Cuisine délicate et saine

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Cuisine délicate et saine
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N° 16 - Jeudi 21 avril 2016
Gastronomie « L’Auberge de Létraz » à Sévrier
Cuisine délicate et saine...
Formé auprès de grands noms de la gastronomie néo-classique française, dont son père Bernard, longtemps étoilé Michelin, Brice Collon,
le jeune chef de « l’Auberge de Létraz », à Sévrier, sur les bords du lac d’Annecy, propose une cuisine « évolutive » où règnent la délicatesse
et le respect du produit.
sélectionnés, Brice Collon se lâche un peu. Il
propose des plats plus allégés, plus esthétiques
aussi. Comme cette « féra cuite en basse
température au génépi avec un crémeux de fèves et
fenouillettes ». La maison possède aussi son propre
fumoir pour ses féras qu’elle prépare à partir d’un
salage fin agrémenté d’épices maison avant d’être
très légèrement fumées. Bref, « on se fait plaisir »,
sourit Brice Collon qui, sans l’avouer, semble
suivre les pas de son père vers la reconnaissance
des guides. Ne vient-il pas d’intégrer le cercle très
convoité des « maîtres cuisiniers de France » ?
Serge Coste
[email protected]
D
ire que Brice Collon, le jeune chef de
« l’Auberge de Létraz », à Sévrier,
porte l’ADN de la gastronomie dans ses
gênes n’a rien d’une hérésie scientifique. Il est
pratiquement né dans la cuisine. « En 1986, j’étais
tout petit quand mes parents, Lucette et Bernard,
se sont installés ici », dans ce havre de paix,
juste au bord du lac d’Annecy. Avant, la famille
tenait déjà « l’Auberge de Savoie », au centre
d’Annecy, un établissement réputé de la capitale
haut-savoyard. Le père, Bernard Collon, y avait
même acquis une étoile Michelin, qu’il emportera
avec lui à Sévrier, le temps de préparer le fiston à
la relève. C’est dans cet écrin lacustre que Brice a
grandi, prenant plaisir à « traîner dans les pattes de
mon père ». Si bien que, « je ne me suis jamais posé
la question de ce que je voulais faire. C’est venu
naturellement ». Pas évident, pourtant, de prendre
la suite d’un papa étoilé. Le jeune Brice devra se
faire un prénom et un style sans pour autant trahir
la maison ni choquer les habitués, ceux qui avaient
suivi le papa, même après la chute (préventive?)
de l’étoile, en 1996.
Heureusement, le futur chef aura su se
ménager un parcours initiatique auprès des
meilleurs établissements. A commencer par un
bac technologique à l’école hôtelière de Thonon,
accompagné de stages à l’« Ermitage » de La
Baule ou, plus près de nous, chez Georges Blanc,
le chef triplement étoilé de Vonnas, dans l’Ain. Son
premier vrai poste le mènera ensuite au « Château
de la Chèvre d’Or », un 2 étoiles Michelin à Eze,
entre Nice et Monaco. « C’était très difficile, mais
enrichissant », confie-t-il aujourd’hui. Après quoi,
il intégrera l’école Ferrandi, le « Harvard » de la
gastronomie française. L’occasion d’enchaîner
d’autres stages auprès d’Alain Dutournier (2
étoiles Michelin au restaurant « le Carré des
Feuillants » à Paris) et de Gérard Besson (2
étoiles) « spécialiste du gibier ». Diplôme en
poche, Brice Collon s’offrira aussi un petit passage
au « Clos de la Violette » (1 étoile Michelin) à Aixen-Provence. Mais ce qui l’aura sans doute le plus
marqué, ce sont les 18 mois passés au « Bristol » de
Paris, auprès d’Eric Fréchon (3 étoiles Michelin).
