LA CONSPIRATION DES ANGES
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LA CONSPIRATION DES ANGES
LA CONSPIRATION DES ANGES VOLUME 2 DE L’AUTRE CÔTÉ DU MIROIR TOME 4 Thomas Allen LA CONSPIRATION DES ANGES VOLUME 2 DE L’AUTRE CÔTÉ DU MIROIR TOME 4 Roman contemporain Editions Persée Du même auteur La conspiration des anges – Volume I : Les contrôleurs, Tome 1, 2010, Roman Ed. Persée La conspiration des anges – Volume I : Les contrôleurs, Tome 2, 2011, Roman Ed. Persée La conspiration des anges – Volume II : De l’autre côté du miroir, Tome 3, 2012, Roman Ed. Persée Ce livre est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages et les événements sont le fruit de l’imagination de l’auteur et toute ressemblance avec des personnes vivantes ou ayant existé serait pure coïncidence. Consultez notre site internet © Editions Persée, 2015 Pour tout contact : Editions Persée — 38 Parc du Golf — 13 856 Aix-en-Provence www.editions-persee.com À ma fille adorée… qui continue de me supporter tous les jours, et que je commence à supporter moi aussi. À Christine qui m’a aidé et soutenu, et sans laquelle ce tome n’aurait pas vu le jour. À mes amis et lecteurs qui me suivent toujours. À Caroline qui vient d’entrer dans ma vie, qui m’est déjà très chère, et qui me donne le courage nécessaire pour continuer cette aventure. À partir de faits réels… mis à la disposition d’une réalité voisine que permet l’uchronie. La femme et le dragon Un grand signe parut dans le ciel ; Une femme enveloppée du Soleil, la Lune sous ses pieds, Et une couronne de douze étoiles sur sa tête. Elle était enceinte, et elle criait, Étant en travail et dans les douleurs de l’enfantement. Un autre signe parut encore dans le ciel ; Et voici, c’était un grand dragon rouge, Ayant sept têtes et dix cornes, Et sur ses têtes, sept diadèmes. Sa queue entraînait le tiers des étoiles du ciel, Et les jetait sur la Terre. Le dragon se tint devant la femme qui allait enfanter, Afin de dévorer son enfant, lorsqu’elle aurait enfanté. Elle enfanta un fils, Qui doit paître toutes les nations avec une verge de fer. Et son enfant fut enlevé vers Dieu et vers son trône. Et la femme s’enfuit dans le désert, Où elle avait un lieu préparé par Dieu, Afin qu’elle y fût nourrie pendant mille deux cent soixante jours. Et il y eut guerre dans le ciel. Michel et ses anges combattirent contre le dragon. Et le dragon et ses anges combattirent, Mais ils ne furent pas les plus forts, Et leur place ne fut plus trouvée dans le ciel. Et il fut précipité, le grand dragon, Le serpent ancien, appelé le diable et Satan, Celui qui séduit toute la Terre, Il fut précipité sur la Terre, Et ses anges furent précipités avec lui. Apocalypse, Chapitre 12, versets 1 à 9. 9 De L’influence réciproque des époques L ’Homme s’est déshumanisé, si tant est que l’on prête à l’Humanité les attributs d’une grande noblesse dotée d’une belle âme. Sa gloire appartient désormais au passé, car il s’est laissé corrompre par les sirènes du bonheur individuel, égoïste et personnel. Et bien que cet Homme-là ait constaté, un peu tard, que la chimère qu’il convoitait avait été construite pour l’abuser et le détourner de son chemin lumineux tout tracé, il s’en est détourné sciemment en s’enfonçant davantage dans les ténèbres, plutôt que de reconnaître ses errances. Il a donc opté en toute connaissance de cause pour la jungle des sentiments à l’égard de ses semblables, au mépris de la vieille Humanité, contribuant de la sorte à façonner son mauvais destin, après avoir refusé d’écouter la voix de son cœur et celle de son âme ancienne, renonçant par là au pardon et à la rédemption. Son châtiment actuel, il se l’est infligé lui-même, juste conséquence de ses actes impies. Ainsi, de vos jours, tout ce qui construit une personne dans vos sociétés se résume à des factures, des dettes et quelques biens matériels périssables qu’elle ne possède pas vraiment. Sa seule ambition consiste à boucler les fins de mois, à graisser le joug de son servage, en espérant que son pesant attelage, de plus en plus précaire, lui octroie chaque jour son fourrage, maigre pitance d’un jour d’orage. En vérité, je vous le dis, vous n’êtes plus que l’ombre de vous-mêmes, silhouettes tragiques et pitoyables de marionnettes qui cherchent à mimer une personnalité humaine. Et vos marionnettistes s’en réjouissent en avalant vos âmes. Les mémoires de Lucifer. 