Acte de colloque Volume 1 2009 - Université d`Abomey

Transcription

Acte de colloque Volume 1 2009 - Université d`Abomey
Deuxième Colloque de L’UAC des Sciences,
Cultures et Technologies
Du 25 au 29 Mai 2009 au Campus
d’Abomey-Calavi
Actes
Volume I : Lettres, Sciences Humaine,
Economique, Politique et Administrative
Sections : Géographie, Linguistique et Lettres Modernes,
Histoire et Sociologie, Economie et Politique
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Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Cultures et Technologies 2009
EDITEUR :
Conseil Scientifique de l’Université d’Abomey-Calavi
Tél. : (229) 21 36 00 74 ; Fax : (229) 21 36 00 28
E-mail : [email protected]
COMITE DE REDACTION
Directeur de Publication
Secrétaire Scientifique
Membres
: Professeur Brice SINSIN
: Docteur Séverin BABATOUNDE
: Monsieur Mensanh AVALIGBE
: Monsieur Déogratias ADONON
COMITE DE LECTURE ET DE SELECTION DES COMMUNICATIONS
Président
: Professeur Cossi Norbert AWANOU
Vice- Président : Professeur Brice A. SINSIN
Rapporteur
Membres :
: Professeur Edmond ADJOVI
Professeur
Professeur
Professeur
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Professeur
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Professeur
Professeur
Professeur
Professeur
Professeur
Professeur
Professeur
Professeur
Professeur
Professeur
Professeur
Professeur
Professeur
Karl A. AGOSSOU-VOYEME
Bonaventure AHOHOUENDO
Fulbert GERO AMOUSSOUGA
Pierre ATACHI
Félicien AVLESSI
Médard BADA
André BIGOT
Ascension BOGNIAHO
Michel BOKO
Hounkpati CAPO
Pierre DANSOU
Gérard DEGAN
Noël DOSSOU YOVO
Benjamin FAYOMI
Noël FONTON
Jean GANGLO
Noël GBAGUIDI
Norbert HOUNKONNOU
Christophe HOUSSOU
Félix IROKO
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Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Cultures et Technologies 2009
Professeur Marc T. KPODEKON
Professeur Magloire LANHA
Professeur Soumanou MOHAMED
Professeur Albert NOUHOUAYI
Professeur Marc L. OYEDE
Professeur Ambaliou SANNI
Professeur Dorothée SOSSA
Professeur Joël TOSSA
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Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Cultures et Technologies 2009
PREFACE
L’Université d’Abomey-Calavi (UAC) présente un éventail pluridisciplinaire en matière
de formation et de recherche scientifique : des Lettres aux Mathématiques, le Droit,
l’Economie, la Gestion, les Langues, la Physique, la Chimie, l’Archéologie, les Sciences
et Techniques des Activités Physiques et Sportives, les Sciences Humaines et Sociales
et les Sciences de l’Ingénieur. Aujourd’hui le rôle de l’UAC en matière de recherche
pour le développement national et des connaissances en général, et pour la science
en particulier n’est pas moindre. Le lien entre la recherche et le développement ne
peut se justifier que si les résultats des différentes études et travaux qui en sont issus,
sont publiés, diffusés et utilisés.
Faisant suite au 1er Colloque, l’Université d’Abomey-Calavi a organisé du 26 au 30 mai
2009, son 2 Colloque des Sciences, Cultures et Technologies sur le thème « Contribution des laboratoires de recherche universitaire à la formation des compétences et au développement technologique, socio-économique et culturel
des nations ». Au cours de cette manifestation, 302 communications scientifiques
dont 64 provenant de l’extérieur du Bénin ont été présentées. L’organisation du 2
Colloque a été une occasion pour les Enseignants-Chercheurs de rendre plus visible
l’ensemble des travaux de recherche qui sont menés dans les laboratoires et unités de
recherche de l’UAC. Le nombre important de communications nationales signifie qu’un
équilibre est entrain d’être retrouvé entre la vulgarisation des travaux de recherche sur
le plan local et international.
La publication des Actes du 2 Colloque de l’UAC est une preuve que l’essentiel de la
recherche scientifique se fait mieux à l’Université dans tous les domaines de la science,
de la littérature et des sciences humaines. Il reste à œuvrer davantage pour que ce
document soit indexé et entre dans la série des revues scientifiques à Impact Factor.
Nous en avons besoins pour que l’Université d’Abomey-Calavi soit maintenue dans la
sous-région et dans le monde comme une Université de référence.
Le Conseil Scientifique de l’Université d’Abomey-Calavi adresse ses admirations aux
personnes morales qui ont contribué à la réalisation effective des Actes de ce Colloque, particulièrement l’Ambassade de France au Bénin à travers le Projet ARHES (Appui
à la Restructuration et à l’Harmonisation de l’Enseignement Supérieur) qui a assuré la
reproduction de ce document.
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Professeur Brice SINSIN
Directeur de Publication
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Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Cultures et Technologies 2009
Géographie
Sommaire
Impacts environnementaux de l’exploitation des mines d’argiles pour la poterie
dans la Commune de Djidja au Bénin : .......................................................................21-30
Dynamique hydro-climatique et stratégies de gestion des ressources en eau dans
le Bassin du Zou : .............................................................................................................31-42
Problèmes d’accès à l’eau potable et santé dans la ville de Cotonou (Bénin) : .......43 - 51
Les contraintes de la cotonculture dans la Commune de Kalalé : ...........................52 - 63
La Politique Nationale d’Information Géographique du Mali : .................................64 - 71
Pression foncière et disponibilité en vivriers des ménages agricoles dans la
Commune d’Abomey-Calavi : ........................................................................................72 - 88
Pêcheries sédentaires et impacts environnementaux : cas de l’utilisation des pneus
usagés dans les Acadja de la lagune Nokoué en République du Bénin. : ..............89 - 102
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Importance socioeconomique du ronier (Borassus aethiopum Mart, Arecacea)
dans la commune de Save (Bénin) : .........................................................................103 - 115
Impacts économique et environnemental de l’occupation des zones humides dans
la ville de Porto-Novo : cas des vallons du Zunvi et de Donukin : ........................116 - 129
Agriculture de contre saison dans le Delta du fleuveOuémé : contraintes
hydro-climatiques et stratégies d’adaptation : ........................................................130 - 139
Pratiques pastorales et utilisation du sol à Gah-Maro dans la Commune de
Nikki au Bénin (Afrique de l’Ouest) : ........................................................................140 - 153
Utilisation de la Télédétection et des SIG dans l’aménagement des Aires
protégées : Cas de la Forêt classée de Thiès au Sénégal. : ................................154 - 165
Maitrise de l’eau, production du riz et produits maraichers dans le périmètre
irrigué de Baguinèda (Mali) : ......................................................................................166 - 174
Prospects for Geoinformatics-based Precision Farming in a Savanna River
Basin, Nigeria : .............................................................................................................175 - 188
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Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Cultures et Technologies, 2009
Dynamique urbaine et gestion des déchets plastiques dans la municipalité de
Cotonou : quelques solutions de recyclage, cas d’AGRIPLAS : ............................189 - 199
Systèmes de production agricole et dégradation du lac Sélé a Ouinhi au Sud
Est du Benin : ...............................................................................................................200 - 212
Contribution à L’étude des Tendances Thermométriques au Sud Bénin :.........213 - 223
Linguistique & Lettres Modernes
Les héros picaresques dans la production romanesque d’Ahmadou Kourouma :......227 - 234
Paralinguistic vocal features Place and Functions in communication :............235 - 244
Bilingualism in a multicultural society: a factor of development.:................... 245 - 256
Intertextuality, influence and the problem of originality in Literature :...............257 - 265
« Science, Conscience, Inconscience et le monde » :..........................................266 - 272
Revivre le passé d’une figure légendaire yoruba à travers le théâtre :le cas d’Alafin
sãngó :...........................................................................................................................273 - 285
Narrative techniques in purple hibiscus by Chimamanda Ngozi Adichie : ...........286 - 295
La double compétence dans l’enseignement/apprentissage de l’anglais de spécialité : ..................296 - 313
La soutane dans Servitude et grandeur des Français : .........................................314 - 322
Critères de discrimination syntaxique des classes de mots en grammaire française : ......323 - 346
Histoire et Sociologie
Les Mécanismes Endogènes de gestion de l’Environnement à Covè (Bénin) : .....349 - 361
Réflexion sur le rapport des langues nationales avec la culture, le savoir et leur
introduction dans le système éducatif au Bénin : ................................................362 - 370
Pourquoi la religion constitue un business ? : ......................................................371 - 386
Enseignement et recherche en Archéologie en l’absence de laboratoire à l’Université
d’Abomey-Calavi (1978-2008) : bilan et perspectives : .......................................387 - 397
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Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Cultures et Technologies, 2009
Changement social et commerce informel d’essence ‘’kpayo’’ au Bénin :cas de la
Commune d’Abomey-Calavi : .......................................................................................399 -409
Egalité naturelle homme / femme et égalité Perte de la féminité chez Sénèque : .....................410 - 426
La production historienne au département d’Histoire et d’Archéologie de l’Université
d’Abomey-Calavi : caractéristiques, mutations et défis : ...................................427 - 454
Economie
Analyse des systèmes des pôles de compétitivité en construction dans les secteurs
ananas au sud du Bénin : .........................................................................................456 - 469
Compétitivité et avantage comparatif de la production cotonnière au Bénin :.................470 - 490
Implication organisationnelle et performance au travail chez les infirmières et
infirmiers diplômés d’Etat au Bénin. : ...................................................................491 - 502
Le prêt de groupe de caution solidaire : efficacité et jeux : .............................503 - 514
Sciences Juridique Administrative et Polotique
La vie privée et les affaires dans l’espace UEMOA : ...............................................517 - 531
Trafic humain et ses conséquences sur le Développement : ............................532 - 567
Le rétrécissement du champ des libertés au Togo (1958-1990) : .......................568 - 582
Poids ethnique et vote dans le Bénin du renouveau démocratique : le scrutin législatif
du 30 mars 1999 : .....................................................................................................583 - 599
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2ème Colloque de l’UAC des Sciences, Cultures et Technologies, Com. plénière p : 11 - 18, 2009
Les stratégies de recherche de financement
pour les activités de recherche et le
développement des laboratoires de
recherche
Bruno BORDAGE, Institut de Recherche pour le Développement (IRD) au Bénin
Email : [email protected]
RESUME
Plusieurs enjeux déterminent les stratégies de recherche de financement international
d’une université : entrer dans la compétition mondiale à travers les appels d’offres
compétitifs ; intégrer la recherche de financement dans les activités quotidiennes ; se
concentrer sur la finalité de toute activité universitaire : accroître les connaissances ;
avoir sa propre stratégie. Les bailleurs sélectionnent les projets selon des attentes
précises : un engagement institutionnel fort, un projet porté par la demande, un
management de qualité, le respect de règles d’éthique, une logique de pérennité des
équipes, une écriture rigoureuse du projet.
Mots-clés : financement, compétition, stratégie, management
ABSTRACT
Several stakes determine the strategies for finding international funding : entering
word competition through competitive selection of proposals; integrating looking for
funding in the daily work; concentrating on the aim of all university activities : increase
knowledge; setting up its own strategy. Stake holders select research projects according
to particular expectations: a strong institutional commitment; a demand-oriented
project, an efficient management, respect of ethical rules, durability of teams, a strict
drafting of the research project.
Key Words: funding, competition, strategy, management
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Poids ethnique et vote dans le Bénin du renouveau démocratique : le scrutin législatif du 30 mars 1999
Introduction
Lorsque Monsieur le Recteur m’a proposé de présenter un exposé sur les stratégies de
recherche de financement, j’ai un peu hésité car le sujet paraît technique, ardu, sec. En
fait j’ai accepté car ce qui m’aiguise l’esprit, c’est moins l’expression « recherche de
financement » que le terme « stratégie ». La recherche de financements internationaux,
c’est pour l’université l’opportunité de mettre en œuvre une stratégie globale de
progrès lui permettant de se déployer et d’être reconnue à l’international. En traitant
de la recherche de financement, on touche au cœur des missions de la recherche
universitaire. S’il y a un message que je voudrais faire passer, c’est que le sujet n’est pas
technique, il est politique. Quels sont donc les grands enjeux de la recherche de
financements internationaux ? Et quelles sont les attentes des bailleurs ?
I- Les enjeux de la recherche de financement
1- Premier enjeu : entrer dans une compétition mondiale
Je voudrais rappeler les grands principes qui régissent le financement de la recherche
dans le monde aujourd’hui. Ce qui est devenu la norme, c’est le financement des
projets plutôt que le financement des structures. Avec une règle qui tend à se
généraliser : celle des appels d’offres compétitifs.
Le financement de base des institutions, des structures et des laboratoires, qu’il soit de
source publique ou de source privée, n’a pas totalement disparu, mais partout il tend
à diminuer. Dans les pays anglo-saxons, aux USA notamment, ce mouvement est
entamé depuis longtemps. Aux USA, l’essentiel du financement de la recherche
transite par des agences ou des fondations. Les fonds ne sont pas tous d’origine
privée, ils peuvent aussi être d’origine publique. Ce n’est pas l’origine publique ou
privée des fonds qui est discriminante ; ce qui est significatif c’est le fonctionnement
par appels à propositions de recherche, sur projets. Les grandes fondations américaines
qui lancent des appels d’offres sont bien connues : Ford, Kellog, Mac Arthur, Rockefeller,
Bill et Melinda Gates, le NIH dans la santé, et bien d’autres.
L’Union européenne, qui a mis en place des Programmes Cadre de Recherche pour le
Développement et la Technologie, qui sont quadriennaux (on en est aujourd’hui au
7 PCRDT) fonctionne totalement sur le modèle des appels d’offres compétitifs.
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En France, ce mouvement vers le financement de la recherche par appels d’offres est
récent. Le Ministère français de la recherche a mis en place, dans les années 20052006, une agence généraliste, qui s’intitule Agence Nationale pour la Recherche (ANR).
Pour l’année 2008, l’ANR a bénéficié d’une capacité d’engagement de 955 millions
d’euros, montant nettement supérieur à l’ensemble des crédits publics français destinés au soutien de base des unités de recherche.
Le mode de financement de la recherche par appel d’offres devient universel.
Aujourd’hui, il ne faut pas escompter trouver facilement un financement de base de
son laboratoire, le seul vrai financement disponible aujourd’hui, c’est le financement
sur projet.
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BRUNO BORDAGE
D’où la nécessité de se mettre en ordre de marche pour affronter la compétition
internationale.
Car la compétition est féroce.
Les financements sont à rechercher partout :
-
auprès de structures publiques (UE, coopération française, autres apys d’Eu
rope, USAID, CRDI canadien, etc …)
-
auprès de fondations (je viens de citer les grandes fondations américaines,
voici le nom de quelques fondations françaises, même si elles sont beaucoup
moins puissantes : la Fondation de France, Mérieux, Total, etc…)
-
sans oublier les ONG, les sources locales.
La compétition est renforcée par la crise financière et économique mondiale. En
Californie, par exemple, le soutien de base aux universités publiques par l’Etat de
Californie, qui était déjà relativement faible, est en diminution drastique depuis l’année dernière. Selon Charles Reed, le Président de The California State University :
moins 6 millions de dollars entre la rentrée 2008 et la rentrée 2010 sur un budget total
(pour les deux années) de 9, 3 milliards de dollars.
2- Deuxième enjeu : intégrer la recherche de financement dans le
quotidien des activités
Dans les laboratoires du Nord, les directeurs de laboratoire passent l’essentiel de leur
temps à recherche des financements.
Répondre aux appels d’offres est devenu une activité normale des laboratoires. Rechercher des financements, c’est inhérent au fonctionnement de la recherche.
A ce sujet, il faut distinguer la logique d’aide internationale au développement de la
logique de financement international de la recherche.
Quand on est dans un pays du Sud, rechercher des crédits qui relèvent de l’aide
publique au développement, c’est parfois se comporter un peu en assisté ; chacun sait
que le véritable développement, la vraie création de richesse, ne proviendra pas de
l’aide, mais des forces vives du Sud ; le développement solide est endogène.
Alors que répondre à des appels d’offres scientifiques, ce n’est pas se comporter en
assisté. Au contraire c’est entrer pleinement dans la communauté scientifique internationale, selon le même modus vivendi que les scientifiques du Nord.
3- Troisième enjeu : distinguer la fin (la connaissance) du moyen
(le financement)
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Les stratégies de recherche de financement pour le développement des laboratoires de recherche
Rechercher des financements, ce n’est pas une fin en soi. L’obtention de crédits ne
doit pas être une fin, mais un moyen.
En fait, il ne faut pas avoir pour objectif les seuls aspects budgétaires de la recherche
de crédits. Ce qu’il faut viser, c’est la participation à des programmes de recherche
internationaux, c’est la prise d’initiative pour l’organisation de colloques internationaux
ou de tables rondes, c’est d’obtenir des positions dans des structures internationales,
c’est de réaliser des publications conjointes avec des chercheurs du Nord, c’est de faire
alliance avec le décideur politique, tous points qui sont des marques de l’insertion
dans une communauté internationale de recherche de haut niveau.
Ce qu’il faut viser à travers la recherche de financements internationaux c’est tenter de
peser sur la marche du monde en se faisant entendre sur la scène internationale au
sujet des grands enjeux qui concernent l’avenir de la planète.
La finalité doit rester la connaissance. L’Université doit toujours se concentrer sur son
coeur de métier : la connaissance. La crise mondiale actuelle nous enseigne que nos
économies, nos institutions, nos organisations, dépendent trop de la finance. La crise
va nous ramener à des systèmes de valeur dans lesquels la culture, la connaissance, la
science, auront toute leur place : une opportunité pour l’Université.
La recherche de financement est indispensable, bien entendu, mais elle est à tempérer avec des finalités plus fortes, elle est à intégrer dans une vision large et ouverte de
l’Université.
4-Quatrième enjeu : avoir sa propre stratégie
Avoir sa propre vision permet d’éviter l’hégémonie du Nord, qui constitue toujours un
risque inhérent à la recherche de financements internationaux, dans la mesure où les
financements octroyés sont souvent liés aux thèmes de recherche qui intéressent le Nord.
La stratégie de l’Université doit être intégrée à la stratégie nationale de recherche. Au
Bénin, cette stratégie existe. La recherche pour le développement économique et
social a été réaffirmée comme une priorité nationale lors de la dernière réunion du
Conseil national de la recherche scientifique et technique, en septembre 2007, qui a
validé le document de Politique nationale de la recherche scientifique et technique. Il
importe de s‘y référer, de se l’approprier et de faire vivre cette stratégie nationale afin
qu’elle s’adapte en permanence aux préoccupations des populations.
Rechercher des financements internationaux, c’est une activité centrale dans un monde
soumis aux appels d’offres compétitifs, c’est une activité qui ouvre au monde, c’est
une activité stratégique. Mais pour obtenir des financements internationaux, il ne
suffit pas d’avoir la volonté d’y parvenir, il importe de comprendre les exigences, les
attentes, de ceux qui financent, ceux qu’on appelle les bailleurs.
II-Les attentes des bailleurs
Quels que soient les financeurs et quels que soient les domaines scientifiques, il existe
des constantes parmi les attentes de bailleurs. Il est bon de les connaître, non pas pour
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BRUNO BORDAGE
forcément s’y plier systématiquement, mais en tout cas pour les avoir en filigrane
lorsqu’on élabore un dossier de réponse à un appel d’offres. Car ces attentes constituent
pour les bailleurs des critères d’évaluation.
1- Première attente des bailleurs : l’engagement institutionnel
Il ne suffit pas de brillants intellectuels, faut-il aussi que l’Université s’engage à soutenir
le projet présenté ; faut-il encore que l’institution universitaire soit performante en
tant qu’institution. L’heure des figures intellectuelles et des aventures individuelles est
révolue. Les financeurs internationaux aujourd’hui veulent moins soutenir des individus,
que des équipes ou des structures. En tout cas s’ils soutiennent des individus qu’ils ont
repérés, ils soutiennent des individus insérés dans leur institution. Car ils portent le
souci de la pérennité de l’action conduite, le souci du renforcement des capacités
institutionnelles de recherche.
Derrière les chercheurs qui répondent à l’appel d’offre, l’Université doit être en ordre
de marche.
2-Deuxième attente des bailleurs : un projet porté par la demande
Il est essentiel que le projet présenté réponde à une demande, plutôt que d’être une
pure offre universitaire. La demande peut provenir soit du gouvernement soit de la
société civile, soit d’ONG ou d’associations, soit d’entreprises privées, soit de collectivités territoriales. Le lien avec les réalités économiques et sociales doit être avéré. Et
cette demande ne doit pas être factice. Il faudra dans le dossier prouver sa réalité. Les
décideurs politiques et les ONG doivent être associés à la programmation de la recherche pour le développement. L’articulation entre le scientifique et le politique fait
partie de la spécificité de la recherche pour le développement.
La capacité de répondre à une demande économique ou sociale s’apprécie par la
volonté de transformer les résultats de la recherche en produits ou outils vecteurs de
développement, afin de servir à la création de richesse nationale. Ce qu’on appelle la
valorisation, qu’il s’agisse de valorisation industrielle ou technologique, ou, plus
simplement, de diffusion des résultats de la recherche, de transfert vers les preneurs
de décision, vers le secteur privé, vers la société civile. Ce qui est requis au minimum,
c’est la visibilité sociale de la recherche conduite, c’est-à-dire son inscription dans
l’environnement humain, dans une optique de développement. Le rapport de la
recherche à la collectivité (si l’on est dans un contexte francophone), à la communauté
(si l’on est dans un contexte anglo-saxon) sont déterminants. Les résultats de la
recherche sont destinés à être partagés, à être valorisés, à être pérennisés.
La diffusion des résultats de la recherche doit d’emblée être conçue sous forme
informatisée. Les résultats doivent être mis en ligne, les données doivent être rendues
disponibles, dans une logique de capitalisation. Le projet doit être traçable. Toutes les
données produites dans le cadre du projet pour lequel un financement est demandé
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Les stratégies de recherche de financement pour le développement des laboratoires de recherche
doivent laisser des traces, être valorisées et conservées, mises à disposition, en ligne
et sous forme de CD Rom, ou tout autre format jugé pertinent.
Ne pas oublier que, lorsqu’on dit demande, il s’agit de la demande du Sud, et non pas
de la demande du Nord. Même si, à travers la formulation des appels d’offres, il y a bien
souvent une pensée construite au Nord, une hégémonie intellectuelle du Nord en
quelque sorte, il faut savoir que ce qui est attendu des scientifiques du Sud qui
répondent à des appels d’offres, c’est qu’ils expriment les besoins du Sud.
3-Troisième attente des bailleurs : la qualité du management
Les bailleurs demandent que le management universitaire s’inscrive dans une
démarche qualité. Ce qui signifie une gouvernance démocratique et un certain degré
d’autonomie administrative et financière.
La gestion doit être efficace et adaptée aux critères des agences internationales de
financement. La gestion administrative doit être transparente. Des indicateurs de
résultat doivent être mis en place. La gestion des laboratoires doit intégrer les
principes de la démarche qualité.
Concernant la gestion budgétaire, la rigueur doit s’imposer. Il importe de mettre en
place, pour chaque projet, un compte dédié, c’est-à-dire un compte bancaire
spécifique, ouvert au nom du projet, à partir duquel se font toutes les opérations
financières liées à la réalisation des activités, et auquel a accès uniquement la
personne désignée par les autorités universitaires.
Les frais de structure (ce qu’on appelle overheads en anglais) doivent être limités au
minimum possible : 10 à 15 % du budget total environ, sachant que l’optimal serait 10 %.
Des procédures-types sont définies pour les opérations les plus communes (paiement
de fournisseurs, transfert financier, achat de matériel), l’objectif étant de minimiser les
incertitudes
Une attention particulière doit être portée à la gestion des ressources humaines.
L’Université doit désigner officiellement une personne responsable du suivi des
activités, et un suppléant capable de prendre le relais en cas d’absence ou d’indisponibilité
provisoire du responsable. Les points apparemment les plus simples, les détails, comme
par exemple la désignation d’un suppléant, sont essentiels, car ils sont signifiants du
sérieux de la démarche, ils sont gages de qualité. La personne responsable du projet
doit avoir des capacités de coordination, des aptitudes à l’animation d’équipe, de
façon à donner sa place à chacun dans l’équipe, aux doctorants notamment.
Il importe aussi de signifier la capacité de reporting, la capacité d’établir régulièrement
des rapports. Les bailleurs sont sensibles à cette culture du « rendre compte », qui ne
consiste d’ailleurs pas uniquement à rendre compte aux bailleurs eux-mêmes, mais
16
BRUNO BORDAGE
aussi à la population, aux décideurs politiques.
Les bailleurs savent que toutes ces procédures de management, qui paraissent évidentes lorsqu’on les énonce, sont en fait difficiles à mettre en place, car elles se
heurtent à des pratiques mandarinales souvent bien établies. Lorsqu’ils obtiennent les
éléments qui leur permettent de vérifier que certaines de ces procédures au moins
sont effectives, les bailleurs sont rassurés, et c’est un point essentiel pour le succès du
dossier. Dans leur jargon technocratique, les bailleurs disent alors que l’Université a
une capacité d’absorption financière. Ils peuvent lui allouer des crédits, car les crédits
qui seront mis à sa disposition seront utilisés efficacement et avec efficience.
Il importe que les demandes de financement soient calibrées en fonction de la capacité d’absorption financière. Cette capacité à ne pas gaspiller les ressources qui sont
mises à sa disposition dépend d’abord de la qualité de l’organisation administrative,
budgétaire et humaine, mais dépend aussi de la disponibilité des ressources matérielles et humaines. La disponibilité de ressources matérielles (des locaux, de l’électricité,
une connexion internet fiable) est importante ; et la disponibilité de ressources humaines est cruciale (des scientifiques disponibles pour encadrer des chercheurs juniors et
des doctorants).
4- Quatrième attente des bailleurs : l’éthique
Un projet de recherche ne peut obtenir un financement international que s’il répond
à certaines règles d’éthique, notamment dans les secteurs de la santé et de la
biodiversité. Il importe donc qu’un comité d’éthique fonctionne correctement et
régulièrement. Les principes éthiques concernent le rapport aux populations,
principalement dans le cas d’essais cliniques. Ils concernent aussi la propriété
intellectuelle et la répartition des bénéfices de la recherche.
5- Cinquième attente des bailleurs : la pérennité
Les bailleurs attendent d’une équipe qu’elle ait une forte identité qui exprime un
potentiel de pérennité.
L’équipe qui postule à un financement doit avoir une aptitude à se prendre en main de
manière endogène. Le paradoxe, c’est que pour réussir à obtenir un financement, il
faut apparaître comme étant capable de fonctionner de manière autonome, sur ses
ressources propres, comme si le financement extérieur n’était pas indispensable. Le
bailleur veut être sûr du potentiel de l’équipe. Il veut qu’une fois le projet terminé, la
pérennité des activités soit assurée sans nouveau financement extérieur. Attention au
risque de récurrence pour le bailleur. Le bailleur veut financer un projet limité dans le
temps (souvent 3 ou 4 ans) et limité dans son objet.
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Les stratégies de recherche de financement pour le développement des laboratoires de recherche
6-Dernière attente des bailleurs : un projet bien rédigé
Il reste un point essentiel pour obtenir un financement, c’est l’écriture du projet
lui-même. Car, la compétition étant féroce, il faut convaincre. Certaines règles
d’élaboration et de rédaction sont à respecter.
La pertinence du thème doit être bien précisée. Pertinence par rapport à la demande
(à quel besoin répond le projet) ; pertinence par rapport à l’état de l’art dans le
domaine scientifique concerné (quelle est la question scientifique ?). Il ne suffit pas
que le projet soit utile pour le pays, faut-il encore qu’il n’ait pas déjà été traité ailleurs
auparavant. Avoir une bibliographie à jour est impératif. Bien évidemment, comme
pour tout exercice de nature scientifique, il est essentiel de présenter avec clarté le
cadre conceptuel, la problématique, les hypothèses de recherche, la faisabilité.
Mais ce n’est pas le lieu ici de faire un cours de méthodologie de la recherche. Je ne
serai donc pas plus exhaustif.
Conclusion
Une stratégie de recherche de financement, c’est bien sûr essayer de répondre aux
attentes des bailleurs, c’est rentrer dans toutes les cases du cahier des charges.
Mais si l’exercice reste strictement mécanique et isolé, il risque fort d’échouer. Car il
suppose un environnement institutionnel solide, volontariste, déterminé. Ce n’est pas
seulement le chercheur, ni même le laboratoire, qui doit mettre en place une
stratégie de recherche de financement, c’est l’institution universitaire dans son
ensemble. Et au-delà de l’application de principes de management rigoureux et de
bonne gouvernance, aussi nécessaire soient-ils, l’université ne réussira vraiment à
s’insérer sur la scène internationale que si elle se recentre sur les fondements de ce
qu’est une université : un lieu dédié à la connaissance, un lieu dédié à la science, un
lieu d’ouverture à l’universalité du savoir, un lieu qui respecte le principe moteur de
toute pensée : la liberté.
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Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Cultures et Technologies 2009
Géographie
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Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Cultures et Technologies Géographie : P. 21 - 30, 2009
Impacts environnementaux de l’exploitation
des mines d’argiles pour la poterie dans la
Commune de Djidja au Bénin
AGBOMAHENAN S., OGOUWALE E., AFOUDA F., HOUSSOU C.
Département de géographie et aménagement du territoire (DGAT) Université
d’Abomey-Calavi (Bénin), BP : 526 Cotonou [email protected]
Résumé
la poterie dans les pays en développement comme le bénin, occupe une place non
négligeable dans la vie socio-économique des ménages. cette activité a des influences
sur les différentes composantes environnementales.
la présente étude vise à analyser les impacts de l’exploitation de l’argile sur les ressources
physiques et biologiques afin de proposer des solutions. la technique de collecte des
données a consisté à la recherche documentaire dans les institutions spécialisées, à la
méthode accélérée des recherches participatives (marp), des focus-groups, des observations directes, etc. l’identification des impacts des activités d’extraction de l’argile sur les
composantes de l’environnement physique et les établissements humains a été faite
à l’aide de la matrice de léopold.
les résultats montrent que l’extraction de l’argile affecte les ressources naturelles.
l’accès à la matière entraîne la destruction de la végétation et la disparition des
terres cultivables. pendant la saison pluvieuse, les anciennes carrières inondées se
transforment en gîtes larvaires et entraînent la prolifération des moustiques et des
insectes nuisibles à l’homme. l’utilisation du bois énergie pour la cuisson des produits
potiers a pour conséquence la destruction du couvert forestier et la dégradation du
sol.
mots-clés : commune de Djidja, mine d’argile, exploitation, impacts
environnementaux.
Abstract
the pottery in the developing countries like the benign one, occupies a considerable
place in the socio-economic life of the households. this activity has influences on the
various environmental components.
the present study aims at analyzing the impacts on the physical, biological and human
resources in order to propose solutions. the technique of data-gathering consisted
with the information retrieval in the services which the study concerns, with the
21
Impacts environnementaux de l’exploitation des mines d’argiles pour la poterie dans la commune de Djidja
method accelerated of participative research (marp), of x-ray-groups, observations
direct, etc the identification of the impacts of the activities of winning of the clay on
each component of the physical environment and the human settlements was made
using the matrix of léopold.
the results show that the winning of the clay allocates the natural resources. the access
to the matter involves the destruction of the vegetation and the disappearance of the
cultivable grounds. during the rainy season, these flooded holes are transformed into
larval lodgings and involve the proliferation of the mosquitos and the harmful insects
to the man. the use of wood energy for the cooking of the products of the pottery has
as a consequence the destruction of forest cover and the impoverishment of the soil.
key words: commune of Djidja, mines clay, exploitation, environmental impacts
Introduction et justification
Les activités génératrices de revenus en république du bénin sont fournies en partie
par l’artisanat (Adam et Boko, 1993). La poterie dans les pays en développement
comme le bénin, occupe une place non négligeable dans la vie socio-économique
des ménages. Les matières premières indispensables à ce type d’activité sont l’argile
et le kossa. Dans la commune de Djidja, les effets des pratiques actuelles de la poterie
sont multiples et touchent tous les secteurs de la vie sociale et le milieu physique de
la commune de Djidja les activités de poterie affectent les ressources naturelles (Agbomahènan,
2007). les trous creusés lors de l’extraction des ressources minières
pour la fabrication des produits
potiers sont abandonnés
(Adandé et Mètinhoué, 1980).
Pendant la saison pluvieuse, ces
trous entraînent la prolifération
des moustiques et des insectes
comme l’anophèle nuisibles à
l’homme. Aussi, la pression démographique et l’accroissement des
besoins en produits potiers
Figure 1
22
: Situation géographique de la Commune de Djidja
AGBOMAHENAN S., OGOUWALE E., AFOUDA F., HOUSSOU C.
Note : fg : forêt galerie, saa : savane arborée et arbustive, sx : savane saxicole, mcj :
mosaïque de culture et jachère, pl : plantation, ag : agglomération. La figure 3 montre
que les essences végétales reculent à un rythme accéléré du fait des activités humaines dont la poterie. L’activité de poterie nécessite une ponction accrue du bois énergie pour la cuisson des objets potiers. le couvert végétal de la commune de Djidja a
connu une régression entre 1994 et 2006. les photos 3 illustrent le phénomène de
déforestation dans les arrondissements d’Oungbègamè, de Zounkon et de Gobaix.
Photo 3 : Etat actuel (à droite) et d’avant (à gauche) de « Aguêzoun »
Afouda et al., 2003 et Cliché Agbomahènan S., décembre 2006
Ces photos montrent l’état actuel des îlots de forêts et celui des anciennes forêts
reliques dans le secteur d’étude. Face à la pénurie de bois énergie, les potières ont
commencé par exploiter les îlots de forêts existants et des galeries forestières.
Autant d’éléments qui témoignent qu’aucun écosystème n’est désormais épargné de
la ponction de ses ressources (Afouda et al, 2003).
Au total, les modes d’exploitation des ressources naturelles liées à la poterie ont
d’impacts négatifs sur l’environnement. La dégradation du couvert végétal dans le
secteur d’étude a atteint un stade avancé. Les ressources naturelles n’ont pas seulement
diminué, mais aussi ont du mal à se reconstituer naturellement. Cette situation est liée à
une absence quasi générale d’effort planifié de reboisement. Le rythme et les techniques
de la fabrication des produits potiers dans la partie méridionale de la commune de
Djidja sont tels que la poterie est au premier plan. Et si les tendances se poursuivent ou
mêmes se maintenaient la situation sur le plan environnemental serait critique. Il se
pose ainsi la question de la durabilité environnementale et il devient impérieux de
préserver ce qui reste et de restaurer l’équilibre perturbé.
3.4. Risques sanitaires liés aux activités de poterie
La stagnation des eaux dans les trous creusés lors de l’extraction des matières premières
(photo 4) entraîne la création de gîtes larvaires et la prolifération des moustiques et
d’insectes nuisibles à l’homme.
23
Impacts environnementaux de l’exploitation des mines d’argiles pour la poterie dans la commune de Djidja
Quatre types de données ont servi à la réalisation de cette étude. il s’agit essentiellement
des données démographiques extraites du fichier de l’Institut National des Statistiques
et Analyse Economique (INSAE). Les données sur la production, la commercialisation
et les superficies emblavées sont issues du Ministère de la Culture de l’Artisanat et du
Tourisme (MCAT), du Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature
(MEPN) et auprès des acteurs du secteur potiers. Ces données sont complétées par celles
pédologiques relatives à l’exploitation des sols et les informations sur les techniques
de production et leurs incidences environnementales. De même, les investigations sur
le terrain ont permis d’appréhender l’influence de l’extraction et du traitement d’argile
pour la poterie. A cet effet, la Méthode Accélérée de Recherche Participative (MARP) et
les observations directes de terrain ont aidé à s’intéresser d’abord aux réalités
quotidiennes des potières.
Les arrondissements pris en compte dans cette étude sont Dan, Mougnon, Oungbèga,
Zinkanmè, Zounkon. Ils sont choisis en raison de l’ampleur des activités de poterie. De
plus, ces localités offrent une particularité en terme de matières, premières de par la
diversité de ses sols et sous-sols (Ayiogbé et Bèta). Au total dans 20 villages, 245 potières,
collecteurs et commerçants sont enquêtés. Six (06) personnes ressources ont été
retenues par arrondissement principal et deux (02) dans les arrondissements
subsidiairement choisis.
Les données collectées sont classées et regroupées en tableaux, traitées et transformées en graphiques à l’aide du logiciel excel. L’approche cartographique a
aidé à évaluer la dynamique des différentes unités d’occupation du sol. La matrice
de Léopold a servi de modèle d’analyse des résultats obtenus.
3.
Résultats et discussion
3.1.
Matières premières, système d’approvisionnement et techniques de
production
La matière première utilisée dans la filière poterie est l’argile. Elle est trouvée dans les
secteurs humides et le long des cours d’eau. Dans la commune de Djidja, les
arrondissements de Zounkon (Ayiogbé) et Gobè (Bèta) sont réputés par la présence
de l’argile. Ils offrent une grande variété de ressources minières argileuses grises ou
noires, parfois rosées. L’argile du village de Ayiogbé est la plus résistante. L’argile
extraite à Bèta appelée « bêtako » est moins résistante que la première et le « kossa »
qui est un « dégraissant » pour les deux catégories d’argiles (photos 1).
24
AGBOMAHENAN S., OGOUWALE E., AFOUDA F., HOUSSOU C.
Photo 1 : Argiles (a) et Kossa (b) combinés pour la fabrication des pots dans Djidja
Cliché Agbomahènan S., Décembre 2006
Les populations pensent que les produits potiers issus de l’argile moins résistante ne
sont pas de bonne qualité. Les objets de la poterie issus de cette argile se cassent ou
se fêlent.
Les opérations d’extraction d’argile ou de kossa dans la commune de Djidja présentent
incidences environnementales.
3.2. Activités de poterie et dégradation du sol dans la Commune
de Djidja
Les potiers de Zounkon, Oungbèga, Dan Et Mougnon s’approvisionnent en argile ou
kossa de Ayiogbé à 10 km et à 12 km pour la matière première de Bèta. L’extraction de
cette matière première se fait parfois dans des galeries de plus d’un mètre de profondeur
sur des terrains privés dont les propriétaires se font rétribuer (Adandé et Metinhoué,
1980). Les photos 02 présentent l’état des carrières dans la commune de Djidja
Photo 2: Aspects des carrières d’argile abandonnées (a), en exploitation (b)
Cliché Agbomahènan S., décembre 2006.
25
Impacts environnementaux de l’exploitation des mines d’argiles pour la poterie dans la commune de Djidja
Les anciennes carrières d’extraction de matières premières, argile et kossa, sont souvent abandonnés. Une soixantaine ont été identifiés dans le secteur d’étude. Les trous
ont en moyenne 1,5 mètre de diamètre et leur profondeur moyenne est de 2 m. ils se
remplissent d’eau pendant la saison pluvieuse et entraînent la prolifération des moustiques et des insectes dont l’anophèle nuisibles à l’homme. Ces trous accélèrent aussi
le phénomène de l’érosion éolienne et de décapage. L’impact de cet artisanat de
production résulte également de la pénurie d’essences ligneuses aux alentours des villages.
3.3. Activités de poterie et régression du couvert végétal
dans la Commune de Djidja
L’utilisation des produits d’essences végétales pour la cuisson des produits potiers entraîne une ponction accrue du couvert végétal de la partie méridionale de la commune de Djidja c’est ce que confirme l’analyse diachronique de l’occupation du sol
des années 1994 et 2006, qui présentent d’ailleurs l’évolution du couvert végétal et
des autres unités paysagiques (figure 2).
Figure 2 : Carte d’occupation du sol en 1994 et en 2006
L’analyse de ces deux cartes d’occupation du sol a permis de réaliser la figure 3 qui
traduit l’évolution des différentes composantes environnementales entre 1994 et
2006 dans la commune de Djidja
26
AGBOMAHENAN S., OGOUWALE E., AFOUDA F., HOUSSOU C.
Figure 3 : Superficies des différents types de formations végétales
Source : Réalisé à partir des données du CENATEL
Note : fg : forêt galerie, saa : savane arborée et arbustive, sx : savane saxicole, mcj :
mosaïque de culture et jachère, pl : plantation, ag : agglomération. La figure 3 montre
que les essences végétales reculent à un rythme accéléré du fait des activités humaines
dont la poterie. L’activité de poterie nécessite une ponction accrue du bois énergie
pour la cuisson des objets potiers. le couvert végétal de la commune de Djidja a connu
une régression entre 1994 et 2006. les photos 3 illustrent le phénomène de déforestation dans les arrondissements d’Oungbègamè, de Zounkon et de Gobaix.
Photo 3 : Etat actuel (à droite) et d’avant (à gauche) de « Aguêzoun »
Afouda et al., 2003 et Cliché Agbomahènan S., décembre 2006
Ces photos montrent l’état actuel des îlots de forêts et celui des anciennes forêts
reliques dans le secteur d’étude. Face à la pénurie de bois énergie, les potières ont
commencé par exploiter les îlots de forêts existants et des galeries forestières.
27
Impacts environnementaux de l’exploitation des mines d’argiles pour la poterie dans la commune de Djidja
Autant d’éléments qui témoignent qu’aucun écosystème n’est désormais épargné de
la ponction de ses ressources (Afouda et al, 2003).
Au total, les modes d’exploitation des ressources naturelles liées à la poterie ont
d’impacts négatifs sur l’environnement. La dégradation du couvert végétal dans le
secteur d’étude a atteint un stade avancé. Les ressources naturelles n’ont pas seulement
diminué, mais aussi ont du mal à se reconstituer naturellement. Cette situation est liée à
une absence quasi générale d’effort planifié de reboisement. Le rythme et les
techniques de la fabrication des produits potiers dans la partie méridionale de la
commune de Djidja sont tels que la poterie est au premier plan. Et si les tendances se
poursuivent ou mêmes se maintenaient la situation sur le plan environnemental serait
critique. Il se pose ainsi la question de la durabilité environnementale et il devient
impérieux de préserver ce qui reste et de restaurer l’équilibre perturbé.
3.4. Risques sanitaires liés aux activités de poterie
La stagnation des eaux dans les trous creusés lors de l’extraction des matières premières
(photo 4) entraîne la création de gîtes larvaires et la prolifération des moustiques et
d’insectes nuisibles à l’homme.
Photo 4 : Carrière d’argiles inondées à Djidja
Cliché Agbomahènan S., octobre 2006
Les gaz produits par la cuisson des produits potiers (photo 5) ont une teneur élevée en
monoxyde de carbone qui est une substance très toxique (Afouda et al, 2003). Toutes
ces substances dérivées de la pyrolyse provoquent des maladies oculaires chez les
potières
28
AGBOMAHENAN S., OGOUWALE E., AFOUDA F., HOUSSOU C.
Photo 5: Cuisson des pots à Djidja
Source : Cliché AGBOMAHENAN S., octobre 2006
Les résultats d’enquêtes indiquent que 80 % ont déclaré avoir souffert une fois des
Infections Respiratoires Aiguës (IRA) et 35 % de l’anémie et d’autres des maladies
occulaires. Par ailleurs, les maladies telles que le paludisme et d’autres infections
virales et bactériologiques y trouvent un milieu favorable à leur développement.
Conclusion
Cette étude a permis de connaître les incidences environnementales des activités de
poterie dans la commune de Djidja. La poterie se fait aujourd’hui au détriment des
forêts et des savanes boisées dans les arrondissements de Zounkon, Oungbèga At
Gobaix. A l’issu de ce travail, il ressort que les activités de poteries affectent l’état de
santé des populations et dégrade le sol.
29
AGBOMAHENAN S., OGOUWALE E., AFOUDA F., HOUSSOU C.
Références bibliographiques
Agbomahenan S. 2007 : Impacts socio-économiques et environnementaux des activités de poterie dans la commune de Djidja, Mémoire de maîtrise en géographie, Université d’Abomey Calavi, Bénin. 77p.
Afouda et al. 2003 : Economie du charbon et durabilité dans la commune de Djidja,
59p.
Davodoun, C. 2003 : La dynamique associative dans le secteur de l’artisanat au Bénin
: Eléments d’Informations statistiques, Edition CAAREC, 100 P.
Adam K.S. et Boko M., juillet 1993 : le Bénin SODIMAS/EDICEF 97p.
Michel, L 1993 : Poterie préhistorique du Sahara présenté par Henri Lhote publié sous
l’égide du centre d’Etude sur l’histoire du Sahara, Edition Kathahala, 250 P.
Oyédé L. M., Lang J. et Tsawlassou G., 1988 : Un exemple de sédimentation biodé
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Journal of Earth Sciences Vol 7, N° 5/6, pp. 835-855.
Etienne, N.J , 1984 : Artisanats traditionnels en Afrique Noire : Bénin ICA, Dakar, 256p
Adande A. et Metinhoue G. 1983 : Potières et poterie de Sè (Mono) ; une enquête
historique et technologique dans le mono Béninois 60p.
Assogba Adje M.I. 2000 : la poterie d’Alafiarou et de la périphérie de Parakou : problèmes et suggestions. Mémoire de maîtrises professionnelles.74 p.
30
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Cultures et Technologies Géographie : P. 31 - 42, 2009
Dynamique hydro-climatique et stratégies de
gestion des ressources en eau dans le
bassin du Zou
OGOUWALE Romaric, Jean Cossi HOUNDAGBA et HOUSSOU Christophe
E-mail : [email protected], Bp : 922 Abomey-Calavi Université d’Abomey-Calavi
Résumé
Cette recherche a permis d’appréhender la dynamique hydroclimatique, d’évaluer la
disponibilité de l’eau et d’analyser les stratégies de gestion des ressources en eau dans
le bassin du Zou.
Les tendances d’évolution des ressources en eau pluviale ont été déterminées
essentiellement par les tests non paramétriques de corrélation sur rangs de Spearman
et de Kendall appliquées aux données pluviométriques et hydrologiques. En outre,
l’analyse spatiale de la variation hydroclimatique a permis de caractériser la dynamique
des ressources en eau superficielle.
L’analyse des données sur la période 1950-2000 montre une diminution pluviométrique
de l’ordre de 17 % dans le bassin du Zou. Elle est consécutive à une récession des
hauteurs de pluie amorcée depuis les années 70.
Dans ce contexte d’aridification progressive du climat, la réduction potentielle des
ressources en eau superficielle perturbe le fonctionnement des systèmes écologiques et socioéconomiques. L’analyse de l’évolution de l’environnement hydroclimatique
du bassin montre que face à la réduction projetée de la disponibilité en eau, les
populations développent plusieurs modes de gestion à savoir la création des retenues
d’eau et la mise en valeur des bas-fonds.
Mots clés : Bassin du Zou, ressources en eau, tests non paramétriques, dynamique
hydroclimatique, mode de gestion.
Introduction
La variabilité des ressources en eau, en raison de leur dépendance vis à vis du climat et
les problèmes relatifs à la disponibilité, la gestion de la ressource eau font désormais
partie des préoccupations majeures de la communauté internationale. En effet, autant
les changements hydroclimatiques de l’époque contemporaine perturbent le bon
déroulement des activités socio-économiques, autant ils représentent des facteurs de
risques qui fragilisent le système économique.
Au nombre des éléments du climat, les précipitations représentent le paramètre le
31
Dynamique hydro-climatique et strategies de gestion des ressources en eau dans le bassin du zou
plus important conditionnant les différents systèmes écologiques et socio-économiques. Selon Afouda (1990) et Houndénou (1999) l’absence, l’excès ou la mauvaise
répartition spatio-temporelle des pluies sont sources et génératrices des crises climatiques et économiques, avec leurs retombées socio-économiques surtout dans la
mesure où, « du climat dépendent… l’abondance ou la pénurie des récoltes » Boichard
(1969). De plus, Vissin (2001) dans son travail sur l’étude de la variabilité des précipitations et des écoulements dans le bassin béninois du fleuve Niger, a indiqué que le
débit moyen annuel a baissé de 66% entre 1924 et 1988, pour une diminution du
volume pluviométrique annuel de 18%.
Ceci témoigne de la forte sensibilité des systèmes hydrologiques au forçage
pluviométrique, même si d’autres paramètres tels la structure géologique, les pratiques culturales, etc., sont à considérer dans les analyses, surtout dans cette étude sur
le bassin du Zou.
Les conséquences de la diminution des ressources hydriques sur l’agriculture ont été
à plus d’un titre très négatif. Le secteur d’étude (figure 1), du point de vue climatique,
s’inscrit dans la zone de transition climatique entre le climat subéquatorial à quatre
saisons et le climat soudanien à deux saisons tranchées. Il présente des caractéristiques intermédiaires à ces deux faciès climatiques.
Figure 1 : Situation géographique du
bassin sud de la rivière Zou
32
OGOUWALE ROMARIC, JEAN COSSI HOUNDAGBA ET HOUSSOU CHRISTOPHE
Démarche méthodologique
L’étape préliminaire de la recherche documentaire a servi à élaborer une liste exhaustive de la bibliographie traitant des questions d’ordre climatologique et hydrologique
dans le bassin.
Les données utilisées, pour caractériser le régime pluviométrique dans le bassin sont
extraites des fichiers de l’ASECNA-Cotonou. Les stations météorologiques de Bohicon,
Abomey et de Zangnanado ont permis d’étudier la répartition spatio-temporelle des
précipitations. Pour déterminer la variabilité des ressources pluviales, les statistiques
pluviométriques annuelles de ces stations ont été analysées. Le diagnostic des séquences pluvieuses et sèches a été fait à partir de l’analyse des indices pluviométriques
sur la série 1971 à 2000 déterminés à partir de la formule :
, où Xi est la variable pour une année, X est la pluviométrie moyenne
déterminée à
partir de la formule
du
protocole
et
l’écart-type de la série déterminé à partir
où la variance V est écrite :
Par ailleurs, les tendances pluviométriques globales ont été étudiées à partir des
moyennes mobiles centrées sur 5 ans. Cette étude a permis d’avoir des séries
pluviométriques lissées sur toutes les stations au pas de temps annuel.
Enfin, pour déterminer la corrélation entre pluie et lame d’eau écoulée, le
coefficient de corrélation
valeurs des séries ; x et y les moyennes des variables ó(x) ó(y) représentent les
écarts-types de la série considérée, a permis de mesurer le degré de liaison entre ou
de dépendance qui existe entre deux paramètres.
Pour appréhender les stratégies développées par les populations pour atténuer les
contraintes hydr-pluviométriques dans le bassin du Zou, des enquêtes
socio-antropologiques ont été réalisées. Dans ce cadre, la Méthode Accélérée de
Recherche Participative (MARP), qui se focalise d’abord sur les réalités paysannes et le
Rapid Rural Appraisal (RRA) ont été utilisés.
33
Dynamique hydro-climatique et strategies de gestion des ressources en eau dans le bassin du zou
Résultats
1. Variabilité climatique dans le bassin de la rivière Zou
1.1 - Variabilité annuelle de la pluviométrie
Les pluies sont inégalement réparties sur les stations d’Abomey, de Bohicon et de
Zagnanado (Tableau I).
Tableau I : Indicateurs pluviométriques par station
Source : Résultats de calcul
Au regard des données du tableau I, la variabilité pluviométrique spatiale n’est pas
fortement nuancée dans le bassin. En effet, les stations de Bohicon, d’Abomey et de
Zagnanado ont enregistré respectivement en moyenne 1099 mm, 1065 mm et 1032
mm de pluie en 61 ans. Les coefficients de régression en fonction du temps (-1,47 à
Abomey et -0,56 à Zagnanado), sont en dehors des cumuls pluviométriques, indicateurs
de l’évolution régressive de la pluviométrie dans le bassin du Zou. L’évolution
spatio-temporelle du climat dans le bassin de la rivière Zou régit le fonctionnement du
système économique qui dépend de la pluviométrie et des écoulements fluviaux. Et
la dynamique des hauteurs de pluie sur la période 1940-2001 et la tendance connue
sur la normale 1961-1990 traduit la variabilité spatio-temporelle pluviométrique sur le
bassin du Zou. Les figures suivantes indiquent l’évolution des paramètres climatiques
étudiés.
Figure 2 : Variation des précipitations
annuelles dans le bassin du zou
34
OGOUWALE ROMARIC, JEAN COSSI HOUNDAGBA ET HOUSSOU CHRISTOPHE
Les stations d’Abomey et de Zagnanado ont connu respectivement sur la période
1940-2001 une régression linéaire de la pluviométrie de 1,47 mm/an et de 0,56 mm/
an, tandis que la station de Bohicon a connu une hausse de 0,82 mm/an.
Par ailleurs, la baisse de la pluviométrie est plus marquée ces deux dernières décennies
selon les indices pluviométriques moyens calculés sur les périodes 1940-1949, 19501959, 1960-1969, 1970-1979, 1980-1989 et 1990-1999 (figure 3).
Figure 3 : Variation des indices pluviométriques décennaux sur les stations du bassin du zou
Au regard des anomalies pluviométriques négatives, les décennies 40, 70, 80 et 90
sont globalement déficitaires, alors que les décennies 50 et 60 ont été plus humides
sur toutes les stations du secteur d’étude. Il ressort de cette analyse que la sécheresse
qui caractérise l’Afrique de l’Ouest en général, affecte aussi le Bénin depuis les années
70 et corrobore les résultats des travaux de Hubert et Carbonnel (1987), Boko (1988),
Demarée et Nicolis (1990), Servat et al. (1997), Houndénou (1999) et Ouédraogo
(2001).
L’état actuel et les tendances des paramètres climatiques mis en évidence dans cette
étude expliquent la dégradation quantitative et qualitative progressive des ressources
hydriques du bassin du Zou, sous climat modifié.
2. Variabilité hydrologique du bassin de la rivière Zou
L’influence de la variabilité pluviométrique sur les ressources hydriques superficielles
est mise évidence par les fluctuations hydrologiques. Le comportement des paramètres
hydrologiques est influencé par les rythmes pluviométriques saisonniers et annuels.
Les modifications climatiques consécutives à la variabilité pluviométrique et la
tendance à la sécheresse qui caractérise le bassin, affectent la rivière Zou et les
ruisseaux qui l’alimentent.
35
Dynamique hydro-climatique et strategies de gestion des ressources en eau dans le bassin du zou
2.1 Régime hydrologique du Zou à Atchérigbé et Domè
L’hydrogramme de la rivière Zou, de type tropical humide à Atchérigbé et à Domè
(figure 4), présente un seul maximal hydrologique en septembre et un minimal en
février. Ce régime unimodal est régi par des facteurs climatiques internes (bassin) et
externes (Nord-Bénin et Togo où la rivière prend sa source).
Figure 4 : Régime hydrologique de la rivière du Zou à Atchérigbé et Domè
Les débits moyens de hautes et basses eaux enregistrés sur la période de référence
1961-1990 sont résumés dans le tableau II.
Tableau II : Débits moyens de hautes eaux et de basses eaux dans le bassin du Zou
Au regard des données du tableau, la rivière Zou a connu sur la période 1961-1996
(correspondant aussi à la période de débits communs aux deux stations), un maximum
de 107,9 m/s à Atchérigbé et 70,84 m/s à Domè en septembre. En revanche, les
minima hydrologiques de 0,01 m/s et 1,65 m/s sont respectivement enregistrés à
Atchérigbé et à Domè. En somme, un important volume d’eau est mobilisable dans le
bassin du Zou entre juin et octobre. La répartition mensuelle des débits est instable
d’une année à l’autre en raison des fluctuations pluviométriques dans le bassin.
3
3
3
3
36
OGOUWALE ROMARIC, JEAN COSSI HOUNDAGBA ET HOUSSOU CHRISTOPHE
2.2 - Variabilité des débits moyens annuels
Dans le bassin sud du Zou, les effets des déficits pluviométriques sur les écoulements
se manifestent par la baisse des ressources en eau de surface. (figure 5)
Figure 5 : Variation des débits moyens annuels
L’analyse de la figure 4 montre que les moyennes décennales de 28, 41 m/s et de 19,5
m/s, enregistrées respectivement à Atchérigbé et à Domè au cours de la post-période
1970 sont inférieures aux moyennes de 31,5 m/s et de 22,5 m/s, calculées sur la
période 1961-1996.
3
3
3
3
Ainsi, la baisse de débit moyen annuel que connaît le bassin sud du Zou est évaluée à
environ 3 m/s soit 2,97 m/s dans le sous bassin du Zou à Atchérigbé et 2,89 m/s dans
celui de Domè. Les périodes les plus affectées par cette diminution des modules sont
les décennies 1970-1979 et 1980-1989 en comparaison à la période 1990-1996 qui
connaît une légère hausse mais n’atteint pas la moyenne de 1961-1996, surtout à la
station de Domè.
3
3
3
L’évaluation des débits moyens annuels est relativement en phase avec les volumes
d’eau écoulée illustrés par la figure 6.
Figure 6 : Variation du volume d’eau écoulé dans le bassin sud du Zou
37
Dynamique hydro-climatique et strategies de gestion des ressources en eau dans le bassin du zou
Dans le bassin sud, le volume d’eau écoulée a évolue au même rythme que les débits
moyens annuels. Le volume moyen d’eau écoulé sur la période 1961-1996 est de 0,90
km à Atchérigbé et de 0,67 km à Domè. Cependant, les baisses enregistrées sont de
l’ordre de 0,1 km/an dans le bassin avec spécifiquement un déficit de 0,12 km/an à
Atchérigbé et 0,09 km/an à Domè par rapport aux moyennes enregistrées sur la
période 1961-1996.
3
3
3
3
3
La variabilité hydrologique à tendance déficitaire de ces dernières décennies après
1970 considéré comme point de rupture, est confirmée par la tendance à la baisse des
modules dans le bassin sud de la rivière Zou (figure 7).
Figure 7 : Tendance hydrologique dans le bassin sud de la rivière Zou (1961-1990)
La normale considérée a été marquée par une tendance à la baisse dans le bassin. Les
coefficients de la droite de régression sont de -0,50 à Atchérigbé et de -0,58 à Domè.
Le secteur contrôlé par la station hydrométrique de Domè est inscrit dans un rayon de
13 km² du champ pluviométrique de Zagnanado où les totaux pluviométriques
diminuent dans l’ordre de 0,5 suivant une droite de régression linéaire.
La relation pluie-débit ainsi établie à l’échelle du bassin, indique une bonne corrélation entre précipitations et les débits moyens enregistrés à Atchérigbé et à Domè.
Cette corrélation pluie-débit établie au seuil de 95 %, montre la réponse hydrologique au forçage pluviométrique. La droite de régression indique un coefficient de
régression linéaire de 0,08 à Atchérigbé et de 0,04 à Domè traduisant que la variabilité hydrologique est fonction de celle pluviométrique. Par exemple, les débits moyens
variant entre 5 et 65 m/s à Atchérigbé, entre 5 et 35 m/s à Domè sont enregistrés
quand les hauteurs d’eau annuelles dans le bassin sont comprises entre 700 et 1200 mm.
3
3
38
OGOUWALE ROMARIC, JEAN COSSI HOUNDAGBA ET HOUSSOU CHRISTOPHE
Figure 8 : Corrélation pluie-débit de la rivière Zou à Atchérigbé et à Domè (échelle annuelle)
L’impact de la baisse progressive des ressources pluviométriques est perceptible sur la
disponibilité des ressources en eau. Dans les localités riveraines des ruisseaux, les
populations signalent un assèchement des cours d’eau comme Ahlo, Agbla, Toga,
Kouffo, Gana et Ouèdo. Seule la rivière Zou coule, mais dans son lit mineur. Par ailleurs,
l’étude des régimes hydrologiques indique une diminution des volumes d’eau écoulés et corrélativement des réserves d’eau souterraines depuis les années 70.
Du reste, la persistance de la sécheresse au cours des dernières décennies et
l’amenuisement continu des ressources en eau impliquent la nécessité d’une intégration
des données hydroclimatiques dans la planification du développement durable.
3. Gestion endogène des contraintes hydro-climatiques
Le système adaptatif primaire des populations du bassin du Zou est inspiré des us et
coutumes et des liaisons établies entre les facteurs physiques (climatiques et hydrologiques) et la culture. Les savoirs endogènes sont généralement utilisés pour répondre
à la modification périodique ou permanente de l’environnement et aux menaces qui
pèsent sur la vie des populations.
Les mesures d’adaptation aux contraintes climatiques et hydriques, sur le plan agricole
concernent les associations culturales, la mise en valeur des bas-fonds, les rotations de
cultures, les assolements, l’augmentation des superficies cultivées, l’utilisation des
engrais, l’adoption de nouvelles variétés de cultures, le réajustement du calendrier
agricole aux types de cultures.
Les associations culturales identifiées dans le secteur d’étude sont les
suivantes :
•
•
•
•
Igname-mais-arachide ;
Mais-manioc-piment-tomate ;
Arachide-mais-manioc ;
Mais-Manioc.
39
Dynamique hydro-climatique et strategies de gestion des ressources en eau dans le bassin du zou
Les différentes combinaisons de cultures sont fondées sur la fertilité et la position
géographique des champs (photo 1et 2). Les différentes cultures sont associées pour
laisser les cultures gérer elles-mêmes les réserves en eau des sols suivant leur coefficient cultural.
LECREDE, octobre 2003
Photo 1. Association de l’arachide et du
Voandzou à Gobaix
LECREDE, octobre 2003
Photo 2. Exploitation de sols hydromorphes dans la
partie inondable du Zou à Setto
L’inadaptation des cultures vivrières aux nouvelles conditions hydroclimatiques et les
baisses de rendements enregistrées obligent les paysans à développer les cultures de
rente telle le coton à Djidja. La nouvelle forme de spéculation agricole est le verger
d’orangers ou de manguiers, surtout dans les localités de Za-Kpota.
Sur le plan agropastoral, les bas-fonds servent également de retenues d’eau pour
l’abreuvage des troupeaux de bœufs et de moutons gardés par les Peulh transhumants.
LECREDE, octobre 2003
LECREDE, octobre 2003
Photo 4. Riziculture dans un bas-fond de
Gorbaix
Photo 3. Culture de sorgho dans une localité
de Za-Kpota
40
OGOUWALE ROMARIC, JEAN COSSI HOUNDAGBA ET HOUSSOU CHRISTOPHE
Les populations reconnaissent aujourd’hui le potentiel économique des bas-fonds et
nombre d’entre les paysans jadis cultivateurs de terres fermes sont devenus exploitants
des bas-fonds, quand bien même les techniques demeurent encore rudimentaires.
Cette nouvelle forme d’exploitation des terroirs agricoles implique un réaménagement
du calendrier agricole empirique qui ne serait possible qu’au terme d’une concertation
avec les paysans et les agents de développement rural.
Les ouvrages hydrauliques : citerne (photo 5 et 6), puits, forage etc., jouent en réalité
un double rôle : d’une part, pour plus de 70 % des populations enquêtées, des points
d’approvisionnement en eau de consommation et d’autre part des sources d’eau pour
l’agriculture et le maraîchage de case.
LECREDE, octobre 2003
Photo 5. Station de pompage sur la berge du ruisseau
Ahlo à Setto
LECREDE, octobre 2003
Photo 6. Citerne de récupération d’eau pluviale à
Gorbaix-Djidja
La gestion des sources d’eau naturelle pose le véritable problème de pollution des
eaux, facteurs de la dégradation de la santé des populations.
CONCLUSION
Le bassin du Zou est sujet à un dynamisme essentiellement dû à la variabilité des
paramètres hydroclimatiques, notamment la pluie. Les observations et analyses révèlent
que le secteur connaît depuis quelques décennies des péjorations pluviométriques
qui s’accompagnent de sécheresses hydrologique et hydrique plus accentuées depuis
1970. Cette situation s’est traduite par une diminution du nombre de jours de pluie de
l’ordre 13 à 19%, une évolution progressive du régime bimodal à un régime unimodal
et une réduction du volume d’eau écoulé de 0,1 km/an. La conjonction de la péjoration climatique et des déficits hydrologiques a entraîné des difficultés d’ordre
environnemental et socioéconomique (déstabilisation des aménagements hydro-agricoles,
rapide tarissement des puits, etc.) voire des crises politiques, toute chose qui ont
influencé le développement économique dans le bassin du Zou.
3
41
Dynamique hydro-climatique et strategies de gestion des ressources en eau dans le bassin du zou
Dans ce contexte, les populations développent plusieurs stratégies. Mais ces stratégies sont insuffisantes au regard de la complexité des événements hydroclimatiques
auxquels est sujet le bassin du Zou.
Références bibliographiques
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42
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Cultures et Technologies Géographie : P. 43 - 51, 2009
Problèmes d’accès à l’eau potable et santé
dans la ville de Cotonou (Bénin)
Léocadie ODOULAMI & Michel BOKO
Laboratoire Pierre PAGNEY, Climat, Eau, Ecosystème et Développement (LACEEDE)/
DGAT/FLASH/ Université d’Abomey-Calavi (UAC) BP 526 Cotonou, République du
Bénin (Afrique de l’Ouest) [email protected],
Résumé
L’accès à l’eau potable à Cotonou au Bénin, est l’une des contraintes à laquelle sa
population s’expose. La plupart des ressources en eau de la ville sont polluées par les
déchets solides et liquides mais elles demeurent encore des sources d’eau utilisées
par les ménages. Un choix raisonné a permis de sélectionner 10 % des ménages de
Cotonou des 13 arrondissements de Cotonou in 2005. Une analyse faite à partir des
travaux de terrain (enquête par questionnaire et documentation) a montré que pour
des raisons sociales et économiques, la plupart des ménages utilisent ces ressources
en eau sous la forme des eaux de pluie et de puits en complément à l’eau potable
distribuée par la Société Nationale des Eaux du Bénin (SONEB) pour leurs besoins
domestiques. Le taux de desserte en réseau dans la ville est de 70 % et le taux
d’abonnement n’est que de 8,5 % (SONEB, 2007). Cette situation a engendré la
prolifération des maladies hydriques telles que le choléra, les diarrhées et les
gastroentérites. Les autorités communales et étatiques doivent faciliter le raccordement
des ménages au réseau en subventionnant la SONEB.
Mots clés : Bénin, Cotonou, accès à l’eau potable, pollution, maladies hydriques.
Abstract
Drinking water access in Cotonou at Benin is one of constraints which its population
exposes. The bad wastes management generates the water resources pollution.
However, those resources are used. A choice reasoned has permitted to select 10 % of
Cotonou households in the 13 boundaries of Cotonou in 2005. A analyse realised with
field works ( survey by interview and documentation) showed that for social and
economic reasons, the most of households use those resources as rain and well waters for completing drinking water supply by SONEB (Société Nationale des Eaux du
Bénin) for them domestic needs. Though, the rate of drinking water supply networks
is 70 % and only 8,5 % of the people are subscribed to SONEB in 2005 (SONEB, 2007).
This situation generates water borne diseases proliferation such as the cholera,
diarrhoeas and gastroenteritis. The local and governmental authorities must facilitate
the neighbourhoods join networks by giving grants to SONEB.
Key words: Benin, Cotonou, drinking water access, pollution, water borne diseases.
43
Problèmes d’accès a l’eau potable et sante dans la ville de Cotonou (bénin)
I - INTRODUCTION
La ville de Cotonou est la plus grande métropole du Bénin. Elle est située à 6°20’ et
6°23’ de latitude Nord et 2°22’ et 2°30’ de longitude Est sur la plaine littorale au sud du
Bénin (carte 1). Elle s’étend sur 79 km² entre l’Océan Atlantique et le lac Nokoué
(carte) et abrite 665.100 habitants en 2002 (INSAE, 2003). Ce relief a des altitudes qui
varient de 0,4 m à 6,52 m (Afouda, et al, 1981 et Ahoussinou, 2003). Son sol est
caractérisé par une frange dunaire et des dépressions marécageuses. Cotonou est
sous le régime climatique à 4 saisons : une grande saison sèche de mi-novembre à mimars ; une grande saison des pluies de mi-mars à mi-juillet ; une petite saison sèche de
mi-juillet à mi-septembre ; une petite saison des pluies de mi-septembre à mi-novembre. La pluviométrie moyenne sur la période 1955 – 2004 est de 1308,2 mm/an avec
un maximum de 356,0 mm en juin et un minimum de 9,5 mm en janvier. Le mois de
juin est le plus arrosé avec 19 jours de pluie en moyenne et le mois le moins arrosé est
janvier avec un jour de pluie en moyenne. La moyenne des températures est de 27, 2
°C sur l’année avec un minimum moyen de 25,6 °C en août et un maximum moyen de
28,9 °C en mars (DNM/ASECNA, 1990). Les ménages de Cotonou ont des difficultés
d’accès à l’eau potable et sont contraints, pour la plupart, à utiliser en complément à
l’eau potable de la SONEB les ressources en eau polluées sous forme des eaux de puits
et de pluie. Cela prédispose la santé des ménages aux maladies hydriques telles que
le choléra, la dysenterie, les diarrhées et les gastroentérites. Cette étude mettra en
exergue les difficultés d’accès à l’eau potable et leurs conséquences sur la santé
publique à Cotonou.
Carte : Situation de la ville de Cotonou (Bénin)
44
LÉOCADIE ODOULAMI & MICHEL BOKO
II - DONNEES ET METHODES UTILISEES
Les données pluviométriques, hydrogéologiques, démographiques et
épidémiologiques ont été collectées auprès du Service National de la Météorologie
(SMN) de l’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA) de Cotonou, la Direction de l’Eau (DGE), à l’Institut National de la Statistique et de l’Analyse Economique (INSAE), à la Direction Départementale de la Santé
de l’Atlantique et du littoral (DDS) du Ministère de la Santé (MS), à la Société Nationale
des Eaux du Bénin (SONEB), au Département de la Géographie et Aménagement du
Territoire (DGAT) de l’université d’Abomey-Calavi (UAC). Ces données ont été complétées par une enquête par questionnaire effectuée en 2005 dans 10% ménages
choisis de façon raisonnée dans 62 quartiers sur les 144 que comptent les 13 arrondissements de Cotonou (tous les arrondissements ont eu la chance d’être sélectionnés
une fois). Suivant le niveau de desserte en eau potable des quartiers sélectionnés, 18
chefs de ménages ont été enquêtés dans des quartiers faiblement desservis, 9 chefs
de ménages dans les quartiers moyennement desservis et 7 dans ceux qui sont densément desservis. L’enquête s’est réalisée à partir des entretiens semi directifs, de
groupe, d’observations qui ont permis de collecter des informations sur les conditions
sociales et économiques qui sont à l’origine de l’utilisation des eaux de puits et de
pluie qui complètent l’eau potable de la SONEB. Les données collectées ont été traitées dans Word et Excel sous Windows et présentées sous forme de tableaux et
graphiques et analysées.
III - RESULTATS ET DISCUSSION
La ville de Cotonou possède des ressources en eau liées à sa position dans la zone
subéquatoriale. En référence à la station synoptique de Cotonou Aéroport, l’évolution
de la pluviométrie sur la période 1955 – 2004 est présentée par la figure 1.
Figure 1 : Evolution pluviométrique à Cotonou de 1955 à 2004
45
Problèmes d’accès a l’eau potable et sante dans la ville de Cotonou (bénin)
La figure 1 montre l’évolution des pluies à Cotonou sur la période 1955-2004. Elle
présente une moyenne pluviométrique de 1308,2 mm. D’une année à une autre, la
pluviométrie varie par rapport à la moyenne : les années 1968, 1997, 1962, 1963,
1979, 1987, 1988, 1957, 1999, 1991, 1965, 1967, 1954, 2004, 1972, 1974, 1961,
1978, 1969, 1996, 1959 et 1975 sont plus humides ; Leurs moyennes varient de
2470,2 mm à 1308,4 mm. Les années moins humides sont 1955, 1958, 1990, 1995,
1956, 2002, 1964, 1992, 1985, 1994, 1971, 1983 et 1966 avec une pluviométrie
moyenne variant de 1271,6 mm à 1013,8 mm. Les autres sont sèches avec une
pluviométrie moyenne qui varie de 986,1 mm à 719,1 mm. Les données
pluviométriques de la période ont permis d’établir l’évolution pluviométrique annuelle
de la ville (figure 2).
Figure 2 : Evolution pluviométrique annuelle de la ville de Cotonou
Cette figure présente un régime pluviométrique bimodal. Les mois les plus pluvieux
sont avril, mai, juin, juillet, septembre et octobre. La régularité des pluies pendant ces
mois pluvieux contribue à la recharge de la nappe phréatique de Cotonou. Mais cette
recharge dépend de l’évapotranspiration du milieu.
Le calcul du bilan climatique sommaire sur la période 1965-2004 a permis de réaliser
la figure suivante.
Figure 3 : Bilan climatique de la ville de
Cotonou
46
LÉOCADIE ODOULAMI & MICHEL BOKO
Le bilan climatique est positif en mai, juin et juillet. La recharge est donc possible au
cours de ces derniers mois. Le bilan est déficitaire sur les autres mois, la recharge ne
serait en principe pas possible. Mais avec le ruissellement des eaux pluviales du nord
vers sud au cours des mois d’août, septembre, octobre et novembre, la recharge de la
nappe peut s’effectuer pendant ce temps.Cette recharge dépend des structures sablo
argileuses du site de Cotonou (GIGG/SONAGIM, 1985). Le sol a une porosité qui varie
suivant les secteurs, de 35 % à plus de 40 % et le coefficient d’emmagasinement varie
de 7 % à 20 % (GANDAHO, op. cit. et AHOUSSINOU, op. cit.). La vitesse d’infiltration de
ce sol est supérieure à 8,3.10 m/s (BOUKARI et al, op. cit.). Le sol de Cotonou est donc
facilement rechargeable même aux premières semaines de pluie. Le niveau de la
nappe phréatique de Cotonou peut passer de 0 à 5 m avec un débit de 1 à 15 m/h
(ANTEA International/SITRA.HM, 2000). Cette nappe est de faible profondeur ce
pendant elle permet aux ménages de Cotonou de disposer des eaux par les puits.
Avec l’accroissement démographique, la qualité de la plupart de ces eaux est
dégradée. Le taux de couverture en assainissement de 46 % au Bénin en 2000 (rapport
conjoint OMS et al, cité dans la revue Info CREPA, 2004) est insuffisant. La production
des déchets ménagers à Cotonou augmente. En 2004, les déchets ménagers de
Cotonou sont estimés à 214.500 tonnes (da MATHA SANT’ANNA, 2000) ; le taux de
ramassage de ces déchets se situe seulement entre 25 et 30 % (MSP/MEHU, 1995). Le
reste est enterré ou déversé sur des parcelles vides ou se retrouve dans les zones
marécageuses ou encore brûlé. Aussi, l’absence des systèmes d’évacuations (égouts)
des eaux usées fait que 80 % des eaux usées sont déversées directement dans les
cours des maisons et dans les rues. L’inadéquation des ouvrages d’assainissement
autonomes surtout les latrines à fosse aux structures hydrogéologiques de la ville de
Cotonou ; la faiblesse du réseau de drainage des eaux pluviales et de son mauvais
entretien, contribuent à la pollution de la nappe phréatique de Cotonou (MSP/MEHU,
op. cit.) et à la pollution de l’air (par les gaz d’échappement, la poussière et la fumée
des usines). Donc, la mauvaise gestion de l’environnement de Cotonou compromet
dangereusement la qualité des eaux pluviales et des puits. En effet, la pollution des
eaux de puits a été mise en évidence par BOSSOU (2004) à partir des analyses physico
chimiques et bactériologiques sur des échantillons d’eaux. En ce qui concerne les
eaux de pluie, les analyses physicochimiques et bactériologiques effectuées sur
quelques échantillons d’eaux de pluie ont montré surtout la présence en grand nombre
de coliformes totaux et les coliformes fécaux, l’Escherichia Coli et la bactérie fécale.
Face à ce qui précède, la consommation des eaux de puits et de pluie expose la santé
de la population aux maladies d’origine hydrique telles que le choléra, les
gastroentérites, les diarrhées, les dysenteries. Entre 1999 et 2002, les maladies
hydriques ont évolué de façon croissante à Cotonou ; mais celles-ci ont diminué entre
2003 et 2004 (tableau I).
-5
3
47
Problèmes d’accès a l’eau potable et sante dans la ville de Cotonou (bénin)
Tableau I : Maladies hydriques dans la ville de Cotonou (1999 – 2004)
1999
2000
2001
2002
2003
2004
Dysenterie bacillaire 2672
2753
3892
6495
8053
6029
Autres diarrhées
8627
8535
8183
22204 8227
6504
Gastro-intestinale
18449
18834 18898 67122 29496 19339
Choléra
127
26
Affections
29
3788
147
24
Source : DDSP/MSP Atlantique – Littoral, (DDSP de l’Atlantique et du Littoral, 2001, 2003, 2004, 2005)
La gastro-intestinale affecte un nombre élevé d’individus en 2002. Elle est suivie des
maladies diarrhéiques. La dysenterie bacillaire atteint moins de personnes mais reste
cependant croissante sur la période. Les années 2002 et 2003 ont les plus grands
nombres de personnes affectées. Les cas de choléra sont moins importants sur la
période mais se sont accrus particulièrement en 2002. Donc, les maladies hydriques
prolifèrent dans la ville de Cotonou. Ce constat se justifie par les données collectées
dans des centres de santé en 2004 (figure 4).
Les affections liées à l’ingestion de l’eau sont très fréquentes à Cotonou. Elles sévissent
donc de manière permanente. Leur présence permanente au sein de la population
révèle l’insuffisance de l’eau potable. Cependant la ville de Cotonou a un taux de
desserte en réseau de distribution d’eau potable de 70 %. Malgré ce taux, le nombre
des abonnés aux réseau est faible : 8,5 % (SONEB, 2007).Ce faible taux s’explique par
le coût de l’abonnement qui avoisine 100.000 FCFA. Or le niveau des revenus des
ménages est faible. En 2005, sur 10 % des ménages de Cotonou enquêtés, 51,33 %
sont abonnés. Le reste s’approvisionne chez les abonnés ou dans les quelques kiosques
à eau potable de certains quartiers (2,1 % des ménages). Ce fait est lié à la faiblesse des
revenus. La consommation de l’eau de qualité douteuse a de conséquences néfastes
sur la santé de la population de Cotonou (figure 4). Cette figure montre l’évolution des
affections dans les centres de santé enquêtés en 2004. Mais elle ne permet pas
d’établir la périodicité des affections. La périodicité pourrait être établie si nous
disposons des données sur plusieurs années. Cependant, à partir des données de
2004, le centre de santé BETHESDA a enregistré des cas de diarrhée fébrile tout au
long de l’année. Les cas les plus nombreux sont remarqués en janvier, juin, juillet et
septembre ; ce centre est suivi du centre de santé Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus de
Sèdjro avec des cas plus nombreux en février. Les cas de gastro-entérites sont en
majorité nombreux dans la plupart des centres de santé sur presque tous les mois. Les
amibiases et la fièvre typhoïde sont traitées tout le long de l’année à Sainte Thérèse de
l’Enfant Jésus. Les cas de choléra ne sont pas nombreux dans les centres sauf dans le
48
LÉOCADIE ODOULAMI & MICHEL BOKO
centre de Massavo où il est remarquable en mars, juin à octobre. Les cas d’autres
diarrhées, les plus nombreux, s’observent en octobre au centre d’Ahouansori.
Selon les agents de santé rencontrés dans ces centres de santé, les périodes de
recrudescence de ces maladies sont les périodes pluvieuses et des crues, les périodes
des fêtes et les saisons des fruits (mangues et autres). Ainsi, les cas d’affection liés à
l’ingestion de l’eau s’étalent sur toute l’année mais les gastro-entérites sont très
fréquentes au début, au milieu et à la fin de l’année. Quant au choléra, il est endémique.
Donc l’apparition de ces maladies a lieu tout le long de l’année. Il est bien difficile de
déterminer une période pour ces affections.
Centres de santé BETHESDA de Minonkpo et MASSAVO d’Agbondjèdo (3ème Arrondissement)
Centres de santé d’Ahouansori et de l’ONG ‘’La Vie Nouvelle’’ (6ème Arrondissement)
Centres de santé Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus de Sèdjro (7ème Arrondissement) et de Mènontin (9ème
Arrondissement)
49
LÉOCADIE ODOULAMI & MICHEL BOKO
Centre de santé d’Agla (13ème Arrondissement)
Figure 4 : Maladies hydriques enregistrées mensuellement dans des centres de santé publics et privés locaux de
Cotonou en 2004
Les revenus mensuels des ménages enquêtés varient de 1000 FCFA à 500. 000 FCFA.
Cette disparité des revenus révèle l’inégalité financière des couches sociales et
explique les conditions de vie difficile de la plupart des ménages. Des ménages ne
pouvant pas subvenir à tous leurs besoins, il s’en découle un faible approvisionnement
en eau potable des couches sociales surtout déshéritées où le réseau de distribution
d’eau potable est insuffisant (les zones périphériques marécageuses et inondables ne
sont pas pourvues de ce réseau). Le complément des besoins domestiques en eau se
fait par les eaux de pluie et de puits pour la plupart polluées. Ainsi, 34 % des ménages
utilisent l’eau de pluie quand elle est disponible et 83 % utilisent l’eau de puits.
Malheureusement, l’utilisation de ces eaux de qualité douteuse se fait sans aucun
traitement.
IV - CONCLUSION
Les difficultés de la population de la ville de Cotonou dans l’approvisionnement
doivent interpeller les autorités communales de Cotonou, l’Etat et les décideurs
politiques car la santé des populations dans un pays conditionne l’évolution économique
et le développement de ce pays. De ce point de vue, l’actuel mode d’approvisionnement en eau potable de la ville doit être revu dans le sens de la réduction de moitié du
nombre de personnes n’ayant pas un accès satisfaisant à l’eau potable prôné par l’ONU.
Les autorités communales, gouvernementales et décideurs doivent subventionner la SONEB pour une distribution de l’eau potable à toutes les couches
de la société.
50
LÉOCADIE ODOULAMI & MICHEL BOKO
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Les contraintes de la cotonculture dans la
Commune de Kalalé
EL-HADJI MAMA MOUSSA ET TOHOZIN YVES ANTOINE
Département de Géographie et Aménagement du Territoire, Université d’Abomey-Calavi,
E-mail : [email protected], E-mail : [email protected]
RESUME
La filière coton tient jusqu’en 2000 au Bénin, une place prépondérante aussi bien dans
l’économie nationale que locale avec une moyenne de 150.000 exploitations agricoles
et une production moyenne de 300.000 Tonnes (AIC,2009). Mais la production nationale
a baissé sensiblement en passant de 427.000 tonnes en 2001-2002 à 190.867 tonnes
en 2005-2006. Dans la commune de Kalalé, cette tendance a été observée avec pour
conséquence, la baisse du revenu annuel et le surendettement des coton-culteurs.
La présente étude évalue les contraintes de la coton-culture et les difficultés que
rencontrent les organisations paysannes dans la commune de Kalalé.
Les données utilisées sont obtenues par la recherche documentaire et les travaux de
terrain. La statistique descriptive a été utilisée pour le traitement des données et
l’analyse des résultats. Il ressort que plusieurs facteurs ont affecté négativement la
production du coton avec comme corollaire, une remise en cause des logiques
paysannes. Face à cette situation, il est donc nécessaire de réorganiser la filière, d’atténuer
les effets des différentes contraintes à partir de reformes institutionnelles et le
respect des textes en vigueur.
Mots clés : Kalalé (Bénin), filière coton, organisations paysannes, contraintes, stratégies
ABSTRACT
The cotton’s production occupied up until 2000 a dominating place in national and
local economy. But between 2001 and 2008, the cotton’s national is moving
considerably from 376.000 tonnes in 2001-2002 to 244.563 tonnes in 2007-2008.
This tendency was observed with consequences, the fall down of annual in come and
the over indebtedness of cotton growers. This study values the constraints of cotton
culture and the difficulties of peasant organisation in Kalalé’s town.
This data used are got from the documentary researches and used for processing data
analysis of the results it bring out again that many factors affected badly the cotton
production in Kalalé town with as corollary the calling into question the farmers logics.
To reverse the current tendency it must be necessary to reorganize the channels and
to soften the affects of these different constraints in exploiting the trumps of the
endogenous strategies.
Key Words: Kalalé (Benin), cotton production, farmer’s organization, constraints,
endogenous strategies.
52
Les contraintes de la coton culture dans la commune de Kabale
1- Introduction
La filière coton au Bénin est sujette depuis quelques années à des problèmes qui ont
provoqué la baisse de la productivité et le revenu des paysans. Les groupements
villageois (GV), les Unions Sous-préfectorales de Producteurs (USPP) et de l’Union
Départementales des Producteurs (UDP) autrefois piliers de la production et de la
commercialisation de coton ont connu des difficultés sur fonds de crise et de querelles
intestines. De sorte qu’après les beaux jours du coton des années 90 avec une production
dans la zone nord qui a plus que triplé en passant de 99.177 tonnes en 1991 à 376.000
tonnes en 2002 et de la zone Centre qui est passée aussi de 46.951 tonnes de coton
graine en 1991 à 130.000 tonnes en 2000, la production nationale de coton a
commencé par chuter pour descendre en 2005 à 190.867 tonnes (MAEP,2008).
La commune de Kalalé, l’un des bassins cotonniers du Bénin n‘échappe pas à cette
tendance avec de profonds dysfonctionnements au sein des organisations paysannes
(OP). Les Groupements Villageois sont éprouvés avec à la clé un mauvais management
en amont des importateurs et des distributeurs des facteurs de production par
l’importation des intrants de mauvaise qualité en aval. C’est dans cette situation que le
désengagement de l’Etat intervenu en 1989 pour une filière privée au plan de la
production, la transformation et de la commercialisation, loin de régler les problèmes
de la filière, les a plutôt aggravés avec la création de deux structures opérationnelles
spécifiques à savoir :
- l’Association Interprofessionnelle du Coton (AIC)
- la Centrale de Sécurisation des Paiements et de Recouvrement (CSPR).
Plus tard, il a été créé la Coopérative d’Achat et de Gestion des Intrants Agricoles
(CAGIA). C’est justement de la création de ces structures privées qu’est née la crise des
GV, USPP et UDP, objet de convoitise. La présente étude contribue donc à évaluer les
contraintes de la coton-culture et les difficultés que rentrent des organisations paysannes
dans la commune de Kalalé.
2- Données et méthodes
Les données utilisées ont été collectées par la recherche documentaire et les investigations de terrain. La recherche documentaire a permis de comprendre le sujet, d’élaborer
la problématique et d’appréhender les contraintes liées à la coton-culture dans la
commune de Kalalé. Quant aux travaux de terrain, ils ont permis de disposer d’une
banque de données qualitatives et quantitatives sur la production de coton auprès des
responsables des organisations paysannes et des paysans eux-mêmes puis, de relever
la nature et l’ampleur des difficultés qui entravent la culture de coton dans la
commune de Kalalé.
53
EL-HADJI MAMA MOUSSA ET TOHOZIN YVES ANTOINE
Pour l’enquête quantitative, la formule statistique suivante a permis de déterminer la
taille de l’échantillon :
Ni = N x Z² x P x (1-P) / [(Z² x P x (1-P)] + (N x E²)où N est le nombre total des
groupements villageois, Z est le niveau de confiance à 95%, P est la proportion type
estimée, soit 20% (proportion minimale par convention) ; E est la tolérance maximale
d’erreur = 5% (par convention).
L’application de cette formule permet d’avoir comme taille de l’échantillon Ni = 30 GV
sur les 45 que compte la commune de Kalalé. Par ailleurs, les personnes ressources
notamment les autorités locales ont été interrogées. Pour obtenir le maximum de
données, les techniques suivantes ont été utilisées :
- l’observation directe et la visite des exploitations agricoles dans trente trois (30)
villages les plus productifs sur les quarante quatre (44) que compte la commune de
Kalalé, soit 75% des villages administratifs.
- les entretiens semi-directs réalisés à l’aide des guides d’entretiens pour avoir des
informations relatives à l’appréciation des populations sur la gestion administrative et
financière des GV.
- des focus groupes (60 au total) réalisés dans chaque village ciblé pour des informations
complémentaires à propos des attentes et l’avenir de la filière coton.
Enfin, la statistique descriptive (moyenne, pourcentages…) a aidé à traiter les données
et les informations.
11
3-Résultats
3.1. Les fondements de la coton-culture dans la commune de Kalalé
Située au nord-est du département du Borgou, la commune de Kalalé couvre une
superficie estimée à 3.586 km² soit 13,87% du département et 3,18% de la superficie
totale du territoire national (EL-HADJI MAMA Moussa, 2006). L’ensemble de la commune s’étire entre 10° et 11° latitude nord et entre 2° et 4° longitude est. Du nord au
sud, la commune s’étend sur 100 Km (Bana-Basso-Kali) et de l’est à l’ouest sur près de
120 Km (Néganzi-Gbèssakpérou).
Sur le plan administratif, la commune compte quarante quatre villages et six arrondissements (EL-HADJI MAMA Moussa, 2006). La densité moyenne est estimée à 28 habitants/km². Ce qui explique la disponibilité des terres cultivables pour différentes spéculations dont principalement le coton.
54
Les contraintes de la coton culture dans la commune de Kabale
Figure 1 : Carte administrative de la commune de Kalalé
Sur le plan climatique, la commune de Kalalé est sous l’influence d’un climat de type
soudano-sahélien caractérisé par deux saisons dans l’année: une saison pluvieuse
d’avril à octobre et une saison sèche de novembre à mars. Le bilan climatique (figure
2) indique trois mois (juillet-août-septembre) franchement humide. Au cours de cette
période, le coton trouve la ressource hydrique nécessaire dont il a besoin pour sa
croissance. La moyenne pluviométrique mensuelle indique 1.103,3 mm en 66 jours
au cours de l’année 2002-2003 (CeRPA-Borgou, 2003).
Figure 2 : Bilan climatique à Kalalé (2002-2003)
Source : ASECNA- Cotonou
55
EL-HADJI MAMA MOUSSA ET TOHOZIN YVES ANTOINE
Du point de vue pédologique, les sols de la commune de Kalale varient suivent leurs
caractéristiques physiques, chimiques et leur profondeur. On identifie deux types de sols.
- des sols ferralitiques d‘origine gneissique et faiblement désaltéré. Ils possèdent de
bonnes propriétés physiques mais d‘une richesse chimique réduite. Leur fertilité est
liée au taux élevé de matières organiques qui se minéralisent rapidement après destruction du couvert végétal.
- des sols ferrugineux tropicaux lessivés à concrétion qui occupent la majeure partie
de la commune. Il faut une longue période de jachère pour leur reconstitution. Et c‘est
la une première contrainte majeure à la coton culture surtout qu‘ils conviennent
beaucoup plus aux cultures annuelles comme le coton, le maïs et le sorgho. En effet,
l‘ensemble des sols de la commune sont d‘une fertilité moyenne et la superficie
agricole est estimée à 97.200 ha soit 24% de la superficie totale de la commune (ELHADJI MAMA Moussa, 2006). Sur le plan humain, la population de la commune de
Kalalé est estimée à 100.026 habitants dont 49.649 hommes et 50.377 femmes au
recensement général de la population et de l’habitat ( INSAE/RGPH, 2002). 78,42%
de la population de la commune est rurale et regorge d’une frange importante de
jeunes actifs, une main d’œuvre abondante potentiellement disponible et complétée
par l’immigration de certaines cultivateurs en provenance des communes limitrophes
(Ségbana, Nikki…) et des pays comme le Nigeria, le Burkina-Faso, le Niger et le Togo.
Afin de mieux défendre leurs intérêts, les producteurs se sont constitués en groupements appelés Groupement des Producteurs de Coton (GPC) au niveau des villages et
en Union Communale des Producteurs de Coton (UCPC) au niveau de la commune.
3.2. Politique agricole et fonctionnement des OP
La lettre de déclaration de politique de développement rural de juin 1991 revue et
actualisée au cours de l’année 2000 demeure la référence pour l’élaboration des
stratégies sous-sectorielles dans le domaine agricole. En ce qui concerne le soussecteur cotonnier, le Gouvernement a opté pour une filière privée intégrée au niveau
national qui s’est traduit par le transfert de compétences en matière de commercialisation primaire, de gestion des intrants aux OP, de distribution des intrants et de
l’égrenage du coton graine (CeRPA-BORGOU).
Dans la commune de Kalalé, la plupart des organisations agricoles ont vu le jour vers
les années 70 sous la dénomination de groupement villageois. Par le passé, ces
groupements sont de véritables associations au sein desquelles les paysans sont en
amont et en aval du système de production et de commercialisation. Chaque groupement
possède à sa tête un conseil d’administration chargé de veiller à l’organisation et au
bon fonctionnement des structures paysannes. C’est ainsi qu’à la fin de chaque campagne
agricole, les groupements villageois (GV) pouvaient percevoir ou non un montant
supplémentaire de la valeur marchande du coton graine réellement commercialisé.
Une plus-value qui vient sous forme de ristournes est versée directement dans le
compte de chaque GV devenu aujourd’hui (GPC) qui en assure la gestion suivant les
56
Les contraintes de la coton culture dans la commune de Kabale
textes en vigueur. Ces ristournes sont reparties comme suit :
70 % pour le financement des initiatives de développement socio-communau
taire dans les villages.
15 % pour le fonctionnement du conseil d’administration de l’Union communale,
10% pour le fonctionnement du conseil d’administration du groupement villageois,
5 % pour appuyer les groupements de femmes. (EL-HADJI MAMA, 2006).
Actuellement, non seulement les textes en vigueur ne sont plus respectés, mais aussi
et surtout la filière coton contribue à l’endettement des paysans. Elle ne permet pas
non plus aux paysans d’avoir des revenus annuels substantiels pour d’une part subvenir
convenablement à leurs besoins (acquisition de bien matériels, soins de santé etc...) et
d’autre part contribuer effectivement au développement local de la commune. Ceci,
en raison des contraintes qui sont de plusieurs ordres.
3.3. Les contraintes d’ordre organisationnel au niveau OP
Dans la commune de Kalalé, l’une des contraintes majeures à la coton culture est le
non respect des textes dont la conséquence est la mal gouvernance au sein des GV,
USPP, UDP et des opérateurs privés en charge de la gestion de la filière. En effet, il s’est
posé depuis 2000 un problème de transparence dans la commercialisation primaire
de coton avec le non-paiement des producteurs durant trois ans. Or, les GV qui organisent la commercialisation en amont devraient être payés en principe dans un délai
situé entre 21 et 34 jours. Mais, ce délai n’est toujours pas respecté et les producteurs
restent plusieurs mois sans être payés. C’est ainsi qu’il a été enregistré un déficit
commercial évalué à près de 14 milliards (MAEP, 2006) pendant trois années de campagne cotonnière (2002-2005). Selon les producteurs enquêtés, cette situation est
liée au non-respect des engagements par certains égreneurs (non-paiement des
acomptes) et à la création d’un circuit parallèle de commercialisation vers leNigeria en
raison du retard dans le lancement de la campagne de commercialisation et le bas
niveau du prix fixé par le gouvernement du Bénin au moment où le prix des intrants
agricoles augmente à chaque campagne. Ce dernier volet pousse les paysans à exporter leur coton vers le Nigeria où le prix est souvent plus intéressant et le produit est
payé cash.Un autre problème, selon les enquêtés concerne la manipulation des stocks
et le détournement des intrants par le GV avec pour corollaire, un déficit financier à
combler au fil des années par les GV. Aussi, l’absence des intrants spécifiques amènet-elle les paysans à utiliser les engrais coton pour les cultures vivrières notamment le
maïs ou à les revendre vers le Nigeria.Par ailleurs, la création anarchique des organisations avec les dernières réformes dans la filière coton en 2005 a entraîné la dispersions
des forces de production et la baisse sensible des plus-values et ristournes qui sont
jadis les premières sources de financement des initiatives de base.
Ce désordre est confirmé par les personnes interrogées qui ont affirmé qu’il existe
beaucoup de divergences et conflits internes au sein des producteurs de la commune
de Kalalé sur la question de la gestion de la « filière coton ». De même, 71% des
57
EL-HADJI MAMA MOUSSA ET TOHOZIN YVES ANTOINE
personnes enquêtées ont fustigé la mauvaise gestion sein des OP et les ressources
des organisations paysannes qui sont mal orientées et réparties dans le financement
des initiatives du développement local (EL-HADJI MAMA, 2006).
A toutes ces difficultés, s’ajoutent le faible niveau d’équipement en matériel agricole
qui ne permet pas aux producteurs de faire face aux contraintes de démarrage de la
campagne dès l’installation de la saison pluvieuse, le faible taux d’alphabétisation des
producteurs et leur faible capacité opérationnelle à gérer certaines fonctions qui leur
sont confiées.
A ces difficultés, s’ajoutent le contrôle de plus en plus difficile de certains ravageurs
résistants aux insecticides, la baisse de fertilité des sols (FAO, 2001), l’enclavement des
zones de production, l’état défectueux des pistes rurales qui occasionnent de graves
accidents des camions et un renchérissement des coûts de transport et l’insuffisance
des infrastructures d’encadrement (centre de formation) des producteurs et de
stockage des intrants et de produits (magasins).
