L`explosion urbaine
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L`explosion urbaine
Cycle préparatoire au DAEU – Cned Toulouse - Cours d’Histoire N°3 – page 1/3 L’explosion urbaine Introduction : L’industrialisation provoque une mutation profonde des sociétés et de leur cadre de vie. La croissance démographique sans précédent qui touche l’Europe au XIXe siècle s’accompagne de l’exode rural. Des millions de personnes quittent les campagnes pour rejoindre les villes. Mais bientôt ces cités, nouvelles pour certaines, sont saturées. Epidémies dues à l’insalubrité et à la promiscuité, insuffisance de l’offre de logement et des infrastructures révèlent la nécessité d’adapter la ville à l’accroissement démographique. Les grands travaux vont dessiner un nouveau cadre urbain. 1 La croissance démographique 1.1 La transition démographique Une forte croissance démographique a accompagné l’âge industriel. La population européenne double au XIXe siècle. Cette poussée démographique est freinée par la Première Guerre mondiale mais elle se poursuit à l’est et au sud du continent. Cette croissance est due au recul de la mortalité lié au progrès de l’agriculture qui amène un progrès de l’alimentation, de l’hygiène et de la médecine (vaccination contre la variole, fondation de l’Institut Pasteur). La natalité baisse, par la suite, avec un décalage chronologique plus ou moins long selon les structures familiales, les pratiques religieuses et le statut des femmes. La phase où la mortalité a baissé mais où la natalité est encore très élevée correspond à un très fort accroissement naturel. C’est le cas, actuellement, dans de nombreux pays en développement d’Afrique et d’Asie. Le passage d’un régime démographique traditionnel, où les taux de natalité et mortalité sont très élevés, à un régime démographique contemporain, où les taux de natalité et mortalité sont faibles, s’appelle la transition démographique. 1.2 Une population plus mo bile La population européenne plus nombreuse est aussi plus mobile : l’exode rural s’accélère en raison de la mécanisation progressive de l’agriculture et de la concentration des exploitations. Des flux migratoires amènent les Européens en Amérique et dans les colonies. ©Cned 2004 Cycle préparatoire au DAEU – Cned Toulouse - Cours d’Histoire N°3 – page 2/3 2 La poussée urbaine 2.1 Une croissance urbaine disparate… Entre 1810 et 1910 la population urbaine des États-Unis, de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni est passée de 8 à 120 millions d’habitants. La croissance urbaine de l’Europe et des États-Unis a donc été extrêmement forte et s’est prolongée au XXe siècle, mais inégale d’un pays à l’autre. La comparaison entre États est difficile car tous n’ont pas la même définition de la ville. La comparaison des taux d’urbanisation est donc approximative. Elle donne un ordre de grandeur. Si on retient le seuil de 5 000 habitants, l’Angleterre a 75 % d’urbains en 1910, la France 38 %, l’Allemagne 49 %, les États-Unis 42 %. Le taux de croissance le plus élevé se trouve, pour des raisons arithmétiques, dans les villeschampignons. Par exemple Liévin dans le Pas-de-Calais était un village avant d’être transformé par l’exploitation du charbon. Sa population est multipliée par presque 20 en 45 ans [1866 : 1 500 habitants — 1911 : 25 000 habitants]. San Francisco dont la première maison a été construite en 1835 et le nom trouvé en 1847 atteint 420 000 habitants en 1910. À part ces cas extrêmes, la croissance la plus forte profite aux plus grandes villes. 2.2 …et non maîtrisée La croissance des très grandes villes s’accompagne d’un très fort entassement des habitants, d’autant plus que la superficie des villes est réduite et compatible avec des déplacements à pied. Les conditions de logement des classes populaires sont déplorables au XIXe siècle et expliquent la surmortalité dans les villes. Les densités moyennes sont très élevées : 335hab/ha à New York, Paris 315, Londres 290 et les épidémies de choléra comme celles de 1832 et 1848 à Londres et à Paris font des milliers de morts. En outre, les usages du sol ne sont pas spécialisés. Ainsi, dans le centre de Paris, se trouvent l’immeuble de la Banque de France, des Postes, le commerce des toiles, les halles où les bouchers tuent les animaux sur place, les mégissiers qui traitent les peaux, la pla ce de Grève où se trouve le centre d’embauche des ouvriers du bâtiment… De même à New York, des abattoirs se trouvent au centre de la ville. La prise de conscience de la nécessité d’adapter la ville à l’accroissement démographique et à la diversification de ces fonctions génère de grands travaux d’urbanisme. 