9 Mardi 3 septembre 2002, Montfort, domicile des Étienne, 17 h 30, par un temps orageux. Sylvain Naudin s’installa confortablement sur la lunette des toilettes, sans baisser son pantalon. Cinq minutes plus tôt, en pleine séance spirite avec son grand ami René Alexandre, un sms discret l’avait informé du décès du journaliste David Ilchine. Il s’en était réjoui. À présent, il devait savoir si l’implantation avait réussi, si la sonde était pleinement opérationnelle. Dans une position assise plutôt ridicule, Maha s’impatienta cinq bonnes minutes avant d’appeler le directeur des opérations d’infiltration du niveau 1, un certain Max. Quant à ceux qui attendaient Sylvain Naudin dans le living, autour d’une table basse, dans la posture tout aussi ridicule, mais plus étrange, des adeptes du oui-ja, ils penseraient qu’il était constipé, voilà tout. Dès la première sonnerie, quelqu’un décrocha. C’était Max. Dans une galerie profonde du Château de Gisors, 17 h 35. Bien qu’il eût Maha au téléphone, le patron suprême qu’il redoutait plus que tous, Max laissa éclater sa joie : « Ça y est, Monsieur ! Maintenant, nous les voyons… » Sur son moniteur, il avisait un couple improbable, David Ilchine et Marie Blanchet. Il reconnut le journaliste, mais pas la jeune femme qui l’accompagnait, et qui portait les vêtements dépouillés d’une paysanne d’une autre époque. On pouvait voir une grande auréole rougeâtre autour de son cœur, certainement le résultat de la blessure mortelle qui justifiait sa présence au niveau 1. Tous deux marchaient sur un sentier fait d’une matière poudreuse, entre terre et sable. La faible luminosité ne permettait pas une analyse visuelle précise. La source lumineuse provenait d’une espèce de phare surmontant un drôle d’appareil, posé à moins d’un kilomètre, droit devant eux. L’engin ressemblait à la caricature d’une soucoupe volante, de celles décrites par les lettres ummites. La jeune paysanne, à peine sortie de l’enfance, s’exclama en interrogeant son compagnon de voyage : « Vous savez ce que c’est ?! 10 — Pas encore, mais nous n’allons pas tarder à le savoir » lui répondit le journaliste. Max compléta sa phrase laissée en suspens : « … et nous les entendons. » À l’autre bout, Maha s’en félicitait en osant un sourire, une expression comportementale inhabituelle quand il endossait sa personnalité secrète. L’ami de René Alexandre acheva l’entretien en signifiant l’espoir qu’il mettait dans le cheval de Troie malgré lui qui évoluait au niveau 1 : « Parfait, mon cher. Désormais, nous comptons sur l’impatience de notre ami journaliste à retrouver sa femme Julie pour qu’il exerce, à notre compte, ses talents d’enquêteur. Nous misons sur lui pour en savoir davantage sur la technologie de communication de ces fameux contrôleurs. L’autre femme n’a pas d’importance. » Et il coupa la connexion. Pendant ce temps quantique, au niveau 1… David Ilchine et Marie Blanchet, côte à côte, se dirigeaient vers l’engin mystérieux, avec une certaine hardiesse. En chemin, pourtant, la poitrine de la jeune paysanne se comprima sous l’effet d’une angoisse soudaine. Elle chercha la main de son compagnon de voyage, s’en saisit – le journaliste décédé se laissa faire, en lui jetant un regard oblique compassionnel –, et la serra si fortement que le sang morontiel cessa d’en alimenter les vaisseaux. La distance qui les séparait de l’objet discoïdal se réduisait au rythme décroissant de leurs pas, qui devenaient plus prudents à chaque enjambée. Le vaisseau spatial se rapprochait, et ils n’avaient plus d’autre choix que d’avancer vers lui, toute retraite leur paraissant désormais inutile, futile, car ceux qui l’occupaient, quels qu’ils fussent, les avaient nécessairement repérés. Et ils étaient, à coup sûr, en train de les observer. Ils ne se trompaient pas. Les deux défunts s’arrêtèrent de concert, et sans s’être consultés. L’étrange appareil aux reflets d’argent ne se trouvait plus qu’à une dizaine de mètres. Il rayonnait de toute sa gloire, qu’un phare sur sa tête propageait en balayant l’espace d’un mouvement circulaire, tandis que son ventre reposait sur trois pieds solidement ancrés au sol. Il y 11 eut un petit fracas mécanique à l’intérieur. Puis un bref remue-ménage discret s’ensuivit, juste avant qu’un panneau ne coulissât sur son flanc droit. La brèche rectangulaire se mit à grandir, devenant carrée, puis