3.4. Les contraintes naturelles de la coton-culture dans la
commune de Kalalé
Les difficultés naturelles sont relatives aux aléas climatiques (pluie précoce, rythme
pluviométrique après les semis), à la chute des capsules avec, soit la surabondance des
pluies et l’action des ravageurs et à la rareté des terres fertiles. Les aléas climatiques
demeurent des contraintes imprévisibles face auxquelles les producteurs sont impuissantes : selon les agents d‘encadrement du CeCPA-Kalalé, la poche de sécheresse
enregistrée en juin 2003 a entraîné un bouleversement du calendrier agricole (la date
des semis et les périodes de fumure) tandis que la pluviométrie exceptionnelle enregistrée en novembre 2003 a occasionné des dégâts considérables ayant engendré
des pertes de coton graine dans les champs par l’effet de mouille dans les champs où
le coton est arrivé à maturité. Aussi, la diversité des cultures et les méthodes utilisées
par les paysans entraînent-elles une dégradation du sol avec des risques d’érosion par
le biais du ruissellement des cours d’eau et des hauteurs pluviométriques. Parmi ces
méthodes figurent l’utilisation des engrais chimiques et la pratique culturale sur brûlis
qui favorise cette dégradation. L‘abattage des arbres qu’exige la culture du coton
conventionnel met à nu les sols cultivés en les exposant à l‘érosion pluviale (Adoun,
2006). Ce résultat est conforme à celui de (Boukari, 2008) qui indique que le niveau de
dégradation des ressources naturelles dû à la coton-culture est très élevé dans le
département de l‘Alibori en passant de 6,9 % en 1975 à 31,36% en 1990 et puis à
42,33% en 2006.
Dans la commune de Kalalé en particulier, le problème récurrent selon les producteurs est l’attaque du cotonnier par les insectes qui représentent la principale cause de
destruction des récoltes de coton. En effet, il existe plus de 1300 espèces d’insectes
pouvant attaquer le cotonnier. Et parmi les plus courants identifiés dans les champs de
coton de la commune de Kalalé, se retrouvent :
58
Les contraintes de la coton culture dans la commune de Kabale
) le ver rose du cotonnier (Pectinophora gossypiella) qui se nourrit des graines de la
plante depuis l’intérieur et peut avoir des conséquences importantes sur le rende
ment de la plantation ;
) la chenille épineuse du cotonnier (Earias insulana) et le ver rouge de la capsule du
cotonnier (Diparopsis castanea) qui se nourrissent des jeunes capsules ;
) les dysdercus (Dysdercus superstitious) qui s’attaquent aux jeunes capsules ainsi
qu’aux graines se trouvant à l’intérieur. Ils sont largement répandus et entraînent
une coloration des graines de coton. Les lésions créées par les dysdercus favorisent
l’implantation de champignons saprophytiques dans les capsules ;
) certaines populations d’insectes telles que les mouches blanches (Bemisia
gossypiella), par exemple, peuvent avoir un impact important tant sur le rendement
que sur la qualité de la récolte de coton,
) Le puceron du melon et du cotonnier (Aphis gossypii) colonise les jeunes plants de
cotonnier. Il est un des ravageurs les plus dangereux pour les plantations de coton.
En plus des effets néfastes de ces insectes ravageurs sur l’évolution de la production
du coton dans la commune de Kalalé, on note parfois dans les champs, la pourriture
des capsules du cotonnier, appelée aussi tâches anguleuses du cotonnier ou bactériose
du cotonnier (Xanthomones malvacearum). Toutes ces contraintes affectent la
production du coton dans la commune de Kalalé.
3.5. Evolution de la production annuelle du coton dans la
commune de Kalalé
Figure 3 : Evolution de la production du coton dans la commune de Kalalé (1994-2007)
Source : CeRPA-BORGOU
59
Les contraintes de la coton culture dans la commune de Kabale
L’analyse de la figue 3 montre que la production du coton a évolué en dents de scie
passant de 11.410 tonnes en 1994 à 22.934 tonnes en 1996 avant de chuter à 18.792
tonnes en 1997. Au cours de la même période, les superficies emblavées sont en
nette progression en passant de 8.777 ha en 1994 à 20.496 ha en 1997 (EL-HADJI
MAMA Moussa, 2006). Les raisons de cette faible production, selon les informations
recueillies auprès des acteurs interrogés sont, entre autres, les perturbations climatiques (retard et insuffisance de pluie), la faiblesse du niveau d‘encadrement des producteurs, le retard dans la mise en place et la distribution des intrants (engrais et
insecticides). A cela, il faut ajouter le manque de rigueur dans la gestion des
Groupements Villageois (GV) entraînant de sérieux problèmes de trésorerie des GV et
l’endettement des producteurs individuels. Une situation qui s’est aggravée au cours
de la campagne 1999 où la production a vertigineusement chuté jusqu‘à 11.115
tonnes pour un total 14.017 ha (CeRPA Borgou, 2006).
Au cours de la campagne agricole 1999-2000, on note une reprise de la production
qui est passée de 18.690 tonnes à 32.762 tonnes en 2005. Dans la même période, les
superficies sont, elles aussi, passées de 16.295 ha à 26,258 ha (CeRPA Borgou, 2006).
Une progression qui s’explique par le retour de confiance chez les paysans qui ont pu
entrer en possession de leur dû. De même, l’Etat a dû faire des reformes en optant
depuis 2000 pour une filière privée intégrée au niveau national. Un choix qui repose
sur les grands principes à savoir un prix plancher garanti pour l’achat du coton-graine,
un prix unique de cession par type d’intrant, l’obligation pour les producteurs de vendre
toute leur production de coton-graine aux égreneurs nationaux l’obligation pour les
égreneurs d’acheter toute la production cotonnière.Malgré cette reforme, la production
du coton a chuté dans la commune de Kalalé en passant de 32.762 tonnes en 2005 à
823 tonnes en 2006 (CeRPA Borgou, 2006).Une chute due surtout à la mauvaise
qualité des insecticides et l’insuffisance remarquée des insecticides notamment
l’Endosulfan et le Binaire acaricide, entrainant du coup la non maîtrise des chenilles
coprophages du cotonnier notamment Helicoverpa armigera. (CeRPA-Kalalé, 2006).
Sur le plan institutionnel, les enquêtes de terrain ont montré que :
9
les services de vulgarisation agricole sont très fragiles (manque de personnel,
de motivation et de moyens de transport) ;
9
la capacité de négociation et de plaidoyer des organisations des producteurs
au niveau national vis-à-vis du gouvernement et du secteur privé est faible ;
9
la gestion des organisations de producteurs (mauvais mécanismes internes de
contrôle) est défaillante ;
9
le niveau d’implication des producteurs dans la prise de décisions sur la re
cherche de solution est faible ;
9
le non-respect des mécanismes définis de commun accord avec l’Association
interprofessionnelle du Coton (AIC) est fréquent.
60
EL-HADJI MAMA MOUSSA ET TOHOZIN YVES ANTOINE
4- Analyse des résultats à l’aide du modèle PEIR
61
EL-HADJI MAMA MOUSSA ET TOHOZIN YVES ANTOINE
5-Conclusion et suggestions
Au terme de la présente étude, plusieurs contraintes se dressent sur le chemin de la
coton-culture dans la commune de Kalalé avec comme corollaire la mal gouvernance
des OP, une baisse de la production et l’endettement des paysans. En plus des contraintes climatiques, on peut déplorer la baisse de la fertilité des terres qui se matérialise par un net recul du système des associations de cultures au profit du système de
culture pure de coton.
Face à cette situation, on pourrait suggérer des réformes visant à créer des coopératives autonomes au niveau des villages pour assainir et maîtriser la gestion des intrants
et la gouvernance au niveau des élus dans un climat de confiance et de saine émulation. La mise en œuvre d’une stratégie opérationnelle de protection de l’environnement en adéquation avec les progrès techniques et les changements climatiques, le
renforcement de l’efficacité des actions tout en sécurisant les investissements des
différents partenaires en vue d’un développement durable de la filière coton et le
renforcement du personnel d’encadrement pour un suivi rapproché des coton-culteurs
doivent être une priorité pour la relance de la filière coton à travers la fourniture des
intrants (semences, engrais, pesticides et appareils de traitement) en temps réel. Par
ailleurs, une mobilisation des ressources pour le financement des actions définies
dans le Plan stratégique pour le développement de la filière coton par la mise en place
des infrastructures rurales (pistes rurales, magasins, silos de stockage, centres de formation, etc.) s’impose. Il en est de même de la poursuite des mesures de réduction
des coûts de production pour les maintenir à des niveaux compatibles avec l’évolution
des cours du coton à travers l’amélioration de la productivité, de la qualité de la fibre,
la recherche d’innovation technique visant à améliorer la rentabilité et la compétitivité de la filière. L’augmentation du niveau de transformation du coton par les usines
d’égrenage installées au Bénin apportera une valeur ajoutée conséquente à la culture
du coton et améliorera certainement les rapports entre les différents acteurs de la
filière que sont les producteurs, les organisations paysannes, les transporteurs et les
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PNUD, 2008 : Rapport sur le développement humain au Bénin, 221 pages.
63
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Cultures et Technologies Géographie : P. 64 - 71, 2009
La Politique Nationale d’Information
Géographique du Mali
Mahamadou Sékou KEITA
Centre Régional de Formation aux Techniques des Levés Aérospatiaux (RECTAS) –
Off Road 1, OAU Campus P.M.B. 5545, Ile-Ife, Nigeria
[email protected], [email protected], [email protected]
Résumé:
Au vu des besoins de plus en plus croissants en informations géographiques pour les
divers projets et programmes de développement au sein de différent départements
ministériels ainsi que l’insuffisance des cadres de concertation existants au Mali, la
création de cadres appropriés pour conduire l’Infrastructure Nationale des Données
Spatiales est devenue une nécessité. La création du Comité Interministériel d’Information Géographique (CIIG) et du Comité National d’Information Géographique (CNIG)
a permis d’entreprendre l’établissement de la Politique Nationale d’information Géographique au Mali. La préparation du document consensuel de Politique Nationale
d’Information Géographique au Mali a impliqué divers partenaires comprenant les
structures techniques, les institutions académiques et de recherche, les organisations
internationales et bien d’autres personnes ressources. Le document a été élaboré en
synergie au sein de quatre groupes de travail (Géoinformation, Harmonisation des
codes géographiques, Harmonisation des métadonnées et Politique d’Information
Géographique) à travers des réunions et ateliers techniques.
Mots clés: Information Géographique, Politique, Mali
1. INTRODUCTION - BACKGROUND
L’importance de l’information géographique a été perçue depuis très longtemps au
Mali. Ceci a été démontré par l’existence d’un certain nombre de cadres de concertation à savoir :
- Le Comité National de Cartographie et de Topographie (CNCT) créé par le décret
N°90-414/P-RM du 18 octobre 1990
- La Commission Nationale de Toponymie (CNT), placée sous l’autorité du Ministre
chargé de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales. Elle n’avait pas été
régie par un texte réglémentaire.
- Le Comité de Coordination Statistique (CCS), créé par le décret N°91-145/P-CTSP du
29 juin 1991 et placé sous l’autorité du Ministre chargé de la Statistique et de l’Infor64
La Politique Nationale d’Information Géographique du Mali
matique. Il avait pour mission d’assurer la coordination et la concertation entre les
producteurs et les utilisateurs de données statistiques.
- Le Groupe Informel des utilisateurs de Système d’Information Géographique (SIG),
créé en février 1996 sur l’initiative de l’USAID en réaction aux multiples demandes
d’informations géographiques formulées par les départements, les représentants résidents et les Chefs de services
Ces cadres de concertation existants n’ayant pas fonctionné à hauteur de souhait, eu
égard à certaines difficultés (manque de moyens techniques et financiers, absence de
politique nationale cohérente, etc.), un cadre plus approprié a été proposé et adopté.
Il s’agit du Conseil Interministériel d’Information Géographique (CIIG) et du Comité
National d’Information Géographique (CNIG), créés par le décret N°02-565/P-RM du
16 décembre 2002.
2. CREATION DU CIIG ET DU CNIG
Le Conseil Interministériel d’Information Géographique (CIIG) et le Comité National
d’Information Géographique (CNIG) ont été créés pour gérer les difficultés liées à la
non satisfaction des attentes des précédents cadres de concertation.
2.1 Contexte :
Les évaluations faites sur la base de l’existant ont permis de faire les constats suivants :
-
-
demande de plus en plus croissante et importante d’informations de qualité
dans la communauté humanitaire et de développement (gouvernement et
agences de développement en général) ;
absence d’une base commune à partir de laquelle opérer, l’analyse des données
dans le pays aboutissant à des chiffres extrêmement divergents ;
faiblesse générale dans la qualité de la gestion des données et informations ;
problèmes liés à l’intégration des différents systèmes de gestion de l’information
existants dans le pays (SISS, SISED, OISE, SIFA, SIGMA, SAP, OMA, SNIE, etc.).
C’est dans ce contexte que, en vue d’améliorer l’échange d’expériences, de développer
un esprit de partenariat, d’éviter des duplications et de prendre en compte les préoccupations de tous les acteurs, un cadre de concertation plus large et plus adapté aux
méthodes modernes de gestion de l’information géographique a été créé. Il s’agit du
CIIG créé auprès du Premier Ministre et du CNIG créé auprès du Ministre chargé de la
Cartographie et de la Topographie.
Conformément aux recommandations de la Politique Nationale de Cartographie et de
la Topographie adoptée en septembre 1998, l’Institut Géographique du Mali a la charge
d’assurer la coordination des activités du CNIG.
65
MAHAMADOU SÉKOU KEITA
2.2 Missions :
Le CIIG a pour mission de définir les différentes orientations et de suivre la mise en
œuvre de la Politique Nationale en matière d’Information Géographique. A ce titre, il
est chargé de :
-
-
-
-
promouvoir et faciliter l’établissement et la mise à jour de l’information géogra
phique ainsi que sa meilleure exploitation ;
définir les données géographiques indispensables à la mise en œuvre des
programmes et des projets prioritaires de l’Etat dont l’acquisition et la mise à
jour revêtent un caractère officiel ;
garantir la protection des données personnelles et la propriété intellectuelle
de même que la sécurité des données lors de l’acquisition, de la gestion, du
traitement, de la diffusion et de l’utilisation de l’information géographique ;
définir une politique de diffusion et de tarification commune et transparente
pour l’information géographique et les produits qui en découlent ;
définir les mesures à prendre pour le renforcement des capacités et la forma
tion dans les domaines du traitement et de l’interprétation de l’information
géographique au niveau des hautes écoles, afin d’assurer une relève de haut
niveau, tant pour l’administration publique que pour l’économie ;
statuer sur les propositions du Comité National d’Information Géographique.
Le CNIG a pour mission d’apporter des éléments de réponses à toutes les questions
relatives à l’information géographique. A ce titre, il est chargé de :
-
donner des avis sur les données concourant à l’information géographique ;
mettre en œuvre les décisions prises par le Conseil Interministériel ;
préparer les réunions du Conseil ;
assurer la médiation entre les acteurs de l’information géographique ;
créer les conditions et les moyens tendant à faciliter l’exécution de toutes les
tâches relatives à l’établissement et l’utilisation de l’information géographique ;
proposer les normes nécessaires pour uniformiser et faciliter l’échange des
informations géographiques et les produits qui en découlent.
2.3 Objectifs :
Le CNIG soumettra un document de Politique Nationale d’Information Géographique
au CIIG pour sa validation et sa mise en œuvre.
D’une façon globale, la Politique Nationale d’Information Géographique vise à faire
face aux difficultés liées à l’extraction de l’information géographique, à son archivage
et à sa mise à jour pour une diffusion efficace.
De façon spécifique, cette politique permet ;
-
de convaincre les décideurs sur la nécessité de l’utilisation de ces outils pour la
planification et la gestion ;
de sensibiliser les acteurs sur la nécessité
d’une intégration parfaite des métho
66
La Politique Nationale d’Information Géographique du Mali
-
des et concepts pour une meilleure prise de décision ;
de proposer un mécanisme de création d’un cadre harmonisé de collecte, de
traitement et d’échange de données répondant aux besoins de tous les acteurs.
2.4 Résultats attendus :
Le document de Politique Nationale attendu intègre, en plus du cadre organisationnel, législatif et réglementaire, les principales composantes suivantes :
Données cartographiques de base,
Nomenclature nationale,
Protocole de codification,
Standard national de métadonnées,
Format du répertoire national de données.
2.5 Partenaires :
Le CIIG est présidé par le Premier Ministre et composé de tous les départements
ministériels impliqués dans la production et l’utilisation de l’information géographique ;
Le CNIG est présidé par le Ministre chargé de la Cartographie et de la Topographie et
est composé des différentes directions et autres organisations impliquées dans la
production et l’utilisation de l’information géographique.L’Institut Géographique du
Mali (IGM) a la responsabilité d’assurer le Secrétariat du CNIG et la coordination de
toutes les activités.
3. PRINCIPALES ACTIVITES DU CNIG
Avec la coordination de l’Institut Géographique du Mali et la participation active des
autres structures et personnes ressources, différentes activités ont pu être entreprises
dans le cadre de l’élaboration de la Politique Nationale d’Information Géographique.
3.1 Réunion d’information :
Le démarrage des activités du CNIG a été marqué par la réunion d’information des
structures partenaires. Lors de cette réunion, il a été recommandé aux Directeurs des
structures de désigner des points focaux pour participer aux activités du CNIG.
3.2 Atelier technique de démarrage :
Le premier atelier technique du CNIG a eu lieu le 09 février 2005 dans les locaux de
l’Institut Géographique du Mali. Lors de cet atelier, les points focaux des différentes
structures partenaires ont été repartis entre quatre commissions de travail, chaque
groupe ayant ses termes de référence.
Les quatre groupes de travail constitués sont :
1234-
Géoinformation – Informations cartographiques de base ;
Harmonisation des codes géographiques ;
Harmonisation des métadonnées ;
Politique d’Information Géographique.
67
MAHAMADOU SÉKOU KEITA
Conformément aux termes de référence définis, chaque groupe a formulé un
plan d’action assorti d’un chronogramme et un budget prévisionnel.
3.3 Atelier de dynamisation des activités :
Le deuxième atelier technique du CNIG a eu lieu le 14 juillet 2005 dans les locaux de
l’Institut Géographique du Mali. Lors de cet atelier, émaillé par une série de présentations,
les groupes de travail ont eu à revoir et actualiser les programmes préalablement
élaborés. Les chronogrammes afférents ont prévu une série de rencontres en
encourageant le développement de synergies entre les différents groupes. Outre les
réunions de groupes de travail, il a été retenu que chaque groupe organise en son
sein, deux ateliers restreints pour présenter les résultats à un atelier de restitution en
décembre 2005.
3.4 Travaux de groupe et Ateliers restreints :
Les groupes ont eu à travailler indépendamment lors de réunions, de séances de
travail et d’ateliers de validation de rapports.
L’organisation des ateliers et séances de travail a été possible grâce à un appui financier du Programme Alimentaire Mondial.
3.5 Résultats des travaux :
GROUPE 1- Géoinformation
Les résultats des travaux du Groupe 1, permettant de définir de façon précise le cadre
de réalisation de l’Infrastructure des Données Spatiales du Mali, sont constitués
essentiellement par :
l’inventaire des données cartographiques disponibles à différentes échelles ;
l’inventaire des données thématiques disponibles ;
le document consensuel de nomenclature ;
la définition d’une stratégie de mise à jour des données.
La valorisation de l’information géographique invite également à un large consensus
autour du concept de constitution de bases de données prenant en compte les besoins de tous les acteurs.
GROUPE 2- Harmonisation des codes géographiques
Le Groupe 2 avait pour mandat spécifique de faire le point sur les problèmes relatifs
aux codes géographiques et de proposer un système de codification unique et
68
La Politique Nationale d’Information Géographique du Mali
consensuel pour toute la communauté de producteurs et d’utilisateurs d’information
géographique au Mali.
Après examen des systèmes en vigueur dont il a pris connaissance et les conséquences
de leur implication dans les activités des services techniques, le groupe a pris des
orientations qu’il pense plus économiques pour les opérations de collecte tout en
satisfaisant le plus grand nombre d’utilisateurs.
A cette phase du travail, seules les entités administratives ont été concernées par la
codification. Le système de classification utilisée par la DNSI a été retenu afin de na pas
bouleverser les bases déjà construites. Une méthodologie a été conçue pour la
codification des villages/fractions et hameaux/campements.
Le système retenu a l’avantage d’être compatible avec les caractéristiques des bases
de données de la sous région ainsi que celles des institutions internationales.
GROUPE 3- Harmonisation des métadonnées
Le Groupe 3, suite à une analyse approfondie des normes existantes et tenant compte
des réalités nationales, a proposé un format de norme portant sur :
-
les données géographiques/cartographiques;
les bases de données ;
les documents textes ;
les images.
GROUPE 4- Politique d’Information géographique
Le Groupe chargé de l’élaboration du document de Politique d’Information Géographique a défini l’architecture du document de politique, prenant en compte :
les composantes relatives à la géoinformation, aux codes géographiques et
aux métadonnées ;
le cadre législatif et réglementaire ;
l’accès aux données et la sécurité des données ;
les aspects relatifs aux financements ;
les aspects commerciaux ;
le renforcement des capacités ;
les politiques sectorielles, les traités, protocoles et accords internationaux ;
la mise en œuvre de la politique.
3.6 Travaux de compilation
Cette phase du travail comprend la synthèse et la compilation de tous les rapports
produits par les groupes de travail ainsi que les informations complémentaires fournies
par les personnes ressources contactes à cet effet. Cet travail a été effectué par le
69
MAHAMADOU SÉKOU KEITA
Coordinateur et une personne ressource du Programme Alimentaire Mondial.
Après l’intégration de tous les éléments, le document consensuel de Politique Nationale
d’Information Géographique a été soumis pour sa validation en décembre 2006.
4. CONCLUSION ET PERSPECTIVES
L’adhésion des autorités a l’idée de création d’un cadre de consultation approprié a été
un bon point de départ de l’ensemble de l’exercice. Il a été complété par l’engagement de tous les partenaires identifies, qui ont bien accepté de participer et contribuer activement aux différents réunions, séances de travail et ateliers.Le document
final, «Politique Nationale d’Information Géographique du Mali» est un produit consensuel de l’ensemble des partenaires et personnes ressources. Il donne un aperçu de
ce qui a été fait et de ce qui reste à faire en terme de développement d’Infrastructure
de Données Spatiales au Mali. Le document de politique et le plan d’action ont été
soumis la Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique (UN-ECA) pour
recherche de financement de la mise en oeuvre. Il sera également soumis à d’autres
organisations au niveaux national et international, pour accélérer le processus de mise
en œuvre.
REMERCIEMENTS
Je voudrais présenter mes sincères remerciements au Directeur Général de l’Institut
Géographique du Mali, Monsieur Issa COULIBALY, pour son appui financiers et matériels.
Je remercie également le Bureau du Programme Alimentaire Mondial (PAM) pour le
soutien financier qui a permis le bon déroulement des réunions techniques et ateliers.
Je remercie Dr. Moise BALLO du PAM pour sa collaboration.
Je remercie finalement les personnes ressources des différents départements et organismes pour leurs efforts et contributions.
Que les uns et les autres trouvent ici l’expression de ma profonde gratitude.
REFERENCES
Rajabifard, A., Feeney, M.E.F. and Williamson, I.P. (2002).Future Directions for SDI
Development. International Journal of Applied Earth Observation and Geoinformation, 4, 11-22.
70
La Politique Nationale d’Information Géographique du Mali
South Africa (2002). Policy on the Pricing for and Copyright of Spatial Information
products and services, CSI Draft 2
Présidence de la République du Mali (2002). - Décret N°02-565/P-RM du 16 Décembre 2002 portant création du Conseil Interministériel d’Information Géographique
(CIIG) et du Comité National d’Information Géographique (CNIG).
South Africa (13 May 2003). Spatial Information Infrastructure Bill,
Ian P. Williamsonand Abbas Rajabifard, The University of Melbourne (July 2003). Capacity
Building for SDIs (UNRCCAP) Namibia (July 2003) . Namibia’s Spatial Data Infrastructure – Draft Spatial Data Sharing
Policy.
Nigeria (2003) - National Geoinformation Policy of Nigeria.
South Africa (2004) - Draft Custodianship Policy of South Africa, CSI Policy Sub
Committee.
71
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Cultures et Technologies Géographie : P. 72 - 88, 2009
Pression foncière et disponibilité en vivriers
des ménages agricoles dans la Commune
d’Abomey-Calavi
S. Alban Gilles KAKAI*, Antoine Yves TOHOZIN
** et Roch Lambert MONGBO
***Courriels : [email protected], [email protected], [email protected]
* Carrefour Africain de Recherche et d’Echanges pour le Développement (CAREDE)
et FLASH/Université d’Abomey-Calavi
** Département de Géographie et Aménagement du Territoire, FLASH/Université
d’Abomey-Calavi
*** Département d’Économie, de Sociologie-Anthropologie et de Communication,
FSA/Université d’Abomey-Calavi
Résumé
L’augmentation rapide de la population de la ville de Cotonou a provoqué une forte
demande en terres destinées à terme à la construction de logements pour accueillir
les immigrants de plus en plus nombreux en provenance de la mégapole du Bénin.
Le présent travail met en exergue les manifestations de la pression foncière sur l’agriculture et ses incidences sur la disponibilité en vivriers des ménages agricoles dans la
commune d’Abomey-Calavi. La méthode a utilisé un modèle d’analyse de la pression
foncière sur l’agriculture et les données qualitatives et quantitatives des outils de
collecte (questionnaire standardisé et des guides d’entretien).
Cette méthode a permis de démontrer que dans la commune d’Abomey-Calavi qui
est la seule au Bénin à enregistrer le doublement de l’effectif de sa population entre
1992 et 2002, l’extension des surfaces occupées par les agglomérations au détriment
de celles des terres consacrées aux cultures, l’achat, puis le gel des terres agricoles par
des citadins nantis, des pêcheurs ou des travailleurs au revenu modeste auprès des
familles autochtones, la transformation des terres de culture en carrière d’exploitation
de sable pour les BTP et la suppression de la jachère ont provoqué la baisse de la
production vivrière et font peser de graves menaces sur la sécurité alimentaire des
ménages agricoles. Les disponibilités des ménages agricoles en produits vivriers issus
de leurs champs, notamment le maïs couvrent une durée de plus en plus courte.
Mots-clés : pression foncière, urbanisation, agriculture, sécurité alimentaire.
72
Pression foncière et disponibilité en vivriers des ménages agricoles dans la commune d’Abomey-Calavi
Abstract
The rapid increase of population the city of Cotonou has caused high demand for land
to stop the construction of housing for immigrants more and more from the megalopolis
of Benin. This research studies land pressure on agriculture and its impact on household
food availability in the agricultural town of Abomey-Calavi.
The method used an analytical model of land pressure on agriculture and qualitative
and quantitative data collection tools (standardized questionnaire and interview guides).
The results demonstrated that in the town of Abomey-Calavi which is the only record
in Benin doubling the size of its population between 1992 and 2002, increases in area
occupied by the settlements at the expense of land under cultivation, purchase, and
then freeze farm land by wealthy urbanites or fishermen or workers on modest incomes
with Aboriginal families, the conversion of cropland to career sands for construction
and the removal of fallow have caused the decline in food production and posing
serious threats to food security of farm households. The availability of agricultural
households in food products from their fields, including maize cover a period of
increasingly short.
Keywords: Land pressure, urbanization, agriculture, food security
1. Justification
La croissance démographique est l’un des défis majeurs du monde contemporain.
Selon Olanezwaju et al, (2004), « la production de nourriture devra doubler, et celle
des déchets et effluents sera multipliée par quatre dans les villes. […]. Ces tendances
et leur impact potentiel, tout comme le défi que pose la gestion de cet impact seront
particulièrement prononcés dans les régions en voie d’urbanisation rapide, comme
l’Afrique subsaharienne ». De ce fait, les risques éventuels d’une précarité de l’agriculture dans le contexte d’urbanisation du Bénin sont imminents eu égard à l’évolution
du taux d’urbanisation qui est de 26,5% en 1979 ; 36% en 1992 et 38,85% en 2002
(INSAE, 2002). La commune d’Abomey-Calavi a retenu notre attention car, parmi les
anciennes communes de 100 000 habitants ou plus en 1992, elle est la seule dont
l’effectif de la population a doublé en 2002.
Située entre 06°1823622 et 06°4122422 de latitude nord et 02°122, 02°1821222 de
longitude est, la commune d’Abomey-Calavi est limitée au nord par la commune de
Zê, au sud par l’Océan Atlantique, à l’est par les communes de Cotonou et de Sô-Ava
et à l’ouest par celles de Ouidah et de Tori-Bossito (cf. figure n°1).Avec une superficie
de 650 km² soit 0,48% de la superficie du Bénin, la commune d’Abomey-Calavi se
situe sur le plateau d’Abomey-Calavi, une partie du plateau d’Allada. Elle compte 09
arrondissements : Abomey-Calavi, Akassato, Godomey, Glo-Djigbé, Hêvié, Kpanroun,
Ouèdo, Togba, et Zinvié (MISD, 2001).
73
S. Alban Gilles KAKAI*, Antoine Yves TOHOZIN * et Roch Lambert MONGBO
74
Pression foncière et disponibilité en vivriers des ménages agricoles dans la commune d’Abomey-Calavi
La commune d’Abomey-Calavi regroupait 75% de la population urbaine du
département de l’Atlantique (INSAE, 2002). La pression foncière s’avère inquiétante
d’après les sources officielles (INSAE, 2002) qui a projeté un nouveau doublement de
la population pour 2009 si le rythme d’accroissement intercensitaire de 9,43% (INSAE,
2002) est maintenu. Dans ces conditions, la demande en terres destinées à la
construction de logements pour abriter les habitants de plus en plus nombreux est de
plus en plus forte. Les citadins fortunés ont alors acquis des domaines préalablement
consacrés aux cultures auprès de particuliers et des familles autochtones propriétaires
terriennes. Aussi, constate-t-on le développement du foncier bâti au détriment de
l’espace agricole. Certains acquéreurs gèlent des terres dans l’espoir de les revendre
beaucoup plus cher plus tard Les campagnes de la commune connaissent alors une
occupation plus ou moins soutenue, ce qui éventuellement induit une transformation
profonde de la structure agraire. Ce qui amène Elègbe (1989) à écrire que « la spécificité de l’espace urbain africain réside dans une croissance spatiale et démographique
impressionnante des villes avec son cortège de logements ». Mais, « la question ne se
pose pas en termes de refus des centres urbains, vu leur rôle central dans la promotion
de la demande des produits agricoles et l’acheminement des intrants nécessaires à
l’agriculture » (Gapyisi, 1989) mais plutôt en termes de maîtrise de l’occupation humaine croissante. Car « la terre est devenue un facteur de production au même titre
que les engrais ou la main-d’œuvre, ceci conduisant au changement du mode d’accès
au foncier autrefois lignagère mais aujourd’hui fortement marchand » (Tricaud, 1996).
Les opérations de lotissement en cours dans la commune risqueraient aussi de porter
atteinte à la production agricole actuelle si l’on convient que le lotissement est à
l’origine de la réduction de l’espace agricole et du gel des terres observables dans bon
nombre de communes du Bénin telles que Parakou, Abomey et Bohicon. Il paraît alors
évident que les ménages agricoles sont confrontés à un problème de couverture des
besoins vivriers car ils ne disposent plus d’une grande propriété foncière ou bien ils
sont obligés de travailler en faire-valoir indirect avec tous ces caractéristiques
notamment le retrait sans date de l’exploitation de la terre, le don obligatoire d’une
part de la production agricole, etc.
On peut alors se poser les questions suivantes : Comment la dynamique urbaine
influence-t-elle l’espace agricole ? Quels sont les impacts de cette pression foncière
sur la disponibilité en vivriers des ménages agricoles ?
2. Méthodologie
La méthodologie suit les axes ci-après : le schéma conceptuel d’analyse de la pression
foncière sur l’agriculture, la collecte et le traitement des données.
2.1. Schéma conceptuel d’analyse de la pression foncière sur
l’agriculture et disponibilité en vivriers
Le schéma conceptuel (figure n°2) permet de cerner les centres d’intérêt et la portée
de la pression foncière sur l’agriculture.
75
S. Alban Gilles KAKAI*, Antoine Yves TOHOZIN * et Roch Lambert MONGBO
Figure n°2 : Schéma conceptuel de la pression foncière sur l’agriculture
Source : Kakaï (2008)
La croissance démographique, le lotissement et les infrastructures concourent à
l’urbanisation des terres. Il s’en suit un renchérissement de la valeur foncière. Cette
situation met en concurrence la rentabilité des exploitations agricoles et la valeur
pécuniaire du foncier. Par ailleurs, les modes d’accès (achat, héritage, etc.) et la baisse
de la fertilité des terres contribuent à l’animation du marché foncier tandis que la
puissance publique par les expropriations foncières et la législation foncière constituent des facteurs d’insécurité foncière. Il en résulte la réduction significative des
superficies emblavées d’où une réelle pression foncière sur l’agriculture. Cette pression
foncière induit de profondes mutations dans l’organisation des finages (prolongement
de la durée sous culture, réduction voire suppression de la jachère, ‘’naissance’’ des
problèmes de régénérescence des sols, etc.), met sans doute en péril la sécurité
alimentaire des ménages agricoles et favorise leur reconversion dans les métiers urbains
et le tout dans un contexte de bien-être social et économique inquiétant.
76
Pression foncière et disponibilité en vivriers des ménages agricoles dans la commune d’Abomey-Calavi
2.2. La collecte et le traitement des données
Les données sont à la fois documentaires et empiriques. Sur la base des cartes
d’occupation du sol de 1982 et de 2005 et des données de l’image Landsat TM 2007 de
la commune d’Abomey-Calavi, nous avons retenus deux arrondissements pour les
enquêtes de terrain : Akassato (dans la zone de régression des surfaces agricoles) et
Zinvié (dans la zone de stabilité relative et considéré de ce fait, comme un site
témoin). Dans chaque arrondissement, deux villages ont été retenus. Il s’agit de
Akassato-centre et Adjagbo (Akassato-centre est le principal pôle de concentration
humaine alors que Adjagbo est sa périphérie immédiate) dans l’arrondissement
d’Akassato ; et de Zinvié-centre et Sato (Zinvié-centre est le premier pôle de concentration
humaine de l’arrondissement tandis que Sato est sa périphérie rurale) dans
l’arrondissement de Zinvié Le tableau n°1 présente les outils de collecte des données
en fonction des groupes cibles.
Tableau n°1 : Outils de collecte de données et groupes cibles
Source : Kakaï (2008)
Pour l’enquête quantitative avec pour unité statistique le ménage agricole, la formule
statistique Ni = N x Z² x P x (1-P) / [(Z² x P x (1-P)] + (N x E²) avec Ni la taille de
l’échantillon, N le nombre total de ménages agricoles, Z le niveau de confiance (ici
95%), P la proportion type estimé (ici 20%), nous a permis de déterminer la taille de
l’échantillon (120 ménages soit un taux de sondage de 14,39% et avec un tirage
aléatoire de pas 14 à partir des listes de Groupements Villageois).
2.3 Traitement des données
Nous avons fait trois (03) types de traitement :
- Le traitement des données quantitatives a été fait grâce à deux logiciels de gestion
77
S. Alban Gilles KAKAI*, Antoine Yves TOHOZIN * et Roch Lambert MONGBO
de base de données : après la saisie informatique des données dans Epi Info (version
6.04 dfr) et leur exportation dans SPSS (versions 10.1 et 13.0 for windows) et Excel
2007, des analyses univariées, bivariées des tests statistiques et des représentations
graphiques ont été faits. La validité de l’information suppose deux conditions au seuil
de 95% : on postule pour l’hypothèse nulle (ho) : ho=h1, si p-value (effectif calculé)
>5% (effectif théorique) et on conclut qu’il n’y a pas de différence significative ; et
l’hypothèse non nulle h1 : ho‘«h1, si p-value <5% et on conclut qu’il y a une différence
significative ;
- Le traitement des données qualitatives a été fait suivant un modèle de transcription
et de triangulation des discours recueillis lors des entretiens ;
- Le traitement des photographies a été fait à l’aide du logiciel Adobe PhotoShop 7.0.
3. RÉSULTATS
3.1. Facteurs de pression foncière
3.1.1. Croissance démographique
Les données démographiques de l’INSAE (1979, 1992 et 2002) relatives à la commune
d’Abomey-Calavi montrent une évolution galopante de l’effectif de la population. De
70 155 habitants en 1979, cette population passa à 126 507 habitants en 1992 et à 307
745 habitants en 2002. Ces statistiques montrent que l’effectif de la population a plus
que doublé entre 1992 et 2002 (143,26% d’augmentation) contre 80,32% entre 1979
et 1992. On note aussi une forte croissance de la population urbaine par rapport à la
population rurale. En effet, l’effectif de la population urbaine qui constituait 14,25%
(soit 9.997 habitants).de la population totale en 1979 et 16,82% (soit 21.278 habitants)
en 1992 est passé à 65% (soit 200.034 habitants).en 2002.
Figure n°4 : Evolution des populations urbaine et
rurale de la commune d’Abomey-Calavi entre 1979 et
2002
Source des données : INSAE, 2002
Figure n°3 : Evolution de la population de la
commune d’Abomey-Calavi entre 1979 et 2002
Source des données : INSAE, 2002
78
Pression foncière et disponibilité en vivriers des ménages agricoles dans la commune d’Abomey-Calavi
A l’échelle communale, les indicateurs (densité de population et indicateur de pression
urbaine), les cartes d’occupation du sol (de 1982 et de 2002) et les données collectées
permettent de mieux analyser la pression foncière. La densité de population
nous renseigne sur la dynamique de l’occupation humaine. De 130 habitants/km²
en 1979, la densité de population est passée à 235 habitants/km² en 1992 et à 571
habitants/km² en 2002. Cette augmentation rapide du nombre d’habitants au kilomètre
carré montre la pression sur les ressources notamment le foncier agricole dans les
centres urbains et les zones péri-urbaines eu égard à l’évolution de la pression urbaine
entre 1979 et 2002. La pression urbaine résulte de deux composantes la densification
humaine issue du croît démographique et l’extension spatiale du foncier bâti qui résulte
de l’apport supplémentaire de population issu des migrations des zones
antérieurement rurales qui changent de statut pour devenir urbains. C’est notamment
ce phénomène d’extension qui est la cause principale de la périurbanisation.
Tableau n°2 : Indicateur de pression urbaine
Source : Kakaï (2008)
Au niveau communal, de 17 habitants/km² en 1979, l’indicateur de pression urbaine
est passé à 40 habitants/km² en 1992 et à 403 habitants/km² en 2002. Au niveau
arrondissement, cet indicateur est passé de respectivement de 89,45 ; 208,23 et
620,84 habitants/km² en 1979, 1992 et 2002 pour Abomey-Calavi. Par contre Godomey
enregistre en 2002, un boom de 2054,18 habitants/km². Dans ces arrondissements, la
périurbanisation a provoqué le développement de quartiers précaires qui ont été
pour la plupart inscrits dans le projet de lotissement de la commune. A cet effet, 5135
ha de terres ont été loties dans quatre arrondissements (Abomey-Calavi, Akassato,
Godomey et Togba) entre 1987 et 2001.
L’analyse diachronique de l’occupation du sol à l’échelle de la commune montre des
changements notables dans les formes d’occupation du sol entre 1982 et de 2005
(voir figures 5 et 6). En 1982, on notait une concentration humaine dans les arrondissements d’Abomey-Calavi et de Godomey avec un habitat groupé. Par contre, dans
les autres arrondissements, l’habitat est plus ou moins dispersé. Les mosaïques de
79
S. Alban Gilles KAKAI*, Antoine Yves TOHOZIN * et Roch Lambert MONGBO
cultures et de jachères occupaient la majeure partie de la surface de la commune et
représentaient un important potentiel foncier agricole. On note aussi quatre périmètres
de plantations. En 2005, on remarque l’importance de la surface agglomérée surtout
dans les arrondissements d’Abomey-Calavi et de Godomey. Ce qui entraîne une
réduction du potentiel foncier agricole. Les zones potentielles de cultures se situent à
l’ouest et au nord. Ainsi donc, Adjagbo et Akassato-centre se situaient dans des zones
de mosaïques de cultures à dominance habitations tandis que Zinvié-centre et Sato se
retrouvaient dans des zones de mosaïques de cultures. L’analyse des deux états a
montré une dynamique des surfaces avec une emprise de l’habitat au détriment de
l’agriculture dans certaines localités. Toutes les unités d’occupation ont connu une
réduction de leur surface à l’exception des surfaces agglomérées (augmentation de
2,81%) et des plantations (augmentation de 4,35%). L’extension de l’espace habité a
provoqué une forte régression des surfaces agricoles au sud, au centre et à l’est de la
commune, témoin de la pression foncière qui s’exerce sur l’espace agricole.
Par contre, au nord et à l’ouest, on note une relative stabilité (la mosaïque de cultures
n’a pas connu d’importantes mutations comparativement au sud, à l’est et au centre).
Au nord, l’espace agricole semble bénéficier du statut rural des communes telles que
Tori-Bossito, Zê et Sô-Ava. Il faut tout de même signaler que le lac Nokoué est une
barrière naturelle à l’extension de l’étendue agglomérée ou urbanisée vers l’est. A
cela, il faut ajouter les expropriations foncières (10 960 ha) pour diverses infrastructures
socioéconomiques (IGN cité par Hennou et Djanan, 1998).Cet état de choses démontre
le rythme d’installation des agglomérations urbaines dans la commune et pose le
problème de la vulnérabilité des terres agricoles menacées par la péri-urbanisation car
« la décision de construire, d’occuper l’espace est irréversible, alors que la décision de
[le] protéger est toujours provisoire» (Dupaquier et Soyer, 2004). Ce qui confirme les
résultats des travaux de Tricaud (1996) : « la ville constitue pour l’agriculture à la fois
une chance, avec son marché et une menace, non seulement pour son existence
même, avec l’urbanisation des terres cultivables, mais aussi pour sa pratique
quotidienne, avec un certain nombre de problèmes lié à la plupart à la proximité des
constructions ». Alors que « l’arrière-pays agricole est une des conditions sine qua non
à la naissance d’une ville » Coquery-Vidrovitch (1998).
80
Pression foncière et disponibilité en vivriers des ménages agricoles dans la commune d’Abomey-Calavi
Figure n°5 : Occupation du sol (1982)
Source : O. Dossou-Guèdègé et LABEE
(2005)
Figure n°6 : Occupation du sol (2005)
Source : O.Dossou-Guèdègé et LABEE (2005)
81
S. Alban Gilles KAKAI*, Antoine Yves TOHOZIN * et Roch Lambert MONGBO
3.1.2 Facteurs de réduction du foncier et disponibilité foncière
pour l’agriculture
Pour l’ensemble des sites d’enquête, la superficie totale des terres cultivées a été
réduite en moyenne d’environ 40%. A Akassato-centre, cette réduction est de 33,33%,
56,67% à Adjagbo, 40% à Zinvié-centre et 33,33% à Sato. Les principales causes de la
réduction des superficies cultivées sont : le retrait de terres exploitées en mode
faire-valoir indirect par le propriétaire (26,67% des cultivateurs interrogés de
Akassato-centre, 30% d’Adjagbo, 16,67% de Zinvié-centre et 16,66% de Sato), la
vente des terres par les cultivateurs opérant en mode de faire-valoir direct (6,67% de
l’échantillon interrogé à Akassato-centre, 20% à Adjagbo, 23,33% à Zinvié-centre et
16,67% à Sato) et la construction des habitations (6,67% des enquêtés à Adjagbo). Un
paysan interrogé exprime cette réalité en ces termes : «il y a 3 ans, j’ai vendu une partie
de mes terres pour pouvoir construire une habitation en dur comme mes congénères du
village mais aujourd’hui, je regrette parce que la superficie de mes terres ne me suffit plus
pour produire et nourrir mon ménage».
La réduction des terres de cultures s’explique aussi par la vente des propriétés foncières
collectives (familiales). A Zinvié, les grands acquéreurs de parcelle préalablement
cultivées sont originaires de Cotonou, Lomé, Porto-Novo, Abomey-Calavi, Sô-Ava,
Lokpo tandis qu’à Akassato, ils sont originaires de Cotonou, Porto-Novo, AbomeyCalavi, Godomey, Sô-Ava et de Dassa-
Photo n°1 : La carrière à Ahossoukomey (Akassato-centre)
(Au premier plan, les tas de sable et en arrière-plan, le lac Nokoué)
© Kakaï, décembre 2007
Cette réduction des superficies agricoles a donc de profondes mutations sur les structures
agraires.
82
Pression foncière et disponibilité en vivriers des ménages agricoles dans la commune d’Abomey-Calavi
Tableau n°3 : Disponibilité foncière des ménages agricoles par localité
Source : Kakaï A. (2008).
On a dénombré 210,73 ha pour les 120 ménages agricoles enquêtés soit une moyenne
de 1,75 ha/ménages avec un minimum de 0,02 ha et un maximum de 9 ha. Les 60
ménages agricoles enquêtés de l’arrondissement de Akassato exploitent 107,61 ha
soit 1,76 ha/ménage agricole tandis que ceux de Zinvié exploitent 103,12 ha soit 1,72
ha/ménage agricole. On n’observe pas une grande différence entre les moyennes de
superficies cultivées par ménage des sites d’enquêtes des deux arrondissements. Mais,
on remarque que les moyennes de la superficie cultivée par ménage agricole sont très
variables dont les extrêmes sont 2,68 ha pour le site de Ahossoukomey contre 0,82 ha
pour celui de Awomè. Pour les minima, les extrêmes 0,02 ha pour Ahossoukomey
contre 0,11 ha pour Sato tandis que pour les maxima, on a 9 ha pour Sato contre 7,5 ha
pour Awomè.
Le calcul des centiles, nous permet de dire que 25% des superficies des champs ont
moins de 0,176 ha ; 50% ont moins de 0,6ha et 75% ont moins de 2ha. Ce qui témoigne de la diminution sensible de la taille des superficies mises en valeur. Face à cette
inégalité de la disponibilité foncière, il convient d’analyser la sécurisation foncière qui
est la proportion de terres en mode de faire-valoir direct par rapport à la superficie
agricole totale de la localité considérée. Le calcul de cet indice permet de clarifier
l’état de la sécurisation foncière évoquée par Floquet et Mongbo (1995) : « [...] dans la
sous-préfecture d’Abomey-Calavi, la disponibilité statistique en terres/paysan n’est pas
très faible mais il faudrait pouvoir retirer les superficies achetées par les citadins (fermes,
etc.) pour connaître les superficies réellement cultivables par les ruraux ».
L’indice de sécurisation foncière (proportion de terres en faire-valoir direct par rapport
à la superficie totale exploitée) est de 70,42% dans l’arrondissement de Zinvié, tandis
qu’à Akassato, il est de 38,66%. On peut en déduire que l’exploitant agricole est plus
sécurisé à Zinvié qu’à Akassato. Ceci est dû à l’urbanisation de l’arrondissement d’Akassato
qui favorise sa densification humaine et qui conduit au changement de fonctions des
terres par la modification du mode de faire-valoir agricole et les modifications introduites dans le mode de vie. En outre, le site d’enquête de Sato, zone péri-urbaine de
Zinvié-centre et d’Akassato-centre détient l’indice de sécurisation foncière le plus
83
S. Alban Gilles KAKAI*, Antoine Yves TOHOZIN * et Roch Lambert MONGBO
élevé (68%). Ceci peut s’expliquer par le fait que la demande de terres pour des
besoins autre que l’agriculture est encore faible. Cette précarité des modes d’accès à
la terre qui se manifeste par la perte de contrôle de la gestion foncière menace la
préservation des ressources foncières et l’avenir de l’agriculture. Alors que, « l’absence
d’un accès stable au foncier ne favorise pas l’intensification agricole et conduit le plus
souvent à une exploitation minière des ressources foncières » (Floquet et Mongbo,
1998). De fait, la pression foncière a eu des incidences socioéconomiques sur les
ménages agricoles.
3.2 Conséquences de la pression foncière sur la disponibilité en vivriers
3.2.1 Exploitation agricole et système productif
L’utilisation permanente des sols à cause de la pression foncière impose une
surexploitation de la ressource terre et conduit à des rendements décroissants.
Figure n°7 : Calendrier agricole
Source : Kakaï (2008)
On remarque une utilisation continue du sol. Cette utilisation de la terre agricole est
basée sur une alternance de période de culture et de période de préparation du sol,
le tout intercalé par une période de repos de quelques mois. Les données de terrain
révèlent que la plupart des terres (soit 75% des enquêtés) ne bénéficient pas de
jachères car l’agriculteur ne dispose pas d’autres ressources. La jachère saisonnière
(qui consiste à laisser la terre au repos juste pour quelques saisons culturales) est
pratiquée lorsque les paysans perçoivent des signes de pauvreté du sol. Dans ce cas,
84
Pression foncière et disponibilité en vivriers des ménages agricoles dans la commune d’Abomey-Calavi
on y plante généralement des cultures de rente comme l’ananas, le faux-acacia (bois
d’œuvre), le palmier à huile, etc. Les débris végétaux participent de la fertilisation
biologique du sol.
Pour les enquêtés faisant la jachère et qui ont d’ailleurs une superficie considérable,
les dernières jachères remontent à 2001, 2002, 2003, 2004 avec des durées maximales de 2 ans (contre 3 ans pour la jachère normale). La réduction de la superficie des
terres n’est pas compensée pas une intensification des pratiques culturales comme
l’utilisation des fertilisants et des produits phytosanitaires ou de machines agricoles
pour accroître les rendements sur des terres non laissées en jachère périodiquement.
Floquet et Mongbo (1998) ont constaté qu’en absence de pression foncière, dès que
les paysans s’apercevaient que la fertilité de leur terre baissait, ils migraient vers de
nouvelles terres. Mais avec l’apparition de la pression foncière, la rotation des cultures
sur la même terre est devenue obligatoire et la recherche des terres agricoles en
dehors de la localité de résidence du paysan diminue. Il faut aussi noter que la rotation
est apparue progressivement dans les habitudes agraires avec les problèmes fonciers
(Mongbo et al, 2004).
3.4.2 Disponibilité en vivriers des ménages agricoles
La majeure partie de la production est destinée à l’autoconsommation (54%), mais
elle ne suffit pas toujours pour couvrir les besoins en vivriers des ménages agricoles
(33% sont réservés à la vente et le reste destiné aux dons et à l’alimentation animale).
Toutefois, des données collectées, nous pouvons retenir que l’agriculture ne favorise
pas l’amélioration du revenu paysan, ce qui se confirme d’ailleurs par les discours des
agriculteurs « si ce n’est pas pour garantir l’approvisionnement en vivrier, on ne ferait plus
l’agriculture ». Le nombre moyen de mois couvert par le stock vivrier (cumul des restes
des récoltes des deux saisons pluvieuses) permet alors de mieux comprendre l’importance de la période de soudure alimentaire dans la vie des ménages agricoles. En
2006, 2005 et 2002, le nombre moyen de mois couvert par le stock vivrier (en maïs,
principale culture de consommation) est respectivement de 3,2 ; 3,77 et 4,28 mois.
Mais, les écarts des minima et des maxima aux moyennes sont très considérables. En
2006, la moyenne est de 3,22 mois avec un minimum de 0 mois et un maximum de 6
mois ; tandis qu’en 2002, il a été enregistré un minimum d’un (01) mois et un maximum
de neuf (9) mois. Etant donné que les nombres moyens de mois sont tous inférieurs à
6 mois (décembre à mai : période entre dernière récolte de l’année précédente et
première récolte de l’année en cours), on peut dire qu’une proportion importante des
ménages agricoles des différents sites d’enquête connaissent la soudure alimentaire.
85
S. Alban Gilles KAKAI*, Antoine Yves TOHOZIN * et Roch Lambert MONGBO
Figure n°8: Nombre de mois couvert par le stock vivrier des années 2006, 2005 et 2002
Source : Kakaï (2008)
L’interprétation permet d’affirmer que :
30 ménages en 2006 avaient une couverture vivrière de 3,22 mois (moyenne
de 2006) sur 120 ménages enquêtés soit 25% de ménages ;
35 ménages en 2005 avaient une couverture vivrière de 3,77 mois (moyenne
de 2005) soit 29,16% de ménages et enfin ;
20 ménages en 2002 avaient une couverture vivrière de 4,3 mois (moyenne
de 2002) soit 16,66% de ménages.
On remarque que dans les trois cas (2002, 2005 et 2006), les écarts-types qui sont
respectivement de 1,81 ; de 1,43 et de 1,34 sont faibles par rapport aux moyennes de
4,3 (en 2002) ; 3,77 (en 2005) et 3,22 (en 2006). Les ménages agricoles qui ont connu
une bonne couverture du stock vivrier en 2002, 2005 et 2006 sont en faible proportion.
En 2002, deux ménages (sur 115) avaient 9, 9 et 10 mois de couverture vivrière. En
2005, un seul ménage (sur 118) avait 8 mois de couverture vivrière tandis qu’en 2006,
sept (07) ménages (sur 112) avaient 6 mois (aucun ménage n’avait une couverture
supérieure à 6 mois). Ceci montre la faible proportion des ménages agricoles qui n’ont
pas connu de soudure alimentaire : 2,60% des ménages enquêtés en 2002 ; 0,84% en
2005 et 0% en 2006. En général, la rupture du stock alimentaire est remarquable chez
la plupart des ménages agricoles de nos différents sites d’enquête et d’un village à un
autre, il n’y a pas de différence significative dans cette rupture : 25% des ménages
agricoles avaient une couverture vivrière d’au moins 2 mois en 2006), 3 mois en 2005)
et 3 mois en 2002 ; 50% des ménages agricoles avaient une couverture vivrière d’au
moins 3 mois en 2006, 4 mois en 2005) et 4 mois en 2002 ; et qu’enfin 75% des
ménages agricoles avaient une couverture vivrière d’au moins 4 mois en 2006, 5 mois
en 2005 et 6 mois en 2002.
On peut alors dire que pour 25% des ménages enquêtés, le nombre de mois couvert
par le stock vivrier est resté constant sur 2006 et 2005 (3 mois) et que pour 50%, ce
86
Pression foncière et disponibilité en vivriers des ménages agricoles dans la commune d’Abomey-Calavi
nombre est resté constant sur 2005 et 2002 (4 mois) tandis que pour 75%, il a
beaucoup varié (4 mois en 2006, 5 en 2005 et 6 en 2002). On remarque aussi que le
nombre de mois couvert par le stock vivrier est à la baisse. Ce qui suppose que la
situation alimentaire des ménages agricoles a beaucoup évolué et s’est ‘’empirée’’ sur
les cinq (5) dernières années. Il paraît alors important de comprendre la perception
des ménages agricoles sur ces situations alimentaires : pas bien, se remets à Dieu car
faute de mieux (61% des enquêtés) ; très bien (17% des enquêtés) ; difficile par
moment, trop de tracasserie pour peu d’aisance (9% des enquêtés) ; difficile car mange
toujours la même chose (8% des enquêtés) ; et pas bien mais meilleure à d’autres
situations (5% des enquêtés).
Conclusion
Ce travail a permis d’apporter une contribution au débat sur la problématique de la
pression foncière sur l’agriculture et ses implications sur la sécurité alimentaire des
ménages agricoles et leur vulnérabilité. Les manifestations de la pression foncière ne
sont pas statiques dans leur configuration et dans leur évolution. La terre nourricière
change de statut pour assurer de nouvelles fonctions : elle a été transformée en bien
immobilier-épargne, thésaurisé par le gel qui prépare une future spéculation ou
devant assurer à terme une fonction de logement, d’installation d’ateliers ou de
boutiques ou de toutes infrastructures destinées à abriter des activités essentiellement
urbaines. L’agriculture vivrière se trouve chassée ou réduite à la portion congrue par
l’extension urbaine. Aussi, la pression foncière est à l’origine de la baisse de la production
agricole dans un contexte de non-intensification agricole. Les ménages agricoles se
retrouvent de fait, incapables d’assurer leur subsistance à partir de leur propre production
au vu de la réduction de la période que couvre la quantité de vivres produits. L’insécurité
alimentaire risque de s’aggraver si les ménages agricoles n’élaborent pas de nouvelles
stratégies d’adaptation comme la recherche de nouvelles activités dont les revenus
sont susceptibles d’assurer l’achat des vivres qu’ils produisent de moins en moins. La
prévention de la vulnérabilité des ménages agricoles par la sauvegarde d’un espace
agricole vitale où une forme d’agriculture vivrière intensive pourrait se pratiquer est
nécessaire. Une bonne législation relative au foncier rural ou urbain s’impose pour
limiter les risques de l’aggravation de la précarité des ménages agricoles et les protéger
contre l’assaut des courtiers et autres commerçants véreux obnubilés par l’acquisition
de vastes domaines car, comme le dit un proverbe arabe : «un pays va mal lorsque les
paysans vont mal».
87
S. Alban Gilles KAKAI*, Antoine Yves TOHOZIN * et Roch Lambert MONGBO
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88
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Cultures et Technologies Géographie : P. 89 - 102, 2009
Pêcheries sédentaires et impacts
environnementaux : cas de l’utilisation des
pneus usagés dans les Acadja de la lagune
Nokoué(1) en République du Bénin.
Julien HODIGUE, Michel BOKO
Département de Géographie et Aménagement du Territoire / FLASH / Université
d’Abomey-Calavi
RESUME
Au Bénin, les eaux continentales en général et la lagune Nokoué en particulier
constituent des sources d’approvisionnement des populations en protéines
d’origine animale, mais les techniques de production halieutique ne sont pas sans
conséquences négatives sur l’environnement. Parmi les méthodes de pêche utilisées
sur la lagune, l’acadja à pneus est celle qui provoque une dégradation aussi bien du
couvert végétal que de l’habitat des poissons. Cependant, il constitue le facteur
essentiel des productions très élevées du plan d’eau lagunaire.
La démarche d’investigation s’articule autours des points suivants : recherche
bibliographique, enquêtes de terrain, inventaire des instruments et techniques de
pêche, identification des utilisateurs de pneus dans les acadjas. Par ailleurs, l’origine
des pneus, leur importance numérique dans les parcs ainsi que leur taux de perte ont
été appréciés. Près de 30200 tonnes de produits halieutiques sont récoltées chaque
année. Malheureusement, la majorité des pêcheurs de la lagune Nokoué fait
beaucoup plus recours à cette technique. Des tonnes de branchages et de pneus
usagés sont convoyées vers cette masse d’eau, ce qui constitue un facteur de son
comblement progressif et aussi de la pollution de ses eaux.
Non seulement l’acadja à pneus fait détruire la végétation des milieux environnants,
participe au comblement du plan d’eau par l’accumulation des pneus, déclenchant
l’accélération de la sédimentation, mais aussi il fait consommer des produits engendrant des troubles de santé.
MOTS CLES : eaux continentales, acadja, pneus usagés, pollution lagunaire, Bénin.
ABSTRACT
In Benin, the continental waters in general and the Nokoué lagoon in particular
constitute sources of provision of the populations in proteins of animal origin, but the
techniques of halieutic production are not without negative consequences on the
environment.
(1) : Lagune Nokoué désigne bien « Lac Nokoué » qui dans son évolution actuelle, est en liaison directe avec
l’Océan Atlantique par l’intermédiaire du grand chenal de Cotonou.
89
Pêcheries sédentaires et impacts environnementaux
Among the methods of fishing used on the lagoon, the acadja made with tires is the
one that also provokes a deterioration as well of the plant table setting that of the
habitat of fishes. However, it constitutes the essential factor of the very high productions
of the lagoon water body. The investigation is articulate around the following points:
bibliographic research, field investigations, inventory of the contraptions and techniques
of fishing, identification of tire users in acadjas. Otherwise, the tires origin, their numeric
importance in the parks as well as their rate of loss have been appreciated.
Close to 30200 tons of piscatorial products are harvested every year. Unfortunately,
the fishers’ majority of the Nokoué lagoon makes a lot more resort to this technics. Tons
of branches and used tires are escorted toward this water body, what constitutes a
factor of its progressive blinding and also of the pollution of its waters.
The acadja with tires not only made destroy the surrounding vegetation, participate in
the blinding of the water body by the accumulation of tires, triggering the acceleration
of the sedimentation, but it also generates some sanitary perturbations.
KEY WORDS : continental waters, acadja, used tires, lagoon pollution, Benin.
INTRODUCTION
Au Bénin, les activités halieutiques sont plus développées dans la partie méridionale
où les lacs et lagunes s’étendent pour former un réseau lagunaire important. Le plus
grand plan d’eau du réseau est la lagune Nokoué. Cette lagune, d’une superficie
variant de 160 km à l’étiage à 200 voire 300 km en période des hautes eaux, a une
profondeur moyenne de 1 à 2,5 mètres (CLEDJO, 2006). Elle accueille plus de 12.000
pêcheurs Toffin ou Wémè qui y récoltent de grandes quantités de produits
halieutiques chaque année : 21900 tonnes en 2005, 29500 tonnes en 2006 puis
30200 tonnes en 2007 et en 2008. (DIRECTION DES PECHES, 2008).
L’usage des instruments et techniques de pêche et surtout de ceux qui sont dits passifs
(pêcheries sédentaires) n’est pas sans conséquences néfastes sur l’environnement.
La pêcherie sédentaire dite acadja (technique utilisée par la majorité des pêcheurs de
la lagune et très favorable à l’enrichissement du milieu aquatique) n’était auparavant
constituée que de branches. Elle offre de ce fait trois avantages aux espèces halieutiques
notamment aux poissons. Il s’agit de la garantie de la sécurité contre les prédateurs, de
la constitution de lieux de frayère et de la disponibilité d’une nourriture abondante. En
effet, l’acadja est une technique consistant à couper des branches de certaines essences
végétales pour les implanter dans les eaux peu profondes de lacs ou de lagunes afin
d’attirer les poissons (HODIGUE et N’BESSA, 2007).
Les différents auteurs (HOUEDJISSIN, 1977 ; GBAGUIDI, 1980 ; GNONHOUE, 1981 ;
PLIYA, 1981 ; AGLINGO, 1998 ; CLEDJO, 1999 ; etc.) qui ont parlé des acadjas sur la
lagune Nokoué, n’avaient parlé que de l’usage des branches végétales dans les parcs.
Il ne pouvait en être autrement puisque les pneus usagés n’étaient pas encore utilisés.
CLEDJO (2006), (l’un des premiers auteurs à parler de l’utilisation de pneus dans les
2
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JULIEN HODIGUE, MICHEL BOKO
acadjas de la lagune Nokoué, a souligné que « 1800 pneus étaient déposés chaque
année dans le plan d’eau ». Il a également énoncé d’une part que dans un parc acadja,
on peut dénombrer jusqu’à cent (100) pneus et, d’autre part, que seule une trentaine
des pneus étaient ramassés et vidés après la pêche, le reste étant enseveli dans la
boue. Cela signifie concrètement qu’il a estimé le taux d’ensevelissement (taux de
perte) à 70 %, une estimation qui suscite des interrogations.
Vu le grand nombre de pneus convoyés de nos jours vers la lagune, les résultats
énoncés par CLEDJO en 2006 ne sont-ils pas en déphasage par rapport aux réalités ?
Comment les pneus sont-ils disposés dans les acadjas ? De par la constitution d’un
pneu, quels éléments chimiques sont rejetés dans un milieu aquatique où séjournera
longtemps cette matière ? La lagune ne devient-elle pas polluée ? Telle est la problématique de la présente étude.
I- METHODES ET MATERIELS
La démarche d’investigation de la présente étude a consisté en l’inventaire des méthodes de pêche mises en œuvre sur la lagune Nokoué et des différents types d’acadja
qui existent, en l’identification de la proportion des utilisateurs de pneus dans les
acadjas, de l’origine et de l’importance numérique des pneus déposés dans les parcs,
du taux de perte desdits pneus après l’exploitation des acadjas, etc.
Les différentes étapes de la méthodologie adoptée sont les suivantes :
La revue de littérature : elle a permis de consulter les divers documents (mé
moires, thèses, articles) qui ont traité de la technique d’acadja afin d’en faire
une synthèse. Les recherches sur l’internet ont permis d’avoir des informations
assez claires sur les constituants et la composition chimique des pneumatiques.
-
Les enquêtes de terrain : l’interview, le focus group, la méthode accélérée de
recherche participative et l’observation directe ont été mis à contribution pour
inventorier les différents engins et techniques de pêche qui sont en train d’être
utilisés sur le plan d’eau. Les informations sur l’origine des pneus, leur impor
tance numérique dans les acadjas et leur taux d’enfouissement dans la vase
ont été évalués. Plusieurs autres questions en rapport avec l’utilisation des
pneus ont été étudiées. La technique d’échantillonnage basée sur le choix
raisonné a été utilisée. Compte tenu de l’ampleur du phénomène des acadjas
à pneus qui est une innovation typiquement béninoise, nous avons décidé de
reprendre les recherches en 2009, soit deux années après les premières inves
tigations. A cet effet, 350 pêcheurs représentant 11,02 % du total des 3176
propriétaires d’acadjas de la lagune Nokoué ont été interviewés pour connaître
le pourcentage des utilisateurs de pneus dans les parcs. Quinze (15) parcs dont
deux (02) acadjavis de berge (petits parcs), deux (02) acadjavis en retrait des
berges (petits parcs), cinq (05) acadjavas (parcs moyens) et six (06) acadjagbos
(grands parcs) ont été suivis au cours de leur exploitation afin d’en apprécier le
taux d’ensevelissement des pneumatiques. Cette enquête exige la présence
91
Pêcheries sédentaires et impacts environnementaux
-
de l’enquêteur sur les lieux de l’exploitation du parc. Tous les parcs sont des
propriétés de pêcheurs, étant donné qu’aucune femme ne pratique la techni
que d’acadja.
Le traitement et l’analyse des données : cette étape a été réalisée grâce aux
logiciels Excel, Atlas GIS, Arc View, Adobe Photoshop. Les différentes données
ont pu être évaluées ; les photos prises ont été redimensionnées avant d’être
positionnées dans le texte.
D’autres matériels ont été également utilisés aussi bien à l’occasion de la constitution
des échantillons d’enquête, qu’au moment des déplacements sur le terrain puis lors
de la collecte des données. Il s’agit notamment de la carte de répartition des cités
lacustres autour de la lagune, des questionnaires d’enquête, des instruments de mesure, d’un appareil photo numérique, d’une moto Yamaha Mate 50, des pirogues de
pêche, de l’Atlas des Poissons et Crustacés du Bénin : eaux douces et saumâtres
(MURAÎ, d’ALMEIDA, SOHOU, 2003).
II.- RESULTATS
2.1 Les moyens de pêche utilisés sur la lagune Nokoué.
Les instruments et techniques de pêche utilisés pour capturer les espèces halieutiques sur la lagune Nokoué sont de différentes sortes. Certains sont actifs (il s’agit du
filet épervier qui est lancé, du filet traînant dit Avê, qui est utilisé à la fois par deux
pêcheurs qui le traînent et de l’épuisette mise en œuvre soit par un seul pêcheur, soit
par deux pêcheurs). Au nombre des techniques passives, on peut citer : l’acadja, le
Mêdokpokonou, le filet dormant, les nasses à poissons ou à crevettes, la ligne appâtée,
la ligne non appâtée encore appelée palangre. Les engins et techniques de pêche
classés dans la catégorie des instruments passifs sont encore qualifiés de moyens
sédentaires, d’où l’expression dénommée ‘’pêcheries sédentaires’’.
Avant de parler le nouveau phénomène lié à l’usage des pneus qui prend de l’ampleur
sur le plan d’eau, il serait intéressant de présenter les différents types de pêcheries
sédentaires acadjas à travers leur position géographique, leur superficie respective et
les quantités de branchages utilisées dans leur mise en place.
2.2 Les différends types d’acadja et la forte pression sur la flore.
Les pêcheries sédentaires acadjas sont classées en trois catégories selon que leur
superficie est petite, moyenne ou grande. Il s’agit de l’acadjavi (petit acadja), de
l’acadja-ava (acadja moyen) et de l’acadjagbo (grand acadja). L’acadja, généralement
de forme rectangulaire, peut aussi être construit en forme circulaire, trapézoïdale,
triangulaire,… Sa forme dépend de la volonté du pêcheur.
92
JULIEN HODIGUE, MICHEL BOKO
Tableau I : Les types d’acadja sur la lagune, leur superficie et leur situation géographique.
Source : Résultats d’enquête, 2009
Situés près des berges, les acadjavi (de 50 à 100 voire 2500 m) sont exploités par deux
ou trois pêcheurs en un, deux ou trois jours. Les acadjas-ava, au large, compris entre
0,25 et 2 ha, sont récoltés en 8-10 jours avec une douzaine de personnes. Les acadjagbo,
de plus de 2 ha et pouvant atteindre 6 à 8 ha, nécessitent plus de personnes (20 à 25)
et plus de temps (au minimum un mois).
2
WEINZIERL et VENNEMANN (1997), ont souligné que la pratique de l’acadja dans le
sud Bénin remonte à plus de deux cents ans. Ils ont par ailleurs énoncé que pour
réaliser un hectare d’acadja, il faudrait disposer de 7500 fagots de branchages (photo
1) la première année et 5000 fagots les années suivantes. Selon (CLEDJO, 2006), le
développement de la pêcherie sédentaire acadja est l’une des causes fondamentales
de la destruction de la végétation des plateaux environnants. Il précise qu’avec l’acadja,
le Toffinou doit aller vers les régions de Tori, Allada, Toffo et Zè, à 50 kilomètres environ
de Calavi, pour trouver les essences végétales qui sont une vingtaine dont dix sont
spécifiques. Il faut remarquer que les lieux de coupe s’éloignent d’année en année à
cause de la forte pression des activités anthropiques que subit la flore.
Photo 1 : Un amas de fagots de branchages destinés à l’installation d’un parc acadja.
Cliché : HODIGUE, Fév. 2009
93
Pêcheries sédentaires et impacts environnementaux
GUEDEGBE-DOSSOU (2008), citant de SOUZA (1988), a confirmé les dix essences
végétales et a fait observer que les deux les plus fortement exploitées et représentant
les pourcentages les plus élevés dans les coupes d’acadjas sont : Dialium guineense
(Assissuntin en fon) à 22% et Olax subscorpioidea (Mitin en fon) à 14%. Les pêcheurs
les préfèrent à cause de la qualité de leur bois, leur durabilité appréciable, la putréfaction
rapide de leur écorce, leur odeur qui attire les poissons.
2.3 Le pourcentage de pêcheurs utilisateurs de pneus dans les acadjas
Sur 350 propriétaires d’acadja échantillonnés sur un total de 3.176 propriétaires détenant 4.697 parcs acadja sur la lagune Nokoué (DIRECTION DES PECHES, 2006), 228 ont
été identifiés comme personnes utilisant de pneus dans les parcs. Le résultat de cette
enquête reprise en 2009 a donné un taux de 65% (un pourcentage plus élevé que
celui de l’année 2007). La proportion des pêcheurs utilisateurs de pneus a donc connu
une progression sensible entre 2007 et 2009.
L’acadja à pneus est une technique récente. Son adoption par la majorité des
pêcheurs lagunaires, serait due à deux causes fondamentales. La première est liée au
compte d’exploitation de l’activité qui passe du simple au quadruple voire plus. La
seconde est en rapport avec la durée de vie des matériels de travail. Les branchages
sont détruits à court terme par les tarets. Les pneus ne le sont pas et ne se
décomposeront qu’après de très longues années. L’investissement dans les pneus
usagés est considéré comme très rentable par les pêcheurs.
En effet, le pneumatique, (en abrégé pneu) est le bandage déformable et élastique
en caoutchouc, que l’on fixe à la jante des roues de certains véhicules et qui, gonflé
d’air, absorbe les irrégularités du sol et favorise le déplacement sans glissement du
véhicule (Petit LAROUSSE, 2007). Cette matière est constituée d’éléments principaux
que sont : les hydrocarbures polymérisés (47 %), le noir de carbone (21,5 %), l’acier
(16,5 %), le tissu (5,5 %), l’oxyde de zinc (1 %), le soufre (1 %) et d’autres éléments (7,5
%), (figure 1).
Figure 1 : Principaux constituants du pneu
Source : : http:// www.ineddy.ch/f/informmation/content.php du 18 mai 2010 à 17h 45mn
94
JULIEN HODIGUE, MICHEL BOKO
Divers constituants sont donc contenus dans les pneumatiques. Du point de vue
chimique, les pneus sont composés de plusieurs éléments affectés de différents
pourcentages. (tableau II).
Tableau II : Composants chimiques du pneu
Source : http:// www.ineddy.ch/f/informmation/content.php du 18 mai 2010 à 17h 45mn
En dehors de l’oxygène qui d’ailleurs est en faible quantité, la plupart des autres constituants signalés dans le tableau II sont toxiques et polluants, même s’ils se retrouvent
en des proportions négligeables. C’est le cas du plomb, du cadmium, des liaisons
cuprifères contenant du cuivre, etc.
2.4 L’origine des pneus utilisés.
Les pêcheurs de So-Tchanhoué, Ganvié, So-Zounko, So-Ava, etc., vivent sur un terroir
constitué de petits îlots où les véhiculent à quatre roues n’ont pas accès. Il n’existe
donc aucun garage ou atelier de réparation de véhicules où travaille un mécanicien ou
un vulcanisateur. Les pneus usagés utilisés dans les parcs acadjas ne proviennent donc
pas du milieu lagunaire. Des enquêtes réalisées auprès des 350 pêcheurs, il ressort
que les pneus sont achetés chez les vulcanisateurs ou mécaniciens d’Abomey-Calavi,
Cotonou, Porto-Novo, Akassato, Allada. (Photos 2, 3, 4)
Photo 2 : Des pneus achetés
à Ab-Calavi par un pêcheur
dans un atelier de vulcanisation.
Cliché : HODIGUE, Fév. 2009
Photo 3 : Des pneus usagés
achetés par un pêcheur auprès
d’un mécanicien à Cotonou.
Cliché : HODIGUE, Fév. 2009
95
Photo 4 : Un vulcanisateur
négociant le prix de vente de
pneus usagés avec un pêcheur.
Cliché : HODIGUE, Fév. 2009
Pêcheries sédentaires et impacts environnementaux
2.5 L’importance numérique des pneus déposés dans les acadja
et les risques de pollution.
A l’instar des fagots de branches utilisés pour charger les acadjas, les pneus destinés au
renforcement du parc sont achetés par le pêcheur. Le nombre de pneus à installer
dans un parc dépend des moyens financiers du pêcheur qui en est le propriétaire.
Lorsqu’un pêcheur moyen (c’est-à-dire celui qui n’est ni pauvre ni riche) décide, pour
la première fois, de mettre de pneus usagés dans son acadja, il ne se limite pas
seulement à quelques unités. Le minimum qu’il achète est une centaine (trois à quatre
quarantaines). Après chaque exploitation de l’acadja, une partie des recettes lui
permettra d’en acheter pour compléter. Les grands propriétaires de parcs, plus nantis,
en achètent plusieurs centaines, voire des milliers (photo 5).
A la date de l’enquête avec un pêcheur, propriétaire d’acadjagbo de quatre (04)
hectares, un total de mille quatre vingt six (1086) pneus usagés était déjà installé dans
son parc. L’importance numérique des pneus déposés dans un acadja dépend non
seulement de la disponibilité du propriétaire à rechercher et acheter les pneus auprès
des mécaniciens ou vulcanisateurs puis à les perforer (photo 6) mais aussi et surtout
de ses capacités financières.
Photo 5 : Pneus stockés en attendant
d’être transportés vers un parc acadja.
Cliché : HODIGUE, Fév. 2009.
Photo 6 : Un pneu usagé déjà perforé et prêt à être
déposé dans l’acadja.
Cliché : HODIGUE, Fév. 2009
96
JULIEN HODIGUE, MICHEL BOKO
Selon les personnes enquêtées, le nombre de pneus déposés dans un parc acadja
atteint des milliers (deux, trois voire plus) pour les grands ou moyens acadjas. Il est
important de remarquer que les pneus n’occupent pas toute la superficie de l’acadja.
Les acadjavi (de berge ou un peu en retrait des berges) de quelques mètres carrés
n’en reçoivent que quelques-uns.
Avant le dépôt des pneus dans le parc, celui-ci subit une petite transformation,
laquelle consiste à créer deux petites ouvertures sur l’une des deux faces latérales.
Les deux ouvertures, souvent rectangulaires, doivent se retrouver l’une en face de
l’autre et ceci sur le même diamètre du pneu. Elles permettent au pêcheur de soulever aisément le pneu au moment de la récolte et aux poissons de circuler facilement
à travers les pneus entreposés.La multitude de pneus usagés que les pêcheurs déposent dans les parcs acadjas induisent des impacts négatifs sur l’écosystème lagunaire.
La présence en permanence des pneus dans la lagune Nokoué entraîne indubitablement
un problème de pollution du plan d’eau. Suite à un long séjour des pneus usagés dans
le milieu aquatique, ces derniers en se dégradant libèrent les éléments toxiques qu’ils
renferment. SENOUVO (2002) a déjà découvert des métaux lourds dans les ressources
halieutiques pêchées dans les eaux de la lagune Nokoué.
Quels que soient les métaux lourds (cuivre, cadmium, plomb, etc.), il se pose un
problème très sérieux, lorsqu’ils sont impliqués même en faible quantité dans la
pollution des ressources en eau. Non seulement, leur toxicité est fort dommageable
pour le milieu aquatique, mais aussi leur accumulation dans la chaîne alimentaire
induit des impacts négatifs plus ou moins graves sur la santé de l’homme, consommateur
des produits contaminés.
Les écosystèmes sont caractérisés par les échanges cycliques de matières qui s’établissent entre le biotope et la biocénose, échanges qui constituent des cycles
biogéochimiques dont les plus importants concernent l’eau, le carbone, l’oxygène,
l’azote, le soufre et le phosphore. De plus, un écosystème aquatique produit constamment de la matière vivante, qui progressivement se transforme en matière organique devenant ainsi un élément de la chaine alimentaire des consommateurs. Ces
phénomènes (échanges cycliques, transformations, etc.) se produisent au niveau de
la lagune Nokoué.
Une exposition prolongée au plomb peut entraîner des problèmes de santé, comme
la perte d’appétit, des douleurs abdominales, la constipation, la fatigue, l’insomnie,
l’irritabilité et des maux de tête. Ces symptômes apparaissent lorsque la concentration
du plomb dans le sang est extrêmement élevée (PSYCHO MEDIA, 2007). Les populations béninoises courent alors beaucoup de risques en consommant les poissons
pêchés dans l’écosystème lagunaire Nokoué où des milliers de pneus usagés ont
commencé par être déposés depuis un certain nombre d’années.
97
Pêcheries sédentaires et impacts environnementaux
2.6 La disposition des pneus dans le parc acadja.
Pour empêcher les pneus de rouler et sortir de l’acadja sous l’effet des courants, le
pêcheur les dispose dans la position couchée, c’est-à-dire, la partie latérale posée sur
le substratum. La disposition des pneus l’un à côté de l’autre est recommandée pour la
première couche. D’autres couches sont installées. Elles peuvent être au nombre de
deux ou trois voire quatre. Un bon labyrinthe est ainsi réalisé.
Lorsque le milieu ordinairement calme se trouve perturbé par le vrombissement d’un
moteur hors bord qui s’approche, ou par le brassage des eaux par les hélices du
moteur, les poissons se précipitent vers les pneus afin de se cacher dans leur creux
pour éviter le danger. Il en est de même lorsque les pilleurs d’acadja lancent leur filet
épervier.
Lorsqu’on considère un hectare (1 ha) d’acadja, la superficie occupée par les pneus
installés est dans l’ordre de 0,50 ha, soit la moitié du parc. Cette façon d’agir, permet au
pêcheur de disposer à la fois de branchages (qui pourrissent pour attirer les poissons)
et de pneus (qui accueillent les poissons dans leur creux).
Photo 8 : Forme présentée par la
disposition de plusieurs couches.
Cliché : HODIGUE, Fév. 2009
Photo 7: Disposition souhaitée pour
la 1ère couche de pneus.
Cliché : HODIGUE, Fév. 2009
2.7 La protection de l’acadja et des pneus installés.
Pour pallier les déplacements de pneus sous l’effet des courants, le pêcheur construit
une palissade très solide (photo 10) tout autour de son acadja qui se présente ainsi
comme un enclos. A l’intérieur de ce dernier, des piquets de protection sont enfoncés
dans la vase autour des pneus et quelquefois à l’intérieur de l’amas, dans le but d’anéantir
les effets de courants. Cette barrière installée, à l’aide de bambous (photo 9), sur le
pourtour de l’acadja, joue plusieurs rôles. En dehors du fait qu’elle protège les pneus
98
JULIEN HODIGUE, MICHEL BOKO
contre les courants, elle empêche aussi les pêcheurs utilisateurs de filet épervier
(ceux qui sont mal intentionnés) de venir pêcher clandestinement à l’intérieur du parc.
La palissade joue également un autre rôle très important, celui de ne pas permettre
aux populations de circuler librement dans l’acadja, du moins de le traverser avec des
pirogues ou des barques motorisées, étant donné que les poissons peuvent être stressés par le bruit.
Photo 9 : Un fagot de bambous à
utiliser pour faire la clôture du parc acadja.
Cliché : HODIGUE, Fév. 2009
Photo 10 : Clôture réalisée sur le
Cliché : HODIGUE, Fév. 2009.
pourtour de l’acadja.
Fort de ces connaissances, le propriétaire d’acadja se préoccupe de la protection de
son parc en investissant beaucoup dans l’achat de bambous à l’aide desquels il réalise
sa clôture. Le couvert végétal, de ce fait, est exposé à différents assauts anthropiques
qui le détruisent.
2.8 Le taux de perte des pneus utilisés pour charger les acadja.
Selon que le lieu d’implantation du parc acadja peut retenir des matières en suspension ou non, il se forme une quantité de boue plus ou moins importante. Une corrélation existe sans doute entre la nature du fond et le nombre de pneus susceptibles
d’être engloutis dans la vase. Pour évaluer le taux de perte des pneus installés dans les
acadja, quelques parcs ont été suivis (Tableaux III et IV). Ce suivi a été une opération
assez pénible à cause des sites qui sont éloignés et la durée de l’exploitation qui dure
parfois plusieurs semaines.
Tableau III : Taux de perte des pneus déposés dans des petits et moyens acadja.
Types et ordres des acadja suivis
a/1er
a/2
Nombre de pneus déposés
40
100
200
300
600 1120
500
Nombre de pneus perdus
06
05
15
40
53
35
er er
99
e
c/3
e
c/4
e
c/5
e
c/6
82
e
c/7
e
Pêcheries sédentaires et impacts environnementaux
Tableau IV : Taux de perte des pneus déposés dans des petits et grands acadja.
Types et ordres des acadja suivis
b/8 b/9 d/10 d/11 d/12 d/13 d/14 d/15
e
e
e
Nombre de pneus déposés au départ 87
Nombre de pneus perdus à la fin
e
e
e
e
e
150 640 1040 935
06 24
58
76
39
720
340
400
49
27
29
Source des tableaux III et IV : Résultats d’enquêtes (2009)
Légende : a = acadjavi de berge ; b = acadjavi en retrait ; c = acadja ava ; d = acadjagbo
Dans quinze (15) acadja, sept mille cent soixante douze (7172) pneus usagés ont été
déposés. Au cours de l’exploitation des acadjas et ceci un an après le dépôt des pneus,
un total de 544 desdits pneus n’étaient plus retrouvés. Le taux de la perte enregistrée
est évalué à 7,58 pour-cent (7,58%). Il ne s’agit nullement pas de perte de pneus due
à des retraits effectués sur le nombre de pneus déposés au départ, mais plutôt à leur
enfouissement dans la vase (certains étant retrouvés dans la boue et ne pouvaient plus
être soulevés pour la récolte de poissons) ou à leur déplacement vers un autre lieu de
la lagune par les courants. Les pneus perdus, en s’accumulant, provoquent l’accélération de la sédimentation. C’est un impact négatif non négligeable.
III. - DISCUSSION :
Avec l’acadja, les productions halieutiques sont une raison pour laquelle cette technique typiquement béninoise s’étend à d’autres pays. Selon WEINZIERL et VENNEMANN
(1997), la pratique de l’acadja au Sud du Bénin remonte à plus de 200 ans. Les mêmes
auteurs, citant l’International Development Research Center (IDRC, 1998), soulignent
que la pratique de l’acadja se retrouve également au Brésil, au Ghana, en Equateur, au
Mexique, en Egypte, à Madagascar, au Cambodge, au Sri Lanka et au Bengladesh.
Au Bénin, c’est le système d’exploitation auquel la majorité des pêcheurs de la lagune
Nokoué a recours. L’acadja se faisait uniquement avec des branches végétales. Force
est de constater que, de nos jours au Bénin, l’utilisation des pneus usagés en association avec les branchages a commencé par être la règle. C’est une nouvelle originalité
sans précédent pour le pays. Cette innovation des pêcheurs béninois leur permet,
disent-ils, de pallier d’une part aux multiples difficultés liées à la recherche des branchages et d’autre part à la destruction rapide desdits branchages par les tarets.
De nos jours, les pneus occupent la moitié de la superficie de l’acadja. Entre temps, il
fallait 7500 fagots de branchages, la première année pour implanter un hectare d’acadja
et 5000 fagots les années suivantes (WEINZIERL, VENNEMANN, 1997). A nos jours, il
faut respectivement 3750 fagots et 2500 fagots pour l’installation et l’entretien d’un
hectare d’acadja à pneus. Les activités d’acadja, malgré l’utilisation des pneus, exercent donc toujours une forte pression sur le couvert végétal.
Au sujet des pneus utilisés, il est important de souligner que 7,58% sont annuellement
perdus par enfouissement dans la vase. Ce taux de perte n’est pas négligeable. CLEDJO
100
JULIEN HODIGUE, MICHEL BOKO
(2006) l’avait estimé à 70%. La vraisemblance de ce taux de perte de 70% parait
discutable par rapport aux résultats de nos enquêtes. En effet, beaucoup de difficultés
sont rencontrées par le pêcheur, aussi bien dans la recherche du pneu, son achat, son
transport, sa préparation (perforation) que dans son installation dans le parc acadja.
Aucun pêcheur ne voudra perdre son temps, son argent et son énergie pour ne
récupérer que 30% juste après un an. Le contraste est que l’engouement des
pêcheurs à utiliser les pneus est très grand. Le pourcentage des propriétaires d’acadja
utilisant de pneus usagés dans leurs acadjas est passé de 40% en 2007 à 65% en 2009.
Il se dessine alors une tendance de généralisation du système à tous les pêcheurs des
plans d’eau lagunaires.
L’importance des pneus usagés déposés dans les parcs n’est pas négligeable. Ils dépassent de très loin les mille huit cents (1800) signalés par (CLEDJO, 2006).
Les pneus en se décomposant libèrent des matières toxiques. Beaucoup de maladies
seraient dues aux polluants desdits pneumatiques. Au vu de tout ce qui précède, on
pourrait affirmer que l’utilisation des pneus usagés pour pêcher dans la lagune Nokoué,
non seulement accélère la sédimentation (des pneus étant ensevelis) mais aussi pourrait
exposer les consommateurs des produits halieutiques pêchés à des problèmes de
santé. La question interpelle tous les chercheurs et tous les gestionnaires des plans
d’eau pour que des solutions idoines soient trouvées afin de protéger aussi bien le plan
d’eau lagunaire que la santé des populations.
CONCLUSION
La technique acadja permet aux pêcheurs d’augmenter les rendements de pêche sur
la lagune Nokoué. Des dizaines de tonnes de produits halieutiques y sont pêchés
chaque année. Néanmoins, la pression que cette pratique fait exercer sur le couvert
végétal n’est pas à négliger et beaucoup de pêcheurs (65% des propriétaires d’acadja)
se servent de pneus usagés pour maximiser leurs rendements. Des milliers de pneus
sont alors convoyés vers ce plan d’eau. Ce phénomène qui ne fait enregistrer que 7,58
% de taux de perte contrairement audit taux estimé à 70 % (selon CLEDJO, 2006),
connaît de nos jours un regain d’intérêts au niveau de presque tous les propriétaires
d’acadja. En dehors de la pression sur le couvert végétal et du problème de l’accélération
de la sédimentation au niveau du plan d’eau, il faudrait également remarquer que la
pollution de l’écosystème par des éléments toxiques des pneus usagés pourrait bien
constituer un grand danger pour la santé des populations.
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chenal deCotonou (Bénin), Mémoire de DEA. FLASH-UNB, Abomey-Calavi, 95 p.
17- PSYCHO MEDIA (2007): http://www.santepub-mtl.qc.ca
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Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Cultures et Technologies Géographie : P. 103 - 115, 2009
Importance socioeconomique du ronier
(borassus aethiopum Mart, Arecacea) dans
la Commune de Savè (Bénin)
Florence GBESSO, Akpovi AKOEGNINOU, Cossi Jean HOUDAGBA, Brice TENTE
Laboratoire de Biogéographie et d’Expertise Environnementale (LABEE).
Université d’Abomey-Calavi (UAC), BP : 677 Abomey-Calavi, Bénin.
Tel : 0022905347018/93937973. E-mail : [email protected]
Département de Biologie Végétale, Faculté des Sciences et Techniques (FAST/UAC)
01BP 526 Cotonou/Bénin
RESUME
L’importance socio-économique du rônier a été étudiée dans six villages de la commune de Savè. Il ressort des résultats d’enquêtes à Savè que le rônier contribue à
l’alimentation de la population de Savè. Les différents organes consommés sont le
fruit et les hypocotyles. Sur le plan artisanal, le rônier est peu utilisé dans la commune
de Savè. On l’utilise pour la fabrication des éventails, des chapeaux ; dans la construction des maisons, paillotes, greniers, et douches. Sur le plan médicinal, il est utilisé
pour soigner quelques maladies et particulièrement la faiblesse sexuelle. La pratique
traditionnelle axée sur la cueillette des organes prédomine. L’achat des organes du
rônier est quasi inexistant. Ces organes sont généralement prélevés dans les savanes
arborées et arbustives (bien communautaire) puis dans les champs (propriété
individuelle). Les populations de Savè estiment que la tendance globale des effectifs
des peuplements de rônier est en croissance. Mais cependant, il existe des menaces
majeures qui affectent la physionomie des paysages et la pérennité du rônier puisque
cette croissance est très lente. C’est surtout la production d’hypocotyles qui est valorisée
à Savè (activité féminine, 87,93 %). Les marges bénéficiaires réalisées par mois
varient entre 34500 FCFA et 54660 FCFA par an pour les paysans et entre 25000 FCFA
et 150000 FCFA par mois pour les vendeurs d’hypocotyles.
Mots clés : Importance sociale, économique, menaces, rônier, Savè
ABSTRAT
The economy of the rônier was studied in six towns of the town of Savè. It spring of
the results of investigations from Save that the rônier contributes to the nutrition of
the population of Savè. The different consummate organs are the fruit and the
hypocotyls. On the hand-crafted plan, the rônier very little is used. One uses it for the
fan manufacture, hats; in the house construction, paillotes, attics, and soak. On the
medicinal, plan it is used to care for some diseases and particularly sexual weakness.
The traditional practice centered on organ picking predominates. The purchase of the
organs of the rônier is almost nonexistent. These organs generally are removed in the
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importance socioeconomique du ronier (borassus aethiopum mart, arecacea) dans la commune de save (benin)
mosaic ones of culturesa to fallow and to dominance of rôniers (well community) then
in the fields (individual property). The populations of Savè consider that the global
tendency of the effective ones of the populations of rônier is in growth. But
nevertheless, there exist the major threats that affect the physiognomy of the
landscapes and the permanence of the type since this growth is very slow. This is
especially the production of hypocotyls that is promoted in Save (women’s activity, 87,
93%). The profitable realized margins a month vary between 34500 FCFA and 54660
FCFA for the peasants and between 25000 FCFA and 120000 FCFA for the salesmen of
hypocotyls.
Key-word: Social and economic importence, threat, rônier, Savè.
1. Introduction
« Comment répondre aux besoins actuels sans limiter la capacité des générations
futures à satisfaire à leurs propres besoins ? », telles est toute la problématique du
concept de développement durable qui implique une vision élargie du bien être
humain, une perspective à long terme des conséquences des activités actuelles et
une coopération globale pour parvenir à des solutions viables (OECD, 2004).
Hissé au deuxième rang des problèmes environnementaux les plus préoccupants,
après les changements climatiques et avant les processus de désertification, le
problème de déforestation se pose avec acuité dans les pays en développement
(World Bank, 2003). L’une des principales causes est la croissance démographique qui,
d’une façon générale, a conduit l’ensemble des utilisations traditionnelles pour la
satisfaction des besoins domestiques (alimentaire, pharmacologique, de service etc.)
à des niveaux élevés avec pour conséquences une réduction rapide des ressources
forestières ( Lawani, 2007). Dans son programme sur la foresterie, la sécurité
alimentaire et la nutrition, (FAO, 1996) souligne que la production des aliments provenant
directement des forêts est plus importante que ce qu’on a cru pendant longtemps.
Ces aliments constituent une source d’appoint au cours des périodes critiques lorsque
les ressources cultivées font défaut. Comme l’ont souligné (Matig et al., 2001), les
plantes tropicales participent énormément à l’industrie pharmaceutique. Pour Guinko,
cité par (Tenté, 2005), plus de 80% de la population ont recourt aux plantes pour le
traitement des maladies fréquentes et communes. Ce qui témoigne du degré de
perturbation des espèces végétales.
Le rônier qui fait l’objet de la présente étude est un produit forestier non ligneux à
multiples usages, qui comprend neuf espèces natives et qu’on rencontre précisément
dans les zones tropicales d’Afrique sahélienne, en Asie, en Nouvelle Guinée et en
Madagascar (Guinko et al., 2006). La connaissance de cette ressource est incomplète
tant du point de vue des usages qui en sont faits, de l’importance socio-économique,
de la biologie et du degré de menace qui pèse sur les populations naturelles de
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FLORENCE GBESSO, AKPOVI AKOEGNINOU, COSSI JEAN HOUDAGBA, BRICE TENTE
l’espèce. La présente communication est structurée en trois grandes parties : la
présentation de la zone d’étude, la démarche méthodologique et la présentation des
résultats et analyses.
2. Présentation de la zone d’étude
La commune de Savè est située approximativement entre les parallèles 7°30’ et 8°20’de
Latitude Nord d’une part et entre les méridiens 2°20’ et 2°46’ de Longitude Est d’autre
part. Elle est à 255 Km de Cotonou et est traversée par la RNIE 2 (Cotonou-Parakou) et
la RNIE 5 (Savè-Oké-Owo), (Figure 1).
La commune de Savè, zone d’étude est l’une des 05 communes du département des
collines et compte 08 arrondissements dont 13 quartiers et 25 villages. Elle est limitée
au Nord par la commune de Ouessè, au Sud par celle de Kétou, à l’Est par la république
du Nigéria et à l’Ouest par les communes de Dassa-Zoumè et de Glazoué (MISD, 2001).
Traits physiques de la commune de Savè
La commune de Savè jouit d’un climat de type subéquatorial avec une succession de
quatre (04) saisons et une moyenne pluviométrique annuelle de 900 à 1100 mm
d’eau (ASECNA, 2007), une température pouvant atteindre 27,9°C, une humidité relative et une insolation annuelle moyenne de 2305 h / an. Le territoire de la commune
de Savè s’étend sur une surface d’aplanissement finie du tertiaire, modulée sur des
roches très anciennes du précambrien (gneiss, granites). Sur ce modelé, convexe de
socle, d’altitude moyenne comprise entre 200 et 300 m, s’observe une série de collines isolées et dénudées dont la dénivellation n’excède guère 200m (SERHAU, 1988).
Sur le plan hydrographique, Savè bénéficie d’un réseau dendritique. Selon
Mondjannangni (1969) et Akoègninou et al. (2006), la végétation des collines se présente comme une mosaïque de forêts, savanes et de champs. On enregistre une aire
classée appelée Ouémé-Boukou. Le long du fleuve Ouémé, on rencontre des galeries
forestières Ces différentes formations végétales sont parsemées de champs et de
jachères caractérisés par les espèces comme : Elaeis guineesis, Mangifera indica,
Borassus aethiopum, Anacardium occidentale, Tectona grandis, Parkia Biglobosa, etc.
(Adam et Boko 1993).
Au troisième Recensement Général de la Population et de l’Habitation (RGPH)3 de
Février la commune compte une population totale de 67753 habitants soit 12,64 % de
la population du département des collines (INSAE, 2002). La densité de la population
communale de Savè est de 30 habitants par Km². Elle est essentiellement agricole, soit
48951 actifs agricoles2002 (INSAE, 2002).