3 La transformation des villes 3.1 L’exemple londonien À la fois l’installation progressive de réseaux urbains de tramway électrique et de métro et les préoccupations des hygiénistes amènent à agrand ir l’espace urbain, à réorganiser les centres et à dissocier les lieux de résidence des lieux de travail. Deux exemples illustrent ces adaptations, celui de Londres où les transformations affectent certains quartiers et celui de Paris où elles concernent toute la ville et les communes avoisinantes. ©Cned 2004 Cycle préparatoire au DAEU – Cned Toulouse - Cours d’Histoire N°3 – page 3/3 À Londres, le percement de Regent Street, dans le centre surpeuplé, relie le West End à Piccadilly Circus et au futur Regent’s Park. Le long de cette avenue qui passe près des quartiers chics sont construits de beaux immeubles en brique décorés de stuc dont les mieux placés accueillent des banques et compagnies d’assurances. Un système d’égouts améliore la salubrité de l’ensemble. Les expropriations ont abouti à la destruction d’un quartier insalubre et accentuent la différenciation sociale des quartiers. 3.2 L’exemple parisien La transformation de Paris a été voulue par Napoléon III, qui a vécu à Londres, et qui a souhaité une capitale où les hommes et les marchandises circulent facilement et où la beauté architecturale soit mise en valeur. Il déclare en 1850 : « … mettons tous nos efforts à embellir cette grande cité, à améliorer le sort de ses habitants. Ouvrons de nouvelles rues, assainissons les quartiers populaires qui manquent d’air et de jour, et que la lumière bienfaisante du soleil pénètre partout dans nos murs. » Napoléon III s’entoure de trois hommes d’action, le baron Haussmann et deux ingénieurs des Ponts-et-Chaussées, E. Belgrand chargé de l’approvisionnement en eau et des égouts, et R. Alphand nommé directeur du service des promenades et des plantations qui crée les bois de Boulogne et de Vincennes, les Buttes-Chaumont, les parcs Monceau et Montsouris. Le préfet Haussmann transforme Paris en vingt ans. Il fait éventrer le vieux centre de Paris (25 000 habitations détruites) et tracer des grandes avenues rectilignes, bordées d’immeubles en pierre de taille de cinq étages, qui se croisent : un axe ouest-est prolonge la rue de Rivoli jusqu’à la rue Saint-Antoine pour relier l’Étoile à la place du Trône, un axe nord-sud mène de la gare de l’Est au Luxembourg par le boulevard Sébastopol jusqu’à la place du Châtelet, le boulevard du Palais et le boulevard Saint-Michel. Les halles dont les pavillons de fer et de fonte ont été imaginés par Victor Baltard occupent le centre de Paris. De nombreux édifices sont construits comme l’Opéra et l’église Saint-Augustin. Les gares sont dégagées et de vastes places aménagées comme l’Étoile et la place Saint-Michel. À partir de 1860, Paris s’agrandit. Les communes suburbaines sont annexées comme les villages de Neuilly ou de Bercy. Paris passe alors de 11 à 20 arrondissements. Ces transformations ont des conséquences sociales. Les quartiers haussmanniens sont habités par la bourgeoisie d’affaires et occupés par des banques, des sociétés de crédit, des grands magasins, des salles de spectacles… Les ouvriers sont refoulés dans l’est et les arrondissements périphériques ou restent dans les quartiers non rénovés du centre. Les travaux d’Haussmann entraînent une ségrégation sociale plus forte qu’auparavant. L’œuvre novatrice d’Haussmann a été imitée en France et à l’étranger jusqu’aux États-Unis où elle a inspiré Daniel Burnham pour son remodelage de Chicago. Conclusion : L’explosion urbaine qui touche essentiellement l’Europe occidentale et les Etats-Unis marque incontestablement une rupture. Des pays, marqués depuis toujours par la ruralité de leur population, voient celle-ci quitter massivement les campagnes pour rejoindre les villes. Les vieilles cités médiévales comme Paris sont remodelées par de grands travaux qui répondent aux exigences du moment. De nouveaux citadins s’agglomèrent autour de centres villes désormais aux mains des bourgeoisies triomphantes. Cette « révolution urbaine » n’a pas d’équivalent dans l’histoire du vieux continent. On peut néanmoins se rendre compte de sa violence en observant aujourd’hui le phénomène de la métropolisation des populations africaines et asiatiques. ©Cned 2004