de nouveau rectangle dans l’autre sens. Et l’ouverture se figea dans un claquement sec. Un trou noir et béant hypnotisait à présent leurs yeux, qui prenaient peu à peu plus d’assurance, en perçant de mieux en mieux l’obscurité à chaque passage du faisceau de lumière. De petites masses compactes informes commencèrent à se dessiner. Elles se transformèrent lentement en grossières silhouettes, et muèrent en personnes. * * * Quelque part dans le midi de la France, non loin de la cité peu fréquentable du Petit Séminaire de Marseille, quartier des Olives, dans le 13e arrondissement, dimanche 14 septembre 1986, 23 h 35, par une nuit claire et chaude. L’heure était venue de mettre prématurément un terme à la carrière du Roi du Monde. Sous drap et couverture, presque à portée de main, il paraissait bien inoffensif, tel l’agneau sur le point d’être sacrifié. Mais cette chose-là, qui remuait paresseusement en s’éveillant, n’avait rien d’un agneau inoffensif. Loin s’en fallait. Et Philippe Mercier, son Beretta bien en main, proclama à la bête qu’il était sur le point de terrasser une sentence définitive, à double titre : « Bonsoir Monsieur Naudin. Désolé de vous réveiller, mais votre histoire s’arrête ici et maintenant ! » Il patienta avant de tirer, comme le bourreau s’incline face à la mort qu’il administre. La chose se dressa d’un mouvement bizarrement indolent, les mains tendues vers lui. Il ne parvenait pas à distinguer le visage qui émergea de l’amas de coton et de laine, malgré le clair de lune qui filtrait à travers les persiennes des volets fermés. La tête décoiffée cherchait la provenance des sons qui l’avaient tirée de son sommeil. Dissimulé par l’ombre du seuil de la chambre, le secrétaire du Vieux observait la désorientation de la forme spectrale en train de reprendre contact avec la réalité. Puis une voix anéantit sa discré12 tion. Une voix qui lui porta un coup surprenant, par son timbre et ses paroles inattendues. « Sylvain ! C’est toi ? » La voix d’une vielle dame angoissée venait de briser le silence. Philippe Mercier baissa son pistolet. Ainsi affligé, le canon en berne n’avait plus rien de menaçant. Mais où se trouvait-il ? La réponse mentale ne tarda pas. Un éclair de lucidité jaillit en déchirant tous ses espoirs. Bon sang de bon sang, il se trouvait au domicile de la mère de sa proie, qui occupait à l’époque l’appartement voisin de son fils. Qui occupait l’appartement voisin. La pauvre femme était décédée en 1994, et Sylvain Naudin avait emménagé dans le sien, plus spacieux et plus lumineux que son modeste logement, utilisant ce dernier comme un espace confortable de rangement, une généreuse remise, avant de le mettre en vente. Et Philippe Mercier l’ignorait, reconstituant les circonstances de son erreur par le seul raisonnement. « Putain de merde ! » se dit-il, peu coutumier d’expressions ordurières, mais celleci en l’espèce traduisait à la perfection son état d’âme qui virait à la déroute. Toutefois, il se reprit en remisant son Beretta dans son veston. La mère de Maha insista : « Sylvain, mais qu’est-ce que tu fais ? » Elle ne voyait toujours pas Philippe Mercier noyé dans l’obscurité. Mais cette fois-ci, elle reconnut parfaitement le visage de son fils, dans un rayon lunaire, se tenir derrière une masse sombre qui commençait à se dessiner plus clairement et prendre forme humaine. « Et qui est avec toi, fils ? » alerta la vielle dame qui reprenait ses esprits peu à peu. Le secrétaire du Vieux comprit spontanément, mais un peu tard, le danger qui venait d’arriver furtivement dans son dos. Il croyait surprendre, et ce fut l’inverse. Il n’eut que le temps d’entendre la matraque télescopique se déployer dans l’air de la nuit, et s’abattre sur son crâne. Du sang inonda sa vision qui flancha. La nuit s’épaissit davantage, et l’agent 666 sombra dans un état proche de l’intermédiaire des niveaux 0 et 1. Une perte de connaissance sans rêve, un profond oubli de son être et des choses qui l’environnaient, une sublimation de la réalité vers ce qui pouvait au mieux s’approcher du néant absolu. Les rives du Styx n’étaient pas loin, à un cheveu. Et en ce temps-là, personne pour veiller sur lui, pour s’inquiéter de lui. Les anges blonds eux-mêmes ignoraient où et quand il se trouvait. 