserais moi-mê̂me toute ma vie.45) 43) Prosper Mérimée, op. cit., p. 268. L'auteur fait ici allusion à la Déclaration de Charles IX du 28 août 1572. 44) Prosper Mérimée, op. cit., p. 269. 45) Prosper Mérimée, op. cit., p. 269. 174 LI Hong Loin de vouloir se convertir, Mergy exprime au contraire son mépris pour le catholicisme en parlant d'une "religion d'assassins et de bandits" et veut continuer le combat.46) Disposés parallèlement aux passages descritifs, les dialogues rédigés par Mérimée montrent également les traits typiques de sobriété, de simplicité et de dépouillement qui caractérisent son œuvre.47) Dans ces échanges concis, les termes choisis par l'auteur apparaissent atroces dans leur simplicité et leur signification (massacre, égorger, assassins) mais sont employé dans un souci d'efficacité,48) l'objectif étant de captiver sans fioritures le lecteur et lui faire prendre conscience de la gravité de cet épisode sombre de l'Histoire de France. Conclusion Dans ses Chroniques du règne de Charles IX, Prosper Mérimée nous donne son point de vue sur la nuit de la Saint-Barthélemy, véritable paroxysme des guerres de religion de la France du XVIe siècle. Disposant d'une documentation riche et authentique, l'auteur 46) Prosper Mérimée, op. cit., p. 270. 47) Sainte-Beuve évoqua la "manière nue, sèche et toute pelée" de Mérimée. Cf. Les Cahiers de Sainte-Beuve, Paris, Alphonse Lemerre, 1876, p. 68. 48) Eugène Pelletan analyse cette efficacité qu'il décrit ainsi : "le fait, rien que le fait, et le "fait toujours sur pied. Cf. Guillaume Apollinaire, Fernand Fleuret, Louis Perceau, H. B. par un des Quarante in L'Enfer de la Bibliothèque nationale [1919], Genève, Slatkine Reprints, 1970, p. 195. L'Enfer de la Bibliothèque Nationale est essentiellement une collection d'ouvrages susceptibles d'offenser la pudeur des lecteurs constituée au début du XIXe siècle. Le massacre de la Saint-Barthélemy vu par Prosper Mérimée 175 s'efforce de rester rigoureusement proche de la vérité, d'abord en analysant avec méthode les circonstances qui ont pu provoquer le drame, puis dans sa narration scrupuleuse des évènements. Concernant les causes du carnage, Mérimée reste prudent, rappelant que la plupart de historiens n'ont pas réussi à se mettre d'accord pour répondre à cette question cruciale. Il s'avance cependant davantage dans son analyse du déclenchement de la crise, affirmant que les massacres n'ont pas été prémédités. Il soutient également que ni le duc Henri de Guise, malgré sa froide détermination, ni le roi Charles IX, trop faible pour prendre la moindre décision dans ce sens, n'ont fomenté de complot visant à éliminer les huguenots. Son évocation du frère Lubin et du ministre Laplace, chacun caricaturé avec ses propres défauts, semble démontrer qu'il souhaite rester neutre, considérant que chaque religion a sa part de responsabilités dans les horreurs perpétrées pendant ce conflit. Dans l'ensemble du récit, on reconnaî̂t le style particulier propre à cet auteur, qui était également un historien, en