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importance socioeconomique du ronier (borassus aethiopum mart, arecacea) dans la commune de save (benin)
2. Données et méthodes
Figure 1 Situation de la commune de Savè
L’étude a consisté en une enquête socio-économique qui est faite sur la base d’un
questionnaire pour cerner toute l’importance du rônier dans la commune de Savè. Des
observations participatives ont été aussi faites. La sélection des villages a été faite à
l’aide des informations reçues au niveau du CeCPA /Savè. Les six villages choisis sont
ceux où l’espèce existe en peuplements denses dans la commune de Savè. L’enquête
a été faite à trois niveaux :
- au niveau des paysans dans les villages et champs : Les enquêtes ont porté sur 180
paysans dans 06 villages de 04 arrondissements (Kaboua, Sakin, plateaux, Okpara) à
raison de 30 paysans par village. Cet échantillon représente 02% des paysans de chaque
village.
- aux niveaux des vendeurs d’hypocotyles et d’articles de rônier dans les marchés et
quartiers : Les enquêtes ont été conduites dans le marché principal de Savè
(Odjaïkpanou) qui s’anime tous les lundis, le marché de Ouoghi et celui de Boubou qui
s’animent tous les jeudis. L’enquête a été aussi faite au niveau du carrefour de l’hôtel
Idadu presque aux pieds des mamelles de Savè. Le nombre de personnes enquêtées
est moins important car peu de personnes exerce cette activité de vente de chapeaux,
de nattes et autres. Ces articles sont plus vendus à Tiho, une localité de la commune de
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FLORENCE GBESSO, AKPOVI AKOEGNINOU, COSSI JEAN HOUDAGBA, BRICE TENTE
Glazoué, voisine à celle de Savè. L’échantillon comprend au total 50 vendeurs
d’hypocotyles et 8 vendeurs d’éventails
- au niveau des vanniers dans les villages : A ce niveau peu de vanniers ont été
rencontrés à Diho, l’un des villages de Diho I ; au marché d’Odjaïkpanou et à Akon.
3. Présentation des résultats et analyse
3.1- Importance sociale du rônier : Différents types d’usages
3.1.1- Usages alimentaires
La contribution du rônier dans l’alimentation a été observée dans tous les ménages de
paysans et de vendeurs. L’usage alimentaire est fait dans les six villages enquêtés. Les
organes du rônier concernés sont : les hypocotyles et les fruits.
Les hypocotyles représentent la partie de l’espèce qui apporte des revenus assez
importants aux producteurs et revendeurs. Mais ils ne s’adonnent pas seulement à la
vente (80 %), ils les consomment aussi (20 %). Les hypocotyles sont consommés
bouillis de préférence et fumés parfois.
Figure 2: Fréquence d’autoconsommation des hypocotyles.
En ce qui concerne les fruits, ils sont présents et mûrs toute l’année. Les populations
en mangent quand elles le veulent. Ces fruits se consomment crus, bouillis et fumés.
3.1.2- Usages médicaux et médico-magiques
Certains organes du rônier sont utilisés dans la médecine traditionnelle. Ces organes
interviennent dans la guérison de différentes maladies. Ces usages sont les mêmes
dans tous les villages enquêtés. Le rônier est utilisé en général pour le traitement du
paludisme, de l’impuissance sexuelle, des règles douloureuses, et pour la fortification
des nouveaux-nés. Les organes utilisés, les différentes maladies et les modes de traitement sont dans le tableau I.
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importance socioeconomique du ronier (borassus aethiopum mart, arecacea) dans la commune de save (benin)
En Afrique, l’arbre a souvent joué un rôle magique. Il est surtout utilisé dans les
envoûtements. L’arbre est considéré comme sacré par les ethnies Yom ou Lokpa. Les
populations entourent l’arbre de pierres et lui immolent des animaux pour conjurer les
mauvais sorts suite à la consultation d’un oracle. Les racines sont aussi utilisées (11,66
%) chez les Lokas pour protéger la maison. Mais pour la population autochtone de
Savè, c’est-à-dire les Nago, l’arbre n’a aucune signification médico-magique. Certains
vieux l’appellent « arbre fétiche » car c’est un arbre pérenne qui prend trop de temps
pour donner de fruits.
Tableau I : Récapitulatif des maladies traitées par les organes du rônier à Savè.
Il ressort de l’analyse du tableau VI que les noyaux, les racines et les hypocotyles sont
les organes du rônier les plus utilisés dans le traitement de certaines maladies dans la
région de Savè.
3.1.3- Usages du stipe et des feuilles
Le bois du rônier est un bois de bonne qualité qui ne pourrit pas si vite et n’est pas
attaqué par les insectes. Il était très utilisé par les populations de Savè et il continue de
servir comme matériau de construction de maison. Mais la fréquence d’utilisation est
faible (de 13,33 % à 30 %) dans tous les villages concernés par les enquêtes
En ce qui concerne les feuilles, elles sont généralement utilisées dans les champs pour
la construction de grenier, des toits de maisons, de paillotes et de douches. Elles sont
également utilisées pour la fabrication d’éventails, de chapeaux, mais cette activité
n’est pas très fréquente chez les utilisateurs de rôniers. Ils s’adonnent plutôt à la
commercialisation des hypocotyles. Les feuilles sont aussi utilisées comme bois de
chauffe. La fréquence d’utilisation des feuilles varie entre 40 à 90 % dans les différents
villages d’enquêtes. Le test d’analyse de Khi-deux montre qu’il existe une différence
significative entre les variables au seuil de 1%.
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FLORENCE GBESSO, AKPOVI AKOEGNINOU, COSSI JEAN HOUDAGBA, BRICE TENTE
3.1.4- Mode et lieux d’approvisionnement des organes du rônier
Dans tous les villages concernés par l’étude, 100 % des personnes enquêtées
reconnaissent et déclarent que la cueillette est le seul mode d’approvisionnement en
organes de rônier. Elle consiste à parcourir les savanes arborées et arbustives et les
champs sur une distance relativement longue (2 à 10 Km) pour ramasser les fruits, les
pétioles secs tombés ou pour couper des feuilles.
Figure 3 : Lieux de prélèvement des organes du rônier.
Figure 4 : Lieux de prélèvement des organes par village.
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importance socioeconomique du ronier (borassus aethiopum mart, arecacea) dans la commune de save (benin)
Les figures 3 et 4 présentent respectivement l’importance des lieux de prélèvement
des organes du rônier dans la commune en général et dans chaque village. Il ressort
que les lieux de prélèvement ne diffèrent pas d’un village à un autre. C’est à Diho (0,66
%) et Boubou (0,32 %), qu’on a enregistré quelques prélèvements autour des
concessions.
3.1.5- Statut foncier et droits d’usage des rôneraies dans la commune de Savè
Le rônier est une espèce sauvage qui pousse naturellement et qui est protégé dans les
champs. Sur les 180 paysans enquêtés, 59,4 % déclarent ne pas être propriétaires des
rôniers qu’ils exploitent. Pour eux les rôneraies représentent un bien communautaire.
De l’analyse des données des enquêtes, il ressort que sur les 73 personnes propriétaires
de rôneraie dénombré dans l’échantillon, 97,6 % l’ont acquis par héritage, 2,4 % sont
devenus propriétaires par achat des champs avec rôniers.
En définitive, il existe deux possibilités d’acquisition des droits à l’exploitation du rônier.
- Si le rônier se situe dans le champ d’un paysan, il a droit sur tous les revenus que lui
procure l’arbre. Cependant, l’arbre ne peut être abattu que sur autorisation d’un forestier,
car selon la loi 93-009 du 02/07/93 portant régime des forêts en République du Bénin,
le rônier est classé au rang des espèces forestières protégées.
- Si le rônier se trouve dans des mosaïques de culture et de jachère, il appartient à la
communauté. Les feuilles et les fruits peuvent être librement exploités. Le tronc est
exploité après obtention d’autorisation du chef du village ou du forestier.
3.2- Importance économique du rônier
Le rônier est reconnu et conservé au sein des communautés et des écosystèmes pour,
non seulement son importance sociale (divers usages, patrimoine de prestige et
considérations spirituelles), mais aussi pour son rôle économique (revenus et avantages
divers tirés de l’exploitation de l’espèce par les communautés). Le rôle économique
du rônier a été reconnu par toutes les communautés utilisatrices du rônier dans la
commune de Savè. L’apport économique dans la zone d’étude est essentiellement dû
à la commercialisation des hypocotyles. La production est une activité saisonnière se
réalise en trois étapes essentielles : la collecte des fruits, qui commence en Janvier, le
semis des fruits à partir de Mars et la récolte des hypocotyles six à sept mois après le
semis des fruits. C’est une activité qui démarre dès le début de la saison pluvieuse
(Mars-Avril) pour s’achever aux mois d’Août et Septembre. Elle crée donc peu de
problème d’insertion dans le calendrier agricole (Tableau II).
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FLORENCE GBESSO, AKPOVI AKOEGNINOU, COSSI JEAN HOUDAGBA, BRICE TENTE
Tableau II : Calendrier de production des hypocotyles à Savè
Le semis des fruits des mois d’Août et de Septembre donne lieu à une petite récolte
qui permet d’alimenter le commerce d’hypocotyles dans la zone de production. C’est
d’ailleurs pour cette raison que la commercialisation des hypocotyles à Savè est
pratiquement annuelle.Faisons remarquer que le semis des fruits se fait après avoir
remué la terre. Certains paysans installent immédiatement les fruits après la collecte et
les couvrent de pétioles de rônier ; mais d’autres, par contre, attendent le début de la
saison des pluies. Dans la zone d’étude, la production d’hypocotyles constitue une
activité d’une grande importance. Cela peut s’expliquer par la disponibilité et la facilité
d’approvisionnement en fruits pour la mise en valeur des parcelles. Les enquêtes ont
permis de constater que 2120 kg d’hypocotyles en moyenne sont acheminées de
Boubou, 2650 kg de Diho, 4028 kg de Montéwo et 4240 kg de Ouoghi par semaine
pour le marché de Gbégamey (Cotonou). L’acheminement de ces sacs d’hypocotyles
se faisaient tous les jeudis lorsque le train circulait. Il se fait maintenant du mercredi au
vendredi à cause de la non disponibilité des véhicules de transport.
3.2.1- Importance économique pour les ménages des producteurs (paysans)
Tableau III : Récapitulatif des revenus moyens par an ( en F CFA) des paysans par village
NB : L’investissement (énergie fournie, achat de houe et autres) n’est pas pris en compte.
111
importance socioeconomique du ronier (borassus aethiopum mart, arecacea) dans la commune de save (benin)
De l’analyse du Tableau III, il ressort que dans l’ensemble des différents villages enquêtés,
les revenus moyens annuels obtenus de la vente d’hypocotyles par ces producteurs
varient entre 34 500 FCFA et 57 660 FCFA par an, une somme non négligeable pour le
bien-être de ces paysans. Pour tous les paysans enquêtés, la production d’hypocotyles
est une activité secondaire. Cela signifie qu’ils ont une activité principale qui est, soit
les travaux champêtres (74,46 %), les petits commerces (14,99 %) et autres (10,55 %).
Il y a une différence significative entre les revenus des producteurs de rôniers au seuil
de 0,05.
3.2.2- Importance économique pour les ménages des vendeurs
Les ménages de vendeuses détaillantes obtiennent un bénéfice mensuel qui varie
entre 10 500 F CFA et 21 750 F CFA que se soit en période d’abondance ou de soudure.
Les bénéfices mensuels obtenus par ces vendeuses grossistes et semi grossistes
fluctuent entre 25 000 F CFA et 150 000 F CFA par individu, étant entendu que la vente
d’hypocotyles est automatiquement substituée par celle d’autres fruits (mangues,
bananes, papayes, oranges, maïs frais, et autres fruits courants) en période de soudure.
Ces revenus sont assez importants pour permettre le développement de la commune
(Tableau IV).
Tableau IV : Récapitulatif des revenus moyens par semaine des vendeurs par village
112
FLORENCE GBESSO, AKPOVI AKOEGNINOU, COSSI JEAN HOUDAGBA, BRICE TENTE
De l’analyse du tableau IV, il ressort que les vendeurs grossistes de Savè ont une marge
moyenne nette variable entre 12788,36 F CFA et 20565,4 F CFA/semaine. Il n’existe
pas de différence significative au seuil de 5 % entre les marges nettes des vendeurs
d’hypocotyles de ces différents villages. La présente étude a montré que les marges
bénéficiaires obtenues par un vendeur d’hypocotyle par semaine dans les villages de
Ouoghi, Montéwo, Boubou et Diho sont largement supérieur au SMIG hebdomadaire
qui est de 6500 F CFA. Cela implique que la commercialisation des hypocotyles est
une activité qui nourrit ceux qui s’y adonnent. Un complément d’enquête a permis de
constater que les grossistes de Savè livrent leurs marchandises à une semi-grossiste à
Cotonou au prix de 700 F CFA la quarantaine. Cette dernière les revend aux vendeuses
détaillantes de Cotonou au prix de 1000 F CFA la quarantaine. Celles-ci les revendent
au prix 2000 F CFA la quarantaine y compris les frais divers.Il ressort de l’analyse de ce
complément d’enquête que le prix de vente d’hypocotyles revient à 377,35 F CFA le
kg soit 50,9 F CFA par hypocotyle dans les villes alors q’il est à 132,07 F CFA/kg soit
17,84 F CFA/hypocotyle dans les zones de production. Les hypocotyles sont donc
vendus 3 à 4 fois plus chers dans les zones de grande consommation (villes). Ce sont
donc les acteurs en aval de la production qui en tirent le maximum de profit.
3.2.3- Production d’articles à base de rônier et importance économique
Le prix de vente d’un éventail varie entre 15 et 50 FCFA au niveau des vanniers entre
et 25 à 75 FCFA au niveau des vendeuses. Un bon vannier peut produire entre 15 et 20
éventails par jour ce qui revient à 568,75 FCFA/jour pour un vannier.
En ce qui concerne les chapeaux, leur production prend plus de temps que celle des
éventails. Il faut en moyenne une journée pour en fabriquer un. Ce qui fait qu’il revient
cher (150 à 200 FCFA chez les producteurs) et (300 à 500 FCA chez les revendeuses).
3.3- Impact de l’exploitation du rônier sur sa régénération.
Au Bénin en général, le rônier se trouve aujourd’hui menacé. Agbahungba et Sokpon
(1998) l’ont déjà remarqué et classent l’espèce parmi celles méritant une attention
soutenue et des actions prioritaires pour leur conservation. Cette pression exercée sur
le rônier résulte essentiellement de leurs multiples usages et de l’inexistence d’un
programme de recherche et de développement des peuplements.A Savè, les fruits
sont de plus en plus mis à germer pour l’obtention des hypocotyles qui sont déterrés
et vendus. Aussi, la cueillette des jeunes feuilles pour la fabrication des objets artisanaux
et le prélèvement des racines à des fins médicinales hypothèquent-ils l’arbre.
L’utilisation du stipe dans la construction suppose l’abattage de l’arbre. Or, aucune
politique de plantation du rônier n’est mise en œuvre ; d’où une pression anthropique
constante exercée sur le rônier. La plantation n’est envisagée par les populations que
pour marquer des sites (tombes, limites de champs…). Ces résultats sont conformes
113
importance socioeconomique du ronier (borassus aethiopum mart, arecacea) dans la commune de save (benin)
à ceux de Crowder cité par Houankoun (2003) qui est arrivé à la conclusion selon
laquelle les causes qui freinent la plantation du rônier seraient liées au fait que sa
croissance est très lente et réclame un investissent à long terme. La littérature
rapporte que sur toute l’étendue du territoire national, le rônier connaît une
régression. A Savè, même si 94,6 % des personnes enquêtées reconnaissent une
lente croissance de l’espèce, il est important de se rendre compte que les facteurs
naturels (diminution des pluies, attaques des champignons et insectes parasites, feux
de végétation) et anthropiques nuisent gravement à la régénération naturelle de
l’espèce à Savè.
4-Conclusion
La présente étude a permis de connaître le rônier, les différentes formes d’exploitation,
les facteurs sociaux qui l’influencent, en somme, l’intérêt de l’arbre pour les populations
de Savè. Sur le plan alimentaire, les organes de la plante consommés sont le fruit et
l’hypocotyle. Le fruit est consommé cru, bouilli ou cuit alors que l’hypocotyle est
mangé cuit. La consommation des organes du rônier varie suivant les régions et aussi
les pays. Sur le plan de la pharmacopée, le rônier n’est pas trop utilisé dans la
commune de Savè. Mais certains organes contribuent à traiter certaines maladies
comme l’impuissance sexuelle et les règles douloureuses. Diverses parties de la plante
(pétiole, limbe, nervures, etc.) sont utilisés pour divers usages, que se soit en vannerie
ou dans la construction des maisons. Les organes du rônier sont souvent cueillis dans
les savanes arborées et arbustives, dans les champs et parfois dans les concessions. Les
paysans ne plantent pas généralement l’arbre car il est une espèce à croissance très
lente. Les terres ou parcs à rônier sont souvent de nature communautaire et les
propriétés, à titre individuel, sont peu nombreuses. Ces derniers le deviennent
souvent par héritage ou rarement par plantation.La commercialisation des sousproduits (activité essentiellement féminine : 87,23 %). qui génèrent des profits
considérables aux acteurs en particulier les femmes, concerne surtout les fruits qui
sont d’un nombre important (90 à 100 fruits/arbre) et dont la totalité n’est pas
ramassée pour la production d’hypocotyles (une denrée très commercialisée sur toute
l’étendue du territoire national). Ce qui permet aux fruits non ramassés de régénérer
naturellement.
Actuellement, dans le secteur d’étude, le rônier ne subit pas une grande pression car
les usages qu’en font les populations ne nécessitent pas souvent abattage ou
mutilation de l’arbre. Mais l’usage trop excessif des fruits ne favorise pas la conservation de l’espèce.
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FLORENCE GBESSO, AKPOVI AKOEGNINOU, COSSI JEAN HOUDAGBA, BRICE TENTE
5- BIBLIOGRAPHIE
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Impacts économique et environnemental de
l’occupation des zones humides dans la ville de
Porto-Novo : cas des vallons du Zunvi et de
Donukin
Bernard FANGNON*, Charles BABADJIDE* & Benoît N’BESSA*
* Laboratoire d’Etudes des Dynamiques Urbaines et régionales LEDUR/UAC
Email :[email protected] ; [email protected]
RESUME
Cette étude vise à montrer l’impact de l’occupation anarchique des vallons sur
l’environnement. Les vallons au lieu de jouer le rôle d’épuration de l’air, sont devenus
des dépotoirs sauvages des ordures ménagères, ce qui réduit leur superficie. Les
espaces comblés sont occupés soit pour le maraîchage, soit pour l’installation
humaine. Cette situation alarmante ajoutée aux diverses conséquences liées au
développement des activités constitue de grandes menaces pour ces deux (2) vallons
de la ville dont les fonctions sont multiples.Suite aux enquêtes menées dans les deux
vallons et auprès des populations environnantes pour mieux comprendre le déroulement des différentes activités avec les revenus générés, les prélèvements ont été
effectués pour connaître les composantes des ordures ménagères dans les bas-fonds
et les proportions des différentes composantes. Les prélèvements d’ordures ont pris
en compte cinq (5) sites de grandes décharges sur les vingt deux (22) identifiés, soit
22,72%.
D’après les résultats obtenus, les revenus des exploitants sont faibles et les ordures
ménagères produites dans la ville de Porto-Novo sont constituées de plusieurs
éléments comme des piles, des poils d’animaux, des ferrailles, des os, des verres, des
textiles et d’autres objets dangereux tant sur les plans mécanique que chimique
(verres, tessons de bouteilles, aiguilles, boites des conserves, produits synthétiques
etc.).
Cette étude nous permet de conclure que les techniques d’exploitation des vallons
(Zunvi et Donukin) ne permettent pas aux riverains d’obtenir des revenus consistants
mais entraînent des perturbations au niveau de ces vallons les empêchant ainsi de
jouer leur rôle d’épuration de l’air et de récupération des eaux de ruissellement
favorisant ainsi les inondations dans la ville.
Mots clés : impacts, vallons, économie, environnement, Donukin, Zunvi.
116
Impacts économique et environnemental de l’occupation des zones humides
ABSTRACT
This study aims at showing the impact of the anarchistic occupation of the small valleys
on the environment. The small valleys instead of playing the part of air-cleaning, became
wild dumps of the household refuse, which reduces their surface. Filled spaces are
occupied either for the truck farming, or for the human installation. This alarming
situation added to the various consequences related to the development of the activities
is great threats for these two (2) small valleys of the city whose functions are multiple.
Following the surveys carried out in the two small valleys and near the surrounding
populations for better including/understanding the course of the various activities
with the generated incomes, the taking away were carried out to know the components
of the household refuse in the hollows and the proportions of the various components.
The taking away of refuse took into account five (5) sites of great discharges on twenty
both (22) identified, that is to say 22,72%.
According to the results obtained, the incomes of the owners are weak and the
household refuse produced in the town of Porto-Novo consist of several elements like
piles, hairs of animals, scrap, bones, glasses, textiles and other objects dangerous as
well on the mechanics plans as chemical (glasses, pieces of broken bottle, needles,
limp of synthetic preserves, products etc).
This study enables us to conclude that the system of exploitation of the small valleys
(Zunvi and Donukin) do not allow the residents to obtain consistent incomes but
disturbances at the level of these small valleys thus preventing them involve from
playing their part of air-cleaning and recovery of surface waters thus supporting the
floods in the city.
Key words: impacts, small valleys, economy, environment, Donukin, Zunvi.
INTRODUCTION
Porto-Novo, une ville d’environ 223 552 habitants (RGPH) de par l’importance de sa
population constitue un facteur de pression sur les ressources naturelles. Ainsi, les
zones humides sont exploitées de façon anarchique sans se soucier de leur rôle naturel.
L’inexistence d’un plan efficient de gestion des richesses naturelles de la ville entraîne
leur disparition ou leur dégradation progressive.Il importe de donner une meilleure
orientation, pour l’exploitation efficiente de ces ressources en l’occurrence les
vallons de Zunvi et de Donukin dans une approche de développement économique et
de protection de l’environnement.
3
117
BERNARD FANGNON*, CHARLES BABADJIDE* & BENOÎT N’BESSA*
Figure 1 : Présentation de la commune de Porto-Novo
1- Approche méthodologique
1.1- Echantillonnage
Cinq (5) sites de grande décharge sur les 22 identifiés ont été prélevés, soit 22,72%.
L’opération consiste à effectuer des prélèvements de 3 kg après mélange. Après
séchage et séparation des composantes, ces dernières sont pesées 2 fois par mois et
durant un trimestre.Pour apprécier les résultats des enquêtes, une grille d’observation
a été élaborée et utilisée.
1.2- Collecte des données
A l’aide des questionnaires, les pratiquants des activités agricoles ont été interviewés
sur les raisons du choix des sites, les rendements, les dépenses et les difficultés
rencontrées.
1.3- Dépouillement des enquêtes, traitement et analyse des données
Pour apprécier la dynamique de l’occupation des vallons de Zunvi et de Donukin, une
étude diachronique a été faite. Ainsi, les cartes d’occupation du sol de 1996 et 2006
ont été réalisées et comparées pour de dégager deux (2) tendances :
- la progression ;
- la régression.
Désignons par :
* U1996la superficie d’une unité d’occupation du sol en 1996
* U2006 la superficie d’une unité d’occupation du sol en 2006
118
11
Impacts économique et environnemental de l’occupation des zones humides
* ÄU la variation de la superficie de ladite unité d’occupation du sol entre 1996 et 2006.
On a les situations suivantes :
. si AU > 0, il y a progression ;
. si AU < 0, il y a régression ;
L’adoption de cette formule a permis de faire le bilan de l’évolution des différentes
unités d’occupation de sol de 1996 à 2006 et de réaliser des cartes thématiques.
Tableau : Cadre de référence de l’évaluation des impacts.
Source : ABE, 1998.
2- Résultats et discussion
2.1- Impact économique
3.1.1- Le maraîchage
L’absence de cahier de recettes et de dépenses due à l’analphabétisme ders maraîchers,
ne permet pas de connaître avec exactitude le revenu mensuel ou annuel de chaque
maraîcher. Néanmoins, les recettes journalières de la période d’enquête, nous ont
permis de faire des estimations. Le tableau I nous renseigne sur les résultas de nos
calculs.
Tableau I: Répartition des maraîchers suivant leurs revenus mensuels
119
Impacts économique et environnemental de l’occupation des zones humides
L’analyse du tableau montre que plus de la moitié des maraîchers interviewés ont un
revenu mensuel compris entre 30.000 et 50.000 francs. Les maraîchers qui ont un
revenu supérieur à 50.000 francs sont ceux qui se sont consacré entièrement à cette
activité; ils ont plus d’une soixantaine de planches (photo1) et font un peu de tout. Ils
sont aidés dans leurs activités par leurs enfants tandis que les autres associent au
maraîchage le commerce et autres. Cette importance économique du maraîchage
doit inciter les autorités à divers niveau à encourager le développement de cette
activité qui peut participer à la protection des vallons.
Photo1 : les femmes au travail
Source : : Cliché B. FANGNON, février 2009
2.1.2- La pisciculture
Les exploitations installées le long des vallons, les poissons sont très peu nourris ce qui
ne favorise pas un bon rendement car les poissons ne sont pas bien entretenus et
nourris.
2.1.3 – L’élevage
Sur les sites enquêtés, le seul éleveur de porc, ne dispose pas de cahier de recettes
pour apprécier la rentabilité. Mais, il affirme qu’au vu de l’expérience, l’élevage du
porc de race améliorée est plus rentable.
2.2- Impact environnemental
2.2.1- Composition des ordures ménagères
Elles sont constituées des matières fines, les matières organiques et les matières
synthétiques. La figure 2 présente les composantes les plus remarquables dans les
ordures avec leur proportion respective.
120
Impacts économique et environnemental de l’occupation des zones humides
Figure 1 : Composition moyenne des ordures dans les vallons de Zunvi et de Donukin
Source : Travaux de terrain ; Août 2007
Une bonne gestion de toutes ces composantes des ordures est indispensable pour la
protection de l’environnement. La création des dépotoirs sauvages et la gestion des
ordures dans ce milieu ont considérablement modifié la structure du sol au niveau des
sites de décharges. Les profils pédologiques suivants réalisés sur quatre sites dont
deux au niveau de chaque vallon montrent ces modifications.
Tableau II a : Profil réalisé sur un site de maraîchage en amont du Donukin
Source : Travaux de terrain ; juillet 2007
Tableau II b : Profil réalisé dans une maison de fortune installée dans le talweg du Donukin
Source : Travaux de terrain ; juillet 2007
121
BERNARD FANGNON*, CHARLES BABADJIDE* & BENOÎT N’BESSA*
Tableau II c : Profil pédologique réalisé en amont du Zunvi
Source : Travaux de terrain ; juillet 2007
Tableau II d : Profil pédologique réalisé à Avakpa Tokpa sur un site de maraîchage.
Source : Travaux de terrain ; juillet 2007
En général, les profils réalisés sur les différents sites montrent l’apparition des nouvelles
couches au niveau de la partie supérieure du sol des bas-fonds. Ces couches sont
apparues suite aux remblais des bas-fonds (photo 1). Cette modification de la structure
du sol est d’ailleurs le principal facteur responsable de la dégradation des eaux de la
nappe phréatique dont se plaignent les riverains des vallons. L’apparition de ces couches
supérieures est aussi responsable des inondations régulières réduisant ainsi la capacité
des vallons à contenir les eaux de ruissellement. Ces résultats se rapprochent de ceux
de AÏSSI en 1992 à Cotonou et VODOUNOU J. B. en 2002 dans la vallée de la Sô.
Photo 2 : Remblai des bas-fonds avec des ordures ménagères et érection des murs
Source : Cliché B. FANGNON, février 2009.
122
Impacts économique et environnemental de l’occupation des zones humides
2.2.2- Dynamique de l’occupation du sol
2.2.2.1- Occupation du sol en 1996
Pour apprécier la gestion de l’espace du milieu d’étude, il a été réalisé les cartes
d’occupation du sol (figure 2a et 2b) à l’aide des images Landsat TM. Les différentes
unités d’occupation du sol et les superficies qu’elles occupent en 1996 sont présentées dans les tableaux IIIa et IIIb.
Tableau IIIa : Unités d’occupation du sol du bas-fond de Donukin en 1996
Source : Image Landsat TM, 1996.
Tableau IIIb : Unités d’occupation du sol du bas-fond de Zunvi en 1996
Source : Image Landsat TM, 1996.
Les tableaux IIIa et IIIb montrent que les formations naturelles (formations marécageuses et plan d’eau) occupent une part faible du sol à hauteur de 23,27 %.pour Donukin
et 38,31 % pour Zunvi. Les unités anthropiques (Mosaïque de cultures et de jachères,
Plantation et Agglomération) occupent plus d’espace (76,73 % pour Donukin et 61,69
pour Zunvi). Chacune de ces unités évolue en fonction de divers facteurs.
123
BERNARD FANGNON*, CHARLES BABADJIDE* & BENOÎT N’BESSA*
Figure 2a : Occupation du sol du bas-fond de Donukin en 1996
Figure 2b : Occupation du sol du bas-fond de
Zunvi en 1996
2.2.2.2- Occupation du sol en 2006
Pour comparer les espaces occupés par les unités d’occupation du sol, les figures 3a et
3b ont été réalisées. Les unités d’occupation de 2006 sont résumées dans les tableaux
IVa et IVb.
Tableau IVa : Unités d’occupation du sol du bas-fond de Donukin en 2006
Source : Image Landsat TM, 2006.
Tableau IVb : Unités d’occupation du sol du bas-fond de Zunvi en 2006
Source : Image Landsat TM, 2006.
124
Impacts économique et environnemental de l’occupation des zones humides
L’analyse des tableaux IVa et IVb révèle que les formations naturelles (formations
marécageuses et plan d’eau) ont régressé de nouveau (23,71 % contre 38,31 % en
1996 pour Zunvi). Dans le bas-fond de Donukin, les formations marécageuses ont
évolué positivement au détriment des plans d’eau. Ce qui montre clairement le
comblement des vallons. Dans le même temps, les unités anthropiques (mosaïque de
cultures et de jachères, plantation et agglomération) ont connu de progrès (76,29 %
contre 61,69 % pour Zunvi). Dans le vallon de Donukin, on note un léger recul (71,79
% contre 76,73 % en 1996). Mais, les agglomérations ont pris encore de l’espace à
cause de l’augmentation sans cesse croissante de la population de Porto-Novo. Une
partie de la population trouve du plaisir à combler les bas-fonds pour ériger des habitats.
C’est ce qui explique les inondations que les populations ne connaissaient pas avant.
Figure 3a : Occupation du sol dans le Donukin en 2006
Figure 3b : Occupation du sol dans le Zunvi en 2006
2.2.2.3- - Synthèse sur l’évolution de l’occupation du sol entre 1998 et 2006
En dix (10) ans la superficie de la plupart des unités d’occupations du sol a varié de
façon sensible. Mais de façon générale, les formations naturelles (formation marécageuse et plan d’eau) ont régressé alors que celles anthropiques (mosaïque de cultures
et de jachères et agglomération) ont progressé comme le montrent les tableaux Va et
Vb. Il faut signaler que les plantations ont régressé au profit des agglomérations qui
s’étendent avec rapidité. Ces résultats se rapprochent de ceux de YABI I. en 2005 dans
le secteur Agbassa-Idadjo au Bénin et de TIENTCHEUNINTCHEU A. N. en 2001 à
Makénéné au Cameroun.
125
BERNARD FANGNON*, CHARLES BABADJIDE* & BENOÎT N’BESSA*
Tableau Va : Dynamique d’occupation du sol du bas-fond de Donukin entre 1996 et 2006
Source : Image Landsat TM, 1996 et 2006.
Tableau Vb : Dynamique d’occupation du sol du bas-fond de Zunvi entre 1996 et 2006
Source : Image Landsat TM, 1996 et 2006.
2.3- Risques liés à l’occupation des vallons
2.3.1- Fonction : «Contrôle des crues»
Pendant la saison pluvieuse, les eaux de ruissellement sous effet de pente se dirigent
vers les zones humides en l’occurrence le Zunvi et le Donukin. Ainsi les vallons, de par leur
capacité d’accueil des eaux et des différents éléments qu’elles transportent, arrivent à les
contenir. Mais les occupations anarchiques des vallons soit pour l’agriculture soit pour
les habitats sont parfois source de réduction de la capacité des vallons à contenir les
eaux de ruissellement. Ainsi, on assiste à une inondation des maisons à fondation
élevée situées au voisinage immédiat des vallons. Cette situation est aussi très
remarquable en amont du Donukin où l’eau déborde du chenal à lui réservé par les
habitants et inonde les maisons. A Foun-Foun également l’observation est la même
mais à des proportions plus réduites que celles de l’amont du Donukin.
2.3.2- Fonction «Epuration de l’air»
Les vallons sont des grandes réserves de ressources végétales. Plusieurs espèces y
trouvent de bonnes conditions de vie. La végétation du Zunvi et du Donukin dominée
126
Impacts économique et environnemental de l’occupation des zones humides
par les raphias joue un rôle dans l’épuration de l’air. Mais, avec la densité de la circulation
dans les rues de la ville, de grandes quantités de gaz toxiques issus des engins sont
transportées par l’air. De cet air pollué débarrassé en partie des gaz toxiques qu’il
contient, les végétaux en l’occurrence ceux des vallons dans leur photosynthèse
captent le CO contenu dans l’air et rejettent l’oxygène, participant ainsi à l’épuration
de l’air. Mais la destruction de la végétation de ces deux vallons pour l’installation
humaine crée progressivement un déséquilibre écologique au grand risque de la
santé des habitants de la ville. Cette situation survient malheureusement à un moment où sur le plan international des efforts se font pour le reboisement des grandes
villes afin de freiner quelque peu l’avancé du désert.
Les autorités municipales doivent alors faire diligence pour arrêter toutes formes de
destruction de la végétation et même l’occupation des sols des bas-fonds pour la
sauvegarde de l’écosystème des zones humides de la ville.
2
2.4- Evaluation des impacts
Cette évaluation repose sur l’une des approches méthodologiques de l’ABE et se
résume dans les tableaux VI et VII.
Tableau VI : Matrice d’évaluation des impacts liés à l’exploitation des vallons sur le milieu physique
127
BERNARD FANGNON*, CHARLES BABADJIDE* & BENOÎT N’BESSA*
Tableau VII : Matrice d’évaluation des impacts liés à l’exploitation des vallons sur le milieu biologique
L’analyse de ces deux tableaux fait ressortir les impacts positifs et négatifs. Il faut noter
que les impacts positifs sont très négligeables par rapport à ceux négatifs. D’où la
nécessité de la réglementation de l’occupation de ces milieux humides.
CONCLUSION
Les vallons du Zunvi et de Donukin demeurent encore très mal exploités. Au lieu de
faire l’objet de développement des activités génératrices de revenu, ils sont en grande
partie comblés, perdant ainsi une bonne partie de leurs espaces. Aujourd’hui le
maraîchage est l’une des activités les plus pratiquées sur les berges des vallons. La
pisciculture quant à elle est actuellement en régression à cause de la non maîtrise des
crues qui fait perdre aux pisciculteurs une partie importante de leurs poissons.
L’élevage très peu répandu sur les berges des vallons ne connaît pas encore l’adhésion
de beaucoup d’exploitants. De même, l’association de ces trois activités qui est d’un
intérêt capital comme le témoigne l’expérience au centre Songhaï est presque
absente. Paradoxalement ces vallons constituent dans la ville des sites de dépotoirs
d’ordures ménagères. Par conséquent, le rôle de ces vallons dans le maintien de
l’équilibre écologique est fortement menacé . La pollution de la nappe phréatique et
des eaux de la lagune est une conséquence inhérente à cette situation. Bien que ces
ordures soient particulièrement utilisées dans le maraîchage, une grande partie reste
encore à gérer. La manière dont elles sont utilisées dans le maraîchage est également
à déplorer à cause de son caractère insalubre. Pour pallier les difficultés liées aux
exigences de ces activités, les techniciens du CeRPA à travers leurs encadrements et les
autorités municipales par des aides matérielles et financières doivent assister les
exploitants des vallons pour les amener à protéger l’environnement tout en menant
leurs activités.
128
Impacts économique et environnemental de l’occupation des zones humides
Références bibliographiques
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impacts économique et environnemental : cas des vallons du Zounvi et de Donukin.
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ASSANH A. C. et ADOKPETO C. G., 2004, La culture des légumes sur le littoral béninois
dans son secteur Grand-Popo/Agoué: origine, évolution et impacts sur le milieu; 85
pages
DOMINGO E., 1999, Etude diagnostique de la gestion des zones humides du sudBénin. Etat actuel des connaissances relatives aux zones humides du sud-Bénin. 115 p.
FANGNON B., 2008, Impacts des activités agricoles et de concassage de pierre sur
l’environnement et la santé des populations dans la commune de Bembéréké (Borgou).
Mémoire de DEA, 81 p.
MEHU, 2001, Déclaration de politique d’aménagement du territoire; octobre 2001. 14 p.
PNUD, 1997, Rapport sur le développement humain au Bénin. 132 p.
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TIENTCHEUNINTCHEU A. N., 2001, Parts des activités économiques dans la dégradation
de l’environnement naturel de l’arrondissement de Makénéné (Cameroun). 66 p
129
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Cultures et Technologies Géographie : P.130 - 139, 2009
Agriculture de contre saison dans le Delta
du fleuve Ouémé : contraintes hydro
climatiques et stratégies d’adaptation
Blaise DONOU, Fulgence AFOUDA et Michel BOKO
Email : [email protected]
Laboratoire Pierre Pagney, Climat, Eau, Ecosystème et Développement (LACEEDE),
Université d’Abomey-Calavi
Résumé
L’objectif de la présente étude est d’évaluer les impacts des contraintes hydro
climatiques sur l’agriculture de contre saison ou de décrue dans de delta du fleuve
Ouémé.
Le traitement et l’analyse des données pluviométrique, hydrologique,
d’évapotranspiration sur la série 1941-2000 et des qualitatifs d’investigation socio
anthropologique auprès des populations agricoles du delta de l’Ouémé constituent
les grandes lignes de la démarche méthodologique utilisée.
L’analyse des résultats montre que le delta de l’Ouémé est sujet à des fluctuations
pluviométriques marquées par une diminution des hauteurs de pluie et une modification
des saisons au cours des trois dernières décennies. Cette situation entraîne la
modification du rythme hydrologique du fleuve, l’irrégularité de l’ampleur des crues
et des perturbations du calendrier agricole traditionnel dans le delta. Ce qui
augmente la vulnérabilité de la production agricole du delta notamment celle de
contre saison. Face à cette situation, les populations agricoles adoptent plusieurs
stratégies.
Mots clés : Variabilité climatique, agriculture de décrue, la plaine d’inondation, delta du
fleuve Ouémé
Abstract
The aim of the study is to value the impacts of hydro-climatic constraints on farming
season against or decrease in the Oueme river delta.
The processing and analysis of rainfall data, hydrology, evapotranspiration on the serie
1941-2000 and qualitative social anthropological investigation among agricultural
populations of Oueme river delta, constitute the outline of the methodology used.
130
Agriculture de contre saison : contraintes hydro-climatiques et stratégies d’adaptation
The analysis of the results shows that the Oueme river delta is subject to fluctuations in
rainfall marked by the decrease heights of rain and a change of seasons in the past
three decades. This situation changes the rhythm of the river water, the irregularity of
the magnitude of floods and disruption of traditional agricultural calendar in the delta.
This increases the vulnerability of agricultural production in the delta including the
season against. Faced on this situation, the agricultural populations adopt several
strategies.
Keywords : Climate variability, crop-growing, flood plain, Oueme river delta
1. Introduction et justification du sujet
Dans les régions tropicales et intertropicales, la vulnérabilité des peuples à la variation
climatique est d’autant plus importante que les différents systèmes de production
agricoles sont fortement corrélés au climat (Olivry, 1983). Au Bénin, les contraintes
climatiques se manifestent par une forte irrégularité des précipitations interannuelles
tant dans leur ampleur que dans leur répartition (Boko, 1988). Il s’en suit de ce fait, une
variation des régimes pluviométriques saisonniers entraînant une modification des
régimes hydrologiques saisonniers (Vissin, 2001). Ceci n’est pas sans conséquence sur
la production agricole surtout dans les régions situées dans les plaines d’inondation
des grands systèmes fluviaux du Bénin comme le delta du fleuve Ouémé (figure 1).
Le régime hydrologique delta du fleuve Ouémé est essentiellement marqué par la
succession des hautes et basses eaux (Lamouroux, 1972). En situation climatique
extrême (pluies maximales), le régime hydrologique du delta de l’Ouémé est marqué
par l’avènement des crues et des inondations (Donou, 2007). Les crues constituent un
facteur important de la production agricole dans le delta en ce sens qu’elles augmentent ses potentialités agricoles par l’apport de surplus d’eau et d’éléments fertilisant
des sols (Lamouroux, 1972, Houessou, 1997). Ce qui amène les populations, installées
dans la plaine d’inondation du delta, à pratiquer l’agriculture de décrue et de contre
saison, en plus de l’agriculture pluviale (Agossa, 1994).
Mais depuis les trois dernières décennies, les crues dans le delta du fleuve l’Ouémé
sont marquées par une irrégularité spatio-temporelle non maîtrisée (Donou, 2007). En
effet, les fluctuations pluviométriques observées dans le cours supérieur du fleuve et
dans le delta entraînent l’irrégularité de l’ampleur des crues et des perturbations du
calendrier agricole traditionnel (Houessou, 1997). La conséquence de cette irrégularité
est la destruction des cultures de contre saison, les difficultés de conservation des
récoltes et des déficits de productions agricoles.
Face à cette situation, les populations agricoles développent des stratégies pour
réduire les impacts des contraintes pluviométriques sur leur production. Mais, ces
stratégies demeurent très peu efficaces au regard de la fréquence des déficits
131
BLAISE DONOU, FULGENCE AFOUDA ET MICHEL BOKO
pluviométriques enregistrés dans le delta du fleuve Ouémé. Dans ces conditions,
quelles sont les manifestations des contraintes hydro climatiques dans le delta du
fleuve Ouémé ? Quels sont les impacts de la variation climatique sur l’agriculture de
contre saison et quelles sont les stratégies développées par les populations ? Telles
sont les interrogations qui sous tendent la conduite de la présente étude.
Figure 1 : Localisation du delta du fleuve Ouémé
au Bénin
2. Démarche méthodologique
2.1. Données utilisées
Les données utilisées concernent essentiellement les données pluviométriques
(hauteurs de pluie mensuelles et décadaires) des stations de Bonou, Adjohoun, Niaouli,
Allada et Bohicon, sur la période 1941-2000. Les données d’évapotranspiration réelle
de la station synoptique de Bohicon ont été également utilisées. Par ailleurs, les
données et informations qualitatives ont permis d’appréhender les stratégies
d’adaptation paysannes.
2.2. Analyse de la variation du régime pluvio hydrologique
L’analyse de la variation du régime pluviométrique s’est faite par la détermination des
précipitations moyennes des inter mensuelles à l’aide de la formule
132
Agriculture de contre saison : contraintes hydro-climatiques et stratégies d’adaptation
avec Pmoy : la précipitation moyenne du mois, Pi : la précipitation du mois i et n : le
nombre d’années de la série considérée ; l’écart type
l’anomalie pluviométrique
La série 1941-2000 a été subdivisée en deux sous série 19411970 et 971-2000. Les valeurs moyennes de ces séries ont été comparées et analysées. Le test de Student de la différence de deux moyennes (WMO, 1966) est celui
utilisé. Si l’on désigne les deux moyennes en question par
respectivement,
et par N1 et N2 les nombres de valeurs ayant servi au calcul de chacune d’elles, sous
l’hypothèse nulle, la variable :
suit une distribution t de Student à N1+N2 -2 degrés de liberté.
2
2
S1 et S2 sont
respectivement les variances estimées des deux sous-séries, les variances théoriques
sont supposées égales. Pour un risque α de première espèce donnée, et N1 et N2
grands (>30), la région d’acceptation de l’hypothèse nulle est comprise entre les
valeurs théoriques de la variable de Student de probabilité de non-dépassement
respectivement égale à .
En outre, l’utilisation du bilan hydrologique saisonnier (Le Barbé et al. 1993) de
formule
avec P = Pluie en mm, E = évaporation en
mm, L = écoulement en mm, I = Infiltration en mm, et S1-S0 = variation du stock d’eau
présent dans les sols a permis de déterminer la réserve d’eau utile au niveau du sol du
delta durant la période des cultures de contre saison. Dans la pratique, I et S-S ne sont
pas facile à mesurer sur le terrain et sont donc souvent négligés (Vissin, 2001,Totin,
2003, Boko, 2005). La négligence du paramètre I a permis de déduire du bilan hydrologique la réserve d’eau des sols par la formule.
Le régime hydrologique du delta de l’Ouémé étant fortement influencées par les précipitations de tout le bassin du fleuve Ouémé, la précipitation moyenne du bassin a été
utilisée pour la détermination de la réserve d’eau utile du sol.
1
133
0
BLAISE DONOU, FULGENCE AFOUDA ET MICHEL BOKO
2.3. Détermination des indicateurs de vulnérabilité des
productions de contre saison
Les indicateurs calculés sont l’indice d’humidité. L’indice d’humidité (IH) mesure le
rapport des précipitations (P) à l’évapotranspiration potentielle (ETP) su une période
déterminée. Son expression mathématique est : IH = [(P/ETP]*100. Cet indice évalue
l’efficacité des précipitations par rapport à la demande climatique. Plus les valeurs
sont faibles, plus les périodes sont sèches et moins les cultures se trouvent dans de
conditions favorables.
Les besoins en eau et les bilans d’eau au niveau des cultures du maïs et de niébé au
cours de leur phase de croissance ont été déterminés et leur variation au cours de la
saison analysée.
3. Résultats
3.1. Variation climatique saisonnière dans le delta de l’Ouémé
La figure 2 présente la variation du régime pluviométrique dans le delta sur la série d’analyse 1941-2000.
134
Agriculture de contre saison : contraintes hydro-climatiques et stratégies d’adaptation
Figure 2 : Régime pluviométrique du delta de l’Ouémé sur la série 1941-2000
Source des données : ASECNA, 2009
Sur la série d’analyse, le régime pluviométrique est marqué par l’évolution de deux
saisons pluviométriques et deux sèches avec les mois de juin, de septembre ou octobre comme les mois les plus pluvieux de l’année. Les mois de culture de contre saison
novembre, décembre, février et décembre enregistrent les hauteurs de pluie les plus
faible de l’année.
Entre les sous séries 1941-1970 plus humide et 1971-2000 sèche (Ogouwalé 2004 et
2006), il se note un déficit pluviométrique entre les mois du régime (tableau 1).
Tableau 1 : Déficit pluviométrique entre les sous séries 1941-1970 et 1971-2000
135
BLAISE DONOU, FULGENCE AFOUDA ET MICHEL BOKO
Pour l’ensemble des mois de culture de contre saison le mois de novembre enregistre
le déficit le plus prononcé de 21,31. Les mois de décembre et de février ont enregistré
un surplus pluviométrique de 3.61 et de 2,11 mm entre les deux sous série. L’analyse
de l’évolution décadaire des hauteurs pluviométriques sur les mois de culture de
contre saison donne les résultats de la figure 3.
Figure 3 : Régime pluviométrique des mois de cultures de contre saison sur les sous séries 1941-1970 et 1971-2000
Source des données : ASECNA, 2009
L’analyse de la figure montre que les hauteurs de pluie décadaires sur la saison agricole de la série 1971-2000 sont inférieures à celle de la série 1941-2000. Le déficit
pluviométrique engendré par cette diminution des précipitations en fonction des
décades de chaque mois de la saison est représenté dans le tableau 2.
Tableau 2 : Déficit pluviométrique décadaire entre les sous séries 1941-1970 et 1971-2000
Source : Traitements statistiques
Les déficits pluviométriques décadaires sont plus prononcés dans à la première
décade des mois de novembre, décembre et janvier que dans le mois de février où il
enregistre un excédent pluviométrique de 3 mm. Les deuxième et troisième
décades du mois de novembre sont toutes déficitaires alors que pour le mois de
décembre, elles enregistrent des excédents pluviométriques de 0,5 et 2,81 mm. Pour
les mois de janvier et février, ce sont respectivement les deuxième et troisième
décades qui enregistrent des déficits pluviométriques. Ces différents déficits influent
136
Agriculture de contre saison : contraintes hydro-climatiques et stratégies d’adaptation
sur la disponibilité en eau des sols du delta et donc sur la production des cultures de
contre saison (figure 4).
Figure 4 : Variation du bilan d’eau au niveau des sols du delta sur la sous série 1970-2000
Source : Traitements statistiques
L’analyse de la figure montre que les réserves d’eau du sol dans le delta diminuent
progressivement du mois de novembre vers la fin de la saison agricole en février.
Cette situation s’explique par le fait que après le retrait des eaux de crue du fleuve et
que les précipitations ayant pris fin à la fin du mois de novembre, l’évaporation de l’eau
a contribué à la diminution des réserves d’eau du sol. Cette diminution accentue la
vulnérabilité des cultures de contre saison dans le delta.
3.2. Variation hydro climatique et vulnérabilité agricole
Les réserves d’eau du sol en période de basses eaux constituent la principale ressource en eau pour les cultures de contre saison. La saison agricole étant calquée sur
le rythme hydrologique du delta, les déficits en eau précédemment évalués ne permettent pas aux principales cultures (maïs et niébé) de contre saison de satisfaire leur
besoin en eau. Les figures 5 et 6 présentent la variation de besoins en eau et des bilans
d’eau du maïs et du niébé sur la période 1970-2000.
Figure 5 : Besoin en eau du maïs et du niébé
Figure 6 : Bilan d’eau au niveau du maïs et du niébé
Source : Traitements statistiques
137
BLAISE DONOU, FULGENCE AFOUDA ET MICHEL BOKO
L’analyse des figures montre que les besoins en eau restent le plus souvent élevés à la
floraison et l’épiaison. Alors que la disponibilité en eau dans le delta est déficitaire au
cours des périodes de phases végétatives. Les besoins en eau restent le plus souvent
élevés à la floraison et l’épiaison. Alors que la disponibilité en eau dans le delta est
déficitaire au cours des périodes de ces phases végétatives. Ce qui diminue la valeur
de l’indice d’humidité au cours de ces phases (figure 7).
Figure 7 : Variation du bilan d’eau au niveau des cultures et indice d’humidité
L’analyse de la figure montre que l’indice d’humidité est proche de zéro (0) dans les
phases critiques de croissance du maïs et du niébé (floraison et l’épiaison). Ce qui
signifie que le climat du delta devient plus aride au cours de ces phases de croissance
critique. Cette situation augmente la vulnérabilité agricole du delta et crée des manques à gagner pour les populations agricoles. Face à cette situation, ces populations
adoptent plusieurs stratégies.
3.3. Stratégies d’adaptation endogènes
Ces stratégies se rapportent essentiellement à :
¾
¾
¾
¾
¾
¾
l’organisation des cérémonies traditionnelles pour conjurer le sort et limiter les dégâts;
l’organisation des prières dans les églises et mosquées pour implorer la protec
tion de Dieu ;
la modification du calendrier cultural;
le prolongement de la date des semis de deux semaines après l’installation des
pluies ;
les semis multiples;
l’adoption des cultures à cycle plus court (maïs à 75 jours et 65 jours (en expé
rimentation));
138
Agriculture de contre saison : contraintes hydro-climatiques et stratégies d’adaptation
Conclusion
Le delta du fleuve Ouémé connaît une variabilité pluviométrique saisonnière
marquée par des déficits entre les séries 1941-1970 et 1971-2000. Ce déficit réduit la
disponibilité de l’eau au niveau des sols ce qui ne permet pas aux principales cultures
de contre saison (maïs et niébé) de satisfaire leur besoin en eau. Cette situation
renforce la vulnérabilité agricole du delta et crée des manques à gagner aux populations
du delta. En réponse, les populations adoptent des stratégies pour faire face aux effets
néfastes de ces fluctuations pluviométriques.
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139
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Cultures et Technologies Géographie : P. 140 - 153, 2009
Pratiques pastorales et utilisation du sol à
Gah-Maro dans la Commune de Nikki au Bénin
(Afrique de l’Ouest)
Mama DJAOUGA1 et 2 ; Cossi Jean Houndagba 2 ; Brice SINSIN1
[email protected]/
[email protected]/[email protected]
1. Laboratoire d’Ecologie Appliquée, LEA/FSA/UAC
2. Laboratoire de Biogéographie et d’Expertise Environnementale, LABEE/FLASH/UAC
Université d’Abomey-Calavi. BP 526. Republique du Bénin
Résumé
L’étude des pratiques pastorales et utilisation du sol a été menée à Gah-Maro dans
l‘arrondissement de Nikki (Commune de Nikki) au Bénin. Les mobilités
spatio-temporelles de l’élevage de bovin ont été analysées.
La mission de reconnaissance, l’interprétation des photographies aériennes, le contrôle
terrain, la prise des coordonnées GPS des campements peul, les enquêtes
socio-économiques et le traitement des différentes données planimétriques constituent les méthodes utilisées. La cartographie diachronique des installations anciennes et actuelles de la ville a montré que les pressions urbaines sont à l’origine de la
raréfaction du fourrage et de l’évolution centrifuge des campements peuls. Cela
pose le problème du devenir des pratiques pastorales face aux extensions urbaines Il
urge de procéder au zonage des espaces urbains et agropastoral.
Mots clés : Pratiques pastorales, diachronique, zonage, Gah-Maro, Bénin,
Abstract
The present study of the pastorals practices and land cover use was led to Gah-Maro,
City of Nikki district of Benin Republic. Space-time mobility of the breeding of bovine
were analyzed. The field survey mission, the interpretation of aerial photographs, field
control, the catch of co-ordinates GPS of the Fulani’s camping, the socio-economic
inquiries and the planimetric data processing various constitute the methods used.
The diachronic cartography of the old and current installations of the district showed
that the urban pressures are at the origin of the scarcity of fodder and of the centrifugal
evolution of the campings peul. That shows the problem of becoming pastorals
practices about the urban extensions. It is urgent to carry out the zoning of spaces
urban and agropastoral.
Key words Practical pastorals, diachronic, zoning, Gah-Maro, Bénin,
140
Pratiques pastorales et utilisation du sol à Gah-Maro dans la commune de Nikki au Bénin
INTRODUCTION
Le pastoralisme, la perception et l’utilisation de l’espace par les pasteurs ont profondément
évolué depuis plus d’une trentaine d’années sur le continent africain. En effet, le
système pastoral reposait sur une grande mobilité des pasteurs en fonction des
conditions climatiques et socio-économiques, mais aujourd’hui, on assiste à une
limitation de cette mobilité et à une montée de la précarité de cette activité en liaison
avec l’extension des terres agricoles (Raimond, 1980). Par ailleurs, Arrignon (1987) a
fait remarquer qu’au Burkina Faso, l’accroissement de la population entre 1955 et
1974 a entraîné une augmentation des surfaces cultivées en moyenne de 2, 25 %
par an, de même que le cheptel bovin. Dans le même temps la production fourragère
a décrû de 20 à 25 %. L’augmentation des surfaces cultivées étant fonction de la
croissance démographique, il s’ensuit un recul de la jachère, la disparition progressive
de parcours pastoraux convenables, un surpâturage et, en définitive, une saturation
de l’espace rural, accompagné d’une dégradation générale des sols. Ainsi, la part de
l’homme dans la destruction des ressources de la nature semble être de plus en plus
importante. Au Bénin, De Haan (1997), en étudiant les conséquences écologiques des
genres de vie des agriculteurs et des éleveurs a montré comment l’environnement
peut être affecté par les pratiques culturales notamment l’élevage et l’agriculture.
Pour ce dernier, depuis les années soixante-dix, les modes de vie des éleveurs et
agriculteurs, au nord du Bénin, sont sujets à de rapides changements qui sont liés
d’une part à la sécheresse en Afrique de l’Ouest et d’autre part, par le développement
de la commercialisation agricole. En outre, la commune de Nikki avec Gâh-Maro ne
déroge pas à ce phénomène où le développement spatial des habitations et
l’agriculture provoque une réduction progressive des aires de pâturage. La présente
étude vise à analyser les impacts de la croissance urbaine sur les mobilités
spatio-temporelles de l’élevage de bovins à Gah-Maro à Nikki.
I – LE MILIEU D’ETUDE
Situé dans le département du Borgou, entre les méridiens 2°45’ et 3°30’de longitude
est et les parallèles, 9°45’ et 11°00' de latitude nord. La Commune de Nikki est limitée
au nord par la Commune de Kalalé, au sud par celle de Pérérè, à l’est par la République
fédérale du Nigéria, et à l’ouest par les Communes de N’Dali et de Bembéréké. Le
secteur d’étude se trouve dans l’un des sept arrondissements que compte la Commune de Nikki). Ce secteur se trouve circonscrit à l’arrondissement de Nikki (Figure 1).
141
MAMA DJAOUGA1 ET 2 ; COSSI JEAN HOUNDAGBA 2 ; BRICE SINSIN1
Le secteur d’étude est situé dans la zone soudano-guinéenne qui est caractérisée par
deux saisons : une saison pluvieuse et une saison sèche comme le montre la figure 2.
Source: D’après les statistiques ASECNA, 2002
142
Pratiques pastorales et utilisation du sol à Gah-Maro dans la commune de Nikki au Bénin
L’analyse du diagramme climatique (Figure 2) permet de distinguer trois périodes
bioclimatiques :
- la période humide correspond à la période allant d’avril à septembre.
- celle franchement humide va de mai à septembre.- la période sèche correspond à la
période allant de octobre à avril. Les caractéristiques climatiques du secteur d’étude
montrent que l’eau de pluie est disponible avec (35°C) pour les mois les plus chauds
qui sont habituellement les mois de mars et avril alors que les mois les plus frais sont
novembre, décembre et janvier où la température décroît de 19°C en décembre à
18,63 °C en janvier. Le site du milieu d’étude s’inscrit dans le paysage géomorphologique
de la pénéplaine cristalline qui couvre le centre et le nord du Bénin. Il présente une
succession d’ondulations assez amples en formes de croupes, aux versants en pentes
douces, séparés par des talwegs à fonds plats ou parfois en berceau. Sur le plan
hydrographique, la zone d’étude appartient au bassin du fleuve Ouémé avec son
affluent Okpara qui prend sa source à Daroukparou, Oly et Tanisset sont les principales
rivières qui arrosent la zone. Toutes ces rivières ont un cours saisonnier mais conservent
des poches d’eau dans quelques mares de leur lit mineur pendant la période sèche. La
zone d’étude est couverte par un ensemble de formations végétales variant des forêts
claires aux savanes arbustives. Les principales formations végétales rencontrées sont :
Les galeries forestières, les forêts claires, les savanes arborées et arbustives, les mosaïques
de champs et jachères (Viennot, 1978). Selon, les résultats du Recensement Général
de la Population et de l’Habitation de février 2002, les groupes socio-culturels qu’on y
rencontre sont : les Bariba (45,4%), les Peul (40,4%) qui sont les groupes socio-culturels
les plus dominants. Les Fon (0, 8%), et les Lokpa (0,6%) représentent les groupes
socio-culturels minoritaires. Ils pratiquent diverses religions dont l’islam (64,5%) et les
pratiques traditionnelles (8,1%) apparaissent comme les plus pratiquées. Mais, Nikki
connaît un développement socio-économique très peu reluisant. L’agriculture,
l’élevage, le transport et l’artisanat constituent les principales activités pour les
populations qui en tirent leur revenu. L’élevage se présente sous trois formes,
l’élevage sédentaire de bovins, l’élevage transhumant de bovins et l’élevage des ovins,
caprins, et volailles.
II – MATERIEL ET METHODES
La démarche méthodologique adoptée est basée sur une approche analytique, diachronique et cartographique complétée par les enquêtes socio-économiques. Elle
comporte deux phases qui sont : la collecte des données et le traitement des données.
2.1 – Données et outils de collecte
La collecte des données a consisté à la recherche documentaire et planimétrique, la
prise des coordonnées GPS des campements peul, les enquêtes socio-économiques.
143
MAMA DJAOUGA1 ET 2 ; COSSI JEAN HOUNDAGBA 2 ; BRICE SINSIN1
2.1.1- Recherches documentaire et planimétrique
La documentation sur le secteur d’étude a porté à la fois sur la recherche documentaire
et les documents planimétriques. A cet effet, Les matériels utilisés sont variés.
Les cartes utilisées sont : La carte topographique à 1/200 000 de l’Afrique de l’Ouest,
feuille NC-31-X Nikki; feuille NC –31 XX Dunkassa, les photographies aériennes,
Mission Kenting Earth Sciences LTD, novembre 1974 et février 1975 ; Mission IGN –
France, Ben 41 /250 du mois d’avril 1986 1/25000 ; BEN de 1997 1/10 000. Les plans
dont les plus anciens remontent à l’époque coloniale, ce sont : le plan de lotissement
de Nikki à 1/1000 du 26 décembre 1925 ; le plan de lotissement complémentaire de
Nikki du 17 avril 1937 ; le plan de Ville de Nikki, IGN 1/5000 de 1999 ; le plan de ville
de Nikki, service INC-Borgou de 1985 ; la restitution de la ville de Nikki, d’après les
photographies aériennes 1958.
Ce matériel a permis la cartographie des états de surface de 1932 et 1997.
2.1.2 – Contrôle terrain et prise des coordonnées GPS
Le contrôle terrain a lieu après les travaux de laboratoire qui a permis l’identification et
la délimitation des unités d’occupation du sol. Il s’agit ici de confirmer, à partir
d’observations de terrain, les types de formations végétales. Le GPS a été utilisé pour
retrouver sur le terrain les positions des différentes installations des campements
peuls à Gah-Maro. Après le contrôle de terrain complété par les enquêtes socioéconomiques, les différentes corrections ont été opérées pour les cartes réalisées.
2.1.3 Les enquêtes socio-économiques
Ces activités ont été réalisées au moyen d’entretiens individuels, interviews
semi-structuré, complétés par les techniques de focus group. Les acteurs concernés
par ces enquêtes sont les éleveurs, les agriculteurs, les personnes ressources de
l’arrondissement de Nikki.Les centres d’intérêt de ces enquêtes sont entre autres : les
rapports agriculture-élevage, agriculture-urbanisation, élévage-urbanisation,
l’historique du site originel, les fonctions écologiques, économiques et sociales, de
l’élevage en milieu périurbain. Suivant un choix raisonné, un ensemble de 60 agriculteurs,
20 éleveurs, et 10 personnes ressources ont été interrogés. Les réponses ont permis
d’obtenir les informations générales sur les pratiques culturales, pastorales, et de suivre
leur évolution dans le temps.
2.2. Traitement des données
Les données collectées ont été dépouillées, traitées, analysées, pour générer des
tableaux, des graphiques à l’aide du logiciel Excel, Concernant les données
planimétriques les logiciels Arc View et Atlas GIS ont été utilisés dans la réalisation des
cartes.
144
Pratiques pastorales et utilisation du sol à Gah-Maro dans la commune de Nikki au Bénin
Le calcul des superficies des unités d’occupation du sol a été possible grâce à ArcTrace,
une extension du logiciel Arc view 3.2.
III - RESULTATS ET DISCUSSION
3.1 Caractéristiques de l’élevage de bovin en milieu périurbain à Gah- Maro à Nikki
A côté des autochtones Bariba de la localité, les Peul forment un groupe socio-culturel
important. Eleveurs de gros bétail, ils vivent dans les campements dans une grande
simplicité proches de la ville à l’écart des paysans. Ils sont aussi parfois gardiens des
troupeaux des paysans. Mais, les conditions d’installation des peul en zone périurbaine
diffèrent de celles des sédentaires qui sont les premiers occupants. En effet, les
raisons d’installation des peuls en milieu périurbain remontent à l’ère coloniale.
Gâh-maro, vient du mot «campement moderne» ou «campement de la ville» en Bariba.
Déjà en 1928, c’est-à-dire au temps du 32 roi de Nikki, Sero Torou IV Tomgori alias Kissi
Yérima, l’administrateur colonial exigeait du chef peul, l’alimentation en lait de vache
des membres de l’administration. En effet, campant à Sémaro situé à 9 km de la ville,
les bouviers peul étaient obligés de faire par jour tout ce trajet pour alimenter
l’administration en lait. Vu cette longue tracasserie, il leur était demandé de se rapprocher
de la ville afin de faire bénéficier aux résidents les produits de l’élevage (lait, caillot du
lait, fromage et viande).C’est ainsi que l’installation en 1933 des peul dans l’actuel
Gâh-maro a signé l’acte de naissance de Gâg-Maro, avec un cheptel de plus de 1000
têtes de bœufs. L’activité d’élevage a commencé alors à se sédentariser.
En effet, les entretiens avec le chef peul et les éleveurs à Gâh-maro nous ont révélé
que l’espace alloué à l’élevage par le colonisateur était un vaste domaine de 404 ha
(Djaouga, 2003).. D’après ces derniers, ils pâturaient aux alentours du centre ville
jusqu’au début de la saison des pluies. Donc, les conditions écologiques qui existaient
dans cette zone étaient favorables aux activités pastorales. Ce système a perduré
jusqu’en 1975, date de la création des fermes agricoles initiées par le régime
révolutionnaire. La disponibilité spatiale s’exprime en terme d’UBT. D’après une
évaluation du PDEBE, la race bovine doit disposer de cinq hectares par an pour son
alimentation. Abordant dans le même sens, Boudet (1975), Heady (1975) cité par
Sinsin (1985), expriment cette disponibilité en terme de capacité de charge d’un
pâturage. La capacité de charge est la quantité de bétail que peut supporter en pâturage
un espace sans se détériorer, le bétail devant être en bon état d’entretien pendant son
séjour sur le pâturage.La capacité de charge en ha/ UBT de la zone de Nikki passe de
84,66 ha/ UBT en saison sèche à 0, 46 ha/ UBT durant la période humide (Sinsin, 1993).
Mais, le mitage du pâturage (aérien et herbacé) observé de part et d’autre dudit
domaine par l’évolution urbaine compromet donc l’avenir de l’alimentation du bétail.
e
145
MAMA DJAOUGA1 ET 2 ; COSSI JEAN HOUNDAGBA 2 ; BRICE SINSIN1
3.2 Effets de la croissance sur les mobilités spatio- fonctionnelles
de l’élevage de bovins à Gâh Maro
La figure 3 montre les états d’occupation et d’utilisation du sol de Nikki en 1932 et en
1997 sur une superficie de 12 km.
2
Figure 3 : Occupation et utilisation du sol à Nikki en 1932 et en 1997
De l’analyse de cette figure 3, on note en 1933, en dehors des espaces résidentiels, le
reste du domaine urbain se partage entre les espaces agricoles, les formations
savanicoles et forestières naturelles. L’état de Nikki 1997, montre que l’espace urbain
et périurbain a connu des mutations sur le plan spatial, avec l’extension des habitations
au détriment de l’espace agricole, des formations naturelles et, des espaces
agropastoraux. Ainsi l’espace naturel qui occupait 70 % de l’espace en 1932 a régressé
avec la disparition des galeries forestières. Cette nouvelle organisation de l’espace
due d’une part à la croissance démographique qui a provoqué des mutations dans le
système agraire en modifiant les calendriers agricoles et pastoraux, ainsi que les
itinéraires des troupeaux. En effet, les cultures qui commençaient souvent avec les
premières pluies en avril, commencent à la fin du mois de mai, voir parfois au mois de
juin avec des retards compte tenu des aléas climatiques de ces dernières années. Les
effets des aléas climatiques sont ressentis par les populations avec la régression
drastique des espaces agropastoraux.
3.2.1. Régression drastique et instabilité permanente des
espaces agropastoraux
Les transformations des espaces agropastoraux sont liées à l’importance des emblavures,
l’intensité d’utilisation des terres et les pratiques agropastorales dans la zone
périurbaine. La commune de Nikki est une très grande productrice de cultures vivrières
et de cultures de rente comme le montre les figures suivantes.
146
Pratiques pastorales et utilisation du sol à Gah-Maro dans la commune de Nikki au Bénin
Figure 4 : Production agricole en zone périurbaine
Figure 5: Evolution des surfaces emblavées
Figure 6 : Evolution de la population ( 1979-2002)
Figure 7 : Durée d’utilisation du sol dans les périphéries
urbaines
De l’analyse des figures 4 et 5, il ressort que les tubercules (principalement l’igname)
apparaissent comme les cultures dominantes. Cette importance de l’igname s’explique
par le fait qu’elle est à la base de l’alimentation des populations. Mais, les figures 6 et
7 montrent l’ampleur de la pression démographique excessive sur les ressources
naturelles. Ceci traduit l’importance croissante de l’utilisation des terres par les
paysans qui cultivent au-delà de 4 ans. Les conséquences de ces pratiques sont entre
autres : raréfaction du pâturage de contre saison pour alimenter le cheptel bovin,
l’accentuation du phénomène d’érosion avec les coupes de bois intensives réalisées
lors des cultures. Cette pratique compromet davantage l’alimentation des bovins.
3.2.2 Alimentation du bétail
L’ensemble du secteur agricole de Nikki comptait en 1998, 96 224 tonnes en bovins.
147
MAMA DJAOUGA1 ET 2 ; COSSI JEAN HOUNDAGBA 2 ; BRICE SINSIN1
L’effectif des troupeaux se situe entre 30 et 80 têtes par propriétaire ou éleveur en
général dans la commune (CARDER, 1998). En 2002 à Gâh-Maro (Nikki) en zone
périurbaine, on compte 700 têtes de bœufs (Djaouga, 2003). La race élevée est
constituée essentiellement de taurins et de quelques zébus. Le tableau I montre la
répartition de la taille des troupeaux pour 10 éleveurs peul en zone périurbaine
(Gâh-maro Nikki).
Tableau I: Répartition de la taille des troupeaux pour 10 éleveurs peuls à Gâh-Maro
Source: Enquêtes de terrain Gâh-Maro, août 2002
Le tableau I montre que la grande majorité des éleveurs peul ont des troupeaux de 30
à 40 têtes, seuls quelques-uns ont des troupeaux de 40 à 50 têtes ou plus de 70 têtes
de bœufs. Cette structure de bovins en zone périurbaine suppose une certaine disponibilité des terres du point de vue spatial. L’alimentation et l’abreuvement de ces
troupeaux sont conditionnés par les disponibles fourragers et les ressources en eau.
Cette alimentation est constituée essentiellement de graminées et de légumineuses.
La valeur nutritive de la végétation spontanée est fonction de l’alternance des saisons.
En effet, les animaux broutent les herbes jeunes pendant l’hivernage. Les espèces les
plus consommées durant la phase de la période humide (Juin -août) sont essentiellement des graminées telles que : Urochloa lata, Hyparrhenia involucrata, Rottboellia
cochinchinensis, Andropogon gayanus, Pennisetum pedicellatum et des légumineuses
telles que Alysicarpus ovalifolius. Mais les herbacées les plus consommés sont :
Andropogon, Var bisquamulatus, Andropogon chinensis, Andropogon tectorum
Pennisetum, Sporobolus pyramidalis, Brachiaria dans la zone rurale. Les noms locaux
de quelques herbacées recensées auprès des éleveurs sont Andropogon gayanus
(Senonrè), Pennisetum (Bouloudè), Andropogon spp (Narukuri). Quant aux espèces
fourragères ligneuses exploitées, nous avons : Khaya senegalensis (Gbirubu) en Baatonu
et Kahi en Fulbê, Afzelia Africana (Gbébu) en Baatonu, et Wangnahi en Fulbê,
Pterocarpus, Erinaceus (Tona) en Baatonu, et (Bannoui) en Fulbê, Isoberlinia doka (Gbaba)
en Baatonu. En effet, après une meilleure alimentation au cours de l’hivernage, les
animaux souffrent en période sèche. Les champs fraîchement récoltés constituent le
meilleur pâturage où les animaux peuvent encore consommer les feuilles et les capsules
du cotonnier, les fanes d’arachide et de niébé (Vigna Ungrulata) et les pailles de maïs
et de sorgho. La superficie de ces champs récoltés n’est jamais assez suffisamment
grande pour supporter les troupeaux pendant plusieurs mois au cours de la saison
sèche. Durant cette période, l’alimentation est complétée par le pâturage aérien de
certaines essences végétales. Les pasteurs émondent les branches de ces arbres pour
nourrir les bœufs. On utilisait 3 à 4 arbres fourragers par jour pour nourrir 20 bœufs
148
Pratiques pastorales et utilisation du sol à Gah-Maro dans la commune de Nikki au Bénin
(Djaouga, 2003). Donc pour un tel troupeau, il faudrait 4 arbres x 30 jours x (6 mois) =
720 pieds d’essences forestières ligneuses pour une période sèche. Pour tout le
cheptel de 700 têtes de bœufs de la zone périurbaine, on utiliserait 720 arbres x (700
têtes de bœufs /20) = 25200 arbres à émonder pour une saison sèche. Cette pratique
montre le poids de hommes sur les ressources naturelles.
En somme le cycle annuel des activités agropastorales peut être divisé en trois grandes
périodes :
- la période allant de janvier à mai où l’essentiel du pâturage exploité provient des
essences ligneuses des savanes ;
- la période allant de juin à octobre où jachères et savanes sont exploitées ;
- la période de novembre à décembre où les champs fraîchement récoltés constituent
un troisième type de pâturage exploité par les troupeaux bovins, d’où l’importance de
l’association de l’agriculture –élevage. La figure 8 montre le modèle explicatif de
l’évolution des espaces. Ce modèle montre les interactions existant entre la croissance
démographique et les différents modes d’utilisation du sol. Augmentation des
besoins alimentaires Croissance de la population
Figure 8: Modèle explicatif de l’évolution des espaces
149
MAMA DJAOUGA1 ET 2 ; COSSI JEAN HOUNDAGBA 2 ; BRICE SINSIN1
De l’examen de cette figure 8, on peut retenir que les espèces ligneuses autrefois
protégées par les paysans sont en voie de disparition dans tout le milieu d’étude avec
l’urbanisation. En effet, le recul du couvert végétal est le premier impact négatif des
défrichements culturaux. Cette pratique dénude le sol et le prive durant une période
de l’année de son couvert végétal protecteur. Ensuite, le sol mis a nu est décapé par les
gouttelettes de pluies qui dissocient les particules de sols en les entraînant aux bas des
pentes par l’eau qui les dévale. Enfin, ces matériaux arrachés au niveau du bassin
versant sont transportés par les eaux de ruissellement vers les cours d’eau. Ce qui
participe au comblement de la rivière, lieu d’abreuvement du bétail. Selon Kelly
(1983) cité par Toko (2002), l’érosion est la menace la plus dangereuse de la dégradation
des sols. Dans le même ordre d’idée, Houndji et da Matha (2000) ont montré le rôle
capital de la végétation dans l’étude de la dynamique superficielle de tout territoire.
Le manque de pâturage (aérien et herbacé) accompagné de la diminution de la
pluviométrie ont des conséquences sur les produits tirés de l’élevage (lait et ses
dérivés). La Figure 9 montre que le prix des produits laitiers a évolué ces dernières
décennies à cause du manque de lait tiré des bovins. En effet, la vente de ce lait qui se
faisait à un prix dérisoire est devenue aujourd’hui une préoccupation chez les femmes
peul car elles sont obligées d’aller dans les villages environnants pour compléter le lait
afin d’approvisionner les populations urbaines. Par suite, on constate une diminution
des produits laitiers (fromages, le caillot de lait), ce qui entraîne un renchérissement
de leurs prix. A tout cela, il faudra ajouter, la diminution de la pluviométrie ces
dernières années comme le montre la figure 10. La conséquence première est le
tarissement des puits en saison sèche, une chaleur intense avec la dégradation des
ressources ligneuses. Vu ces problèmes, les éleveurs peuls commencent à quitter la
localité. Mais, les avis diffèrent d’un éleveur à un autre sur l’abandon de la zone
périurbaine.
Figure 9: Evolution du prix du lait en saison sèche
et saison pluvieuse à Gâh-Maro en 2007
Figure 10 : Variations inter annuelles de
la pluviométrie de Nikki de 1965 à 2004
150
Pratiques pastorales et utilisation du sol à Gah-Maro dans la commune de Nikki au Bénin
En effet, avec la diminution de l’aire pâturée, on observe une réduction sensible du
cheptel bovin. Le cheptel de la zone périurbaine est passé de plus de 1000 têtes de
bœufs en 1933 à 700 têtes de bœufs en 2002 à Gâh-Maro, soit une diminution de
41,66 % (Djaouga, 2003). Mais les stratégies d’adaptation sont développées pour
palier à cette précarité.
3.3 Stratégie d’adaptation des éleveurs face à la raréfaction du
pâturage à Gâh Maro
Les éleveurs font des cultures sur de petites parcelles de moins d’un hectare à côté de
leur case. La majorité d’entre eux s’adonnent à l’agriculture pour subvenir aux besoins
alimentaires de base. Ils cultivent surtout les céréales comme le sorgho, le maïs et le
mil. Cette pratique est appelée « champ de case». Les photos 1 et 2 montrent les
techniques utilisées pour fumer le sol. Cette complémentarité de l’élevage et
l’agriculture donne des fanes de récoltes pour l’alimentation du bétail en période de
contre saison.
Photo 1 : Vue d’un campement peul en périphérie
urbaine à Nikki. En arrière plan, se trouve le champ
de case pratiqué par les peuls. Au premier plan, on
observe un troupeau de bœufs parqués (cliché
DJAOUGA Mama, NIKKI, août 2002)
Photo 2: Vue d’un champ de maïs dans l’espace
agropastoral (Cliché. DJAOUGA Mama Nikki, Août,
2002)En arrière plan, se trouve le champ de maïs. Au
premier plan, on observe une ceinture de bouses de
vache servant de protection. (Cliché. DJAOUGA
Mama Nikki, Août, 2002)
3.3.1 Association élevage-agriculture : vers une intensification de l‘élevage
Elle fait intervenir l’élevage pour enrichir les sols et l’agriculture pour compléter
l’alimentation du bétail pendant la saison sèche avec les pailles de sorgho, de maïs et
d’arachide.Les peuls ont l’habitude de parquer leurs bœufs pendant la saison sèche sur
des parcelles qui vont servir aux cultures pendant l’hivernage. C’est la seule technique
de maintien de la fertilité du sol chez les peul. Elle sédentarise l’agriculture qui ne
151
MAMA DJAOUGA1 ET 2 ; COSSI JEAN HOUNDAGBA 2 ; BRICE SINSIN1
nécessite pas une longue jachère. Mais, la contribution de l’exploitation agricole à
l’alimentation du bétail dépend du rapport de la taille d’exploitation agricole à l’effectif
du troupeau. Aussi, le développement des terres cultivées d’une part et la limitation
de l’effectif des troupeaux d’autre part permettent de réduire les dépendances des
éleveurs vis-à-vis des parcours aux savanes. La présence du barrage de Woré dans les
environs assurant l’approvisionnement en eau du bétail, la transhumance pourrait
aussi être mieux contrôlée et limitée à un rayon n’excédant pas les 10 km pour les
deux saisons.
Conclusion
L’analyse cartographique du terroir de Gâh-Maro a fait apparaître une occupation du sol
liée directement aux divers courants migratoires qui ont provoqué le rétrécissement
marqué des unités d’occupation du sol servant à nourrir le bétail au détriment des
habitations. Ce développement des habitations spontanées a eu pour conséquence
d’abord la disparition du couvert végétal et la progression des champs périphériques
en direction des espaces plus fertiles, ensuite la disparition des parcours pour
l’élevage, enfin la mise en œuvre d’une intensification de l’élevage à une échelle
réduite avec l’association de l’élevage et de l’agriculture. Malgré, les densités de population
très élevées, le groupe socio-culturel peul est resté longtemps réticent à détourner
son emploi, face l’exacerbation des aléas climatiques due ces dernières années aux
variabilités climatiques. Pour pallier à cette situation, il est urgent de revoir les modes
d’utilisation et d’occupation des espaces par les populations afin de définir des
politiques de gestion rationnelle du sol orientées vers l’amélioration du cadre de vie et
la protection de l’environnement naturel et humanisé.
152
Pratiques pastorales et utilisation du sol à Gah-Maro dans la commune de Nikki au Bénin
Bibliographie
1.
ARRIGNON J.C., 1994._Agro-Ecologie des zones arides et sub-humides. Paris.
Maisonneuve et L etACCT, 287p.
2.
BAWA R., 1997._Enjeux, Acteurs, et Mécanismes du pastoralisme dans le nord du
Bénin : Cas du village de SIKKI Sous- Préfecture de Sinendé. Département du Borgou.
Thèse d’ingénieur FSA/ UNB, Abomey-Calvi, 134 p.
3.
BOUDET G., 1975._ Problèmes posés par l’estimation de la capacité de charge
d’un pâturage naturel tropical. Actes du colloque ‘’Inventaire et cartographie
des pâturages tropicaux africains’’. Bamako, mali ; ILCA : 265-268.
4.
de HAAN L ., 1997._ Agriculteurs et éleveurs au Nord-Bénin. Ecologie et genre de
vie. Paris, Editions Karthala, 217 p.
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HOUNDJI A., 2000._ Dynamique superficielle sur le plateau d’Allada: Cas de TokpaDomè/Kpomasse. Mémoire de maîtrise de géographie, FLASH/UNB, Abomey-Calvi, 99 p.
6.
BIO GUENE K., 1978._ La généalogie des rois de Nikki de SUNON Séro à l’invasion
Française, Mémoire de maîtrise de géographie /FLASH/UNB Histoire, 192 p.
7.
RICHAD J.F et al., 1990: La dégradation du paysage naturel en Afrique del’Ouest.
Presse Universitaire de Dakar, 310 p.
8.
TOKO M. I., 1994._Gestion du terroir dans la sous –préfecture de Banikoara. Mémoire
de maîtrise de géographie/ FLASH/UNB. Abomey-Calavi, Bénin, 90 p.
9.
TOKO N. I., 2002._Caractérisation des secteurs dégradés du parc national du W
dans la commune de Karimama , Mémoire de maîtrise de géographie, FLASH/
UNB, Abomey- Calavi, 110 p.
10.
SINSIN B,. 1985._ Contribution à l’utilisation rationnelle des ressources naturelles
: Impact des activités anthropiques (braconnage et activités agro-pastorales) sur
la faune et la flore dans le Nord-Bénin; périmètre kandi- Banikoara-kérou. Thèse
d’ingénieur agronome. FSA, UNB, Abomey-Calavi, Bénin, 172 p.
11.
SINSIN B., 1993._ Phytosociologie, écologie, valeur pastorale, production et
capacité de charge des pâturages naturels du périmètre Nikki-Kalalé au NordBénin. Thèse de doctorat en sciences agronomiques. Section Interfacultaire
d’Agronomie, Université Libre de Bruxelles, Belgique, 390 p.
12.
VIENNOT M., 1978.Notice explicative de la carte pédologique de reconnais
sance de la R.P .Bénin. Feuille de Bembéréké. ORSTOM, Paris, 45 p.
153
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Cultures et Technologies Géographie : P. 154 - 165, 2009
Utilisation de la Télédétection et des SIG
dans l’aménagement des Aires protégées.
Cas de la Forêt classée de Thiès au Sénégal.
Malick DIATTA*, Inoussa TOKO MOUHAMADOU** & Mor Awa DIENG***
Bureau Aménagement et Cartographie. Direction des Eaux et Forêts. Dakar,
Sénégal. Tel: Bureau : (221) 33 951 51 68. Tel. Portable : (221) 77 720 06 13. Email :
[email protected]
RECTAS, Obafemi Awolowo University Campus, PMB 5545, Ile-Ife, Ossun State,
Nigeria. Tel. Portables: +234 70 32 37 28 59 / + 234 80 50 50 62 49 (Nigeria); + 229
95 20 42 49 (Benin). Emails: [email protected] / [email protected] /
[email protected] / [email protected]
RECTAS, Obafemi Awolowo University Campus, PMB 5545, Ile-Ife, Osun State,
Nigeria. Tel portable: +234 8034540728 (Nigeria). Email: [email protected] /
[email protected] / [email protected]
RESUME :
La forêt classée de Thiès, à l’instar des autres forêts classées du Sénégal est confrontée
à plusieurs problèmes dus à l’effet combiné des actions anthropiques et naturelles.
Elle est caractérisée par une forte dégradation de son couvert végétal estimée à
5018,632 ha, la disparition des bornes de classement et un manque crucial de points
d’eau pendant la saison sèche. L’objectif principal de cette étude est de proposer une
nouvelle approche de gestion des forêts, basée sur l’utilisation de la Télédétection et
du SIG, en vue de leur restauration. La méthodologie adoptée est basée sur l’utilisation
de la Télédétection et des Systèmes d’Information Géographiques. Ceux-ci nous ont
permis d’effectuer des traitements numériques d’images et d’effectuer des analyses
spatiales aboutissant aux résultats suivants : - Cartes d’occupation du sol de 1990 et
2002, - Carte des zones propices à la création de points d’eau dans la forêt, - Dynamique de la forêt, traduite par une matrice de transition.
Mots clés : Télédétection, SIG, Base de Données, Gestion, Forêts Classées de Thiès.
Abstract
The forest of Thiès, like the other forests reserve of Senegal is confronted with several
problems due to the combined effects of human and natural actions. It is characterized
by a strong degradation of the vegetation cover, estimated at 5018,632 ha; the
disappearance of the classification pillars and a crucial lack of water sources during the
dry season. The main objective of the present study is the total restoration of the forest
in the nearest future. The specific objectives are many and are summarised as follow:
- Reconstruction of the forest pillars, - Identification of suitable areas for the creation of
artificial puddles, - Creation of a forest database. These allowed us to carry out digital
154
Utilisation de la Télédétection dans l’aménagement des Aires protégées.
image processing, and to perform spatial analysis in order to get the following results:
- Land cover maps of 1990 and 2002, - Maps of suitable areas for the creation of water
sources in the forest, - Dynamics of the forest, expressed by a matrix of transition.
Keywords: Remote Sensing, GIS, Database, Management, Forest reserve, Thiès
1. INTRODUCTION
1.1. Généralités
La Télédétection est la reconnaissance et l’analyse d’objets ou de phénomènes terrestres à
partir d’information énergétique enregistrée par un capteur à bord d’un vecteur (aérien
ou spatial). Et ceci dans le domaine du Visible, l’Infra-rouge et le Radar. Trois catégories
d’opérations caractérisent la Télédétection (Détection, Identification, Analyse). Les SIG
permettent d’afficher, modifier et combiner des couches d’informations géographiques
(Fond cartographiques, images) mises dans un géo-référentiel commun (WGS 84 ou
encore carroyage d’un champ de fouilles archéologiques). Ces couches d’informations
se présentent sous deux formes (couche raster et couche vecteur). Les Aires protégées
constituent les plus importants réservoirs de ressources et une source considérable de
développement économique. En effet, elles représentent dans bon nombre de pays
une source importante de devises étrangères. De nos jours, l’aménagement de ces
aires protégées est une nécessité qui interpelle l’administration forestière et exigent
d’eux une connaissance des techniques de production et de gestion de l’information
géographique.
1.2. Objectifs
L’objectif principal de cette étude est de proposer une nouvelle approche de gestion
des forêts (en général et de la foret classée de Thiès en particulier) basée sur l’utilisation
des nouvelles technologies spatiales que sont la Télédétection et les SIG, en vue de
leur restauration.
Les objectifs spécifiques sont définis comme suit :
i) Evaluer la dynamique de la forêt,
ii) Identifier les zones favorables à la création de points d’eau dans le souci de maintenir
la faune sauvage et iii) Mettre en place une base de données forestières pour une
gestion durable de cette forêt.
155
MALICK DIATTA*, INOUSSA TOKO MOUHAMADOU** & MOR AWA DIENG***
1.3. Présentation de la zone d’étude
La Foret classée de Thiès au Sénégal, a une superficie de 10645,585 ha (soit 106,455
km2). Elle est située entre 1436’00.79’’ et 1449’34.04’’ de Latitude Nord et entre
1654’10.87’’ et 1705’18.95’’ de Longitude Ouest. Spatialement, elle s’étend sur les
terroirs de POUT, BANDIA BAMBARA et THIES (Figure1).
o
o
o
o
Figure 1: Localisation de la Foret Classée de Thiès
2. MATERIEL ET METHODES
2.1. Matériel
Le matériel utilisé dans le cadre de la réalisation de cette étude est composé de : i)
Carte topographique de la forêt à l’échelle de 1/50.000, ii) Images satellitaires SPOT-XS
de 1990 et de 2002, iii) Levé terrain avec le GPS, iv) Logiciels de traitement des
données (ILWIS 3.3, ARCGIS 9.1, ARCVIEW 3.2 et Microsoft Office).
2.2. Méthodologie de recherche
2.2.1. Conception et création de la base de données relationnelles
La conception de la base de données constitue la tâche la plus ardue du processus de
développement des Système d’Information Géographiques. La modélisation se réalise
en trois étapes principales correspondant à trois niveaux d’abstraction différents :
156
Utilisation de la Télédétection dans l’aménagement des Aires protégées.
niveau conceptuel, niveau logique relationnel et niveau physique. Ici nous allons
présenter seulement le niveau conceptuel qui explique clairement notre schéma
conceptuel de la base de données relationnelles (Figure 2). Les entités prises en
compte sont : Villages, Pistes, Foret, Hydrographie, Sols et Climats. Une liste d’attributs
est attachée à chaque entité pour permettre de décrire celle-ci. Ces entités sont
reliées par des relations spatiales comme ‘’avoisinent’’, ‘’est traversée par’’, etc. selon
des cardinalités (1-N ; N-N ; etc.). La création de la base de données relationnelles a
été effective grâce au logiciel Microsoft Access qui nous a permis de réaliser les tables
ou relations au niveau de chaque entité.
Figure 2. Schéma conceptuel de la base
de donnees relationnelles
2.2.2. Traitement des images satellitaires
Au préalable, un certain nombre de prétraitement numérique comme le calage
(géoréférencement), l’amélioration de contraste et la composition colorée a été
effectue au niveau des images satellitaires. Ce prétraitement a permis l’intégration de
ces images dans le logiciel SIG ILWIS 3.3, pour la classification numérique et le calcul
de l’indice de végétation normalise (NDVI).
2.2.3. Numérisation et topologie
Cette phase de la méthodologie a permis l’extraction de l’information géographique
composé de : forêt claire/galerie, savane boisée, savane arborée-arbustive, zone
dégradée et sol nue. Cette opération a été effectuée par interprétation visuelle grâce
au logiciel ILWIS 3.3 qui a permis d’avoir le modèle topologique.
157
MALICK DIATTA*, INOUSSA TOKO MOUHAMADOU** & MOR AWA DIENG***
2.2.4. Analyses SIG
Les analyses SIG réalisées ici concernent : l’analyse dynamique de la forêt et
l’Identification des zones favorables à la création de points d’eau.
2.2.4.1. Détection de changements dans la forêt classée
- l’analyse quantitative pour quantifier l’aire d’occupation du sol de chaque unité
forestière en 1990 et en 2002 à l’aide de la fonction Histogram de ILWIS 3.3.
- l’analyse qualitative pour mieux visualiser le mécanisme de la dynamique de la forêt
grâce aux fonctions de superposition : Cross de ILWIS 3.3 (pour les données Raster) et
Intersect de ArcGIS 9.2 et ARCVIEW 3.2 (pour les données vecteur).
L’analyse de la dynamique de la forêt a été aussi rendue possible par l’utilisation de la
fonction MAP CALCULATION d’ILWIS3.3. Cette dernière a permis d’afficher
simultanément sur une même carte, l’occupation du sol de chaque unité forestière en
1990 et en 2002.
2.2.4.2. Identification des zones favorables à la création de points d’eau
Le choix de ces zones a été le résultat d’analyses de superposition des couches de
différents critères (végétation, type de sol, morphologie, position et zone).
Ces couches ont été déterminées en utilisant un certain nombre de fonctions SIG puis
combinées pour obtenir le résultat définitif (zones favorables).
Il s’agit des fonctions :
- extract de ArcGIS 9.2 sous le menu ArcToolbox pour la végétation . Cette fonction
a permis d’extraire à partir de la carte d’occupation du sol de 2002 les zones boisées
faisant office d’habitat de la faune,
- contour interpolation de ILWIS 3.3, qui a permis la génération du Modèle Numérique de Terrain (MNT) pour la morphologie,
- slope de ILWIS 3.3 pour la détermination de la pente et son regroupement en 5
classes selon un domaine de type group, concernant toujours la morphologie,
- Le filtre D2FDXDY a été utilisé au préalable pour déterminer les formes concaves et
convexes du terrain.
- Flow accumulation de ILWIS3.3, a permis de déterminer les zones d’accumulation
des eaux. L’exploitation de la fenêtre Pixel information a permis de savoir que les
zones d’accumulation sont comprises entre les valeurs 1 et 17. Ainsi, sur la base de ces
données une classification de la carte a été effectuée à l’aide de la fonction Map
Calculation. Ceci, dans le soucis majeur de mettre en relief les parties convenables
(bonne) et non convenables (médiocre ou mauvaise). La syntaxe utilisée est la
suivante :
Zone= iff (accumulation<=17,’’bonne’’, iff (accumulation>17, médiocre’’,’’mauvaise’’))
158
Utilisation de la Télédétection dans l’aménagement des Aires protégées.
3. RESULTATS ET DISCUSSION.
3.1. Résultats
3.1.1. Calcul de l’Indice de végétation normalise (NDVI)
Figure 3 : Image SPOTXS en
Infrarouge fausse couleur de la
Forêt Classée de Thiès
Figure 4 : Image SPOTXS en
pseudo couleur de la Forêt
Classée de Thiès naturelle
Figure 5. Indice de végétation
normalisé (NDVI) de la Forêt Classée
de Thiès.
3.1.2. Détection de changements dans la forêt classée
159
MALICK DIATTA*, INOUSSA TOKO MOUHAMADOU** & MOR AWA DIENG***
Tableau I : Table d’attributs de
la base de données spatiales de
la dynamique de la Foret classée
de Thiès
Figure 6c. Dynamique de la
Foret Classée de Thiès entre
1990 et 2002
Tableau II : Superficies des unités d’occupation du Sol (1990 et 2002)
160
Utilisation de la Télédétection dans l’aménagement des Aires protégées.
Tableau III : Accroissement des unités d’occupation du sol entre 1990 et 2002.
Tableau IV: Matrice de transition de la dynamique de la forêt classée de Thiés.
161
MALICK DIATTA*, INOUSSA TOKO MOUHAMADOU** & MOR AWA DIENG***
3.1.3. Identification des zones favorables à la création de points d’eau
Figure 9. Classification des pentes de
la forêt classée de Thiès
Figure 8. Habitat de la faune
dans la forêt classée de Thiès
162
Utilisation de la Télédétection dans l’aménagement des Aires protégées.
Figure 10. Morphologie du terrain dans la forêt classée de Thiès
Figure 11. Classification des zones d’accumulation des eaux dans
la forêt classée de Thiès
Les zones favorables constituent une couche hybride, résultant de la combinaison des
4 couches précédentes (Figure 8, Figure 9, Figure 10 et Figure 11), à l’aide de la
fonction cross d’ILWIS. Deux couches sont au préalable combinées. Le résultat obtenu est par la suite combiné à la troisième couche pour obtenir une nouvelle couche
contenant tous les attributs de ces 3 couches. Celle-ci est enfin, combinée à la 4ème
couche pour donner naissance à la couche finale qui constitue la zone favorable à la
création des points d’eau. Le résultat final sera une couche qui remplira toutes les
conditions requises et prédéfinies pour abriter un point d’eau. Ces conditions sont : zone concave ou plate, - sols hydromorphes ou lessivés cuirasse profonde ou peu
profonde, - zone boisée, ou faiblement dégradée pour l’avifaune et la petite faune et,
- zone à bonne accumulation d’eau.
Figure 13. Localisation des points d’eau dans
la forêt classée de Thiès
Figure 12. Zones favorables à la création de
points d’eau dans la forêt classée de Thiès
163
MALICK DIATTA*, INOUSSA TOKO MOUHAMADOU** & MOR AWA DIENG***
3.2. Discussion
L’analyse de la matrice de transition (Tableau IV) a montré que la forêt claire est la plus
affectée par la dégradation. Ceci s’explique par la qualité du potentiel ligneux que
renferme cette unité. Ce potentiel constitue une source d’attraction des populations
qui l’utilisent à des fins diverses (habitation, bois de chauffe, bois d’œuvre etc.). Par
ailleurs nous avons aussi remarqué que la forêt galerie n’est pas affectée par les zones
nues. Ceci peut être expliqué par le fait que ces zones présentent toujours des conditions
favorables (influence de l’humidité) à la régénération naturelle. C’est ainsi qu’après
exploitation des ressources forestières, il y aura toujours des repousses. La détermination
des zones favorables à la création de points d’eau a pris en compte des critères
comme : végétation (habitat de la faune), morphologie concave du terrain, pente
faible du terrain et zones d’accumulation des eaux.
