Note sur l`arrêt de la Cour Administrative d`Appel de Paris

Transcription

Note sur l`arrêt de la Cour Administrative d`Appel de Paris
Note technique
Coopération décentralisée
26 janvier 2010
Note sur l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Paris
Conseil régional Ile de France / Marine Le Pen
Le 1er décembre 2009, la Cour Administrative d’Appel de Paris a statué sur un litige opposant
Mme Marine le Pen au Conseil régional Ile de France. En cause : une décision du Conseil
régional Ile de France octroyant une subvention de 10 000 € à une association francilienne
portant un projet d’aménagement d’une école en panneaux solaires au Nicaragua.
Le 10 juillet 2008, le Tribunal Administratif de Paris admettait, dans sa décision concernant
ce litige, l’illégalité de la décision du Conseil régional Ile de France accordant une subvention
à l’association ER&DE. En l’occurrence, le juge considérait que la subvention en question ne
répondait à aucun intérêt public régional, d’autant plus qu’elle ne rentrait pas dans le cadre de
l’article L 1115-1 du code général des collectivités territoriales.
En seconde instance, la Cour Administrative d’Appel de Paris annule le jugement du tribunal
administratif, au motif que celui-ci a commis plusieurs erreurs d’interprétation.
Si cette décision garantie une certaine légitimité et légalité des subventions aux projets de
solidarité internationale, elle pose néanmoins des conditions à ces aides.
L’illégalité des subventions aux associations de solidarité internationale en toile
de fond
La partie requérante considère que la subvention en question entre dans le champ de l’article
L 1115-1 du CGCT, qui prévoit que les collectivités territoriales peuvent conclure des
conventions avec des autorités locales étrangères, dans la limite de leurs compétences.
Quand une collectivité territoriale décide de soutenir une association portant des projets à
l’international, elle s’engage indirectement dans un processus de coopération décentralisée par
l’intermédiaire de l’association. Dans le cas présent, l’absence de convention de partenariat
entre deux collectivités territoriales rend cette décision illégale.
La partie requérante se repose aussi sur l’article L.1115-1 al.2, introduit en 2006 par le
dispositif Thiollière. Il prévoit que si l’urgence le justifie, les collectivités territoriales peuvent
mettre en œuvre ou financer des actions à caractère humanitaire. En l’occurrence, aucun
caractère d’urgence ne justifiait cette aide.
Ainsi, la subvention étant intégrée dans le cadre juridique de la coopération décentralisée, elle
ne peut être accordée en dehors d’une convention de coopération entre deux collectivités, sauf
cas d’urgence. La loi Thiollière créerait de fait une présomption d’illégalité des subventions
aux associations de solidarité internationale quant elles sont octroyées hors cas d’urgence et
hors convention de partenariat entre deux collectivités.
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Coopération décentralisée
26 janvier 2010
A contrario, les associations subventionnées seraient automatiquement considérées
comme des opérateurs de coopération décentralisée, contraints à présenter des projets
dans les zones de coopération des collectivités territoriales.
En annulant la décision du Conseil régional Ile de France, le Tribunal Administratif
reconnaissait implicitement cette analyse restrictive des subventions aux associations de
solidarité internationale.
La reconnaissance implicite de critères à l’octroi de subventions aux associations
de solidarité internationale.
En annulant la décision du Tribunal Administratif de Paris, la Cour Administrative d’Appel
invalide l’argument de l’illégalité des subventions aux associations de solidarité internationale
portant des projets hors du cadre de l’urgence et des actions de la collectivité territoriale.
La Cour Administrative d’Appel considère que pour entrer dans le cadre de l’article L.1115-1
du CGCT, la subvention doit être octroyée directement à la collectivité partenaire. En
l’occurrence, le litige ne peut être étudié à la lumière de l’article L.1115-1 du CGCT puisque
l’aide est affectée à une association. Cette interprétation admet que les aides des collectivités
territoriales ne sont pas toutes intégrées dans un processus de coopération décentralisée. Elle
les considère même comme un dispositif autonome.