13 Les ténèbres de son absence d’existence s’entrouvrirent si faiblement que le peu de lumière qui s’en échappa ne suffit pas à lui redonner vie. Il se sentait étranger dans son propre corps dont il avait à peine conscience. Il flottait dans un halo qui s’élargissait comme si des réverbères invisibles se mettaient à pousser et à croître précipitamment, et sortaient de terre l’un après l’autre au cours d’une furieuse éclosion. D’une terre qu’il ne voyait pas non plus. Soudain, l’air s’emplit d’une forte humidité, puis d’un embrun des bords de mer dont il pouvait percevoir le clapotis des vagues. Le clapotage s’emballa, et la mer le gifla d’une main leste et liquide qui le submergea. Un minuscule raz de marée. Philippe Mercier sortit de son petit coma, le souffle coupé par le contenu d’une bassine remplie d’eau que Sylvain Naudin venait de lui projeter en pleine figure, sans ménagement. « Alors Monsieur le visiteur nocturne, on me dit qui on est ? Et ce que l’on vient faire chez ma mère, en pleine nuit, une arme à la main ? » éructa Maha sans son masque de cérémonie. Mon Dieu ! Ce qu’il faisait jeune. Le secrétaire du Vieux se retrouva dans une cuisine, comme cela lui était déjà arrivé, ou plutôt lui arrivera de nouveau, solidement ligoté sur une chaise, sonné par l’ennemi qui disposait de tous les avantages. Dont celui de le torturer pour lui tirer les vers du nez. Ça recommençait ! Il n’eut pas le temps de répondre que sa proie récalcitrante insista : « Je ne vous le demanderai pas une troisième foi. Qui êtes-vous ? » Et Sylvain Naudin s’assit sur la seconde chaise qui meublait la cuisine, face à son prisonnier, en posant tranquillement ses mains sur ses jambes pour mieux signifier son impatience, les yeux braqués – des yeux froids derrière les verres épais de lunettes en écaille – dans ceux de celui qu’il considérait plutôt comme un intrus, seulement coupable d’avoir voulu cambrioler l’appartement de sa mère. Quoi d’autre ? Pourtant, des doutes encore flous l’assaillaient quand il considérait l’élégance vestimentaire de l’inconnu qui jurait avec celle d’un vulgaire casseur. Et son semi-automatique ne collait pas non plus avec ce type de personnage. Enfin, l’élégant inconnu se décida à ouvrir la bouche. Il en sortit une voix calme, ironique, un rien arrogante, et même provocante, en dépit de son inconfortable position. C’était insupportable. « Peu importe, 14 vous ne me connaissez pas. En tout cas, pas encore. Mais moi, je vous connais très bien Monsieur Naudin. Mais peut-être, devrais-je plutôt dire Maha. » Sylvain Naudin sursauta si violemment qu’il faillit en tomber de sa chaise. Au moins, il était sûr désormais de ne pas avoir affaire à un quelconque cambrioleur, mais à un espion qui venait de sceller son destin. Peu de gens connaissaient son identité au sein de l’organisation qui gouvernait le monde. De fait, il devait absolument savoir d’où venait l’attaque. S’il y avait une chose que Sylvain Naudin détestait, c’était bien les « taupes ». Raison pour laquelle d’ailleurs, il prenait toujours soin de choisir les agents pour lesquels il avait le moins d’estime pour infiltrer les groupes ufologiques trop pertinents. Constatant que son mystérieux visiteur se montrait peu loquace, le Roi du Monde se leva, curieusement peu contrarié, en livrant à son invité sous contrainte un petit sourire ambigu, une sorte de clin d’œil du bout des lèvres. Il tourna les talons et s’apprêtait à quitter la cuisine, quand le jeune professeur de physique dans le civil sembla se raviser, mais il ne faisait que temporiser sa sortie en révélant ses intentions sans daigner se retourner vers sa prochaine victime : « Toi mon gars, tu ne vas pas sortir vivant d’ici. Tu le sais, n’est-ce pas ? Mais avant, croismoi, je vais te délier la langue. Et tu vas causer, et même chanter, et avec plus d’empressement que tu ne le manifestes actuellement. Dans l’allégresse ! » Et il rajouta en persiflant : « Ne vous impatientez pas, Monsieur. Surtout, ne partez pas ! Je reviens tout de suite. » Et Sylvain Naudin sortit de la cuisine, déjà impérial. Pour la première fois de sa vie Philippe Mercier s’inquiéta vraiment. Il sentit son front se couvrir de sueur, tandis que ses mains moites ne trouvaient aucune faille aux multiples tours de ruban adhésif qui les liaient au dossier de sa chaise. Il était vraiment pris au piège dans le repère de la bête. Au dehors, il entendait son hôte fourrager dans une pièce voisine. Qu’est-ce qu’il manigançait ? * * * 15