3.3. Projection dans le temps
Ainsi, dans le cadre des programmes de sensibilisation des populations limitrophes sur
les conséquences négatives de la dégradation d’une forêt, et aussi dans le souci majeur d’attirer l’attention des autorités locales sur l’éventuelle disparition de cette forêt
dans un avenir proche, si aucune mesure palliative ne serait prises, des analyses de
projections ultérieures seront faites pour connaître la physionomie de cette forêt en
un temps donné si cette tendance se maintient. En règle générale, la formule
suivante est utilisée pour faire ces analyses de projections dans le temps:
Pr = [Acc (ha)/an*T] +S
Avec : Pr = projection ; Acc (ha)/an = Accroissement annuelle de l’unité concernée; T
= La période de transition exprimée en Années ; S = Superficie de la dernière année
d’étude en hectare (ha).
Exemple : Quelle serait la superficie des zones dégradées (Zones dégradées et zones
nues) à l’an 2015 et 2020 ?
Tableau V : Projection de la dégradation de la foret de Thiès en 2015 et 2020
Remarque : La dégradation de la forêt sera de 75,13% en 2015 et de 85,91% en 2020.
164
Utilisation de la Télédétection dans l’aménagement des Aires protégées.
4. Conclusion
Au terme de notre étude, nous avons remarqué que la forêt classée de Thiès, est
caractérisée par une forte dégradation de son couvert végétal. Cette dégradation est
en grande partie d’ordre anthropique du fait que la forêt constitue une source
d’approvisionnement en bois d’œuvre, bois de chauffe et de pâturages pour la
population. La détermination des zones favorables à la création des points d’eau et la
projection de la degradation de la forêt ont été possible grâce aux analyses SIG.
5. Bibliographie
- Diatta, M. (2007) : Application de la Télédétection et des Systèmes d’Information
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Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Cultures et Technologies Géographie : P. 165 - 174, 2009
Maitrise de l’eau, production du riz et
produits maraichers dans le périmètre
irrigué de Baguinéda (Mali)
Imorou OUOROU BARRE, HOUSSOU S. CHRISTOPHE et AFOUDA Fulgence
Email : [email protected];
[email protected];[email protected];Tél : 97727732 / 90149877
Laboratoire des Climats, Eaux, Ecosystèmes et Développement FLASH-UAC
Résumé
Cette étude est une contribution à l’étude des impacts de la baisse des hauteurs
pluviométriques sur les activités agricoles à Baguinéda au Mali. Les hauteurs
pluviométriques des années (1950-1990) et les statistiques agricoles entrainent un
impact sur les rendements agricoles. Les paysans enregistrent des crues très faibles
qui influent sur la production du riz et des cultures maraîchers à Baguinéda. Ces crues
très faibles proviennent de la baisse des hauteurs de pluie est, et contribuent aux
faibles rendements agricoles.
En réaction à une telle situation, des changements profonds sont observés dans l’organisation des activités agricoles. L’Office du Périmètre Irrigué de Baguinéda (OPIB) et
les paysans ont développé des stratégies d’adaptation. Parmi ces stratégies figurent :
l’aménagement et l’entretien des canaux, digues et diguettes ; l’encadrement des
paysans ; l’aménagement et l’augmentation des emblavures ; l’accompagnement des
paysans à travers la subvention des intrants.
Mots clés : Baguinéda ; Maîtrise de l’eau ; Production ; Adaptation.
Abstract
This study falls under the framework of the control water and the various agricultural
activities undertaken by the populations of district of Baguinéda. It is a contribution to
the study of the impacts of pluviometric heights on the agricultural activities of
Baguinéda populations. The analysis of the rainfall records of the years (1950-1990), of
the stopping of the brushes located on the Niger river which makes it possible to
derive water in the arranged channel and the agricultural statistics show an increase in
the agricultural outputs. Nevertheless, the peasants record very weak risings that
involve a very low flow of Niger River (1983). This fall of height rain is also responsible
of agricultural poor yield.
166
Maitrise de l’eau, production du riz et produits maraichers dans le perimetre irrigue de baguineda (mali)
In reaction to such a situation, major changes are observed in the organization of the
agricultural activities. The Office of Baguinéda Perimeter Irrigated (OPIB) and the
peasants developed strategies of adaptation. Among these strategies appear: the
installation and the maintenance of the channels, dams and small floodbanks; the
framing of the peasants; the installation and increase in emblavures; accompaniment
of the peasants by the subsidy of the inputs.
Key words: Baguinéda; water control; Production; Adaptation
Introduction
L’eau constitue l’élément fondamental qui conditionne la vie des végétaux et des
êtres humains. Toute modification brusque caractérisée par l’absence, la rareté, l’excès
ou la mauvaise répartition spatio-temporelle des pluies est génératrice de crises sociales et économiques (François et al ; 1991). Les dernières décennies, au Mali, ont été
marquées par une irrégularité des pluies, la mauvaise répartition spatio-temporelle
des précipitations et la diminution du nombre de jours de pluies. Cette situation a
entraîné la baisse sensible de la production du riz et des produits maraîchers au Mali en
particulier dans la commune rurale de Baguinéda ayant pour corollaire l’augmentation
de déficit alimentaire (FAO, 1995; PNUD, 2000). La commune de Baguinéda couvre
une superficie de 987,04 Kmet est limitée au nord par les communes de Tienfa et de
Koulikoro, au sud par les communes de Mountougoula et de N’gouraba, à l’est par la
commune rurale de Binko, à l’ouest par la commune de Kalaban-coro et la commune
VI du district de Bamako.
2
Le fleuve Niger constitue la source d’alimentation en eau d’irrigation du périmètre de
Baguinéda. A partir du barrage sur le Niger, le courant d’eau dérive dans le canal
d’amenée, qui dessert simultanément la centrale hydro-électrique de Sotuba, la prise
de restitution de Baguinéda et suit le canal principal du périmètre. La régularisation de
ce canal se fait par l’amont en sept (7) ouvrages régulateurs équipées de vannes et de
déversoirs qui permettent de régler le débit et le niveau d’eau. Ce canal principal
dessert quarante deux (42) prises secondaires équipées de vannes. Ces canaux
secondaires implantés dans le sens de la plus grande pente alimentent les canaux
tertiaires de part et d’autres. Les tertiaires sont implantés selon les courbes de niveaux,
ils alimentent les quaternaires que d’un seul côté ; qui a leur tour donnent d’eau aux
parcelles de part et d’autres pour le drainage, le circuit hydraulique part des rigoles
puis les drains secondaires, les drains tertiaires et se termine par les collecteurs.
Les populations de la commune rurale de Baguinéda vivent essentiellement des produits
de l’agriculture, le maraîchage, la pêche viennent ensuite l’élevage, le commerce et
l’artisanat. La zone d’intervention de l’OPIB (Office du Périmètre Irriguée de Baguinéda)
couvre 22609 ha comprenant :
167
IMOROU OUOROU BARRE, HOUSSOU S. CHRISTOPHE ET AFOUDA FULGENCE
un aménagement hydro-agricole permettant d’irriguer 2352 ha ;
une zone exondée d’une superficie de 17819 ha occupée par les cultures
sèches (mil, sorgho, arachide, maïs etc.….)
Dans ce contexte, une étude sur la maîtrise de l’eau, la production du riz et des
produits maraîchers serait importante pour une prévision des risques pluviométriques
à Baguinéda. Elle permettra de faire une analyse des impacts de la variabilité
pluviométrique et hydrologique sur les cultures dans la commune de Baguinéda.
I- Démarche méthodologique
La démarche méthodologique utilisée dans le cadre de l’étude a consisté à la collecte
des données (pluviométriques et agricoles) à l’OPIB à la Direction Nationale de
l’Agriculture (DNA) et l’investigation socio-anthropologique a été effectuée dans la
commune de Baguinéda. Après la collecte des données, l’étape suivante est le
traitement, l’analyse et l’interprétation des résultats.
1.1- Données
Les données pluviométriques constituées des hauteurs de pluie des stations de
Ségou, Sikasso et Bougouni de 1950-1990 ont été utilisées. Par ailleurs, les statistiques
agricoles issues des compendiums de l’OPIB et de la Direction Nationale de l’Agriculture
(DNA) ont permis d’étudier l’évolution de la production des céréales et des produits
maraîchers dans la commune de Baguinéda.
1.2- Méthode de traitement
Le traitement des données pluviométriques inter-décennal au niveau des stations de
Ségou, Sikasso et Bougouni de 1950-1990 a été possible grâce au logiciel excel.
L’utilisation de cette démarche méthodologique a permis d’analyser les résultas
suivants.
II- Résultats
L’évolution des hauteurs de pluie sur la période 1950-1990 est présentée comme suit (figure).
Figure 1 : Evolution décennale de la
pluviométrie annuelle à Ségou,
Sikasso et Bougouni de 1950-1990
(Mali)
168
Maitrise de l’eau, production du riz et produits maraichers dans le perimetre irrigue de baguineda (mali)
Cette figure montre l’évolution décennale de la pluviométrie annuelle à Ségou, Sikasso
et Bougouni. On observe une baisse progressive des hauteurs de pluie de 1950 à
1990, ce qui impacte la production du riz et des produits maraîchers dans la région.
2.1 – Perception des paysans sur l’évolution du climat
Le tableau II présente une synthèse sur la perception des paysans sur l’évolution du climat.
Tableau II: Synthèse des perceptions paysannes sur l’évolution du climat
Source : Enquête de terrain, août 2008
Cette péjoration climatique amène les paysans à adopter des stratégies adaptatives à
la situation notamment en profitant du fleuve Niger.
2.2 - Stratégies d’adaptation
Dans le but de palier les effets de la péjoration pluviométrique sur les activités agricoles,
les stratégies d’adaptation ont été développés par l’OPIB dans la commune de
Baguinéda. Parmi ces stratégies figurent la maîtrise de l’eau, l’utilisation d’engrais et la
production des cultures maraîchères.
2.2.1 Maîtrise de l’eau
Le schéma d’aménagement du périmètre hydro-agricole de Baguinéda est composé
comme suit :
le barrage des aigrettes, situé sur le fleuve Niger permet de dériver l’eau dans
le chenal d’amenée (chenal commun au central hydro-électrique de Sotuba et
au périmètre de Baguinéda) ;
la prise de restitution du périmètre suivi des canaux d’alimentation, de drainage
et des ouvrages connexes (planche photographique 1).
169
IMOROU OUOROU BARRE, HOUSSOU S. CHRISTOPHE ET AFOUDA FULGENCE
Planche photographique 1 : Barrage de Sotuba (1) ; déviation de l’eau dans le
chenal d’amenée (2) ; barrage des aigrettes (3) ; centrale hydro-électrique de Sotuba
(4) ; passage de l’eau dans le canal principal (5) et enfin canal principal (6).
Source : Cliché OUOROU B., août 2008 à Sotuba Bamako
Cette maîtrise de l’eau permet aux paysans de faire face aux exigences hydriques des
cultures en général et plus particulièrement la culture du riz.
Dans le but de répondre à l’insuffisance des hauteurs de pluies, l’Office du Périmètre
Irrigué de Baguinéda à mis en valeur le fleuve Niger qui traverse sa commune en
réalisant les infrastructures hydro agricoles
Le canal principal long de 44 km traverse la commune de Baguinéda. Il dispose des
sections variables, 42 canaux secondaires totalisant 50,766 km et les canaux tertiaires
de 144,69 km. Ces canaux permettent la canalisation de l’eau et facilitent le passage
de l’eau d’une parcelle à une autre pendant les activités agricoles. La division des
parcelles cultivables en carreaux facilite la mise en boue des soles (carreaux) et surtout
le drainage de l’eau pendant l’hivernage (Planche photographique 2).
170
Maitrise de l’eau, production du riz et produits maraichers dans le perimetre irrigue de baguineda (mali)
Planche photographique 2 : Traversé de l’eau du canal principal au canal secondaire numéro neuf de Kabalakoro (7) ; passage de l’eau du secondaire au tertiaire (8)
; passage de l’eau dans les carreaux (9) ; mise en boue des parcelles (10) ; repiquage
du riz par les femmes (11) et le collecteur qui conduit l’eau dans le fleuve (12).
Source : Cliché OUOROU B., août 2008 à Kabalakoro (Baguinéda/ Mali)
Photo 13 : Plan parcellaire du canal secondaire de Baguinéda 6
Source : Cliché OUOROU B., août 2008 à Kabalakoro (Baguinéda/ Mali)
171
IMOROU OUOROU BARRE, HOUSSOU S. CHRISTOPHE ET AFOUDA FULGENCE
La planche photographique 2 et la photo 13 illustrent les différents passages de l’eau
lors des travaux agricoles dans le périmètre irrigué de Baguinéda avant d’être récupéré par les collecteurs et continuer son parcours sur le fleuve Niger. Ces infrastructures permettent de cultiver le riz deux fois l’année dans la commune de Baguinéda
et ses environs.
2.2.2 Utilisation d’engrais
Dans l’optique de faire face aux faibles taux des rendements agricoles suite à la
variabilité pluviométrique et l’exploitation accrue des sols et de leur épuisement, les
paysans utilisent des fertilisants comme :
la fumure organique ;
la fumure minérale.
% Les fumures organiques, les plus utilisées sont : le fumier de ferme, le compost, la
fiente de volaille.
Pour la production du riz la quantité de fumure organique utilisée varie selon sa
composition. Ce fertilisant est plus utilisé par les paysans pour la raison quelle provient des animaux domestiques et demande moins de moyen financier que la fumure minérale. En riziculture il faut cinq (5) tonnes de compost et dix (10) tonnes de
fumier de ferme par hectare. Dans la zone du périmètre irrigué il faut :
100 à150 kg de DAP/ha à épandre avant le repiquage ;
222 è 250 kg d’urée/ha en deux fractions ;
La 1 fraction à épandre, 15 jours après le repiquage.
La 2 fraction à épandre, 30 jours après repiquage.
Il faut signaler que la teneur en NPK (phosphate d’ammonium) organique varie selon
le fumier. Le tableau III présente une synthèse en teneur de NPK par fumier.
ère
ème
Tableau III : Teneur en NPK par fumier
Source : Salimata DIARRA, 2007 et enquête de terrain août 2008
172
Maitrise de l’eau, production du riz et produits maraichers dans le perimetre irrigue de baguineda (mali)
% La fumure minérale
le fumier minéral (le DAP) et le complexe urée sont les plus importantes. Le premier
est utilisé comme engrais de fond et le deuxième est considéré comme engrais de
couverture en apport de 100 à 150 kg/ha de DAP utilisé avant ou après le repiquage.
L’urée est apportée à raison de 250 kg/ha en deux (2) fractions :
la 1 fraction : est apportée 15 jours après le repiquage à la dose de 100 kg/ha
qui favorise le tallage et le développement du plant ;
La 2 fraction 100 kg/ha à l’initiation paniculaire.
ère
ème
2.2.3 Produits maraîchers
Les populations de Baguinéda vivent principalement des produits de l’agriculture. Le
maraîchage et l’arboriculture sont aussi pratiqués avec une production hautement
appréciable (Planche photographique 3). Il est pratiqué pendant toute la saison sèche
sans exception par les jeunes, les adultes et en grande partie par les femmes. Ces
activités sont plus pratiquées dans la zone du périmètre irrigué et bénéficient des
fumures surtout organiques.
Planche photographique 3 : Plantation de bananes (14) ; tas de mulon (15) et plantation d’orangers (16)
Source : Cliché OUOROU B., août 2008 à Baguinéda
Après les stratégies d’adaptation développées par les paysans, vue l’insuffisance de
ces stratégies adoptées, des mesures correctives sont proposées.
2.2.4 - Mesures préconisées
Conclusion
Cette étude a permis de constater une tendance à la baisse des hauteurs
pluviométriques à Baguinéda. La baisse des hauteurs de pluie, qui est source des
déséquilibres agricoles, les paysans développent des stratégies d’adaptation. C’est
ainsi que la généralisation des cultures de riz à cycle végétatif court se développe. La
maîtrise de l’eau, la culture du riz par la mise en boue et en carreau des surfaces
emblavées et les cultures en association se développent pour répondre à l’insuffi173
IMOROU OUOROU BARRE, HOUSSOU S. CHRISTOPHE ET AFOUDA FULGENCE
sance d’eau. L’utilisation de l’engrais, l’augmentation des emblavures font partie intégrante du système d’adaptation des populations.
Référence bibliographique
ALPHA G.S. 1988 : Crises alimentaires et stratégies de subsistance en Afrique Sahélienne (Burkina Faso, Mali, Niger). Thèse de doctorat en 4 vol, Université de Paris VII,
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BOUDET, G. 1972: Projet de développement de l’élevage dans la région de Mopti
(République du Mali).
NICOT M., 1986 : Evolution de la pluviométrie au Mali depuis le début des données.
Mémoire de maîtrise ; Université Paris X ; UER de géographie.
OUOROU B. I., 2007 : Variabilité climatique et production vivrière dans la commune de
Tanguiéta 75p.
PDC 2002 : Plan de Développement Communale de Baguinéda 96p.
SALIMATA D., 2007 : Rapport de fin de stage pour l’obtention du diplôme d’agent
technique d’agriculture.
174
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Cultures et Technologies Géographie : P. 175 - 188,2009
Prospects for Geoinformatics-based Precision
Farming in a Savanna River Basin, Nigeria
Momoh L. RILWANI* & Isi A. IKHUORIA**
*Department of Geography and Regional Planning, Ambrose Alli University, P.M.B.
14 Ekpoma, Edo State, Nigeria
**Department of Geography and Regional Planning, University of Benin, Benin City,
Edo State, Nigeria
E-Mail: [email protected] ; [email protected]
Abstract
A geoinformatics based land suitability assessment approach was used to examine the
prospects for precision farming in a Savannah River basin, in Nigeria. The procedure
involved the overlay analysis of land use land cover characteristics interpreted on
Landsat TM imagery and physic-chemical soil properties and nutrient attributes in line
with FAO suitability guidelines and models. The empirical analysis revealed areas of
high, moderate and marginal suitability for the cultivation of maize, yam, cassava and
oil palm in the basin. The critical advantages of geo-information science technology
for precision farming in a developing economy such as Nigeria were highlighted.
Keywords: Remote Sensing, GIS, Land Suitability, Precision Farming
Résumé:
Une approche d’évaluation de l’aptitude des sols basée sur la Géomatique a été utilisée
pour examiner les avantages de précision liés à l’agriculture dans un Bassin versant en
savane au Nigeria. La procédure a consisté en une analyse combinée des caractéristiques
d’utilisation des sols et d’occupation des terres par interprétation d’imagerie Landsat
TM, des attributs relatifs aux propriétés physico-chimiques et aux substances en
conformité avec les références et modèles d’aptitude de la FAO. L’analyse empirique
a révélé des surfaces d’aptitude haute, moyenne et marginale pour la culture du maïs,
de l’igname, du manioc et de l’huile de palme dans le bassin. L’accent a été surtout mis
sur l’avantage critique de la technologie de gestion de l’Information Géographique de
manière précise pour l’agriculture dans une économie en développement comme
celle du Nigeria.
Mots clés : Télédétection, SIG, aptitude des sols, précision en agriculture
Introduction
A fundamental problem of agricultural development in Nigeria is poor knowledge and
appraisal of the suitability of parcels of lands for agricultural production (Rilwani and
175
Prospects for Geoinformatics-based Precision Farming in a Savanna River Basin, Nigeria
Ikhuoria, 2006). This has adverse implications for agricultural development since the
bulk of agricultural production takes place under traditional systems where soil fertility
is a key component. The consequence is unguided and indiscriminate use of agricultural
land which has tended to perpetuate a myriad of environmental problems and indices
of underdevelopment including poor land management practices, high costs of production, low yield and poverty. To address these problems it is necessary that spatial
digital data that provide inventory of agricultural resources and in particular identifies
the location, nature and suitability of specific parcels of land for crop production and as
well enables temporal monitoring, be put in place as basis for planning and decision making.
The traditional (or conventional) analogue methods of collecting, analysing, storing
and updating spatial data on agricultural land potentials in Nigeria have become
inadequate and inefficient to meet the current challenge of producing more food to
feed the teeming masses and diversify the economic base, in the face of unstable
earnings from oil. Therefore, the need to adopt relevant methods for the provision and
updating of data and information on the environment and its agricultural potentials,
with the changes and transformations that are taking place is rife. This is the place of
Geoinformatics.
Geoinfomatics uses remote sensing, global positioning system (GPS) and geographic
information systems (GIS) principles and products to collect, analyse and define
agricultural suitability areas for precision farming (Rilwani and Ikhuoria, 2006).
Geoinformatic tools are used in the collection, processing, manipulation and analysis
of spatial data into information tied explicitly to, and used to make decisions, about
portions of the earth and environmental problems (DeMers, 1997). The techniques
include all stages of data collection, data processing, data base management, data
analysis and modelling and data presentation, to end use in the creation of maps and
spatial information products.
The objective of this paper is to show how geoinformatics approach can be used to
identify and analyse the suitability of parcels of land for precision crop farming. In the
remaining part of the paper, an empirical research on geoinformatics based land
suitability assessment to demonstrate the prospects for precision farming of maize,
cassava, yam and oil crops in Orle River basin located in the Derived Savanna ecological
zone (Figures 1 and 2) in Nigeria, is presented.
176
MOMOH L. RILWANI* & ISI A. IKHUORIA**
Figure 2: Area of Study superimposed on satellite imagery
Methodology
The methodology involved the extraction of relevant spatial data from topographical
maps, interpretation of remotely sensed data, and field surveys. Physical and cultural
features such as rivers, roads, settlements and their names were digitized from
1:100,000 topographic maps of the area of study. This dataset formed the base map on
which other spatial and attribute data were superimposed and geo-referenced.
However, the topographic map was rather obsolete (published in 1964), thus the
177
Prospects for Geoinformatics-based Precision Farming in a Savanna River Basin, Nigeria
physical features were updated with information from the satellite remote sensing
data. The spatial and attribute data sets were analysed in Arcview and Idrisi GIS
environment. The general procedure involved:
Image Interpretation and Classification: Land use and land cover data were interpreted
visually and digitised on-screen in ArcView GIS environment from the satellite imagery
(Landsat TM, obtained in the year 2000). This was done through the identification and
delineation of land use and land cover categories i.e. identifying and mapping areas
with similar characteristics using the standard elements of tones, texture, contrast,
patterns and shapes; as well as an adaptation of the 1993/95 vegetation and land use
classification scheme (Table 1) of the Forest Resources, Monitoring, Evaluation and Coordination Unit (FORMECU) of the Federal Ministry of Agriculture.
Table 1: Land use and land cover classification scheme
Soil Survey and Analysis: A 10km x 10km grid system superimposed on Fagbami (1985)
and Fagbami and Fapohunda (1986) soil/land type map of the area of study was used
as the soil sampling framework. Thirty-nine (39) cells were systematically selected for
soil sampling in a manner that ensured adequate coverage of all the soil/land types in
the basin. A total of 117 samples were collected from sites in the basin at depths of
0-15cm, 15-30cm and
30-60cm. The sampling grid conformed to Dent and Young (1981) recommendation
for a large-scale intensive survey in areas of complex soil pattern (Derived Savanna
zone). The soil samples were analyzed at the Chemistry Laboratory of the Nigerian
Institute for Oil Palm Research (NIFOR) for the p, carbon (C), nitrogen (N), sodium (Na),
potassium (K), magnesium (Mg) and calcium (Ca), as well as clay, silt and sand contents.
Data Manipulation: Data manipulation involved the computation of mean values of
soil samples collected at different sites and at varying depths, as well as a transformation of the GPS and satellite coordinate systems. In this regard, the mean values of
firstly the samples collected at 0-15cm and 15-30cm and secondly, the three soil
samples collected at 0-15cm, 15-30cm and 30-60cm at each site were determined:
The first set of data was used to establish suitability classes for maize, cassava and yam
because they are shallow rooted crops, while the second set was used to establish
178
H
MOMOH L. RILWANI* & ISI A. IKHUORIA**
suitability classes for oil palm crop which has deep roots.
In order to integrate the spatial data from different sources, a coordinate transformation of the GPS and satellite datasets were made to the Nigerian (National) Traverse
Mercator (NTM) coordinate system.
Data Entry and Integration: As noted earlier, spatial data were entered through
on-screen manual digitising of points, lines, and polygons in Arcview. For
instance, the outline as well as the drainage characteristics of the basin were
digitised from the satellite imagery and stored as outline/drainage data layer.
Similarly, the GPS positions of soil sampling points and elevation above sea
level were entered directly through the keyboard (Arcview GIS accepts simple data entry on the keyboard). The soil sampling points was stored as soil
sampling point’s layer, while the elevation data was stored as elevation data
layer. Attribute data were entered in a tabular format to conform to the
relational structure in Arcview GIS environment. Data entered in this form
are:
•
Mean soil data of the three samples collected at each sampling point.
•
Toponyms (names) of rivers, settlements among others.
Thus, each table created contained attributes for objects in each spatial layer. The
various spatial layers were brought together, and their corresponding attributes linked
accordingly to them within the Arcview GIS platform, to create the final data analysis layer.
Data Analyses: The suitability classification model in Figure 3 illustrates the procedure
adopted in the analysis. Established query or suitability ratings (Table 2) were prepared
from established crop requirements to diagnose the land suitability for maize, cassava,
yam and oil palm cultivation. Thus, arcview and Idirisi GIS were used to integrate and
perform the diagnostic queries of the spatial and attribute data sets by digitally
comparing the soil characteristics of the sampled cells based on a buffer of 10 km
radius, with the suitability ratings and indices for the selected crops. Overlay and
intersection functions were then applied to the thematic layers comprising soil
suitability indices layer, land use, land cover layer and elevation data layer, to create the
respective crops suitability areas on the basis of suitability model of Dent and Young
(1981) shown in Table 3. When the crops were considered together, the areas of
optimal suitability to support high, moderate, and marginal productivity of maize,
cassava, yam or oil palm was established.
Dent and young (1981) suitability model is based on FAO (1976) framework for land
evaluation, with additional details about evaluation for specific crops and land utilisation types. Table 3 illustrates the suitability classes devised for the common case of
land evaluation for specific crops under rainfed agriculture.
The step-wise analysis was:
•
Creation of buffer zones of 10 km radius around the soil sampling points. A
buffer of 10km radius was used to ensure adequate coverage of the area of the study.
This is because the soil-sampling framework that ensured full coverage of the soil/land
types in the area of study was based on a 10km by 10km grid network.
179
Prospects for Geoinformatics-based Precision Farming in a Savanna River Basin, Nigeria
Table 2: Suitability rating scale for maize, cassava, yam and oil palm crops
Source: FAO, 1976, Gbadegesin and Nwagu, 1996, Onasanya and Ogunkunle 1995 (for maize): FAO, 1965 cited in
Aiboni and Ogunkunle, 1998 for cassava and yam: FAO, 1976 and NIFOR, 1995 (for oil palm).
180
MOMOH L. RILWANI* & ISI A. IKHUORIA**
Table 3: Definition of Suitability Classes
Figure 3: Suitability classification model
•
•
•
•
•
Assigning values (i. e. population) to the buffer points. This process involved
the allocation of attribute values of the soil nutrient parameters to each of the
buffer point.
Merging of the populated buffer points to ensure adequate coverage of the
River basins.
Union of the merged populated buffer points with the land use/land cover
maps to create the final analysis layer.
Union of the elevation data with the final analysis layers.
Generation of query tables to facilitate the query of suitability for each of the
listed crops. The query tables were derived from established requirements of
the crops of interest (see rating scales in Table 5). For maize, the soil properties
rated (according to FAO, 1976; Gbadegesin and Nwagu, 1996; Onasanya and
181
Prospects for Geoinformatics-based Precision Farming in a Savanna River Basin, Nigeria
•
•
•
Ogunkunle, 1995) are total nitrogen, phosphorous, potassium, pH, and organic
matter. For cassava and yam, the soil properties rated are total nitrogen, available
phosphorous, exchangeable potassium, and organic matter (FAO, 1965 cited in
Aiboni and Ogunkunle, 1998). For oil palm, the properties considered are
nitrogen, magnesium, and potassium (FAO, 1976; NIFOR, 1995).
A query table associated with each crop of interest was linked to the final
analysis layer to classify the basins into suitability classes, using Dent and young
(1981) suitability model.
Production of thematic (class) maps, which shows for each crop the various
suitability areas classified as well as a combination of all the suitability areas.
Production of tabular summaries of attribute of the thematic (class) maps.
In the final analysis, the results of land use suitability classification were
integrated with information from attribute data. For instance physical attributes,
such as rainfall and topographic characteristics, vegetation, crops grown and
farming systems were analysed in relation to the suitability classes.
Results
The suitability classification for this study was based on Dent and young (1981) suitability
model (derived from FAO, 1976 framework for land evaluation) for specific crops
under rainfed agriculture. The classes are defined in terms of two parallel sets of
criteria: the amount by which crop yields will be reduced in the absence of inputs
specific to a land quality or limitation, and the inputs or special management practices
needed to overcome a limitation. For example, (S1), the highly suitable class implies
that the expected crop yields as a percentage of yields under optimal conditions, in
the absence of inputs specific to the land quality considered is currently over 80%:
Thus no inputs are required to optimise productivity. For (S2), the moderately suitable
class, the expected crop yields, as a percentage of yields under optimal conditions, in
the absence of inputs specific to the land quality considered is currently between 40
– 80%: Therefore, inputs which are likely to be both practicable and economic are
necessary to achieve over 80% of those under optimal conditions. The marginally
suitable class (S3) currently can achieve only 20 – 40% of expected crop yields as a
percentage of yields under optimal conditions, in the absence inputs specific to the
land quality considered: The inputs necessary to achieve over 80% of those under
optimal conditions may be practicable, but only economic under favourable
circumstances. For (N), not suitable, the current expected yields, as a percentage of
yields under optimal conditions in the absence of inputs specific to the land quality
considered is under 20%, a limitation that can rarely or never be overcome by inputs or
management practices.
On the basis of the above interpretation spatial data (soil nutrient parameter data, land
use and land cover data and elevation data) were integrated in Arcview and Idirisi GIS
environment to classify Orle River basin into seven suitability classes. These as presented
in Table 4 and Figures 4 are area highly suitable for oil palm production (94,425 ha or
28.62 percent of the basin); area moderately suitable for maize, cassava, yam or oil
182
MOMOH L. RILWANI* & ISI A. IKHUORIA**
palm (25,355 ha or 7.69 percent of the basin); area moderately suitable for maize or oil
palm (15,138 ha, or 4.59 percent of the basin) and area moderately suitable for maize,
cassava or yam (25, 664 ha, or 7.78 percent of the basin). Others are area moderately
suitable for maize (70,817 ha or 21.47 percent of the basin); area moderately suitable
for cassava or yam (23,782 ha or 7.21 percent of the basin) and area marginally suitable
for maize, cassava, yam or oil palm (72,323 ha or 21.93 percent of the basin). The
remaining part of the basin (23.27 ha, or 0.71 percent) is made up of settlements.
Table 4: Attributes of suitability classes for maize, cassava, yam or oil palm production in Orle River basin
Figure 4: Suitability map for maize, cassava,
yam or oil production in Orle River basin
The area that is highly suitable for oil palm production has elevation that ranges from
82m to 362m, with a mean of 186m above sea level. Table 5 shows that the dominant
land use, land cover class in the area is cropland, with 86,854 ha, accounting for 91.98
percent of the area. Other land use, land cover classes are low forest (3,889 ha or 4.12
percent), rice and maize plantation (1,981 ha or 2.09 percent), riparian forest (1,670
ha or 1.77 percent) and high forest (31 ha or 0.03 percent).
183
Prospects for Geoinformatics-based Precision Farming in a Savanna River Basin, Nigeria
Table 5: Attributes of area highly suitable for oil palm production in Orle River basin
Source: Field Survey, 2005
The area that is moderately suitable for maize, cassava, yam or oil palm production
which comes next has elevation range from 240m to 345m, with a mean of 278m
above sea level. The associated land use land cover classes are cropland and low forest.
Cropland with a cover of 22,845 ha accounts for 97.99 percent of the area, while low
forest with 510 ha covers the remaining 2.01 percent (Table 6).
Table 6: Attributes of area moderately suitable for maize, cassava yam or oil palm production in Orle River basin
Source: Field Survey, 2005
The elevation range in the area moderately suitable for maize, cassava or yam production is from 61m to 204m above sea level, with a mean of 120m. The associated land
use and land cover classes are cropland, low forest and riparian forest. Cropland with
an area of 20,324 ha covers 79.19 percent; low forest, which has an area 4,264 ha
covers 16.61 percent, while riparian forest cover is 1,076 ha or 4.19 percent (Table 8)
Table 8: Attributes of area moderately suitable for maize, cassava or yam production in Orle River basin
Source: Field Survey, 2005
184
MOMOH L. RILWANI* & ISI A. IKHUORIA**
For the area moderately suitable for maize only, the elevation ranges from 61m to
204m above sea level with a mean of 109m. The land use, land cover classes are
cropland, rice and maize plantation, low forest and lake (see Table 9). Over eightyeight percent (62,632 ha or 88.44 %) is made of cropland. This is followed by rice and
maize plantation (4,807 ha or 6.79 percent); low forest (3,265 ha or 4.61 percent) and
lake (113 ha or 0.16 percent).
Table 9: Attributes of area moderately suitable for maize production in Orle River basin
Source: Field Survey, 2005
In the area moderately suitable for cassava or yam production, the range of elevation
is from 98m to 265m above sea level, with a mean of 182m. The land use and land
cover classes associated with the suitability class are cropland and high forest. Table 10
shows that the former with a cover of 22,058 ha occupies 92.75 percent, while the
latter, with a cover of 1,724 ha is 7.25 percent of the area.
Table 10: Attributes of area moderately suitable for cassava or yam in Orle River basin
Source: Field Survey, 2005
Finally is the area marginally suitable for the production of all the crops (i.e. maize,
cassava, yam or oil palm). The elevation in the area ranges from 39m to 345m, with a
mean of 182m above sea level. The associated land use land cover classes are cropland,
low forest, riparian forest and floodplain. Table 14 shows that cropland, which has a
cover of 63,276 ha occupies 87.49 percent; riparian forest with a cover of 2,774 ha,
occupies 3.84 percent, while low forest with a cover of 2,562 ha is 3.54 percent.
Others are floodplain (2,421 ha or 3.35 percent and high forest (1,290 ha or 1.78
percent).
185
Prospects for Geoinformatics-based Precision Farming in a Savanna River Basin, Nigeria
Table 14: Attributes of area marginally suitable for maize, cassava yam or oil palm production in Orle River basin
Source: Field Survey, 2005
Discussion
The soils in Orle River basin are particularly deficient in Nitrogen. Potassium,
Phosphorous and pH levels are adequate for the cultivation of the selected crops.
Specifically, for maize, cassava and yam, the limiting nutrient parameter is Nitrogen,
while Phosphorus, Potassium and pH levels are adequate. However, the basin is only
moderately or marginally suitable in parts for the crops, largely because of the low
level of Nitrogen in the soils. Invariably, the fertility status of the soils in Orle River basin
for maize, cassava and yam production can be improved through the addition of the
required amount of Nitrogen for each crop. Indeed parts of the basin could be highly
suitable for the production of these crops with adequate Nitrogen. For oil palm however,
the basic limiting nutrients are Phosphorous and Magnesium, while the potassium
level is adequate and Nitrogen, fair. Hence, 28.62 percent of the basin is highly suitable
for the production of the crop. Addition of adequate Phosphorous, Magnesium and
Nitrogen together with proper management practices will further improve the suitability
of Orle River basin for oil palm production.
It also suffices to note that the basin meets the basic climatic and topographic
requirements for the production of the crops considered in this study. For instance,
maize does best when rainfall is between 600mm to 900mm during the growing
season, with optimum temperature of 18C to 21C for germination; it can be cultivated
at altitude ranging from sea level to 3300m above sea level (Purseglove, 1972). Cassava
is a hardy crop, which can survive under varying environmental conditions; although a
lowland tropical crop, cassava can be grown at altitude as high as 1830m above sea
level and thrives best in full sunlight (Kochlar, 1981). Yam is a more delicate crop that
requires annual rainfall of about 1500mm, with at least two to four dry months and
temperature range of between 25C to 30C) during planting, growing and maturing
stages (Purseglove, 1972). For oil palm, the requirements according to Opeke, (1987)
are annual rainfall of 1800mm to 2400mm; temperature of 27C to 35C and elevation
that ranges from lowland to altitude of 900m. These requirements are met in Orle
River basin. Thus, soil quality is perhaps the most variable factor affecting the optimal
production of maize, cassava, yam and oil palm in the basin. However, inadequate
rainfall could be a limiting factor for some crops at the northern extreme of the basin.
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MOMOH L. RILWANI* & ISI A. IKHUORIA**
The importance of farming in the socio-economic lives of the people that inhabit Orle
River basin underpins the ubiquity of cropland in the established land use and land
cover classes in the basin. Forest cover is low: large areas of the forests have been
destroyed over the years due to farming, lumbering and other human activities, to the
extent that the basin now comprises mainly of derived savannah vegetation (low
forest). Also attesting to the relevance of farming in Orle River basin is the land use
class of rice/maize plantation. This class is made up of three mechanized farm plantations
established in the 70s by the government basically for the mass production of rice. The
farms, which are no longer in operation, also successfully experimented with the
production of maize.
Conclusion
The results and discussion presented above shows that Orle River basin is capable of
sustaining the production of grain with proper management. For instance over half of
the basin is moderately suitable for the production of maize. Orle River basin also
holds bright prospects for the production of oil palm: Over forty percent of the basin is
either highly or moderately suitable for the production of the crop. However, the basin
does not have high potential for the sustained production of arable crops such as
cassava and yam. Precision farming for maize and oil palm production could be
articulated in Orle River basin using the established suitability classification as a
framework for further appraisal and analysis. However, a limitation at Orle River Basin
is inadequate rainfall particularly in the northern extreme. This poses a fundamental
problem that sometimes leads to crop failure. Thus strategy for the precision farming
in the basin should take into consideration the rainfall regime and make provision for
irrigation where necessary. In Nigeria, the need to enhance crop production for
optimal yield in line with the principles of precision farming can only be met with the
adoption of fast and repetitive digital methods provided by geoinformatics. In a Third
World environment such as in Nigeria, the result of this study is a step forward in the
frontiers of precision farming.
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188
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Cultures et Technologies Géographie : P. 189 - 199, 2009
Dynamique urbaine et gestion des déchets
plastiques dans la municipalité de Cotonou :
quelques solutions de recyclage, cas d’AGRIPLAS
Comlan Yves D. SOGLO, François TCHIBOZO, Benoît N’BESSA
Tél : +229 90 92 78 67 / +229 95 78 03 95 / +229 90 91 49 35
Email : [email protected] 03 BP 3028 Jéricho Cotonou
Laboratoire de Biogéographie et d’Expertise Environnementale (LABEE) / FLASH / UAC
République du Bénin.
RESUME
Cette étude a porté sur la dynamique urbaine et la gestion des déchets plastiques
dans la municipalité de Cotonou et quelques méthodes de recyclage avec AGRIPLAS.
La démarche méthodologique utilisée comporte la recherche documentaire, les
travaux de terrain, les enquêtes socio économiques et l’analyse des données.Les
investigations ont montré que la croissance démographique élevée a entraîné une
dynamique urbaine non contrôlée. L’occupation spatiale de la capitale économique
s’est accrue de même que la densité de la population. Cette situation n’est pas sans
effet sur l’utilisation des matières plastiques qui génèrent beaucoup de déchets. Pour
remédier à ce phénomène, l’ong AGRIPLAS s’est investie dans la gestion des ordures
de façon générale. Cette volonté demeure la seule opportunité pour l’assainissement
et la transformation de ces déchets. Seule AGRIPLAS de l’ONG BETHESDA est la
structure qui s’occupe encore à Cotonou de la récupération et du recyclage des
déchets plastiques.
Cette ONG prend en compte aussi bien les plastiques dures que les souples (sachets),
de la famille des polyéthylènes (PE) et des polypropylènes (PP). Les plastiques sont
récupérés auprès des ménages par le biais des récupératrices qui s’adonnent
entièrement à cette activité à Sainte Rita, auprès des charretiers de pré collecte des
déchets solides ménagés organisés en réseau et sur la décharge de traitement des
déchets à Hêvié. Ces plastiques récupérés sont cédés au centre AGRIPLAS à vingt cinq
(25) francs le kilogramme. Ces plastiques sont transformés en granulés et exportés sur
le Nigeria et à l’usine de fabrication des tuyaux de l’ONG Bethesda sise à Pahou au
Bénin.
Mots clés : dynamique urbaine, déchets plastiques, recyclage, Cotonou.
SUMMARY
This study talks about the urban dynamic and the management of plastics wastes and
few methods to recycle them with AGRIPLA in Cotonou. The methodology step uses
consist of research documentary, site labour the socio-economic investigation and
data analyse.The investigations have proved that the exalted increase demographic
189
Dynamique urbaine et gestion des déchets plastiques dans la municipalité de Cotonou :
has leaded a non urban dynamic control. The spatial occupation of the economic
capital has in creased in additional the population density. This situation doesn’t
impression on use of plastics material that generates a lot of wastes. These wastes
strew with the soil dragging thus the city pollution environment.
To stop this phenomenon, some structures have invested in the management waste in
general way. This will stay the only opportunity for the cleaning up and the transformation of these wastes. The only structure who takes care of the recovery and to recycle
the plastics waste in Cotonou still AGRIPLAS of DCAM / BETHESDA ONG. This ONG
consider the hard plastics and supple, of polyethylene (PE) and polypropylenes (PP)
group. The plastics have recovered from houses through the bias of the gathers that
take care of this job at Sainte Rita, next to char boys who collect the houses wastes and
send them to treat at Hêvié. These plastics recoveries had bought to AGRIPLAS center
at twenty five (25) francs per kilo. These plastics had transformed into granules and
exported to Nigeria and to the ONG Bethesda factory at Pahou in Benin whitch use them
to make pipes.
Key words: Urban dynamic, plastics wastes, recycle, Cotonou.
Introduction
La croissance démographique dans un contexte de retard économique pose pour les
pays Africains, d’innombrables problèmes parmi lesquels on peut citer la pollution de
l’air et de l’eau, l’assainissement, la conservation de la biodiversité et la gestion des
déchets. Tonon, 1987. Ainsi Au Bénin, les sources de pollution sont nombreuses et
diverses, les actions menées par les institutions étatiques et non gouvernementales
ne permettent pas encore de résoudre les problèmes de l’environnement. Le paradoxe est que malgré l’absence des industries lourdes, cause première de pollution,
les villes du Bénin végètent dans un cadre environnemental malsain. Ce phénomène
serait tributaire de la poussée démographique et des actions humaines (Aïssi, 1992).
Le cas de Cotonou est d’autant plus significatif que la population est passée de 150.000
habitants en 1960 à 665.100 habitants en 2002 (INSAE); mais cette évolution n’est pas
accompagnée d’un comportement susceptible de préserver le cadre de vie. La quantité et la composition des déchets qu’on produit à Cotonou, constituent les indicateurs
des habitudes de consommation et de transformation de ses populations. Ainsi le
développement technologique et le degré de civilisation industrielle riment avec la
production massive de déchets et surtout de déchets non biodégradables du genre
déchets plastiques. Aussi, les habitudes de production et de consommation font-elles
intervenir la matière plastique dans tous les domaines (construction, automobiles,
alimentation etc.). Au Bénin, et plus particulièrement à Cotonou, l’emballage
plastique est fortement utilisé dans le commerce en raison de son faible coût et de sa
praticabilité (Soglo, 1999). Les rues, les arbres, les décharges sont jonchés de déchets
plastiques qui offrent à la faveur des vents, un spectacle qui fait réfléchir (Soglo, 1999).
En dépit de l’absence de données statistiques exactes, la quantité de déchets
plastiques produite par jour, par nos grands centres urbains notamment Cotonou, est
en nette augmentation. D’environ 19,8 tonnes de déchets plastiques produits en
190
COMLAN YVES D. SOGLO, FRANÇOIS TCHIBOZO, BENOÎT N’BESSA
1999, on est passé à 30,8 tonnes en 2007 (Mairie de Cotonou, 2007). Le contexte créé
par la variabilité et l’adaptabilité des formes, du volume et de la résistance des sachets
plastiques mis sur le marché ainsi que l’extrême diversification des couleurs, des
usages et le prix d’achat constituent des indicateurs certains qui attestent que les
populations continueront d’avoir recours à ce type d’emballage. Mais les déchets peuvent être des matières premières secondaires et engendrer des ressources économiques
supplémentaires lorsqu’il y a une prise en charge efficiente de leur gestion. La gestion
des déchets plastiques constitue un enjeu et fait l’objet de grandes préoccupations de
la part des autorités et des populations. Malgré les efforts engagés, la prolifération des
déchets plastiques dans la nature persiste et s’empire (GTZ, MEHU 1994).Ce sont ces
préoccupations qui justifient le choix intitulé : « Dynamique urbaine et gestion des
déchets plastiques dans la municipalité de Cotonou : quelques solutions de
recyclage, cas d’AGRIPLAS ». A travers ce thème, il s’agira d’étudier la relation qui
existe entre la dynamique urbaine et la gestion des déchets non biodégradables en
vue de proposer quelques solutions de recyclage.
I- Approche méthodologique
I- 1 Méthodes de collecte de données
Elles sont basées à la fois sur une approche qualitative et quantitative des problèmes
de gestion des déchets plastiques. La démarche méthodologique utilisée, relève du
domaine de la Recherche – Action – Participative (RAP). C’est une méthode qui, selon
MCF (1997), fait appel au savoir « à la base, pour la base ». Cette méthode implique que
l’on accepte l’idée que chacun sait ce qui se passe autour de lui, et que cette connaissance
constitue une force de changement. Elle lie la recherche et l’intervention sociale. Le
niveau d’action et de recherche est local, car c’est à cette échelle qu’est possible la
pleine participation des habitants et la prise en compte de leur stratégie. Cette
méthode s’articule autour des principaux points que sont la collecte des données et
le traitement des données.
I- 1-1 Recherche documentaire
Elle a permis de faire une synthèse de la littérature existante. A cet effet, plusieurs
documents ont été consultés pour mieux comprendre les concepts et les thèmes
relatifs au sujet. Cette phase documentaire a été complétée par les travaux de terrain.
I- 1-2 Travaux de terrain
Ils ont porté sur l’observation, la prise de coordonnées des dépotoirs des déchets,
l’entretien direct et l’administration des questionnaires. Grâce à ces travaux, il a été
collecté des données socioéconomiques dans 50 quartiers sur les 144 que comptent
les 13 arrondissements de Cotonou. Les 74,30 % des personnes interrogées se trouvent
dans les quartiers qui reçoivent en effet, beaucoup de déchets de la part des populations.
Sur les 144 quartiers de Cotonou, précisément 107 sont jonchés de dépotoirs sauvages.
(Résultats d’enquêtes mai, 2007)
191
Dynamique urbaine et gestion des déchets plastiques dans la municipalité de Cotonou :
Les données collectées au cours des enquêtes de terrains concernent :
la localisation des sites de décharges ;
les dimensions des dépotoirs sauvages et les dépotoirs autorisés;
l’identification des impacts de la prolifération des déchets plastiques sur l’envi
ronnement urbain ;
les techniques de collecte des déchets avec les acteurs en charge de la gestion
urbaine ;
le système de recyclage des déchets plastiques des structures de la place.
L’échantillon des quartiers a été déterminé grâce à la technique d’enquête par
sondage. En effet, Elle utilise la méthode des quotas qui repose sur le choix raisonné.
Ainsi, le quota affecté à chaque arrondissement est déterminé au moyen de la
formule n = N x f avec n la taille de l’échantillon (le nombre de quartiers à choisir par
arrondissement), N le nombre total de quartiers par arrondissement, f le taux de
sondage, fixé dans le cas d’espèce à 7/20. En décidant d’interviewer cinq (5) ménages
par quartiers, on obtient une taille d’échantillon de deux cent cinquante (250)
ménages enquêtés, outre les entretiens de groupe. Les caractéristiques de
l’échantillonnage se trouvent présentées dans le tableau suivant.
Tableau I : Caractéristiques de l’échantillon enquêté
Source: Résultats d’enquêtes mai, 2007
192
COMLAN YVES D. SOGLO, FRANÇOIS TCHIBOZO, BENOÎT N’BESSA
Le choix des personnes enquêtées est fait au hasard et une personne adulte est
choisie et enquêtée par ménage et par maison. En effet, la stratégie consiste à choisir
dans une rue, la première maison habitée à droite ou à gauche et à compter une à cinq
maisons pour déterminer le pas à respecter pour le choix de la maison suivante habitée et à enquêter. Des questionnaires ont été élaborés et exploités dans le cadre de la
présente étude. Les informations obtenues ont été d’abord dépouillées et ensuite
analysées.
II-
Les résultats et discussions
II- 1 Urbanisation de Cotonou
Ville de création coloniale, Cotonou a amorcé son développement depuis la construction en 1899 du wharf à partir de quelques villages de pêcheurs situés de part et
d’autre du chenal (Xwlacondji et Akpakpa-Dodomey). Jusqu’en 1970, l’évolution de la
ville s’est opérée de façon spontanée. Ce n’est donc après, qu’un plan sommaire est
venu en fixer le réseau structurant et les emplacements des grands équipements et
infrastructures Sotindjo, 1995. La superficie urbanisée représente alors 80 % de l’ensemble de la ville estimée à 7000 hectares (SERHAU, 2000).
L’évolution récente de l’urbanisation de Cotonou a eu pour conséquences :
la création de nouveaux quartiers ;
l’installation anarchique des populations du fait du retard du lotissement ;
l’occupation des exutoires naturels, d’où l’aggravation des problèmes
d’inondation .Les zones d’habitats structurés sont composées de parcelles communément appelées ‘’carrés’’ et constituent les unités d’identification des ‘’usagers’’. Le
nombre des parcelles ou carrés de Cotonou est estimé aujourd’hui à 70.000, dont plus
de 95 % sont habitées. (Mairie de Cotonou, 2007).
II- 2 Croissance démographique et historique de la gestion des déchets
Estimé à 1175 habitants en 1905, la population de Cotonou est passée à 3200 en
1920, en 1930 elle comptait 5000 habitants. Vers les années 1950, en même temps
que la ville s’étendait de part et d’autre de la lagune, sa population avait atteint 18.000
habitants, l’année 1960 fut décisive dans le devenir de la ville dont la population
atteint la barre des 150.000 habitants. En 1992, on a chiffré 536.827 habitants, enfin
665.100 âmes ont été dénombrées en 2002. (RGPH 1, RGPH 2 et RGPH 3 – 2002). La
figure suivante illustre l’évolution de cette population.
193
Dynamique urbaine et gestion des déchets plastiques dans la municipalité de Cotonou
Figure 1 : Evolution de la population de Cotonou de 1979 à 2002.
Source : RGPH 1, RGPH 2 et RGPH 3 – 2002.
Cette croissance démographique rime avec l’augmentation des déchets produits dans
la ville de Cotonou. C’est en réalité dans les années 90 après la Conférence des forces
vives de la nation que la ville de Cotonou a vu le début d’une autre forme de gestion
des déchets avec l’émergence de multiples ONG de pré collecte, Mais en 2000, avec
la naissance du Projet de Gestion des Déchets Solides Ménagers (PGDSM) initié par
OXFAM QUEBEC, la ville a connu de multiples actions positives dans la gestion des
déchets. à savoir :
le zonage de la ville en 95 zones ou secteurs pour rationaliser l’activité des ONG;
l’élaboration d’une base de données sur la pré collecte à l’échelle de la ville ;
la construction de points de regroupement des déchets, (06 en 2007) ;
l’appui pour la construction du Lieu d’Enfouissement Sanitaire (LES) de Ouèssè
(Commune de Ouidah) dont la gestion est confiée à l’AGETUR ;
etc.
La gestion de la filière s’est donc structurée progressivement selon une méthode qui
accorde une grande importance aux spécificités locales et à la communication auprès
de la population pour susciter son adhésion au civisme. Mais beaucoup de difficultés
persistent encore, notamment le nombre de points de regroupement (seulement 06
sont déjà construits sur les 45 prévus). Aussi la question des déchets du marché
Dantokpa reste-elle préoccupante. Mais comment se fait la gestion de ces déchets ?
Ici l’accent sera spécifiquement mis sur les déchets plastiques.
II- 3 Gestion des déchets plastiques dans la ville de Cotonou
II- 3- 1 Valorisation des déchets plastiques
Il existe 3 grandes familles de matières plastiques. Ce sont les thermoplastiques, les
thermodurcissables et les élastomères. Les thermoplastiques comprenant les polyé194
COMLAN YVES D. SOGLO, FRANÇOIS TCHIBOZO, BENOÎT N’BESSA
thylènes (PE) et les polypropylènes (PP) sont les plus rencontrés au Bénin et parmi les
déchets solides ménagers.
Cinq usines de fabrique de plastique ont été identifiées à Cotonou. Il s’agit de :
technico-plaste-industrie ;
société Industrielle de Plastique ;
société Warren Plastique ;
sotram ;
agriplas ;
Au nombre de ces différentes usines de plastique, seul AGRIPLAS mène des activités
de valorisation des déchets plastiques. Toutes les autres usines fabriquent des objets
plastiques à partir des matières premières vierges importées.
Les équipements de traitement mis en place par AGRIPLAS sont entre autres :
un broyeur pour le découpage de plastiques durs ;
une machine à laver les sachets ;
un «agglomérateur » pour le découpage des sachets et solidification en granulés.
Voici en image, un des deux broyeurs observés en mai 2007 dans le centre AGRIPLAS.
Photo 1 : Broyeur de plastique. Cliché SOGLO, Mai 2007
Cette machine a pour rôle de réduire le volume des plastiques durs et de les
transformer en granulés. La filière de récupération des plastiques est essentiellement
organisée par la structure de valorisation AGRIPLAS de l’ONG DCAM/BETHESDA et
prend en compte aussi bien les plastiques dures que les plastiques souples (sachets),
de la famille des PP et PE. Les plastiques sont récupérés auprès des ménages par le
biais des récupératrices qui s’adonnent entièrement à cette activité à Sainte Rita,
auprès des charretiers de pré collecte des déchets solides ménagés organisés en
195
Dynamique urbaine et gestion des déchets plastiques dans la municipalité de Cotonou
réseau et sur la décharge de traitement des déchets à Hêvié. Les plastiques récupérés
sont cédés au centre AGRIPLAS à vingt cinq (25) francs le kilogramme. Ces plastiques
sont transformés en granulés et exportés sur le Nigeria ou à l’usine de fabrication des
tuyaux de l’ONG Bethesda sise à Pahou.Le centre AGRIPLAS traite une moyenne de
3,38 tonnes de déchets plastiques par mois. La quantité totale de granulés produits est
de 46,657 tonnes, soit 2,780 tonnes de granulés de plastiques souples contre 43,876
tonnes de granulés de plastiques durs. La perte de poids à la production est de 15%
pour les plastiques souples et de 5% pour les plastiques durs. (Résultats d’enquêtes
mai, 2007).
II-4 Impacts de la prolifération des déchets plastiques sur
l’environnement urbain à Cotonou
Si l’utilisation des matières plastiques semble être pratique, s’en débarrasser peut
poser des problèmes. En effet, jetés dans la nature, les déchets plastiques, lorsqu’ils ne
sont pas traités, constituent de graves dangers, non seulement pour l’environnement,
mais aussi pour la santé des populations et des animaux.
D’après des études effectuées par le Ministère de la Santé, il ressort qu’il existe un lien
direct entre la santé des populations et la proximité des tas d’ordures des lieux d’habitation (DHA, 1992). Ainsi donc, les conséquences environnementales des déchets
plastiques sont nombreuses.Selon Aissi (1992), le principal impact que les déchets ont
sur la ville de Cotonou est la contamination de la nappe phréatique. Mais on note aussi :
- la salissure avec les multiples décharges de plastiques et l’enlaidissement de la ville
par ces sachets plastiques accrochés aux branches des arbres, aux moindres aspérités ;
- le blocage du ruissellement des eaux et les menaces d’inondation par les couches de
plastiques qui recouvrent le sol et y réduisent l’infiltration de l’eau ;
- l’obstruction des canaux et conduites d’évacuation des eaux usées qui, dégageant
des odeurs fétides, polluent l’air et favorisent la prolifération des moustiques et des
microbes , vecteurs des maladies tels que le paludisme, le choléra, la diarrhée, etc. ;
- la menace permanente de mort des animaux domestiques ingérant des fragments
de ces sachets pour, semble-t-il, leur goût salé ;
- l’occupation de niches écologiques dans les milieux aquatiques avec de multiples
conséquences néfastes pour leurs flores et leurs faunes ;
- le risque de disparition de certaines espèces végétales (Crescentia alata, Phoenix
reclinata, etc.), composantes de la biodiversité pourvoyeurs de récipients ou de matériaux ;
- la menace de disparition de certains métiers valorisant ces produits végétaux ;
- la pollution esthétique.
III- Le Recyclage des déchets plastiques.
Il porte dans Cotonou essentiellement sur les déchets solides. Les objets qui en résultent
sont destinés aux secteurs de l’économie. Dans l’informel ces objets sont réutilisés soit
sans transformation, soit après une valorisation artisanale. Pour le secteur formel, il
existait dans les années 1980 des sociétés telles que la BATA, la SOBEPAR, qui recy196
COMLAN YVES D. SOGLO, FRANÇOIS TCHIBOZO, BENOÎT N’BESSA
claient certains déchets. Seule la société AGRLPLAS de l’ONG DCAM - Bethesda continue actuellement cette activité. Les autres ont fermé leur porte pour des raisons de
rentabilité. A présent le recyclage est réduit à un simple réemploi des bouteilles
récupérées après un simple lavage à l’eau savonnée.
III- 1 Mode de valorisation des plastiques par AGRIPLAS
III- 1- 1 Les plastiques durs
Activité 1 : Séparation des plastiques par type et par couleur.
Séparation des déchets suivant deux catégories liées au mode de production :
(i)
les Blow obtenus par soufflage du plastique fondu dans un moule et
(ii)
les Injections obtenues du plastique fondu dans un système de moules.
Le mode de production conditionne la nature du plastique utilisé. Le recyclage se fait
donc en tenant compte de ces deux types de plastiques correspondant à la demande
sur le marché Nigérian.
Le tri se fait aussi par couleur. Ceci pour tenir compte du coût élevé généré par
l’utilisation de colorants dans la fabrication des produits finis. Le recyclage est donc
rationalisé afin de fournir une matière première homogène en nature et en couleur
permettant de réduire au maximum, l’utilisation de colorant dans la production des
produits recyclés tout en obtenant les coloris souhaités.
Activité 2 : Découpage manuel
La casse manuelle se fait à l’aide de machettes. Cette opération vise à donner
aux déchets de formes d’origines diverses (seaux, bidons etc.), des dimensions
permettant leur introduction dans le broyeur. A cette étape, les éventuels éléments
métalliques sont extraits des plastiques.
Activité 3 : Passage au broyeur
Le broyage des éléments permet d’obtenir des copeaux de plastiques constituant le produit semi-fini réutilisable par les usines de fabrication de plastiques.
Activité 4 : conditionnement
Ensachage du plastique broyé
Activité 5 : vente des sachets de plastique
Dans l’état actuel du marché, seuls des acteurs nigérians demande le produit semi-fini
obtenu à la fin du cycle. Les plastiques obtenus à partir de la catégorie Injection sont
vendus à 14 Naira/kg soit 78,4 FCFA / KG ; ceux obtenus à partir des Blow sont vendus
à 18 Naira/kg soit 100,8 FCFA/kg.
III- 1- 2 Les plastiques souples
Activité 1 : tri des sachets
A leur arrivée au centre, les sachets sont triés selon leur nature et leur couleur avant
d’être acheminés vers la machine à laver. Cette opération permet une utilisation
197
Dynamique urbaine et gestion des déchets plastiques dans la municipalité de Cotonou
rationnelle de la machine en n’y introduisant à la fois que des éléments de nature identique.
Activité 2 : lavage des sachets
Le recyclage de ce type de déchets est plus délicat car les machines utilisées
(Agglomérateurs) demandent des prescriptions minimales (propreté des sachets) non
adaptées aux déchets produits à Cotonou (présence de sable).
DCAM a donc procédé à la fabrication artisanale d’une machine à laver les sachets
(coût : environ 350 000 FCFA) avec système de récupération des eaux. Temps de
lavage : 1 jour pour 20 kg de sachets avec lavage manuel d’où des délais et un coût
rendant le processus inadéquat. De plus l’ONG s’est orientée vers l’achat d’une machine vers des fournisseurs construisant des Agglomérateurs adaptés à une typologie
de déchets voisine de celle du Bénin (pays asiatiques et Nigeria).
Remarque : il apparaît que les risques techniques (risque élevé de pannes graves) liés
au recyclage de ces plastiques expliquent l’absence d’entreprise de recyclage au Bénin.
Activité 3 : Séchage
Après le lavage, les sachets sont séchés sur l’aire aménagée à cet effet. Le
temps de séchage est de deux (2) jours.
Activité 4 : Passage à l’agglomérateur
Après le séchage, les sachets sont passés à l’agglomérateur à l’intérieur duquel
ils sont découpés mécaniquement puis solidifiés en granulés sous l’effet de la chaleur.
A l’issue de ce processus, on obtient des granulés constituant le produits semi-fini.
Activité 5 : Conditionnement
Les granulés sont passés au vent pour éliminer les résidus de film plastiques
afin d’obtenir un produit homogène. Le produit obtenu revient à 325 FCFA/KG.
III- 2 Valorisation des déchets plastiques au Niger
Les déchets plastiques servent aussi au Niger à fabriquer le pavé. En effet pour lutter
contre la pollution de l’environnement, une technique de recyclage des déchets plastiques en pavés a été mise au point par le Réseau d’Entreprises pour le Développement
de l’Artisanat (RESEDA), une association non Gouvernementale basée à Niamey.
Toutefois, notons que l’expérience est entrain d’être mise en oeuvre déjà au Bénin
dans le cadre d’un mémoire de maîtrise avec l’étudiant ALAPINI E. Maximin qui travaille actuellement sur le thème : « Le pavé bitumeux : un aspect de la valorisation des
déchets plastiques à Cotonou » Cet étudiant a en effet, expérimenté la fabrication
d’un pavé à partir des déchets plastiques mélangés à du sable.
Suggestions
Il est urgent de prendre en considération les mesures de valorisation de ces plastiques
car leur quantité suit le rythme de croissance de la population. Il faut susciter l’information
et la sensibilisation au sein des populations afin de réduire l’usage abondant que les
populations font de la matière plastique.
Aussi l’expérience de la transformation des déchets plastiques en pavés, doit être
soutenue et poursuivie pour une réelle valorisation des déchets plastiques en pavé
bitumeux à Cotonou. Par ailleurs, il serait opportun d’encourager la consommation
198
COMLAN YVES D. SOGLO, FRANÇOIS TCHIBOZO, BENOÎT N’BESSA
des produits issus du recyclage des déchets plastiques. Cette politique faciliterait
l’écoulement des produits et galvaniserait les ramasseurs, les recycleurs, les vendeurs
à s’investir davantage dans le cycle de recyclage.
Conclusion
La présente étude montre que les déchets plastiques constituent un souci permanent
autant pour la population de Cotonou que pour ces autorités. La poussée démographique et l’urbanisation accélérées de la ville ont augmenté le nombre de ménages,
multipliant ainsi le nombre de producteurs de déchets. Mais à Cotonou une seule
structure officielle s’occupe encore du recyclage des déchets plastiques : AGRIPLAS.
L’emballage plastique est très utilisé compte tenu de ses caractéristiques. Mais après
usage, il est jeté dans la nature. Il devient ainsi un élément encombrant et pollue notre
environnement.
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du Bénin : espace urbain et gestion des déchets solides dans la ville de Cotonou, Thèse
de Doctorat de 3 cycle en science de l’environnement, Dakar, 309 p.
e
199
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Cultures et Technologies Géographie : P. 200 - 213, 2009
Systèmes de production agricole et
dégradation du lac Sélé à Ouinhi au Sud Est
du Bénin
Guy WOKOU ; Michel BOKO et Marcel da MATHA SANT’ANNA
BP: 922, Abomey-calavi, Bénin ; Tél : (+22995808130), Université d’Abomey-calavi ;
[email protected]
Résumé
La présente recherche vise à contribuer, d’une part, à l’identification des systèmes de
production et leur rôle de dégradation des cours et plans d’eau dans la commune de
Ouinhi et d’autre part, à l’élaboration de mesures pour une atténuation des impacts de
ces systèmes sur le lac Sélé.
Le processus méthodologique utilisé a consisté à l’exploitation documentaire, au
traitement et analyse des statistiques de pêche et aux investigations auprès des
populations pêcheurs et mareyeuses de Ouinhi. De même, le calcul de l’indice
biotique et l’application du modèle Pression, Etat, Impacts et Réponses (PEIR) a permis
d’analyser la dégradation de l’environnement due aux systèmes de production agricoles.
En effet, l’analyse des mesures paramétriques montre que les systèmes de production
fondés essentiellement sur la culture itinérante sur brûlis et l’utilisation anarchique
des engrais chimiques et pesticides sont les principaux facteurs de la pollution du lac
Sélé. Cette pollution constitue pour près de 76 % des pêcheurs la cause majeure des
baisses de rendements halieutiques et par ricochet du revenu. Mais des stratégies
d’adaptation sont proposées pour atténuer les impacts de ces systèmes de production
sur l’environnement du lac.
Mots clés : Dégradation du lac Sélé, systèmes de production agricoles, Ouinhi, Bénin
Abstract
The present research aims to contribute, in one hand, to the identification of production systems and their role in the deterioration the lake in Ouinhi and in the other
hand, to the development of measures for an attenuation of impacts of these systems
on the Sélé lake.
The methodological process consisted to research and the documentary exploitation,
to the treatment and analysis fishing statistical data and survey administrated to the by
population’s fishers and selers of Ouinhi. In the same way, the calculation of biotic
indication and the application of the PEIR model permitted to analyze the deterioration
of the environment owed to systems of production agricultural.
Indeed, the analysis of measures parametric shows that systems of production based
essentially on the roving culture on brûlis and the anarchical use of the chemical
200
Systèmes de production agricole et dégradation du lac sele a ouinhi au sud est du Benin
manures and pesticides are factors of the pollution of the Sélé lake. This pollution
constitutes for close to 76% of fishermens the major reason of the piscatorial output
decreases and by ricochet of the income. But strategies of adaptation are proposed to
attenuate impacts of these production systems on the environment of the lake.
Key words : Ouinhi, Benin, Deterioration of the Sélé lake, agriculture systems of
Production.
I. Justification du sujet
Au Bénin, l’accroissement des ressources agricoles et l’autosuffisance alimentaire ont
transformé les méthodes agricoles. Cette situation conduit à l’utilisation de pesticides
et d’engrais chimiques et la croyance que l’agriculteur peut tout orchestrer à sa guise
sans jamais se soucier de l’impact de son travail sur l’environnement (Soclo, 2003).
En effet, cette agriculture vise à éliminer les maladies et les parasites, à accroître les
rendements agricoles. Malheureusement, ces substances chimiques très toxiques se
retrouvent dans l’air, l’eau, le sol, les aliments et peut être même dans le code génétique
humain (Issa, 2001).
Le sol s’érode, les résidus de pesticides et les concentrations excessives d’azote
polluent les nappes phréatiques, et les nitrates et phosphates échouent dans les
rivières et favorisent la prolifération d’algues en provoquant l’eutrophisation des cours
d’eau (FAO, 1998). Cette situation observée au niveau du lac Sélé est due au fait qu’en
amont et en aval du lac, les paysans développent des champs de culture. Or, les
pratiques agricoles développées constituent les causes majeures de la dégradation du
lac (Dannon, 1993). Les produits chimiques utilisés par les paysans sont entraînés par
les eaux superficielles engendrant ainsi la pollution du l’environnement du lac
(Tchéoubi, 2006).
Cette recherche analyse les incidences des systèmes de production agricole sur
l’environnement du lac Sélé et dresse les stratégies de mitigation endogènes
développées par les populations dans la commune de Ouinhi située au sud-est du
département du Zou entre 6°57’ et 7°12’ de latitude nord et entre 2°23’ et 2°34’ de
longitude est et couvre une superficie de 483 km2 (figure 1). Le lac Sélé est situé entre
2°26' et 2°27' de longitude est et entre 7°8' et 7°12' de latitude nord. Il s’étend du nord
au sud entre les villages Houédja et Dolivi dans l’arrondissement de Sagon et couvre
une superficie relative de 200 hectares (DPRPIB, 1996).
201
GUY WOKOU ; MICHEL BOKO ET MARCEL DA MATHA SANT’ANNA
Figure 1 : Situations géographique et administrative de la commune de Ouinhi
II. Démarche méthodologique
Les données utilisées, pour l’évaluation des incidences des systèmes de production
agricole sur le lac Sélé, sont constituées des statistiques de pêches, des données et
informations sur les systèmes de production agricole, le mode d’utilisation des pesticides.
La collecte des données sur le terrain est faite grâce aux observations directes et aux
entretiens avec les populations paysannes et les personnes ressources. Au total 128
paysans-pêcheurs, deux (02) groupements villageois et deux (02) techniciens de CeRPA
ont été enquêtés dans la commune de Ouinhi notamment dans l’arrondissement de
Sagon. Ces enquêtes ont permis de collecter et d’appréhender les techniques culturales utilisées développées dans l’environnement du lac.
Pour analyser le niveau de comblement et de pollution du lac Sélé, la figure 3 utilisée
par Angéliaume (1996) a été mis en exergue.
202
Systèmes de production agricole et dégradation du lac sele a ouinhi au sud est du Benin
Figure 3 : Processus de pollution du lac par les engrais
Source : Adopté de Angéliaume (1996)
Cette figure permet de révéler que les produits chimiques dérivés de la désagrégation des fertilisants minéraux et organiques ne sont pas totalement pris en compte par
les plantes. En effet, le phosphate (P) est répandu dans le sol par lessivage et percolation.
A la suite d’une pluie, après relargage du phosphate dû par ruissellement (transport de
P en surface), le phosphate pollue l’eau.
Toujours pour l’analyse de la pollution a été faite par l’observation de la macrofaune
d’invertébrés vivant dans le lac. Le nombre obtenu détermine la colonne de la table
dans laquelle sera lu l’indice biotique. Le tableau I donne une esquisse de la norme de
pollution.
Tableau I : Table de lecture de l’indice biotique
Source : Tavernier cité par Tchéoubi, 2006
Légende
203
GUY WOKOU ; MICHEL BOKO ET MARCEL DA MATHA SANT’ANNA
Les résultats ont été analysés à l’aide du Modèle PEIR (Pression, Etat, Impact et Réponses)
présenté par la figure 2.
Cette démarche méthodologique a permis d’obtenir les résultats ci-après.
III- Résultats et discussions
3.1- Typologie des systèmes de production agricole à Ouinhi
3.1.1- Systèmes de production traditionnels
Plusieurs systèmes de production agricole sont pratiqués par les paysans de Ouinhi.
Ces systèmes varient d’un paysan à un autre et s’appliquent selon les moyens. Mais de
tous les systèmes, ceux de la culture itinérante sur brûlis et du billonnage sont surtout
pratiqués en amont du lac Sélé. Or ces pratiques favorise le départ des pré sols. La
photo 1 illustre bien ces deux systèmes.
3.1.1.1- Système de culture itinérante sur brûlis
La culture itinérante sur brûlis constitue la principale technique culturale. Dans la commune de Ouinhi, environ 98 % des paysans adoptent cette technique pour la préparation du sol. Cette préparation est faite du défrichement avec incinération (technique
héritée) lorsqu’il s’agit d’une nouvelle terre ou d’une terre laissée en jachère. Elle
facilite selon les investigations de terrain le défrichement. La photo 1 montre un champ
préparé avec la technique de culture itinérante sur brûlis.
204
Systèmes de production agricole et dégradation du lac sele a ouinhi au sud est du Benin
Photo 2 Photo 1 : Champs défriché par la technique de brûlis à Sagon
Source : Cliché Wokou G., mars 2008
La photo 1 illustre des champs préparés à l’aide de la technique de culture itinérante
sur brûlis, où le paysan après avoir défriché une partie de son champ met du feu dans
le souci de le nettoyer. Mais généralement ce feu déborde et envahit le reste des aires
cultivables non défriché incluant les palmeraies et autres plantations.
3.1.1.2- Labour et poquet
La technique du labour sur billon est surtout pratiquée par 85 % des paysans enquêtés.
Elle est appliquée par les paysans de Sagon. Elle permet de mieux remuer le sol pour
une meilleure aération et une bonne pénétration de l’eau. De même, toutes les cultures en association trouvent place sur ces billons et empêchent le développement
anarchique des herbes contrairement à la monoculture. Mais, la technique du labour
favorise la décomposition rapide substances nutritives des sols.
Le poquet est d’une technique de trou ouvert servant aux cultures en graines. Elle
nécessite peu de mains d’œuvre. L’inconvénient du poquet est qu’il ne favorise pas la
décomposition rapide de la matière organique favorisant la fertilisation des sols
(Agbadjagan, 1999). La technique de poquet convient alors aux sols naturellement
riches et se pratique surtout dans à Ayizè. La photo 2 montre quelques techniques
culturales dans la commune de Ouinhi.
205
GUY WOKOU ; MICHEL BOKO ET MARCEL DA MATHA SANT’ANNA
Photo 2 : Poquet (2.1) et labour (2.2) en amont du lac Sélé
Source : Cliché G. Wokou, octobre 2006
Cette photo illustre la pratique des techniques de labour à Sagon en amont du lac.
3.3.3.2- Utilisation des engrais chimiques et de produits
phytosanitaires
Dans l’arrondissement de Sagon à Ouinhi, les engrais chimiques comme le NPK (Azote,
Phosphore, Potassium), l’urée, le TSP (Trisuper Phosphate), le KCL (Chlorure de
potassium) sont utilisés pour accroître les rendements agricoles. Quatre vingt sept
pour cent (87 %) des paysans enquêtés utilisent les engrais minéraux pour le coton, le
maïs, le niébé et l’arachide. Ces engrais sont utilisés sans respect de la dose normale
(CeRPA-Zou, 2006).
Les produits phytosanitaires (insecticides, herbicides) sont utilisés pour accroître les
rendements agricoles. Le tableau II présente les types d’engrais utilisés et leur dose à
Ouinhi.
Tableau II : Dose d’engrais chimiques utilisés par hectare à Sagon
Source : CeRPA-Zou et enquête de terrain, mai 2008
206
Systèmes de production agricole et dégradation du lac sele a ouinhi au sud est du Benin
Les pesticides tels que les insecticides (Cotofan et Karaté), et les herbicides (Herbétra)
sont généralement utilisés dans les champs de coton ; mais ils sont mal utilisés. Près
de 48 % des paysans interviewés les utilisent pour anéantir les effets néfastes des
adventices sur les vastes étendus de terres mises en valeur (Wokou, 2007).
3.4- Incidences sur l’environnement périlacutre et lacustre
La figure 3 montre l’occupation de l’environnement périlacutre et lacustre dans la
localité de sagon entre 1954 et 2007
Fd =
Fc =
Figure 3 : occupation de l’environnement du lac Sélé entre 1954 et 2007
Légende
Forêt dense
Sb = Savane boisée
A_CE =
Cours d’eau Kataklé et Taho
Forêt claire
Sélé = Sélé
C_j =
Culture et jachère
Agg =
Agglomération
L’analyse de la figure 3 montre que la régression où les secteurs sont dégradés avec
une forte augmentation des cultures et jachères. Dans l’arrondissement Sagon, les
agglomérations ont légèrement augmenté entre 1954 et 2007. Cette légère augmentation des agglomérations est due à la croissance de la population et la dispersion
de l’habitat à Sagon. Le paysage est fortement affecté. Les espaces nus ou déboisés
prédominent amenuisant la survie des éléments de l’environnement du lac. La destruction de la végétation n’est pas sans incidence sur la vie de la faune sauvage et sur
le sol.
Par ailleurs, à la suite des pluies et sous l’action des eaux de ruissellement, les terres
des billons et les résidus des produits phytosanitaires utilisés pour la production agricole sont entraînés dans le sens des versants. Ces eaux de ruissellement lessivent les
207
GUY WOKOU ; MICHEL BOKO ET MARCEL DA MATHA SANT’ANNA
débris végétaux, les résidus de récolte contribuant ainsi au comblement et à la pollution
de ces cours d’eau (enquêtes de terrain, avril 2008).
Ce phénomène de comblement se traduit également par la diminution de la profondeur. La profondeur moyenne du lac Sélé en temps de crue, oscille entre 6 et 8 mètres
en 2007. Or, en 1978 cette profondeur était de 11 à 13 mètres (Tchéoubi, 2006).
Le comblement des cours d’eau est favorisé par le lessivage des débris végétaux et les
billons des champs situés en amont de ces cours et plans d’eau. La photo 3 illustre le
niveau du comblement du lac Sélé.
Photo 3 : Niveau de l’eau du lac Sélé à Sagon dans la commune de Ouinhi
Source : Cliché Wokou, mars 2008
Les résultats de mesures de l’indice biotique sont consignés dans le tableau III.
Tableau III : Résultat de mesure de l’indice biotique
Source : Tchéoubi, 2006
Ces résultats lus dans la table de lecture des indices biotiques montrent que ce cours
d’eau est comblé et pollué.
Ce comblement et pollution des cours et plans d’eau entraînent la rareté et la disparition de certaines espèces de poisson (tableau IV).
208
Systèmes de production agricole et dégradation du lac sele a ouinhi au sud est du Benin
Tableau IV : Espèces halieutiques menacées et disparues à Ouinhi
* Espèces ayant disparues
Source : Dannon (1993) et enquêtes de terrain, mai 2008
On assiste à la baisse des rendements de pêche sur le plateau (figure 4).
Figure 4 : Evolution des rendements de pêche entre 1988 et 2008 sur le lac Sélé
Source : Direction des pêches, 2009
L’analyse de la figure 4 montre que la quantité de poissons pêchés dans le lac Sélé a
diminué de 1988 à 2008. Cette diminution des prises est très considérable pendant
les périodes 1998-2000 où la quantité de poisson pêchés est passée de 147 tonnes à
33 tonnes. Cette baisse des rendements de poisson témoigne, entre autres, de la
mauvaise santé des cours et plans d’eau due au comblement et à la pollution occasionnés par les systèmes de cultures.
Dans le but de palier aux effets des systèmes de production agricole sur le lac, les
populations paysannes développent des stratégies d’adaptation.
3.5. Stratégies de mitigation
Les stratégies les plus significatives développées par les populations paysannes pour
limiter les effets des systèmes de production agricole sur l’environnement du lac Sélé
se résument à la pratique de l’agriculture biologique qui fournit naturellement aux
plantes les éléments qui sont nécessaires à chaque phase de leur développement.
Cette forme d’agriculture permet de maintenir et d’améliorer la fertilité de la terre
grâce aux rotations longues, au travail du sol, au désherbage mécanique et à l’apport
d’engrais organiques (fumiers compostés, composts…). Les intrants chimiques (en209
GUY WOKOU ; MICHEL BOKO ET MARCEL DA MATHA SANT’ANNA
grais, pesticides) se sont subtitués à l’utilisation des feuilles de neem (Azadirachta Indica)
et de papayer (Carica papaya). Soixante quinze pour cent ( 75 %) des paysans utilisent
le mélange feuilles de neem Azadirachta indica et de papayer Carica papaya. Le
processus de préparation de cette solution aqueuse est présenté à la figure 5.
Figure 5 : Processus de préparation de la solution de neem et de papayer
Source : ITTA (1982) et Hunyet, (1993)
Cette stratégie endogène consiste dans un premier temps, à chercher des feuilles de
neem et de papayer en quantité importante. Dans un second temps, ces feuilles
fraîches (vertes) sont pilées et mélangées à de d’eau le tout conservé dans une jarre
pendant 48 h. A ce mélange, s’ajoute un peu de savon indigène ‘’koto’’ en langue Mahi.
La solution ainsi obtenue est agitée le matin de bonheur (6 ou 7 h) et transportée dans
les champs pour les traitements phytosanitaires.
Pour réduire l’impact des herbicides 52 % des paysans de Ouinhi, procèdent à l’enlèvent des adventistes dans leurs champs (photo 4).
210
Systèmes de production agricole et dégradation du lac sele a ouinhi au sud est du Benin
Photo 4 : Enlèvement des mauvaises herbes dans un champ situé à 50 m du lac
Source : Cliché Wokou G., mars 2008
3.6. Mesures de renforcement
Pour appuyer les populations et contribuer au renforcement des stratégies endogènes, plusieurs mesures sont proposées. Il s’agit entre autres de :
¾
du dragage global du lac, incluant les aires marécageuses mitoyennes où les
populations de pêcheurs contribueront à sa restauration pendant l’étiage ;
¾
de l’approvisionnement du lac en eau par les puits forés les plus proches à
travers des canaux édifiés ;
¾
de l’alevinage (introduction des poissons et de crustacées.) effectif du lac tout
en s’appuyant sur les résultats d’alevinage de 2004 et 2005 où tous les alevins sont
morts avant les crues.
Conclusion
La présente recherche contribue à une meilleure connaissance des impacts des pratiques agricoles sur la dégradation de l’environnement du lac Sélé à Ouinhi. La dynamique de la dégradation du lac analysée grâce aux statistiques de pêche et l’indice
biotique montre une tendance à la baisse des rendements de pêches, la rareté et la
disparition de certaines espèces de poisson et la prolifération de la jacinthe d’eau
douce. Elle aide à une meilleure appréhension des stratégies de mitigation paysanne
face à la pollution et le comblement du lac Sélé. La mise en valeur du lac et son
développement exigent des précautions et des mesures plus robustes.
211
GUY WOKOU ; MICHEL BOKO ET MARCEL DA MATHA SANT’ANNA
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BOKO N. Patrice Maximilien, VISSIN Expédit W., OGOUWALE Euloge,
HOUSSOU S. Christophe et BOKO Michel
Laboratoire Pierre Pagney : Climat, Eau, Ecosystème et Développement. Université
d’Abomey-Calavi, 03-BP 1122, Cotonou-03, Bénin.
Email : [email protected] ; [email protected] ; [email protected], [email protected] ;
Résumé
La présente étude porte sur la tendance générale des températures au sud du Bénin.
En effet, au cours des deux dernières décennies, la hausse des températures préoccupe
de plus en plus la communauté internationale mais l’ensemble des données disponibles
sont des données globales. En conséquence, les risques du réchauffement à l’échelle
régionale et locale ne sont pas déterminés avec précision. Or il importe d’avoir des
données précises pour des prises de décision efficace.
L’analyse des séries des températures des stations synoptiques à l’aide des méthodes
statistiques a permis de vérifier les tendances à la hausse des températures. Cette
étude passe par la variabilité des températures, la détermination du seuil de signification
des tendances par le test de Kendall et la détermination des ruptures par le test de Pettit.
Ces tests ont révélés que les températures sont partout à la hausse sur les deux stations
synoptiques du sud-Bénin. L’augmentation des températures au cours des deux
décennies est de l’ordre de 0,1°C à 0,6°C. Les températures moyennes ont révélé une
fréquence élevée d’années chaudes.
Mots clé : Bénin méridionale, températures, réchauffement, tendance
Abstract
The present research relates to the study of the tendency of temperature in the south
of the Benin. Indeed during, the two last decades, the increase in temperatures worries
the international community more and more but all the data available are global.
Consequently, the risks of warming at a regional scale and local scale are not given
with precision. However it is important to have precise data for effective decisionmaking.
The analysis of temperature series data from the synoptic stations with statistical
methods thus enabled us the tendencies of increase in temperature. This study is
carried out through temperatures variability, the determination of the significativity of
the tendencies with the test of Kendall and the determination of the breakdown with
the test of Pettit.
These tests reveal that temperatures are increasing on the two stations. The increase in
the temperature during the decades are about 0,1°C with 0,6°C.The average
temperature series reveal a high frequency of Warmer years.
Key words : Southern Benin, temperature, warming, tendency,
213
Contribution A L’étude des Tendances Thermométriques au Sud Bénin
Introduction
Les études réalisées sur le climat au Bénin indiquent plus une variabilité climatique
(Ogouwalé, 2006) qu’une évolution des climats. Or, les données disponibles et les
études réalisées par les experts de GIEC (2007) sur l’évolution des températures, sont
d’échelle globale. Ce faisant, il n’est pas possible, selon les données actuelles, de
confirmer un réchauffement contemporain à l’échelle locale, la plupart des études
réalisées au Bénin ayant principalement porté sur l’évolution des hauteurs de pluies,
des nombres de jours de pluie, et beaucoup moins sur l’évolution des températures
ou la tendance thermométrique. Autrement dit, il n’existe que des études parcellaires
sur l’évolution des températures au Bénin (Boko, 1996). C’est pour combler ce vide
que la présente étude ambitionne de dresser un portrait des températures au Bénin
méridionale, en se basant sur une analyse des données sur la période de 1965-2004
des deux stations synoptiques de cette partie du pays.
I- Données et méthodes
1.1. Données
Les données thermométriques utilisées sont fournies par la Direction du Service National de Climatologie (DSNC), l’ASECNA (Agence pour la Sécurité de la Navigation
Aérienne en Afrique et à Madagascar) et extraites de la base de données du Laboratoire de Climatologie. Elles concernent les températures minimale et maximale des
stations synoptiques de Cotonou et de Bohicon (Figure 1). Les séries vont de 1965 à
2004. Aucune donnée manquante n’a été notée.
Figure 1 : Localisation des stations synoptiques
retenues
214
BOKO N. PATRICE M., VISSIN EXPÉDIT W., OGOUWALE E., HOUSSOU S. CHRISTOPHE ET BOKO M.
Les données sont soumises à différents traitements statistiques pour une analyse
multi variée.
1.2. Méthodes
Les données sont soumises à des tests et calcul en vue de déterminer les tendances
des températures sur les deux stations. Les paramètres statistiques retenus pour le
traitement des données sont la moyenne arithmétique, la moyenne mobile, l’écarttype, test de Man-Kendall, et le test de Petit.
La Moyenne permet de mesurer la tendance centrale qui représente le centre d’un
groupe de nombres dans une distribution statistique. C’est l’un des trois mesures de
tendance centrale les plus utilisés sa formule est :
Avec n = la
taille de la série
L’écart-type est la racine carrée de la variance. Il est l’indicateur de la variabilité par
excellence et de ce fait, il permet de mesurer la dispersion des valeurs par rapport à la
moyenne de la série.
Sa formule est :
avec x est la moyenne de l’échantillon
et n la taille de l’échantillon.
La série de 40 ans a été divisé en quatre décennies, afin de calculer l’évolution moyenne
des températures par décennie.
Les tendances ont été mises en évidence à l’aide de la moyenne mobile et du calcul
des anomalies. La formule de l’anomalie centrée réduite est :
avec
x = la moyenne annuelle et ó = l’écartype de la série
La moyenne mobile lissée sur 5 ans a permis d’avoir des séries thermométriques
lissées à l’échelle temporelle. Cette méthode facilite la pondération des évènements
extrêmes (Houndenou, 1998 et Doukpolo, 2006). Le but est de réduire l’amplitude
des variations interannuelles et de ne faire apparaître que les grandes tendances
Le test de Kendall (1975) a permis de déterminer une tendance unique ou générale
au sein de la série. Il est basé sur la statistique de corrélation de rang t de Kendall pour
montrer le degré de signification de la tendance.
215
Contribution A L’étude des Tendances Thermométriques au Sud Bénin
Le test de Pettit (1979) a été appliqué à la série des températures minimales et
maximales pour déterminer les points d’inflexion marquant une rupture de stationnarité
éventuelle dans la série chronologique. Lorsque l’hypothèse nulle (H0) est acceptée,
on déduit qu’il n’y a pas de rupture dans la série (Xi) de taille N. Mais quand elle est
rejetée, on en conclut par une estimation de la date de rupture en considérant le
maximum de valeur absolue observée dans la série pour chaque série.
Les résultats issus du traitement des données ont permis d’établir des graphiques, des
tableaux statistiques pour rendre leur présentation plus expressive. Les calculs ont été
réalisés grâce aux logiciels Excel, XLSTAT et KRONOSTAT.
2- Résultats et discussions
2.1 Variabilité des températures moyennes
De façon générale, la figure 2 montre une prédominance de régime thermique bimodal
sur les deux stations.
Figure 2 : Régimes des températures moyennes (1965-2004) par station
Les deux stations sont marquées par deux maxima. Sur les deux stations, les mois de
février à mai sont caractérisés par la hausse des températures. L’allure des courbes de
mai à août décrit une pente qui caractérise la baisse des températures. Pendant la
période de hausse, la température peut atteindre 30°C voire 32°C. Pendant la période
de baisse, elle oscille entre 24°C et 25°C sur les deux stations
216
BOKO N. PATRICE M., VISSIN EXPÉDIT W., OGOUWALE E., HOUSSOU S. CHRISTOPHE ET BOKO M.
2.2 Rythmes thermométriques décennaux
Les moyennes décennales (figures 3 et 4) ont évolué à la hausse de 1965-2004 sur les
stations. Les températures minimales (figure 3) sur les stations de Cotonou et de
Bohicon connaissent une évolution linaire et croissante mais pour Bohicon, la décennie
1975-1984 est caractérisé par une baisses de températures. On remarque que l’allure
des courbes évolue de 22°C à 23°C pour Bohicon et de 24°C à 25°C pour Cotonou. Ce
qui signifie que la température sur la période a augmenté de 1°C. La hausse de la
température s’est accélérée à partir de la décennie 1975-1984. Car l’évolution moyenne
de la température à l’intérieur des décennies montre une augmentation de 0,3°C sur
la station de Cotonou entre la décennie 1975-1984 et la décennie 1985-1994. En
revanche sur la station de Bohicon, la décennie qui a connu la plus forte augmentation
est la décennie 1995-2004 avec 0,6°C. On remarque que l’augmentation de la
température sur la station de Cotonou est restée plutôt stable au cours des deux
dernières décennies soit 0,3° C.
Pour l’évolution des températures maximales par décennies (figure 4), on remarque
que les températures sur la station de Bohicon ont oscillé entre 32°C et 34°C. Pour les
deux stations, l’évolution de la température s’accentue à partir de la décennie
1985-1994, soit une augmentation de 0,1°C. Enfin, pour les deux stations, la décennie
1995-2004, est la plus chaude. Par contre, la décennie 1965-1974 est la décennie la
plus froide sauf pour Cotonou dont la décennie la plus froide est la décennie
1975-1984.
Figure 3 Evolution des températures minimales par décennie (1965-2004)
217
Contribution A L’étude des Tendances Thermométriques au Sud Bénin
Figure 4 : Evolution des températures maximales par décennie (1965-2004)
En somme, l’évolution de la température est linéaire sur la station de Cotonou pour les
températures minimales et sur la station de Bohicon pour les températures maximales. Par contre, les températures minimales à Bohicon et les températures maximales
à Cotonou sont caractérisées par une baisse au cour de la décennie 1975 1984, une
décennie qui peut être considérée comme la plus froide sur les deux stations.
2.3 Variabilité interannuelle des températures minimales et maximales
Pour les températures minimales moyennes (figure 5), les années 70 semblent être
des années remarquablement froides. Par ailleurs, les années les plus chaudes se
trouvent généralement sur les deux stations dans les années 80 et 90. Ainsi, on a sur
les deux stations les années 1974, 1987, et 1998 comme années principales chaudes
et de façon générale les années 1975 et 1976 comme des années assez froides en
considérant les températures minimales moyennes sur les deux stations.
En ce qui concerne les températures maximales moyennes (figure 6), elles ont oscillé
entre 31.6°C et 33.6°C. Les années les plus froides sur les deux stations sont 1965,
1967, 1975 et 1986. Par contre les années les plus chaudes sont les années 1970,
1973, 1987, 1998 et 2001. Pour les deux stations donc, les années 1973, 1987 et
1998 sont les années dont les températures moyennes maximales sont remarquablement élevées.
Figure 5 : Evolution des températures moyennes minimales par stations
218
BOKO N. PATRICE M., VISSIN EXPÉDIT W., OGOUWALE E., HOUSSOU S. CHRISTOPHE ET BOKO M.
Figure 6 : Evolution des températures maximales moyennes par station (1965-2004)
Le régime thermométrique sur toutes les stations du Sud est bimodal. Les rythmes
décennaux des températures et la moyenne interannuelle ont permis de constater,
une fréquence assez élevée d’années chaudes.
3-Tendance des températures
3.1 Anomalie et tendances
De façon générale, la tendance est à la hausse pour les températures minimales et
maximales sur les deux stations. L’allure générale des courbes pour les températures
minimales nous a permis de déterminer deux périodes qui sont : 1965-1979 ; 19802003 (figure 7)
La première période (1965- 1979), est marquée par une légère évolution de la température qui va connaître une baisse vers la fin des « années 70 ». De façon générale, cette
période est caractérisée par une baisse de température. En effet, dans cette période il
y a beaucoup d’anomalie négative.
La seconde période 1980-2003, est remarquable par son évolution. Sur les deux stations, c’est une période de hausse de température, avec les plus fortes températures
en 1987 et en 1998.
Sur la figure 8, on observe une tendance générale à la hausse. En effet, sur les deux
stations, l’allure des courbes permet de distinguer trois périodes de hausse à savoir
1965-1973, 1974-1987 et 1988-2003.
Dans la première période (1965-1973), sur la station de Cotonou, la température est
généralement à la hausse (forte anomalie positive). Par contre cette période est plutôt
caractérisée par une baisse de températures sur la station de Bohicon.
A Cotonou, la seconde période (1974-1987) a été caractérisée par une baisse des
températures. En effet, on remarque une anomalie très négative à partir des années
1970, ce qui est le contraire à la station de Bohicon où les années 1970 marquent
plutôt le début d’une hausse des températures. Enfin, au cours de la dernière période
(1988-2003), les températures n’ont pas beaucoup évolué : l’allure des courbes traduisent une légère évolution de la température, d’autant plus que les anomalies positives
ne semblent pas aussi fortes qu’au cours de la période précédente. En d’autres termes,
sur les trois périodes les valeurs des températures n’ont pas beaucoup varié.
219
Contribution A L’étude des Tendances Thermométriques au Sud Bénin
Figure 7 : Anomalie des températures minimales des stations
Figure 8 : Anomalie des températures maximales des stations
L’analyse des indices standardisés a permis de déterminer les grandes tendances des
températures minimales et maximales mais quel est donc le seuil de signification des
tendances ?
3.2 Le seuil de signification des tendances
La tendance à la hausse des températures est significative au seuil de 5% sur toutes les
stations au pas de temps annuel (tableau I).
Tableau I : Récapitulatif des tendances avec le test de Kendall
220
BOKO N. PATRICE M., VISSIN EXPÉDIT W., OGOUWALE E., HOUSSOU S. CHRISTOPHE ET BOKO M.
Tableau I : Récapitulatif des tendances avec le test de Kendall
3.3 Détection des ruptures et étude comparée des sous périodes
Le test de Pettit appliquée aux séries des températures minimales et maximales
(figure 9 et 10) révèle l’existence de ruptures de stationnarité survenues au début des
années 1970 et à la fin des années 1980.
Cotonou maximale
Bohicon maximale
Figure 9 Détection de rupture de stationnarité avec le test de Pettit
Cotonou minimale
Bohicon minimale
Figure 10 : Détection de rupture de stationnarité avec le test de Pettit
221
Contribution A L’étude des Tendances Thermométriques au Sud Bénin
Les années de ruptures (Tableau II) pour les températures minimales sur les deux
stations se situent entre 1970 entre 1980, soit 1986, 1978, pour respectivement
Cotonou et Bohicon. Or, la décennie 1970-1980 a été considérée par de nombreux
auteurs comme la décennie marquée par une forte sécheresse en Afrique occidentale (Bokonon-Ganta, 1990 ; Bidou, 1981, Sircoulon, 1986). Ces périodes de ruptures
coïncident donc avec la sécheresse qui a entraîné des conséquences dramatiques
dans de nombreuses régions. Cette sécheresse caractérisée par des déficits
pluviométriques, par une mauvaise répartition des pluies et par une diminution des
nombres de jours de pluies, correspond au début de la hausse des températures sur
les deux stations.
Tableau II : Récapitulatifs des années de rupture avec le test de Pettit
En sommes, si l’on se réfère aux études antérieures sur l’évolution globale des températures et sur les études parcellaires à l’échelle régionale, les résultats de cette étude
ont confirmé l’augmentation des températures dans le Sud du Bénin. En effet, hormis
le GIEC (2007) dont les études sont globales, on peut retenir que les études de
Ogouwalé (2006) et Ogouwalé et Boko (2007) sur le Bénin méridional ont déjà permis
d’avoir une idée plus ou moins précise sur l’évolution des températures dans cette
partie du Bénin. De plus, les premières études en rapports avec la température annonçaient déjà une tendance en hausse. En outre, d’après Bidou, (1981) et Sircoulon,
(1986), les années 1970, 1980 étaient caractérisées par une grande sécheresse or
cette période coïncide avec le début de la hausse des températures. Cependant, la
variabilité des températures n’est pas forcément concomitante de la seule variation
des totaux annuels des pluies. Même si cela pourrait être le cas, une telle analyse serait
mieux appréhendée dans une étude comparative des régimes des thermométriques
et pluviométriques avec un réseau de mesure plus dense.