L’enfant de la balle glissera ainsi, de grande
table en grande table, jusqu’en 2003. Avant de
rentrer au bercail. « A ce moment-là, mes parents
avaient besoin de personnel. Je suis revenu pour
donner un coup de main. Ce devait être juste une
petite halte ». Seulement voilà, « j’ai rencontré
mon épouse, Elodie, et je suis resté ». Le tourtereau
terminera sa formation sur place, auprès de son
Tartelette d’escargots au
Beaufort, épinards et ail frit
Offre
Gastro et bistrot
Bernard, Lucette, Brice et Elodie Collon. “ L’Auberge de Létraz ”, une histoire de famille
père. Avant de reprendre les commandes du piano,
alors que les parents s’occupent un peu plus de
l’hôtel, un établissement 3 étoiles doté de 23
grandes chambres et suites, d’une piscine d’été et
d’une vue imprenable sur le lac.
La culture du produit
Nourri au sein d’une cuisine néo-classique
où tout se joue sur les subtilités, Brice Collon
ne pourra que s’exprimer en fines nuances.
Plonger sa fourchette dans une création du jeune
chef haut-savoyard, c’est offrir à son palais des
bouchées entières de délicatesse. Les saveurs
sont équilibrées, soutenues par des textures qui se
côtoient sans se superposer... Le cuisinier semble
avoir banni de ses assiettes tout ce qui peut pécher
par excès d’acidité, d’amertume ou d’épices.
Même le sel et le sucre sont placés en retrait pour
laisser au produit la force de l’authenticité.
Dire que le nouveau chef a révolutionné
la cuisine de la maison est un bien grand mot.
Comme sa façon d’accommoder les plats, il met
un point d’honneur à emmener tout en douceur
sa clientèle vers une cuisine plus actuelle, plus
personnelle. Depuis qu’il est revenu, Brice Collon
s’est fait une religion de dénicher les produits de
qualité et de promouvoir un terroir alpin qu’il
pousse jusqu’à la Vallée d’Aoste, sur le versant
italien du Mont Blanc. Il en tirera une étonnante
« asperge blanche au lard d’Arnad », juste cuite
al dente puis relevée d’une pointe de fleur de sel
et son « croustillant à l’ail d’ours » à déguster
comme un biscuit. Ou encore, une « féra en
croûte de noisettes du Piémont torréfiées avec
une pointe d’ail ». Il est vrai que nos voisins
transalpins partagent beaucoup de notre culture
savoyarde. Mis à part cette incursion outrefrontière, l’auberge se fournit essentiellement
chez « les paysans du coin qui nous apportent
œufs, légumes et fruits qui, esthétiquement, sont
peut être un peu moins jolis, mais qui, au goût,
sont nettement meilleurs » que leurs homologues
d’importation. Les clients semblent approuver
ce choix. Les escargots viennent de Poisy. « En
plus d’être de la région, ils sont vraiment top ».
On les appréciera par exemple, en « tartelette
d’escargots au Beaufort, épinards et ail frit »,
associant le croustillant de la pâte à la tendreté
des gastéropodes alors que la crème de Beaufort
restera en retrait pour ne pas dénaturer la finesse
de l’ensemble. Côté viande, « c’est plus difficile
localement d’avoir une qualité exceptionnelle ».
Pour le bœuf, on arrive encore à trouver, mais pour
le cochon, « on fait de l’ibérique ». Quant aux
volailles, elles viennent de la Bresse « pour avoir
la meilleure qualité ». On se laissera séduire par
« le mille-feuille de filet de bœuf et foie gras » servi
en guise de mise en bouche. Ou encore ce « pigeon
en deux cuissons, radis red-meat et brocoli » où
même la sauce, pourtant très concentrée, arrive à
exalter le goût de la viande.