particulier une simplicité et une sobriété qui ne laissent pas de place à l'émotion, les faits étant rapportés dans un souci d'authenticité. Prosper Mérimée ne voulait pas s'embarrasser de détails inutiles et dit à ce sujet : "Je hais les détails inutiles."49) Ne voulant pas accuser une religion ou un personnage historique en particulier, Mérimée décrit cependant le drame avec une froide exactitude, démontrant qu'il se livre dans son ouvrage à un véritable réquisitoire contre l'intolérance religieuse de l'époque. 49) Prosper Mérimée, La Chambre bleue in Théâtre de Clara Gazul. Romans et nouvelles, (éd. Jean Mallion et Pierre Salomon), Paris, Gallimard, "Bibliothèque de la Pléiade", 1978, p. 1041. 176 LI Hong Bibliographie Apollinaire (Guillaume), Fernand Fleuret, Louis Perceau, H. B. par un des Quarante in L'Enfer de la Bibliothèque nationale [1919], Genève, Slatkine Reprints, 1970. Babelon (Jean-Pierre), Henri IV, Paris, Fayard, 1982. Balzac (Honoré de) Études philosophiques sur Catherine de Médicis, Albin Michel, 1957. Bourgeon (Jean-Louis), Charles IX devant la Saint-Barthélemy, Droz, 1995. Les Cahiers de Sainte-Beuve, Paris, Alphonse Lemerre, 1876. Crouzet (Denis), La nuit de la Saint-Barthélemy, Fayard, 1994. Erlanger (Philippe) Le massacre de laSaint-Barthélemy, Gallimard, 1960. Mérimée (Prosper), La Chambre bleue in Théâtre de Clara Gazul. Romans et nouvelles, (éd. Jean Mallion et Pierre Salomon), Paris, Gallimard, (Bibliothèque de la Pléiade), 1978, p. 1041. Miquel (Pierre), Les Guerres de religion, Paris, Fayard, 1980. Saint-Victor (Paul de), Galerie du XIXe siècle. Prosper Mérimée in L'Artiste, septembre 1871. Simonin (Michel), Charles IX, Fayard, 1990. Williamson (Hugh Ross), Catherine de Médicis, Pygmalion, 1973. Le massacre de la Saint-Barthélemy vu par Prosper Mérimée 177 《국문요약》 메리메가 이야기하는 성 바르텔레메의 학살 이 홍 16세기 프랑스 종교전쟁 중에, 소위 대학살의 밤(1572년 8월 23~24일 밤)에 파리에서 구교도들에 의해서 살해당한 신교도의 숫자는 3천명을 넘 는다. 이 살육은 프랑스 역사상 가장 끔찍한 대량 인명 살해사건의 하나 로 간주된다. 따라서 수많은 작가들이 이 음울한 사건을 주제로 삼아 그 내력과 주동자들에 대한 묘사를 시도해왔다. 어떤 작가들은 폭 넓은 상상 력에 의지하는가 하면 또 다른 작가들은 역사적 실제성에 근접해 보려는 시도들을 했다. 사실적 시도를 꾀한 작가들 가운데 두드러지는 이는 “샤 를 9세의 통치 연대기(Chroniques du règne de Charles IX)”를 1829년에 발표한 프랑스 작가 프로스페 메리메(Prosper Mérimée)이다. 본 연구의 목적은 이 소설에 나타난 메리메의 글쓰기를 분석하므로써 그가 성 바르 텔레메(Saint-Barthélemy) 축일 대학살의 밤에 부여하고 있는 역사적 의 미와 중요성을 살펴보고 그 사건에 대한 그의 시각을 파악해 보려는 데 있다. 동시에 우리는 그가 이 증오의 밤 주역들에 부여하고 있는 책임감 의 등급도 드러내고자 한다. 이 대학살을 상세히 기술하기 위해서 메리메 가 차용한 문체 또한 세심한 주의를 기울여야 할 관찰의 대상이 될 것이 다. 이러한 본질적인 문제에 대한 해답은 몇 가지로 제시될 수 있는데, 첫 째는 메리메가 이 대학살을, 특히 기즈 공작(Duc de Guise)과 샤를 9세 178 LI Hong (Charles IX)를 둘러싼 음모에 씌워진 의혹에도 불구하고 사전에 계획된 것이 아니었다고 생각한다는 점이다. 다음으로는 어떤 종교의 지도자들에 대해서도 메리메의 태도가 비판적이기보다는 중립적이라는 점이다. 메리 메의 텍스트 읽기에서 우리가 확인할 수 있는 점은, 그가 군더더기 없이 간결하고 절제된 자신만의 문체를 충실하게 지킴으로써 심각한 사건들을 자세히 기술하고 있음에도 불구하고 그 진정성이 흔들리지 않는다는 것이 다. 메리메의 이 역사소설은 당대의 종교적 불관용성에 대한 논고로 간주 될 수 있다. Mots-clés(주제어): massacres(학살), catholiques(가톨릭교도), huguenots(위그노), Charles IX(샤를9세), duc de Guise(기즈 공 작) 50) 논문투고일 : 2009. 10. 30 최종심사일 : 2009. 11. 14 게재확정일 : 2009. 11. 17