222
BOKO N. PATRICE M., VISSIN EXPÉDIT W., OGOUWALE E., HOUSSOU S. CHRISTOPHE ET BOKO M.
CONCLUSION
Au terme de cette étude, qui est une contribution à la détermination des tendances
thermométriques au Sud du Bénin, il ressort globalement que la tendance de la température est à la hausse sur les stations du Sud. Les températures par décennie et les
moyennes annuelles se sont révélées être de plus en plus chaudes. Cette tendance à
la hausse est plus accentuée pour les minima que pour les maxima et est significative
sur les deux stations au seuil e 5%. On peut ainsi affirmer que si les minima continuent
une telle augmentation on ne fera plus d’ici quelques années la différence entre les
minima et les maxima. Ce résultat indique pour les années à venir des risques d’impact
négatif sur les organismes vivants de cette région. Enfin, cette étude pourrait être
prise en compte pour faire des projections dans les différents domaines et secteurs
d’activités tels que la santé et les horaires de travail. Ce qui constituerait un atout pour
le développement durable. Il serait aussi intéressant d’étudier la perception de la
population sur l’évolution des températures.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUE
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du Bénin pendant la période 1970-1979 ; Annales N°2 F LASH, pp 224 - 237.
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7-IPCC (2001, 2007) : Climat change, Rapport d’évaluation
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: indicateur, scénarios et prospectives de la sécurité alimentaire. Thèse de doctorat
Unique, EDP/FLASH/UAC, Abomey-Calavi, 302p.
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Bénin Méridional et central, in Climat et développement N° 3 Décembre 2007 LECREDE
10-SIRCOULON J., (1986) : La sécheresse en Afrique de l’Ouest. Comparaison des
années 1982 - 1984 avec les années 1972 - 1973. Cahiers hydrologiques Vol XXI, N° 4,
ORSTOM. pp 75 - 92. BONDY.
223
224
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Cultures et Technologies 2009
Linguistique & Lettres Modernes
225
226
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Linguistique & Lettres Modernes : P. 227 - 234, 2009
Les héros picaresques dans la production
romanesque d’Ahmadou Kourouma
ADECHINA A. Emile Daouda
FLASH – DLM – UAC Bénin
[email protected]
Resumé
Ahmadou Kourouma se révèlera et se révèle, nous semble-t-il, à la lumière de la
critique littéraire, comme l’un des héritiers de la grande littérature universelle tels
Homère, Tolstoï, Dostoïevski, Zola, Boccace, Dante. A travers l’introduction des héros
picaresques dans ses actes de discours romanesque : Fama, Salimata dans Les soleils
des indépendances, le roi Djigui Kéita dans Monnè, outrages et défis, Birahima dans
Allah n’est pas obligé, Koyaga, vénérable président-dictateur dans En entendant le vote
des bêtes sauvages, Ahmadou Kourouma présente une véritable fresque épique de
ces pauvres hères, ballotés par les contingences historiques de l’Afrique noire
ancienne, coloniale et post-coloniale. De pérégrinations en pérégrinations, dans
divers milieux sociaux, rois, princes, notables, aventuriers, héros dégradés, devenus
ainsi anti-héros, ces personnages se prononcent en vain sur le cours de l’histoire
socio-humaine de leurs milieux qu’ils ne maîtrisent pas mais qui les prédéterminent.
En intégrant ce sous-genre qu’est le roman picaresque, comme en témoignent ces
personnages, Ahmadou Kourouma inscrit sa poétique romanesque dans les concepts
modernes de distanciation, de modélisation.
Concepts clés :
Héros, picaresques, fresque, hères, sous-genre, poétique, distanciation, roman,
modélisation, prédétermination.
Abstract
Ahmadou Kourouma will be revealed and appears, it seems to us, in the light of literary
criticism, like one of the important writers in the great universal literature such Homer,
Tolstoï, Dostoïevski, Zola, Boccace, Dante.
Through the introduction of the picaresque’s heroes into its acts of romantic speech :
Fama, Salimata of Les soleils des indépendances, king Djigui Kéita in Monnè, outrages et
défis, Birahima in Allah n’est pas obligé, Koyaga, worthy president-dictator of by En
entendant le vote des bêtes sauvages. Ahmadou Kourouma presents a true epic fresco
of these poor wretches, moved by the historical contingencies of the old, colonial and
post-colonial black Africa. Peregrinations in peregrinations, in various social backgrounds,
kings, princes, notables, adventurers, heroes degraded, become thus anti-hero, these
characters in vain come to a conclusion about the course of the socio-human history
their mediums which they do not control but which predetermine them.
While falling under this sub-genus, which is the picaresque novel, as testify some
227
Les héros picaresques dans la production romanesque d’Ahmadou kourouma
these characters, Ahmadou Kourouma registers his poetic romantic in the modern
concepts of distanciation and modelisation.
Focus – concept
Hero, picaresque, fresco, wretched, genus, poetic, distanciation, novel, modélisation,
predetermination.
L’introduction des héros picaresques dans la production romanesque induit, nous semble-t-il, que nous lisions cette production à partir de concepts modernes de distanciation,
de modélisation.
Après un état des lieux succincts de l’approche génésique et taxinomique du roman,
nous parlerons de l’appropriation de ce genre par les écrivains négro-africains afin de
procéder par la suite à l’analyse des caractéristique des héros structurés dans les œuvres
romanesques de Kourouma Ahmadou et à quelles fins cet auteur les utilise.
Procédons d’abord à un bref état des lieux de la production romanesque négro-africaine francophone. Nous étudierons également comment ces héros apparaissent
dans les dites œuvres.
1- L’APPROCHE GENESIQUE ET TAXINOMIE DU GENRE ROMANESQUE
L’approche génésique du roman retient, entre autres considérations que le genre
romanesque est une œuvre littéraire en langue romane, relatant un récit fictif. De nos
jours, il focalise surtout le récit d’événements imaginaires. C’est le genre dominant de
la littérature avec un grand nombre de sous-genres tels que : le roman d’analyse La
princesse de Clèves de Madame de la Fayette, L’aventure ambigüe de Cheick Hamidou
Kane, le roman d’apprentissage ou de formation : Lucien Leuwen de Stendhal, Voyage
au bout de la nuit de L. F. Céline, Climbié de Bernard Dadié ; le roman autobiographique
: Les confessions d’un enfant du siècle d’Alfred de Musset, L’enfant noir de Camara Laye ; le
roman d’aventures : Le comte de monte Christo d’Alexandre Dumas ; En attendant le
vote des bêtes sauvages d’Ahmadou Kourouma ; le roman épistolaire : Les liaisons
dangereuses de C. Laclos, Une si longue lettre de Marima Bâ ; le roman fantastique : Le
rivage de Syrtes de Julien Gracq, Le chant du lac d’Olympe Bhêly Quenum ; le roman
historique : Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, Doguicimi de Paul Hazoumè ; le roman
picaresque : Gil Blas de Santilhane de Lesage, Ville cruelle d’Eza Boto ; le roman policier
: Les récits de la demi-brigade de Jean Giono, Mogbé de Moudjib Djinadou ; le roman de
désillusion ou de désenchantement : Les soleils des indépendances de Kourouma Ahmadou ; le roman de la contestation : Germinal d’Emile Zola, Les-bouts-de-bois de Dieu
de Sembene Ousmane ; le roman de l’angoisse : Un piège sans fin d’Olympe Bhêly
Quenum, Le regard du roi de Camara Laye.Le sous-genre qui nous préoccupe ici est le
roman picaresque et les héros qualifiés comme tels. Parlons à présent de l’appropriation
du genre romanesque par les écrivains négro-africains francophone.
228
ADECHINA A. EMILE DAOUDA
2-PRODUCTION ROMANESQUE NEGRO-AFRICAINE FRANCOPHONE
La production romanesque négro-africaine francophone est une émanation de la
littérature française. Les écrivains reprennent dans leurs productions littéraires en
général et dans la production romanesque en particulier des thèmes, des héros, des
personnages et même des formes européennes d’écriture. Ces recours peuvent se
faire de façon parodique, subversive intertextuelle, iconoclaste.
Kourouma Ahmadou dans sa production romanesque n’échappe pas à ces
pré-contraintes historiques. Toutefois, il faut rappeler que selon Nordmann-Seiler
Almut1l’Afriquenoire a connu tous les genres littéraires avant l’arrivée des Européens
sauf le roman. Cette lacune proviendrait de l’absence de l’écriture au sens commun du
terme.
Le genre romanesque nécessite souvent en effet, une étendue considérable. Il ne
permet pas la présentation ou la consommation en une fois. Il a recours à la fixation par
écrit. L’intrigue est plus compliquée que dans les contes par exemple. Le roman comporte de nombreux personnages. Le lectorat peut revenir sur des passages, scripta
manent, les écrits disent les latins. Ces faits excluent par conséquent la transmission
purement orale. Par ailleurs, la société africaine n’est pas individualiste. Elle repose sur
l’entraide, l’interaction directe de ses membres, des normes sociales qui interfèrent
jusque dans la vie privée de l’individu. Or le roman traite des sujets individuels, des
conflits individuels sur un fond social. Selon toujours Almut Nordman-Seiler dans son
ouvrage cité, on peut comparer la société africaine traditionnelle, à la société de
l’Occident au Moyen-Âge, à savoir des hommes vivant dans une harmonie relativement stable entre la réalité et l’idéologie dominante, qui cherchait les causes du mal à
l’extérieur de leur société, par exemple dans les explications religieuses et non pas
dans les structures de cette société non contestées. En Europe, le roman apparaît au
moment où cette harmonie connaît ses premières fêlures.
En France, les romans de Chrétien de Troyes marquaient en effet, le moment où pour
la première fois dans la société médiévale, l’individu prit position à l’intérieur de la
société et même – sans vraiment en avoir conscience – contre la société. Le chevalier
errant ne vit plus en harmonie avec les normes sociales, comme les héros de la chanson de geste ; il sent surgir en lui des questions auxquelles les normes ne répondent
plus ; il part à l’aventure en quête des réponses aux questions troublantes qui commencent à le tourmenter er auxquelles il ne peut trouver de réponse dans la société.
Quelles sont à présent les origines des héros, dans la production romanesque ?
1
1
NORDMANN-SEILER Almut, La littérature néo-africaine, Paris, Collection Que sais-je ? PUF, 1976, 124 pages, p.
64 sq
229
Les héros picaresques dans la production romanesque d’Ahmadou kourouma
3- DEFINITION DE LA NOTION DU HEROS EN LITTERATURE
Dans la mythologie gréco-latine, le héros est un demi-dieu. Il incarne des valeurs
surnaturelles. Le héros est le mentor mythologique. Le héros épique est porteur de
valeurs surhumaines. Nous citerions dans l’œuvre d’Homère, L’Iliade et l’Odyssée, les
exemples d’Ulysse et d’Achille.
Par la suite, le héros est devenu le personnage principal d’une œuvre de fiction.
Dans les romans de la première moitié du XIXe siècle, on retrouve encore l’héroïsme
mythique à travers la peinture de certains personnages. Au tournant de l’année 1850,
se dessine une remise en question du sujet et donc d’une dévalorisation du héros
mythique. Il est, dans les productions littéraires de l’époque, dépossédé de ses anciennes
capacités à agir sur l’évolution des faits avec Cervantès.Le héros dans ce contexte est
donc un personnage résultant de la construction d’un texte2. Le mot personnage qui
s’identifie aussi au héros vient du latin « persona ». Ce mot latin désignait le masque de
l’acteur de théâtre. Le dictionnaire étymologique du français indique que c’est
Cicéron3 qui aurait introduit le mot personnage dans la littérature latine après l’avoir
forgé à partir du mot grec « prosopon » signifiant rôle, caractère. Le héros joue le rôle
d’un fil conducteur permettant au lecteur de s’orienter dans l’amoncellement des
motifs. Un moyen auxiliaire destiné à ordonner et à classer les motifs4. Cela renverrait
au rôle que jouerait la navette dans le métier à tisser. Le héros est un centre d’intérêt
esthétique principal de la littérature de fiction. Le héros fictif mimerait le personnage factuel.
2
3
4
Qu’en est-il du héros, du personnage picaresque ?
4- QU’EST CE QU’UN HEROS PICARESQUE ?
L’adjectif picaresque provient du mot espagnol « picaro » qui signifie vaurien.
Un roman ou une pièce de théâtre picaresque relève d’une œuvre littéraire dont le
héros est un aventurier issu du peuple ou un roi déchu volontiers vagabond, voleur ou
mendiant. Dans l’article sur le roman qu’il a rédigé dans la grande Encyclopédie Larousse volume 17 en 1976, p. 10501 à 10513, Michel Zéraffa cite le picaresque parmi
les grands types d’écriture romanesque. Dans cet article, il avance que c’est au XIXe
siècle que le terme a été forgé pour désigner une longue série de narrations ayant
pour trait essentiel la contestation du supérieur par l’inférieur. Le picaresque consiste
à démythiser les grands de ce monde et à démystifier ainsi le lecteur qui assiste à
l’ébranlement de l’idée même d’aristocratie. Paria de la société, le « picaro », « vaurien
», possède comme seules armes le regard et la parole. On ne fait pas attention à lui,
cependant le picaro voit à loisir les « traits humains » du noble, du chevalier, du riche
2
3
4
HAMON Philippe, « Pour une sémiotique du personnage in Poétique du récit, p. 109
CICERON 106 – 43 avant Jésus-Christ
TOMACHEVSKI Boris « Thématique » in Théorie de la littérature, Paris, Seuil, 1965, pp. 297 – 298
230
ADECHINA A. EMILE DAOUDA
mal drapés dans leurs dignités. Décontextualisé du cadre européen dans celui ouestafricain, le héros picaresque est spécifiquement dans l’écriture romanesque
Kouroumien. Les héros picaresques de cet auteur démythifient les nouvelles composantes des sociétés africaines au lendemain des « Soleils des indépendances » qui sont
tombés sur l’ouest du continent africain comme « des nuées de sauterelles ». Ainsi, le
picaresque comprend le « Satiricon », les Récits au bord de l’eau chinois et maintes
narrations arabes ou un personnage dénué de tout, mais beau, habile à parler et
téméraire joue mille tours aux gens installés dans une caste et dans l’opulence.
Le picaresque européen apparaît au moment des affrontements militaires, civils, idéologiques, religieux, culturels, économiques dont l’Europe est le théâtre au début des
temps modernes – monarchies absolues, affaiblissement des féodaux, importance
grandissante des bourgeois et des marchands. En Afrique de l’ouest, la période que
couvent les romans de Kourouma Ahmadou vont des années 60 à 2000 : indépendances
nominales, monopartisme, dictatures militaro-marxistes, allusions à des monarchies
absolues au Nord du continent, Conférences Nationales, Renouveau Démocratique.
Les conditions historiques d’ écriture du picaresque dans la production romanesque
ouest-africaine sont comparables à celles de l’Europe au début des Temps modernes à
savoir : les divers conflits militaires relatifs aux luttes anti-coloniales pour les indépendances,
la chute des anciennes monarchies ouest-africaines (Manding, Songhaï), avènement
du monopartisme, avènement d’une élite politique qui s’embourgeoise, nommée
néo-colonialiste soutenue par ceux qui font partie de la classe baptisée bourgeoisie
« comprador », cette classe bourgeoise africaine chargée de défendre les intérêts
économiques et politiques étrangers. Fama, protagoniste itinérant dans Les soleils des
indépendances5, le roi Djigui Kéita dans Monnè, outrages et défis6, l’enfant-soldat
Birahima dans Allah n’est pas obligé7, Koyaga, vénérable président dictateur dans En
attendant le vote des bêtes sauvages8, Birahima reconverti en «aboyeur» de «gbagas»,
ces taxis-brousse de Côte d’Ivoire, ce héros que nous retrouvons dans Quand on refuse, on dit non9, sont des types de héros picaresques dans l’écriture romanesque de
Kourouma Ahmadou.
5
6
7
8
9
5- STRUCTURATION DE CES TYPES DE HEROS PICARESQUES
DANS LA PRODUCTION ROMANESQUE DE KOUROUMA AHMADOU
Les soleils des indépendances fait partie des romans de désillusion, de désenchantement
dans la taxinomie de ce genre relatif au contexte littéraire négro-africain après les
indépendances nominales de certains états sub-sahariens dans les années soixante.
5
KOUROUMA Ahmadou, Les soleils des indépendances, Paris, Seuil, 1970.
Idem, Monnè, outrages et défis, Paris, Seuil, 1990.
7
Idem, Allah n’est pas obligé, Paris, Seuil, 2000.
8
Idem, En attendant le vote des bêtes sauvages, Paris, Seuil, 2004.
9
Idem, Quand on refuse on dit non, Paris, Seuil, 2004 (Posthume)
6
231
Les héros picaresques dans la production romanesque d’Ahmadou kourouma
Ahmadou Kourouma y narre les tribulations de Fama « personnage itinérant en quête
de sa pitance ». Ce personnage en effet, prince malinké de l’ancien royaume du
Horodougou se retrouve réduit au rang de vulgaire sujet et travaille, comme l’écrit
Ahmadou Kourouma, son inventeur, dans les funérailles au milieu des griots. Ce sont
les Indépendances tombées sur l’Afrique noire qui l’ont placé dans cette condition de
pauvre hère.Comble de misère, même son épouse Salimata est stérile et c’est elle qui
pourvoit aux besoins alimentaires du foyer.Toutes les tentatives et ruses que Fama
initiera pour retrouver les anciens attributs de son rang princier seront vaines. Il
n’arrivera pas vivant à Togobala du Horodougou. Il meurt à la frontière entre la République de la Côte des Ebènes et la République populaire de Nikinaï. Fama qui signifie roi
en Malinké est incontestablement le personnage central autour duquel s’organise tout
le roman. Il juge les autres personnages, qu’ils soient épisodiques ou possédant une
individualité plus marquée. Eux aussi le jugent.
Sous la plume d’Ahmadou Kourouma, toute la vie de ce prince du Horodougou « né
dans l’or, le manger, l’honneur et les femmes10 » n’est qu’une suite de malentendus
induisant des échecs au niveau personnel (absence de progéniture en raison, entre
autres, de la stérilité de Salimata), emprisonnement pour des raisons politiques, fin
tragique de ce prince déchu en route pour une hypothétique reconquête de la
couronne du Horodougou à Togobala.Le portrait de ce personnage s’apparente ainsi à
celui du héros picaresque, pauvre hère itinérant, vagabond. Cet aspect est perçu en
socio-critique comme relevant des traits du héros romanesque problématique.
Goldmann Lucien11 reprenant les analyses de Lukacs Georg sur l’esthétique du roman
précise que le personnage problématique n’est pas celui « qui pose des problèmes »
mais celui dont l’existence et les valeurs le situent devant des problèmes insolubles et
dont il ne saurait prendre une conscience claire et rigoureuse. Fama exemplarifie
cette définition. Il y a en effet une rupture insurmontable entre Fama, symbole du roi
déchu, et le nouveau monde des « soleils des indépendances » dans lequel il doit vivre
désormais. Ce prince Doumboya est condamné à vivre d’expédients c’est la déchéance.
Le comble, c’est que Salimata le lui fait savoir en le traitant de : « stérile, cassé,
impuissant » p. 29 Fama est le jouet des événements. Il mourra déchiqueté par un
caïman. Tout compte fait, Fama est aussi dégradé que la société dans laquelle il vit.
Fama, un désadapté, est l’un des héros nostalgiques d’une Afrique à jamais disparue.
La poéticité qui a créé Fama est celle qui a présidé à la structuration du personnage de
Birahima qui possède lui aussi, les traits du héros picaresque. Les périples de cet enfant
orphelin de Côte-d’Ivoire le conduiront de son pays vers ceux dévastés par la guerre.
C’est un pauvre hère ambulant qui a comme compagnon d’infortune, Yacouba, féticheur musulman faux monnayeur. Ils seront tous deux enrôlés dans l’armée du Front
National Patriotique du Libéria dirigé par le Colonel Papa le Bon. Ces personnages sont
des héros problématiques dans des pays africains dévastés par la guerre. Ces héros
picaresques qui nous concernent sont impuissants face à ce monde africain mythique
qui s’effondre.
10
11
10
11
Kourouma Ahmadou, Les soleils des indépendances, p. 10
Goldmann Lucien, Pour une sociologie du roman, Paris, Gallimard, 1964
232
ADECHINA A. EMILE DAOUDA
6- STRUCTURATION DE CES TYPES DE HEROS PICARESQUE
DANS LA PRODUCTION ROMANESQUE D’AHMADOU KOUROUMA
Bingo en compagnie de Tiécoura dira le donsomana de Koyaga, « la vérité » sur la
dictature de Koyaga, ses parents, ses collaborateurs, sur ses « saloperies », « ses conneries »,
« ses mensonges », « ses nombreux crimes et assassinats ». Kourouma promènera ce
héros en Afrique de l’ouest, en Afrique Centrale, en Afrique du Nord, en France. Après
ce périple initiatique soutendu par de la violence, Koyaga attendra de récupérer son
Coran magique et sa météorite. Il organisera des élections à sa guise « Si d’aventure les
hommes refusent de voter… pour vous, les animaux sortiront de brousse, se muniront
de bulletins et vous plébisciteront12 » Tel est le portrait de ce héros, de ce personnage
à la fois picaresque et problématique. C’est le cas du roi Djigui Kéita de Monnè, outrages et défis suite à l’arrivée des troupes françaises dans son royaume. Il tente en vain de
résister à l’envahisseur. Un jour, « il avait commandé qu’on lui préparât un lit. Il s’était
couché, avait trouvé le sommeil, mais ne s’était pas relevé13»
Il n’a pu arrêter le cours tragique de l’histoire qui lui a imposé la colonisation française
et sa déchéance. Birahima n’a pas perdu ses attributs de héros picaresque dans Quand
on refuse on dit non14. Sa reconversion à Daloa comme aboyeur pour une compagnie
de Gbagas, taxis-brousse, ne le sédentarisera pas. Il renouera avec l’errance en fuguant
avec sa bien-aimée vers le Nord. On assiste ici aussi comme dans les romans
précédents, à l’impuissance de ces héros picaresques face aux tragiques déchirures de
l’Afrique en général et de l’Afrique noire au sud du Sahara en particulier. Ces héros
picaresques permettent à leur inventeur de nous faire découvrir des aspects dits et
non-dits de certaines sociétés modernes africaines contemporaines. On y retrouve
des rois déchus, Fama, Djigui Kéita ; des vénérables présidents dictateurs « aboyeurs »
de slogans, Koyaga, encouragés par des Soras et des courtisans.
12
13
14
Kourouma Ahmadou nous peint ces héros en utilisant le registre d’une ironie
caustique et corrosive. Cette forme d’écriture lui permet de mettre ces personnages
emblématiques en perspective, inscrivant ainsi dans son récit l’effet de distanciation,
de recul, de détachement par rapport aux événements narrés. Le comico-sérieux qui
soutend ces portraits révèle aussi une utilisation subversive de ce genre populaire
africain dans l’écriture romanesque.On lit également en filigrane, dans les portraits des
héros picaresques, de la dérision, utilisé par Kourouma comme matériau esthétique
dans sa production romanesque. Kourouma inscrit ainsi le picaresque dans l’écriture
négro-africaine francophone.Fama, Djigui Kéita, Birahima, Koyaga sont des anti-héros,
héros mythiques dégradés voire problématiques dans un univers négro-africain
lui-même problématique face à l’altérité à laquelle des héros sont confrontés, face
aux différents défis induits de la rencontre de l’Afrique avec les autres civilisations
européennes, arabo-musulmanes.
12
13
14
KOUROUMA Ahmadou, En attendant le vote des bêtes sauvages, p. 381
Idem, Ibidem, p. 278
Idem, ibidem
233
Les héros picaresques dans la production romanesque d’Ahmadou kourouma
BIBLIOGRAPHIE
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-
Les soleils des indépendances, Paris, Seuil, 1970.
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Monnè, outrages et défis, Paris, Seuil, 1990, 282 pages.
-
Allah n’est pas obligé, Paris, Seuil, 2000, 224 pages.
-
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-
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Ouvrages de critique littéraire
-
Goldmann Lucien, Pour une sociologie du roman, Paris, Gallimard, 1964.
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Hamon Philippe « Pour une sémiotique du personnage » in Poétique du récit,
Paris, Seuil, 1990, 109 pages.
-
Nordmann-Seiler Almut, Littérature néo-africaine, Paris, Collection Que sais-je ?,
Paris, 1976, 124 pages.
-
Tomachevski Boris « Thématique » in Théorie de la littérature, Paris, Seuil, 1965,
pp 297 – 298.
234
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Linguistique & Lettres Modernes : P. 235 - 344, 2009
235
Paralinguistic vocal features Place and Functions in communication
236
COFFI B. YEHOUENOU
237
Paralinguistic vocal features Place and Functions in communication
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COFFI B. YEHOUENOU
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Paralinguistic vocal features Place and Functions in communication
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COFFI B. YEHOUENOU
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Paralinguistic vocal features Place and Functions in communication
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COFFI B. YEHOUENOU
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Paralinguistic vocal features Place and Functions in communication
244
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Linguistique & Lettres Modernes : P. 245 - 256, 2009
Bilingualism in a multicultural society: a
factor of development.
Patrice C. AKOGBETO
DELLCE / FLASH / UAC : tel : (00229) 97125515; 06 BP 1677; e-mail :
[email protected]
Résumé
La présente étude s’intéresse aux bienfaits du bilinguisme qu’engendrerait l’introduction
de nos langues à l’école. Dans cette perspective, elle clarifie le concept du bilinguisme
et s’efforce de montrer que ce phénomène qui découle de la nécessité d’une
communication efficiente est, en fait, un facteur de développement dans les sociétés
multiculturelles. En effet, plus aujourd’hui qu’hier, les Africains en général et les
Béninois en particulier ont pris conscience que le développement endogène durable
ne peut se réaliser sans la contribution effective de nos langues (locales). En Afrique
de l’Ouest, des pays comme le Nigeria, le Ghana et le Mali peuvent être cités en
exemple. Mieux encore, le Bénin veut introduire la plupart de ses langues à l’école. Si
cette initiative, très louable, se concrétise, elle donnera lieu, sous peu, à une
expansion rapide du bilinguisme local qui doit permettre aux différentes cultures de
s’ouvrir plus facilement les unes aux autres. Ainsi, le bilinguisme issu de la présence de
nos langues à l’école pourra et devra servir comme un facteur de promotion de la
tolérance, de la paix et par conséquent, comme facteur de développement.
Mots-clés : Bilinguisme ; société multiculturelle ; développement
1.INTRODUCTION
The multiplicity of languages in Africa has often been utilized or at least seen as a
factor of rift and conflict between local communities or ethnic groups. In this
contemporary trouble- assaulted world, life, needless to say, is worth living only if it is
peace-oriented, if humans can use their various languages as a means to bring about
understanding, tolerance and harmony in their midst. One of the ways towards this
target is a policy that would encourage and promote local or national language
bilinguals. Indeed, about ten years ago, Kola, a professional teacher of mathematics,
born in Porto-Novo, South-eastern part of Benin, went to the ministry of education to
find out about what followed his application for a transfer. He addressed the right man
but, clearly, the latter didn’t care to grant due attention to his concern. Then, a mechanic
friend of his, Mama, also born in Porto- Novo, but who could speak Dendi as a benefit
of his father’s service in the North decided to take over and submit Kola’s worry, not in
French but in Dendi which is also the official’s mother tongue. Mama was not familiar
245
Bilingualism in a multicultural society: a factor of development.
with the man; he only had happened to know that he was aDendi speaker. However,
as he exposed Kola’s case, a patient and brother- to- brother-like conversation ensued
and ended up with Kola helped out of trouble and transferred as he had wished.
Moreover, a bit as a surprise, the meeting closed with the official kindly inviting young
Mama to come and visit him later so that they would discuss matters in connection
with what he called «our hometown». Actually, language made the official believe that
he and Mama had originated from the same Northern region.This phenomenon is not
particular to Dendi or Dendi speakers. Speak to whomever in his first language and you
speak to his soul. That experience teaches among other lessons that, on the one hand,
the official language may fail to help the user reach his target and, on the other hand,
it is entirely to one’s advantage to be able to know and use other local languages than
one’s first language.This paper aims to clarify the concept of bilingualism and
demonstrate how this phenomenon, if capitalised on, could largely favour development.
Indeed, more nowadays than ever before, we, Africans at large and Benin people in
particular, are growing conscious that for a genuine development of our countries, the
contribution of our local languages will be essential. Therefore, considering the benefit
this new awareness could yield, I wondered what bilingualism could contribute to
help bring about development.
The paper argues that bilingualism can foster understanding among various ethnic
groups through an insight into their cultures and is, as a result, a means of building
tolerance and peace, two factors essential to development.
The modern world is visibly and audibly multilingual, and research on bilingualism in
the last sixty-five years has been extensive. In the period between Ronjat (1913) who
described the balanced French/German bilingual development of his son Louis, and
Weinreich (1953) who introduced from several perspectives –psycholinguistic, grammatical and sociolinguistic – every issue that is being researched today, a number of
studies were carried out on the European continent, from various viewpoints and
ideological perspectives and linked with issues of nationalism, statehood, language
change, language minorities, etc. Leopold (1939 – 1949) highlighted many of the
central themes of child bilingualism research: the separation of the two languages, the
influential role of the interlocutor, the influence of the dominant language on the
weaker one etc. Haugen (1953) developed a particularly complex and subtle set of
categories with respect to which borrowing phenomena can be classified and studied.
Later, Fishman (1965) analyses the influence of migration from the Third World on
language practices in the industrial West. He presents his key concept, domain, defined
as a ‘’cluster of social situations typically constrained by a common set of behavioural
rules’’ to account for language choice in bilingual communities. His domain analysis
views the language behaviour of individuals as derived from, and constrained by,
higher-order societal structures. Mackey (1972, 1980) has, in French-speaking
Canada, placed the issue of bilingualism in the political sphere and documented the
246
PATRICE C. AKOGBETO
diversity of bilingual situations around the world. Klein and Dittmar (1979) dealing
with the bilingualism of guest workers in the Germany of the seventies make reference
to contemporary research on second language learning. Their work is characterised by
a sensitivity to the effects of social factors on language. Poplack and Meechan (1995)
make use of the variationist approach to language contact and provide a test involving
French and two languages of the Niger-Congo family, Wolof and Fongbe. All those
studies illustrate the phenomenon and the problems it raises. What is yet to be stressed
enough, and which justifies this paper, is how to make bilingualism instrumental in the
development of our communities. The paper firstly defines and clarifies the concepts,
secondly, presents bilingualism as manifested in West Africa, and thirdly, focuses on
the way bilingualism could be used to favour development.
2.DEFINITION AND CLARIFICATION OF CONCEPTS
For the sake of clarity, «bilingualism», the most central element of this topic, needs to
be given some length. This term has indeed been given many interpretations:
a) Hamers and Blanc define bilingualism as the state of a linguistic community in which
two languages are in contact with the result that two codes can be used in the same
interaction and that a number of individuals are bilingual.
b) The Webster Dictionary (1961) defines bilingualism thus: ‘’Having two or using two
languages especially as spoken with the fluency characteristic of a native speaker.’’
c) Bloomfield (1935) defines it as ‘’the native-like control of two languages’’( p.56).
d) According to Weinreich (1953), the practice of alternately using two languages is
called «bilingualism» and the person involved is a bilingual, which Macnamara (1969)
seems to agree with when he says that a person should be called a bilingual if he has
second language skills in one of the four modalities (listening, speaking, reading and
writing) in addition to his first language skills. From these definitions, a bilingual is
anyone who can speak at least two different languages. For instance, a Fongbe
speaker who can use Dendi is bilingual. A both Ewe and Akan speaker is a bilingual.
Thus, all educated Beninese are bilinguals as they speak French and their mother
tongue or their first language.
However, as we are considering «bilingualism», it is also important to keep in mind
Asilevi’s view (1990 : 12) on English –Ewe bilinguals, that the majority of educated
bilinguals are of the ‘functional bilingual’ type in both the maximal and the minimal
senses.
The minimal type is the one who is able to accomplish a restricted set of activities in
the second language with perhaps only a small variety of grammatical rules at his
disposal and a limited lexis appropriate to the task in hand. This category consists of
people who have succeeded in adding English or French to their Ewe or Fongbe,
without receiving systematic instruction; instances of these people are illiterate
247
Bilingualism in a multicultural society: a factor of development.
traders, artisans, maidservants and watchmen. The maximal type comprises people
who can conduct all their activities in both languages but may show signs of interference
in phonology, morphology, lexis or syntax without impeding communication. Most
African writers belong to this group.It must also be noted, for further information, that
Weinreich tried to make, from a theoretical perspective, a distinction between
bilinguals. Hence, the concepts of ‘coordinate’ bilingualism, and ‘compound’
bilingualism. Weinreich calls ‘coordinate bilingualism’ the situation in which a person
learns a language in separate environments, and the worlds of the two languages are
kept separate with each word having its own specific meaning. For instance, a person’s
first language is Spanish; he learns English in school. Because the two languages are
associated with different contexts, different conceptual systems are developed. He
may, for instance, use ‘companero’ for ‘friend’ as in: he is my companero.In compound
bilingualism, the person learns the two languages in the same context, where they are
used concurrently, so that there is a fused representation of the language in the brain
(Romaine 1989;77). Thus, a child who acquired both German and Spanish for instance,
in the same home, would know both Buch, the German for book, and libro as the same
context with two different verbal labels. Thus, according to Weinreich, for the compound
bilingual, the languages learnt are interdependent and for the coordinate bilingual
they are independent. When one of the terms compound and coordinate is used, it is
to refer, along the line suggested by Perecman (1984) to alternative strategies for
more than one language, and not to structural differences in how multiple languages
are wired into the brain. Bilingualism affects both individuals and communities as a
characteristic of multicultural societies. A multicultural society denotes, for instance,
all countries in the world with the characteristic of being made up of many ethnic
groups or communities, each considered as a different culture, carried of course, by a
specific language. The various languages of these communities are the concern of this
study. It is worth exploring the bilingualism these languages would give rise to in West
Africa to boost development on the continent.
Development refers to both the individual and the community of which he is a member.
As both a target and the process towards that target, development denotes the
necessary improvement in the lives of the individuals and their community; that is,
their economic growth, the progress in their political freedom and their social welfare.
All individuals and communities on earth are bound to aim at and work for their
development as a natural fact. Indeed, all living entities are destined to change for
better. This development is never achieved at random. It is conceived and planned and
seriously worked for with the appropriate means needed. In this perspective, for a
nation to develop, that is, to carry out its development policy successfully, it needs to
make all the citizens— individuals and communities as well— contribute. These varied
contributions can be pooled but on condition that peace prevails.
248
PATRICE C. AKOGBETO
3. Bilingualism in West Africa
3.1. Types of bilingualism
From most people’s understanding in West Africa, bilingualism has been construed as
the ability to use two European languages, with a primacy for English/French
bilingualism. This view, short-sighted and erroneous, stems from the colonial experience,
as language contact between Europe and the continent occurred through colonization,
with, as a result, the alien language imposed upon and dominating the local languages.
As the European languages have been made the media of education, government,
and business, the ability to use French or English was a privilege; for instance, through
the assimilation policy, when the African had a proper command of the French language,
he could be awarded the French citizenship. The effect of all this has been that most
Africans are made to believe that only European languages matter, and it followed the
wrong conception of bilingualism as restricted to the use or ability to use two European
languages. But it is clear that he that cannot speak but two or more local languages is
also a bilingual even though, at our present stage of development, this status is yet to
offer great enough opportunities. In actual fact, in West Africa bilingualism exhibits a
variety of aspects. We have what can be termed as territorial bilingualism. Here, each
group finds itself mostly within its own politically defined territory, with the two or
more languages having official status in their own territory.
Bilingual communities can be found in multilingual countries in West Africa. In these
countries, there exist one or more languages of wider communication cutting across
these groups and nations and native to none or few of them. This involves a superposed
language imposed by political decision making which introduces an exogenous
language, normally inherited from a colonial past and used only in certain official
domains, as in the case with French or English. In West Africa also, we experience
diglossic bilingualism. In this case, two languages are spoken by a variable section of
the population, but they are used in a complementary way in the community, one
language or variety having a higher status than the other and being reserved for
certain functions and domains. An example is English and Pidgin in Nigeria.
West Africa furthermore experiences what is categorised as mono-literate bilingualism.
In this situation, schools use two languages in all their activities, but only the L2 is used
to initiate the child into literacy skills. There is moreover transitional bilingualism, in
which the L1 is used to facilitate the transition to an unmarked language.
In West Africa also, code-switching appears to be randomly employed, which may
signal that processes of shift are at work in a language or in the relationship between
two languages. It is a case where interactants seemingly engage in acts of identity.
Where French and English dominate, the overwhelming influence of each other is
assimilated, while others hung on to their dialects. However, adolescents, caught
between the dialects as a sign of the past, an alien standard form imposed by the
school system, and the English of the dominant majority, have developed an original
249
Bilingualism in a multicultural society: a factor of development.
vernacular, characterized by code-mixing and code-switching between English and
French. The hybrid vernacular is a way of resolving their conflict.
Where two languages are marked, people learn both languages since the people
need to communicate. These languages have existed for long and they have converged
syntactically. However, they are still totally distinct in their vocabulary, which serves as
a powerful symbol of each group’s ethnic identity and distinctiveness. Syntax is the
marker of cohesion; in contrast, vocabulary is a marker of tribe. This results in a tendency
for individuals to suppress alternatives in order to distinguish themselves from each
other. Some individuals keep some alternatives alive in order to be able to identify
their origins even more precisely, by using them in a particular and distinctive
proportion relative to other alternatives.
3.2. Bilingualism in practice
Essien (1996) reports that an Iyala child living with his parents in the Calabar Municipality
speaks Iyala with his parents at home, Pidgin with his peers, and English with his
teachers. Similarly, a Bariba child living in Porto-Novo, Benin, speaks Bariba at home,
Gun with his playmates at school and French with his teachers. On the campus of the
University of Ghana, Legon, the majority of students speak their tongues to fellow
students of the same ethnic group, Pidgin to others and English to their lecturers. This
means that bilingual speakers use each language in different social contexts, and the
children and the students referred to above are on their way to becoming maximal
users as they are in a situation of systematic instruction.
Likewise, though modern African literature is mostly expressed in European
languages, no matter the linguistic correctness of the text, most often, the first language
of the author can be perceived. This is, in fact, a kind of linguistic stratification, thus
creating a situation where two codes operate in the writers’ works, one as the
superstratum and the other as the substratum. The whole first six-line stanza of Ama
Ata Aidoo’s poem «Someone Really Talking to Sometime this Time» for instance, is in
Fanti, the writer’s mother tongue, running as follows:
Na innyim de demara na otse?
Afe a owo sere wee n’
no obi rusu
Mbom so:
Onnkye dem daa
Na nkye yebotum?
-Aba Abasema
In Achebe’s Things Fall Apart (1994:7) we can read: «All this anthill activity was going
smoothly when a sudden interruption came; it was a cry in the distance: Odu achu ijijio-o! (the one that uses its tail to drive flies away!)». Also, in Soyinka’s The Road, Samson
250
PATRICE C. AKOGBETO
switches from Nigerian Pidgin to formal English. All this is incorporation of varying
chunks of the authors’ first language items into the literary medium, whatever the
genre.This linguistic symbiosis which has become a feature of African writing is not
unique to Africa. This is clearly expressed in Zabu’s words (1991) when, regarding
popular forms of speech, she states: «Play-wrights like Shahespeare or Moliere might
use them occasionally as some characters’ social status. Poets and novelists might
venture a few vernacular terms in the interest of local colour». A clear evidence that
the writer’s resort to his first language is not always unconscious.
4. Bilingualism and development
This section aims to show how much local-language bilingualism — the ability to use
at least two or more local languages — could help to foster factors that prompt
development.
4.1. What language is
To this end, it is necessary to stress the importance of language as an instrument in
people’s lives. Language, a tool of communication, is a vehicle of knowledge, a carrier
and transmitter of culture, the repository of human civilization. It determines our way
of thinking and the way we behave. A concrete instance is seen in the following
quotation attributed to Louis XIV: «Prince, from you to me, the difference, if any, is only
that between white and black». Indeed, Aniaba, a black African adopted son of the
King, spoke as a native. King Louis thought that with this, Aniaba had reached the apex
that every French citizen aimed at – the lights of the French civilization — and therefore,
there was no difference between Aniaba and him but for the colour. Language also
affects the manner in which we construe the world. As Whorf points out: «Language
structures thought». In this way, one’s first language is an inseparable part of oneself.
It is the language in which one reveals one’s identity and personality. The most efficient education therefore is that received in one’s mother tongue or one’s first language,
the language we were born in and which we have grown up speaking and have used
over and over again in varied circumstances and with which we have gradually been
impregnated. Thus, people’s first language is extremely important to their own lives
and the life of their community or ethnic group.
1
4.2. Language and people.
As language affects the individual, so does it do to the ethnic group and the community.
As a people’s common means of communication, language is used in all interactions
with the others and in all activities in which they are involved. As a means of exchange
that carries the culture and history of the people, it structures the worldview of the
community, and as a vehicle, passes down to the successive generations their fathers’
1
Adams, Parveen. Language in Thinking. Suffolk: Penguin Education, 1972: 8.
251
Bilingualism in a multicultural society: a factor of development.
values. Thus, by its character of shared property, language is a bond. It connects its
users by getting them close or closer, prompts them to gather and helps develop
among the community members an instinctive feeling of solidarity.
Given the way language affects individuals and communities, to be able to explore
bilingualism for the sake of development, it is important to know about theories of
bilingualism.
4.3. General theories of bilingualism
When individuals and groups come into contact their languages come into contact.
When languages are in contact with each other, it shows that the situation where
variation and change in language and language behaviour at the group, individual and
the interpersonal levels takes place becomes the norm. This is because language, in
addition to being a tool for communication, is a symbol and an instrument of individual
and group identity and norms of intergroup power relations. And as these relations,
identities and norms change, so do language and language behaviour.
Once a language is learned it becomes available as part of the speaker’s stylistic repertoire
(Chaika 1982:225), and a bilingual’s possession of two languages makes him use them
in a complex network of interactions extremely difficult to explain. Bilingual individuals,
in their everyday speech, alternate from one language to another sometimes in the
same language context even when they are fluent in both and may effectively handle
the two codes separately. More often, as Crystal (1996) suggests, the choice of language
varies depending on the status of the person being talked to (members of the family,
schoolmates, colleagues, friends, superiors, etc;), and the environment one finds oneself
in. About half the world’s population is bilingual, and bilingualism is present in practically
every country of the world.
However, variations and change are not uniform. Individuals and groups behave
differently and change at different rates on differential dimensions. Consequently,
language contact will have differential and at times opposite consequences for
language and language behaviour, all because of dynamic tensions.
Languages in contact may either converge or diverge. This results from the point that
the degree of variation in intralingual and intellectual uses depends on the relative
strength of two tendencies insociety. These are:
(a) the tendency to reduce intergroup and interpersonal differences ( convergence).
(b) the tendency to speed up these differences (divergence).
The first point (a), also called focusing, is found where speakers are in close constant
contact and there is consensus on the norms of language behaviour. This is connected
with small communities with dense and multiplex social networks, as ethnic groups
are. This is also connected, to a lesser degree, with societies where a written language
is imposed as the legitimate norm on a nation or a linguistic ‘commonwealth’, eg.
International French on Francophone countries.
In (b), that is divergence, it is referred to by Page as diffusion. It prevails in situations
252
PATRICE C. AKOGBETO
where there are no imposed or self-imposed norms, where social networks links are
loose and multiplex, leading to wide variations in usage. Language creativity is then at
its highest, as in pidginization. In one case, we have stability, in the other variability.
Sometimes both tendencies are at work.
4.4. Bilingualism: a connecting factor of ethnic groups
If development should be our target, then our tendency should be towards
convergence. That is, we shall have to work hard and behave in such a way that we
reduce intergroup and interpersonal differences. This necessitates a national policy
which would bring the ethnic groups closer one to the another to the point where
they would develop feelings for convergence. In fact, for the sake of clarity, one must,
here, acknowledge that there is a cultural dimension to development. Genuine
development is indeed carried out in harmony with the people’s culture. It can’t, in
other words, be arrived at unless account is taken of the factors which make up that
people’s identity and welfare. In the context of multicultural societies, no cultural
aspects of any ethnic group — their history, arts, the forms of social, religious, and
economic organizations that they have, and mainly their languages – are to be
downplayed. It is therefore necessary in our pursuit of genuine development that we
seek insights into the ways of thinking of the various ethnic groups, know their
conception of reality, their worldviews, their conception of development and their
aspirations. This will give us a leeway to prompt purposeful cultural exchanges among
the groups. Indeed, it is worth making the differences in our cultures a rewarding
opportunity. That is, each and every culture should be seen as and made contributive
to development, completing the others in harmony.
The cultural exchanges that will result from this outlook will, of course, take place
through communication. They will be worthwhile and prove a key to development if
it is an easy, free and open communication among the ethnic groups. Our local
languages are thus, offered the opportunity to be restored. These languages, destined
to be highly instrumental in the life of the African have been silenced and made
absent in most of his everyday vital activities; they were therefore moribund and
almost thrown on the scrapheap of history. This is now the time when they will come
alive again to function and play their role, that which colonialism has prevented them
from, causing Africa a delay in its development. The language revival phenomenon
which will follow on from this will very likely give rise to enthusiastic acquisition of the
local languages: the new context is not one of alien languages imposed, similar to the
experience colonization has made the colonized people suffer, but one in which the
acquisition of the other language is consensus-based or a deliberate choice. In other
words, we had better consider important and make ours Mohandas Gandhi’s wish that
all cultures of the land be blown about his house as freely as possible. Today, as a
matter of fact, as Ferguson points out, «much of the world’s verbal communication
takes place by means of languages that are not the users’ mother tongue but their
2
2
Mohandas Gandhi, known as Mahatma (1869-1948); Indian political and spiritual leader and social reformer.
253
Bilingualism in a multicultural society: a factor of development.
second, third or nth language, acquired one way or another and used when appropriate».
That is, millions of people the world over have turned bilingual, and bilingualism is so
widespread and pervasive that it appears that being a monolingual is rather a linguistic
setback. Knowing other languages has become essential for individuals to survive and
for nation states to develop. In this context, the language to be acquired is seen as an
instrument which will facilitate interaction with people from other speech communities,
a means that will allow dialogue for national development.
Communication, it must be remembered, implies the communicators’ involvement in
the act of communicating. This means the participants’ agreement, willingness and
readiness to exchange fruitfully. The way to this necessary open-minded attitude,
rather rare among ethnic groups, can be paved by the bilingualism that will result from
our interest in our various languages. Indeed, through the potential that language has
to convey its users’ history and culture—their feelings, the ways they solve their
problems, their likes and dislikes, their notion of identity— the ability to understand
and use it will make the users mutually more understandable and approachable.
3
5. Implications
Educational policies in Africa should all offer opportunities so that we get educated in
our first languages while we also learn international languages. Introducing our local
languages into school will quite certainly be the answer. Most African countries—
Nigeria, Mali, Ghana — to name just a few, have adhered to this idea and have some of
their languages in school. The Benin case where most languages will soon probably
also be in school if the current trend which recently crowned with the creation of a
ministry for literacy and the promotion of local languages is maintained, sounds to be
a very exciting sample. If in this country most main languages should be in school at all,
our various languages will come into contact one with the others and, as time goes,
there will be a fast development of bilingualism among our fellow citizens. Indeed, a
Fongbe-speaking child schooling in Parakou, North Benin, for instance, will most
probably have to learn Bariba in school. Likewise, a Dendi-speaking child schooling at
Ifangni, in the south-east, will also learn Yoruba in school. If for any reason those
children’s parents should change residence or find themselves in a different place of
work, they will very likely have to learn other local languages, those taught in the new
schools. Thus, it won’t take decades before school makes most children bilingual with
the possibility for them to be able to speak an important number of local languages.
This status, of course, will pave the way for easy contact and exchange between
people from various parts of the country through the mutual trust sharing the same
language generates. As language carries and reveals culture, many bilinguals will have
access to the world of the other ethnic groups which they will get close to and
become familiar with, a door which will quite surely usher in tolerance and peace. It
is not overemphasized but rather fair to stress that primary school stage is indeed the
life period when languages can best be learnt. Research has confirmed that children
3
Ferguson quoted in Braj Kachru (1992).
254
PATRICE C. AKOGBETO
are better learners of languages than adult people. What favours this phenomenon
according to research findings would be the fact that in early childhood mother
tongue elements and elements of the second language are stocked in the same part
of the brain ( reference).
Conclusion
It is hardly necessary to highlight the benefit in the decision made by many African
countries to introduce their languages into school. One aspect of the consequent
education, apart from producing citizens with their roots down deep in their culture
and realities, is that bilingualism will help develop and ease interethnic communication and dialogue, which will serve not only as a key to solving conflicts in case
any occur but more particularly to preventing any such cases that may not favour
peace and hinder development. There is the need therefore to urge African heads of
states to be steadfast in their decision to educate African children in their languages.
Africans must, indeed, learn and master their languages and apply enough energy to
have them promoted and have them rise to a literary standard. The languages,
whether local or national, when put on such a pedestal where they are construed as
a national property, will, through the bilingualism that will arise, turn into a more
powerful vehicle of peace and, as a result, into a primary factor of development.
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256
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Linguistique & Lettres Modernes : P. 257 - 265, 2009
Intertextuality, influence and the problem of
originality in Literature
Auteur : Akoété AMOUZOU
Faculté des Lettres et Sciences Humaines Université de Kara, TOGO
E-mail: [email protected]
Abstract
Every work in literature, whether poetry, drama or fiction, or even criticism, necessarily
draws on works which have been produced before it. No text ever has an independent
meaning. There are other texts to which it necessarily refers and on which it then
depends for its meaning. The creation of meaning is always done out of a web of
previous expressions of meanings and this is what is referred to as intertextuality.
Intertextuality poses the problem of influence and originality. If the text has existence
and meaning from influence, does influence not affect the originality of every text?
What does it mean for a piece of literature in general to be original?
Key words: Intertextuality, influence, originality, meaning, interpretation
Résumé
Tout texte littéraire, qu’il soit de la poésie, du théâtre ou de la fiction, ou même de la
critique littéraire, tire son origine d’autres œuvres qui ont été produites auparavant
dans le même genre. Le texte n’a jamais un sens indépendant. Un texte a toujours un
sens par rapport à quelque chose qui le détermine et le qualifie. Le sens se détermine
alors dans un réseau de relations intertextuelles qui pose alors le problème de
l’influence et donc aussi inévitablement de l’originalité. Si l’influence extérieure
devient nécessaire pour le sens du texte, cette situation ne dépouille - t - elle pas le
texte de son originalité ? Qu’est-ce que cela signifie pour un texte littéraire d’être original ?
Mots clés : Intertextualité, influence, originalité, sens, interprétation.
Introduction
Intertextuality is a word which has been coined by Julia Kristeva in the 1960s. In this
new concept, Kristeva highlights language’s ability to contain within it many voices,
the writer’s and others’ alike. In an essay entitled 3The Bounded Text3, Kristeva
establishes how a text is constructed out of already existing discourses. She argues
that authors do not create their texts from their own original mind, but rather compile
them from pre-existent texts. For her, a text is a permutation of texts, an intertextuality
in the space of a given text in which several utterances, taken from other texts intersect
and neutralize one another. From the foregoing, it can be argued that the text is not an
individual isolated object, but rather a compilation of a 3cultural textuality 3 as Allen
(2000) puts it.
257
Intertextuality, influence and the problem of originality in literature
For Soller, «…tout texte se situe à la jonction de plusieurs textes dont il est à la fois la
relecture, l’accentuation, la condensation, le déplacement et la profondeur1 ».
In a given sense it can be argued that literature is the use of language to organize
human experience and human world view in general. This organization of human life
by literary art draws on models, codes, principles, traditions and systems which have
been previously established. Sollers’s idea quoted above makes reference to this
«re-writing» of human experience. We are programmed in our production of shades of
life; we are programmed in our readings, in our interpretations, in our ways of writing,
in our living, in our seeing, in our speaking, in our use of language etc. Seen from this
perspective, it is clear that no human production or act can be said to have meaning by
itself. It is the same with literature. The production of literature is the result of influence
from other art forms or art of the same kind. It is fundamental to notice that if we enjoy
a play, a film, or dislike a novel; if we hate or love, it is because the ideal of these
concepts haunts us continually and projects in our life judgement systems to contrast
or resemble the situations or events under consideration. Modern theorists such as
Julia Kristéva, Mikhail Bakhtine, Gérard Génette and many others claim that the act of
reading plunges us into a network of textual relations. We read and interpret a text in
relation to previous ones,
between texts3. Under this condition, meaning itself cannot be said to lie in the text.
This supports Roland Barthes’s idea of «the death of the author3 who, he says is not
needed for the creation of the meaning of his text2. This situation creates a problem;
because it indicates that all human production is a result of influence. If this is so,
where do we locate the literary text’s originality?
1
1
1. The Concept of Intertextuality in literature
In her definition of intertextuality this is what Julia Kristéva had to say: «Tout texte se
construit comme mosaïque de citations, tout texte est absorption et transformation d’un
autre texte3». Literature is one of these forms of art which articulate the rebirth of
society and all cultural forms. The individual, taking part vigorously in this vicious cycle
of cultural rebirth, creates texts out of the multitude available. His text becomes an
intertext, reflecting the déjà vu or the already existing production influencing him.
Here, the uniqueness of the artistic production seems impossible and this indicates
that the artistic production - here the text - is assembled from bits and pieces of
information already in existence and gathered from here and there. This also means
that the text has its meaning in relation to other texts. It is important to remember here
what «Semiotics» advocates that every text is a tissue, a woven thing, made of a set of
2
1
- Philippe Sollers, « Ecriture et révolution » in TEL QUEL: Théorie d’ensemble. Paris, Seuil, 1968,p.75
The idea of «The Death of the Author» was developed by Roland Barthes in an essay in 1968. See Roland Barthes. Image- Music- Text, Stephen
Heath (trans.), Fontana, London :142-148. See also an important contribution to this idea by Michel Foucault(1979) « What is an Author?» in
JosuéV.Harari (ed.) Textual Strategies:Perspectives in Post- Structuralist Criticism, Cornell University Press, Ithaca, NY, 141- 160.
3
-The word Intertextuality is an acronym by Julia Kristéva. In her book Séméiotikè (p.146), this is how she defined the concept.
2
258
AKOÉTÉ AMOUZOU
signs. So the text reads out of these signs which themselves are other texts to be
decoded. Clearly put, there is also here the promotion of a new vision of meaning,
different from the traditional one which considered that the author’s intention is the
meaning of the text4. Here appears a problem about the autonomy and originality of
literary texts which become complicated when the author’s role in the unity and entity
of the text disappears.
Authors of literature select words from a language system; they select plots; they use
clichés, aspects of character or character types, images, ways of narrating and even
phrases and sentences from previous literary texts and from existing literary traditions.
Language has its tradition; but every particular type of art also has its tradition which is
adopted by the practitioners of that art. Because of this the work of art can be seen as
a product which does not emerge from an author’s original thought or will but rather
as a space in which many relations come together to produce an artistic response for
the writer and to the reader. Whatever a writer wishes to express is an already existing
thing that he translates in words, which themselves are frequently imposed on him by
the situation at hand or by the art form he is handling or simply by the audience or the
readership he has in mind. As Roland Barthes indicates, the meaning of the author’s
words does not originate from the author’s own unique consciousness, but from their
place within linguistic-cultural systems5. For Roland Barthes, each word the author
uses each sentence, paragraph or whole text he produces takes its origin and meaning
in the language system out of which it is produced. It is this view of language which is
considered intertextual by critics. As it appears, all the writer needs is the ability to
manipulate this mobile medium (language) in its interactive traits. When this tendency
of transferring meanings and concepts from one context to the other has proved
successful, then the writer has achieved a communicative success. It is in this sense
that it is said that a good writer gives life to the word. A good performer of the literary
art gives indeed life and vitality to the words. By so doing he displays his artistic
competence, because if the words in the writing do not acquire mobility in their
capacity to move from the dictionary or ordinary meaning into the complex web of
existing linguistic and artistic codes, then literature at this moment plunges the reader
into a sad boredom displayed by plagiarism and inefficiency. Human being himself is a
combination of hybrid and always complex forces operating for dominance in the
major characteristics which constitutes the identity of a person. As a product of all
these forces and of course a source of productivity, trends of the influence of the
various shades of values engrained in him pertain his every productivity whether in
literature or other forms of art. The fact for example that Achebe is a famous story
teller, but not an excellent poet of the kind of Senghor, Okigbo, Awoonor, Okara is an
excellent proof of this. What I mean here is that writers display abilities depending on
the different forces operating in them. They are the voice or the echo of others, of a
tradition, of a culture. What is called inspiration is exactly a concept which traces the
production to an origin which most of the time is outside the writer. Inspiration comes
from life’s experience, from the environment, from everywhere in the culture; and
3
4
4
-New Criticism is against the idea of «Authorial intention» which considers that the meaning of the text is the intention of the
writer. What New Critics call« intentional fallacy » is the fact that the writer’s intention can be misleading. Sometimes the text’s
meaning is different from the meaning the writer wanted it to have.
5
-Roland Barthes (1968), op. cit.
259
Intertextuality, influence and the problem of originality in literature
consequently what the writer produces becomes the echo of «the already existing» or
what Graham Allen (2000) calls the ‘’déjà vu’’ or the ‘’déjà connu’’. In an analysis about
language he argues that,
language is never our own, that there is no single human subject who
could possibly be the subject of psychological investigation, that no
interpretation is ever complete because every word is a response to
previous words and elicits further responses (P. 27; my italics).
As we have been saying, the characteristics of intertextuality indicate that society as a
whole is a text, and that social texts or cultural texts, and individual texts cannot be
separated from each other. The source of the text, or its influence which is traditionally
referred to as ‘’background’’ or ‘’context’’ has a very profound and significant importance when it comes to its identity as a woven thing. Structuralists would go as far as to
look at the text as an embodiment of ideological structures expressed in society through
discourse. This is clear because literature uses fundamentally language which is a
social construct6. That is why texts cannot have stable meanings. If a writer uses for
example the word ‘’normal’’, he is implying that there is a norm which constitutes at
this particular time his ideal. If he uses words like ‘’natural’’, ‘’good’’, ‘’justice’’, these
words and all the rest refer to values or regulations or even concepts which cannot be
considered to be unique in human experience. Intertextuality here concerns the text’s
emergence from what critics call the ‘’social text’’. Its existence as a text cannot be
conceived outside society and culture. Obviously then, if writing is an intertextual
phenomenon, reading also is necessarily intertextual because as was mentioned earlier
on, no text has a meaning by itself or outside society and culture. This connection of
the text to the on-going cultural process indicates that the text has meaning from
‘’inside’’ but also from ‘’outside’’, before it and after it. Intertextuality is a very complex
notion which entails some questions:
1.) If literature is so intertextual does it mean that ‘’originality’’ in its
traditional sense does not exist in it?
2.) What does it mean, in the field of literature, to be original?
Is it possible for a word, an idea, a concept or any cultural production to
free itself completely from the roots which justify its very existence to
become independent, unique in essence and thus also obviously original?
6
-See Lois Tyson, Critical Theory Today: A User Friendly Guide, Garland, New York, 1999 , p.224
260
AKOÉTÉ AMOUZOU
2. Influence and the Problem of Originality in literature
Kristeva and Barthes argue that there are not original works written by unique authors
of great genius, but rather they are the product of split objects. This means that background sources have essential rather than contingent influence on the text. There is
a difference between background source and external influence, that is elements
understood as external to the text and which exert pressures on the production or
reception of a specific literary text. Whatever the case, the production of texts means
that there is always a generic or thematic lineage to another work. In order to legitimate
their own statements or approaches, writers would even seek the influence of
canonical masters who are invoked as authorities to support, and at times even validate
their point. Quotations always play a great role in this process. In this respect, the writer
cannot help but perceive his precursor, the person cited as a paternal figure through
the power of imagination given to the latter’s text7. But, if not handled adequately this
can only lead to a simple rewriting of former texts and also to plagiarism and conformism
which constitute a danger to literary creativity. There is a challenge here for the writer;
and this challenge is multi-dimensional due to the various forces operating against his
quest for originality. It is this challenge which must compel him to revitalize his
competence as a writer in order to find a way through the dramatic influence and
discover both his real self and literary identity. The danger to be avoided in it all is what
can be called ‘’artistic contagion’’ or here ‘’literary contagion’’ where ideologies,
concepts and styles are simply plagiarized to an extent which deprives them of any
artistic and intellectually rewarding experience. We are not promoting any blind
repression of the past; nor are we arguing against references and quotations or any
vital and meaningfully enriching element outside the writer and the material at hand.
We are simply raising the issue of ‘’the anxiety of influence’’ which in order to facilitate
production and pave the way for vital thought, may create a sad boredom in the
literary sphere.
It is true that a text is ‘’a tissue of quotations drawn from innumerable centres of
culture’’ (Barthes, 1977; 146). But let us make it clear that the concept of intertextuality
which argues that the meaning of the text does not spring from the author, but from
multiple other sources does not mean either that the text’s intertext (the signifier) is
simply the signified; and this is where the writer may display talent, ability and vision.
It is obvious that a writer is almost a product of his own past which influences him
continually. But the past influence as in all quotations should display the value of art.
The intertextual has less to do with specific intertexts than the entire cultural code
which is made of discourses, stereotypes, clichés, ways of saying. As it appears, the
notion of ‘’origin’’ here indicates that the meaning of any literary production is always
anterior to the text, and also always deferred. Bits of signifiers come into play to
7
7
- In their book Citer l’autre Marie-Dominique Popelard et Anthony Wall (2005) abundantly developed this idea
about quotations.
- This Idea of «The Anxiety of Influence» is abundantly developed by Harold Bloom in his book The Anxiety of
Influence: A Theory of Poetry. Oxford University Press, Oxford, 1973
8
261
Intertextuality, influence and the problem of originality in literature
produce the signified. If Roland Barthes, talking of the intertextual function of language
discards the role played by the writer in the construction of meaning, how do signifiers
come into play to produce the signified recognizable or traceable to their culture of
production? What happens here is that the writer always invests his artistic competence
into his work for it to mean what it means. The problem of originality comes in here. It
must be understood that intertextuality is not only a way of utilizing previous textual
units, but it also requires the transformation of these previous elements into a new
signifying system. In so doing, the writer produces other signifiers out of the signifying
system which might be called the origin of his work. In literature originality is achieved
when the produced text is not the same as the signifying system from which it originates.
Quotations, seen from this perspective, re-inscribe other people’s words or ideas in
one’s own discourse, and the writer must make of this borrowing a courageous
appropriation. If the quotations have become part of a new context of enunciation and
if they reveal to us a new valuable way of viewing the world or constructing our culture
and life in general, then they are being used intertextually but in a very original way. In
his Le Plaisir du Texte, Roland Barthes explains that there are two forms of text:
Text of pleasure: the text that contents, fills, grants euphoria; the text
that comes from culture and does not break with it, is linked to a
comfortable practice of reading. Text of bliss: the text that imposes a
state of loss, the text that discomforts (perhaps to the point of a certain
boredom), unsettles the reader’s historical, cultural, psychological
assumptions, the consistency of his tastes, values, memories, brings to a
crisis his relation with language. (1975: 14)
3. The Problem of Plagiarism in literature
From the analysis we have done, it is clear that in the writing process, ‘’signifier’’ and
‘’signified’’ are not identical. If the intertext gets influenced by the source or the
background to the point of falling into the second category Barthes is describing, then
it becomes simply something like a photocopy of the social culture and a boring
plagiarism which does not in fact give any pleasure. Pleasure of the text in fact arises
not only from the things said, but from the way in which these things are said, and it is
achieved when these things are artistically woven into an articulate and very neatly
organized language to create structures out of previous structures and by rearranging
received elements. The structure created by this arrangement is not identical with the
original structure, but yet functions as a description and an explanation of the original
structure, by virtue of its very nature of rearrangement. The text or literary work is
produced from a system of connections, but by the arrangements of the writer, it must
obscure these connections and relations to the system from which it springs. This calls
for skill to avoid issues as imitation and plagiarism which may occur during the
transformation of cultural or social codes, images, structures, facts, etc.
Most definitely, it can be argued that literature exists in its non original form, as a
rewriting of what has been already written, either by other authors, or by culture or
262
AKOÉTÉ AMOUZOU
society. With intertextuality we argue that texts refer to other texts, other signs. As a
result, it is also clear that authors may be said to be simple ‘’imitators’’ rather than
people who create afresh. If it is so, then Harold Bloom is right to express his 3Anxiety
of Influence3. But I think every writer in his work is conscious that he is in a process
where he is called to defend himself as a creative artist, and not as a person involved
in a mere rewriting of existing texts. He displays this quality in the ‘’using’’ (transformation) not ‘’reproduction’’ of previous texts. He must redirect, reinterpret, generate
other approaches, and perspectives which discard his production from the source. It is
in this sense that literary productions are original. All modern writers are influenced,
and displaying influence is even considered a good phenomenon in the literary sphere.
I don’t yet know any modern African novelists who are willing to use proverbs in the art
of story telling and who do not will to take after Achebe. But I don’t know either any of
them who have been simply engaged in a process of rewriting Achebe’s fiction. Literary
woks always draw on previous ones but become original in their preoccupation to
display artistic characteristics. The idea of influence and originality should be of great
preoccupation if writers want literature to be a rewarding experience. We all have the
desire to be influenced; that is why we read. But we do not have the desire to be
simple rewriters. Feminist writing can be taken here as a good example. In their
attempt to establish a distinctly female literary canon, women do not devote
themselves to a process of rewriting the male-oriented literature. If this process can be
called a rewriting, it is a re-writing in the sense that the male tradition was even
attacked from its roots. The attempt to empower women, and the quest for women’s
self-fulfilment, the attempt to examine previously overlooked traditions of writing or
story-telling by women appear here as an original response, not a mere rewriting. It is
an intertextual dialogue between women, men and society. As we see, influence in
the case of woman’s writing concerns her desire to draw inspiration from the existing
canon to establish herself as a writer and a female author defending the female gender
through literature. This is what establishes them as female authors with particular and
specific identities. If women’s literary imagination is developed as an account involved
in plagiarism, then all literature is plagiarism, because literature always uses, or rather
is always influenced by language and culture, which are pre-existing concepts. The
intertextual characteristics of literature come from the fact that all texts, whether
female’s or male’s, are dialogue with a system which at times may even constitute a
hostile environment against which the writer must fight.
Conclusion
The concept of intertextuality indicates that the notions of uniqueness and stability in
meaning are problematic. A text has its meaning from the connections it has with
other texts before it. From this perspective the text’s unity is drawn from the web of
interconnections that the different pieces of texts have among them. This means that
the text does not exist by itself; or does not have meaning by itself. Influence becomes
thus a vital element in literary production. But this influence can create problems and
263
Intertextuality, influence and the problem of originality in literature
lead to boredom and uncommunicative aloofness if literature is reduced to imitation
and rewriting of other previous texts. The art of writing finds its originality when influence is used as a ‘’market place’’ where there occurs interplay of various forces from
the culture and tradition. The received modes, models, codes, images, principles or
traditions should be transformed, and not presented as a simple combination of different
pieces. Originality is displayed through the writer’s will to transform the received
elements into totally different ones which cannot be traced directly to the source or
influence. Intertextuality is another crucial concept which challenges literature from
within, indicating that stability or uniqueness does not exist. It is true and this also
challenges our concept of interpretation because many forces operate in the text and
cooperate to produce meaning. From which angle do we have a valid interpretation?
As we see, writing itself as a creative phenomenon becomes an endless activity.
BIBLIOGRAPHY
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264
AKOÉTÉ AMOUZOU
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- Paupelard, Marie – Dominique, et Anthony Wall. Citer l’autre. Presses de la Sorbonne
Nouvelle, Paris, 2005.
1
265
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Linguistique & Lettres Modernes : P. 266 - 272, 2009
« Science, Conscience, Inconscience et le
monde »
Bernardin H. KPOGODO
Résumé
Cet exposé vise à faire partager l’angoisse que l’évolution vertigineuse de la science
fait naître dans le cœur d’une certaine catégorie de personnes.
Il souligne le caractère alarmant de la rencontre des grandes capacités de nuisance
que la science met à la portée de cet être naturellement enclin à initier des actes de
destruction. Il insiste en conclusion sur son souhait de voir créer des travaux de
réflexion sur les rapports de l’homme à la science, en vue d’une possibilité de retarder
le cataclysme que celui-ci ne manquera pas de provoquer un jour, vu les moyens de
plus en plus sophistiqués que dans un proche avenir, la science a coup sûr n’hésitera
pas à lui procurer.
Mots Clés : Science ; Conscience ; Inconscience ; Le Monde ; Corrélation ; Cataclysme.
Summed up
This account aims at making share the anxiety which the dizzy evolution of science
gives rise to in the heart of a certain category of persons.
He underlines the frightening character of the meeting of the big capacities of
nuisance which science puts within the reach of this being of course disposed to
initiate acts of destruction. It stresses its wish in conclusion to see creating jobs of
cogitation on the reports of the man in the science, with the aim of a possibility of
postponing the disaster which this one will not miss to cause one day, seen more and
more sophisticated means that within the foreseeable future, science has sure blow
will not hesitate to bring to him.
Key Words: Science; conscience; lack of thought; the World; correlation; disaster.
Introduction
Le contenu apparemment vague de cette formule appelle un effort de précision.Tel
qu’on le pressent, la rencontre des quatre termes indique entre eux un rapport de
corrélation dont l’homme est le centre :
La Science, c’est l’Homme.
La Conscience, c’est l’Homme.
L’Inconscience, c’est l’Homme, et
Le Monde, c’est l’Homme.
266
« science, conscience, inconscience et le monde »
Voilà pourquoi l’objectif de l’entretien est de découvrir le type de relation que chacun
de ces concepts établit avec lui.
1-
Science et destinée humaine
Depuis toujours, on sait que la science occupe une place immense dans la vie de
l’homme. En amont et en aval, elle se montre omniprésente, éclipse les autres
soutiens de l’homme, les étouffe et parfois même, les résorbe. Auguste Comte l’a
montré au XIX ème siècle dans le Traité philosophique d’astronomie populaire.
A ses yeux, la grande force scientifique de frappe repose exclusivement sur le degré
élevé de maturité auquel l’intelligence a pu parvenir à la dernière étape de son
évolution : « l’état scientifique », après avoir balbutié :
de « l’état fétichiste » à « l’état polythéiste »
de « l’état polythéiste » à « l’état théologique »
de « l’état théologique » à « l’état métaphysique ».
« Cette longue succession de préambules nécessaires conduit enfin notre intelligence,
graduellement émancipée, à son état définitif de positivité rationnelle, qui doit être
caractérisé d’une manière plus spéciale que les deux états préliminaires. De tels
exercices préparatoires ayant spontanément constaté l’inanité radicale des
explications vagues et arbitraires propres à la philosophie initiale, soit théologique,
soit métaphysique, l’esprit humain renonce désormais aux recherches absolues qui ne
convenaient qu’à son enfance, et circonscrit ses efforts dans le domaine, dès lors
rapidement progressif, de la véritable observation, seule base possible des
connaissances vraiment accessibles, sagement adaptées à nos besoins réels. »
Ce que privilégie Comte ici, c’est la voie et la méthode conduisant au savoir
scientifique, qu’il rend arbitrairement impératives pour le travail scientifique, une voie
et une méthode réductrices, reposant exclusivement sur la rationalité et l’observation
des phénomènes, dans le but de découvrir les voies qui régissent ces phénomènes, au
grand mépris du souci de connaître aussi tout ce qui échappe à la perception venant
des cinq sens :
Le goût
L’odorat
L’ouie
Le toucher
La vue.
Ce semblant de limitation des champs de perception chez l’homme produit une
scission et bloque toute possibilité d’accéder à quoi que ce soit, provenant d’autres
sources dans l’être humain et qui donnent des preuves irrécusables de leur existence :Arts
1
267
BERNARDIN H. KPOGODO
Religions
Préceptes de morale
Vérités empiriques
Vérités psychologiques
Vérités du cœur…
A propos des sources qui inspirent ces autres formes de connaissances, on parle en
terme méprisant de « connaissances subjectives », donc à crédibilité limitée, du fait
surtout qu’on ne les atteint que par le biais du sentiment.
Les théories d’Auguste Comte sur la connaissance scientifique portent des plages de
myopie, et jettent un énorme discrédit sur toutes les autres formes du savoir humain.
Dans le Traité des passions de l’âme, quand René Descartes, Cet ancêtre des
rationalistes modernes parle de l’homme, il trouve que dans ce fondement indéniable
de toutes les connaissances, les deux grandes forces contradictoires qui le
sous-tendent, la Raison parfois soutenue par la Volonté, et le Sentiment, sont à se livrer
sans répit un conflit parfois violent, sans espoir. Ici, le grand penseur présente les
rapports de forces qui opposent les deux puissances antagonistes et montre, en matière d’affrontement, la supériorité du Sentiment sur la Raison. On s’en aperçoit à
l’occasion de grands assauts de l’amour, de la haine, de la colère, etc. contre les
capacités négligeables de résistance que présente la logique rationnelle, tel qu’on le
voit dans Andromaque, dans Phèdre, dans La Thébaïde etc. de Jean Racine au XVII
siècle français. À la page 23 du Traité philosophique d’astronomie populaire,
rappelons-le, Auguste Comte a écrit les propos suivants : « … l’esprit humain
renonce désormais aux recherches absolues qui ne convenaient qu’à son enfance, et
circonscrit ses efforts dans le domaine, dès lors rapidement progressif, de la véritable
observation, seule base possible des connaissances vraiment accessibles, sagement
adaptées à nos besoins réels ».Dans les trois pièces du théâtre racinien, aucun lecteur
ne peut imaginer que Jean Racine aurait fait « la véritable observation, seule base
possible des connaissances vraiment accessibles » pour nous décrire la pulsion
ravageuse que développent les psychologies que nous voyons en scène à travers ces
trois pièces, mais qui revêtent le cachet irréductible d’une vérité inattaquable.
Il n’a rien observé, il a tout senti et a rapporté les résultats de ce qu’il a senti, dans la
description d’une vérité irréductible. La source unique qui inspire cette possibilité
d’atteindre la vérité ; c’est la CONSCIENCE.
ème
2
2-
Conscience et connaissance
La Conscience, c’est le siège unique de tout savoir humain : scientifique, empirique,
psychologique, subjectif, spirituel, etc.
Elle est innée, « elle est la subjectivité même ». Elle s’appelle aussi le moi, l’homme
intérieur. Elle possède deux qualités essentielles : La capacité de tout percevoir : nous,
les autres, ce qui meuble le monde, les pulsions de l’âme.
3
268
« science, conscience, inconscience et le monde »
La seconde qualité :
La Conscience est imperceptible au degré absolu.
En dehors de ces deux grandes qualités, elle tient une double fonction à visée
enrichissante : Nous révéler tout ce qu’elle perçoit puis, nous maintenir dans un
contact permanent avec nous-mêmes, avec ce qui nous entoure, avec le monde.
Sa seconde fonction consiste à moraliser l’homme. Mais, elle affiche une horreur
absolue de contraindre qui que cela puisse être, et quoi que ce soit. Jouissant
elle-même d’une indépendance absolue, elle observe pour tout ce qu’elle révèle une
liberté totale, qui doit permettre à celui-ci de faire fonctionner en lui le libre arbitre, si
cela est possible. Sur tous les plans, la conscience indique la voie à suivre et laisse
toujours chacun libre d’agir : « Je n’ai qu’à me consulter sur ce que je veux faire : tout
ce que je sens être bien est bien, tout ce que je sens être mal est mal : le meilleur de
tous les casuistes est la conscience ; et ce n’est que quand on marchande avec elle
qu’on a recours aux subtilités du raisonnement. Le premier de tous les soins est celui
de soi-même : cependant, combien de fois la voix intérieure nous dit qu’en faisant
notre bien aux dépens d’autrui, nous faisons mal ! Nous croyons suivre l’impulsion de
la nature, et nous lui résistons en écoutant ce qu’elle dit à nos sens, nous méprisons ce
qu’elle dit à nos cœurs ; l’être actif obéit, l’être passif commande. La conscience est la
voix de l’âme, les passions sont la voix du corps. Est-il étonnant que souvent ces deux
langages se contredisent ? Et alors lequel faut-il écouter ? Trop souvent la raison nous
trompe, nous n’avons que trop acquis le droit de la récuser ; mais la conscience ne
trompe jamais : elle est le vrai guide de l’homme. Elle est à l’âme ce que l’instinct est
au corps » Cettenature à contenu exclusivement théorique, dépourvue de toute
capacité énergétique à visée répressive qui d’un coup rectifie une inconduite et
rétablit l’ordre, comme on le voit dans les rapports de l’homme physique aux obstacles
matériels, cette nature pratiquement passive manque une véritable prise sur le réel.
L’absence de garde-fous énergétiques d’édification morale dans la conscience la
fragilise, la rend vulnérable et ouvre les vannes à tous les aléas. Car habituellement, les
injonctions tempétueuses des forces immorales, spirituelles, psychologiques,
physiques, … qui se déchaînent souvent dans l’homme et se montrent irrésistibles,
n’ont que faire des susurrements inaudibles d’une conscience à l’expression théorique,
et font sauter les digues branlantes de la moralité pour libérer leur fureur dévastatrice.
La tiédeur naturelle que présente la conscience conduit certains acteurs de la science
à se trouver complètement émoussés, oblitérés, insensibilisés, totalement sourds à
toute retenue dans leurs rapports avec l’ « article » le plus délicat, le plus élevé de tous
les préceptes de morale : l’ÊTRE HUMAIN !
322
4
3-
Homme de science, être humain et inconscience
Il semble que, dans le for intérieur de certains acteurs de la science, tout se passe
comme si, vis-à-vis de l’homme, ils vivent à l’état d’inconscience ! Comme si, en eux,
tout ce qu’ils font échapper à la conscience, qu’il se manifeste chez eux une absence
de jugement. Ils donnent l’impression d’agir aveuglément, par légèreté, par irréflexion,
269
BERNARDIN H. KPOGODO
par folie, comme s’ils se trouvaient à l’état d’inconscience.Ici, on pourrait exploiter un
vieil exemple :En décembre 1988, Marie-Angèle Hermitte fait publier dans Le Monde
Diplomatique sous la rubrique : « Science, Affaires et Démocratie » un article
impressionnant qu’elle a intitulé : « L’affaire Moore ou la diabolique notion de droit de
propriété ».Le contenu essentiel de cet article mérite qu’on l’écoute :En 1976, on
découvre à John Moore malade une leucémie chronique et dans son sang, des produits et des cellules rares, extrêmement précieux. Les médecins traitants cachent la
découverte au malade, programment de mettre au point un marché évalué à trois
milliards de dollars pour une quinzaine d’années d’exploitation. On planifie les
organes à commercialiser. On se les partage :
le sang,
la moelle osseuse,
la peau, les tissus,
le sperme,
tout cela ponctionné pendant sept ans puis, la rate malade qu’il faut enlever.
Les médecins passent ensuite des contrats, d’un côté avec une grande société de
« génie génétique » qui les paie en parts de capital ; de l’autre, avec Sandroz qui
assurera le développement et la commercialisation des produits. Au cours de la huitième année, l’affaire s’ébruite. John Moore se plaint. Les hommes de la loi lui font
entendre raison : en médecine, un organe séparé du corps à une valeur nulle. En
conséquence, la justice ne pourrait rien contre ses médecins. John Moore, on l’a
confondu pour couvrir avec bonheur une scandaleuse et désacralisante escroquerie
méticuleusement préméditée qui nous profane, nous diffame, et nous jette au rang
des animaux au rang des choses, à commencer par les auteurs de l’acte qu’on nous
rapporte, des médecins qu’on dirait anéantis sur le plan de la conscience, sur le plan
de la morale.Quand on pense à ces doctes personnages, dignement revêtus du grand
« Serment d’Hippocrate » qui en réalité les tourne en bourriques, on éprouve un
sentiment de pitié. On les dirait finis, sur le plan humain. Car en réalité, LA SCIENCE EST
INNOCENTE.
4-
Science et responsabilité
Quand on considère la rigueur des lois naturelles qui gèrent l’équilibre du cosmos et
l’univers, on ne voit pas facilement à quel niveau la nature pourrait défaillir au point de
déchainer toute seule un cataclysme qui menacerait le monde entier. C’est dans
l’homme que se trouverait la faille : Sur le plan ontologique, il porte deux états d’âme
incompatibles avec la vie paisible dans quelque milieu humain que cela puisse être :
l’affreux sentiment de haine qui, à partir de rien, se met à tout découdre autour de
l’autre pour le ruiner sur tous les plans qu’on peut exploiter contre lui, et goupiller
méticuleusement tous les types de projets susceptibles de lui créer tous les ennuis, de
lui barrer toutes les voies d’évolution qui pourraient s’ouvrir à lui. Cet état des passions
270
« science, conscience, inconscience et le monde »
venimeuses en entretient un autre qu’André Malraux désigne dans La Condition humaine par « la volonté de puissance » : « Les hommes sont peut-être indifférents au
pouvoir….Ce qui les fascine dans cette idée, voyez-vous, ce n’est pas le pouvoir réel,
c’est l’illusion du bon plaisir. Le pouvoir du roi, c’est de gouverner, n’est ce pas ? Mais,
l’homme n’a pas envie de gouverner : il a envie de contraindre, vous l’avez dit. D’être
plus qu’homme, dans un monde d’hommes. Echapper à la condition humaine,
vous disais-je. Non pas puissant : tout-puissant. La maladie chimérique, dont la
volonté de puissance n’est que la justification intellectuelle, c’est la volonté de
déité : tout homme rêve d’être Dieu ».Pour satisfaire cette « volonté de puissance »,
s’il se sert des qualités et des attributs de la science-comme les médecins de John
Moore- il sait très bien qu’il pose un acte perfide ; qu’il détourne de leur objectif et
tourne en dérision des forces heureuses dont le but aura toujours été de grandir et
d’étendre les pouvoirs de l’homme sur la nature et sur le monde. Car, toute la recherche scientifique repose sur le programme de pousser inlassablement l’être humain à
remporter une grande victoire sur le monde pour l’amélioration de sa condition.
La puissance scientifique, cette « immense force qui va » ne devient intentionnellement
mauvaise que si elle arrive à la portée de personnes lourdement nocives, immatures.
Très heureusement, tous les hommes ne sont pas également doués de ces forces
noires qui propulsent aveuglément certains individus dans l’action nocive. Des gens
qui, pour étancher la soif naïve de se sentir supérieurs, ne peuvent se voir heureux
que s’ils réussissent à déclencher une souffrance atroce dans l’autre.
5
Conclusion
L’impact de la science sur la psychologie humaine est nocif. En mettant son immense
force de frappe à la portée de l’homme, elle lui fait perdre la tête, elle lui enlève la
possession de ses esprits, le rend diabolique, menaçant, totalement nuisible pour le
monde. Elle le transforme en une force aveugle de destruction massive, de tout.
Généralement, on sait que l’homme est pire que les populations imaginables de
tous les enfers réunis. On dirait qu’il est moulé dans une matière profanante qui
conserve la capacité de tourner banalement toute promesse de bonheur en une
situation de désastre épouvantable. Sur ce plan il est haïssable à jamais. Ce monstre,
comment s’y prendre pour le contrer. Il est le centre, de la science, de la conscience.
Comment parvenir à limiter ses possibilités de nuire ! Cette situation est préoccupante. Il se peut que, réexaminant la corrélation maintenant en contact la Science,
la Conscience, l’Inconscience et le Monde, on découvre la nécessité de créer un
chantier de réflexion qui, s’il n’aboutit pas à une bonne solution, permettrait de retarder le cataclysme que l’homme ne manquera pas de provoquer un jour pour faire
écraser le monde./.
271
BERNARDIN H. KPOGODO
Notes
1.& 2 Comte (Auguste),Traité philosophique d’astronomie populaire, Paris,Fayard 1985, P. 23.
3.
Sartre (Jean-Paul), L’Être et le Néant, Paris, Gallimard 1943, P. 24
4.
Rousseau (Jean-Jacques), Émile ou de l’Education, Paris, Garnier. Flammarion.
1966, P. 322-323.
5.
Malraux (André), La Condition humaine, Paris, Gallimard 1946, P. 194.
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Notes
1.& 2. Comte (Auguste), philosophical Treaty of popular astronomy, Paris, Fayard on 1985, P. 23.
3.
Sartre (Jean-Paul), The Being and Nonexistence, Paris, Gallimard on 1943, P. 24
4.
Rousseau (Jean-Jacques), Émile or of Education, Paris, Garnier. Flammarion.
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• Russ (J). Dictionary of philosophy, Paris, Edges 1991.
• Sartre (J-P) The Being and Nonexistence, Paris, Gallimard on 1943.
272
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Linguistique & Lettres Modernes : P. 273 - 285, 2009
Revivre le passé d’une figure légendaire
yoruba à travers le théâtre : le cas d’alafin
sãngó
Salawu Adewuni
Résumé
Nous voudrions par cet article apprendre aux gens l’existence du théâtre dans la
culture et tradition Yoruba. Il s’agit d’une modeste investigation pour informer les
lecteurs et chercheurs de la richesse du patrimoine culturel yoruba. Oeuvre collective
issue d’une société en pleine transformation, le théâtre yoruba mérite que l’on l’étudie
dans sa forme primitive et moderne car il joue un rôle non négligeable dans
l’ouverture du peuple yoruba sur le monde. Dans la recherche sur le théâtre yoruba,
notre but est d’aider les hommes à se comprendre davantages dans leurs différences
pour que chacun puisse contribuer et se réaliser ouvertement et pleinement. Pour se
faire, des oeuvres d’ordre historique, sociologique, anthropologique ont été
consultées, sans toutefois oublier les références littéraires. Dans le but de pouvoir
mieux apprécier ce thème, deux grandes parties sont proposées: le théâtre populaire
yoruba et le théâtre né de la fusion entre théâtre traditionnel et théâtre étranger
communément appelé opéra yoruba. La crise politique dans le royaume Yoruba au 15
ème siècle a été mise en scène, avec les rois comme Ajaka, Olowu, et Sãngó, chacun
ayant une conception différente du pouvoir. Alors que Ajaka était faible de caractère
avec une vision modeste de la vie, ªãngó et Olowu croyaient à la brutalité car selon
eux, qui veut la paix prépare la guerre. Enfin, on en déduit que le théâtre est un
langage complet et aussi un moyen de communication efficace indispensable pour
faire revivre pratiquement les faits historiques et pour en tirer des leçons. En faisant
revivre le passé par le théâtre, on fait participer l’audience qui tire ses conclusions sur
tel ou tel comportement d’un acteur ou d’un autre comme si c’était un conte. Ainsi le
Yoruba pourra se reclasser dans le temps et se ré-évaluer.
Mots clés : Culture yoruba, royaume yoruba, théâtre populaire yoruba, Ajaka, sãngó.
Department of French, Faculty of Arts, University of Ado-Ekiti, Ado-Ekit.
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Revivre le passé d’une figure légendaire yoruba à travers le théâtre : le cas d’alafin sãngó
Introduction
Le théâtre date de longtemps et est aussi vieux que l’homme. Il met en scène une
histoire présentée par des hommes et femmes appelés acteurs. C’est un genre
littéraire, un moyen de communication ayant ses spécificités et ses buts. C’est un
langage. C’est aussi un moyen de communication. Pour Shakespeare, « le but du
théâtre … est d’offrir en quelque sorte, le miroir à la nature, de montrer à la vertu, ses
propres traits, sa propre image ou vice, et aux époques successives leur forme et leur
physionomie particulière (Anone, 1975:1) ». Le théâtre yoruba a connu depuis
son contact avec l’Occident des changements notoires. Il est appelé ‘ERE’, mais il
prit une forme révolutionnaire avec le brassage des cultures, plus précisément sous
l’influence de l’Islam et du Christianisme. Aujourd’hui, il y a beaucoup de pièces de
théâtre non encore mises en scène. Certaines sont d’origine historique et d’autres une
simple fiction. Dans cet article, il s’agira essentiellement de pièces historiques. En
effet, le théâtre yoruba ne peut se définir sans référence au culte des Egungun, car les
Yoruba adoraient les fétiches et croyaient en plusieurs dieux. C’est le cas des Egungun,
de Sango ou dieu de la foudre (ou du tonnere), et Obatala pour ne citer que ceux-ci
(Adeoye, 1985). En des moments précis de l’année, les fidèles se regroupent pour
célébrer les fêtes en l’honneur de ces dieux. Ceux-ci font des va-et-vient chantant
et dansant et le tout dans une ambiance relevant du théâtre. Le roi sãngó par exemple,
est une figure historique qui a régné à la tête du royaume yoruba au 15 ème siècle. Il
était considéré comme le roi le plus respecté dans ce royaume qu’il réussit à aggrandire
énormement. C’est de ce roi qu’il sera question dans cette étude. Bon nombre de
recherches ont été faites au sujet de ce chef de guerre. On peut de même compter au
moins deux mises en scènes par des acteurs professionnels comme Duro Ladipo chef
de file d’un groupe théâtral yoruba. La démarche à suivre dans cette étude, consistera
à jeter un coup d’oeil dans l’histoire du peuple yoruba, et plus particulièrement la mise
en scène de sãngó, dans le film intitulé: ªãngó, the Legendary African King (1998) par
EVEN-EZRA STUDIO/AFRICA N’VOGUE. Dans cette mise en scène, Wale Adebayo a
joué le rôle de ªãngó, alors que Bunmi Sanya était Oya, la mystérieuse et puissante
femme de sãngó. On a aussi: Wale Ogunyemi, Jimi Sholanke, Joe Layode, Antar
Lanlyan, Toyin Oshshinalke, Racheal Oniga, Jide Ogungbade, parmi d’autres.
Dans le but de pouvoir mieux examiner et apprécier ce thème qui à juste titre, retient
notre attention, deux parties seront proposées. La première comportera l’apport des
Egunguns au théâtre yoruba, la deuxième partie sera consacrée au théâtre historique.
Il importe de noter aussi que, nous ne ferons que décrire nos propres expériences de
lecteur, de spectateur, et aussi d’auteur. Nous souhaitons pouvoir tirer de nos analyses,
des conséquences directement attachées au théâtre historique.
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SALAWU ADEWUNI
La fête d’Egungun, une des manifestations du théâtre populaire yoruba
C’est sans doute dans l’animisme et dans la magie qu’il faut rechercher les origines
vivantes du théâtre. L’animisme, élément passif, et la magie, élément actif de la
religion à sa naissance, caractérisent en effet une part de l’activité des groupes
humains primitifs et l’on remarque que les premières formes réelles du théâtre se
créent et se developpent en les rites, les cérémonies et les cultes (Mousinac, 1966:5).
L’Africain est par nature un être qui croît aux mystères. Il en est heureux et nul ne le
doute. Pour lui, les ancêtres, les esprits et les dieux ont une influence sur les vivants.
Ensuite, il croît aux lois de la nature qui, une fois violées peuvent entrainer des
punitions sous forme de maladies (Ojaide, 2002: 47). L’homme et le monde forment
une seule entité constituée par une interaction entre des forces qui composent
le monde à savoir la nature, l’homme, et les choses (Kodjo, 1987: 58). Cependant, l’Africain croît à un Dieu suprême appelé Olorun chez les yoruba. Le panthéon
yoruba compte autant de dieux que de jours dans l’année et même plus. Outre la
multiplitude de dieux dans la croyance yoruba, il y a aussi le culte des ancêtres, car,
chez le Yoruba, les morts ne sont pas morts. Ils sont partout, dans la nature, dans la terre
qui est d’ailleurs sacrée. Le yoruba croît à l’influence de son père mort. Il l’invoque en
cas de difficultés, fait des libations pour apaiser son âme (Adéoye, 1985). Ceci apparaît
très clairement à la lumière de la citation dans l’article «From Chief to President. A
study on traditional and modern African Leadership» publié par Ogot, B. A. et que Louis
Munoz rappelle ici (2003:53-54):
The Universe appears to most African societies as a vast hierarchical order, from God on
its summit down to the last creature. Next to God, … one finds the first parents of man,
that is, the founders of the different tribes. These people, who have received directly
from God their vital force, constitute the highest link between men and God, whose
intermediaries they are.
L’univers apparaît à la plupart des sociétés africaines comme un vaste ordre hiérarchique,
de Dieu au sommet à la dernière créature. Après Dieu, … on trouve les premiers
parents de l’homme, c’est à dire, les fondateurs des différentes tribus. Ces personnes,
qui ont reçu directement de Dieu, leur force vitale, constituent le plus grand lien
entre les hommes et Dieu, dont ils sont les intermediaires (Notre traduction).
David Brokensha dans Social Change at Larteh, Ghana est de notre avis sur ce point
:…in other African societies, the ancestors have a central place in the cosmology and
social system. They help provide the unity and solidarity … and they are seen as an
integral part of society, helping and rewarding those who obey the laws and follow the
customs, and punishing any who transgress the code, or who fail in their traditional
obligations. It is clear at any libation that the ancestors are accorded great respect and
reverence, and any family libation gives one a strong sense of the sharing of all aspects
of life, with the ancestors, of their ever-present and powerful place in society (Brokensha,
1966: 155)....
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Revivre le passé d’une figure légendaire yoruba à travers le théâtre : le cas d’alafin sãngó
Dans d’autres sociétés africaines, les ancêtres occupent une place importante dans la
cosmologie et dans le système social. Ils aident à assurer l’unité et la solidarité … et ils
sont considérés comme faisant partie intégrante de la société, aidant et récompensant ceux qui obéissent aux lois et suivent les coutumes, et punissant tous ceux qui
transgressent le code, ou qui ne respectent pas leurs obligations traditionnelles.
Il est clair en toute libation, les ancêtres sont accordés beaucoup de respect et de
révérence, et pour toute famille, la libation renforce la vie communautaire,
avec les ancêtres, toujours occupant une place de choix dans la société (Notre traduction).
L’Egungun n’est qu’une manifestation de la réincarnation d’un ancêtre, qui est devenu
par la suite un dieu que la tribu adore. Les Egungun sont honorés au moins une fois
dans l’année. La sortie d’un Egungun traduit la visite d’un ancêtre de la famille. Pour
faire leur apparition, les Egungun sont propement habillés et joliment décorés avec de
beaux vêtements. Les vêtements des Egungun varient de ville en ville, et de couleur
en couleur. Il y a des Egungun qui portent des essaims d’abeilles alors que d’autres sont
entourés de peau de serpent. Pendant leur sortie, les Egungun parlent bizarement,
changent leur voix, et font des va-et-vient pour faire peur aux enfants et aussi pour
montrer qu’il viennent du pays des ancêtres. Ils assurent aux vivants de leur protection
et font des promesses de chance, de santé et de richesse. Ils menacent tous ceux qui
de proche ou de loin se méfient des traditions laissées par les ancêtres, leur jetant de
mauvais sorts. Ils dansent aux sons des tambours, des chants des fidèles, des
sifflements des trompettes, accompagnés de louanges aux ancêtres réincarnés, le
tout dans une ambiance sans égale. Ils se font de l’argent tout en amusant le public
(Adéoye, 1985). C’est aussi l’occasion pour les enfants et jeunes hommes de se lancer
dans des épreuves de sport qui y sont attachées. Ces Egungun dansent, sautent,
courent, et poussent des cris, le tout formant un véritable spectacle qui attire des
applaudissements et des cadeaux. Il est souvent interdit aux enfants et adultes de
toucher le costume des Egungun par peur d’être atteint par un sort maléfique. Ceux là
qui se trouvent en trance sont dès le départ préparés magiquement pour résister
l’envoutement de ceux qui de proche ou de loin voudraient leur échec (Adéoye, 1985).
L’Egungun, en bref, imite un ancêtre et l’ensemble du spectacle qu’il présente est du
théâtre. Leiris (1952:100) n’est pas d’avis contraire, car pour lui, l’incarnation est en
elle, un aspect du théâtre car elle constitue une imitation d’un ancêtre, d’une
personne légendaire par un acteur vivant. C’est dans une ambiance sans équivoque
accompagnée de chants et de danses que l’acteur entre en trance, le tout accumulé,
servant à divertir et amuser le public (Leiris, 1952:100).
Nous venons de nous familiariser tour à tour avec quelques aspects dramatiques que
comportent les festivités des Egungun. Qu’il soit couvert de masques ou pas ou de
costumes en peau d’animaux, qu’ils soient en mimes, danses ou acrobaties, les
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SALAWU ADEWUNI
Egungun présentent des éléments similaires à ceux d’un spectacle de théâtre de mise
en scène d’Alafin sãngó , l’un des figures historiques yoruba.