Enfin, compte tenu de son emplacement, les
pieds dans l’eau, la maison doit aussi faire face à
une grosse demande en matière de poissons. Ça
tombe bien, « j’aime bien cuisiner le poisson, car
c’est fin », se réjouit Brice Collon. De ce côté-là,
« c’est Florent Capretti, pêcheur professionnel
d’Annecy, qui nous fournit toutes les féras. Pour
les ombles chevaliers et les perches, c’est plus
aléatoire ». Et « quand on a une grosse truite,
on passe d’abord la présenter entière, puis
on la prépare en pavés meunière. Mais c’est
exceptionnel. De manière générale, on s’adapte
aux envies des clients ».
Une fois les ingrédients soigneusement
Féra cuite en basse température au génépi
avec un crémeux de fèves et fenouillette
d é c o u v e rt e
Le Faucigny
Sur présentation de ce coupon, bénéficiez de
Un plat « signature » offert
En plus de tout repas (hors menu du jour)
pris aux restaurants de « l’Auberge de Létraz »,
921 Route d’Albertville - 74320 Sévrier
Tel (réservation obligatoire) : 04 50 52 40 36
Valable pour 2 personnes, jusqu’à fin octobre 2016
Tables avec vue sur le lac
Si le restaurant gastronomique, avec sa capacité
de 70 à 80 couverts - voire plus pour les groupes tient toujours sa place parmi les bonnes tables de
la région annécienne, il a été couplé, depuis trois
ans, d’une salle « bistro », dont les 32 places sont
pratiquement prises d’assaut tous les midis. Ce
qui oblige parfois à faire plusieurs services. Il faut
dire qu’à 18,50 euros le menu, les gastronomes
ne se privent pas. Surtout qu’à ce prix là, ils ont
droit à de grands classiques revisités façon Brice,
c’est à dire tout en délicatesse. C’est le cas de la
« féra du lac meunière et sa poêlée de légumes de
saison », du « risotto aux gambas », ou encore
des traditionnels « rognons de veau à la graine
de moutarde à l’ancienne » et la « langue de veau
sauce gribiche » que « nous ne pouvons pas enlever
de la carte tant les gens les réclament ». Ajouter
que tout est fait maison, même le pain, celui servi
à table comme celui utilisé pour le « burger au
rumsteck et entrecôte au fromage de Beaufort ».
Inutile de préciser qu’il est plus prudent de passer
un petit coup de fil à l’avance pour réserver.
Certes, Brice n’est pas seul pour préparer tous
ces bons petits plats. Le père, Bernard, n’est jamais
bien loin. Il ne se fait pas prier pour faire un brin
de mise en place le matin et pour donner un coup
de main, à midi, quand le service est un peu plus
tendu. C’est aussi lui qui va faire le marché, tous
les matins. « C’est mes yeux, mon nez, il voit le
produit et il est capable de savoir s’il est bien »,
confie le jeune chef. Mais pour le reste, Brice reste
maître de la carte. Il veut une cuisine « en évolution
constante, mais on amène les clients avec nous.
Ils adhèrent et nous suivent. Et en plus, on fidélise
des plus jeunes ». C’est ainsi qu’à force de partir
sans arrêt « à la recherche d’une petite idée, d’une
nouveauté, sans tomber dans l’excentrique », la
maison est peu à peu « sortie du traditionnel ». Pas
en matière d’accueil, en tout cas. « L’Auberge de
Létraz » reste un fleuron de l’hôtellerie familiale
haut-savoyard, avec Bernard le père et Brice le
fils à la cuisine, Lucette la mère à la réception et
Elodie, la belle-fille, responsable de salle et du
bistrot. Le quarté gagnant...
n
Au bistrot, le menu du jour (entrée, plat et
dessert) est à 18,50 euros et change tous les jours.
Pour les plus gourmands, l’établissement propose
également une formule à 30,90 euros permettant
de choisir une entrée, un plat et un dessert à la
carte.
Au restaurant gastronomique, les menus sont à
45 euros (entrée, plat et dessert), 65 euros (entrée,
poisson, viande, fromage et dessert) ou encore 80
euros pour le « menu dégustation » en 7 plats.

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