La Cour pose toutefois des conditions à l’octroi de ces aides. Il convient alors d’apprécier si
l’objet de la subvention « revêt un caractère d’intérêt public régional ». Pour mener cette
analyse, la Cour étudie plusieurs critères :
- le siège de l’association,
- le lieu de résidence des bénévoles,
- l’objet de l’association.
Si les deux premiers critères ne s’opposent pas à l’intérêt public régional, le dernier fait
l’objet d’une analyse plus approfondie.
En effet, l’objet de l’association est de promouvoir l’accès aux énergies renouvelables dans
les pays émergents. La Cour développe son argumentaire en précisant que l’association s’est
engagée « dans une convention avec la Région » à promouvoir « en Ile de France l’accès à
des énergies propres en participant à différents salons » et à mener « des actions
pédagogiques auprès des lycéens et étudiants de la région, afin de contribuer à sensibiliser la
population francilienne aux enjeux des politiques de développement durable ».
Ces conditions remplies, la subvention revêt un intérêt public régional.
Enfin, la Cour Administrative d’Appel introduit un dernier critère subjectif : « la modestie »
du montant de l’aide. L’intérêt public régional serait aussi à apprécier en fonction du montant
de l’aide.
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Coopération décentralisée
26 janvier 2010
Conclusion
L’interprétation de la partie requérante s’avère compliquée à retenir car de fait, elle
invaliderait la majorité des subventions aux associations de solidarité internationale et
remettrait en cause l’objet même des associations de solidarité internationale. Elle
transformerait la coopération décentralisée en projets exclusifs et restreints. Les collectivités
territoriales seraient des maîtres d’ouvrages et les associations des maîtres d’œuvres.
Le concept même d’association serait vidé de son sens dans la mesure où elles n’auraient plus
aucune possibilité de décision et de direction.
En étant que de simple « exécutants », les associations feraient rapidement face à des
incohérences de poids dans la recherche de financements complémentaires, dans la mesure où
d’autres collectivités territoriales exigeraient le même niveau de contraintes, sur des territoires
différends.
La décision de la Cour Administrative d’Appel retient par contre un critère plus souple,
l’intérêt public local, qui n’est garantie que par la signature d’une convention entre la
collectivité territoriale et l’association en vue de sensibiliser les citoyens ici aux
problématiques de développement. La sensibilisation est donc un critère essentiel de la
légalité des subventions aux associations.
Des défis à relever.
Nous pouvons constater que nombreuses sont les associations de solidarité internationale qui
ne possèdent pas le bagage technique suffisant pour mener des actions de sensibilisation. Cela
amène des structures comme Centraider à alimenter une réflexion sur l’éducation au
développement et à proposer des formations ou des outils en ce sens.
Cette décision concerne aussi les collectivités territoriales en ce sens qu’elles sont peu
nombreuses à appliquer des règlements à l’octroi des subventions de solidarité internationale
prévoyant les porteurs de projet à mettre en place des actions de sensibilisation. Il est plus
qu’essentiel d’accompagner ces collectivités territoriales dans la formalisation de règlements
de concours financiers.
Enfin, cette décision cible les aides aux associations. Il est fort à parier que les aides à la
coopération décentralisée a destination d’autres collectivités territoriales (dans le cas d’une
ville qui solliciterait un Conseil régional par exemple) soient soumises aux même exigences.
La logique serait difficile à mettre en œuvre dans la mesure où les collectivités sont très peu
armées pour faire de la sensibilisation. Resterait à savoir si des aides pour la coopération
décentralisée rentrent dans le cadre de l’article L.111561 du CGCT. Si on peut penser que la
collectivité territoriale qui va recevoir l’aide fait écran en redonnant directement l’aide à sa
collectivité partenaire, on peut s’interroger sur l’inexistence de convention entre la collectivité
qui accorde l’aide et l’autorité locale du sud qui la reçoit.
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Coopération décentralisée
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Si la décision de la Cour administrative d’appel reconnaît que les
subventions aux projets de solidarité internationale sont légales et
constituent un dispositif à part entière, elle appelle quand même les
collectivités territoriales à aménager ce dispositif pour lui donner un
caractère d’intérêt public local.
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