Alafin1 sãngó
Quand on parle de sãngó, la première des choses qui vient en tête est sãngó, le roi, ou
Alafin sãngó. Mais à jeter un coup d’oeil dans l’histoire, sãngó, est par coincidence aussi
le nom d’un dieu des Yoruba qui a vécu dans les temps les plus reculés. Il doit être
descendu du ciel en esprit, puisqu’il n’est pas né d’une femme.
Adéoye (1977) nous apprend que sãngó, le dieu, fait partie des quatre-cent et un
dieux venus du ciel sur terre. Il ajoute que sãngó, le dieu est différent de sãngó, le roi,
Alafin du royaume d’ oyo . Dans notre étude, on se rapportera plutôt à sãngó, le roi, et
non à sãngó, le dieu. sãngó, le dieu était surnommé Ayilégbé-Orun. Quan à Alafin
sãngó, il est appelé Itiolu Olukoso, le fils de Odédé (Orànmiyàn) de l’empire d’oyo .
sãngó, le roi a reigné dans le royaume Yoruba, et est par la suite devenu aussi un
orisha2, un dieu, c’est à dire un ancêtre, qui est mort des années durant et dont
l’influence reste encore notoire parmi les yorubas animistes. En effet, un orisha est un
ancêtre dont le souvenir se perd dans la mémoire mais que l’on adore encore. A la
différence des ancêtres qui sont des morts directes de la famille, les adèptes des
orisha peuvent aussi entrer en trance. Ils sont appelés les olorisha (Adéoye, 1985). En
effet, un groupe d’acteurs nigérians a mis en scène quelques évènements du 15 ème
siècle yoruba. Ce siècle en pays Yoruba était une période agitée, avec des crises politiques et des guerres. C’est «Ezra Studios Africa N’Vogue» qui présenta le film intitulé
sãngó, The Legendary Africa King (1998) où Wale Adebayo joua le rôle de sãngó, et
Bunmi Sanya prit la place de Oya4. Il s’agit d’une tragédie, d’une légende, d’une
histoire qui se passa au 15 ème siècle. Il s’agit aussi d’une purgation des passions par
l’émotion, une aventure qui sort de l’ordinaire où on passe par des guerres pour
corriger les mauvais pas, mais surtout dominé par la raison du plus fort est la meilleure.
Le film nous fait voyager dans l’ancien royaume d’ y dirigé par Ajaka, un Alafin, faible
mais modeste, qui se laisse bousculer par Olowu5, le roi de l’État d’Owu. On y voit dans
le déroulement du film, sãngó, et d’autres personnages de sang noble qui sont
impuissants devant des forces célestes qui les perturbent. L’enchaînement des événements et le dénouement de l’action dramatique relèvent d’une fatalité implacable,
qui peut sembler injuste, unique et bien au-delà de l’endurance humaine. On remarque aussi comment cette tragédie a touché le public par la terreur et la pitié qu’elle fait
naître. Tout de même, il importe de noter que, dans toute tragédie, on y trouve une
valeur didactique, c’est-à-dire qu’elle vise à enseigner une vérité morale ou
métaphysique au public
En effet, le film sãngó commençe par une chanson de guerre du coté des soldats
venus de l’Etat d’Owu.
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Revivre le passé d’une figure légendaire yoruba à travers le théâtre : le cas d’alafin sãngó
« Au champ de bataille, nous avançons. Peu était invité, nombreux sont ceux qui
avaient répondus «. Cette chanson affiche le courage des soldats prets pour défendre
leur patrie. C’est aussi une chanson de guerre pour signaler à tout passant la victoire
certaine de leur troupe.
Ajaka, le roi de l’empire d’ y , faible de caractère, voulut vivre en paix avec ses voisins.
La ville d’ y était la capitale de l’empire. C’est dans cette ville que se trouve le site du
pouvoir. C’est là aussi que se trouve le palais d’Alafin, et les dieux qui forment le
panthéon Yoruba. Olowu, le roi d’Owu, voyant de mauvais oeil la faiblesse d’Ajaka et sa
façon lache de trancher les différends, voulut régner sur l’ancien d’oyo ,ce qu’Ajaka vit
comme une abomination et un rêve irréalisable, car le royaume d’oyo , quoi qu’il en
soit, ne se laissera jamais envahir par qui que ce soit. En plus, Olowu voulut que l’Etat
d’ y lui paye des impôts. Il voulait commander toute la région d’ y et même aller
au-delà. L’armée d’ y fut écrasée et le royaume d’o yo assujetti par le général de
guerre de l’Etat d’Owu. Ce chef de guerre était connu comme un magicien sans égal,
qui mettait à genoux tous ses adversaires. Il tuait chez l’ennemi l’esprit de corps et le
courage. De l’autre côté, l’armée d’ y était sous les ordres de deux généraux, Elewi,
l’homme aux pouvoirs magiques et Oluode. Dans cette bataille qui fit beaucoup de
morts, l’armée partie d’oyo a été défaite. Dans le champ de bataille, de part et d’autre,
on entendait des chansons de guerre qui rétentissaient surtout du côté des victorieux.
Du côté des perdants c’est le désarroi. En pays Yoruba, parfois, on transmet des messages
par des battements de tambour comme ce fut le cas après la défaite de l’armée royale
d’oyo . En effet la mauvaise nouvelle de la défaite de l’armée d’oyo , fut annoncée à
Alafin Ajaka, le roi de l’Etat d’oyo , à travers des battements de tambours. Cette
annonce était faite à la présence des y Mesi6. Le tambour parlant disait : ‘’ La bataille
est perdue’’
Ajaka fut amené à Owu sous le commandement des soldats d’Owu, qui se rejouissaient
d’avoir fait Ajaka, prisonnier de guerre. Joyeusement chantaient-ils en disant:
Qu’ils étaient près pour tout, c’est à dire, quoique ce soit, qu’il s’agisse de la guerre,
qu’elle ait lieu, ou qu’il s’agisse de la bataille, on attend que la victoire» (chants des
guerriers venus d’Owu).
Ajaka avait donc été emporté à Owu sans ‘’Ade’’ la couronne traditionnelle du trône
d’Alafin. On voit une sorte de panique et de tristesse dans la figure des habitants d’oyo
après le départ du roi. Ceci suscita la grande peur et le trouble dans la population
d’ oyo .Les Olori7 d’Ajaka ne voulaient pas regarder leur mari et s’adonner aux soldats
d’Owu. Les hommes et femmes se mettaient en petits groupes pour discuter du
désordre semé par la défaite de l’armée du royaume d’oyo .
La phase suivante nous fait voyager à Owu, avec Olowu et son cabinet en conseil de
ministres. Olowu, assis sur son trône parlait fièrement à son entourage. La queue
blanche du cheval à la main, il disait: « Je ne peux accepter ou admettre un roi qui
refuse de reconnaître ma domination sur son royaume. Ajaka, le roi du royaume d’oyo
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est si faible de caractère qu’il pourrait faciliter la pénétration des Fulani du Nord dans le
royaume Yoruba’’. Il continua: Ajaka devra donc choisir entre accepter ma supériorité
pour que je lui apprenne comment gérer un royaume ou quitter le trône ou encore
mourir dans deux semaines pendant la fête des ignames’.
Sur la scène, on voit deux envoyés du royaume d’oyo qui avaient en vain essayé de
négocier avec Olowu, le roi d’Owu, la prise en ottage de Ajaka. Olowu tenait dure sur
sa position et voudrait à tout pris asservir le royaume d’oyo .Les envoyés et Ajaka
regardaient de mauvais oeil les conditions posées par Olowu, une demande
impossible puisque, après tout, le royaume d’oyo ne devra jamais s’accroupir devant
Olowu. Les négociations entre les ministres du roi Ajaka et Olowu n’amenant rien de
bon, ces ministres décidèrent de repartir à y pour demander les conseils de Babalawo
c’est à dire l’Oracle9pour une résolution paisible du différand.
L’oracle les a conseillés de faire appel à sãngó, le petit frère de Ajaka, fort et puissant
qui a hérité beaucoup de pouvoirs magiques de son père Oranmiyan10.Les deux ministres se mirent en route pour Elenpe, où ils discutèrent avec sãngó des problèmes du
royaume d’oyo et des conseils de l’oracle. La cour royale à Elenpe présentait une
atmosphère purement traditionnelle avec des femmes, enfants et passants qui
faisaient des va-et-vient. D’ailleurs, que ce soit à y ou à Nupe11, la cour royale s’ouvre
sur le marché comme on a encore aujoud’hui dans certaines villes en pays yoruba.
Les deux ministres venus d’oyo avaient été accueillis chaleureusement par des Olori
de sãngó: Osun et Oba qui jouèrent des rôles prépondérants dans la mythologie Yoruba.
Sur la scène, sãngó surgit et réagit, surpris d’entendre que son frère est pris en ottage
par Olowu. Il accepta d’intervenir après avoir consulté l’oracle sur les précautions
à prendre. Il devra faire des sacrifices avec un sac de maïs aux dieux avant toute
négociation pour la libération de son frère Ajaka, avait dit le sorcier, maître d’Ifa ou de
l’oracle. Il partit à Owu par Kanako. Après une longue consultation et négociation, il
réussit à libérer Ajaka qui fut forcé d’aller en exile par les y Mesi. Ainsi, ªãngó devint
Alafin d’ y sur les décisions des y Mesi, et surtout avec les conseils d’un sorcier, expert
en divination et sachant interpréter Odu ou lettres d’Ifa. Il accéda au trône dans une
période turbulante du royaume d’ y . Alafin sãngó prit des précaussions contre tout
envahisseur.
Le film nous montre le danger auquel pourrait courir sãngó, s’il n’était pas doté de
pouvoirs surnaturels pouvant neutraliser l’ennemi. Le jour même de son
couronnement au poste d’Alafin, sãngó, grâce à ses pouvoirs magiques a neutralisé les
velléités d’un ennemi qui tenta de le lancer une flèche. De même, il avait à régler des
comptes avec Olowu, qui voyait inadmissible le comportement arrogant du nouveau
Alafin et de ses ministres, les y Mesi, qui refusèrent de mettre Olowu au courant du
couronnement du nouveau roi, sãngó. sãngó trouva embêtant et orgueilleux, la
demande d’Olowu. Alafin sãngó rispota furieusement, menassant les envoyés d’Olowu.
Un des deux émissaires se vit la tête coupée. Alafin ªãngó savait que cette réaction
furieuse n’était rien qu’une déclaration de guerre à Olowu. Il le savait, ses deux
généraux le savaient aussi. Ce fut le début du règne d’Alafin sãngó.
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Revivre le passé d’une figure légendaire yoruba à travers le théâtre : le cas d’alafin sãngó
sãngó ou Chaka en terre yoruba : Deux grandes figures historiques africaines
L’Afrique a connu de grandes figures historiques et légendaires, qui ont marqué leur
époque et laissé des traces.
Sonfo, A. et Kanouté, O13. remarquent que les écrivains africains se sont servis du
théâtre comme une arme politique, civile, et culturelle, et pour se faire, ont choisi
comme héros de leurs oeuvres de grands conquérants africains comme Soundiata
Kéita, Chaka, Lat-Dior, Alboury, Almamy, Samary, Babemba etc … D’autre part, on a
Bashorun Ogunmola, Bashorun Ga, Afonja, l’Are Onakakafo pour ne citer que ceux-là.
Voici comment Falaq, J. et Kane, M. (1974: 156-157) nous décrivent ces personnalités:
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Certaines individualités ont tellement marqué leur époque que leurs contemporains,
puis leurs descendants ont gardé le souvenir de leurs actions d’éclat qui, au fil des
années, s’est enrichi et transformé. … De ce passé lointain, surgit la grande figure de
Soundjata, le roi du Manding, dont le destin extraordinaire est encore chanté au Mali.
De l’époque des resistances nationales aux conquêtes coloniales surgissent ces étonnantes figures … que sont Samory et Chaka, devenus désormais les symboles de toute
lutte contre l’agresseur.
N’est-ce pas dans ce groupe d’hommes légendaires qu’il savère approprié de classer
Alafin sãngó ? Effectivement, dès l’apparition de sãngó à Owu l’homme au tambour
parlant, signala son arrivée avec des louanges suivantes:
Voilà, vient le général
Un général n’est jamais à l’arrière plan de l’armée en assaut, il donne des ordres.
Voilà, vient le général.
Comme les Amazoulou, l’armée d’Alafin sãngó se battait corps à corps avec l’ennemi.
Cette armée se servait des incantations pour affaiblir l’ennemi. Comme Chaka, sãngó
allait lui-même sur le champ de bataille et dirigeait des opérations. Mais à l’inverse de
Chaka avec sa lance et sa sagaie, Alafin sãngó avait une puissance surnaturelle avec
laquelle il faisait descendre la foudre et le feu sur l’ennemi. En plus de ceci, sa femme
Oya l’aidait à envoyer des pluies torrentielles pour décourager les ennemis. En outre,
sãngó, utilisait des chauves-souris noirs pour aveugler les soldats ennemis. Chaque
fois qu’une guerre menaçait le royaume d’oyo , sãngó, avait l’habitude de consulter
l’oracle qui le guidait en temps de troubles.
sãngó a apparu, il faut l’avouer, dans plusieurs livres dont celui d’Adéoye, C. L. (1985)
et Ibikunle, Supo. (1979) pour ne citer que ceux-ci.
Mofolo, Seydou Badian, L. S. Senghor, et D. T. Niane ont aussi écrit et mis en scène la vie
de Chaka. J. Falq et M. Kane (1974 :161-169, 189) ont fait de Chaka « un être fier et
orgueilleux capable de tout pour satisfaire sa gloire ». En plus, n’ont-ils pas aussi dit : « …,
il (Chaka) s’imposa comme chef parmi les bergers. Doué d’une force exceptionnelle,
il emporta plusieurs succès; grâce à un courage indomptable, il devint un véritable
héros dont le premier exploit fut de tuer un lion ».
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SALAWU ADEWUNI
Pour le poète Léopold Sédar Senghor, Chaka est « le chef qui a sacrifié ce qu’il avait de
plus cher pour que vive son peuple et que les tribus unifiées puissent repousser
l’envahisseur …». Mais ce qui est frappant et qui puisse rassembler Chaka et sãngó est
clairement présenté par Seydou Badian dans Sous l’orage (1972). Ils ont tous fait couler
le sang, créer la peur chez l’ennemi. Ils ont aussi tué non seulement en guerre, mais
aussi parmi leurs peuples. Ils détestaient la rivalité et reprochaient les critiques. sãngó
par exemple voulait en finir avec ses deux généraux. Pour se faire, il opposa les deux
qui se livrèrent une battaille sanglante remportée par Gbonkaa-Ebiri. sãngó réagit
jalousement à la victoire de Gbonkaa-Ebiri, et voulait en finir avec lui. Alafin sãngó
demanda que la bataille soit reprise. Gbonkaa-Ebiri pour une seconde fois vaincut Timi,
et le décapita. La défaite de Timi par Gbonkaa-Ebiri mit Aalfin sãngó et ce dernier dans
une mésentente qui finit par le renvoi d’Alafin sãngó du royaume d’oyo (Ibikunlé, 1989).
Ces grandes figures légendaires africaines avaient une vision grandiose des royaumes
qu’ils construisaient. Le film nous présente ªãngó, au milieu des siens cassant tout à
son passage pour anéantir l’ennemi venu du royaume d’Owu. Tous ceux qui pouvaient
être des ennemis éventuels de ce général, étaient dominés par la peur semée chez
tous les voisins par des victoires des soldats du royaume d’ y sous la direction d’Alafin
sãngó. Les mots minutieusement choisis par Seydou Badian (1972: 189-198) sont
révélateurs:
Il y a eu des massacres, ici même, parmi les hommes de notre race, des massacres à
l’extérieur, parmi nos ennemis et aussi parmi ceux qui ne nous en voulaient nullement. Nous avons bousculé des tribus. … Je connais Chaka autant que vous. C’est
l’enfant de guerre; et du sang des incendiés, de la gloire, voilà à quoi se résume sa vie
… Il y a eu du sang le long de notre chemin, trop de sang ! … les hommes se sont mis
à genoux devant nous.
sãngó a participé à plusieurs guerres couronnées de victoires et a réussi à élagir son
royaume pour devenir très puissant, respecté et populaire. Il était contre toute rivalité
et toute tentative pouvant sous-estimer sa suprématie dans le royaume d’oyo (Ibikunle,
1979). La dernière de ce genre l’opposait à Olowu, l’ennemi jamais connu du royaume
d’oyo . L’oracle lui annonça une victoire certaine, mais le conseilla d’aller à Ife, le
berceau des Yoruba, pour demander la bénédiction d’Oranmiyan, le fondateur du
royaume d’oyo .Personne n’a pu mettre sur papier l’histoire de Chaka aussi claire que
Seydou Badian. Cette histoire ressemble un peu trop à celle de sãngó. Mais, il est
malheureux d’apprendre que la plupart de ces hommes de guerre africains sont morts
dans les mains de leurs propres frères. Chaka n’a-t-il pas été tué par ses demi-frères ?
N’est-ce pas de celà que parle Badian (1972: 252-253) dans les mots qui suivent:
… quatre hommes arrivent, marchant sur la pointe des pieds. Le premier approche
de Chaka, lui donne un coup de sagaie dans le dos. Les deux autres en font autant.
Chaka chancelle et va s’appuyer contre le mur. Il les regarde …. … Vous m’assassinez
pour prendre ma place. C’est trop tard ! Oum Loungoum, l’homme blanc, est en
marche ! Vous serez ses sujets. .. Il sécroule.
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Revivre le passé d’une figure légendaire yoruba à travers le théâtre : le cas d’alafin sãngó
Ajaka n’ a-t-il pas été envoyé en exil par les oyo Mesi ? Et sãngó, n’a-t-il pas été aussi
renvoyé d’oyo par un de ses généraux, Gbonkaa-Ebiri, après une longue dispute qui fit
couler du sang ? Ou bien n’a-t-il pas été opposé par ses généraux dans leur dernière
bataille contre les soldats d’Owu ? Le peuple d’oyo , ne s’est-il pas soulevé contre
Alafin sãngó pour s’être lancé dans des guerres infinies et dévasteuses comme l’avait
aussi fait Chaka ? Il y a une multitude de questions auxquelles des hommes légendaires
africains et leur peuple ont à répondre ?
sãngó et Chaka ont pris la direction de leur royaume quand ceux-ci étaient dominés et
menacés par des voisins et par des brigands. Ces deux généraux ont sauvé leur peuple,
et ont fait régné la paix où il y avait le désordre. Mais à la fin, ils ont été punis, trahis, et
humiliés. Chaka et sãngó moururent mécontents des leurs.
D’aucuns pourraient se demander pourquoi la mise en scène de sãngó ? C’est très
simple. Avec la poussée et la diffusion de la technologie, on constate que les jeunes
préfèrent être devant des écrans de télévision que de se donner la peine de lire
l’histoire de leurs anciens. C’est tout simplement une façon d’apprendre à nos jeunes
l’histoire de notre peuple.
Conclusion
Un peu plus qu’une simple lecture de l’histoire d’un chef de guerre, ou d’un Alafin, la
mise en scène des exploits, des troubles, et des combats de sãngó nous permet de
revivre une partie du 15 ème siècle Yoruba. Cette mise en scène nous fait non
seulement revivre un passé, mais au delà, nous permet de participer, évaluer, et porter
un jugement sur un général de guerre en la personne de sãngó. Sonfo, A. et Kanouté,
O. (Notre librairie, No. 75-76) ne disent-ils pas la même chose quand ils remarquaient
que l’après guerre a donné une vision nouvelle au théâtre historique, une
reconstruction du passé, une exhumation des valeurs d’antan. A cela s’ajoute la prise
de conscience du savoir archéologique. Ce théâtre historique s’appuie sur une
confrontation du présent et du passé, à partir de quoi il prend son élan pour une
intérrogation de l’avenir. Empruntant les mots de Fernando PEIXOTO14, n’a-t-il pas
ajouté qu’il s’agit: « … de penser le passé de façon dymatique, en essayant d’éveiller la
conscience critique du spectateur devant le comportement de l’ordre politique et en
proposant une alternative de compréhension ?».
Alafin sãngó ne peut être oublié dans l’histoire du royaume yoruba pour avoir semé de
la terreur chez les voisins comme l’empire d’Owu. Qu’il ait commis un suicide ou pas,
renvoyé d’oyo par son commandant de guerre ou pas, ou qu’il soit mort paisiblement
dans son palais royale ou pas, ce qui est sûr c’est qu’il fut un Alafin d’ y et mit à genoux
les ennemis pendant longtemps.
Il convient de reconnaître que l’Afrique a produit des empereurs et des généraux de
guerre à la renommée de Napoléon de France, et qui ont su organiser leur peuple.
Mais force est de dire que la plupart de ces hommes de guerre ont fini par être trahis
14
282
SALAWU ADEWUNI
et honnis par leurs propres frères. Non seulement ils connurent des troubles internes
sérieux, des soulèvements par-ci et par-là, ils ont été tués soit en versanrt leur sang
(Chaka) ou par suicide (sãngó). Cette fin tragique peut-elle être une conséquence de
la dictature pratiquée par ces hommes de guerre ? Mais ces films, ces écrits historiques
ou littéraires qui ont trait à ces chefs de guerre, n’ont jamais pu décrire en détails
l’organisation administrative de ces empereurs et la gestion de la famille royale. Tout
compte fait, le théâtre historique essaie d’exposer la problématique de l’Afrique qui se
cherche encore, qui veut mieux se découvrir, s’évaluer à juste titre, et tenter de forger
son destin et son futur pour une Afrique unie dans la paix et la fraternité. Peut-être
encore, si ces empereurs-généraux de guerre africains n’avaient pas été trahis par les
leurs, ils auraient pu monter une résistance farouche à la pénétration de l’armée
coloniale. Ils sont morts sans un remplaçant sûr et éveillé, sãngó de sa part pardonnant
et bénissant les habitants de son royaume, et faisant des promesses de leur venir au
secours en moments de détresse sur demande, alors que Chaka a maudit ses générations et par conséquent son peuple. N’a-t-il pas dit que « … l’homme blanc est en
marche ! Vous serez ses sujets … » (Badian, 1972 :253).
Endnotes
1.
Le Protecteur suprême de la culture Yoruba. Alafin est le signe du roi dans le
royaume d’oyo . À oyo , par exemple, on donne les titres suivants à Alafin: Alayeluwa
(Le Seigneur du Monde et de la Vie), Onile (Propriétaire Terrien), Ekeji Orisa (Voisin et
compagnon des dieux). Ces titres traduisent la dominance de Alafin sur ses sujets et
sur la terre (Munoz, 2003:85).
2.
Les Yoruba adorent leur ancêtre qui est d’une façon ou d’une autre à la base de
leur lignée. Par exemple Sango est un Orisha. En déhort des ancêtres directs de la
famille, les Yoruba dépendent des Orisha, leurs ancêttes lointains.
3.
Les adèptes de l’orisha (du dieu).
4.
Oya est une déesse dans le pathéon Yoruba. Mais dans cette etude elle est une
des femmes de Sango.
5.
Olowu est le roi de la tribu appelée Owu dans l’actuel Etat d’Ogun au Nigéria.
6.
oyo Mesi: Conseil de ministres dans l’Etat d’oyo .
7.
Femmes du roi
8.
Il est toutefois important de souligner que l’initiation d’un babalawo en Afrique et
en Amérique n’entraîne pas la perte temporaire de conscience, comme c’est le cas
avec les adèptes ou les iyawo de Orisa. Pour ce dernier, il est une question de
ressusciter dans leur subconscient, l’ego correspondant à la personnalité de
l’ancêtre divinisé. Au contraire, pour le devin ou babalawo, il est totalement une
283
Revivre le passé d’une figure légendaire yoruba à travers le théâtre : le cas d’alafin sãngó
initiation intellectuelle qui nécessite une longue période d’apprentissage et de
mémorisation. ... Le futur babalawo a à apprendre un nombre considérable d’anciens
contes et légendes, classés dans les 256 odu ou des lettres d’Ifa. Ceci constitue une
sorte d’Encyclopedie orale de la sagesse traditionnelle des Yoruba (Our translation),
(Munoz, 2003: 179-181).
9.
Et effet, il y a quatre types de divination parmi les Yoruba: d’un, on a, la lance de
noix de kola ou dida obi, l’erindilogun ou la divination à l’aide de corries, opele
ou chaine d’Ifa ou Ikin ( noix de palme) ou opon Ifa (Our translation), ( Munoz,
2003: 181).
10.
Oranmiyan était le dernier des descendants Oduduwa. Plein d’aventure, il fut
le fondateur du royaume d’Oyo. D’aucuns dissent, qu’il a été le troisième roi à
Ile Ife après Oduduwa. Oranmiyan, en prenant le titre d’Alafin, réussit à mettre
en place une très forte armée, puis aggrandit son royaume. Ses successeurs, y compris
Sango, le dieu mythique du tonnerre, Aganju et Oluasho étaient aussi forts. Il y avait
la paix et la tranquillité pendant le règne de Abiodun, mais il a également connu une
faiblesse de l’armée. Awole Arogangan Abiodun a été le successeur d’Abiodun. Le
royaume connut des troubles pendant son règne, et il fut forcé de se suicider. Mais
bien avant sa mort, il maudit tous les yorubas leur jettant le mauvais sort de mésentente
parmi eux (Our translation), (www.uga.edu/aflang/YORUBA/ODUDUWA.htm).
11.
Ville où habitait sãngó, en pays Tapa.
12.
Kanako: est un moyen magique et mystique pouvant réduire un trajet Drastiquement.
13.
Alphamoye SONFO et Oumar KANOUTE, ‘Le théâtre historique’, in Notre
Librairie, No 75-76, Afrique, Revue du Livre, p. 96.
14.
Fernando PEIXOTO, « L’histoire au secours du théâtre brésilien », in Travail
théâtral, no.32-33, 1979, p.52.
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285
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Linguistique & Lettres Modernes : P. 286 - 295, 2009
Narrative techniques in purple hibiscus by
Chimamanda Ngozi Adichie
CAPO-CHICHI / ZANOU Laure Clémence
Université d’Abomey-Calavi (UAC)
ABSTRACT
Since telling a story implies that novelists must make a number of basic options about
how to perform their task, the main purpose of this article is to distinguish the story
telling tools Adichie uses in her novel. My intention is to scrutinize the different
narratological options taken by the novelist in inventing her imaginary work. I will, first
of all, concern myself with time; I mean the dichotomy that exists between the story
time (the clock time) and the narrative time (the mind time) in the novel. Then, I will
explore how Adichie’s spokesperson in Purple Hibiscus, a teenager girl called Kambili,
relates her own life and that of her family.
Key words : Story time, narrative time, narrator, vision, focalization
RÉSUMÉ
Puisque raconter une histoire implique que les romanciers fassent un certain nombre
d’options de base sur la façon dont ils accompliront leur tâche, le but primordial de cet
article est de distinguer les outils narratifs qu’Adichie utilise dans son roman. Mon
intention est de scruter les différentes options prises par la romancière pour inventer
son œuvre de fiction. Au prime abord, je prendrai en compte le temps ; je veux dire la
dichotomie qui existe entre le temps de l’histoire (le temps de l’horloge) et le temps
de la narration (le temps de la mémoire) dans le roman. Ensuite, j’explorerai comment
la porte parole d’Adichie dans Purple Hibiscus, une adolescente du nom de Kambili,
raconte sa propre vie et celle de sa famille.
Mots clés : Temps de l’histoire, temps du récit, narrateur, vision, focalisation.
INTRODUCTION
Purple Hibiscus, the first novel written by a young Nigerian woman Chimamanda
Ngozi Adichie, gets a warm welcome from diverse critics. The main purpose why I
write this paper is to study two story telling strategies, namely order and narrative
perspective which Adichie uses in her novel Purple Hibiscus. I am going first to deal
with order and then with the narrative perspective.
286
Narrative techniques in purple hibiscus by chimamanda ngozi adichie
I- Order in Purple Hibiscus
By order, I mean the time sequence in the story and the one in the narrative. And
according to Genette: «to study the temporal order of a narrative is to compare the order
in which events or temporal sections are arranged in the narrative discourse with the order
of succession these events or temporal segments have in the story, to the extent that story
order is explicitly indicated by the narrative itself or inferable from one or other indirect
clue» (Genette, 1983: 35). Taking these assertions into account, the titles of the chapters
of Purple Hibiscus constitute hints that show at first reading that, as far as the linearity
of the events is concerned, there exists a dissimilitude between the two times and I
shall proceed to sort out their disparities.
The story time in the novel is different from the narrative time. This implies that it does
not follow a chronological order; it is rather full of anachronies. Purple Hibiscus is then
a non-linear anachronological narration. There are shifts in its narrative process. It does
not follow the normal course of the story. Kambili starts her diegesis with a crisis which
is, his elder brother, Jaja’s revolt against their father, Eugene Achike on a particular
Palm Sunday. And she recalls: «I lay in bed […] and let my mind rake through the past,
through the years when Jaja and Mama and I spoke more with our spirits than with our
lips. Until Nsukka. Nsukka started it all; […] Jaja’s defiance seemed to me now like Aunty
Ifeoma’s experimental purple hibiscus: rare, fragrant with the undertones of freedom…»
(ADICHIE, 2006: 15).
In fact, the whole story is told in retrospective. It is an ulterior narration, since the
actions are related after they have happened. Kambili is remembering the whole thing
after it has happened. I will first analyse the story time and then the narrative time.
I - 1 The story time or the clock time
The titles given to the four chapters of the novel are good pointers of the order of
succession of the events in the story. The two prepositions: before and after in the
titles
of the second and third chapter of the book indicate what comes first and what follows.
Therefore, the natural sequence of events, or «the clock time» in Purple Hibiscus, is:
0t ‘’The Present’’
It‘’Before Palm Sunday’’
2t ‘’Palm Sunday’’
3t’’After Palm Sunday’’
Thus it goes as follow: 0 t1 t2 t3.
Thus it goes as follow: 0 t1t2 t3.
287
CAPO-CHICHI / ZANOU LAURE CLÉMENCE
A- 0t‘’The Present’’. The first part of the clock time sequence entitled: «The present» is
the state of things right now. It is any present time; it represents then the starting point
of the reminiscence procedure. I label it point 0, because it sort of stands for any time
a reader holds the novel and begins to read it. It is an everlasting present. The tense
used in this chapter is mainly the present simple tense with some past tenses when
Kambili, the narrator relates something from the past. This part is told in the present
tense unlike the three other parts which are recalled in the past tense.
B- 1 t ‘’Before Palm Sunday’’. The preliminary point of Adichie’s story starts with the
chapter she entitles: «Before Palm Sunday». Past tenses are used here.
C- 2 t ‘’Palm Sunday’’. Then, on a «Palm Sunday» a great change due to a shock occurs;
nothing seems to have been planned beforehand. Past tenses are also used here.
D-3 t ‘’After Palm Sunday’’. Only past tenses are used here.
The two diagrams below illustrate and sum up the above statements.
The normal flow of the story
Palm Sunday (Flashback)
The present
After Palm Sunday (Flashback)
Before Palm Sunday (Flashback)
A state of quietness 0-1 leads to a crisis 1-2 which prevails from 2 to 3 and comes back
to reality; it is all put together in the following table.
288
Narrative techniques in purple hibiscus by chimamanda ngozi adichie
The table of the story time or the clock time in Purple Hibiscus
Adichie changes the linearity of the whole story as follows.
I-2 The narrative time or the mind time in Purple Hibiscus
The narrative time or «the mind time» is the setting up of the novel in chapters, pages,
paragraphs and lines. It goes as follows:
2t ‘’Palm Sunday’’
It ‘’Before Palm Sunday’’
3t ‘’After Palm Sunday’’
0t’’The Present’’
It is then figured out as: 2 ! 1 ! 3 ! 0.
A-2t‘’Palm Sunday’’, here Jaja defies his father’s authority. The diegesis begins with a
great bolt from the blue. Kambili makes a twist in the timing process not only to create
suspense but also to awake and sharpen the reader’s curiosity. Instead of a state of
harmony be it apparent or not leading to disaster, the narrator brings the reader right
into catastrophe.
B-1tIn ‘’Before Palm Sunday’’, Kambili and members of her family live in a great aweinspiring atmosphere. Kambili’s father holds his wife and children under a tight grip;
they have to obey him in everything and he controls every single aspect of their life.
And worse still, he is used to beating them violently.
C-3t With ‘’After Palm Sunday’’, the members of Achike Eugene’s family experiment
a sort of psychological relaxation, after Jaja’s rebellion. They break the strong frightful
links that tighten them to their father. It comes to the point where Eugene Achike dies,
poisoned. His son takes all the blame and is sent to prison. His wife, Mrs Beatrice Achike
has not died but she ends up by being psychiatrically damaged.
289
CAPO-CHICHI / ZANOU LAURE CLÉMENCE
D-0t Then, Kambili’s diegesis draws to a close with good news in «The Present». All
the remaining members of the family are going to the United States of America for
holidays. And Jaja will come out of jail soon. Kambili makes a pilgrimage to «Nsukka
[that] started it all»; and she promises they «will take Jaja to Nsukka first». Nsukka stands
as their redeemer. The rebellion that starts with a visit to Nsukka will end with another
visit to Nsukka. Unfortunately, in the meantime Daddy has died, Mama has mental
breakdown and Jaja stays in prison for thirty-one months.
Both the diagram and the table below sum up the different sequences of the narrative time.
The diagram of the diegesis in Purple Hibiscus
2 Palm Sunday (Flashback)
3 After Palm Sunday (Flashback)
1 Before Palm Sunday (Flashback)
0 The Present
We can conclude by stating that Purple Hibiscus does neither fit in Claude BREMOND’s
four-phase cycle (1970) nor in the triangle which has been set up, more than two
centuries before by Gustav FREYTAG (1895). ADICHIE’s novel starts with a conflict on
a particular Palm Sunday, then the homodiegetical narrator Kambili Achike tells in
retrospective how everything has been at the right place before the above mentioned
day and she continues with the normal flow of the story
The table of the narrative time or the mind time in Purple Hibiscus
The shift in «the clock time» occurs at level 1 and 2. The narrator, Kambili starts her
narration at level two where she puts the clock back and remembers: «Nsukka started
it all… But my memories did not start at Nsukka. They started before, when all the hibiscuses
in our front yard were a startling red». (ADICHIE, 2006: 15-16). One can conclude by
stating that the anchronologically presented events in Purple Hibiscus are based upon
facts; it is then an objective anachrony.
290
Narrative techniques in purple hibiscus by chimamanda ngozi adichie
Purple Hibiscus follows the patterns used by television serials writers where a climax
partial resolution brings in other climaxes. (BOULTON, 1975). For instance, Chukwuka
Achike alias Jaja’s rebellion on Palm Sunday is put aside when he single handed decides
to go to Nsukka for Easter. He bluntly tells his omnipotent father: «We are going o
Nsukka Kambili and I. [...]. We are going to Nsukka today, not tomorrow. If Kevin [his father’s
driver] will not take us, we will still go. We will walk if we have to». (ADICHIE, 2006: 255).
In fact, Jaja’s decision to travel to Nsukka quietens Kambili’s fears about what may
happen on the forthcoming Easter Sunday. Let us listen to her: «I dreaded Easter Sunday.
I dreaded what would happen when Jaja did not go to communion again. And I knew that
he would not go; I saw it in his long silences, in the set of his lips, in his eyes that seemed
focused on invisible objects for a long time.» (ADICHIE, 2006: 254).
It is worth pointing out that hibiscuses play a great role in the narrative as concerning
their colour. From the traditional red they turn purple and this is a symbol of change,
invention, defiance and rebellion. Kambili, the narrator, a teenager girl, reports the
whole events in Purple Hibiscus. Her age gives upon the story an air of innocence and
besides the use of the first person singular, the fact that she participates in the story she
is telling turns the whole novel into her own family’s saga. I intend to prove it through
the study of the narrative perspective.
II- Narrative perspective in Purple Hibiscus
In an article published in Style the literary theorist Jahn MANFRED (1996) draws a
diagram to indicate the different points of focus in a novel. To give more insight about
this said diagram, I shall proceed to illustrate to whom correspond in Purple Hibiscus the
different parts of Manfred’s chart. Nonetheless, it is worthwhile pointing out that this
theorist puts emphasis on sight, so much so that he sets up a diagram to set out the
different areas which can be seen from a particular position in novels. I shall adapt this
diagram to Purple Hibiscus, in order to provide evidence that the main point of focus is
Kambili, the narrator who is also a character in the novel.
II-1 MANFRED’s model of vision
A model of vision (MANFRED, 1996: 242)
291
CAPO-CHICHI / ZANOU LAURE CLÉMENCE
It seems obvious after a close look at this diagram that F1 is the narrator, Kambili.
F1 the focus 1 is Kambili Achike
L the lens or the eye represents Kambili’s eyes, her five senses, her mind or in other
words the horse mouth
F2 or focus 2 stands for the area of focus. It is what F1, here Kambili, sees through her
eyes. F2 represents Kambili’s family and her relatives upon which she puts stress and
all the other characters in the novel. We have:
1Kambili’s direct ascendants:
·
Daddy, her father, Eugene Achike. He is the publisher of a newspaper called
«The Standard».
·
Mama, her mother, Beatrice Achike. She is a housewife
2Jaja, Kambili’s junior brother, his real name is Chukwuka Achike. His nickname
Jaja has something premonitory about his revolt against his father. Jaja is the name of
a former Opobo (Nigerian) defiant King who «did not sell his soul for a bit of gunpowder
like other kings did, so the British exiled him in the West Indies. He never returned to Opobo».
(ADICHIE, 2006: 143).
3Aunty Ifeoma Achike, Kambili’s paternal aunt, in fact, her father’s junior sister.
She a widow to Ifediora who comes from Upko. She has three children: Amaka, Obiora,
and Chima.
4Papa-Nnukwu Kambili’s grandfather and his junior wife Chinyelu
5Members of the Achike’s Umunna.
6Members of Kambili’s household:
·
Their maid Sisi.
·
Okon their new steward
·
Their home driver at Enugu, Kevin
·
Their factory driver at Enugu, Sunday,
·
Their present driver, Celestine;
·
Their gateman at Enugu, Adamu,
·
Their gateman at Abba, Haruna.
7Eugene Achike’s colleague: his editor, Ade Coker, his wife Yewande Ade Coker
and their three children.
8Members of the clergy
·
Father Benedict of St Agnes Church, Enugu.
·
Father Amadi, a new priest at Nsukka university chaplaincy.
9Mother Lucy Principal of Daughters of the Immaculate Heart secondary school.
Sister Clara Kambili’s mistress. Sister Margaret.
10Kambili’s classmates Chinwe Jideze, Ezinne, Gabriella.
11- Aunty Ifeoma’s friend Phillipa. She is a former lecturer in Botanics at Nsukka
university. She changes the natural colour of flowers. She turns hibiscus from red to
purple and ixora becomes white in her laboratories. But due to bad living conditions in
Nigeria, she migrates to the United Sates of America. «She is now teaching in America.
She shares a cramped office with another adjunct professor, but she says at least teachers
are paid there». (ADICHIE, 2006: 76).
292
Narrative techniques in purple hibiscus by chimamanda ngozi adichie
V, the field of vision is the setting, the geographical areas mentioned in the novel
and which Kambili has really set eyes on, since it is within a circle comprising Lens,
eye and F2. These places are namely:
·
Enugu, Kambili’s permanent residence;
·
Abba, her home village;
·
Nsukka, Auntie Ifeoma’s residence;
·
Aokpe, a pilgrimage setting
W stands for the world I mean the parts of the world mentioned in the novel and which
Kambili has not yet necessarily visited. It is placed within a bigger circle which embodies
everything else and which is out of V, standing for Kambili’s the field of vision. We then
have the two following places:
·
The United States of America, Auntie Ifeoma goes there after the passing away
of Eugene Achike, Kambili’s father. Letters are often sent from United States of America
to Kambili and other characters in Purple Hibiscus;
·
Germany, Father Amadi’s new post. He regularly writes letters he sends from
Germany to characters in Purple Hibiscus.
For Roland Barthes a narrator is never to be confused with the writer. According to him,
narrators and characters are nothing but ««des êtres de papier»» (paper beings) (BARTHES, 1981: 25). Narratologists give different classification names to narrators. Brooks
and Warren (I959) explore the narrator’s point of view; Jean Pouillon (1946) deals with
vision and while Tzvetan Todorov (1981) concerns himself with how much the narrator
knows, Gerard Genette (1983), on his part, talks about focalisation.
The narrator in Purple Hibiscus, Kambili makes use of the first person singular point of
view, she knows as much as the other characters in the story and carries the «vision
with». Besides, Kambili acts as an internally focalised narrator and fully participates in
the story she is telling. I will explain my point clearly by answering the four following
questions:
·
Who narrates in the novel?
·
Who sees in the novel?
·
Who knows in the novel?
·
Who perceives / feels in the novel?
About four different literary scholars will help us answer them; the four of them deal
with an aspect of the narrator’s characteristic. Brooks and Warren concern themselves
with point of view, Pouillon deals with vision; Todorov assesses the amount of knowledge
the narrator can dispose of whereas Genette studies what type of focalisation exits in
the diegesis.
II-2 Point of view (BROOKS and WARREN, 1959). Who narrates?
The question one has to answer here is: «who narrates?» Or from whose point of view
is the story told? Adichie writes her story in the first person singular. She then makes
use of the «I» point of view with limited omniscience; for Kambili, her narrator, opens
up her heart; she shares her inner secret thoughts and feelings with the reader. But she
cannot grasp what is going on in the other characters’ mind. That is the reason why her
293
CAPO-CHICHI / ZANOU LAURE CLÉMENCE
omniscience is limited, limited in the sense that it is restricted to her own conscience
only. But, the story is not an autobiography notwithstanding the fact that it is told in the
first person singular. Kambili is not the author of the novel; she is a mere paper being
Adichie uses to tell a fictional story.
II-3 «Vision with» (POUILLON, 1946). Who sees?
Besides, according to Pouillon, the «I» narrator carries the «vision with». By vision he
means the relationship between the narrator and the other characters. And with this
type of narrators, as Pouillon explains: «C’est dans l’œuvre que nous trouvons la source de
la lumière» (It is in the novel that we find the source of light). (POUILLON, 1946: 85).
This proves to be true in Purple Hibiscus. Kambili explains everything to the reader.
Since there is no specified addressee, the story is meant to just any casual reader. So,
the reader knows it all, ranging from the explanation of the title of the book, to her
father’s neurotic disdain for and fear of anything non Catholic.
In fact, Eugene Achike, Kambili’s father, more often than not, seems to behave like the
proverbial Ibo outsider who cries louder than the bereaved, in matter concerning the
Catholic faith, in a multi religious society. So much so that his junior sister, auntie
Ifeoma, bluntly tells of him «Eugene has to stop doing God’s job. God is big enough to do
his own job.» (ADICHIE, 2006: 95).
Kambili reports to the reader everything done and said by other characters in the
novel. In fact, the reader sees through her eyes, hears through her ears, smells through
her noses, tastes through her tongue and touches through her body. As stated by
Rimmon-Kenan4, narrators are «capable of both speaking and seeing and even of doing
both things at the same time» (RIMMON-KENAN, 1983: 72). In fact, Pouillon and Manfred are saying the same but one thing through the latter’s chart. Kambili is a character
without whom the reader can read nothing at all. But what amount of knowledge
about the remaining characters does Kambili have?
II-4 Narrator= Character (TODOROV, 1981). Who knows?
Unfortunately, Kambili lacks the omniscient narrator’s ubiquity, consequently she cannot
know more than the other characters. So, she is sort of disabled in her story telling
function. She is hindered in the sense that she only knows what the other characters
want her to know and that is all. She does not have an all-knowing, an all-wise and an
all-seeing attributes. So she uses her sharp sense of observation in order to focus on
her reflective consciousness or on her perceptions in order to evaluate the people she
meets and the events she lives through. To sum up this sub-part, we can say Kambili
only knows as much as any other characters in Purple Hibiscus as she herself is a
character in the novel.
II- 5 Focalisation (GENETTE, 1983). Who perceives or who feels?
Focalisation in Purple Hibiscus is an internal one. The readers, see through Kambili’s
eyes, hear through his ears and smell through his noses. In addition, Kambili tells a
story she takes part in, she is then an intradiegetical narrator. The reader sort of hears
the events from the horse mouth. Then, the narrator, Kambili has a double function,
since she is also a character in the novel. She relates her story as well as that of her
relatives. Kambili is therefore a homodiegetical narrator; she tells a story she takes part
in. In fact the whole novel reveals itself to be a long confession related by a teenager
in a childlike tone.
294
Narrative techniques in purple hibiscus by chimamanda ngozi adichie
CONCLUSION
Purple Hibiscus is narrated anchronologically to put stress on Eugene Achike’s
pathologically biased psyche. The whole novel is built around Jaja’s rebellion because
of his father’s psychological problems in matters concerning the Catholic faith. The
reader first hears about the problem before being told the cause of the said problem
and the solution found in the novel to solve it up. By so doing, Adichie sharpens the
reader’s curiosity since the latter is eager to know what will come next. Moreover, the
narrator childish tone calls the audience’s sympathy. Kambili narrates terrible things
under the cover of childishness; for instance the reader can assess how Africa, I mean
Nigeria is deprived of an outstanding botanic scientist in the person of Phillipa. African
intellectuals’ brain drain is dealt with in Purple Hibiscus.
WORKS CITED
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th
295
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Linguistique & Lettres Modernes : P. 296 - 313, 2009
La double compétence dans l’enseignement/
apprentissage de l’anglais de spécialité
Codjo Charlemagne Fanou
Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature de l’Université d’Abomey Calavi
(ENAM/UAC) au Bénin; Tél : (229) 95056422 ; E-mail : [email protected] .
Résume :
L’objectif de cet article est d’établir un lien entre la double compétence et la réussite
(relative) de l’enseignement/apprentissage de l’anglais de spécialité dans un
environnement francophone.
Considéré d’abord pendant plusieurs années comme étant sans importance, puis
comme ayant une importance relative, la double compétence est de plus en plus
perçue aujourd’hui comme une nécessité dans l’enseignement/apprentissage des
langues de spécialité. Elle s’est révélée à travers notre recherche-action comme étant
indispensable dans l’enseignement/apprentissage de l’anglais de spécialité en
particulier, dans un environnement où les programmes d’anglais sont conçus sans
tenir compte du niveau de la connaissance par les apprenants de la (ou des) matière(s)
de spécialité, et où il n’est pas du tout aisé de recourir à un expert dans le(s) domaine(s)
de spécialité des apprenants pour faciliter la didactisation des supports utilisés. Elle est
une véritable nécessité dans tout environnement où les apprenants considèrent que
l’enseignant doit continuer de jouer un rôle de dispensateur de savoir au lieu de celui
de facilitateur de l’accès au savoir, et où toute innovation tendant à autonomiser ou
responsabiliser l’apprenant est rejetée par la plupart des acteurs du système éducatif.
Mots-clés : double compétence (double expertise ou double formation), enseignement/
apprentissage, matière(s) de spécialité, anglais de spécialité, apprentissage en autonomie.
ABSTRACT:
The purpose of this paper is to find out the link between the language teacher’s
double-competence and successful teaching/learning of English for specific purposes
in a French-speaking environment.
Considered at first as useless, and then as somewhat important, double competence
appears today as something very important in the teaching/learning of English for
specific purposes. Our action research has led to the conclusion that double competence
is very useful in an environment which is characterised by curricula that are developed
without taking into account the actual knowledge of learners in their specialist subjects
and in which it is not easy to benefit by the assistance of a subject specialist for the
didactisation of teaching materials. It is indispensable in any environment where
learners expect teachers to keep playing the role of knowledge transmitters (instead
of the one that consists in helping learners have access to knowledge), and in which
296
La double compétence dans l’enseignement/apprentissage de l’anglais de spécialité
any innovation tending to consider that a learner should be self-dependent when
carrying out learning activities is rejected by the majority of those who have some
roles to play in the education system.
Key words: double-competence, teaching/learning, specialist subject(s), English for
specific purposes, self-dependent learning.
INTRODUCTION
La double compétence de l’enseignant d’une langue de spécialité est un sujet sur
lequel les chercheurs se prononcent plus ou moins fréquemment depuis une
trentaine d’années (P. Strevens 1980, T. Hutchinson & A. Waters 1987, M. Perrin 1995,
S. Thomas et al. 1995, J. Percebois 1996, M.-F. Combes-Joncheray 1999, J.-M. Mangiante
& C. Parpette 2004, M.-F. Narcy-Combes 2007, J.-B. Gilbert 2008, C. C. Fanou 2009
entre autres) et on constate une certaine évolution de leurs positions sur la question.
Ainsi, alors qu’elle a pendant plusieurs années été considérée comme étant sans
intérêt, la double compétence est de plus en plus perçue comme étant une nécessité
pour l’enseignant d’anglais de spécialité en particulier.
1. Revue de la littérature relative à la double compétence dans
l’enseignement/apprentissage de l’anglais de spécialité
1.1. Une première position non favorable à la double compétence
Au départ, il était admis que les connaissances linguistiques étaient largement
suffisantes pour assurer l’enseignement des langues de spécialité en général et celui
de l’anglais de spécialité en particulier. C’est ainsi que pour P. Strevens (1980 : 111),
when a teacher of English as a foreign language first embarks on teaching ESP it is
generally many months before he or she ceases to be haunted at every lesson by the
fear of ‘making a mistake in the subject’ or even simply of ‘not understanding the texts’.
The ESP task requires teachers to accept from the outset that they will never be
specialists in the learner’s subjects – but they also have to learn that this does not
matter: the task is a three-way partnership in which the teacher first seeks the
assistance of a subject specialist, for the purpose of preparing suitable English-teaching
materials, and then helps the learner to become able to operate within his own role
and identity as a specialist in English. ESP teachers are not normally teachers of specialist
subjects (except in rare and fortunate cases) and they should not attempt to be so.
Pour cet auteur, l’aide des spécialistes est indispensable dans la préparation des
supports à utiliser et l’enseignant d’anglais de spécialité n’a pas besoin de comprendre
le contenu de ces supports. Il doit seulement s’occuper des aspects linguistiques et de
son rôle d’intermédiation entre le contenu à enseigner et les apprenants qui sont
censés être des spécialistes dudit contenu. La position de P. Strevens est proche de
celle d’E. Hawkins qui, quelques années plus tard (1984, 1985, 1987), propose des «
cours réciproques et intensifs de langue », qui mettent en rapport des équipes
297
Codjo Charlemagne Fanou
d’étudiants provenant de deux pays différents dont la langue officielle de l’un est la
langue étrangère de l’autre parce que, estime-t-il (1987 : 95-96),
the potential of a reciprocal course for adult learners is clear. If specialists (lawyers,
engineers, accountants, salesmen) are to learn the functional language of their trade
they need tutors who have learned the highly specialized concepts that are transacted.
No generalist language teacher can expect to know the meanings that, say,
the lawyer attaches to the vocabulary of law (c’est nous qui soulignons). Yet it is
these very fine meanings that the foreign lawyer will wish to have explained. Who is
better to do this than the British lawyer who, in return, expects to be taught the legal
language of the foreign country?
M. Perrin estime (1995 : 9) que « […] nous professeurs de langue ne sommes pas et
n’avons pas à être des spécialistes des disciplines d’application » en ajoutant que
l’enseignant de langue peut même se permettre des écarts par rapport à la gestion du
sens, en ce qui concerne l’explication à donner pendant un cours de langue portant sur le contenu :
[…] Nous pouvons nous permettre tous les écarts par rapport au savoir de ces disciplines : avec un public d’étudiants en biologie, je peux proposer pour tâche de décrire le processus de croisement du crapaud et de l’araignée : venant du professeur de langue qui
feint ou éprouve l’ignorance, ladite chimère, ici, fera rire mais ne choquera pas, car la
proposition reste extérieure au sérieux de la biologie – elle incitera donc à un travail, par
exemple de rédaction d’autant plus zélé qu’aucun enjeu menaçant n’est à envisager.
Au fond il s’agit de ne pas se priver de la faculté de libération des énergies que comporte
l’activité infiniment sérieuse qui est celle du clown. Au demeurant dans l’ignorance feinte
ou réelle de ce que savent ses apprenants dans leur domaine, le professeur dispose
d’un puissant levier de déclenchement de leur parole : quoi de plus valorisant que d’apprendre quelque chose à son professeur ? Nous aurions tort de nous priver de cette ressource.
Pour M. Perrin, l’enseignant d’anglais de spécialité devrait donc pouvoir compter
sur la collaboration des apprenants qui lui indiqueront la manière de procéder
pour résoudre des problèmes relatifs au contenu de ses enseignements. Toute
fois, il ne nous dit pas de quelle manière nous pourrions procéder pour départager
des apprenants qui ne s’entendent pas sur le contenu ou qui ont des idées diamétralement opposées sur une question relative audit contenu. Il ne nous dit pas non
plus comment faire pour résoudre des problèmes relatifs au
contenu et à la
compréhension des textes spécialisés lorsque nous avons affaire à des étudiants qui
ne sont pas spécialistes des différents contenus à enseigner, et c’est souvent le cas,
des étudiants à qui on impose des programmes d’enseignement qui ne sont généralement pas en parfaite adéquation avec leur domaine de spécialisation et ne correspondent donc pas toujours à des matières de spécialité qu’ils ont effectivement apprises
et dont ils ont une certaine expertise. Ce sont des étudiants qui comptent généralement sur l’enseignant pour jouer le rôle de transmetteur de savoir et non celui
d’intermédiation entre le savoir et les apprenants, c’est-à-dire celui de facilitateur de
l’accès au savoir par ces derniers.
298
La double compétence dans l’enseignement/apprentissage de l’anglais de spécialité
1.2. Une deuxième position timidement favorable à la double compétence
Contrairement à des chercheurs tels que P. Strevens et M. Perrin, d’autres ont eu, par
la suite, une position mitigée sur la double formation de l’enseignant d’anglais de
spécialité. Pour T. Hutchinson et A. Waters (1987 : 163), par exemple, « the ESP teacher
should not become a teacher of the subject matter, but rather an interested student of the
subject matter ». Ces auteurs (1987 : 163) préconisent une évolution vers la
compréhension par l’enseignant d’anglais de la matière de spécialité et ils
recommandent que cet enseignant adopte vis-à-vis de cette matière une attitude
positive qui pourrait l’amener à pouvoir poser des questions intelligentes dans le
domaine de spécialité :
What kind of knowledge is required of the ESP teacher?
ESP teachers do not need to learn specialist knowledge. They require three things only:
i.
a positive attitude towards the ESP content;
ii.
a knowledge of the fundamental principles of the subject area;
iii.
an awareness of how much they probably already know.
This can be summed up as «the ability to ask intelligent questions».
When confronted with a machine, for example, the teacher should not necessarily know
how it works, but should be able to ask:
What is the machine used for?
What is this part called?
Why doesn’t it do that?
Etc.
Contrairement à M. Perrin, pour qui les enseignants d’anglais de spécialité doivent
pouvoir se permettre tous les écarts, T. Hutchinson et A. Waters préconisent donc que
l’enseignant d’anglais de spécialité essaie de disposer des connaissances minima
requises pour pouvoir poser des questions intelligentes et raisonnables sur la matière
de spécialité. Nous pouvons alors comprendre que pour ces derniers auteurs,
l’enseignant d’anglais devrait avoir une attitude positive qui lui permette d’apprendre
progressivement la matière de spécialité. Il doit graduellement s’approprier cette
matière au lieu de se permettre tous les écarts possibles, en comptant sur la
collaboration des apprenants pour procéder aux corrections nécessaires, comme le
préconise M. Perrin.
Cette position est également celle adoptée par T. Dudley-Evans (1993 : 182) qui écrit :
Clearly one needs an interest in the discipline and a willingness to find out about the
genre conventions and the favoured ‘stories’, but one does not necessarily need to
have detailed knowledge of the actual content. One needs to try to find out how the
discipline works, what sort of questions they are seeking answers to, rather than
necessarily know and understand all the answers.
Cet auteur estime donc qu’il suffit de s’intéresser à la discipline et de pouvoir poser des
questions appropriées sans nécessairement avoir une connaissance détaillée du contenu ;
pouvoir poser des questions appropriées sans nécessairement avoir des réponses
299
Codjo Charlemagne Fanou
acceptables aux dites questions. Mais tout comme T. Hutchinson et A. Waters, il ne
nous dit pas de quelle manière l’enseignant va pouvoir faire des évaluations, portant
sur le contenu et la forme, et être en mesure d’apprécier les productions des
apprenants, leur donner des notes, etc., s’il se contente d’un intérêt à la discipline qui
se limiterait à la capacité de poser des questions sans pouvoir y répondre lui-même.
Pour J. Percebois, l’enseignant a besoin d’avoir quelque connaissance de la matière de
spécialité sans en être nécessairement un expert. Sa position est donc proche de
celles de T. Hutchinson et A. Waters et de T. Dudley-Evans, et est opposée à celles de P.
Strevens et de M. Perrin. C’est ainsi que, contrairement à M. Perrin qu’elle cite, « we are
basically right in maintaining that we can be teachers of language in any field of scientific
knowledge because […] the difficulties for our students lie not in their specialist terminology,
but in the discourse into which this terminology has to be inserted », J. Percebois (1996 :
118) estime que la matière de spécialité ne devrait pas être totalement inconnue de
l’enseignant. Elle fait remarquer que pour sa crédibilité auprès des apprenants et pour
pouvoir parler à ces derniers avec une certaine conviction,
[…] le domaine disciplinaire de l’apprenant ne doit pas être pour l’enseignant une
terra incognita. De même qu’il est indispensable que l’enseignant d’anglais de
spécialité ait une certaine compétence dans les domaines d’économie générale qu’il
aborde avec eux, pour sa crédibilité auprès d’eux, il importe qu’il se documente sur les
sujets examinés avec les apprenants […] il pourra leur parler avec conviction
des connotations de chacun de ces termes, de leurs utilisations dans d’autres
contextes et contribuer à leur compréhension de l’article.
En estimant « qu’il est indispensable que l’enseignant d’anglais de spécialité ait une certaine compétence dans les domaines d’économie générale qu’il aborde avec eux (ses étudiants) » et qu’« il importe qu’il se documente sur les sujets examinés avec les apprenants
», J. Percebois adopte vis-à-vis de la matière de spécialité une position qui va au-delà
de l’attitude positive que recommandent T. Hutchinson et A. Waters sans toutefois
préconiser une véritable expertise dans la matière de spécialité. On peut dire qu’elle a,
elle aussi, vis-à-vis de ladite matière de spécialité, une attitude plutôt mitigée,maisun
peu plus prononcée que celles deT. Dudley-Evans et deT. Hutchinson et A.Waters.
Les problèmes relatifs à la non-connaissance de la matière de spécialité par certains
enseignants de langues de spécialité peuvent amener à se demander s’il ne faudrait
pas que l’enseignant de langue soit en même temps un expert en langue et un expert
dans la matière de spécialité, c’est-à-dire un double expert. A ce sujet, S. Thomas et al.
estiment que l’enseignant d’anglais qui connaît la matière de spécialité ne serait pas
en mesure de laisser les apprenants jouer le moindre rôle dans l’enseignement/apprentissage de la langue de spécialité. Ils estiment que l’enseignant se permettrait
ainsi d’essayer de tout faire lui-même et que les apprenants n’auraient aucune partition à jouer, ne feraient pas les tâches requises dans un contexte d’enseignement/
apprentissage par les tâches (task-based teaching/learning) et n’apprendraient pas
réellement, dans la mesure où ils se retrouveraient ainsi dans un contexte de transmission de savoir par l’enseignant qui en serait le détenteur exclusif, et non dans celui de
300
La double compétence dans l’enseignement/apprentissage de l’anglais de spécialité
la nécessaire autonomisation, ou responsabilisation, des apprenants (H. Holec 1980 &
1981 et J.-P. Narcy-Combes 2005). C’est ainsi que, en décrivant un cours de langue
intégré ou « content-based language instruction », ces auteurs (1995) se demandent :
As there was a certain confusion as to teachers’ roles, would the simplest solution not
be to find an English teacher, with a high degree of engineering, or else a bilingual
telecommunications engineer who is also a linguist? In other words, wouldn’t it be
better to have an all-round specialist? Even if such people were easy to find, we do not
believe this would be the solution. Concentrating «all the knowledge» in the hands of
one individual would not seem to be the most appropriate way to encourage students
[…] The fact that it is the teacher who knows and controls everything may be very
reassuring for both him and his learners but will also militate against the learners ever
achieving any degree of autonomy in the matter.
Contrairement à ces derniers auteurs, certains chercheurs ont plutôt une position
claire et tranchée en faveur de la double formation de l’enseignant d’anglais de spécialité.
1.3. Une dernière position qui considère la double compétence
comme pouvant être une véritable nécessité
Il y a des chercheurs pour qui la double compétence est non seulement un atout mais
aussi une nécessité pour l’enseignant d’anglais de spécialité. C’est ainsi que M.-F.
Combes-Joncheray (1999 : 159) pose la question « Faut-il que l’enseignant de langue ait
ou non une connaissance du domaine de spécialité ? » à laquelle elle formule une
réponse claire et sans ambiguïté par rapport à la nécessité ou non pour l’enseignant de
langue de spécialité d’avoir une double compétence :
Huit années dans l’enseignement de l’anglais de spécialité m’ont montré que penser
que l’on peut enseigner l’anglais de spécialité dans un domaine où l’on ne connaît rien
relève de l’utopie. Comment en effet enseigner ce qu’on ne comprend pas soi-même
? Le recours aux étudiants que préconisent certains ne peut fonctionner que si
l’enseignant possède au moins les rudiments du domaine de spécialité.
Ainsi, pour M.-F. Combes-Joncheray, un minimum de connaissances dans le domaine
de la matière de spécialité des apprenants est nécessaire. Mais contrairement à J.
Percebois pour qui cette connaissance minimale serait requise essentiellement pour
que le domaine de spécialité ne soit pas pour l’enseignant une terra incognita, et pour
qu’il puisse parler aux apprenants avec une certaine conviction, etc., M.-F. CombesJoncheray considère plutôt ce minimum de connaissances comme nécessaire, voire
indispensable, pour pouvoir enseigner l’anglais de la spécialité des apprenants. Pour
elle, on ne saurait compter exclusivement sur la collaboration des étudiants, censés
être compétents dans la matière de spécialité, pour pouvoir dispenser des cours
d’anglais de spécialité.
J.-B. Gilbert va au-delà du minimum de connaissances qui serait requis dans la matière
de spécialité pour pouvoir effectivement enseigner une langue de spécialité, et il
estime que dans certaines situations, la connaissance du domaine de spécialité est
carrément indispensable. Contrairement aux propos de M.-F. CombesJoncheray, J.-B. Gilbert préconise que la connaissance de la matière de spécialité ne
301
Codjo Charlemagne Fanou
soit pas seulement une connaissance minimale. Ainsi, pour lui (J.-B. Gilbert 2008 :
252), par rapport à l’enseignement du français sur objectifs spécifiques (FOS), à la suite
de J.-M. Mangiante et C. Parpette (2004), « toute connaissance insuffisante ou superficielle au niveau des connaissances du domaine non linguistique diminue la pertinence
de l’analyse des besoins de l’apprenant ». Il estime que la connaissance a priori du
domaine apparaît comme un véritable atout à chaque étape de la construction
du programme d’enseignement de la langue de spécialité.
En effet, J.-B. Gilbert considère la double expertise comme un véritable atout. Il estime
en particulier que dans les domaines de l’analyse des besoins, de la collecte et de
l’analyse des données et des discours, la connaissance du domaine de spécialité est «
un atout indispensable ». Pour cet auteur, alors qu’il y a des situations dans lesquelles
cette connaissance s’avère utile sans être indispensable, il y en a d’autres dans
lesquelles elle est pratiquement une condition incontournable pour quiconque veut
enseigner efficacement une langue de spécialité. Il clarifie sa position en précisant que
la double expertise est nécessaire en fonction de la situation pédagogique. Dans les
situations optimales de négociation qui impliquent […] un niveau avancé d’autonomie
de l’apprenant, on peut imaginer que le double expert soit une ressource informationnelle,
mais pas nécessaire. En revanche, dans toutes les situations où les programmes sont fixés
d’avance, la double formation constitue une nécessité quant à la centration sur
l’apprenant puisqu’elle permet à l’enseignant d’avoir une représentation précise de ses
besoins et de ses objectifs (2008 : 255-256).
Ainsi, selon J.-B. Gilbert, la double compétence peut être, selon les circonstances,
non seulement utile, mais aussi indispensable, contrairement à la position de certains
chercheurs, il y a une vingtaine ou une trentaine d’années.
2. Etude de quelques exemples de situations de terrain
(recherche-action) permettant d’apprécier
l’importance de la double compétence pour l’enseignant d’anglais de spécialité
Dans le cadre de la présente recherche-action, que nous avons effectuée dans
certaines écoles de l’Université d’Abomey-Calavi et au Centre de Formation
Professionnelle de Bénin Télécoms SA (CFP/BTSA), au Bénin, en 2008 et 2009, dans le
but d’identifier des freins éventuels à l’apprentissage de l’anglais de spécialité par nos
étudiants, nous avons recensé un certain nombre de situations où nous avons pu
apprécier à quel point il est nécessaire pour l’enseignant d’anglais de spécialité d’avoir
une certaine expertise dans le domaine de spécialité dont il est question dans ses
enseignements. Nous nous contenterons d’indiquer des exemples précis de difficultés
qui nous permettent d’apprécier l’importance de la double expertise de l’enseignant
sans nécessairement donner beaucoup de détails.
2.1. Exemple n° 1
Dans le cadre du démarrage d’un cours d’anglais financier en LP/BA (Licence
Professionnelle / Banque et Assurance) à l’Ecole Nationale d’Economie appliquée et
302
La double compétence dans l’enseignement/apprentissage de l’anglais de spécialité
de Management de l’Université d’Abomey-Calavi (ENEAM/UAC), le 20 juin 2008, nous
avons demandé, entre autres, aux étudiants, en guise de réchauffement intellectuel
au début d’une nouvelle leçon, de réfléchir et d’échanger à deux (apprentissage
collaboratif, entre pairs) sur la différence entre « micro finance » et « micro credit ».
Lorsque nous leur avons demandé de nous faire la restitution (restitution orale, suivie
de transcription au tableau pour certains), nous nous sommes rendu compte d’une
grande différence entre les points faits par les différents groupes (couples)
d’étudiants. Voici, en guise d’illustration, les points de trois groupes différents qui
résument bien l’ensemble des positions des étudiants du groupe pédagogique :
Groupe X: micro credit and micro finance are the same things. There is no difference;
Groupe Y: microfinance is an institution and micro credit is a product;
Groupe Z: micro finance is not an institution but there are micro finance institutions.
Micro finance is a domain and micro credit is an activity in that domain.
Beaucoup d’étudiants étaient d’accord avec Alban, le représentant du groupe Z chargé
de rendre compte du travail de son groupe, et Paul, le représentant du groupe X, qui
avait longtemps maintenu sa position, a aussi fini par se mettre d’accord avec Alban.
L’enseignant a lui aussi exprimé son accord en disant :
I personally agree with Alban when he says that micro finance is a domain, a field of
finance, and that micro credit is a product that is traded in that field.
La double expertise de l’enseignant, qui est également diplômé en Gestion de la
micro entreprise, lui a permis de départager les apprenants. Il n’aurait pas pu le faire si
le domaine de la micro finance ne lui était pas quelque peu familier. Dans ce cas, il
n’aurait été qu’un observateur passif de ses étudiants alors que, lorsqu’on traite de
questions portant sur le fond/le contenu, on ne saurait se contenter de discuter ou
d’échanger sans conclure, et la conclusion ne peut se faire dans ce contexte, en ce qui
concerne les questions relatives au fond/sens, que sous la forme d’un arbitrage qui
peut requérir la présence d’un spécialiste si l’enseignant n’est pas capable lui-même
d’assurer un tel arbitrage.
2.2. Exemple n° 2
Dans cet exemple, il s’agit d’un exercice traité en Master 1 dans la filière Planification
et Développement Local (PDL), 1 année, à l’Ecole Nationale d’Administration et de
Magistrature de l’Université d’Abomey-Calavi (ENAM/UAC), le 03 avril 2009
(voir annexe). L’exercice a comme support des courbes, tracées dans un même repère
orthonormé, portant sur les ventes de trois produits : des postes de radio (simples), des
postes de radiocassettes, et des postes téléviseurs. Il a pour consigne : « Use
è re
303
Codjo Charlemagne Fanou
information from the following line graph to answer the questions underneath ». La question
n° 9 au sujet de laquelle nous avons rencontré quelques difficultés avant d’aboutir à un
consensus avec les apprenants, en ce qui concerne la réponse à retenir, est la suivante :
Question 9: In which month were sales of the three products the same?
Pour certains apprenants, la réponse est « (The month in which sales of the three products
were the same were) March and April », étant donné que le point d’intersection des trois
courbes de l’énoncé est situé entre mars et avril. D’autres, par contre, estiment que
c’est plutôt au milieu des deux mois qu’on devrait chercher les éléments pouvant
permettre de trouver la réponse appropriée et ils précisent que chaque mois est
schématisé par un point, et qu’on ne saurait dire que c’est « March » et « April », étant
donné l’emplacement dudit point d’intersection dans le repère (orthonormé). Pour
d’autres encore, il faut considérer tout un intervalle, car le mois de janvier, par
exemple, ne serait pas schématisé par un point, mais plutôt par l’intervalle entre
l’origine et le point de l’abscisse où on peut lire « January », et ainsi de suite.
Un des étudiants, Paul, s’oppose à cette dernière explication en faisant remarquer
qu’aucune des courbes représentant les ventes des trois produits ne commence par
l’origine et que l’on pourrait déduire que chaque mois est bien représenté par un
point, ce que tout le monde approuve. L’enseignant se range naturellement du côté
de « tout le monde » et est lui aussi d’accord avec Paul : il n’avait pas de réponse
précise, alors qu’il aurait bien fallu qu’il en ait une à proposer, et au cas où aucun
apprenant ne serait en mesure de la suggérer, il pourrait en faire la proposition en
expliquant comment il a procédé pour aboutir à une telle proposition. Il aurait
certainement pu procéder ainsi s’il était lui-même un spécialiste, et n’en étant pas un,
il a dû attendre la « bonne » réponse des apprenants dont un seul semble avoir proposé
ce qu’il fallait. Si cet étudiant n’avait pas été dans la salle de classe, les apprenants et
l’enseignant auraient été bloqués, ou alors ils se seraient entendus sur une réponse
non-conforme aux attentes (des spécialistes) en ce qui concerne le contenu. Ils se
seraient entendus sur une réponse conforme aux attentes seulement en ce qui
concerne la forme. Leur formulation de réponse n’aurait été conforme aux attentes
qu’en ce qui concerne la « grammaire », d’où la conclusion (partielle) que la double
expertise peut s’avérer être une véritable nécessité pour l’enseignant de langue de
spécialité (LSP) et lui permettre de ne pas être bloqué dans ses enseignements, et de
ne pas retenir des réponses non-conformes aux attentes des spécialistes en raison de
sa non-connaissance du contenu.
2.3. Exemple n° 3
Il s’agit ici d’un exercice que nous avons fait traiter en 2 année de la filière Réseaux/
Télécoms (RT2) au Centre de Formation Professionnelle de Bénin Télécoms SA (CFP/
304
ème
La double compétence dans l’enseignement/apprentissage de l’anglais de spécialité
BTSA) le 08 avril 2009. Cet exercice, tiré de Infotech English for computer users, Student’s
book, de Santiago Remacha Esteras (Cambridge University Press), a pour consigne :
With a partner, try to answer these questions …Question 2: What is the difference
between binary notation and the decimal system?
La proposition de réponse de Donald est la suivante :
The binary notation uses the digits 0 and 1, but the decimal system uses 1, 2, 3, …, 9.
Example :
3 = 1 x 2+ 1 x 2 => 3 equals 1 + 2
1 equals to 2& 2 equals 2
3 = 1 + 2 = 2+2=1.2+1.2 (Il aurait dû mettre x à la place des points)
(1) (1)
3 in decimal system equals to 1 in binary system. (Il aurait dû écrire l’article « the »
entre « in » et « binary »)
0
1
0
0
1
1
0
1
Les explications de Donald ont été comprises par l’enseignant lorsqu’il a essayé de les
lire attentivement. De telles explications n’auraient pas du tout pu lui être compréhensibles s’il n’avait pas lui-même quelque connaissance du système binaire et du
système décimal. Si tel avait été le cas, il n’aurait pas pu déchiffrer la production de
Donald et celles des autres apprenants, les apprécier pour se rendre compte des
écarts éventuels entre elles et celles qui seraient conformes aux attentes des informaticiens en ce qui concerne le fond.
En ce qui concerne la forme, Donald a mis un point (.) là où il aurait fallu mettre un
signe de multiplication (x). Il a donc procédé par transfert de sa L1 de spécialité (le
français) à la L2 de spécialité (l’anglais) et procédé ainsi par endroits comme il l’aurait
fait à un cours de mathématique ou d’informatique en français. Il a aussi manqué
d’écrire « the » entre « in » et « binary ». Il fallait que l’enseignant se rende compte de
tout cela pour apprécier convenablement la production de Donald. D’où la nécessité
pour l’enseignant d’être expert aussi bien en langue anglaise que dans les questions
liées aux systèmes binaire, décimal, etc., c’est-à-dire à la matière de spécialité, pour
pouvoir comprendre et apprécier les performances des apprenants à leur juste valeur.
Faute d’une telle double expertise, l’enseignant d’anglais de spécialité ne peut savoir
qui des apprenants qu’il a soumis à une tâche propose une exécution appropriée et
qui propose une exécution non-conforme aux attentes des spécialistes de l’informatique. Tout apprenant aime bien qu’on lui dise si sa réponse est conforme ou nonconforme aux attentes (c’est-à-dire ‘’juste’’ ou ‘’fausse’’), lorsqu’il a exécuté une tâche,
surtout quand c’est un étudiant qui s’imagine mal que l’enseignant ne puisse pas avoir
réponse à tout, et il s’agit d’une conformité aux attentes en ce qui concerne et le fond
et la forme, les aspects informatiques traités étant même généralement plus importants pour un tel étudiant que les aspects linguistiques.
305
Codjo Charlemagne Fanou
2.4. Exemple n° 4
Cet exemple se situe dans le même cadre que celui de l’exemple précédant et concerne la rubrique « Bits and bytes ». C’est un exercice qui est tiré du même ouvrage et
a pour énoncé :
[…] Do you understand the calculations made to obtain a palette of 16.7 million colours?
(If you don’t, ask a partner to explain them to you.
Lors de la correction de cet exercice en 1 année d’Informatique de Gestion de la filière
BTS (IG1/BTS) à l’ENEAM (Ecole Nationale d’Economie Appliquée et de Management),
le 10 juillet 2008, Ramanath écrit :
ère
A graphic adaptor with one bit per primary colour generate (au lieu de generates)
up to 2 colours. Now, a graphic adaptor with 8 bits generates
(2) or 16.7 million colours
3
3
8
Les explications données par Ramanath n’étaient pas assez claires, ni suffisantes, pour
le non spécialiste qu’est l’enseignant d’anglais appliqué, qui était bien obligé de les
accepter comme telles. Celles de Paul quelques mois plus tard, le 26 mars 2009, au
sujet du même exercice, en 2 année de Réseaux/Télécoms (RT2) au Centre de Formation Professionnelle de Bénin Télécoms SA, semblent être plus détaillées et plus
claires, mais requièrent tout de même un minimum d’expertise de la part de l’enseignant pour être comprises par ce dernier :
ème
2 bits : ‘0’ or ‘1’
3 primary colours : Red, blue, and green
2= 8 possibilities of colour in a graphic adaptor of 1 bit
=> So with a graphic adaptor of 8 bits, we’ll have (2)=8=16.7 millions of colours. (Il
aurait dû écrire « million colours » mais il s’agit là d’une pnca ou production non
conforme aux attentes (C. C. Fanou 2009) négligeable).
3
3
8
8
L’enseignant a pu s’apercevoir que les explications de Paul sont suffisamment conformes aux attentes. Certains apprenants n’ont pas été en mesure de donner de telles
explications. L’enseignant a besoin de comprendre lui-même l’énoncé pour pouvoir
apprécier l’exécution d’une tâche par les apprenants. S’il n’est pas en mesure de comprendre, il ne peut se rendre compte des écarts éventuels entre les contenus de leurs
réponses et ceux qui seraient conformes aux attentes des spécialistes.
2.5. Exemple n° 5
C’était le 15 mai 2009 en 2 année de Sciences Economiques (SE2) à la Faculté des
Sciences Economiques et de Gestion (FASEG) de l’Université d’Abomey-Calavi (UAC).
ème
306
La double compétence dans l’enseignement/apprentissage de l’anglais de spécialité
Lors de la correction d’un exercice portant entre autres sur les chèques, barrés et non
barrés, « crossed cheques and open cheques », un étudiant nous demande, « S’il vous
plaît Monsieur, quelle est l’utilité des chèques barrés ? », et pourtant il s’agit ici d’étudiants
ayant déjà reçu, au cours de la même année universitaire, 2008-2009, un
enseignement sur les différents types de chèques, dans le cadre d’un cours de Droit
commercial. L’enseignant, très surpris par la question, a toutefois répondu, comme suit :
Un chèque barré est un chèque dont le montant sera transféré directement dans un
compte bancaire, sans que le bénéficiaire n’ait eu à toucher au montant à payer
alors qu’un chèque non barré devra être touché au guichet de la banque. Lorsque
vous devez toucher 10 millions FCFA à la banque parce que détenteur d’un chèque
non barré, vous vous exposez au risque que le montant touché soit volé alors que si
c’était un chèque barré, personne ne saurait que vous avez reçu une telle somme et
le montant à toucher se retrouverait dans votre compte en toute sécurité.
L’apprenant était censé avoir la réponse à sa question car il avait déjà suivi des cours
dans ce domaine de sa spécialité et devait avoir des connaissances sûres en ce qui
concerne les différents types de chèque. Ainsi, l’apprentissage de l’anglais relatif aux
chèques devrait lui être aisé. Mais voilà qu’il avait des préoccupations par rapport au
contenu pour n’avoir pas suivi ou pour n’avoir pas compris le cours de spécialité.
L’enseignant a donc dû lui faire un rappel de connaissance afin de lui permettre de
continuer l’exécution de la tâche. S’il n’avait pas été en mesure de lui donner les
explications dont il avait besoin, l’apprentissage de certains concepts bancaires, par
cet étudiant, par le biais de la tâche, aurait pu être, ne serait-ce momentanément,
bloqué.
3. Point de quelques contextes généraux pouvant permettre
d’apprécier l’importance de la double compétence
Nous pouvons énumérer un certain nombre de contextes généraux dans lesquels la
double compétence peut être perçue comme étant une nécessité.
3.1. Les cas d’utilisation de la méthode « Content and Language Integrated Learning
(CLIL) » ou « Enseignement d’une Matière par l’Intégration d’une Langue Etrangère »
(EMILE) Procédons, pour commencer, à une définition de « CLIL ».
3.1.1. Définition de « CLIL » « CLIL » ou EMILE, encore appelé « Content-Based Language
Instruction (CBLI) » ou « Content-Based Instruction (CBI) », consiste à enseigner une
matière de spécialité en utilisant une langue étrangère. Il s’agit, par exemple, de
donner des cours d’Economie, de Gestion, d’Histoire, d’Informatique, etc.,
directement en anglais, par exemple dans un environnement francophone comme au
Bénin. D. Wolff estime que « CLIL » désigne toute situation d’enseignement où une
langue autre que la langue habituelle d’enseignement des apprenants est utilisée
pour enseigner une matière autre que la langue même. Ainsi, en paraphrasant Marsh
307
Codjo Charlemagne Fanou
et Langé (2000), il propose la définition suivante de « CLIL » :
Content and Language Integrated Learning (CLIL) is a generic term and refers to any
educational situation in which an additional language and therefore not the most
widely used language of the environment is used for the teaching and learning of
subjects other than the language itself (D. Wolff 2003 : 37).
« CLIL », c’est encore ce que P. Strevens (1980 : 129-130) appelle cours intégré ou «
integrated course » qu’il définit comme « course in which the science or technology
syllabus is taught with and through the language syllabus ».
Quant à J. Crandall et R. C. Tucker (1990 : 83), ils parlent aussi de « Content Based
Language Instruction » en termes d’approche intégrée et en proposent la définition
suivante :
Content-based language instruction is an integrated approach to language instruction
drawing topics and tasks from content and subject matter classes but focusing on the
cognitive, academic language skills required to participate effectively in content
instruction.
3.1.2. Quelques hypothèses sur les avantages de « CLIL »
Dans bien des cas, l’enseignant d’une langue de spécialité se trouve contraint d’utiliser
l’approche « CLIL », surtout lorsque certains aspects de son enseignement ne sont pas
en adéquation avec la spécialité des apprenants et que l’anglais de spécialité n’est pas,
à tous les points de vue, de l’anglais correspondant à ce qu’ils ont appris dans leurs
matières de spécialité. « CLIL » permet donc d’enseigner, en anglais, des concepts non
encore étudiés par les apprenants dans leurs cours de spécialité (en français), mais
faisant partie de leur programme d’anglais appliqué. Dans de tels contextes, on ne
pourrait dire qu’il s’agit de l’anglais de spécialité étant donné qu’on ne peut pas parler
d’anglais de spécialité lorsque les apprenants ne sont pas experts dans la matière de
spécialité concernée et que « pour que l’enseignement s’appuie sur un contenu, il
faudrait que les étudiants soient spécialistes du contenu » (M.-F. Narcy-Combes 2005 :
156). Dans de tels contextes, les apprenants ne peuvent exécuter des tâches
d’apprentissage sans avoir pris connaissance de la matière de spécialité, d’où la
nécessité de « CLIL » ou EMILE (Enseignement d’une Matière par l’Intégration d’une
Langue Etrangère, l’Anglais), mais sans productions pour éviter ce qui ne peut être que
du « pidgin » de classe dans la plupart des cas.
Pour D. Wolff, « CLIL », qui est un type d’enseignement beaucoup plus basé sur le fond
que sur la forme, peut contribuer à augmenter la motivation des apprenants, leur
permettant de procéder à un traitement en profondeur (traitement du sens), et de
disposer d’un contenu d’enseignement plus riche et plus motivant :
The learning contents of most content subjects are what could be called «realia», i.e.
facts and processes of the real world […] they are characterized by scientific
orientation and are, therefore, richer and more complex than most contents dealt with
in ordinary language classrooms […] The content the CLIL classroom provides for the
308
La double compétence dans l’enseignement/apprentissage de l’anglais de spécialité
learner is more significant than the content of the traditional classroom; it is more
motivating and more involving, and they process it more attentively (2003 : 44).
Avec « CLIL », les apprenants, censés être déjà experts dans la matière de spécialité, se
trouvent donc particulièrement motivés à parler dans leur L2 d’un domaine dont ils
sont en mesure de parler aisément dans leur L1 ou dans leur LM (langue maternelle).
3.2. Cas d’analyse des besoins des apprenants
Lorsque nous voulons concevoir des programmes d’anglais pour des filières autres
que celles de langues, nous avons besoin de procéder à une analyse des besoins des
apprenants pour connaître le type d’anglais qui leur conviendrait le mieux. Dans un
contexte d’apprentissage centré sur l’apprenant (student-centred) en particulier, il est
indispensable de savoir ce pour quoi les apprenants auront besoin de la langue de
spécialité, dans quels contextes ils l’utiliseront, et quel devrait être le contenu de cet
anglais pour qu’il corresponde à leur domaine de spécialisation et à des matières de
spécialité déjà apprises effectivement par eux. Pour J.-B. Gilbert (2008 : 252),
le titulaire d’une double formation dispose d’une connaissance approfondie d’un domaine non linguistique qui le préserve d’un traitement trop caricatural du domaine
donné et lui offre ainsi la possibilité de multiplier des hypothèses de travail très précises en vue d’identifier les besoins langagiers de l’apprenant.
Pour cet auteur, la conception des programmes peut faire l’objet de négociation, et il
précise que « connaître un domaine non linguistique implique de pouvoir sélectionner en
priorité les situations de communication professionnelles ou académiques les plus pertinentes pour l’apprenant » (2008 : 255). Les pratiques de négociation en question, qui
sont favorisées par la double formation, aident en effet dans la justification des objectifs
d’apprentissage et dans le choix des contenus comme l’indique R. Richterich (1986 : 145) :
Les pratiques de négociation en rapport avec les objectifs ont pour fonction de servir
de supports à des activités d’enseignement/apprentissage d’une langue étrangère
pour apprendre à choisir et justifier des objectifs d’apprentissage et prendre des décisions au sujet du contenu.
ous pouvons donc dire que la double expertise est particulièrement utile dans le cadre
de la détermination des objectifs d’apprentissage et des choix de contenus sur lesquels nous voulons baser l’enseignement d’une langue de spécialité.
3.3. Cas de production de supports d’enseignement
La production de supports suppose la maîtrise des contenus à enseigner : de tels
supports doivent être conçus en intégrant des contenus relatifs à la matière de
spécialité, notamment dans le cadre de la production de documents fabriqués. En
effet, pour produire un texte fabriqué, il faut créer un contexte et imaginer une «
histoire », par exemple un cas de fiction à substrat professionnel (FASP)1, ou alors
didactiser des concepts scientifiques (savants), relatifs à la matière de spécialité, ce qui
suppose nécessairement la maîtrise de ladite matière. De même, en ce qui concerne
les exercices de compréhension de supports didactiques basés sur le contenu, il est
impossible d’en concevoir si on n’a pas un minimum de connaissance de ce contenu.
1
FASP est un « acronyme forgé par Michel Petit en 1999 » (Mireille Hardy, « La publifiction, voie d’accès à l’anglais du marketing ? »
In ASp 47-48 de 2005)
309
Codjo Charlemagne Fanou
3.4. Cas de conception de programmes d’enseignement
La conception des programmes est intimement liée à l’analyse des besoins des
apprenants dans le cadre spécifique de l’enseignement de l’anglais de spécialité, et
cette analyse se trouve favorisée par la double formation de l’enseignant comme
indiqué plus haut. En effet, l’analyse et la connaissance des besoins des apprenants
sont censées précéder l’élaboration des programmes. Même si cette élaboration doit
se faire avec l’aide des spécialistes, l’enseignant de langue a besoin de comprendre la
spécialité pour négocier le contenu des enseignements (R. Richterich 1986 et J.-B.
Gilbert 2008) et par conséquent celui des programmes d’enseignement.
3.5. Cas de conception d’épreuves d’examens, etc. (évaluation des connaissances)
Dans le domaine de l’anglais de spécialité, les évaluations portent sur la forme et aussi
sur le fond ou le contenu. L’enseignant qui n’est expert qu’en ce qui concerne les
questions liées à la forme ne pourra pas concevoir des épreuves, avec des questions
relatives au fond, conformes à tous points de vue aux attentes des spécialistes (C. C.
Fanou 2009). Un tel enseignant aura besoin de se faire assister d’un spécialiste/expert
pour la conception de sujets d’examens, et aussi pour leurs corrections, s’il veut faire
efficacement son travail, ce qui ne serait pas du tout aisé pour lui. Aussi bien dans les
cas particuliers de résolution de problèmes que dans ceux relatifs aux questions
portant sur un texte relevant de la spécialité, l’enseignant qui n’est expert qu’en langue
ne pourra pas proposer des épreuves appropriées et ne pourra non plus les corriger et
apprécier la performance des apprenants, notamment leurs productions, d’une
manière conforme aux attentes en ce qui concerne le fond. Il ne pourra faire que de l’«
à peu près », mais on ne peut pas prendre en compte la forme et laisser tomber le
contenu, les deux éléments étant indissociables dans une évaluation en langue de
spécialité.
4. Quelques recommandations au sujet de la double compétence
Nous constatons, en tenant compte des résultats de notre recherche-action, que la
double formation permet d’enseigner l’anglais de spécialité de manière beaucoup
plus efficace que ne le permet la seule formation générale en langue anglaise. Mais
pour des enseignants qui n’ont reçu qu’une formation littéraire, nous suggérons qu’ils
essaient d’améliorer graduellement leurs connaissances, ne serait-ce dans une
spécialité qui les intéresse et pour laquelle ils ont quelque aptitude, et cela autant
qu’ils le peuvent. Il est en effet indispensable pour les enseignants d’anglais de spécialité
de collaborer davantage avec les spécialistes des matières dont ils enseignent l’anglais,
et de se spécialiser eux-mêmes au lieu d’être prêts à enseigner tous les types d’anglais
qu’on leur propose d’enseigner, ayant souvent affaire à des directeurs des études, ou
même à des chefs d’établissements, pour qui l’anglais, c’est l’anglais, le droit, c’est le
droit, l’économie, c’est l’économie, les mathématiques, c’est les mathématiques, etc.
310
La double compétence dans l’enseignement/apprentissage de l’anglais de spécialité
Il s’agit de responsables d’établissements qui n’ont pas nécessairement le réflexe de la
spécialisation et qui ne cherchent par conséquent pas à savoir dans quel domaine s’est
spécialisé tel ou tel enseignant et si ce que peut enseigner un angliciste donné peut
être, ou peut ne pas être, différent de ce que peut enseigner un autre angliciste.
CONCLUSION
Les enseignants d’anglais de spécialité gagneraient à s’assurer qu’ils disposent des
connaissances nécessaires pour pouvoir poser des questions pertinentes de fond et
proposer des réponses par rapport aux dites questions et à celles des apprenants, et
plus spécifiquement par rapport aux supports à utiliser pour faire exécuter des tâches
d’apprentissage avec leurs différents groupes pédagogiques.
Les enseignants de langue de spécialité en général pourraient s’assurer une mise à
niveau par une formation sur le tas en ce qui concerne la matière de spécialité, en se
documentant, en apprenant, en améliorant progressivement leurs connaissances. Mais
il leur faut certaines dispositions naturelles à assimiler des connaissances dans le
domaine de spécialité choisi pour pouvoir y arriver, notamment en ce qui concerne
des domaines pointus tels que les mathématiques, la physique, la chimie, la biologie,
la pharmacie, la gestion, l’économie, etc. Toutefois, dans des domaines plus ou moins
proches des matières littéraires tels que la communication, le tourisme, etc., leur mise
à niveau ou apprentissage sur le tas pourrait se faire plus ou moins rapidement.
BIBLIOGRAPHIE SUCCINTE :
1. COMBES-JONCHERAY, M.-F. 1999. « Les différences entre input et output chez les
étudiants en anglais commercial des classes de BTS Commercial international ». Thèse
de doctorat de l’Université de Technologie de Compiègne, sous la direction de H.
Greven
2. CRANDALL, J. & R.G. TUCKER. 1990. « Content-based Language Instruction in
Second and Foreign Languages. » In Sarinee Anivan (Ed.) Language Teaching
Methodology for the Nineties, pp.83-96. Singapore: SEMAO
3. DUDLEY-EVANS, T. 1993. « Subject specificity in ESP: How much does the teacher
need to know? » In Asp n° 1
4. FANOU, C. C. 2005. « Contribution à la réflexion sur l’enseignement/apprentissage
de l’anglais de spécialité dans les écoles et facultés béninoises ». Mémoire de Master
2 Recherche d’Anglais de spécialité de l’Université Bordeaux 2
5. FANOU, C. C. 2009. « Les supports dans l’enseignement/apprentissage de l’anglais
de spécialité dans un environnement francophone : cas de l’anglais des filières
d’économie et de gestion ». Thèse de doctorat de l’Université Sorbonne Nouvelle (Paris 3)
311
Codjo Charlemagne Fanou
6. GILBERT, J.-B. 2008. « La double formation en français sur objectif spécifique ». In
Bertrand, Olivier & Isabelle Schaffner (Dirs.) Le français sur objectif spécifique. Enjeux
culturels et linguistiques. Paris : Les éditions de l’Ecole Polytechnique
7. HOLEC, H. 1981. Autonomie et apprentissage des langues étrangères. Paris : Hatier
8. HOLEC, H. 1992. « Apprendre à apprendre et apprentissage hétéro-dirigé » In Le
Français dans le Monde, Recherches et applications. Paris : Edicef, n° spécial, février/mars
9. HOLEC, H. 1996. « L’apprentissage auto-dirigé : une autre offre de formation ». In
Holec, Little & Richterich Stratégies dans l’apprentissage et l’usage des langues. Strasbourg : Conseil de l’Europe
10. MANGIANTE, J.-M. & C. PARPETTE, C. 2004. Le français sur objectif spécifique. Paris :
Hachette-FLE, collection F
11. NARCY-COMBES, J.-P. 2005. Didactique des langues et TIC. Vers une recherche-action
responsable. Paris : Orphys
12. NARCY-COMBES, M.-F. 2005. « Débat : quelle recherche en didactique pour la
filière Langue étrangère appliquée. » In Asp n° 47-48, pp. 155-163
13. PERRIN, M. 1995. « Les langues de spécialité, facteur de progrès pédagogique. » In
10th European LSP Symposium, Vienne (Autriche). < http : www.vifax-francophone.net/
ressources/articles-htm//90mp8.html >, dernière consultation le 06 décembre 2004
13. PERCEBOIS, J. 1996. « L’anglais de spécialité en économie de l’énergie. Analyse du
discours et pédagogie générique ». In ASp 11-14 pp.103-118
14. RICHTERICH, R. 1986. Besoins langagiers et objectifs d’apprentissage. Paris : Hachette
15. STREVENS, P. 1980. Teaching English as an international language: From practice to
principle. Oxford: Pergamon Press
16. THOMAS, S., C. Storz & G. Carnat. 1995. « Science through English or English through
science? » In ASp 7-10, pp. 175-184
17. WOLFF, D. 2003. « Integrating language and content in the language classroom:
Are transfer of knowledge and of language ensured? » In ASp 41-42, pp. 35-46.
312
La double compétence dans l’enseignement/apprentissage de l’anglais de spécialité
Annexe :
(Footnotes) FASP est un « acronyme forgé par Michel Petit en 1999 » (Mireille Hardy, «
La publifiction, voie d’accès à l’anglais du marketing ? »In ASp 47-48 de 2005)
313
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Linguistique & Lettres Modernes : P. 314 - 322, 2009
La soutane dans Servitude et grandeur des
Français
Okri Pascal Tossou, [email protected] (Université d’Abomey-Calavi )
Résumé :
Lorsque tout un territoire croupit sous le joug de l’occupant, comment le laboratoire
des sciences humaines peut-il participer à la mobilisation pour la Libération ?
Orchestrateur de la Résistance à partir de 1942, Aragon interpelle le clergé de la
France de Pétain, manifestement acquis à la cause de l’ennemi allemand. Les
écritures engagées déploient des scénographies avec des stratégies argumentatives
édifiantes. Comment cela se donne-t-il à lire dans le recueil de nouvelles Servitude et
grandeur des Français ? Cette communication expose les aspects de ce projet esthétique participant d’un projet de libération nationale. Nous insisterons particulièrement
sur la temporalité de l’espace et l’interdiscours.
Mots clé : Stratégie argumentative, espace, interdiscours.
Abstract :
In what way can literature contribute to or help in the liberation or a whole people ?
That is what Aragon did in France in 1942 when he called upon the clergy to resist the
German enemy. This presentation discusses Aragon’s fiction in the short story collection entitled Servitude et Grandeur des Français.
Key words : Argumentative strategy, space, speech.
Introduction
On s’en souvient, beaucoup de griefs ont été formulés contre le prélat sous l’Occupation.
S’il n’était pas accusé de soutenir directement le pouvoir nazi, on lui reprochait tout de
même d’avoir collaboré avec celui de Vichy1. La virulence de l’antisémitisme clérical
se confirme toutefois, quand on consulte les archives des années trente2. Elles soulignent des cas de refus d’aides aux victimes, de participation directe à des massacres,
de recèlement de bourreaux, voire de pillages de richesses juives3.
Dès lors, à titre d’exemple, les cas de Mgr Théas à Montauban, ou de Mgr Saliège à
Toulouse, dénonçant la percussion des Juifs restent isolés. C’est pourtant sur des cas
isolés, mais appuyés, qu’Aragon fonde certains aspects de l’appel à la Résistance dans
le recueil de nouvelles Servitude et grandeur des Français publié en 1945, composé de
sept nouvelles. Certaines paraissent d’abord dans la clandestinité, notamment « Les
1
2
3
1
On se rappelle la polémique entretenue par les « détracteurs » du Pape Pie XII (surnommé même « Tedesco », c’est-à-dire l’Allemand en Italien), qui
estiment que son engagement contre l’occupant nazi n’est pas ferme, lui dont on sait pourtant que 40 des 44 discours prononcés quand il était
nonce apostolique en Allemane dénonçaient l’idéologie nazie. Voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Pie_XII#Historique_de_la_pol.C3.A9mique du 22/O8/07.
2
Voir Annie Lacroix-Riz, Le Vatican, l’Europe et le Reich de la Première Guerre mondiale à la Guerre froide (1914-1955), Paris, Armand Colin, 1996, 540p.
3
Berstein et Milza rapportent d’ailleurs qu’en majorité, la hiérarchie catholique a manifesté un enthousiasme au pouvoir de Vichy, au point que le
cardinal Gerlier, archevêque de Lyon, se plaisait à déclarer en 1940 : « Pétain, c’est la France et la France, c’est Pétain ! », Serge Berstein, Pierre
Milza, Histoire de la France au XXe siècle II, 1930-1945, Bruxelles, Editions Complexe, 1991, p.325.
314
La soutane dans Servitude et grandeur des Français
Bons voisins », « Pénitent 1943 » et « Le Mouton », sous le pseudonyme d’Arnaud de
Saint-Roman, auxquelles s’ajoutent « Les Rencontres », « Le Collaborateur », « Les Jeunes
gens » et « Le Droit romain n’est plus ».
Pour toucher leur lecteur, les écritures engagées disposent d’une palette de stratégies
argumentatives. Contrairement à la tradition intellectualiste littéraire qui passe la
nouvelle pour un genre mineur, nous verrons comment les scénographies énonciatives
se déploient dans le recueil pour l’appel à l’adhésion à une valeur doxique. Car, la
rhétorique ancienne désignait par « exemplum4 » l’exemple particulier, qu’il soit réel
ou fictif, par lequel l’orateur proposait à son auditoire sous forme de parabole, d’allusion
ou de fable, un exemple que ce public était ainsi convié de manière implicite à
généraliser ou à appliquer au cas du jour. Partant de ce « pilotis » théorique, nous
montrerons que la figuration du prélat dans Servitude
et grandeur des Français se confond avec le devoir de résistance à l’ennemi; en rupture,
il faut le souligner, avec la charge anticléricale connue de l’écrivain.
1
1/ Quand l’espace devient un vecteur discursif…
Tout acte de langage est sous-tendu par une visée illocutoire. L’écriture engagée
accentue cet aspect illocutoire que trahit/traduit le déploiement d’une scénographie
spécifique. C’est le cas, avec l’exemplarité de la transmutation fonctionnelle du prélat
dans « Pénitent 1943 », notamment dans la temporalité de l’espace. Pour l’histoire, cette
nouvelle met en scène un prélat qui, paradoxalement, ne s’épanouit pas dans son
sacerdoce ; il se chagrine à propos de tout ce qui l’entoure. Son portrait, en début de
texte, le montre:
« M. Leroy avait bien maigri. […] On pouvait passer par le jardin du presbytère à l’église :
les acacias étaient en fleur, ça sentait merveilleusement bon. Mais le curé préférait sortir,
faire un petit tour avant d’aller s’enfermer dans son confessionnal. Non pas qu’il aimât
beaucoup le quartier, où, après dix ans, il gardait comme au premier jour ce sentiment de
ne pas être à sa place .» 5
1
4
5
Voir Susan Suleiman, Le Roman à thèse ou l’autorité fictive, Paris, Puf Ecriture 1983, p38.
« Pénitent 1943 » in, Le Mentir-vrai, Paris, Gallimard, 1980, p.233.
315
OKRI PASCAL TOSSOU
Les lieux de foi deviennent ainsi des espaces étouffants. Le curé se rend au
confessionnal malgré lui, et est distrait pendant les séances de confessions :
« M. Leroy écarta le rideau devant lui pour voir si, sur les prie-Dieu, à côté du confessionnal,
quelqu’un ne s’était pas découragé d’attendre. Hélas !... Il faudrait aller jusqu’au bout de
cette tâche ! Le curé se força à mieux écouter, il tenta de s’intéresser à ce balbutiement. Il
voyait derrière le rideau mal tiré la lueur des cierges et ne pouvait se retenir de penser
combien la cire était une dépense somptuaire de nos jours, qu’on manquait de savon… »6
Le style indirect libre, dans la deuxième et la dernière phrase de cet extrait, révèle la
résignation et l’éloignement progressif du prélat de son ministère, puisque la
rencontre avec les fidèles de sa paroisse ne s’annonce plus comme l’occasion de
fortifier leur foi, mais plutôt comme une partie d’ennui à laquelle il tente d’échapper
constamment. Alors, M. Leroy est tout distrait à l’écoute des pénitents au confessionnal :
« Assis dans son confessionnal, il écoutait assez distraitement le murmure qui venait par la
grille, sous les rideaux verts […] M.
Leroy pensait aux acacias du jardin, au plaisir qu’il aurait eu à jouer aux échecs avec le curé
de V… »7
Par la suite, le curé est sollicité par une confession peu ordinaire : celle d’un fugitif
soupçonné d’avoir fait exploser une bombe à V. Informé par les poursuivants de celui-ci,
M. Leroy choisit spontanément de protéger le suspect, donc de se faire receleur. Dès
lors, l’apparition de cet anarchiste présumé fonctionne comme un motif dynamique
qui conforte la nouvelle dans sa force illocutoire.8 Le narrateur-auteur fait ainsi de
l’homme de l’hostie, un véritable complice de la Résistance.9 Dès lors, le prélat viole
un principe cardinal du décalogue, le mensonge. En effet, pour avoir apprécié la
situation, M. Leroy répond aux poursuivants qu’il n’ avait vu personne entrer dans
l’église, et qu’il attendait de recevoir « le dernier de [ses] pénitents qui attend depuis trois
quarts d’heure qu’[il lui] donne l’absolution… ». Double mensonge : quelqu’un est bien
caché à la logette de droite, et il n’était nullement question de continuer de recevoir des
confessions.
Par la suite, le curé dissuada rudement les Boches, lorsqu’il les sentit prêts du gîte du
fugitif, près de découvrir la supercherie :
« Qu’est ce qu’il y a encore Monsieur ? » proféra-t-il, cette fois, à voix très haute, avec cette
voix des prêtres pas gênés de parler haut dans leur église, eux qui ont l’habitude du prêche,
des observations faites aux gosses du catéchisme. L’autre était devant lui presque à le
toucher du cors, surpris par la sortie brusque de ce prêtre, et il recula, et répondit à voix
basse : « Entschuldigen Sie… Excusez-moi, Monsieur le curé, je voulais… »10
2
2
3
4
6
idem., p.238.
idem.
On se souvient du devoir de résistance indiqué en exemple par Monseigneur Saliège dans la lettre qu’il fit lire dans les églises de son diocèse durant l’été 1942. Voici un
extrait de cette lettre :« Que des enfants, des femmes, des hommes, des pères et des mères soient traités comme un vil troupeau, que les membres d’une même famille soient
séparés les uns des autres et embarqués pour une destination inconnue, […]Pourquoi le droit d’asile dans nos Eglises n’existe-t-il plus ? […]Dans notre Diocèse, des scènes
d’épouvante ont eu lieu dans les camps de Noé et de Récébédou. […]Un chrétien ne peut l’oublier. » Cet acte de résistance de Monseigneur Saliège et les actions entreprises
après le 23 août 1942 lui vaudront de devenir par décret du 7 août 1945 Compagnon de la Libération. Bien que, dans Je suis partout, l’écrivain et collaborationniste Robert
Brasillach accuse Monseigneur Saliège de « révolte quasi-ouverte contre l’ordre nouveau » ! http://www.saliege.com/images/MonsSaliege.pdf.
7
8
9
Bougnoux indique que c’est le nom de l’abbé François Larue qui aurait été remplacé par Leroy au moment d’imprimer la nouvelle. Celui-ci fut « un des martyrs de la
résistance lyonnaise. Ancien commandant d’artillerie, il abritait dans son presbytère des réunions clandestines auxquelles Aragon participa en 1943, […] », il aurait été brûlé
vif dans la cour d’une prison à la sortie de Lyon, arrosé de pétrole par les soldats hitlériens. In Daniel Bougnoux et alii, (introductions et notes) Aragon, Œuvres romanesques
complètes II, Paris,Gallimard, 2000, p.1448.
10
op.cit., p.241-242.
316
La soutane dans Servitude et grandeur des Français
L’usage de ce procédé de dissuasion, qui semble atteindre son objectif, conforte le
curé. Et il en profite pour ‘‘ claironner : « Mais, à la fin, où vous croyez-vous, Monsieur ? Me
laisserez-vous, oui ou non, exercer mon ministère ? J’ai là un pénitent, un paroissien à
moi,11 dont je réponds, et qui est ici depuis trois quarts d’heure, je vous dis, trois quarts… »’’
Il n’en est rien pourtant. Cet autre tableau affiche la détermination du prélat à protéger
le fugitif, comme le révèlent l’infinitif « claironner », la répétition de la fictive durée
d’attente de l’insolite pénitent (trois quarts d’heure), et le verbe modalisateur « répondre de », qui est le témoignage de la mauvaise foi de l’acteur de la foi.
Dans ces conditions, l’enthousiasme auquel le curé ne semblait jamais parvenir dans
son sacerdoce, il le vit avec le patriote poseur de bombe : d’abord à l’église où « M.
Leroy regarda [les Boches] s’éloigner, sortir. Il sourit pour lui seul. Cela lui chantait le Gloria
dans les oreilles. Il avait perdu toute espèce de sens du péché. Il était installé dans son
mensonge et il en tirait vanité »! 12
Puis, au presbytère, où « tout d’un coup, ils éclatèrent de rire. Mais alors pas un petit rire,
comme tout à l’heure à l’église. Un de ces rires francs qui vous secouent bien la bedaine. On
était dans le bureau de M. le curé, et le grand crucifix sur fond de velours vert regardait la
scène de haut. M. Leroy essuya ses yeux mouillés.13 » On s’en doute, ce n’est pas de
larmes que les yeux du prélat sont mouillés ; ils le sont du bonheur de rire, de la
satisfaction d’avoir ridiculisé les Boches.
Pour Louis Forestier, « le nécessaire schématisme du genre [conte et/ou
nouvelle]…interdit… l’extension de l’histoire dans des espaces multiples diversifiés.14 »
Certes, mais dans le cas de « Pénitent 1943 », en dépit de son étroitesse, l’espace,
s’organise autour d’une structuration binaire, comme le montrent les graphiques
suivants.
1
3
4
11
idem., p.242.
idem., p.243.
13
idem., p.246.
14
cité par Claudine Giacchetti,
Maupassant, Espaces du roman, Genève,
Librairie DROZ S.A., 1993, p.11.
12
317
OKRI PASCAL TOSSOU
Une esquisse d’analyse de ces tableaux suggère que les déplacements de M. Picot
s’accompagnent de sensations différentes à chaque coup, en fonction des motifs qui
conditionnent son humeur. Nous nous intéresserons surtout à la prosopographie et à
l’éthopée15.
Dans le premier cas, le presbytère que le curé quitte, tout grincheux, pour se rendre
à l’église, (trajet AB), il y retourne épanoui, mais avec le poseur de bombe (trajet BA).
Dans le second cas, le confessionnal où il paraissait flâner, devient un centre d’activités
non pas à la gloire de Dieu, mais plutôt à celle d’un fils singulier de Dieu, le poseur de
bombe. La Résistance déclenchant une métamorphose euphorique, l’espace reflète
alors les émotions du personnage. Au total, cette nouvelle ne s’emploie qu’à rallier, par
sensibilisation, le clergé à la coopération contre l’occupant nazi. Plutôt que d’un discours fortement anticlérical, on se rend compte qu’Aragon sollicite le concours du
prélat pour la défense de la patrie aux mains de l’Occupant.
1
15
Hamon distingue, « selon les caractéristiques du référent décrit : la
chronographie (description du temps), la topographie (description des lieux et
des paysages), la prosopographie (description de l’apparence extérieure d’un
personnage), l’éthopée (description du moral d’un personnage… », in
Introduction à l’analyse du descriptif, Paris, Hachette, 1981, pp.9-10.
318
La soutane dans Servitude et grandeur des Français
2/ Comme M. Leroy… ou de l’interdiscours
L’implication du prélat dans la lutte clandestine s’établit en interdiscours avec16 deux
autres nouvelles du recueil, notamment « Les Rencontres » et « Le Droit romain n’est plus ».
« Les Rencontres » déploie fondamentalement le parcours initiatique de formation par
l’exemplarité, qui vaut pour modèle d’interpellation du lecteur. Le héros qui se prête à
la démonstration est Julep. On y rencontre toutefois un curé, anonyme cette fois,
entièrement au service de la Résistance :
« Un exalté, [y rapporte-t-on] ce curé. Il a des conciliabules avec des types à l’allure militaire. Il a organisé un ouvroir où des femmes du pays, des petites bourgeoises, même des
ouvrières […], travaillent on ne dit pas pourquoi, mais ça se comprend. [ …] Dans la ville
voisine, pour l’anniversaire de Valmy, le 20 septembre, il y a eu une grève. Les Boches ont
pris trois cents ouvriers, et ils les ont emmenés on ne sait où. Le curé cache un gréviste qui
leur a glissé entre les doigts.17»
A ne pas s’y tromper, l’anonyme curé se fait receleur, comme M. Leroy. Ce passage
cristallise éloquemment la posture du curé pendant l’Occupation. Son implication
dans le mouvement de la Résistance est totale, notamment à travers la protection qu’il
offre au « gréviste », mais surtout par sa complicité avec la couche féminine dont on
n’ignore guère le soutien aux francs-tireurs. Ce n’est guère gratuit donc, si pendant le
repli tactique des forces françaises dans « Les Rencontres », l’école des Sœurs sert de
cadre de retrouvailles et de partage de repas, où celles-ci offrent leurs services aux
soldats : « Une petite Sœur en laine blanche, avec sa cornette disproportionnée, virevoltait
au milieu [d’eux], apportant des assiettes, aidant les cuistots, avec toutes sortes de saluts
aux officiers, sa robe qu’elle ramenait à deux mains pour sauter par-dessus des armes
jetées en tas dans un coin de façon inattendue.18 » La sœur répond ainsi à cet appel à la
Résistance : « Femmes françaises, mobilisez-vous. Libérez un combattant. » Le curé anonyme, lui, en protège et en libère au point d’être exécuté par les forces nazies. Cette
notion de « sujet anonyme » qu’articule le syntagme nominal « le curé » revendique
l’ensemble du champ clérical au procès de l’envahisseur ; un tribunal qui sera construit
au concours de la collaboration et de l’unité sociales, avec des « types à l’allure militaire
», des «19 femmes », de « petites bourgeoises », des « ouvriers » et des « ouvrières ».
Dans « Le Droit romain n’est plus », le récit funeste des barbaries nazies20 présente la
tragédie de la ferme abandonnée. Entre autres épisodes, le récit insiste particulièrement peut-on dire par son symbolisme, au détail suivant : « ils sont venus réclamer [un
résistant fugitif ], ils ont dit que s’il ne se livrait pas, ils prendraient le père… le père a pu
s’enfuir… Alors ils sont revenus. Et devant la mère, […], devant la mère, le petit, sur cette
1
2
3
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16
« Si l’on considère un discours particulier on peut[…] appeler interdiscours l’ensemble des unités discursives avec lesquelles il entre en relation.
Selon le type de relation interdiscursive que l’on privilégie il pourra s’agir des discours cités, des discours antérieurs du même genre, des discours
contemporains d’autres genres, etc. », Maingueneau lu par Ruth Amossy, L’Argumentation dans le discours, Paris, Nathan, 2000, p.99
17
op.cit., pp.200-201.
18
idem., p.188.
19
Voir le film-documentaire Les Oubliés de La Libération, TF1-PATHE TELEVISION SIRPA, 1994.
20
Rappelons que le 25 juillet 1943, Hitler déclarait à ses généraux : « Je pénétrerai au Vatican. Croyez-vous que le Vatican m’intimide ? Nous allons
nous en emparer… Tout le corps diplomatique s’y trouve… Cette
319
OKRI PASCAL TOSSOU
porte,[…] ils l’ont cloué comme une chouette… » 21
On le voit, le projet de dénonciation de la barbarie nazie se déploie ici à travers la
portée de la scène emblématique de Mater dolorosa22, c’est-à-dire la scène de crucifixion de l’enfant devant la mère.
Mais au-delà de cette allusion biblique, la présence ecclésiastique est activement plus
marquée. En effet, au tribunal des résistants, on rencontre à la droite du chef du
maquis présidant les interrogatoires, « un prêtre en soutane, la soutane ouverte sur une
culotte de chasse avec des bottes et un fusil en bandoulière.23 » Ce portrait, on s’en convainc, projette un accoutrement difficilement compatible avec le sacerdoce. Nous
pouvons le matérialiser par la formule d’opposition suivante:
1
2
3
soutane # {culotte de chasse + fusil en bandoulière}
Il est vrai que cette prosopographie24révèle la transmutation fonctionnelle du prélat.
En effet, celui-ci se meut en chasseur en quête de gibier ; un gibier virtuellement
symbolisé dans ce cas ’
par l’occupant nazi. A l’analyse, cet énoncé algébrique n’expose donc pas un comique
débridé qui confèrerait au prélat les traits de bouffon. Il s’agit plutôt d’un marqueur
expressif, comme par interdiscours25 ironique avec « Le Collaborateur », où l’énorme
Allemand met en joue le tout petit Jacques et « d’un coup de feu, correctement, fit
mouche ». Il faut plutôt y percevoir les effets d’ironie citationnelle.26
Ainsi, plutôt que d’être à l’église, le prêtre exécute toute la randonnée nocturne avec
les résistants, ponctuant au besoin de rires moqueurs et sarcastiques les lamentables
essais de réponse du Commandant allemand pendant l’interrogatoire. Cette jouissance revancharde que le curé manifeste revendique la fierté nationale reconquise à
l’ennemi naguère tout puissant, c’est-à-dire l’Allemagne incarnée par le Commandant.
42
1
racaille… Nous sortirons toute cette bande de salauds… Plus tard, nous présenterons des excuses… , http://fr.wikipedia.org/wiki/
Pie_XII#Historique_de_la_pol.C3.A9mique du 22/08/07
21
idem., p.388.
« Cette locution empruntée sans doute au début du Stabat désigne en Peinture un tableau représentant la Ste Vierge en larmes au pied de
la croix ou soutenant le corps de son fils mort », http://www.divirama.com/dico/dictionnaire-11315.php du 17/07/06.
22
23
op.cit., p.371.
Hamon distingue, « selon les caractéristiques du référent décrit : la chronographie (description du temps), la topographie (description
des lieux et des paysages), la prosopographie (description de l’apparence extérieure d’un personnage), l’éthopée (description du moral
d’un personnage… », in Introduction à l’analyse du descriptif, Paris, Hachette, 1981, pp.9-10.
24
25
« Si l’on considère un discours particulier on peut[…] appeler interdiscours l’ensemble des unités discursives avec lesquelles il entre en
relation. Selon le type de relation interdiscursive que l’on privilégie il pourra s’agir des discours cités, des discours antérieurs du même
genre, des discours contemporains d’autres genres, etc. », Maingueneau lu par Ruth Amossy, L’Argumentation dans le discours, Paris,
Nathan, 2000, p.99
26
« Dans l’ironie citationnelle, la cible, c’est l’énonciateur cité, qui est donc censé prendre en charge les contenus littéraux, et dont on
tourne en dérision le comportement discursif », Catherine Kerbrat-Orecchioni, « L’ironie comme trope », in Poétique n°41, février 1980,
p.123.
320
La soutane dans Servitude et grandeur des Français
Conclusion
Nous trouvons, pour finir, que la figuration du prélat, bien que manifeste seulement
dans trois nouvelles sur les sept qui composent le recueil, forme une isotopie qui
contraste avec la méfiance, voire l’hostilité connue du narrateur-auteur Aragon vis-à-vis
du clergé, c’est-à-dire loin du Traité du style, du Paysan de Paris, et des Beaux
quartiers… C’est dire que l’engagement guerrier d’une parole littéraire est fluctuant
et/ou périssable dans le temps, donc un combat parfois ajusté au contexte. Dans ces
conditions, asséner des catalogages cadenassés en matière de travaux littéraires ne
semble pas toujours judicieux, surtout lorsque l’acte interprétatif du texte repose
exclusivement sur la biographie de l’écrivain ou un quelconque ethos scriptural. Les
voies du laboratoire des lettres méritent donc d’être toujours explorées pour atteindre
le discours fécond de l’édification qu’elles tiennent.
Références bibliographiques
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- Henri AMOUROUX, La grande histoire des Français sous l’Occupation, les beaux jours
des collabos, le peuple réveillé, juin 1940-juin 1942, Paris, Robert Laffont, 1998.
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-Pierre BARBERIS, « La Sociocritique », in Daniel BERGEZ et alii, Méthodes critiques pour
l’analyse littéraire, Paris, Nathan/VUEF, 2002, pp 151-182.
- Serge BERSTEIN, Pierre MILZA, Histoire de la France au XXe siècle II, 1930-1945, Bruxelles, Editions Complexe, 1991.
- Michèle et Jean-Paul COINTET et alii, Dictionnaire historique de la France sous l’Occupation, Paris, Tallandier, 2000.
- Eté 44, film écrit et réalisé par Patrick ROTMAN, produit par Michel ROTMAN, 2004
Kuiv Productions/ édition vidéo France.
- Philippe HAMON,- « Pour un statut sémiologique du personnage », in Poétique du
récit, Paris, Seuil, 1977, pp.115-180.
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- http://www.divirama.com/dico/dictionnaire-11315.php du 17/07/06.
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n° 82, Pulim, 2002.
-Jean CHEVALIEU, Alain GHEERBRANT, Dictionnaire des symboles, Mythes, Rêves, Cou-
321
tumes, Gestes, Formes, Figures, Couleurs, Nombres, Paris, Robert Laffont/Jupiter, 1969.
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-
René GODENNE, La Nouvelle, Paris, Honoré Champion Editeur, 1995.
-
Vincent JOUVE, La Poétique du roman, Paris, Armand Colin / VUEF, 2001.
-
Catherine KERBRAT-ORECCHIONI, L’Enonciation, de la subjectivité dans le langage,
Paris, Armand Colin, 1980.
-
Littérature n°140, décembre 2005, Revue trimestrielle, Analyse du discours et
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-
Dominique MAINGUENEAU, Le Contexte de l’œuvre littéraire, Enonciation, écrivain,
société, Paris, Dunod, 1993.
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Pierre-Louis REY, Le Roman et la nouvelle, Collection Profil Histoire littéraire, Paris,
Hatier, 2001.
-
Gisèle SAPIRO, La Guerre des écrivains, 1940-1953, Fayard, 1999.
-
Robert SMADJA, « L’Espace psychanalytique, théorie et pratique », in Littératures
et espaces, Presses Universitaires de Limoges, 2003.
322
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences, Linguistique & Lettres Modernes : P. 323 - 346, 2009
Critères de discrimination syntaxique des
classes de mots en grammaire française
Raphaël YEBOU
Département des Lettres Modernes
Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines/Université d’Abomey-Calavi
E-mail : [email protected]
Résumé :
L’enseignement traditionnel sépare les classes de mots de la langue française en
catégories variables et catégories invariables. Cette répartition fondée sur des
considérations purement morphologiques ignore les rapports étroits qui lient les mots
dans le syntagme puis dans la phrase. Par conséquent, elle ne permet pas à
l’apprenant de bien saisir, à travers l’organisation des mots de la langue et l’exposition
de ces rapports, le fonctionnement de cette même langue qu’il veut connaître et
maîtriser. La prédilection de la démarche syntaxique a le triple avantage de favoriser
une répartition plus pertinente des classes de mots, d’exposer le caractère dynamique
de la grammaire et de conférer au maître puis à l’apprenant une autonomie d’analyse
des éléments de la langue.
Mots clés : classes, mots, discrimination, syntaxe, description,
Abstract:
Traditional teaching separates the classes of words from the French language of
variable categories and invariable categories. This distribution based on purely
morphological considerations is unaware of the close connections which bind the
words in the syntagm then in the sentence. Consequently, it does not allow learning
how well to seize up, through the organization of the words of the language and the
exposure of these reports, the operation of this same language that students want to
know and control. The predilection of the syntactic dimension has the triple advantages
to support a more relevant distribution of the classes of words, to expose the dynamic
character of grammar and to confer to the teacher and the pupil an autonomy in
analysis of the elements of the language.
Keys words : classes, words, discrimination, syntax, description.
1-La définition d’une classe de mot
Les mots du français existent dans la langue dépourvus de la propriété à désigner une
réalité. Ils n’acquièrent cette propriété que lorsqu’ils passent de la langue dans le
discours. Lors de ce passage, le locuteur découvre qu’ils sont de diverses catégories et
ne se construisent pas de la même façon. Cette différence de nature et de
fonctionnement générée par la forme et la possibilité de construction syntaxique
(c’est-à-dire la position de la partie du discours dans un syntagme) sous-tend la
1
323
Critères de discrimination syntaxique des classes de mots en grammaire française
Introduction
Les grammaires occidentales trouvent leurs racines dans une tradition multiséculaire
tributaire essentiellement de l’histoire grecque puis latine. S’intéressant au langage
humain, les philosophes grecs ont été les premiers à se le représenter, cinq siècles
avant Jésus-Christ, sous la forme d’un assemblage d’éléments pouvant s’analyser
séparément. Il ne s’agissait pas d’un travail de spécialistes mais d’activités de gens qui,
utilisant le langage dans la réflexion sur l’Homme et le monde, ont été amenés à en
analyser la structure.
Peu à peu, à la faveur de nombreuses recherches sur le langage humain, va se fixer un
modèle de grammaire comportant huit classes de mots : le nom, le verbe, le participe1, l’article, le pronom2, la préposition3, l’adverbe4, la conjonction5. Dans cette
grammaire grecque, l’adjectif est considéré comme une subdivision du nom et non
une classe distincte.
Les Latins vont reprendre à leur compte cette discrimination grecque mais vont détacher l’adjectif du nom et identifier la classe des interjections. Ils définissent, eux aussi,
huit classes de mots6 : le nom (nomen), le pronom (pronomen), le verbe (verbum), le
participe (participium), l’adverbe (adverbium), la conjonction (conjunctio), la préposition (praepositio) et l’interjection (interjectio). Les huit classes de mots ainsi définies
(sauf le participe) apparaissent dans la onzième édition de Le Bon usage7 de Maurice
Grevisse, qui les cite sans en préciser le critère organisateur : « nom, article, adjectif,
pronom, verbe, adverbe, préposition, conjonction, interjection8 ». L’organisation des classes de mots par Grevisse et Goosse9, même si ceux-ci n’en précisent pas le principe
organisateur, manifeste, du point de vue du fonctionnement des mots dans la langue10,
une cohérence et une pertinence remarquables : elle « prend comme pivots le nom et le verbe ».
Les ouvrages de grammaire scolaire ne reprennent pas pour leur compte cette répartition des espèces de mots. La plupart utilisent le critère de variabilité pour séparer les
classes grammaticales les unes des autres. Ainsi, ils distinguent cinq espèces de mots
variables : nom, verbe, déterminant, adjectif, pronom et quatre espèces de mots
invariables : adverbe, préposition, conjonction, interjection. Mais il apparaît que ce
critère, quoiqu’il manifeste les aspects morphosyntaxiques des espèces de mots, est
fort réducteur de la perception des relations que celles-ci sont susceptibles de tisser
entre eux, de façon hiérarchique, jusqu’à la formation de la phrase. Ainsi, il semble que
le critère de variabilité ne rend pas compte du fonctionnement réel des classes grammaticales en langue française et ne favorise pas une bonne perception de la notion de
1
2
3
4
5
1
2
3
4
5
6
1
Métokhê = participe à la fois du nom et du verbe. On sait que le participe, dans ses occurrences, peut s’employer comme verbe (participe présent) ou
comme nom (dans ses deux formes : présent et passé).
Antonumia : à la place du nom.
3
Prothésis = le fait de placer devant.
4
Epirrhêma = ce qui est ajouté au verbe.
5
Sundesmes = ce qui lie avec. A travers la désignation de chaque espèce de mots, nous voyons en filigrane le type de rapport qu’elle est susceptible
de tisser avec les autres.
6
L’inexistence de l’interjection chez les Grecs porte à égalité le nombre des parties du discours, étant donné que ceux-ci reconnaissent l’article. Pour
ce qui concerne le terme « parties du discours », il provient de la traduction du latin partes orationis utilisé pour désigner les espèces de mots.
7
Maurice GREVISSE, Le Bon usage. Grammaire française avec des remarques sur la langue française d’aujourd’hui, Gembloux, Duculot, 1936 (1ère éd.),
1980 (11 è éd.) Il est intéressant de remarquer que la onzième édition de l’ouvrage de Grevisse paraît deux cents ans après le livre de Lhomond,
Elémens de la grammaire françoise, en 1780 ; tous deux sont d’orientation prescriptive.
8
Cité par Marc WILMET, Grammaire critique du français, Bruxelles, Duculot s.a, 3ème édition, 2003, pp.49-50.
9
La treizième édition de Le Bon usage.
10
Marc WILMET, Op. Cit., p.45.
2
324
RAPHAËL YEBOU
groupe syntaxique apparue vers les années 195011. Le sujet proposé dans le cadre de
la présente rencontre scientifique vise à le démontrer et à faire des propositions en
vue d’une amélioration de la méthode d’enseignement des classes de mots. Il sera
développé en privilégiant les théories d’analyse des grammaires descriptives éprouvées
par Guillaume, Wilmet, Van Raemdonck, qui mettent en valeur l’approche syntaxique
dans la description des énoncés. La dimension syntaxique des études permet de
constater nettement que dans la phrase tout est relation.
Pour mener cette étude, nous avons dû interroger deux catégories d’usagers de l’école
béninoise. Nous commencerons par présenter les résultats de l’enquête avant leur
analyse et leur interprétation. Nous partirons de ces données pour proposer des
critères de discrimination des classes grammaticales qui valorisent le rapport syntaxique.
7
I-Présentation, analyse et interprétation des résultats d’enquête1
Les enquêtes ont été menées en 2007 auprès des enseignants des élèves sur l’enseignement des espèces de mots. Les réponses proposées, malgré leur relative diversité,
exposent des constantes qui nous permettent de situer les niveaux où doivent porter
les propositions de remédiation.
1-Présentation et analyse des résultats d’enquête
Deux questionnaires ont été distribués à travers les établissements d’enseignement
sélectionnés dans chaque Département du Bénin. Au total, sur 136 enseignants interrogés, 128 ont répondu, soit un taux de participation de 94,42 % (Professeurs adjoints
: 82 ; professeurs certifiés : 38 ; Conseillers pédagogiques : 06 ; Inspecteurs : 02 ; total
: 128) ; 257 élèves ont répondu au questionnaire sur 270 interrogés, soit un taux de
participation de 95,18% (Classe de 4: 47 ; Classe de 3 : 44 ; classe de seconde : 49 ;
classe de première : 39 ; classe de terminale : 78)
Nous désignons par Q1 le questionnaire envoyé aux professeurs et par Q2 celui distribué aux apprenants. Chacun d’eux peut être réorganisé en fonction des informations
centrales recherchées, ce qui nous permet de reprendre Q1 en six centres d’intérêt :
Q1-1 : définition et énumération des parties du discours ;
Q1-2 : critère de discrimination et implication de son application ;
Q1-3 : pertinence de ce critère ;
Q1-4 : nécessité d’une reformulation du critère de discrimination des parties du discours ;
Q1-5 : mise en valeur du critère syntaxique dans l’organisation des classes de mots ;
Q1-6 : validité de la proposition et son applicabilité dans les lycées et collèges.
ème
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13
ème
Quelques titres sont cités dans la bibliographie.
André CHERVEL, Histoire de la grammaire scolaire, Paris, éd. Payot, 1977, p.271.
Les départements, les établissements et le nombre de personnes interrogées et la synthèse des réponses apportées sont précisés en annexe à cette étude.
325
Critères de discrimination syntaxique des classes de mots en grammaire française
Les réponses apportées à Q1-1 montrent que 80% des enseignants interrogés connaissent les parties du discours et savent même que le terme s’emploie pour désigner
les classes de mots. Mais 20 % y ont vu « le discours direct, le discours indirect et le
discours indirect libre». Ces statistiques posent un problème lié à l’emploi du terme
partie du discours, qui ne paraît pas très usité dans le monde scolaire.
Aux questions de Q1-2, 85% des professeurs enquêtés ont répondu qu’ils privilégient
le critère de la variabilité, 8% enseignent la notion sous forme de liste, sans ordre
rigoureux et 7% procèdent par opposition « classes ouvertes/classes fermées ». Ces
pourcentages révèlent l’importance prise par la manipulation du critère de variabilité
et fonde notre recherche.
90% des enquêtés déclarent que les parties du discours ne peuvent être situées au
même degré d’analyse. Mais ils ne semblent pas reconnaître que la mise en œuvre du
critère de variabilité implique cette équivalence d’importance au plan syntaxique. Les
10% restants mettent certaines parties du discours au même niveau d’analyse. La
presque totalité des participants reconnaît donc la différence d’importance qui caractérise
les classes de mots au plan syntaxique. Le faible taux de ceux qui trouvent d’équivalence entre les espèces de mots permet de minorer, d’un point de vue strictement
statistique, la position affichée.
Par rapport à la pertinence du critère (Q1-3), 70% des enseignants interrogés pensent
que la variabilité est un critère pertinent alors que 30% conçoivent le contraire. Ils sont
alors majoritaires, ceux qui privilégient le critère de variabilité, comme nous l’avons
exprimé à travers nos hypothèses de travail. Mais le taux de 30%, un peu moins de la
moitié de 70%, représente un pourcentage non négligeable qui supporte une position dont la pertinence doit être recherchée et trouvée.
Seuls 60% des enquêtés sont satisfaits de l’application du critère de variabilité (Q1-4)
et 40% ne voient pas leur attente comblée par son emploi. Ceux-ci se montrent
favorables à une autre proposition de test pour la discrimination des classes de mots.
Cependant, parmi les 60% dégagés, 15% seulement des enquêtés, satisfaits de l’utilisation de la mesure de variabilité, déclarent clairement s’opposer à une nouvelle
proposition de critère. Donc 45% des enquêtés apprécient l’application du critère,
mais souhaitent paradoxalement la formulation d’une autre proposition pour organiser les classes de mots. Au total, la suggestion d’une nouvelle mesure intéresse 85%
des participants, pourcentage largement au-dessus de la moyenne.
Ceux qui souhaitent une reformulation du critère mis en œuvre, soit 85% de la population des participants, sont favorables à la mise en valeur du critère syntaxique (Q1-5)
afin, précisent-ils, d’élucider la classification des espèces de mots, de rendre plus
fonctionnelle et plus profitable la grammaire et de favoriser sa pratique comme un «
mécanisme de base ». 15% ne trouvent aucun avantage à la formulation d’un tel
critère. Cette proportion de participants permet de contrebalancer les analyses, mais
représente, sur le plan statistique, un faible taux par rapport à celui que nous avons
relevé précédemment.
326
RAPHAËL YEBOU
Q1-6 concerne la validité et l’applicabilité de la proposition et les professeurs participants,
dans une proportion de 95%, acceptent d’appliquer la méthode fondée sur la valeur
syntaxique et d’en conseiller l’utilisation à leurs collègues. 5% des enquêtés n’ont pas
répondu à la question. Une marge d’erreur entache manifestement ces résultats
puisque normalement, ceux qui sont opposés à la formulation d’une autre proposition
devraient, conséquemment, être défavorables à la mise en valeur d’un quelconque
autre critère et en rejeter l’application dans les lycées et collèges. Ainsi, 10% des
participants n’auraient pas fait attention à la suite de questions posées ou se seraient
laissés entraîner par l’intérêt suscité à travers la formulation des deux dernières questions.
Pour ce qui concerne le questionnaire des élèves que nous désignons par Q2, les
questions peuvent être réunies en quatre centres d’intérêt :
Q2-1 : définition et énumération des parties du discours ;
Q2-2 : critère de discrimination et implication de son application ;
Q2-3 : connaissance de la notion de groupe et capacité à décrire le groupe nominal et
le groupe verbal ;
Q2-4 : connaissance de la notion de la hiérarchie des groupes.
Aux questions sur la définition et l’énumération des parties du discours, 60% des
élèves interrogés déclarent qu’elles désignent les classes de mots. Ils assurent les
connaître sous les formes de catégories variables et de catégories invariables. 40% ,
soit le double du pourcentage relevé au niveau de la population des enseignants, y
voient le discours direct, le discours indirect et le discours indirect libre. Ces
statistiques révèlent, entre autres, un problème de terminologie, comme nous l’avons
relevé dans l’analyse de Q1.
En dépit des limites relevées dans le dépouillement des résultats d’enquête, la présentation que nous venons de faire va donner lieu à une interprétation qui nous permettra
de faire des propositions pour un enseignement plus adéquat des classes de mots.
2- Interprétation des résultats d’enquête
L’emploi du critère de variabilité est presque imposé par les ouvrages de grammaire
proposés au programme d’enseignement ou disponibles dans le pays et les professeurs
de français, qui n’ont généralement pas de bibliothèque appropriée, s’en remettent à
ces travaux que leur formation de base ne permet ni de critiquer ni d’affiner. Voilà
pourquoi la plupart ne semblent pas s’interroger sur l’adéquation de ce qu’ils
enseignent à la réalité profonde de la langue. Plusieurs s’en accommodent faute de
1
14
Ils ne désignent pas exactement les participants qui ont répondu positivement à la question dont les réponses sont analysées dans le paragraphe
précédent.
Sur un taux de 10%, 6% des réponses ont été obtenues au Prytanée Militaire de Bembèrèkè. Les jeunes filles du lycée militaire de Natitingou qui ont
rempli le questionnaire n’ont pas répondu à la question.
15
327
Critères de discrimination syntaxique des classes de mots en grammaire française
mieux. La conjonction de trois facteurs explique la situation : le besoin immédiat de
transmettre un enseignement sur les espèces de mots, l’insuffisance de la formation
académique et l’absence sensible de recherche personnelle. L’environnement
socioculturel et politique dans lequel évoluent les professeurs de français n’est pas
propre à les motiver à entreprendre des recherches qui débouchent sur des propositions
remettant en cause ou affinant des approches antérieures qui sont insuffisantes à
rendre dynamique l’enseignement de la langue. L’insuffisance majeure se note alors
au niveau des enseignants qui, soit appliquent la mesure de la variabilité sans s’interroger
sur sa pertinence, soit en ressentent la faiblesse sans pouvoir apporter des réponses
appropriées à leurs interrogations.
Les élèves, pour leur part, connaissent, dans une certaine proportion, les parties du
discours et nous avons même constaté que certains parmi eux emploient aussi ce
terme pour désigner les espèces de mots. Mais la méthode d’enseignement ne leur
confère pas les compétences nécessaires pour la reconnaissance et l’analyse correcte
des groupes syntaxiques. C’est un problème essentiel qu’il importe de résoudre puisque
la connaissance et la manipulation de ces groupes conditionnent une bonne pratique
de la langue française et contribuent à améliorer la familiarisation des apprenants avec
le français. Mais l’enseignement des espèces de mots en catégories variables et
catégories invariables, et les statistiques le prouvent, ne concourt pas à révéler la
notion de groupe. Cette insuffisance est fondamentalement liée à la méthode
appliquée. La connaissance de la notion de hiérarchie dans les groupes et dans la
phrase, intimement liée à la prédilection des rapports syntaxiques, ne peut, elle non
plus, être observée si l’on exploite la mesure de variabilité. Nous pourrons, sur la base
de ces éléments d’interprétation, faire des suggestions pour une perception plus
précise et considérablement plus enrichie des classes de mots.
II- La mise en valeur des critères syntaxiques dans la discrimination
des classes grammaticales en français
Nos suggestions vont concerner la définition et la répartition des classes de mots selon
des critères distinctifs.
16
Tels que : IPAM, Grammaire du français, Paris, éd. EDICEF, 1991, 271 p. ; René LAGANE, Jean DUBOIS et Danielle LEEMAN, Savoir le français 5èGrammaire, Paris, Librairie Larousse, 1977, 159 p. ; Annick MAUFFREY, Isdey COHEN et Anne-Marie LILTI, Grammaire française, Paris, Hachette,
1988, 346 p. ; G. NIQUET, R. COULON, L. VARLET et J-P. BECK, Grammaire des collèges 4è, Paris, Hatier, 1988, 320 p. D’autres volumes de
l’ouvrage existent pour les classes de 6ème, 5ème et 3ème.
328
RAPHAËL YEBOU
séparation en classes de mots réalisée par les grammairiens. Les classes se perçoivent
d’abord à travers l’identité des propriétés qui apparaissent comme des éléments
définitoires. Ces propriétés varient selon la partie du discours à laquelle l’on a affaire.
Une classe de mot correspond alors à un ensemble de propriétés défini par des
caractéristiques communes qui font que les mots concernés par ces propriétés sont
substituables les uns aux autres. La classe grammaticale est un élément constitutif du
discours. À ce titre, elle est inscrite dans l’espace et/ou dans le temps et désigne une
des deux classes principales, le nom et le verbe. A la vérité, les espèces de mots sont,
en discours, les effets des « parties de langue » correspondantes.
Leurs propriétés sont de divers ordres. Les aspects morphologique et sémantique ont
été exploités sans grand succès. A la faveur de l’importance acquise par l’approche
syntaxique dans les études grammaticales depuis les années 80, nous avons choisi de
la mettre au centre de la présente recherche.
2
3
4
2-Les critères de répartition des classes de mots
L’approche qui, à notre avis, paraît avantageuse pour l’enseignement des espèces de
mots, reste la dimension syntaxique. Alors que le critère morphologique privilégie la
forme qui n’est pas nécessairement liée au fonctionnement du mot, et que la
dimension sémantique repose sur la valeur signalétique que le mot génère, l’aspect
syntaxique décrit la façon dont le mot s’intègre dans le groupe et s’y distribue.
L’intégration est liée aux procédés qui concourent à l’introduction du mot dans un
groupe syntaxique. La distribution lui est complémentaire et se caractérise par les
possibilités d’insertion du mot. Elle correspond au critère de position, c’est-à-dire la
place occupée par le mot et les facteurs qui favorisent son insertion. A travers ces deux
procédés (intégration et distribution), le critère syntaxique supplante les autres
approches qu’il semble même englober du fait de son importance liée à l’organisation
des termes dans le groupe et dans la phrase. On le voit, les deux aspects du critère
syntaxique sont liés et participent de la construction de l’énoncé.
3-L’organisation des classes grammaticales
Pour un enseignement cohérent et pertinent de la langue française, nous proposons,
sur la base de la mesure indiquée, de répartir les classes de mots à partir des deux
pivots nominal et verbal qui représentent les éléments de base par rapport auxquels
s’organisent les autres classes de mots.
17
Le discours signifie « propos que l’on tient », in Le petit Robert, un énoncé littéraire « qui a pour producteur une instance énonciatrice particulière,
fondamentale, l’actant émetteur primordial », in Jean MAZALEYRAT, Georges MOLINIE, Vocabulaire de la stylistique, Paris, PUF, 1989, p.108. Il peut
être défini par opposition « à récit-histoire ; ses marques exclusives sont celles de la première et de la deuxième personne verbale, du présent, du passé
composé et du futur, ainsi que des adverbes du type ici, demain…En réalité, les choses sont souvent mêlées, à l’exception de l’usage du passé simple,
qui semble bien difficile en discours. », Ibidem, p.109.
18
Gustave Guillaume définit les deux supports de tout système linguistique : l’espace et le temps, in Leçons de linguistique 1938-1939 (R. Valin, W.
Hirtle & A. Joly éds.), Vol. 12, Québec-Lille, Les Presses de l’Université Laval-Les Presses universitaires de Lille, 1992, p.260. Pour révéler la
différence entre nom et verbe, il montre que le nom s’inscrit dans l’espace et le verbe dans le temps, l’espace désignant l’« extension infinie de ce qui
persiste, demeure (idée d’être, l’existant)» et le temps l’« extension infinie de ce qui ne demeure pas, de ce qui passe.», ibidem, p.7.
19
Guillaume appelle ainsi les parties du discours telles qu’elles sont décrites par la tradition grammaticale. Pour lui, en effet, elles correspondent
aux mots dans la langue. En d’autres termes, les « parties de langue » préfigurent les parties du discours et n’acquièrent la validité que le locuteur
leur connaît qu’intégrées dans le discours. En conséquence, l’on devrait faire figurer le nom et le verbe dans des contextes qui en exposent la nature
grammaticale, c’est-à-dire avec les éléments de la détermination nominale pour l’un, et les constituants du syntagme verbal pour l’autre.
20
Par exemple, les acteurs du système éducatif que sont les enseignants manifestent, dans une proportion non négligeable, une insatisfaction par
rapport à leur mise en œuvre. Les années que nous avons passées dans l’enseignement secondaire nous permettent de le dire.
329
Critères de discrimination syntaxique des classes de mots en grammaire française
3-1-Les pivots nominal et verbal
Le nom ou substantif est, en français, une des classes grammaticales de base. Il est
pourvu d’une importance syntaxique sur d’autres espèces de mots. Cet attribut lui
confère la propriété d’en imposer aux mots qui s’intègrent dans son environnement
grammatical. Son importance procède de sa nature qui lui donne de désigner directement,
sans aucun autre support que lui-même, la réalité à laquelle il s’applique : un être, une
chose, une abstraction. Par exemple, le substantif école n’a pas besoin d’un support
pour faire penser à la réalité qu’il désigne. Ainsi, le substantif inscrit son extension dans
l’espace puisque les réalités auxquelles il renvoie en discours relèvent de l’espace réel
ou abstrait. C’est la caractéristique essentielle qui le distingue comme classe grammaticale
de base. Pour le montrer, nous pouvons évoquer les outils de la détermination nominale
(le déterminant, l’adjectif qualificatif) ou encore le pronom, qui contribuent à intégrer
le substantif dans l’espace. Son identification nécessite l’obtention d’au moins une des
deux conditions ci-après : la possibilité de lui substituer un autre substantif et l’occurrence
d’un déterminant antéposé (pas seulement un article).
Les deux conditions s’excluent dans la définition de la classe du nom, mais le double
test est une garantie d’exactitude. La pratique du test de substitution a un double
avantage pédagogique : elle permet à l’apprenant d’identifier les propriétés de la
classe et de reconnaître les autres éléments de la même classe à travers l’identité des
propriétés définitoires. De plus, elle inscrit l’opération dans le cadre d’un jeu pratique
qui n’exige aucun effort de mémorisation. L’occurrence d’un déterminant est perçue
traditionnellement comme l’indice de l’emploi d’un substantif. C’est elle qui marque
le passage du nom de la langue dans le discours. Sans elle, sauf dans les cas de
suppression volontaire du déterminant, le mot reste inscrit dans la langue. Et à ce
niveau, il n’a pas de référent. C’est donc seulement dans le discours que le nom
acquiert la capacité à renvoyer à une référence précise. Au sujet du rôle prépondérant
de l’article dans son actualisation, Gustave Guillaume écrit : « Le nom est par lui-même
plus réel que l’adjectif. Sous l’article qui le réalise, il atteint (…) au maximum de la réalité
linguistique. » En d’autres termes, l’extension du nom, c’est-à-dire sa capacité à
désigner un ensemble de réalités dans le monde, est définie absolument par l’article.
Comme on le sait, chaque type d’article induit une valeur précise.
L’enseignement de ces deux mesures (substitution d’un substantif et emploi d’un
déterminant) permettra certainement aux apprenants de disposer de critères fiables
pour une définition plus précise du nom en vue d’une pratique plus adéquate de la
langue.
1
2
3
21
Dans les cas de suppression volontaire du déterminant, on parle de déterminant zéro, comme on le lit chez Catherine Fromilhague et
Anne Scancier-Chateau qui spécifient le cas de l’article: « Lorsque l’article n’apparaît pas à la surface du texte, écrivent-elles, et cela par
choix et non par contrainte grammaticale, on parle d’article zéro », in Introduction à l’analyse stylistique, Paris, Bordas, 1991 (1ère éd.),
Paris, Dunod, 1996 (2ème éd.), Paris, Nathan/ VUEF, 2002 (3ème éd.), p.38.
22
C’est donc le procédé de l’actualisation qui confère au mot cette propriété de désigner une réalité précise.
23
Op. Cit., p.259.
330
RAPHAËL YEBOU
Le verbe, quant à lui, se définit comme la classe de mot qui a nécessairement besoin
d’un support pour renvoyer à une idée. Sa propriété à exprimer un procès est liée à
l’occurrence d’une base reconnaissable dans la position de sujet. Son rapport à son
support est d’ordre fonctionnel. Il se caractérise par son inscription dans le temps ou
son rapport au temps dont il porte les marques. Les morphèmes flexionnels observés
lors des opérations de conjugaison le montrent clairement. A la différence du substantif qui ne porte pas les indices temporels, le verbe se définit essentiellement par sa
particularité à inscrire dans le temps le procès qu’il exprime.
Autour de ces classes principales, s’organisent les classes secondaires que nous allons
décrire. Elles comportent celles qui se construisent autour du nom et autour du verbe
et celles qui, syntaxiquement, assurent la liaison entre les groupes. Nous distinguerons
enfin la classe des interjections qui se séparent des autres pour des raisons d’ordre
syntaxique.
1
3-2- Les classes secondaires autour du nom
Autour du substantif se construisent les classes des déterminants, des adjectifs qualificatifs, et des pronoms. Ces catégories grammaticales, d’un point de vue syntaxique,
sont liées à l’occurrence d’un substantif.
3-2-1- La classe des déterminants
Limitée au départ à la catégorie des articles perçus pendant longtemps comme les
seuls indices de l’occurrence du nom, la classe des mots dont l’essence n’est manifestée que située dans l’environnement du substantif, s’est élargie, depuis quelques
décennies, à tous les mots qui peuvent remplir ce rôle dans le syntagme nominal.
Contrairement au roumain, à l’albanais et au bulgare « où l’article se postpose », dans le
système linguistique français, l’article et partant le déterminant est nécessairement
antéposé. La seule position qu’il occupe et qui lui donne une valeur est celle-là, où il
détermine le mot qui se reconnaît automatiquement comme un substantif. Le déterminant, nous l’avons dit, est un outil d’actualisation qui marque le passage du mot de
la langue dans le discours. Il contribue, à ce titre, à réaliser la détermination du substantif et concerne les articles définis, indéfinis, partitifs, les déterminants adjectifs
possessifs, démonstratifs, indéfinis, relatifs, interrogatifs et exclamatifs. Autour du substantif, il forme, avec l’adjectif qualificatif, le syntagme nominal.
2
3-2-2- La classe des adjectifs qualificatifs
L’adjectif qualificatif se distingue comme la classe grammaticale qui a besoin d’un
support pour signifier quelque chose, mais pas à la manière du verbe, car le rapport au
support n’est pas le même. Avant même d’examiner sa position fonctionnelle, il importe
d’y voir une classe qui se définit par rapport à une base nominale. En réalité, l’adjectif
ne s’emploie pas seul, mais doit reposer sur un nom:
-une feuille jaune
- *jaune
Toutes les fonctions de l’adjectif qualificatif concourent à souligner cette propriété. Le
syntagme nominal dans lequel il s’intègre peut, selon sa position syntaxique, être
remplacé par un pronom.
3
24
Le terme prend ici le sens linguistique de « contenu sémantique d’un prédicat ; ce que le verbe peut affirmer du sujet (état, devenir, action) », Le
petit Robert, Paris, VUEF, 2003.
Ibidem, p.257.
26
La marque de l’astérisque indique une construction agrammaticale ou mauvaise.
25
331
Critères de discrimination syntaxique des classes de mots en grammaire française
3-2-3- La classe des pronoms ayant la forme sujet
Peuvent être également rangés dans les classes secondaires autour du nom les
pronoms ayant la forme sujet puisqu’ils sont seuls à pouvoir se substituer au syntagme
nominal sujet. Il s’agit notamment des pronoms personnels (je, tu, il, elle, ils, elles) qui
changent de forme lorsqu’ils remplissent la fonction de complément, le relatif qui
dont la forme est celle de sujet. Les autres catégories de pronoms, puisqu’elles n’ont
pas de forme liée à la fonction qu’elles remplissent, peuvent figurer dans l’une quelconque des deux positions (sujet ou complément) et, ipso facto, se construire autour
du nom ou autour du verbe : les pronoms relatifs (lequel, laquelle, etc.), indéfinis
(certains, plusieurs, tel, personne, etc.), démonstratifs (celui, celle, etc.), possessif (le
mien, le tien, etc.), interrogatifs (qui), exclamatifs (qui).
3-3- Les classes secondaires autour du verbe
Autour du verbe, se placent les adverbes et les pronoms ayant les formes de complément du verbe.
3-3-1- La classe des adverbes
Les adverbes ont une autonomie de construction qui les distingue des prépositions et
des conjonctions, par exemple. Traditionnellement, on les définit tant bien que mal
par leur invariabilité, leur caractère généralement facultatif et leur dépendance par
rapport à un autre élément de la phrase.
C’est plus ou moins un truisme de dire que les adverbes sont des mots invariables
puisque, comme on le sait, ils ne portent pas les marques de changement morphologique qui caractérise certaines classes de mots. Plus souvent, ils fonctionnent dans
l’environnement du verbe. Voilà pourquoi ils sont décrits comme des mots qui
modifient le sens du verbe :
-Marie lit attentivement le cours de français.
-Pierre travaille bien en classe.
Les deux adverbes soulignés ont une mobilité restreinte : bien que supprimables, ils
ne sont pas déplaçables sans conséquence et restent parfaitement intégrés dans le
syntagme verbal. Mais l’adverbe bien a une mobilité encore plus restreinte car alors
qu’on peut écrire :
1
Marie lit le cours de français attentivement
On ne peut, sans gêne, déplacer bien après le syntagme prépositionnel en classe :
??Pierre travaille en classe bien.
2
27
Mot « ajouté au verbe».
Les points d’interrogation placés en tête de phrase indiquent une construction problématique.
Le professeur qui connaît ces précisions pourra, sans même les reproduire, mieux expliquer dans ses classes le fonctionnement de l’adverbe, au
lieu de se contenter de focaliser l’attention des apprenants sur la seule fonction où il « modifie le sens du verbe », analyse qui ne s’applique pas
dans tous les cas au fonctionnement de la classe grammaticale.
28
29
332
RAPHAËL YEBOU
La raison en est liée à la nature des compléments inscrits dans le groupe verbal. La
hiérarchie des fonctions syntaxiques permet d’observer que, dans la première phrase,
le complément d’objet direct, plus proche du noyau verbal, est plus intégré dans le
groupe verbal que le complément circonstanciel en classe dans la seconde phrase.
Mais à la vérité, le statut de l’adverbe est beaucoup plus complexe qu’on ne peut le
montrer dans les classes des lycées et collèges. Il faut, pour une étude satisfaisante, le
considérer dans ses positions grammaticales. Des exemples, sur la page qui va suivre
seront donnés dans ce sens sans être exploités. Ils révèlent certaines contraintes qui
pèsent sur la construction de l’adverbe.
Il est facultatif parce qu’il est supprimable et ne joue pas le rôle de jonction. Par cet
aspect, l’adverbe se différencie de la préposition et de la conjonction qui, comme
nous allons le voir, sont des mots de relation.
Mais l’adverbe reste dépendant d’un terme, même les adverbes de phrase, qui se
construisent non sur un terme mais sur une phrase. Dans cette dépendance syntaxique, l’adverbe ne régit aucun autre terme. Il peut se construire sur une autre base que
le verbe : sur l’adjectif, l’adverbe :
-Cet enfant est bien éduqué.
-Les lauréats sont très contents des prix qui leur ont été décernés.
-Les joueurs avaient été très mal accueillis à l’aéroport.
-Cette année, les femmes ont été moins bien sensibilisées à la scolarisation des filles
dans notre village que l’année passée.
En définitive, l’adverbe a un statut syntaxique complexe et il est fort réducteur de le
fixer dans la fonction traditionnelle de modification du sens du verbe. Ses rapports
peuvent s’élaborer sur d’autres bases que le verbe. Le pronom de forme complément
du verbe, lui, s’intègre parfaitement dans le groupe verbal.
3
1
3-3-2- La classe des pronoms de forme complément
Ce sont en particulier les pronoms personnels conjoints qui, par leur morphologie, ne
remplissent que la fonction complément. Nous citons : me, te, se utilisés dans la construction des verbes pronominaux. Les autres catégories de pronoms peuvent occuper
la fonction complément du verbe sans porter une marque morphologique spécifique
comme les pronoms personnels. C’est donc leur emploi qui révélera leur position par
rapport au verbe.
Les deux classes secondaires, dont la description va suivre, se singularisent par le rôle
exclusif de jonction qu’elles remplissent dans la phrase.
30
Heureusement, l’avion n’a pas décollé. / Franchement, vous m’avez surpris. / Jean ne vient pas malheureusement. La grande mobilité de chacun
des adverbes montre qu’ils dépendent de la phrase et non d’un terme
333
Critères de discrimination syntaxique des classes de mots en grammaire française
3-4- Les classes secondaires de jonction
Comme nous l’avions dit, les classes secondaires de jonction englobent les prépositions et les conjonctions.
3-4-1- La classe des prépositions
La préposition est décrite comme une classe de mot invariable. Elle est traditionnellement
définie comme un terme subordonnant qui instaure une relation de dépendance
entre le terme qu’elle introduit et celui qui la précède. En réalité, c’est une véritable
hiérarchie des groupes syntaxiques qu’elle établit dans la phrase. Lorsqu’on applique
les tests de substitution et d’effacement, on se rend compte que la préposition forme
toujours avec le terme qu’elle introduit un groupe syntaxique:
-Je pense à mes parents.
-Nous parlons de la rencontre du Président de la République avec les acteurs
du système éducatif.
-Les enfants réfléchissent à l’organisation de la prochaine fête des mères.
Le test de substitution montre qu’il n’est pas possible de supprimer le syntagme nominal régi par la préposition sans l’effacer elle-même. Ils forment un groupe insécable :
-Je pense.
-*Je pense à.
-Nous parlons.
-Nous parlons de la rencontre.
-*Nous parlons de.
Les groupes soulignés sont des syntagmes prépositionnels nominaux dont le deuxième
intègre quatre autres syntagmes prépositionnels (« du Président », « de la République »,
« avec les acteurs », « du système éducatif ») et le troisième deux groupes prépositionnels
(« de la prochaine fête », « des mères »).
La préposition est donc nécessairement un mot de relation puisque, ce qui la définit
fondamentalement, c’est sa propriété à introduire un terme et à le subordonner à un
autre ou à un groupe. Comme les conjonctions de coordination et de subordination,
elle sert à relier des termes pour les intégrer dans une construction plus vaste. En
dehors de ces valeurs syntaxiques, la préposition contribue à l’établissement de relations sémantiques entre les termes qu’elle relie, quel que soit le sens qu’elle porte.
Mais nous n’allons pas insister là-dessus parce que les ouvrages de grammaire scolaire
le développent amplement.
1
31
Ces groupes sont prépositionnels avant d’être nominaux car en tête de groupe, la préposition acquiert la propriété de régisseur. A l’intérieur d’un
groupe, elle perd cette propriété et devient un terme régi.
Jean PLIYA, « L’homme qui avait tout donné », in L’arbre fétiche, Yaoundé, éd. CLE, 1971, p.52. La dernière proposition est une indépendante
reliée à la principale par car, conjonction de coordination.
32
33
« Terme jeté entre deux éléments du discours », selon son étymologie,
La grammaire d’aujourd’hui, Op. Cit. p.342.
334
RAPHAËL YEBOU
3-4-2- La classe des conjonctions
La classe des conjonctions se caractérise par la propriété qui découle de son étymologie, « ce qui lie avec », et qui traduit son rôle de jonction. Ce rôle ne se réalise pas de
la même manière selon que le terme traduit une coordination ou une subordination.
Chacune des deux opérations n’imprime pas les mêmes valeurs aux éléments liés. Le
lien de coordination unit deux mots, groupes de mots ou phrases, ayant généralement
la même fonction par rapport au mot-base, ou le même statut pour deux propositions.
C’est donc, généralement, une marque d’égalité fonctionnelle qui caractérise les éléments qu’associent les conjonctions de coordination. Il s’agit de mots simples dont
l’occurrence permet de proposer une classification de la classe:
-Pierre et Marie se sont mariés.
-Les élèves sortent des classes car il est midi.
Mais nous avons aussi :
« Bien qu’il (Fiogbé) possédât une palmeraie, il devait encore acheter huile et
tourteaux de palme car il livrait intégralement ses régimes aux agents des usines. »
2
La tradition grammaticale a retenu les conjonctions de coordination : et, ou, ni, mais, or,
car, donc.
Les autres conjonctions assurent, elles aussi, un rôle de jonction mais ont la particularité
d’inscrire le groupe qu’elles introduisent sous la dépendance d’un autre groupe
hiérarchiquement supérieur. Elles sont à l’origine de la séparation des phrases en
propositions principales et propositions subordonnées et sont appelées les conjonctions
de subordination. Nous avons comme exemples : que, quand, lorsque, quoique, etc.
Les locutions conjonctives jouent le même rôle syntaxique de subordination et se
reconnaissent à travers : parce que, bien que, avant que, après que, etc. ; elles ne font pas
partie de la proposition mais servent seulement à les lier les unes aux autres. Comme
la conjonction, l’interjection ne s’intègre pas dans la proposition.
3-5-La classe des interjections
L’interjection apparaît comme la classe de mot qui, avec la conjonction, reste hors de
la proposition. Elle est caractérisée par une grande autonomie de construction qui
l’établit hors de la structure phrastique. Il s’agit de mots ou groupes de mots sans rôle
grammatical, des termes exclamatifs qui, du fait qu’ils sont pourvus d’une valeur onomatopéique (ils correspondent à des cris) pour certaines formes, acquièrent un pouvoir suggestif marqué : Euh ! Ouf ! Ah ! Aïe ! etc.
Les interjections sont caractérisées par la vivacité, l’expressivité sans lesquelles l’énoncé
perdrait de la charge affective qui le marque.
Une autre caractéristique des interjections, c’est qu’elles proviennent d’autres classes
grammaticales fixées dans une forme unique qui enlève quelque chose à leur valeur
3
1
335
Critères de discrimination syntaxique des classes de mots en grammaire française
onomatopéique (ils correspondent à des cris) pour certaines formes, acquièrent un
pouvoir suggestif marqué : Euh ! Ouf ! Ah ! Aïe ! etc.
Les interjections sont caractérisées par la vivacité, l’expressivité sans lesquelles l’énoncé
perdrait de la charge affective qui le marque.
Une autre caractéristique des interjections, c’est qu’elles proviennent d’autres classes
grammaticales fixées dans une forme unique qui enlève quelque chose à leur valeur
initiale. La classe est ainsi ouverte, illimitée et on comprend la charge affective dont
elle est marquée dans chacune des catégories à laquelle elle peut être empruntée:
- Nom et groupe nominal : Merde ! Bravo ! Ma mère ! Ma tête ! Nom de Dieu !
- Adjectif : bon ! Paresseux !
- Verbe : allez ! Allons !
- Pronom : ça ! Quoi !
- Adverbe : eh bien ! Bien !
- Phrase : tu parles !
Etc.
1
Conclusion
Cette étude, consacrée à une répartition raisonnée des classes de mots dans
l’enseignement de la grammaire française, nous a donné l’occasion de nous interroger
sur la cohérence et la pertinence du critère de variabilité pratiqué par la plupart des
enseignants consultés pour le compte de la présente recherche. La variabilité, nous
l’avons vu, est un critère qui sépare les espèces de mots. Mais ce critère présente la
limite de ne pouvoir révéler leur fonctionnement effectif et semble, de ce fait, peu
approprié à l’enseignement apprentissage de la langue française. Si la plupart des
acteurs de l’éducation déplorent la baisse de niveau des apprenants, une des raisons
en est probablement l’ignorance des règles de la langue de travail dans laquelle sont
dispensés les enseignements. Dans ce cadre, les Universitaires sont appelés à
proposer pour la maternelle, le primaire et le secondaire des supports adéquats pour
un enseignement opérant. Tout humblement, nous avons voulu mettre nos réflexions
au service de cette consolidation des compétences des apprenants et espérons qu’une
étude approfondie des classes grammaticales, qui montre leurs propriétés
morphologiques, syntaxiques et sémantiques, pourra être menée à l’avenir. En
attendant, celle que nous venons de proposer contribue à renforcer chez les
enseignants la maîtrise de la langue française et, chez les apprenants, l’acquisition
d’outils adéquats pour une bonne familiarisation avec la même langue.
34
Elle peut former seule un énoncé ou s’insérer dans une phrase sans s’intégrer dans sa structure. Grâce à son autonomie syntaxique, l’interjection
ne complète pas le verbe qui l’introduit mais constitue la concrétisation du procès. Lorsqu’on dit : « il s’écria : ah ! », l’interjection ah ! représente le
cri émis par le personnage et non le complément de s’écria. Il semble même que les verbes introducteurs des interjections sont de construction
intransitive, ou qu’ils ne nécessitent pas l’occurrence d’un complément grammatical. Riegel, Pellat et Rioul, qui ne s’intéressent pas à cette question,
donnent des détails importants sur la liste et le fonctionnement de la classe, in Grammaire méthodique du français, Op. Cit., pp.462-464.
35
Dans la construction de l’interjection se trouve généralement l’exclamation et cette élaboration se justifie dans la mesure où le point d’exclamation
contribue, à l’écrit, à la traduire. Mais Riegel, Pellat et Rioul soutiennent que l’interjection peut se construire sans le point d’exclamation, in Op. Cit.,
p.462.
336
RAPHAËL YEBOU
Bibliographie sélective
1- Les ouvrages de grammaire scolaire
-DELOTTE (André) et VILLARS (Guy), Grammaire française du cycle d’observation- Classes
de 6è et 5è, Paris, Librairie Hatier, 1962, 256 p.
-IPAM, Grammaire du français, Paris, éd. EDICEF, 1991, 271 p.
-LAGANE (René), DUBOIS (Jean) et LEEMAN (Danielle), Savoir le français 5è- Grammaire,
Paris, Librairie Larousse, 1977, 159 p.
-MAUFFREY (Annick), COHEN (Isdey) et LILTI (Anne-Marie), Grammaire française, Paris,
Hachette, 1988, 346 p.
-NIQUET (G.), COULON (R.), VARLET (L.) et BECK (J-P.), Grammaire des collèges 4è, Paris,
Hatier, 1988, 320 p.
-PAGÈS (Alain) et PAGÈS-PINDON (Joëlle), Le français au lycée- Manuel des études françaises,
Paris, éd. Nathan, 1982 (1 éd.), 1982 (éd. Revue), 1989 (éd. revue et refondue), 272 p.
ère
2- Les ouvrages portant sur l’histoire de la grammaire française
- CHERVEL (André), Histoire de la grammaire scolaire, Paris, éd. Payot, 1977, 309 p. (Coll.
« Langages et sociétés »).
-CHEVALIER (Jean-Claude), Histoire de la grammaire française, Paris, PUF, 1994 (1 éd.)
,1996 (2 éd.), 128 p. (Coll. Que sais-je).
è re
ème
3- Les ouvrages de grammaire structurale, de grammaire
normative et de grammaire descriptive
-AMMIRATI (Charles), Grammaire du bachelier, Paris, PUF, 1998, 201 p.
-ASLANIDES (Sophie), Grammaire du français. Du mot au texte, Paris, Editions Champion,
2001, 243 p.
-CALAS (Frédéric) et ROSSI (Nathalie), Questions de grammaire pour les concours, Paris,
Ellipses Editions Marketing S.A, 2001,301 p.
-DELAVEAU (Annie), Syntaxe. La phrase et la subordination, Paris, Armand Colin/VUEF,
2001, 192 p.
-DELOFFRE (Frédéric), La phrase française, Paris, CUD et Sedes réunis, 1979, 1984 (5
éd.), 145 p.
337
è
Critères de discrimination syntaxique des classes de mots en grammaire française
-DUBOIS (Jean), Grammaire structurale du français, Paris, Librairie Larousse, 1965, 192
p. (Coll. Langue et Langage).
-ENGLEBERT (Annick), 300 QCM de grammaire française, Bruxelles, éd. De Boeck et
Larcier s.a, 2002 (1 éd.), éd. Duculot, 2004, 2 tirage, 224 p.
ère
ème
-GARDES TAMINE (Joëlle), La Grammaire t.2, Paris, Armand Colin Ed., 1988, 160 p.
-Idem, Pour une grammaire de l’écrit, Paris, Editions Belin, 2004, 240 p.
-GARY-PRIEUR (Marie-Noëlle), De la grammaire à la linguistique, Paris, Armand Colin
Editeur, 1985, 165 p.
-GREVISSE (Maurice), Le bon usage. Grammaire française, Paris/ Louvain- La- Neuve,
Duculot, 13 édition refondue par A. GOOSSE, 1993,1762 p.
è
-MAINGUENEAU (Dominique), Syntaxe du français, Paris, Hachette Livre, 1994 (1 éd.),
1999, 159 p.
ère
-Idem, Précis de grammaire pour les concours, Paris, Dunod, 1991 (1 éd.), 1994, 259 p.
ère
-MERCIER-LECA (Florence), Trente questions de grammaire française, Paris, Editions
Nathan, 1998, 192 p.
-PETIOT (Geneviève), Grammaire et linguistique, Paris, Armand Colin/HER, 2000,175 p.
-RIEGEL (Martin), PELLAT (Jean-Christophe), RIOUL (René), Grammaire méthodique du
français, Paris, PUF, 1994 (1 éd.), Quadrige, 2002 (2 éd.), 646 p.
è re
ème
-SIOUFFI (Gilles), VAN RAEMDONCK (Dan), 100 fiches pour comprendre la linguistique,
Paris, Bréal, 1999, 224 p.
-SOUTET (Olivier), La Syntaxe du français, Paris, PUF, 1989, 125 p.
-WILMET (Marc), Grammaire critique du français, Bruxelles, Duculot s.a, 1 édition, 1997,
ère
3 édition, 2003, 704 p.
ème
4- Les ouvrages sur l’étude spécifique de quelques classes de mots
-GOES (Jan), L’adjectif. Entre nom et verbe, Paris- Bruxelles, De Boeck & Larcier s.a, 1999, 351 p.
-HADERMANN (Pascale), Etude morphosyntaxique du mot où, Paris- Louvain-la-Neuve,
éd. Duculot, 1993, 307p.
-KLEIBER (Georges), Anaphores et pronoms, Louvain -La-Neuve, Duculot s.a, 1994, 229 p.
-VAN REAMDONCK (Dan), L’adverbe français. Nature et fonctions (thèse de doctorat
inédite), Bruxelles, Université Libre de Bruxelles, 1996, 555 p.
-Idem, « Adverbe et proposition : cousin, cousine ? », in Travaux de linguistique, Revue
Internationale de Linguistique française, KUPFERMAN (Lucien), KATZ (Eva), ASNES (Maria)
(éds.), n° 42-43, pp. 59-70.
338
RAPHAËL YEBOU
ANNEXE
Tableau n°1 : Les départements et les établissements du site
339
Critères de discrimination syntaxique des classes de mots en grammaire française
Tableau n° 2 : Le nombre de professeurs et d’élèves sollicités, par établissement
340
RAPHAËL YEBOU
Tableau n° 3 : Le nombre de professeurs sollicités, par catégorie
Tableau n° 4 : Le nombre d’élèves sollicités, par niveau d’étude
Questionnaire d’enquête à l’intention des professeurs
Dans le cadre d’une recherche à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) sur l’enseignement
des classes de mots dans les lycées et collèges en République du Bénin, vous êtes
invité(e) à répondre aux questions ci-après. Votre contribution permettra de faire une
synthèse et des analyses susceptibles de favoriser un enseignement plus pertinent des
classes de mots en grammaire française. Merci de votre collaboration.
1
I- Informations générales
1- Nom et prénoms (facultatif ):
2- Diplômes académique et professionnel les plus élevés :
3- Catégorie : Prof. Adjoint Prof. Certifié Conseiller pédagogique
(Cocher la catégorie correspondante)
4- Classes tenues en général :
5- Classes tenues depuis 2002-2003 :
6- Ancienneté dans le corps des enseignants :
Inspecteur
36
Pour des questions d’économie de pages, nous avons supprimé les espaces prévus, dans les questionnaires distribués, pour accueillir les réponses
et les justifications éventuelles des enquêtés.
341
Critères de discrimination syntaxique des classes de mots en grammaire française
II- Questions :
7- Quelle répartition faites-vous des parties du discours dans le cours que vous proposez
sur cette notion? (Cocher la case correspondant à votre réponse)
Sous forme de liste, sans un ordre rigoureux
En catégories variables et catégories invariables
Autres (À préciser)
8- Combien de classes de mots enseignez-vous ?
9- Citez-les.
10- A votre avis, cette organisation du cours met-elle les parties du discours au
même niveau d’analyse ? (Cocher la case correspondante)
Oui
Non
11- Est-ce que les espèces de mots en français se situent au même degré
d’analyse, à votre connaissance ? (Cocher la case correspondante)
Oui
Non
12-Le substantif et le déterminant ont-il la même importance au plan syntaxi
que? (Cocher la case correspondante)
Oui
Non
13-Peut-on les mettre au même niveau d’analyse ?
Oui
Non
14-Dites pourquoi.
15- Le substantif et l’adjectif qualificatif ont-ils la même importance au plan
syntaxique? (Cocher la case correspondante)
Oui
Non
16- Peut-on les mettre au même niveau d’analyse ?
Oui
Non
17- Dites pourquoi.
18-Le verbe et l’adverbe ont-ils la même importance au plan syntaxique? (Cocher
la case correspondante)
Oui
Non
19-Peut-on les mettre au même niveau d’analyse ?
Oui
Non
20- Dites pourquoi.
21-Le verbe et la conjonction ont-ils la même importance au plan syntaxique?
(Cocher la case correspondante)
Oui
Non
22-Dites pourquoi.
23-Le verbe et la préposition ont-ils la même importance au plan syntaxique?
342
RAPHAËL YEBOU
(Cocher la case correspondante)
Oui
Non
24-Peut les mettre au même niveau d’analyse ?
Oui
Non
25-Dites pourquoi.
26- L’adverbe, la conjonction et la préposition ont-ils la même importance au
plan syntaxique ?
Oui
Non
27- Peut-on les mettre au même niveau d’analyse ?
Oui
Non
28-Sur la base des réponses à ces questions, peut-on, à votre avis, enseigner les
espèces de mots en discriminant simplement des mots variables et des mots
invariables ? (Cocher la case correspondante)
Oui
Non
29-Le critère de variabilité ou d’invariabilité est-il pertinent pour classer les
espèces de mots en français ?
Oui
Non
30-Etes-vous satisfait du cours sur les classes de mots qui repose sur un tel
critère ?
Oui
Non
31-Y a-t-il un intérêt à remanier cette approche et à organiser autrement
l’enseignement des espèces de mots dans les lycées et collèges au Bénin?
Oui
Non
32- Quels avantages trouvez-vous à la formulation d’une approche qui privilégie
la valeur syntaxique des espèces de mots ?
33- Quelles propositions pourriez-vous faire dans ce sens?
34- Accepteriez-vous d’intégrer une telle approche dans votre méthode
d’enseignement des classes de mots dans les lycées et collèges où vous intervenez?
Oui
Non
35- Pourquoi ?
36- Conseilleriez-vous cette méthode d’approche à vos collègues ?
Oui
Non
Questionnaire d’enquête à l’intention des élèves
Dans le cadre d’une recherche à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) sur l’enseignement
des classes de mots dans les lycées et collèges en République du Bénin, vous êtes
invité(e) à répondre aux questions ci-après. Merci de votre collaboration.
343
Critères de discrimination syntaxique des classes de mots en grammaire française
I- Informations générales
1-Nom et prénoms (facultatif ):
2-Classe/ série :
3- Etablissement :
4- Département :
II- Questions
5-Qu’est-ce qu’une partie du discours ?
6- Combien en connaissez-vous ? Citez-les.
7- En combien de catégories les organisez-vous et quelles sont ces catégories ?
8- Que désigne la syntaxe en grammaire française ?t
9- Au plan syntaxique, les parties du discours ont-elles la même importance ?
Oui
Non
10- Pourquoi ?
11-Le substantif et le déterminant ont-ils la même importance au plan syntaxique?
(Cocher la case correspondante)
Oui
Non
12- Dites pourquoi.
13-Le substantif et l’adjectif qualificatif ont-ils la même importance au plan
syntaxique? (Cocher la case correspondante)
Oui
Non
14- Dites pourquoi.
15- Le verbe et l’adverbe ont-ils la même importance au plan syntaxique ?
(Cocher la case correspondante)
Oui
Non
16- Dites pourquoi.
17- Le verbe et la conjonction ont-ils la même importance au plan syntaxique?
(Cocher la case correspondante)
Oui
Non
18- Dites pourquoi.
19- Le verbe et la préposition ont-il la même importance au plan syntaxique ?
(Cocher la case correspondante)
Oui
Non
20-Dites pourquoi.
21- L’adverbe, la conjonction et la préposition ont-ils la même importance au
plan syntaxique ?
Oui
Non
22- Pourquoi ?
23- Quelle est la nature syntaxique du groupe de mots : « Le dernier recense
ment de la population béninoise coordonné par l’INSAE et soutenu par plusieurs
344
RAPHAËL YEBOU
organisations non gouvernementales » ?
24- Dans ce groupe de mots, peut-on reconnaître des groupes syntaxiques ?
Lesquels ?
25- Quel type de relation syntaxique existe entre ces groupes ?
26- À l’intérieur de chaque groupe syntaxique, classez les mots selon leur
importance au plan grammatical.
27- Quelle est la nature de la séquence : « a révélé un accroissement considérable
de la population et de l’habitat » ?
28- Combien de groupes syntaxiques y a-t-il dans ce groupe de mots ? Lesquels ?
29- À l’intérieur de chaque groupe syntaxique, classez les mots selon leur
importance au plan grammatical.
30- Quel type de relation syntaxique existe-t-il entre ces groupes ?
31- Que savez-vous de la notion de hiérarchie dans la description des groupes
syntaxiques ?
Population des enquêtés et synthèse des réponses apportées
Tableau n° 5 : Le nombre de participants effectifs dans la population des professeurs
345
Critères de discrimination syntaxique des classes de mots en grammaire française
Tableau n° 6 : Le nombre de participants effectifs dans la population des élèves
Tableau n° 7: Analyse des résultats du questionnaire Q1 des professeurs
Tableau n° 8 : Analyse des résultats du questionnaire Q2 des élèves
346
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences Cultures et Technologies, 2009
Histoire et Sociologie
347
348
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences Cultures et Technologies, Histoire et Sociologie : P. 349 - 361, 2009
Les Mécanismes Endogènes de gestion de
l’Environnement à Covè (Bénin)
Roch A. Houngnihin 1
Résumé
Au Bénin et plus particulièrement dans la région de Covè, la problématique de
l’environnement se pose surtout en termes de dégradation du couvert végétal,
d’exploitation inadéquate des plans d’eau, de fortes pressions exercées sur les aires
protégées, d’appauvrissement des sols, etc. Aux prélèvements importants effectués
sur le capital forestier, s’ajoute l’utilisation à grande échelle des pesticides à des fins de
pêche qui participe à la destruction des écosystèmes.
Face à l’ampleur de la crise environnementale, il importe d’envisager de nouvelles
formules basées sur la valorisation des savoirs endogènes ayant permis aux populations
de tirer partie de la nature tout en la préservant et obéissant aux lois fondamentales de
conservation. D’où la nécessité d’une restitution systématique des savoirs locaux, à
travers le recensement des pratiques traditionnelles et leur intégration de manière
critique au mouvement de la recherche et de l’action.
Mots clés : gestion, environnement, mécanismes endogènes, religion, Covè.
Abstract
In Benin and particularly in the area of Cove, environmental problems are posed
especially in terms of vegetable cover degradation, inadequate exploitation of water
plans, strong pressure on protected surfaces, soils impoverishment, etc. To the important puncture on the forests, is added the use of a large scale of pesticides for fishing
which takes part in the ecosystems destruction.
Vis-a-vis of the environmental crisis, it is important to consider new formulas based on
the endogenous knowledge valorization which helps populations to draw part of
nature while preserving it and obeying to the fundamental laws of conservation. Thus,
we need a systematic restitution of local knowledge, through the traditional practices
census and their integration in critical manner with the research and action movement.
Key words: management, environment, endogenous mechanisms, religion, Cove.
1
Département de Sociologie – Anthropologie (Université d’Abomey-Calavi) - 072 BP 445 Cotonou –
Tél. (229) 95.06.13.35 - Email: [email protected] - République du Bénin
349
Les Mécanismes endogènes de gestion de l’environnement à covè (bénin)
1. Introduction
Depuis environ trois décennies, les problèmes de l’environnement préoccupent
davantage la communauté internationale. Le Sommet de Rio de Janeiro (Brésil) en
1972 et les autres rencontres organisées dans ce domaine à travers le monde en
témoignent. Aujourd’hui, « la misère, la faim, la maladie et l’analphabétisme ne
cessent de s’aggraver et les écosystèmes dont dépend notre bien-être ne cessent de
se dégrader. L’augmentation de la population, combinée à des modes de consommation
qui ne peuvent être soutenus à terme, met à rude épreuve la capacité de charge de
notre planète à répondre aux besoins de survie et de développement sains des
hommes » (Keating, 1993).
Au Bénin, la problématique de l’environnement se pose surtout en termes de
dégradation du couvert végétal, d’exploitation inadéquate des plans d’eau, de fortes
pressions exercées sur les aires protégées, d’appauvrissement des sols, de croissance
urbaine incontrôlée, etc. Face aux défis à relever, le Bénin a souscrit au principe de
protection de l’environnement, à l’article 27 de la Constitution du 11 décembre 1990
qui stipule que : « toute personne a droit à un environnement sain, satisfaisant et
durable et a le droit de le défendre. L’Etat veille à la protection de l’environnement ».
Cette préoccupation se manifesta par la création d’institutions chargées de la gestion
environnementale qui mettent en œuvre de nombreux projets. Mais jusqu’à
aujourd’hui, les problèmes environnementaux se posent toujours avec acuité,
devenant une crise qui remet en question la pertinence des options stratégiques
adoptées pour susciter de nouveaux modes de vie respectueux des écosystèmes
naturels.
Le cas de la région de Covè illustre la nécessité de tenir compte des savoirs locaux
ayant assuré le maintien de l’équilibre entre les communautés humaines et leurs
terroirs. Cette localité située au Sud Est du Bénin se caractérise en effet par la
survivance des méthodes endogènes de protection de l’environnement.
2. Démarche méthodologique
La méthodologie proposée sous-tend une approche socio-anthropologique intensive
de type transversal, diachronique et synchronique. Elle s’inscrit dans une perspective
de changement social et se fonde sur l’analyse des arènes où se confrontent et s’imbriquent différents acteurs, à travers les modalités de gestion de l’environnement et
les dynamiques qui en émergent.
L’étude repose sur la compréhension de variables liées aux représentations, logiques,
valeurs, etc. De nature qualitative, descriptive et analytique, elle a permis de dégager
une population cible composée de différentes catégories socioprofessionnelles (agri350
ROCH A. HOUNGNIHIN 1
culteurs, éleveurs, artisans, fonctionnaires de l’Etat, etc.). Cet échantillon a été constitué au moyen de la technique du «choix raisonné» et de celle des «itinéraires» qui ont
permis de collecter les données jusqu’à un point de saturation.
Les techniques de collecte sont basées sur l’entretien (comme moyen par lequel des
données ont été obtenues à partir du discours des enquêtés et de leur histoire de vie
centrée), l’observation des pratiques et l’appréciation des « non dit ». Les informations
ainsi collectées ont été traitées manuellement, à travers des recoupements par sous
thème et par groupe cible. Ainsi, l’analyse repose sur le suivi du «parcours» des
individus et des communautés, les récits détaillés de l’évolution de l’environnement
et le recueil d’informations sur les valeurs sociales. Les données ainsi produites ont
permis d’avoir une compréhension des mécanismes socioculturels et économiques
en jeu dans la crise de l’environnement. Elles ne prétendent pas à une représentativité
statistique, mais plutôt qualitative ou processuelle, qui peut constituer une aide à la
décision.
Les travaux se sont déroulés sur une période de deux (2) ans, janvier 2006 à décembre
2007, suivis d’une phase de dépouillement, d’analyse des données et de rédaction. Ils
ont eu lieu dans la commune de Covè, située dans le département du Zou. Selon le
Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH) en 2002, cette
commune a une population estimée à 34.442 habitants. Cette population compte
16.338 hommes pour 18.104 femmes.
Sur le plan géographique, la commune de Covè jouit d’un climat équatorial de
transition caractérisé par deux saisons de pluies (du 21 mars au 21 juillet et du 21
septembre au 21 décembre) et deux saisons sèches (du 21 décembre au 21 mars et
du 21 juillet au 21 septembre). Dans cette localité, plusieurs types de formations
végétales ont été identifiés : les formations ligneuses, les formations herbeuses et les
formations mixtes. Ces formations sont parsemées de champs et de jachères.
3. Résultats
Les résultats de cette étude portent sur l’analyse situationnelle de l’environnement à
Covè et les mécanismes endogènes mis en œuvre, en tant qu’une combinaison
complexe de structures, d’institutions, de normes et de valeurs sociales
interdépendantes assurant des fonctions précises.
3.1. L’homme et la dynamique de l’environnement
L’importance des problèmes environnementaux à Covè s’illustre à travers les
prélèvements importants effectués sur le capital forestier, en particulier pour faire
face à la demande des populations surtout urbaines de Bohicon et d’Abomey) en
combustibles ligneux. Cette situation a entraîné la destruction des aires sacrées et
351
Les Mécanismes endogènes de gestion de l’environnement à covè (bénin)
protégées, portant ainsi atteinte à l’équilibre des écosystèmes. A cela, s’ajoutent les
pressions sur les sols et leurs ressources, la menace sur la diversité biologique, la
surconsommation des ressources halieutiques et fauniques, entraînant la destruction
de nombreuses espèces, etc.
Aujourd’hui, le développement des cultures de rente a engendré le défrichement
systématique au détriment des superficies qu’occupent les forêts. L’adoption desdites
cultures a bouleversé le système foncier et désorganisé les terroirs. Depuis quelques
décennies, le gâchis environnemental au prix duquel le coton est cultivé est énorme
: surfaces déforestées et sans matières nutritives pour le sol acidifié et fragilisé par les
engrais chimiques. Aussi, l’usage des pesticides s’est-il répandu, alors que leur utilisation
requiert beaucoup de précautions (dosage, protection du corps, etc.) qui échappent
aux agriculteurs. Dans certains cas, les pesticides sont détournés de l’usage auquel ils
sont destinés, à travers leur utilisation pour la production vivrière et à des fins de
pêche. Aujourd’hui, la pêche a presque disparu à Covè en raison de la surexploitation,
du comblement et de l’envasement des plans d’eau.
Ces problèmes sont la conséquence de la rupture brusque de l’équilibre entre les
hommes et l’espace. Ainsi, la crise de l’environnement à Covè serait le produit d’une
dynamique socio-historique et économique axée sur la disparition des savoirs locaux.
En effet, il existe dans la culture locale, des corpus de connaissances transmis de
génération en génération sur les plantes, les animaux, les maladies, etc. qui régressent
au contact des techniques « modernes ». Au lieu de se développer, ils s’effacent
finalement de la mémoire collective. La déperdition des savoirs locaux, associée aux
pressions démographiques, a généré une crise foncière et environnementale sans
précédent. Cette crise qui date de quelques décennies a été renforcée pendant la
période révolutionnaire de 1972 à 1989, au cours de laquelle une politique de
désacralisation des lieux de culte a été engagée avec pour corollaire la destruction
progressive des forêts déclarées d’utilité publique. A titre d’illustration, en mai 1978,
Covè a été érigé en district (Décret n° 78-350 du 30 mai 1978 à la suite du découpage
territorial de l’ex sous-préfecture de Zagnanado), puis en novembre 1978, l’arrondissement de Naogon a été créé. Pour la construction des bureaux de cet arrondissement, une forêt d’irokos, la forêt de Lozunkan, a été détruite en 1980. De même, pour
avoir été déclarée domaine public, la forêt de Adjina Huesu a été détruite par les
adeptes de la divinité « Sakpata » avant qu’elle ne soit profanée.
352
ROCH A. HOUNGNIHIN 1
Photo 1 : A la place des bureaux de l’arrondissement de Naogon, se trouvait une forêt d’irokos détruite en 1980 (R.
Houngnihin, 2007)
Au total, la crise de l’environnement trouve son origine dans les pressions
démographiques sur les écosystèmes, la disparition des systèmes endogènes et
l’introduction de techniques inadaptées, entraînant de nombreuses conséquences sur
le mode de vie et de production des populations qui détruisent l’environnement non
seulement par ignorance, mais surtout par besoin de survie.
Face à l’ampleur de la crise, des actions à portée très réduite ont été entreprises par
différentes institutions de protection de l’environnement pour le contrôle de
l’abattage des essences forestières et la réglementation de la chasse.
3.2. La politique en matière d’environnement au Bénin
L’année 1990 est une date charnière dans l’histoire du Bénin. Elle marque la fin d’une
époque caractérisée par un régime militaro-marxiste. Ainsi, avant 1990, la gestion de
l’environnement se manifestait par la création de nombreuses institutions chargées
de la gestion de la nature, l’adoption de nombreux textes législatifs, la conception et
l’exécution de nombreux projets. Déjà en 1975, l’Organisation des Nations Unies pour
l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) estimait que les forêts reculaient au Bénin, attirant
ainsi l’attention sur la crise qui s’annonce.
Par ailleurs, dans le cadre d’une gestion institutionnelle et réglementaire, la période
d’avant 1990 a consacré l’adoption de nombreux textes juridiques dont les plus importants
sont :
353
Les Mécanismes endogènes de gestion de l’environnement à covè (bénin)
-
-
la loi 60-20 du 13 juillet 1960 et le décret nº 64-276/PC/MEAEP-EDT du 2
décembre 1964 portant permis d’habiter en République du Dahomey ;
la loi 65-25 du 14 août 1965 portant organisation de la propriété foncière en
République du Dahomey ;
le décret nº 74-60 du 8 mars 1974 portant création de la commission nationale
chargée de la lutte contre la pollution de la nature et pour l’amélioration de
l’environnement ;
la Convention des Nations Unies du 02 février 1971 sur les zones humides, dite
Convention de Ramsar ratifiée par le Bénin en décembre 1975 ;
le décret nº 78-180 du 14 juillet 1978 portant sur l’Homme et la Biosphère
(MAB/ UNESCO) ;
le décret nº 82-435 du 30 décembre 1982 portant interdiction des feux de
brousse et incendies de plantation ;
la loi 83-003 du 17 mai 1983 portant code minier de la République Populaire
du Bénin ;
le décret nº 85-291 du 23 juillet 1985 instituant une journée nationale de
l’arbre ;
la loi 87-12 du 21 septembre 1987 portant Code Forestier de la République
Populaire du Bénin ;
la loi 87-13 du 21 septembre 1987 portant réglementation de la vaine pâture,
de la garde des animaux domestiques et de la transhumance ;
la loi 87-14 du 21 septembre 1987 portant réglementation de la protection de
la nature et de l’exercice de la chasse ;
la loi 87-16 du 21 septembre 1987 portant Code de l’Eau.
Ces dispositions juridiques visent la préservation de la qualité de l’environnement.
Mais les efforts restent insuffisants pour une gestion adéquate de l’environnement et
la promotion du développement durable. Ainsi, à la faveur de la Conférence Nationale
de février 1990, l’environnement a été reconnu parmi les droits fondamentaux du
citoyen béninois. La création d’un ministère chargé de l’environnement (juillet 1991),
la participation du Bénin à la Conférence des Nations-Unies sur l’Environnement et le
Développement (CNUED) à Rio de Janeiro (Brésil) en juin 1992, l’élaboration d’un Plan
d’Action Environnemental (PAE) en 1993, la création de l’Agence Béninoise pour
l’Environnement (ABE) en 1995 et la rédaction de l’Agenda 21 national en 1996,
conformément aux recommandations de la CNUED, illustrent les efforts consentis en
matière de gestion de l’environnement.
354
ROCH A. HOUNGNIHIN 1
Tableau I : Quelques lois et règlements environnementaux adoptés au Bénin après 1990
355
Les Mécanismes endogènes de gestion de l’environnement à covè (bénin)
Ces textes ont orienté les actions de protection de l’environnement au Bénin. Au
niveau local, comme dans la commune de Covè, la protection de la nature s’est
limitée au contrôle du trafic des rongeurs (écureuils, aulacodes, etc.), de l’abattage
des pieds de teck, de palmier à huile, etc. et de la circulation du charbon de bois et du
bois d’œuvre. Ainsi, malgré l’existence de ces textes, les actions menées ne sont pas à
la mesure de la crise environnementale. Il en résulte que de nouvelles formules
fondées sur la valorisation des savoirs endogènes et l’éducation relative à
l’environnement doivent être envisagées pour inverser les tendances actuelles.
3.3. Les modèles endogènes de protection de l’environnement à Covè
Avant l’introduction des techniques étrangères, les populations avaient mis au point
des agrosystèmes tirant partie de la nature tout en la préservant, obéissant aux lois
fondamentales de conservation. Que l’on pense que, dans la plupart des cas, cette
gestion endogène se soit faite de façon inconscience n’a pas d’importance. Il ne s’agit
pas de faire l’apologie d’un système qui a montré ses limites dans maints domaines.
Mais, il est constaté que l’échec des pratiques modernes oblige chaque jour à se
tourner davantage vers les savoirs locaux, vers cette « mémoire millénaire » qu’on a
voulu tôt ignorer, pour y chercher des solutions aux problèmes jugés aujourd’hui
inextricables. La gestion des ressources naturelles basée sur les méthodes de
conservation modernes a montré ses limites, contrairement aux stratégies traditionnelles
de type communautaire basées sur la conservation in situ des aires protégées.
A Covè, la consécration des forêts aux divinités ancestrales est l’une des techniques
endogènes de conservation des ressources naturelles et de protection de la nature
pour en constituer des jardins botaniques et écologiques dans lesquels on ne fait des
prélèvements que pour des besoins médicinaux et rituels et pour la collecte du bois
mort. On ne peut donc ni brûler les arbres, ni y couper du bois. L’implantation des
sanctuaires et les rites qui se déroulent dans les forêts attestent de la prise en charge
de ces entités naturelles par les communautés. Lieux sacrés des libations et des initiations,
celles-ci sont placées sous l’autorité d’un responsable religieux qui autorise les
prélèvements. Ainsi, à la nécessité pour tous de respecter les interdits communautaires
qui servent à la protection de la nature, s’ajoutent des sanctions qui varient selon la
gravité de la faute. Les sanctions à l’endroit des contrevenants peuvent aller du simple
avertissement à l’envoûtement et même à la mort. Dans certains cas, le délinquant est
condamné à payer une amende (bœufs, cabris, poulets, boissons, etc.). De nos jours,
ce rôle est de moins en moins efficace. Les raisons sont multiples ; elles sont liées aux
pressions démographiques et socio-économiques de plus en plus aiguës (extension
des cultures, habitations, exploitation économique des arbres de valeur, feux de
végétation, etc.).
356
ROCH A. HOUNGNIHIN 1
Dans cette logique, Tostain et al. ont analyse les forêts sacrées au Sud du Bénin, du
point de vue de leur typologie. Aussi, distinguent-ils entre autres :
les forêts «Vodun» appelées généralement «Voduzun» qui représentent un lieu
initiatique des divinités tels que : Sakpata, Abikou, Ayossi, Vigan, Oro, etc.
les forêts de type communautaire ;
les forêts sacrées « Zangbéto » dénommées « Zangbétozun qui sont le lieu de
conservation des matériels et d’initiation de « Zangbéto » ou gardien de la nuit ;
les forêts cimetières sont des forêts sacrées où l’on enterre les morts dont
l’origine est supposée non naturelle (accident de circulation, rougeole, lèpre, etc.), les
individus porteurs de malformations, les femmes enceintes, etc.
Dans la région de Covè, les rares spécimens d’irokos, considérés comme doués d’une
vertu prophétique, ne se retrouvent aujourd’hui que dans les forêts sacrées dont
l’évolution se présente comme indiqué dans le tableau suivant :
Tableau II : Les forêts dans la commune de Covè : évolution et situation actuelle
357
Les Mécanismes endogènes de gestion de l’environnement à covè (bénin)
Photo 2 : La forêt de Dokunon (Toué) d’environ 22
hectares est l’une des rares forêts qui conservent encore
la quasi-totalité de leurs richesses grâce aux rites
encore vivaces qui s’y déroulent (R. Houngnihin, 2007)
Photo 3 : Envahies par les champs et les habitations,
les forêts sont menacées de disparition, confinant les
divinités sous des bosquets. La solution adoptée par
les adeptes consiste à clôturer les lieux sacrés, comme
c’est le cas pour la petite forêt de Huesu Ahosuhué
(photo R. Houngnihin, 2007)
Comme la flore, la faune a également bénéficié des bienfaits de la « tradition ». Les
chasses interdites couvrant la période de mars à février sont illustratives. Les prélèvements annuels n’empêchaient pas le renouvellement de la faune. On ne pêche par
exemple que ce qui est nécessaire à la consommation familiale ou au besoin du
moment.
Au total, la protection de l’environnement ne saurait être dissociée du fait religieux
grâce auquel les ressources naturelles ont pu jouir pendant longtemps d’une
conservation naturelle. C’est pourquoi une politique de restitution des savoirs locaux
s’impose. Il ne s’agit pas d’un retour à la source, ceci n’est en effet plus possible, parce
que de nombreuses traces sont effacées à jamais. La stratégie consistera à recenser
les pratiques « traditionnelles » ayant permis aux populations de vivre pendant
longtemps en équilibre avec la nature. Aussi, l’aménagement des temples du culte
Vodu dans les forêts, sur les reliefs et aux abords des plans d’eau permettra t-il à ces
écosystèmes de bénéficier d’un répit. Dans ce cadre, les chefs religieux devront être
associés à la conception des plans de protection de l’environnement local.
Par ailleurs, la restitution des savoirs locaux passera par un inventaire de la flore
communautaire qui permettra de valoriser les plantes en voie de disparition à travers
la création des périmètres aménagés destinés à leur repeuplement.
3.4. La nécessité d’une éducation relative a l’environnement
L’éducation apparaît comme l’un des meilleurs moyens de réussir une planification de
l’utilisation rationnelle de l’environnement avec le libre consentement des individus.
358
ROCH A. HOUNGNIHIN 1
Elle doit veiller à l’acquisition de connaissances sur la nature et les êtres vivants et faire
apparaître chez l’individu une conscience vis-à-vis de la nature.
L’éducation environnementale ou éducation mésologique doit aboutir à former des
citoyens sensibilisés afin qu’ils soient en mesure de faire des choix comme
producteurs et consommateurs, en tant qu’individus désireux de vivre dans un
environnement de qualité. Le citoyen doit être en mesure de distinguer et d’attacher
de la valeur aux multiples paramètres qui contribuent à rehausser la qualité de son
environnement. Sans l’éducation, le citoyen ne pourra pas pleinement percevoir les
ruptures d’équilibre, les dégradations et les pollutions qui affectent son environnement.
Au niveau de l’enseignement général par exemple, l’éducation doit permettre aux
élèves d’acquérir une façon de penser qui respecte les choses et les êtres qui les
entourent. Il s’agira de leur apprendre que tout est utile dans la nature, même les
animaux anthropocentriquement répugnants comme les araignées, les reptiles, etc.
Au niveau de l’université, on devra veiller à la formation de jeunes spécialistes pour les
grands centres de décisions sur la relation et les interactions complexes qui sont la
règle en matière d’environnement, par des projets et des recherches interdisciplinaires.
Au niveau de la population en général, seules une éducation appropriée et une
information adéquate peuvent inciter à un changement d’attitudes vis-à-vis du cadre
de vie. Dans ce contexte, une attention particulière devra être accordée aux femmes
qui bénéficient d’une expérience précieuse en matière de gestion et de conservation
des ressources naturelles. Il est essentiel, à cet égard, de renforcer la lutte contre
l’analphabétisme et de garantir aux filles un accès équitable à l’enseignement
primaire qui apparaît comme le fondement d’une bonne compréhension des
questions relatives à l’environnement. Les femmes, de par leur statut de pilier de la
famille, doivent être les fers de lance de cette évolution des mentalités pour une
meilleure protection de l’environnement.
4. Conclusion
Les forêts et les eaux sont d’une grande importance écologique, socio-économique et
culturelle. Cette utilité est si bien comprise par les communautés qui ont mis en place
des mécanismes de protection de l’environnement et de ses ressources. Mais
aujourd’hui, la dimension des problèmes environnementaux et l’analyse de leurs causes révèlent l’implication d’un nombre considérable d’acteurs, notamment à travers
leurs attitudes et pratiques. Irrespectueux de la nature, inconscients de la portée de
leurs actes, ils déstabilisent l’environnement et en aggravent la situation. Ainsi, la
protection de la nature ne peut faire abstraction d’une dimension socioculturelle et
économique s’avérant d’une extrême complexité.
359
Les Mécanismes endogènes de gestion de l’environnement à covè (bénin)
A Covè, la conduite de toute politique environnementale requiert des réorientations
stratégiques validant les savoirs locaux, les intégrant de manière critique au mouvement de la recherche et de l’action. « Cette validation critique du traditionnel en vue
de sa réappropriation active entraînera des réaménagements dont nous ne pouvons
prévoir pour l’instant ni la portée, ni l’étendue. L’essentiel cependant est d’établir des
ponts, de refaire l’unité du savoir » (Hountondji, 1992).
L’intégration des savoirs endogènes qui constituent des logiques rationnelles derrière
des comportements en apparence irrationnels dans la gestion de l’environnement est
délicate, lorsqu’on sait que chaque jour, dans l’ensemble de la commune de Covè
sujette à une mutation profonde, comme d’ailleurs partout au Bénin et en Afrique,
disparaît un usage, un rituel, un mot, une croyance ou une légende qui appartient au
patrimoine de ses héritiers et qui contribue à la conservation de la nature. La tâche sera
donc de recueillir tout ce qui risque de disparaître allant dans le sens de la sauvegarde
de l’environnement.
5. Bibliographie
- Boko M., 1988 ; Climats et communautés rurales du Bénin : rythmes climatiques et
rythmes de développement, Thèse de doctorat d’Etat es Lettres, Dijon, 608 pages.
- Bokonon Ganta E., 1987 ; Les climats de la région du Golfe du Bénin (Afrique de l’Ouest),
Thèse de doctorat de 3 cycle en Climatologie, Dijon, 248 pages.
ème
- Clédjo P., 1993 ; Rythmes hydro-climatiques et pathologies en milieu lacustre (communes de So-Ava et des Aguégués», Mémoire de Maîtrise de Géographie, UNB, 149 Pages.
- Fifatin P., 1995 ; Environnement et santé des enfants dans la région de Pahou, Mémoire
de maîtrise de géographie, UNB, 106 pages.
- Floquet A. et Mongbo R., 1992 : Le diagnostic concerté des modes de gestion des ressources naturelles, Cotonou, GTZ.
- Forget G., 1991 ; La santé et l’environnement : pour une collectivité active en recherche,
Ottawa, CRDI.
- Glasgow J. et Robinson P., 1987 ; Education environnementale : module pour la formation initiale des maîtres et des inspecteurs de l’enseignement primaire, Paris, UNESCO.
-Houéto D. et Djogbénou P., 1991 ; Analyse critique du cadre institutionnel de l’environnement en République du Bénin, Cotonou, MEHU.
- Houngnihin R., 1997 ; Les mécanismes endogènes dans la problématique de l’environnement à Covè, Mémoire de maîtrise de Sociologie-Anthropologie, UNB, 138 pages.
360
ROCH A. HOUNGNIHIN 1
-Hungerford H. et Reyton R., 1989 ; Comment construire un programme d’éducation
environnementale, Paris, UNESCO.
-Keating M., 1993 ; Sommet de la Terre 1992 : un programme d’action, Genève, CAT.
- Maldague M., 1974 ; Problématique de la crise de l’environnement, Québec, Université
Laval, 2 Edition.
ème
- MEHU, 1992 ; Recueil des textes législatifs et règlementaires relatifs à l’environnement
au Bénin, Cotonou.
- Mhlanga L. et al., 1993 ; Des forêts et des hommes, Dakar, Enda.
- République du Bénin, 1990 ; Constitution de la République du Bénin, Cotonou.
- Sinandouwirou T., 1997 ; Forêts sacrées et conservation de la biodiversité : prospection
écologique de quelques villages dans le département de l’Atlantique. Mémoire d’ingénieur agronome, FSA-UNB, Cotonou. 170 p.
- Sokpon N., 1995 ; Recherches écologiques sur la forêt dense semi-décidue de Pobé au
Sud Est du Bénin : groupements végétaux, structure, régénération et chute de litière. Thèse,
Université Libre de Bruxelles. 350 p.
- Steer A. et Mabel M., 1994 ; La Banque Mondiale et l’environnement : exercice 1993,
Washington DC.
361
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences Cultures et Technologies, Histoire et Sociologie : P. 362 - 370, 2009
Réflexion sur le rapport des langues nationales
avec la culture, le savoir et leur introduction
dans le système éducatif au Bénin
AHODEKON S. C. Cyriaque
INJEPS /Université d’Abomey-Calavi
RESUME
Le Bénin est un pays multilingues disposant d’une soixantaine de parlers en situation
de diglossie avec le français, langue officielle et d’enseignement. Ainsi, pendant les
langues nationales constituent le véhicule de la culture et du savoir endogène, le
français sert de véhicule du savoir transmis à l’école. Toutes les réformes du système
éducatif entreprises pour corriger cette situation n’ont pas aboutir et puisque-là, les
langues nationales n’ont pu être introduites dans l’enseignement alors qu’elles
constituent un facteur d’intégration véritable de l’école au milieu. D’où la nécessité de
repenser une nouvelle stratégie en vue de leur introduction dans le système éducatif.
Cette nouvelle stratégie devra surtout se pencher sur la recherche linguistique,
l’élaboration de documents didactiques, la formation des formateurs, l’alphabétisation
des adultes et le choix des langues tenant bien sûr compte du multilinguisme.
Mots clés : langues nationales, culture, savoir, système éducatif, enseignement,
documents didactiques, planification linguistique.
INTRODUCTION
Jadis reléguées au second rang, les langues nationales béninoises recouvrent peu à
peu la place et le rôle qui sont les leurs dans la vie quotidienne et la société béninoise
avec l’affirmation de notre identité culturelle et les travaux de recherche linguistique.
Sur ce point, la Conférence des Ministères de l’Education Nationale d’Expression
Française (CONFEMEN) tenue à Québec au Canada en Avril 1979 est sans équivoque
quand elle déclarait que «la promotion des langues nationales n’est pas un enjeu théorique
; elle s’inscrit dans le cadre concret du développement des peuples et de leur combat pour
la reconnaissance de leur identité et qui veulent être connus et reconnus pour ce qu’ils sont.
L’enseignement et d’une manière générale, l’ensemble du système éducatif, peut et doit
jouer à cet égard un rôle déterminant. De sa capacité à s’adapter aux réalités nouvelles et
à intégrer les langues maternelles dépendent, en effet, la sauvegarde de l’authenticité et
l’avènement d’un dialogue culturel plus juste, parce que fondé sur l’égalité et la
complémentarité ».
362
Réflexion sur le rapport des langues nationales avec la culture
Le Bénin, conscient de cette réalité et convaincu de sa juste cause, a dès l’avènement
de la Politique Nouvelle d’Indépendance Nationale, accordé aux langues nationales
une attention particulière.
Ainsi, le discours-programme du 30 Novembre 1972 proclamait la nécessité ‘’de
revaloriser nos langues nationales, de réhabiliter notre culture en l’adaptant aux besoins
de nos masses laborieuses et d’assurer le développement de la culture populaire en
organisant dans les langues nationales l’alphabétisation des masses, facteur essentiel de
notre développement’’.
Quant au Programme National d’Edification de l’Ecole nouvelle consacrant cette
volonté politique, il reconnaissait à son tour l’opportunité d’introduire les langues
nationales dans notre système éducatif d’abord comme matières d’enseignement,
ensuite comme véhicule de l’enseignement.
Les différentes réformes du système de l’éducation nationale entreprise depuis 1975
à nos jours avec l’ordonnance N°75-30 du 23 juin 1975 portant loi d’orientation de
l’éducation nationale et faisant une part belle aux langues nationales n’ont connu
depuis lors aucun début d’exécution.
Quelles sont les raisons de ce piétinement et les implications liées à cette œuvre ?
Voilà les préoccupations qui font l’objet de la présente étude que nous structurons en
trois points.
Ainsi, après avoir présenté le rapport entre les angue, la culture et le sovoir, nous
présenterons les langues nationales, le système éducatif et l’intégration de l’école au
milieu avant de faire quelques suggestions pour l’introduction des langues nationales
dans l’enseignement au Bénin.
I- LANGUES, CULTURE ET SAVOIR
La langue, produit social, a un rapport étroit avec la culture également produit social.
De plus, elle constitue le véhicule du savoir endogène et exogène.
1- Langue et culture
La langue peut se définir comme un système de signes et de règle permettant à un
groupe d’individus de communiquer. Elle est un instrument de communication grâce
à laquelle les individus entretiennent des relations entre eux. Elle est de ce fait, un
instrument d’interaction sociale.
Selon Ferdinand de SAUSSURE, la langue est un système de signes articulés fonctionnant solidairement, elle est une réalité sociale. Peu importe sont statut.
Reprenant R. LINTON cité par Jacqueline RUSS (2005 : 5) dans son ouvrage Nouvel
abrégé de philosophie auquel nous avions fait référence dans notre article « Technologie de l’information et de la communication l’internet) et culture africaine : quel
impact sur l’éducation des jeunes ? » publié dans le vol 1 N°2-Nov 2008 de la Revue
d’Etudes Français de Badagny-Lagos / Nigéria, on peut retenir que « une culture est la
363
AHODEKON S. C. CYRIAQUE
configuration des comportements appris et de leurs résultats dont les comportements sont
partagés et transmis par mes membres d’uns société donnée ».
L’UNESCO quant à elle, définit la culture comme « l’ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social
et qu’elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les façons de vivre ensemble,
les système de valeurs, les traditions et les croyances »
La culture ne peut se transmettre dans le temps et dans l’espace sans la langue qui est
une partie intégrante de cette culture qu’elle véhicule. La langue est le produit de
toute une série d’époques pendant lesquelles elle se cristallise, se développe et s’affirme.
Les langues apparaissent comme les conservateurs les plus objectifs de notre patrimoine culturel. Ainsi, pour sauver notre patrimoine culturel, le réhabiliter et le développer, il importe que les langues nationales soient maîtrisées par toutes les couches.
La langue joue de ce fait, un rôle fondamental dans la reconnaissance et le développement de l’identité culturelle. Garantir l’usage d’une langue, c’est assurer la survie à la
culture qu’elle véhicule, lui conférer et lui reconnaître son rôle de véhicule du savoir.
2- Langues nationales, véhicule du savoir
Toute langue, en tant que vecteur principal de culture, est un instrument au service de
sa société. Chaque langue a incontestablement sa dynamique et sa propre vision du
monde.
Utiliser les langues nationales sur le plan pratique de l’enseignement, de l’alphabétisation
et de la communication courante, a donc des fondements intimes et profonds. Ainsi,
intégrer les langues nationales dans le système éducatif constitue une aspiration
légitime.
Mais une telle décision qui engage l’avenir de tout un peuple ne saurait se prendre à
la légère. Encore faudrait-il s’assurer de la «véhicularité» du savoir par ces langues.
De ce point de vue, la question se pose de savoir si nos langues nationales peuvent
véhiculer le savoir (tout savoir). En réponse à ces préoccupations pertinentes l’ex
Directeur Général de l’UNESCO Amadou Mathar M’BOW déclarait sans équivoque
que «l’idée selon laquelle les langues africaine sont inaptes à véhiculer la pensée
scientifique et technique ne repose sur aucun fondement».
Il est donc clair que les langues africaines sont capables de traduire les réalités de la
technique moderne parce que les termes linguistiques qui expriment cette technique
sont créés par l’usage ou inventés par nécessité.
Il faut reconnaître que les langues nationales souffrent d’une perception d’infériorité
face aux langues européennes; et cette situation persistera tant qu’elles demeureront
marginales à la vie quotidienne que recouvrent l’école, l’administration, la vie économique et sociale.
364
Réflexion sur le rapport des langues nationales avec la culture
Or, aucun peuple ne peut en principe s’affirmer sur le plan du développement sans
l’appropriation du savoir scientifique. Et c’est d’ailleurs cette thèse que défend le
Professeur CAPO H. B. C. à la seconde Conférence Internationale sur les problèmes
contemporains en physique et mathématique dans sa communication intitulée
«Multilinguisme, recherche scientifique et appropriation du savoir au Bénin du 21 siècle.»
En effet dans ladite communication, il déclare que « … sans appropriation du savoir
scientifique par les peuples, il ne saurait y avoir développement durable dans une communauté. Or, comme on ne peut s’approprier que ce que l’on connaît et dont on a besoin,
toutes les langues du monde doivent véhiculer le savoir scientifique au dernier cri. Et à la
question de savoir si cela est possible, nous répondons tout de suite que OUI, car toutes les
langues naturelles s’équivalent ».
Il est donc clair que toutes les langues du monde autant qu’elles sont, sont des véhicules du savoir quel que soit le domaine de ce soir, et doivent ainsi avoir la même
considération.
ème
II- LANGUES NATIONALES, SYSTEMES EDUCATIF ET
INTEGRATION DE L’ECOLE AU MILIEU
Autant les langues nationales ont un rôle à jouer dans le système éducatif, autant elles
peuvent permettre une intégration de l’école dans son milieu.
1- Langues nationales et système éducatif
Les langues nationales doivent constituer une condition d’articulation des systèmes
formel et non formel. Dans le Programme national de l’Edification de l’Ecole Nouvelle
(INFRE, 1983 : 42), on peut lire que « l’école sera démocratique et populaire en ce sens
que, bannissant un enseignement pour être, un enseignement coupé de son peuple, il sera
assuré dans les langues nationales et son contenu sera voulu, défini par le peuple lui-même
et donc conforme à ses aspirations profondes »
Mais dans le système scolaire et dans l’administration en général, c’est le français
considéré comme la langue de promotion sociale, inscrite dans les faits et imposée de
façon plus ou moins tacite, puis utilisée comme langue d’approche en matière de
recherche, d’administration et des relations internationales. Cette situation semble
créer un divorce entre les élites façonnées à l’école et les masses paysannes.
La langue doit pouvoir opérer la réconciliation des élites et des masses paysannes.
Avec la promotion des langues nationales, dans l’enseignement, il sera possible
d’introduire des procédés du non formel dans la méthodologie de l’éducation
formelle en mettant à la disposition de l’école des résultats d’expériences positives
diverses.
L’école pour sa part, pourrait offrir aux jeunes et aux adultes surtout à la phase de
post-alphabétisation qui est celle de la consolidation des acquis de l’alphabétisation
365
AHODEKON S. C. CYRIAQUE
initiale, la possibilité de compléter leur éducation par des procédés didactiques
accélérés et pertinents, de satisfaire leurs curiosités et leurs intérêts culturels et
scientifiques et d’accéder à l’enseignement technique et professionnel.
Ainsi, l’approche consistant à combiner les activités d’alphabétisation des adultes et
des jeunes non scolarisés avec la généralisation de l’enseignement de base, favorisera
l’intensification de la lutte contre l’analphabétisme. Réciproquement, les programmes
non formels offriront plus de chance aux élèves ayant quitté l’école tandis que
l’enseignement post-primaire accueillera un nombre croissant de jeunes ayant suivi
avec succès des programmes d’alphabétisation
2- Langues nationales et intégration de l’école au milieu
La liaison de l’école avec la vie doit être l’un des objectifs fondamentaux de l’école. Le
fossé qui sépare les élites des masses paysannes doit se combler grâce à la vocation de
l’école qui se veut un centre de promoteur du développement politique, économique
et social.
Mais de sérieuses appréhensions persistent : un dialogue de sourd existe encore entre
l’école et le milieu ; et tant que ce dialogue ne sera pas atténué, voire annihilé, la
démarcation risque de demeurer longtemps encore étanche.
En effet, pour la majorité des béninois, le français reste une langue étrangère. Cette
situation empêche le passage harmonieux entre l’école et le milieu. Le français doit
désormais être considéré qu’on le veuille ou non, comme un acquis, entré dans notre
culture que nous devons bien sûr accepter et sauvegarder.
L’introduction des langues nationales dans l’enseignement est un des facteurs
puissants de rapprochement et de cohésion. Ainsi, la cloison qui, désormais sépare
l’école de la vie devenant de moins en moins hermétique favorisera non seulement
une compréhension mutuelle et une mobilisation des énergies en vue d’une action
plus efficace de transformation du milieu mais fera également naître de fréquentes
rencontres et une fructueuse collaboration entre l’enseignement scolaire et
l’éducation des adultes.
La conjugaison harmonieuse de tous les efforts aboutira assurément à une vision
synthétique de la dialectique permanente entre l’école, le milieu et le développement.
Alors grâce aux langues nationales, le pont sera définitivement jeté entre l’école et le
milieu.
366
Réflexion sur le rapport des langues nationales avec la culture
III- QUELQUES SUGGESTIONS POUR UNE INTRODUCTION DES
LANGUES NATIONALES DANS L’ENSEIGNEMENT
Avec les options politiques du Bénin en matière des langues nationales, avec les
orientations nationales clairement définies et l’existence des différentes structures de
recherche, tout laisse présager que toutes les conditions sont requises pour l’intégration des langues nationales dans l’enseignement. Et pourtant, le chemin qui reste à
parcourir avant que cette introduction ne soit vraiment possible est encore bien long
et jonché d’embuches.
L’importance du problème mérite donc qu’on ne s’y engage pas à la légère : aussi la
résolution correcte et sérieuse des points ci-après s’avère t-elle plus qu’indispensable.
Il s’agit notamment de la recherche linguistique, de l’élaboration de documents
didactiques, de la formation des formateurs, de l’alphabétisation des adultes et des
implications relatives aux choix des langues.
1- La recherche linguistique, l’élaboration de documents
didactiques et la formation des formateurs
Les travaux de recherche linguistique se posent en termes de besoins, de nécessité et
d’urgence. La première mesure consistera à renforcer les structures de recherche
linguistique à savoir le Centre National de Linguistique Appliquée (CENALA) et le
Département des Sciences du Langage et de la Communication (DSCL) de la Faculté
des Lettres, Arts et Sciences Humaines (FLASH) de l’Université d’Abomey-Calavi, en les
dotant de moyens humains, matériels et financiers pour les recherches nécessaires.
La mise en œuvre d’une politique linguistique conséquente d’introduction des langues
nationales dans l’enseignement doit aller de paire avec l’élaboration de documents
didactiques. Les chercheurs doivent donc se mettre ensemble et utiliser les résultats
de leurs recherches pour l’élaboration de documents didactiques adéquats répondant
au profit d’homme nouveau à former.
Il ne sert à rien de promouvoir les recherches linguistiques et d’élaborer des
documents didactiques si les personnes appelées à les utiliser n’ont pas reçu la formation
appropriée. Il doit donc de ce fait, être accordé une attention particulière à la formation
des formateurs. Tous ceux qui doivent exécuter des enseignements en langues nationales
doivent recevoir une formation initiale et suivre périodiquement des sessions de recyclage.
367
AHODEKON S. C. CYRIAQUE
2-
Les implications en matière de choix linguistiques
Les choix linguistiques posent le problème de la planification linguistique qui, selon J.
GARMADI (1985) cité dans notre article « Usage et enseignement des langues nationales au Bénin : Contribution au développement et conséquences pour la planification linguistique » publié dans les «Annales de l’Université de Lomé» Tome XX VIII -2Décembre 2008 (pp. 43-51), « La planification linguistique est un ensemble de tentatives et d’efforts conscients et organisés pour résoudre des problèmes linguistiques ».
Au vu de cette définition et comme nous l’avons mentionné dans l’article ci-dessus
cité, « … la planification linguistique a des conséquences diverses :
conséquence du point de vue de la recherche ;
conséquence du point de vue de l’investissement ;
et conséquences du point de vue de l’ordre social […] La planification linguistique
si elle n’est pas faite avec méthode, elle peut bouleverser négativement l’ordre social. De ce
point de vue, la planification linguistique est une entreprise dangereuse ».
Pour éviter ce bouleversement négatif de l’ordre social, en attendant le choix des
langues à retenir, les activités d’alphabétisation qui se mènent présentement sur le
terrain peuvent servir d’approche dans les recherches de solutions en vue de l’introduction des langues nationales dans l’enseignement.
En effet, actuellement, un peu plus d’une vingtaine de langues nationales servent de
langues d’alphabétisation parmi lesquelles six (06) sont utilisées pour la post-alphabétisation à savoir les langues fTˆn aja baatTˆnu, d[ˆndi, yoruba et ditamari.
L’adoption de cette solution en attendant, réduirait l’exigence ou la nécessité qui
consiste à alphabétiser chacun dans sa langue qui ne fait qu’accentuer les difficultés
inhérentes à l’utilisation des langues nationales aussi bien dans l’alphabétisation que
dans l’enseignement.
Aussi importe t-il que le Bénin à l’instar de certains pays africains multilangues comme
le Nigéria et le Togo par exemple, mette en œuvre une stratégie qui permette à
l’échelon national des choix, à plus ou moins long terme, de langues à retenir et à
utiliser aussi bien dans l’enseignement que dans les administrations, et surtout dans
les administrations communales tout au moins.
Les choix des langues devraient être faits suivant des critères bien définis et validés
avec la participation de toutes les couches socio-professionnelles à partir d’une étude
dont les résultats devront faire l’objet de restitution avant toute validation définitive.
368
Réflexion sur le rapport des langues nationales avec la culture
CONCLUSION
Les langues nationales constituent une richesse, véhicule de la culture et du
savoir. Elles sont un levier du développement dans tous les domaines. Elles ne peuvent
ainsi jouer leur rôle de véhicule de la culture, du savoir et de levier du développement
si elles continuent d’être reléguées au second plan ; et, jusque-là non encore introduites
dans l’enseignement. Or, leur introduction dans l’enseignement passe
nécessairement par un certain nombre d’étapes qui constituent autant de tâches à
accomplir dans lesquelles sont impliqués les responsables politiques et administratifs,
les chercheurs (linguistes, sociologues, etc.) les enseignants à tous les niveaux, les
membres du corps de contrôle etc.
Les autorités politiques à divers niveaux, doivent tout mettre en œuvre pour créer les
conditions nécessaires à cette introduction.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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et culture africaine : quel impact sur l’éducation des jeunes » in «Revue d’Etudes Françaises
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contribution au développement et conséquences pour la planification linguistique » in
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des inspecteurs des enseignements maternel et de base au Centre de Formation des
Personnels d’Encadrement de l’Education (Centre de l’Institut National pour la Formation et la Recherche en Education (INFRE) au titre de l’année académique 1983-1984).
369
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- CONFEMN, 1983.- Promotion et intégration des langues nationales dans le système
éducatif, Paris, Nubia.
370
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences Cultures et Technologies, Histoire et Sociologies: P. 371 - 386, 2009
Pourquoi la religion constitue un business ?
Systèmes sociaux, inculturation et systématisation du marché de la religion au Bénin1.
Hippolyte Amouzouvi Département de Sociologie-Anthropologie de l’UAC
Résumé
On admet de plus en plus que le phénomène religieux crée un marché. Perçu comme
une métaphore ou une réalité, ce marché recouvre différentes formes, fait intervenir
divers types d’acteurs et offre une gamme variée de biens et services qui y circulent.
Mais si les acteurs, les manifestations ainsi que les formes d’échange de ce marché
sont connus, la systématisation du phénomène reste encore peu débattue. Je pars de
la position que l’existence et la systématicité du marché de la religion trouvent leur
légitimité dans la fonctionnalité des sous-systèmes et dans le fonctionnement des
systèmes sociaux.
Mots clés : Marché de la religion, systèmes sociaux, référentialité, auto référentialité
gain de systématicité.
Introduction
(…)This necessary distinction between the cult and the culture is the unavoidable condition
for sincere dialogue between this culture and Christianity, so as to start a process of
inculturation (…)
However, in spite of all the excesses to its discredit, Vodun in its purity remains a fertile
ground for evangelisation. As a cultural phenomenon, it could offer numerous values to
be Christianised. But the gordian knot remains the difficulty of setting it on the Paschal
way….Zinzindohoué, B. (2001)
L’une des positions majeures qui ont servi de fil conducteur à cette réflexion est que
les sociétés béninoises sont des sociétés en transition ; ce qui implique qu’elles se
trouvent en pleine négociation avec leurs normes, leurs principes et leurs valeurs.
Cette négociation quasi permanente avec les repères et valeurs déjà existants en vue
d’inventer de nouveaux repères, libère quelques espaces d’où émergent et se radicalisent
certains phénomènes qui ne sont pas pour autant anomiques.
2
1
Pour la définition, les formes ainsi que les manifestations du marché de la religion, voir Amouzouvi 2005 mais aussi 2007 et 2008; Warner 1993 & Zinser 1994
2
Le marché de la religion compte parmi ces phénomènes là. On pourrait également mentionner «le placement d’enfants„ notamment dans sa forme
«commerciale„ ou de «trafic„ de même que ce que Banéga (1998 :75) appelle «la marchandisation du vote„ qu’il définit p77 comme une attitude des
citoyens béninois à «bouffer le vote démocratique„. La tentation est souvent bien forte d’analyser ces phénomènes comme anormaux, moralement
condamnables car relevant d’une absence totale de règles, de normes. Bien que beaucoup d’éléments plaident en faveur d’une telle lecture, je propose
cependant de considérer ces réalités plutôt comme des éléments constitutifs d’un ensemble de possibilités pour la recherche et l’élaboration de
nouvelles normes. D’ailleurs le terme anomie lui-même remonte à une invention du philosophe Guyau qui, pour la première fois, l’utilise en 1887
dans son ouvrage Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction, pour désigner l’individualisation nécessaire et souhaitable des règles morales
c’est à dire l’absence de règles morales universelles (dans le sens où Kant l’entend). Durkheim (1975 :282) dans son introduction à la Division du
Travail Social, en reprenant le terme, lui fait désigner la négation de
371
Pourquoi la religion constitue un business ?
2007 & 2008) ainsi que les analyses qu’elles ont permises, ont montré entre autres,
que le marché de la religion trouve son développement dans les conditions sociales
de la religion. Autrement dit, la vénalisation générale de toutes les formes de quotidienneté
y compris la religieuse, (Elwert : 1984 &1988) et la monétarisation des rapports
sociaux ont alimenté diverses logiques d’enchâssement qui ont routinisé et banalisé le
phénomène du marché de la religion. Dans le même temps, sa base semble se situer
dans la capacité de certains acteurs à pronostiquer le vrai et dans la disposition d’autres
à croire aux miracles. Cette vision met l’accent sur la problématique de l’existence et
du (dys)-fonctionnement des institutions sociales en l’occurrence la cultuelle et la
culturelle. La question se pose alors de savoir à partir de l’évolution du phénomène
religieux et du rôle majeur qu’a joué et que joue encore l’inculturation, s’il n’est pas
possible d’y trouver des éléments de systématicité du marché de la religion. Ceci
implique de fonder empiriquement quelques représentations qui démontrent la non
différentiation de l’espace cultuel de celui culturel. Une telle démarche paraît d’autant
plus essentielle que l’hypothèse ici est que, la non différenciation des systèmes
cultes/cultures, portée à bout de stratégies et d’actions par l’inculturation crée un
dysfonctionnement des institutions donc un vide dans lequel s’enracine et se
systématise le marché de la religion. Le problème n’est pas tant la synthèse entre culte
et culture qui du reste est nécessaire à toute vie sociale et religieuse, mais plutôt ce
que chaque partie apporte pour la synthèse.
1. Différenciation systémique et pertinence des acteurs : quelques
aspects empiriques
Dans sa stimulante analyse sur l’aide au développement et ses conséquences, Elwert
(1991 :21) a postulé que «les sociétés africaines, comme toutes les sociétés sont
hautement complexes, qu’elles gèrent à leur manière leur auto-transformation. En
interrogeant ces systèmes sociaux et leur mode d’autonomisation, d’auto-transformation
et pourquoi pas de reproduction, on se rend compte que ces systèmes tiennent moins
de leur capacité d’auto-référentialité et de différentiation que de la pertinence qu’ils
ont pour les acteurs ainsi que du sens et du rôle que ceux ci leurs confèrent. Illustrons
tout ce jargon par deux cas.
1.1. L’itinéraire thérapeutique des épouses Minavoa
Boniface Minavoa est un agent polyvalent de vulgarisation en service au CARDER de
Savalou. A ce titre, il accompagne et conseille les producteurs pour l’utilisation
d’engrais et autres intrants afin d’améliorer leurs rendements. Boniface est marié à
deux femmes et est père de 5 enfants. Ce lundi 28 juin 1999, les deux enfants les plus
âgés sont allés à l’école. Le père était en tournée dans les champs. Les deux épouses
étaient momentanément absentes. L’une était allée à la pompe, chercher de l’eau et
l’autre est partie se soulager dans un bosquet à quelques trois cents mètres de la
maison. A leur retour, elles trouvèrent les trois enfants (respectivement âgés de 4, 3 et
1
toute morale. C’est à dire un état de dérèglement ou de crise, d’absence de règles. C’est alors qu’il parlera de la division du travail anomique et du
suicide anomique.
3
Centre d’Action Régional pour le Développement Rural. Depuis la réforme de ces dernières années, il est devenu Cerpa.
372
HIPPOLYTE AMOUZOUVI
2 ans) se tordre de douleur, et suffoquant dans une épaisse couche de bave. Quelques
pas plus loin le bidon qui contenait de l’Andosulphan, (un produit hautement toxique
utilisé dans le traitement phytosanitaire du coton et autres plantes) est vide. Il n’y avait
plus de doute, les enfants avaient avalé du poison.
Face à un tel spectacle, les mamans se saisirent de leurs progénitures et allèrent
chacune dans sa direction. La première épouse qui avait deux enfants de 4 et 2 ans prit
le chemin de l’Eglise du Christianisme Céleste. Dans la cour de l’église, le Holidja qui
les reçut après l’avoir religieusement écouté conclut à un «ensorcellement„. Il prit les
enfants des mains de leur maman les fit coucher devant l’autel à l’intérieur de la
chapelle. Il les recouvrit ensuite chacun d’une toile blanche, bordée de trois croix
bleues. Après avoir allumé sept (7) bougies qu’il disposa tout autour des moribonds et
après les avoir aspergés d’eau bénite et de parfum, il se mit à prier à haute voix. Après
deux séries d’une longue et interminables litanies, il alla rassurer la maman que les
anges descendront désenvoûter et purifier ses deux enfants. Il retourna à sa prière.
Trente minutes après, lorsqu’on découvrit les enfants pour constater le «miracle„ ils
étaient tous deux morts.
La deuxième quant à elle alla directement à l’hôpital avec son enfant. Après lui avoir
fait ingurgiter un produit vomitif, le médecin procéda à une cure de désintoxication.
Le soir même, le garçon et sa maman pouvaient regagner la maison hors de tout
danger. Elle essuya naturellement les attaques de la première épouse qui l’accusa, elle
et les membres de sa famille de jalousie et d’avoir par sorcellerie provoquer la mort de
ses enfants.
Ce drame familial est peut-être un cas extrême. Mais il n’est pas isolé. Il n’est pas rare
de constater que dans la plupart des cas, l’itinéraire thérapeutique des acteurs sociaux
les amène d’abord chez le prêtre-pasteur, chez le bokonnon, chez le marabout avant
d’aller à l’hôpital. Dans certains cas les deux démarches sont simultanément entreprises.
Pour les rares cas où les protagonistes ont le réflexe d’aller directement à l’hôpital, la
pression est souvent forte de coupler cette démarche avec une autre qui consiste à
chercher la cause et le remède de la maladie ailleurs qu’à l’hôpital. Cette situation
pose un problème de confiance, d’autorité, et au-delà, de fonctionnement des
institutions. Il se pose le problème de ce qui fait sens aux acteurs sociaux, en qui ontils confiance ? Où vont-ils trouver leurs certitudes ? Dans ces interrogations, l’autorité
à laquelle on se réfère, celle qui a le pouvoir réel n’est pas toujours celle qui est
supposée l’avoir. On entremêle le fonctionnement des différentes institutions,
rendant aléatoire sinon problématique la différentiation des systèmes qui les portent.
Une autre manifestation de ce dysfonctionnement est le rôle politique que jouent
souvent certaines instances religieuses.
1
4
Sorte de grade dans la communauté de l’église céleste qui confère à son détenteur entre autre le pouvoir de divination, de consultation et de prédiction
373
Pourquoi la religion constitue un business ?
1.2. Quand l’autorité religieuse se substitue à l’autorité politicoadministrative !
Ce dimanche 21 mars était jour d’élection dans tout le Bénin. C’était aussi jour du
marché central de la commune de Sopkonta dans la sous préfecture de Dassa.
Depuis cinq jours, le maire de la commune rappelle tous les soirs à tous ses administrés
par les prestations de trois «crieurs publics„ la nécessité et l’importance pour eux d’aller
accomplir leur devoir civique. Il est relayé le jour par une multitude d’acteurs
d’organisations non gouvernementales venus faire de la sensibilisation et de l’éducation
au vote. Pour augmenter les chances de succès du vote en matière de participation, le
maire et ses conseillers ont décidé et annoncé aux populations qu’exceptionnellement,
le marché ne s’animera qu’à partir de l’après midi.
Malgré ces dispositions prises, la place du marché fut très tôt prise d’assaut par de
nombreuses personnes venues s’adonner comme si de rien n’était à leur occupation.
Le taux de participation au vote n’était pas satisfaisant. A midi, on pouvait encore
constater que dans beaucoup de bureaux de vote, seulement deux à trois électeurs
sur dix se sont déplacés. L’équipe de sensibilisation et d’observation que je conduisais
dans la localité concluait déjà à un échec de sa mission et un incivisme de la population. Avec les autres membres de l’équipe nous décidions de tenter une dernière et
ultime action : Nous entretenir avec les électeurs pour comprendre les raisons d’une
telle conduite. D’autant plus que les nombreux appels des autorités locales et nos
campagnes de sensibilisation auxquelles participaient bien des gens ne laissent pas
présager de cette issue.
Au marché où nous nous sommes rendus, beaucoup de femmes nous ont affirmé être
venues au marché parce que le curé de la paroisse catholique après la messe «n’a pas
dit d’aller voter„ ! Ce qui revient à imaginer que pour ces gens là, la légitimité même
politique se trouve du côté du prêtre. Parce que le religieux n’a pas dit, les citoyens ont
«boycotté„ un acte citoyen demandé par des instances compétentes en la matière.
L’institution religieuse sur cet aspect précis a suppléé l’institution politique. Au-delà de
l’aspect anecdotique de cet exemple, c’est toute la problématique du fonctionnement des institutions qui semble être posée et avec elle, une question de confiance,
de légitimité et production de certitudes.
On peut, ici aussi présenter l’échec de Soglo en 1996 qui est dû d’une certaine manière au rôle de l’église catholique à ce type de chevauchement. En effet, le président
s’est tourné vers les religions traditionnelles alors que Kérékou s’est métamorphosé
pour devenir à la limite pasteur. Ce qui a fait bénéficier à ce dernier le soutien des
confessions chrétiennes avec à leur tête la religion catholique menée par de Souza. Ce
dernier ne s’entendait plus avec Soglo à cause de ses accointances avec les religions
de tradition. Les églises ont été mobilisées à cet effet pour lui barrer la route au profit
de Kérékou.
1
5
C’était au moment des faits, l’appellation administrative des deux localités. La commune étant dirigée par un maire élu par les populations et la
sous-préfecture administrée par un sous préfet désigné par le Gouvernement. Depuis décembre 2002, les élections municipales ont consacré de
nouvelles désignations aux termes desquelles les anciennes communes sont devenues des arrondissements administrés par des chefs et les ex-souspréfectures des communes dirigées par des maires, tous deux élus locaux.
374
HIPPOLYTE AMOUZOUVI
Ainsi, dans une société où les institutions fonctionnent, chaque système produit ses
«experts„ ses autorités, qui détiennent le pouvoir et la compétence de dire à travers
des codes ce qui est valable pour le système. Cet avis une fois donné selon les règles
emporte la confiance de toutes les autres composantes du système. C’est ainsi que
pour parler du SIDA par exemple le point de vue d’un professeur d’université, d’un
clinicien ou d’un praticien de l’Institut Pasteur ou de la clinique «Charité„ spécialiste de
la question sera recherché, obtenu et privilégié par rapport à celui d’un prêtre, d’un
économiste ou encore d’un politicien. On peut dire que les rôles sont clairement
définis et les domaines de définition de chaque sous-système assez-bien délimités.
C’est cela la constitution d’autorités morales autonomes dans certaines sociétés. Même
si à un deuxième niveau, celles-ci doivent s’articuler comme les maillons d’une même
chaîne. Au Bénin en revanche, le religieux se substitue au politique ou remplace le
médecin, s’il ne se commute pas purement et simplement en entrepreneur.
Certainement par manque de constitution d’autorités morales détenant le pouvoir
dans chaque domaine précis, mais aussi par insuffisance de contrôle social. C’est pour
cela que le marché de la religion en tant que phénomène peut être analysé à
partir des éléments issus de la théorie des systèmes sociaux et de la
différentiation systémique.
1
2. Systèmes sociaux, différentiation systémique et marché de la religion.
Pour saisir la systématisation du marché de la religion, ce n’est pas exclusivement du
point de vue des logiques, des stratégies, des perceptions et des calculs des acteurs
qu’il faudra se situer. Les limites de l’homo economicus, ont montré que l’acteur social
n’est pas que calculs et rationalités personnels. Bourdieu (1992) a indiqué qu’une
explication exclusive du sujet calculateur, mû par les seules rationalités qui fondent
ses agissements serait abusif. Chacun quels que soient ses intérêts et les moyens mis
en oeuvre pour les atteindre dispose aussi d’un «capital culturel„ disponible au départ
mais aussi susceptible d’être accru. Ainsi donc, c’est la nature et le fonctionnement des
systèmes sociaux qu’il convient ici d’appréhender. Or appréhender la nature et le
fonctionnement des systèmes sociaux pour mieux saisir la systématicité du marché de
la religion, revient à identifier les vides, (disons les espaces) qui permettent la
superposition, l’interdépendance, la coactivité, l’interface et même la coïncidence
des logiques du marché et de celles de la religion, pour produire le marché de la
religion. C’est l’existence même de ce vide qui amène à penser à un non-fonctionnement
des institutions. Car en principe, la capacité d’autorefléxivité et d’autoreférentialité de
chaque système ne conduit pas à un vide mais plutôt à une interpénétration de
chaque partie pour former un tout.
6
L’Institut Pasteur est en France alors que La Clinique de la Charité est le plus grand centre hospitalier universitaire de Berlin. Et peut-être de
l’Allemagne. Je ne dis cependant pas que tous les «experts„ représentent des sources infaillibles dans leurs analyses, et dans leur communication. On
l’a observé en avril 2003 lors de la guerre que les Etats-Unis ont faite en Irak. La grande majorité des experts auto-proclamés ou de renommée
internationale, spécialistes de l’Irak ou du Proche, Moyen ou Extrême Orient s’est trompée dans l’analyse et les pronostics de cette guerre. Ceci
n’enlève toutefois rien au modèle du système. Et tant que ce modèle fonctionnera, ces experts auront toujours la faveur et le privilège des pronostics
chacun dans son domaine respectif.
375
Pourquoi la religion constitue un business ?
Si on part de la position que l’économie et la religion constituent des sous-systèmes
(Teilsystem) du système social, on peut postuler que les relations qui devraient exister
entre eux devraient être les mêmes que celles qui lient l’environnement (Umwelt)
pour reprendre le terme de Luhmann 1988) et le système social. C’est à dire une
ouverture du système sur l’environnement en même temps qu’il est fermé sur son
propre fonctionnement. Dans ces conditions, le modèle de la «différenciation
système-environnement„ (System-Umwelt-Differenz) suppose la formation des
sous-systèmes au sein du système (Luhmann 1988 :38), formation rendue possible
grâce au processus de différentiation qui entraîne selon Luhmann une réduction de la
complexité du monde. Les sous-systèmes seront donc pour ainsi dire, des produits de
l’évolution par différentiations, qui réduisent la complexité de l’environnement
immédiat, qui est alors intégré dans le système.
Mais cette intégration ne signifie nullement une «confusion des genres„ hétérogénéité
des possibilités. La constitution d’un domaine social particulier en sous-système du
système social, entraîne nécessairement pour lui une «systématicité„ ou plus précisément
un surplus de systématicité (Systematizität). L’identité simple de ce domaine gagne
ainsi par différentiation à un autre, (bloße Identität zu anderen -in Differenz zu anderen)
un deuxième aspect qui est son apparition comme unité (Eine Zweitfassung seiner
Einheit – Differenz zu sich selbst). La question est alors de savoir, pourquoi la
différentiation des sous-systèmes économie et religion n’offre pas un gain de
systématicité à l’un et à l’autre renforçant ainsi leur autoréférentialité, mais conduit
plutôt à l’existence et à la systématisation d’un autre phénomène : le marché de la
religion qui apparaît après tout comme une réalité qui peine à s’intégrer dans le
système social non pas à cause de son évidence, mais en raison de la charge morale
négative qui l’accompagne.
L’une des raisons pour lesquelles l’identité de l’économie d’une part et celle de la
religion de l’autre ne gagnent pas en systématicité, et en autonomie afin d’être
fermées sur leur propre fonctionnement tout en restant ouvertes sur l’environnement,
est l’inculturation. C’est aussi en raison de ce courant que l’unité fonctionnelle de
l’économie tout en se différenciant de l’unité fonctionnelle de la religion ne s’ajoutent
pas l’une à l’autre pour réduire la complexité dans les sociétés étudiées, mais
légitiment une superposition qui favorise l’apparition et le développement du marché
de la religion.
Je suggère donc d’introduire ici la notion d’inculturation telle que reprise et développée
par la littérature sociologico-théologique africaniste notamment après le concile
Vatican II et le synode des évêques africains. J’aurais pu m’en tenir ou recourir à
d’autres notions telles que «enchâssement social„ (Sozial Einbettung) (Polanyi 1957)
ou « anomie„ (Durkheim 1975) ; mais le concept d’inculturation offre l’avantage d’être
directement produit par les discussions qui portent sur la problématique d’intégration
des préoccupations purement religieuses dans des préoccupations sociales,
culturelles et mêmes économiques. Il prend en compte également dans une certaine
mesure l’ensemble des concepts précédemment évoqués en apportant une réponse
à la question qu’ils suscitent.
1
7
Cf Durkheim, E., (1975) Textes, Ed., de Minuit. Vol. 2, Religion, morale, anomie. 512p. Ensemble de textes recueillis par Karady.
376
HIPPOLYTE AMOUZOUVI
L’inculturation telle que je propose de l’examiner renvoie à ce que Laurenti Magesa
(2001) citant le résumé théologique que le Pape Jean-Paul II dans sa conclusion du
synode africain tenu à Rome en 1994 décrit comme the «synthesis between culture
and faith». C’est à dire un effort simultané de traduire l’universel dans le particulier et
le particulier dans l’universel. Dans le contexte africain, et du point de vue des
théologiens, il désigne avant tout une christianisation de la culture africaine, avec
pour réaction, une africanisation (disons pour être plus précis), une «voduisation„ de la
culture évangélique. La création de l’Eglise évangélique du Vodun me semble
répondre à cette logique. Cette synthèse de la culture et de la foi, donc de deux
sous-systèmes sociaux, devrait conduire à l’incorporation, l’incarnation et la
contextualisation aussi bien de la vie des églises que du processus d’évangélisation
dans la culture et les exigences de la vie quotidienne. C’est donc la théologie, la
liturgie, et la structure des églises qui sont ainsi concernées. Et si ces aspects doivent
intégrer des exigences quotidiennes de vie et de survie des acteurs sociaux africains,
c’est tout logiquement que le marché ou la nécessité d’accumuler des richesses,
s’épand dans des préoccupations purement religieuses. Deux interrogations
majeures découlent de cette évolution. Quel type de religion émergera d’une telle
association et quelle image, présenteront les économies des sociétés africaines déjà
profondément enchâssées, parallèles et informelles ? Laissons pour le moment ces
questionnements aux exégètes et autres spécialistes des économies africaines et
abordons de façon empirique quelques manifestations de l’inculturation afin
d’analyser comment elle sert de subrogent au marché de la religion.
1
2
3. Jezu-Klisu sin CyOnuwa3 : Pratiques de l’inculturation chez les
catholiques
C’est dans le cadre des activités de recherche, et de réflexion du Mouvement
Mèwihwendo (le Sillon Noir) de la paroisse catholique Saint François d’Assise de Bohicon
au Sud du Bénin que s’inscrivent les actions d’africanisation de la liturgie. L’objectif
étant, comme le déclarent les principaux acteurs eux-mêmes «de découvrir toutes les
traditions culturelles et religieuses de notre pays en vue de leur christianisation„.
Après les travaux sur «l’Intellectuel Communautaire’’ ceux qui portent sur la
commémoration de la mort de Jésus-Christ (Jezu-Klisu sin Cyonuwa) constituent le
deuxième moment fort des réalisations intellectuelles du groupe. Il s’agit en réalité, à
partir d’une étude minutieuse de tous les rites funéraires, de tirer la symbolique de
base, capable de fournir la meilleure expression aja-fon qui prouve le mieux
l’attachement des acteurs sociaux de ces milieux à Jésus. Dans cette adaptationsuperposition, les symboles que les animateurs de Mèwihwendo ont retenu pour
constituer la symbolique de cette africanisation, basée sur le drame chrétien du
Vendredi saint, qui du reste est le point de départ historiquement sûr de toute la
liturgie chrétienne sont : Le tam-tam et les chants funèbres, la lamentation sur le mort,
4
8
«The Church in Africa,» Pope John Paul’s theological summary of the conclusions of the 1994 African Synod, (Ecclesia in Africa N°78). Cité par
Laurenti Magesa 2001, «Inculturation revisited» in Current issue: Vol.1, No. 1 January 2001.
Comme si l’Afrique n’avait qu’une seule culture !
10
Les rites funéraires commémorant la mort de Jésus Christ.
11
(Cotonou Août 2001). Entretien avec Adoukonou B. l’un des pères fondateurs du Mouvement
9
377
Pourquoi la religion constitue un business ?
l’habillement du mort par les membres de la famille, la célébration du pouvoir de
rassemblement des vivants par la mort, le geste suprême de piété filiale avant
l’ensevelissement enfin le festin de communion avec le mort. Ces symboles reprennent
presque point par point l’essentiel du rite funéraire chez les fon.
3.1. Les principaux moments d’un rite funéraire chez les fon
d’Abomey
E huzu kan nu cyio:
C’est l’une des toutes premières étapes qui suivent le décès d’une personne. La
plupart de mes interlocuteurs la définissent comme une toilette mortuaire pour que le
cadavre ne se décompose pas très tôt. Il s’agit en fait de différents procédés qui
peuvent aller effectivement de la simple toilette avec différentes plantes suivie d’un
embaumement du corps jusqu’à certaines techniques de momification par dessiccation.
Avizinli
De avi qui signifie pleurs et de zinli : un rythme musical traditionnel typique à Abomey,
cette deuxième étape consiste à pleurer le défunt, pour montrer que c’est un être
cher qui a disparu; c’est donc au cours de ce rituel que les éplorés pleurent leur mort.
Ce sont les chansons exécutées au cours de ce rythme qui différencient le Avizinli du
zinlii simple. La technique, le rythme et les instruments utilisés sont les mêmes.
Exception faite des novelles variances qu’on y observe depuis une dizaine d’années et
qui sont la conséquence directe de l’apparition dans cette arène de nouveaux acteurs
ayant été à l’école. Donc se présentant comme des modernes ou se défendant de
faire du zinli rénové.
Autrement la naissance du zinli remontait à ces temps où lorsqu’il y a décès l’on
déposait le corps dans une case de fortune ou une hutte loin des habitations, le temps
d’achever les cérémonies. La décomposition du cadavre attire souvent les animaux
carnivores qui viennent s’emparer du corps. Alors pour mieux veiller, on a imaginé que
faire du bruit pourrait être une solution pour éloigner ces bêtes. Ce tam-tam mortuaire
(une jarre à cou dont on frappe à intervalles réguliers l’orifice à l’aide d’un éventail) a
été instauré. Cela résonne comme un coup de canon et tient en respect les animaux
sauvages. Il n’y avait ni chant, ni cuivre. Plus tard sous le règne de Ghézo (1818-1858)
le rythme a subi une évolution notoire et passe du simple rythme mortuaire à un
rythme de réjouissance aussi.
1
E nan vi mè Kuku
Littéralement pour signifier qu’on va pleurer le mort. C’est une étape qui intervient le
jour où le corps doit être inhumé. Dès que le Avizinli commence par résonner, tous les
éplorés, les mains posées à plat sur la nuque et en pleurs, à grands cris se déplacent
vers le corps, exposé ou représenté, pour lui dire leur adieu. On conçoit cette étape
12
Je dois l’essentiel des informations exploitées ici à Alpèkéhanwu et à son œuvre musicale sur l’origine du zinli. Voir précisément le titre I (zinli sin
tan) de la face A de la cassette n°15 de l’auteur-compositeur-chanteur.
378
HIPPOLYTE AMOUZOUVI
comme un témoignage d’amour et d’affection pour le mort mais également pour
exprimer la douleur que provoque cette séparation.
Agon
Autrefois tous les morts du plateau d’Abomey étaient transportés systématiquement
vers un village appelé Agon où ils sont enterrés. Il n’y avait pas de moyen de déplacement.
Le temps des cérémonies et la durée du voyage constituent de sérieux handicaps pour
la conservation du corps, celui-ci se décomposait avant la destination et l’inhumation. On a
donc instauré cette cérémonie pour représenter une création symbolique du village
Agon. Pour ce faire, on s’installe devant la maison mortuaire en un cercle. L’officiant
invite solennellement tout le monde à se joindre aux manifestations en disant : Que
ceux de la maison viennent à Agon (le cercle représentant le village) et que les
étrangers à la maison mortuaire viennent aussi à Agon. C’est donc dans ce cercle que
se déroulent les cérémonies. Les chants au cours de Agonyiyi ne sont rien d’autre que
les chants exécutés autrefois pour accompagner le mort vers les lieux de son
enterrement. Ils sont au nombre de sept.
Avohlèhlè
De Avo qui signifie pagne et de hlè qui désigne : Montrer, exhiber, le Avohlèhlè est une
étape d’exhibition de pagnes et de parures qui doivent accompagner le mort et lui
servir dans l’au-delà. Ceci parce que les Fon considèrent que les morts réapparaissent
dans un autre monde où ils auront besoin de ces parures. On montre le pagne pour
permettre au chef de famille, médiateur entre les morts et les vivants de les toucher
pour mieux transmettre au mort l’attachement et le souci des siens afin qu’ils ne
réapparaissent pas dénudés dans l’au-delà. C’est sur ce canevas que l’église catholique
au sud du Bénin a construit et institutionnalisé les manifestations de axosuzangbé
daxo (vendredi saint) qui rentrent dans le cadre du souvenir de la passion et la mort du christ.
3.2. La mise en scène de axosuzangbé daxo
Autrefois la commémoration de la souffrance et de la mort de Jésus donnait lieu à
Abomey et à Bohicon à un parcours symbolique du chemin de croix suivi par Jésus.
Exceptionnellement ce jour, le parcours n’a plus lieu dans l’enceinte de la chapelle
comme les autres vendredis du temps de carême. Les 14 stations qui ponctuent le
chemin de Golgotha sont parcourues en suivant un itinéraire qui traverse une bonne
partie des villes.
Mais depuis 1996 cette tradition a laissé place à une théâtralisation qui vise selon les
initiateurs à démarrer l’expérience d’inculturation avant de l’étendre progressivement
à tout le triduum pascal, au cycle de l’année liturgique et aux sacrements chrétiens.
Après le chemin de croix qui retrace les 14 stations de la passion de Jésus, on reprend
à l’instar des rites funéraires qui consacrent l’enterrement des morts dans le plateau
d’Abomey, les manifestations suivantes.
1
13
C’est dire donc que l’inculturation a de beaux jours devant elle. Et que la superposition de la culture et de la fois s’épandra dans d’autres aspects.
379
Pourquoi la religion constitue un business ?
La réception du corps de Jésus par la communauté chrétienne
Premier acte de cette mise en scène, on considère que la communauté chrétienne
catholique est la famille de Jésus. En lui remettant son corps, on lui signifie officiellement
la mort de l’un des siens et l’autorisation est ainsi donnée de faire le deuil. La remise
du corps consiste concrètement en ce qu’un homme avance du fond de la chapelle
ou derrière la foule jusqu’à l’autel où s’officient les cérémonies et donc où se tient le
maître de cérémonie : l’évêque ou le prêtre. Cet homme qui avance tout lentement
tient en ses mains la grande croix qui symbolise la croix sur laquelle Jésus a été
crucifié. Une fois arrivé devant l’autel, celui-ci remet la croix à l’officiant qui la prend,
la présente aux fidèles en disant :
«Père très saint, père éternel et tout puissant, accepte ce saint sacrifice que moi ton
humble serviteur te présente. Toi qui es la vérité et la vie. Je te le consacre aussi pour
mes péchés et pour tous les chrétiens ainsi que pour tous les hommes de bonne
volonté qu’ils soient vivants ou qu’ils aient quitté ce monde ; afin que cette mort de
ton fils nous apporte à tous le salut éternel.„ Ce à quoi toute l’assistance répond par un
«Amen’’.
E huzu kan nu cyio Jesus ton : La toilette mortuaire de Jésus
Après avoir réceptionné le corps de l’un des leurs, les membres de la famille vont
procéder à son embaumement, à sa toilette. Pour ce faire, quatre personnes dont
deux femmes ayant noué leur pagne à la poitrine avec une écharpe nouée dessus au
niveau de ventre ; et deux hommes ayant noué un grand pagne autour de la taille
(ganli) apportent deux linceuls blancs (un grand et un petit) aux deux donpkègan qui
se tenaient préalablement à côté de l’autel. Les donpkègan étalent le petit linceul sur
l’autel de manière à le couvrir complètement. Puis ils y déposent la croix au milieu de
l’autel. Après cela ils recouvrent à nouveau l’autel et la croix déposée du grand linceul
de façon que celui-ci déborde par terre. Ce recouvrement correspond à ce que les fon
désignent par ta bu b’afo bu (tête et pieds recouverts) pour signifier que tout le corps
a été enveloppé. Alors que le pagne qui sert à envelopper est appelé doncimè
(littéralement qui veut dire perdu don et dedans cimè). Un langage imagé traduirait
cela par «emballage perdu„. L’idée ici est stimulante à plus d’un titre. Elle évoque et
insiste sur le fait que ce n’est pas tout ce que les membres de la famille offriront au
mort qui l’accompagneront dans l’au-delà. Il y a en qui partiront, c’est eux qu’on
considère comme perdus. Il y en a qui resteront pour les vivants. Par la suite, c’est donc
tout normal et de la parfaite compréhension de tous que les pagnes, les objets de
parures et même l’argent donné au mort lui soit retiré par les vivants. Le fidèle ainsi
averti ne sera pas choqué de constater que l’argent et les biens obtenus à l’occasion
de la «mort„ de Jésus profitent plutôt à d’autres.
1
Avizinli
14
Littéralement désignés comme chefs de la jeunesse, le donpkègan a des fonctions assez particulières dans les sociétés fon. Dans le cadre des
enterrements par exemple, il représente les véritables maîtres de cérémonie. C’est lui qui assure la plupart des tâches, depuis le creusement du
tombeau jusqu’à la mise en bière, le transport des cadavres et le recouvrement de terre. Le donpkpè peut aussi être à l’occasion un groupe de jeunes
chargés de divers travaux d’utilité publique comme la réfection du marché central ou la construction ou l’entretien d’un sentier du village.
380
HIPPOLYTE AMOUZOUVI
Deux chansons ponctuent cette étape de la manifestation. Le religieux a pris l’idée et
la mise en scène telle qu’elle est faite dans la tradition mais l’a adaptée aux réalités
qu’il a en face de lui. Ainsi pour le Avizinli tous les fidèles sont tenus de se mettre à
genoux les mains posées sur la tête et reprennent en chœur la chanson entonnée par
le choriste. En général, le message annoncé à travers ces chansons portent sur la
valeur et l’importance du disparu. En l’occurrence Jésus ; il insiste sur le fait que ce ne
sont ni les pleurs, ni les cris encore moins les larmes qui témoigneront à sa juste valeur
la disparition du sauveur. Ce qui compte le plus, c’est le comportement du fidèle à
accepter Jésus comme le porteur du salut, ainsi que sa générosité envers l’église de
Dieu. Autrement dit, plus on donne et plus on se rend digne de la mort de Christ.
L’invite à pleurer Jésus
Après la série des deux chansons, le maître de cérémonie exhorte tous les fidèles de
même que tous ceux qui sont présents à pleurer Jésus. Autrement dit à lui témoigner
l’amour et l’attachement dus à son œuvre. Pour ce faire, l’officiant, maître de cérémonie se déchausse de même qu’il enlève ses chaussettes. Les mains en croix sur la tête
ou sur la nuque (selon l’élégance de chacun) avance très lentement et tout tristement
vers l’autel. Il pose ensuite très respectueusement ses deux mains sur Jésus sur la
croix. Dans la pratique traditionnelle, ceci correspond à l’acte d’accompagner et d’affectionner le défunt. Après l’officiant croise les mains autour de la poitrine en signe de
V, de manière à ce que la main droite se retrouve sur l’épaule gauche et la main
gauche sur l’épaule droite. Puis la tête baissée retourne à sa place. Tous les autres
acteurs présents reprennent après lui les mêmes gestes et retournent à leur place.
Tout ce rituel se déroule en chansons dont les contenus portent sur la situation des
humains pécheurs et redevables au fils de Dieu innocent mais sacrifié afin que les
hommes puissent avoir la vie éternelle. Au total cinq chansons ponctuent ce niveau
de la cérémonie.
L’appel des fidèles et la marche vers Agon : E yi agon nu Jezu
Après s’être disposé en cercle ou demi-cercle si la cérémonie a lieu dehors ou tout en
gardant la position et la place de chacun au cas où elle se déroule à l’intérieur d’une
chapelle et que la l’architecture ne permet par une disposition en cercle ou demicercle, l’un des donpkègan prononce la formule d’appel ou de ralliement de tous
pour accompagner Jésus à Agon. Ceux qui sont dehors par manque de place dans la
chapelle se précipitent vers l’entrée, tandis que ceux qui sont un peu plus loin à l’écart
lorsque la manifestation se tient dehors avancent vers les autres déjà installés. Puis il
exhibe à toute l’assistance le pagne et les dons offerts par le chef de famille ou de
lignée : Dah Hennumèxo. Dans le cas de l’église catholique, celui-ci est représenté par
l’évêque qui a autorité sur la paroisse où se déroulent les manifestations. C’est lui le
Dah Hennumèxo. Ensuite on présente à l’assistance qui constitue les membres de la
famille, le pagne ainsi que les dons du xonton (ami). Le xonton est celui qui officie la
commémoration. Au cas où c’est le Dah Hennumèxo donc l’évêque lui même qui
officie, le xonton devient alors le curé responsable de la paroisse. Deux chansons sont
ensuite exécutées pour montrer l’innocence de Jésus. Innocence qui ne l’a pas
1
15
On trouvera en annexe la liste de quelques chansons exécutées lors des différentes cérémonies.
381
Pourquoi la religion constitue un business ?
cependant pas empêché de mourir pour les hommes qui eux ont péché et sont coupables.
L’exhibition des dons
C’est après la remise de don de l’évêque et de celui du prêtre officiant que la communauté toute entière est invitée à offrir des dons pour «le confort et la quiétude du
défunt Jésus’’. Ainsi toutes les associations et groupes de personnes relevant de la
paroisse ou oeuvrant au sein de la paroisse viennent tour à tour offrir leurs dons. Ce
sont entre autres, les groupes de prière, de jeunes, de femmes, de marguilliers, de
chants, de lecture et bien d’autres groupes… la liste est bien longue. Après leur
passage, vinrent les individus. Et puisque tout ceci est accompagné d’une reconnaissance officielle et d’une publicité pour le donateur, chacun rivalise d’effort pour être le
plus offrant. Une fois terminée cette remise de don, l’un des donpkègan qui fait à
présent office de gbedoto (présentateur) fait le point de tout ce qui a été amassé et
procède à leur répartition. Les deux linceuls restent sur l’autel et constituent des
nappes pour la célébration de l’eucharistie. Quelques autres pagnes seront remis à
différentes associations ou groupes de charité afin que les pauvres puissent en bénéficier. Tout le reste, à savoir, argent, parures, et autres éléments désignés par sinxonu
appartiennent au xonton. C’est-à-dire au prêtre. En souvenir de son ami (le défunt
Jésus) qui l’a abandonné.
Puis une dernière chanson est entonnée au cours de laquelle, l’officiant revient comme
pendant l’invitation à pleurer, fait le tour de l’autel et vient mettre cette fois-ci ses
mains sur la tête et sur les pieds de Jésus crucifié. Après lui, passent les religieuses, et
les responsables des différentes structures présentes au sein de la paroisse. Le prêtre
revient à la fin déplacer la croix pour la déposer à un lieu ménagé à cet effet. C’est
l’inhumation.
Cette réplique plus ou moins exacte des pratiques de la tradition en ce qui concerne
les rites et rituels d’enterrement, réplique que les initiateurs appellent effort d’africanisation de la liturgie, et qui est rendue possible grâce à l’inculturation n’est ni plus ni
moins que l’endogénéisation de la religion. Une endogénéisation qui s’introduit dans
tous les aspects (y compris l’économique) en vue d’une plus grande instrumentalisation
et d’une plus forte banalisation du marché de la religion. Cette position ne se retrouve
pas exclusivement chez les héritiers ou les continuateurs du Vatican II ou du Synode
des évêques africains. On le retrouve également chez certains acteurs du vodun. C’est
ainsi que des expériences singulières telles que celle de l’Eglise Evangélique du Vodun
sont dignes d’intérêt.
Conclusion
En définitive, la question de l’enchâssement du religieux dans l’économie, ou de l’économie dans le religieux semble être l’hypothèse la plus défendable qui justifierait le
marché de la religion. Cet enchâssement pose problème ; soit parce qu’il n’est pas
totalement assuré, soit parce qu’il est sur assuré. N’étant donc pas convenablement
assuré, les deux sous-systèmes (économie et religion) du système social auxquels
renvoient le marché et la religion chevauchent s’interpénètrent l’un dans l’autre. Ce
chevauchement se fait sans qu’au préalable chacun d’eux n’ait acquis le gain de
systématicité et le niveau d’autoreférentialité requis pour assurer son autonomie et lui
permettre tout en ne sabordant pas et en gardant ses codes propres, de communiquer
382
HIPPOLYTE AMOUZOUVI
avec l’autre pour un meilleur fonctionnement des institutions et une plus nette visibilité des normes sociales ; donc une plus grande réduction de la complexité sociale.
A défaut on a à faire à un transfert ininterrompu des normes d’un aspect vers un autre
et ce dans tous les sens. Le concept de l’inculturation dans son application concrète
semble avoir suscité et favorisé pour une large part ce transfert ininterrompu qui
échappe à tout contrôle social. Mais dans son application seulement car les principes
de synthèse de la foi et de la culture (même économique), ceux de la prise en charge
par le chrétien africain de sa propre foi constituent en soi de nobles idéaux. Dans une
hypothèse extravagante et résolument optimiste, on pourrait même comparer le
mouvement d’inculturation comme une renaissance d’une certaine religion en Afrique : La théologie chrétienne. C’est dire donc que l’inculturation ne peut être de bon
droit présentée exclusivement comme la clé du marché de la religion. Elle pourrait
également servir de trait d’union conceptuel et pratique pour une meilleure symbiose
de l’universel et du particulier. Mais pour cela il faut comme le souligne judicieusement Magesa (2001) qu’elle soit revisitée
1
. Car telle qu’elle est aujourd’hui expérimentée d’un côté comme de l’autre, elle fait le
lit de la «conversion„
En effet j’aurai pu me saisir du concept de la conversion qui caractérise les «économies
polyfonctionnelles’’ et «multicentrées’’ que sont celles des sociétés étudiées. Le
recours à cette notion ne se voudra pas délibérément libre un peu dans le sens de
Elwert (1991) ; mais prendra en compte le phénomène tel que l’ont mis en exergue
Bohannan & Bohannan (1968 :227 & suiv.) à propos de leur étude sur l’économie Tiv. En
fait, Bohannan & Bohannan (1968) mais avant aussi (1953) sur la base de données
empiriques collectées auprès des Tiv au centre du Nigeria ont analysé les faits
économiques et plus spécialement les phénomènes du marché dans les sociétés
traditionnelles africaines. Ils distinguent différents niveaux d’échanges qu’ils désignent
par «sphères économiques’’. Pour eux, «Three spheres of exchange could be recognized
in the early 1950’s. With the introduction of money and European goods, an incipient
fourth sphere was created, but the general-purpose money contained within it is
contradictory to the system, and is destroying it.’’ (Bohannan, 1968: 228). Le ton est ici
clairement affiché. Et les auteurs de préciser que «the first sphere is that marked by
the commodities (…) The second sphere of exchange is a matter of prestige and is in
no way associated with the markets. (…) The third sphere is the supreme and unique
sphere of exchange values’’. Ils désignent par «conversion’’ l’attribution à un bien
appartenant à une sphère donnée, une fonction ou une destination relevant d’une
autre sphère. Ces sphères sont hiérarchisées entre elles, et les conversions d’une
sphère à une autre acquièrent au préalable l’assentiment d’un jugement moral et
passe par le contrôle social. Lorsque par exemple la conversion se fait d’une sphère
inférieure vers une sphère supérieure, celui qui le réalise gagne en prestige. C’est ainsi
qu’on voit son prestige augmenté dans la société lorsqu’on distribue des biens par
exemple. Mais celui qui effectue une conversion d’une sphère
2
16
Laurenti Magesa (2001). Inculturation revisited, Current issue: Vol.1, No. 1 January.
http://www.peacelink.it/africanscribe/1_issue/p1.html
Laura & Paul Bohannan (1953). The Tiv of Central Nigeria, London International African Institute, 101p.
puis Laura & Paul Bohannan (1968), Tiv Economy, Northwestern University Press Evanston. 265p. L’essentiel de mes références est fait au deuxième
ouvrage.
17
383
Pourquoi la religion constitue un business ?
supérieure vers une inférieure perd en prestige. Et donc gagne en honte. C’est le cas
de ceux qui sont par exemple obligés de demander l’aumône pour survivre.
Pour les Bohannan ainsi que pour tous les auteurs qui se sont implicitement ou
explicitement référés à leurs travaux, les différentes sphères existaient et fonctionnaient concomitamment y compris celle où l’argent est le principal vecteur c’est-à-dire
la première. Mais de plus en plus, l’introduction de l’argent dans tous les domaines de
la vie sociale a cassé les limites entre les sphères et tout devient achetable et vendable.
Or c’est précisément ces limites entre sphères qui indiquent la réalité sociale de chaque société. Puisqu’elles sont percées ou mieux encore explosées, la société qui ne
peut exister sans établir des sphères se trouve comme en une phase de transition où
la recherche des repères en vue de l’institution de nouvelles sphères donne lieu à des
phénomènes nouveaux comme le marché de la religion.
Pour son bon fonctionnement, elle ne peut pas ne pas établir ses sphères desquelles
certains éléments ou certaines combinaisons doivent être exclus ou socialement contrôlés. On peut dans une relative facilité échanger du mil contre du maïs ou du riz
contre de l’argent. Mais il paraît plus compliquer d’échanger une femme contre du mil.
De même qu’il pose un problème d’échanger une prière, une réussite ou une appartenance à une religion contre de l’argent.
Ce problème ne doit pas à première vue, être examiné comme une destruction de la
moralité, comme tout ou presque invite à le faire. Il peut et doit être aussi analysé
comme introduisant une nouvelle moralité qui remplacerait, améliorerait ou
complèterait l’autre s’il n’est pas admis qu’elle le fait régresser. Ce qui place la société
face à un dilemme continue. Dilemme dans lequel tout est mis en questionnement et
en continuelle négociation des normes sociales, des sphères d’échanges et des soussystèmes sociaux.
On peut d’une certaine façon, qualifier cette situation d’anomique, dans le sens ou
Durkheim dans la Division du Travail Social mais plus particulièrement dans le Suicide le
développe. Où il assimile la notion d’anomie à une absence de règle, de norme ou de
loi, toutes choses qui se révèlent hautement opératoire dans l’explication de certains
faits de criminalité. Je pars de la position, qu’il s’avèrera plus fécond aussi bien pour
l’analyse que pour la compréhension des sociétés où ces travaux de recherches ont
été menés, de parler plutôt d’une insuffisance ou mieux encore d’une faiblesse de
régulation. La préoccupation sera alors de travailler à l’émergence d’une puissance
régulatrice, d’une autorité morale dotée d’un pouvoir légitimé par un contrôle social
efficace. Cette autorité morale au mieux de son fonctionnement sera un antidote aux
brèches, aux incertitudes et aux insécurités qui favorisent la religion comme un business.
384
HIPPOLYTE AMOUZOUVI
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Enseignement et recherche en Archéologie
en l’absence de laboratoire à l’Université
d’Abomey-Calavi (1978-2008) : bilan et
perspectives
Obarè B. BAGODO,
Département d’Histoire et d’Archéologie, FLASH – UAC
E-mail : [email protected] & [email protected]
Résumé
L’acquisition d’aptitudes à la pratique archéologique commence à partir d’investigations
sur le terrain, se poursuit par des travaux pratiques et des analyses de laboratoire et se
termine avec une maîtrise rédactionnelle de l’interprétation des données et des
résultats d’analyses. La validité de l’enseignement et de la formation diplômante dans
la discipline n’est alors garantie que par la pratique suivie sur le terrain et au laboratoire.
De 1978 à 2008, au campus de l’Université d’Abomey-Calavi, l’enseignement et la
recherche en archéologie ont été assurés en l’absence de laboratoire et de site de
chantier-école institutionnellement établis. Une telle fonctionnalité est désormais en
déphasage avec la place centrale du laboratoire dans l’organisation de l’enseignement
et de la recherche au sein de l’université. Un bilan sommaire en est fait, en mettant en
relief les exigences et les perspectives d’un fonctionnement normatif, garant et
régulateur d’un enseignement plus professionnalisé et d’activités de recherches
interdisciplinaires.
Mots clés : Université d’Abomey-Calavi, absence de laboratoire d’archéologie, bilan
et perspectives.
Abstract
The acquired skills in archaeological monitoring studies start with field investigations,
they continue with experiment of laboratory tasks and analyses, and they are completed
in writing reports on data and their interpretation. So, the relevance of academic
courses and the award of degrees on the discipline are based upon accurate field and
laboratory training.
At the Campus of the University of Abomey-Calavi, from 1978 to 2008, archaeological
teaching courses and field training exercises have been undertaken without
institutionally-based laboratory and school site respectively. Such a practice is no more
compatible with the established laboratory-based research and teaching policy within
the university. After an appraisal, the emphasis sheds light on the challenges and the
prospects for a normative functioning that can ensure and regulate more
professionalized training and interdisciplinary research exercises.
Key words : University of Abomey-Calavi, lack of Archaeology Laboratory, Appraisal and
Prospects.
387
Enseignement et recherche en archéologie en l’absence de laboratoire a l’UAC : bilan et perspectives
Introduction
L’initiation et la spécialisation en archéologie sont, comme en médecine et en
ingénierie, autant théoriques que pratiques. L’expertise théorique et pratique est une
exigence déontologique impérieuse en archéologie parce que, sur le terrain, la fouille
du site constitue l’acte décisif qui doit être accompli dans le professionnalisme requis.
C’est un acte de responsabilité morale parce qu’il est imparablement et irrémédiablement
destructeur du support physique sur lequel il s’exerce.
En effet, au terme d’un cursus de formation académique ou par une lecture maîtrisée
d’un manuel d’initiation générale à l’archéologie (Barker, 1987 ; McMillon, 1991), avec
au mieux une accoutumance appropriée à l’étude stratigraphique (Auboin et al., 1985
; Harris, 1997), il devient évident qu’à l’issue de toute fouille archéologique :
i) la stratigraphie naturelle du site est toujours détruite en totalité et, pour compensation,
une coupe verticale et des relevés horizontaux successifs sont faits artificiellement ;
ii) les couches pédologiques naturelles qui ensevelissent et/ou supportent les outils
et/ou les structures fossiles d’art ou d’architecture sont décapées et dégagées pour
une mise au jour et en relief de chaque objet ou ouvrage.
L’archéologue bien formé, compétent et expérimenté doit ainsi être autant un homme
de science et de culture, qu’un professionnel apte à pratiquer son métier avec art et
conscience. En outre, il sait bien que son travail qui se fait de façon programmée ou en
sauvetage préventif consiste en une démarche qui commence sur le terrain par la
prospection et la fouille et qui finit au laboratoire par des analyses et études
techniques diverses induisant la publication des résultats (Frédéric, 1985 ; Pelletier et
al., 1985 ; Renfrew and Bahn , 1997).
Aussi, la formation théorique et la recherche professionnelle en archéologie dans le
Département d’Histoire et d’Archéologie sur le campus de l’Université d’AbomeyCalavi, sans laboratoire ni chantier-école institutionnalisés et continûment opérationnels
pendant trois décennies (1978-2008), constituent-elles une situation anormale.
Le devoir d’acteur soucieux de contribuer de façon objective et efficiente à trouver
une solution pratique et pérenne à la situation justifie la décision d’engager une
réflexion sereine et interactive avec tous les protagonistes. La réflexion part d’une
rétrospective du contexte et d’une justification de la pertinence théorique et
méthodologique de la discussion, pour continuer avec une appréciation des faits et de leur
portée et un regard sur les enjeux et exigences actuels de la création incontournable d’un
laboratoire d’archéologie. Elle s’achève sur les perspectives proches et lointaines.
388
OBARÈ B. BAGODO
1. Contexte et justification théorique et méthodologique
1.1. Contexte explicatif
L’observance stricte des principes, règles et normes réglementaires de la formation et
de la pratique professionnelles en archéologie a commencé en Europe et en Amérique
du Nord dans les années 1920 (Bahn et al, 1996) et s’est ultérieurement étendue en
Australie, en Asie et en Afrique sous domination coloniale européenne (Trigger, 1994
; Robertshaw et al, 1990). Cette réglementation accorde une place centrale autant à la
fouille d’un site et à la protection du patrimoine archéologique qu’aux activités de
laboratoire pour appuyer l’enseignement et la recherche.
Voilà pourquoi la création du Département d’Histoire et d’Archéologie sur le campus
de l’Université d’Abomey-Calavi en 1978 fut un acte indéniable de professionnalisme
et de responsabilité. Ceux qui ont posé l’acte étaient fort conscients des exigences
didactiques et des contraintes logistiques auxquelles il fallait faire face. Mais leurs
seules bonnes intentions et volonté n’ont pas suffi à faire relever de la bonne manière
le défi au cours des trois décennies entre 1978 et 2008.
La prise en compte du contexte explicatif en amont et en aval de l’année 1978 permet
de comprendre cette issue peu concluante. En amont, après les indépendances de
1960, l’Université fédérale de Dakar commença à être déconcentrée à partir de 1965.
Le Dahomey (Bénin depuis 1975) et le Togo constituaient l’un des pôles de déconcentration,
avec ceux de la Côte d’Ivoire, de la Haute Volta (Burkina Faso après 1983) et du Niger.
A Porto Novo étaient alors initiés un enseignement supérieur des sciences et une
propédeutique des lettres, pendant que l’enseignement supérieur des lettres était
établi à Lomé.
La crise universitaire francophone de 1968 accélérant et renforçant les volontés
d’autonomisation, l’expérience de complémentarité académique entre Porto Novo et
Lomé tourna court en 1969 et l’Université du Dahomey fut créée en 1970, avec
Abomey-Calavi comme campus central. Il y fut établi un Département des Etudes
Littéraires et Linguistiques (DELL) incluant une section commune d’histoire et de
géographie. En 1975 une section autonome fut accordée à chacune des deux disciplines,
puis un département en 1978 au sein de la toute nouvelle Faculté des Lettres, Arts et
Sciences Humaines (FLASH).
J. Rivalain, une Française alors en mission de coopération, enseignait au DELL quelques notions élémentaires d’archéologie quand, respectivement en décembre 1975
et novembre 1977, son compatriote, le Professeur Jean Dévisse de l’Université de
Paris I, arriva pour effectuer deux missions d’enseignement. Ce double séjour
d’enseignement a servi à lancer les idées clés de la création d’un cadre formel
d’enseignement et de recherche en archéologie. Le résultat fut la création conjointe
du Département d’Histoire et d’Archéologie (DHA) et de l’Equipe de recherche
archéologique béninoise (ERAB) en 1978.
De 1978 à 2008, l’enseignement et la recherche en archéologie ont été assurés par
389
Enseignement et recherche en archéologie en l’absence de laboratoire a l’UAC : bilan et perspectives
des nationaux qualifiés, mais malheureusement en l’absence de laboratoire et de site
de chantier-école institutionnalisés et fonctionnels en permanence. Après trente années
d’une telle expérience, les stratégies d’adaptation des spécialistes ont atteint le seuil
limite de toute efficience raisonnable. Un bilan sommaire en est fait ici et maintenant,
en mettant en relief les exigences et les perspectives d’une fonctionnalité normative,
garante et régulatrice d’un enseignement plus professionnalisé et d’activités de
recherches interdisciplinaires et interinstitutionnelles.
C’est par double devoir professionnel et moral qu’est prise la décision d’engager une
réflexion interactive sur ce bilan avec les protagonistes majeurs que sont les
enseignants, les étudiants et les responsables didactiques et institutionnels, dans le
cadre élargi du deuxième colloque international de l’Université d’Abomey-Calavi tenu
en mai 2009 sur un thème aussi circonstancié que celui de : « Contribution des laboratoires de recherche universitaire à la formation des compétences et au développement technologique, socioéconomique et culturel des nations ».
1.2. Justification théorique et méthodologique
Pour prendre la mesure de la pertinence du thème du colloque, il suffit de se rappeler
que le terme français « laboratoire » porte et traduit d’abord ses racines latines avec le
mot laboratorium et le verbe laborare (i.e « travailler »), pour finir par prendre le sens
usuel actuel de lieu ou d’espace construit et spécialement aménagé et équipé pour
faire des analyses et des expériences techniques et réaliser des recherches scientifiques.
L’importance scientifique, stratégique, géopolitique ou économique du laboratoire
est ainsi déterminée par l’objet de ses travaux et la portée des résultats obtenus, mais
aussi par la célébrité des animateurs.
Les exemples d’illustration et de comparaison seraient innombrables. Les Prix Nobel
scientifiques constituent la cotation emblématique par excellence, suivis d’autres bases
référentielles dont le « Web of Science of Thomson Scientific » (Philadalphie, USA).
L’échelle de cotation et d’impact est alors d’une hiérarchisation sans appel comme en
témoignent les quelques cas comparatifs suivants : (i) le laboratoire de bactériologievirologie de la Faculté des Sciences de la Santé de l’UAC (FSS/UAC) et celui de l’Institut
Pasteur de Paris ; (ii) le laboratoire de physique mathématique et théorique de la
Faculté des Sciences et Techniques de l’UAC (FAST/UAC) ou celui de recherche en
physique théorique de l’Institut de Mathématiques et Sciences Physiques (IMSP/UAC)
et les laboratoires de même objet à la NASA aux USA et/ou à l’Agence spatiale
européenne.
De toute façon, quels que soient son objet, son envergure et son impact, le laboratoire
est devenu de nos jours le cadre par excellence de formation et de recherche scientifiques au double plan théorique et pratique. Il constitue le cadre d’épanouissement de
l’émulation, de la passion, de la compétition, des polémiques et même des « guerres
» scientifiques (Kevles, 1988 ; Nouvel, 2000). Il en est ainsi parce que le nécessaire et
390
OBARÈ B. BAGODO
plus grand affinement de la spécialisation et de l’expertise scientifiques impose sans
cesse l’association et la complémentarité des compétences par et pour des démarches
interdisciplinaires et transdisciplinaires (Unesco, 1983 ; 2000 ; Morin et al., 1999).
Du fait de la complexité grandissante des objets de la connaissance et des domaines
de spécialisation, il est de plus en plus admis que le défi scientifique majeur à relever
au XXI siècle est celui de pouvoir « relier les connaissances » (Morin et al, 1999). La
conférence mondiale sur les enjeux, les défis et les perspectives de la science au XXI
siècle, co-organisée par l’Unesco et le Conseil international pour la science (ICSU) à
Budapest en juin 1999, a partagé une telle vision en insistant sur les nouvelles
responsabilités épistémologiques, morales, sociales, économiques et
environnementales (Unesco, 2000).
Le thème du deuxième colloque international de l’UAC (2009) référencé supra et
auquel est partie prenante la réflexion en cours ici, rejoint ainsi les motivations et
finalités de cette conférence de Budapest. Le thème présente aussi le deuxième
avantage comparatif d’être en adéquation avec la politique d’organisation de la formation et de l’enseignement qui prévaut à l’UAC comme d’ailleurs dans toutes les universités d’Afrique et du monde. A l’UAC comme partout ailleurs, le laboratoire demeure
l’unité de base institutionnelle où se structurent la formation et la recherche. Ainsi
s’expliquent, dans le cas précis de l’UAC, le grand nombre et la grande spécialisation
des laboratoires par entité. En effet, il en est fait mention officiellement, de quatre à
l’EPAC, quinze à la FAST, six à la FLASH, dix à la FSA, vingt-huit à la FSS etc. (Adjovi et
Sinsin, 2009 : 10-14).
Sur les six laboratoires signalés pour la FLASH (Adjovi et Sinsin, 2009 : 11), la géographie
en compte deux ; mais deux autres sont omis, l’un focalisé sur la biogéographie et
l’expertise environnementale, l’autre sur la cartographie. En histoire et en archéologie, il
n’existe pas encore un seul laboratoire. Pourtant, tout comme en géographie,
l’enseignement et la formation en archéologie ont, outre les amphithéâtres, pour
cadres incontournables le laboratoire et le terrain, lieux appropriés des travaux dirigés/pratiques.
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2. Faits et portée des trente années d’expériences : 1978-2008
2.1. Sens de la création de la filière archéologique en 1978
En 1978, lors de la mise en place des départements de la FLASH, il y avait la possibilité
de créer un département d’histoire sans obligation impérative d’une dénomination
mettant en relief ou en parité la discipline archéologique. La pratique des dénominations
éclipsant l’archéologie est très courante dans les institutions universitaires d’Afrique et
d’Europe où l’archéologie est conçue et enseignée comme une sous-discipline de
l’histoire. Aux USA par contre, l’archéologie est une sous-discipline anthropologique.
Dans ces deux cas distincts, il est rare que l’archéologie apparaisse explicitement dans
les dénominations des structures d’enseignement de l’histoire ou de l’anthropologie.
391
Enseignement et recherche en archéologie en l’absence de laboratoire a l’UAC bilan et perspectives
Les débats et les choix à ce sujet sont faits depuis la fin des années 1960, mais des
questionnements n’ont cessé de persister (Redman et al., 1983 ; Courbin, 1982 ;
Trigger, 1994 ; Hodder, Shanks et al., 1995 ; Renfew and Bahn, 1996).
La dénomination de Département d’Histoire et d’Archéologie (DHA) en 1978 ne fut
donc pas adoptée par hasard, d’autant qu’elle fut appuyée de la création concomitante
d’une équipe ayant pour mission d’asseoir et d’animer la filière archéologique. L’Equipe
de recherche archéologique béninoise (ERAB) fut intégrée dès sa création au cadre
institutionnel du DHA. L’acte fut ainsi posé dans une logique volontariste et virtuellement
programmatique. L’intention était donc méritoire.
Mais la bonne intention somme toute méritoire ne saurait être suffisante pour garantir,
de jure et/ou de facto, une vision stratégique et des actions tactiques proactives dans
des circonstances souvent imprévues ou inattendues. Déjà en 1978, ou tout au plus
jusqu’en 1980, une véritable vision stratégique proactive commanderait de doter l’ERAB
de statuts réglementaires, d’abord pour ses débuts de fonctionnement, ensuite en
vue de la création du premier moyen incontournable de fonctionnalité que reste le
laboratoire. L’ERAB créée sans textes de base s’engagea dans une existence sans
fondement juridique ni cadrage fonctionnel.
Après une sorte de délai de grâce dont il était d’ailleurs bien possible de faire économie,
le renforcement numérique et qualitatif des compétences humaines de l’équipe à
partir du milieu des années 1980 requérait de régulariser son existence juridique et
fonctionnelle. La plénitude et l’efficience de cette existence juridique et fonctionnelle
restent bien entendu conditionnelles sans la création institutionnelle d’un laboratoire
équipé et d’un site chantier-école permanent. Cette double condition sine qua non est
restée non satisfaite sur trois décennies jusqu’en 2008.
2.2. Portée des trois décennies d’enseignement et de recherche
sans laboratoire : 1978- 2008
La ligne argumentaire suivie jusqu’ici montre clairement que l’expérience de trois
décennies d’enseignement et de formation en archéologie à l’UAC (1978-2008) est,
non seulement un paradoxe, mais aussi et surtout une anomalie de plus en plus vécue
avec malaise par les différents acteurs. C’est le lieu et le moment d’essayer d’apporter
un témoignage personnel pour comprendre et expliquer la perduration de l’anomalie.
De 1978 à 2008, au campus d’Abomey-Calavi, l’enseignement et la recherche en
archéologie ont été assurés en l’absence de laboratoire et de site de chantier-école
institutionnellement établis. Une telle situation a été vécue inconfortablement par les
spécialistes en charge de cette filière de formation, de même que par les étudiants qui
en ont fait l’option. Parallèlement aux récurrents projets soumis à la tutelle administrative,
les enseignants-chercheurs assurant cette formation ont dû mettre en œuvre des
stratégies d’adaptation dont les plus significatives sont brièvement exposées dans les
paragraphes suivants.
La première stratégie n’est nullement imposée par l’absence de laboratoire. Il s’agit de
l’adoption d’un programme permanent de formation interdisciplinaire et
interinstitutionnelle pour les étudiants en option d’archéologie. A partir de la troisième
392
OBARÈ B. BAGODO
année jusqu’à la soutenance des mémoires de maîtrise, ils reçoivent des cours d’initiation :
(i) à la linguistique et à l’anthropologie culturelle assurés par des spécialistes de la
FLASH, (ii) et à la géologie sédimentaire du Quaternaire et à la botanique dans des
laboratoires de spécialistes de la FAST. Ils y font l’apprentissage de travaux dirigés et
pratiques complémentaires de leur formation en archéologie.
Cette première stratégie fut renforcée par une politique partenariale et sous-régionale
de formation doctorale en jouant sur les atouts de profils académiques adéquats
d’encadrement et/ou de logistique performante (laboratoires équipés) dans les
universités voisines d’Ibadan et de Lomé. Une thèse d’archéologie préhistorique a pu
être ainsi soutenue à Ibadan en 2004 à la suite de celle de palynologie à Lomé en
2002. Cette politique de formation a également joué sur l’impulsion et la facilitation
synergiques de l’Association Ouest-Africaine d’Archéologie (AOAA) dans la création
au profit des étudiants francophones d’une filière sous-régionale d’archéologie à
l’Ecole Doctorale (UFR/SS) de l’Université de Ouagadougou. Cette initiative heureuse
de l’OAA été formulée dans l’une des résolutions de son V colloque tenu à Ouagadougou en 1992 et reprise dans une autre résolution du VII colloque tenu à Djenné (Mali) en 1999.
La formation en DEA d’archéologie des étudiants du DHA/UAC a pu ainsi commencer
en 1999/2000 dans le laboratoire d’archéologie de Ouagadougou, aboutissant à la
soutenance en 2009 de l’une des deux premières thèses inscrites. Entretemps, six
étudiants en année de maîtrise au DHA/UAC ont été accueillis par le laboratoire d’archéologie de Ouagadougou en 2004 et 2006 sur son site de chantier-école sis à
Wargoanda (Burkina Faso), grâce à l’appui financier de l’Association des Universités
Francophones (AUF). Comme il est de pratique en toute opportunité dépendante d’un
financement externe et non pérenne, la suspension de l’aide de l’AUF a mis un terme
à cette expérience de formation pratique en coopération interuniversitaire
sous-régionale pourtant bénéfique pour les étudiants du DHA/UAC.
La deuxième stratégie est une adaptation en vue d’atténuer les effets négatifs de
l’absence de laboratoire institutionnel sur le campus de l’UAC. Elle a consisté à négocier
et à obtenir un local au Musée Ethnographique A. S. Adandé (Porto Novo), pour en
faire un atelier de travaux pratiques pour les étudiants en phase de finalisation de leurs
mémoires de maîtrise, pour des visites guidées des autres étudiants de la filière, et
aussi pour servir de lieu de sécurisation et d’études de quelques produits d’investigations de terrain. Cette disposition adaptative initialement conçue pour être de courte
durée continue de perdurer, avec tous les désavantages de la délocalisation et de
l’éloignement par rapport à la structure utilisatrice, et en même temps les inconvénients
d’encombrement de la structure d’accueil.
La troisième stratégie est adaptative aussi et a consisté, notamment dans la double
décennie de 1985 à 2005, à tirer le meilleur parti des privilèges de la structure
d’accueil d’étudiants en thèse envoyés par des universités européennes et étasuniennes
pour faire leurs recherches de terrain sur des sites témoins de la traite négrière
transatlantique tels que Savi, Glehue (Ouidah) et Agbomê (Abomey). Il y a eu aussi des
accords de coopération pour la coordination et la conduite conjointes d’un programme
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393
Enseignement et recherche en archéologie en l’absence de laboratoire a l’UAC bilan et perspectives
de recherche archéologique avec l’Université J. W. Goethe de Frankfurt am Mein dans
la région montagneuse de l’Atakora entre 1996 et 1999, puis un projet d’archéologie
de sauvetage et d’aménagement des structures architecturales souterraines du
secteur d’Agongouinto à Gbohikon (Bohicon) avec le Département d’Archéologie de
l’Université de Copenhague entre 1998 et 2005.
Dans chacun des cas de coopération, il y a eu des opportunités de formation pratique
complémentaire pour les étudiants en années de licence et maîtrise au DHA/UAC,
notamment en nouvelles méthodes et techniques de recherche archéologique
appliquées au système de positionnement universel (GPS en sigle anglais) et au
système d’information géographique (SIG). Notre coopération avec Frankfurt eut un
effet induit spécial en formation diplômante. Inscrite dans un programme pluridisciplinaire et interinstitutionnel élargi, elle a permis la formation d’une palynologue à la
FAST/UAC et la soutenance de sa thèse en 2002 à Lomé. Elle a en outre lancé la
formation de terrain d’un archéologue pour notre département et dont la soutenance
de la thèse en 2009 à Ouagadougou est déjà mentionnée supra.
Il y a eu enfin la stratégie adaptative de dépôts des produits bruts des fouilles ou
sondages dans les réserves des musées d’Abomey, de Natitingou et de Ouidah. Leur
transfert partiel ou intégral, provisoire ou permanent sur le campus d’Abomey-Calavi
fut et reste toujours handicapé par l’absence d’un laboratoire approprié et équipé pour
des travaux dirigés ou pratiques de formation et de spécialisation, tout comme pour
l’exécution des dessins illustratifs de rapports finaux et de publication des études dont
ces produits bruts restent les matériaux de base.
3. Enjeux de la création d’un laboratoire d’archéologie : exigences
et perspectives
3.1. Exigences pour une normalité didactique et institutionnelle
En règle générale, tout système organisationnel – qu’il soit institutionnel ou associatif
– se dote à sa naissance de statuts et d’un règlement intérieur à la fois garants et
régulateurs de sa légalité et de son fonctionnement. Un tel dispositif a fait défaut à
l’ERAB sur une trentaine d’années et son fonctionnement administratif, scientifique et
logistique s’en est trouvé affecté négativement. Il y a certes eu des actions louables et
parfois très besogneuses dont le lancement des Cahiers des archives du sol, n°1 (1986-1987).
Cette publication faite en prélude à la célébration du dixième anniversaire de la création
de l’équipe en 1988 n’a plu eu de suite jusqu’à nos jours.
Un tel mode de fonctionnement a fini par donner aux acteurs et aux observateurs
l’impression d’un pilotage à vue, dans un rythme de tâtonnement et de piétinement
sur place. Des moments de dysfonctionnement ont été parfois de la partie. Des occasions
de frustrations et d’incompréhensions mutuelles ont également eu cours par rapport
394
OBARÈ B. BAGODO
à ce qui est ressenti par les uns comme une insuffisance de concertation et par les
autres comme des actions d’exclusion dans la gestion des activités de l’équipe et des
« rentes » des quelques rares projets.
Par rapport à ces différentes insuffisances fonctionnelles, l’absence d’un laboratoire
équipé et d’un chantier-école permanent s’est révélée être le handicap le plus
pénalisant, aussi bien pour la mise en confiance et la motivation des apprenants et
l’épanouissement des enseignants que pour le développement et le rayonnement de
la filière archéologique aux niveaux concentriques du DHA, de la FLASH, de l’UAC, du
pays et de l’extérieur. Ce handicap majeur aggrave sans doute le manque d’engouement
des étudiants pour la filière archéologique et la faible proportion numérique des
mémoires de maîtrise soutenus.
Le signal fort de l’acuité du handicap fut donné en septembre 2008 lorsque la
présence préalable d’un laboratoire institutionnel au DHA apparut comme la garantie
minimale et rassurante pour répondre en toute responsabilité à l’offre de l’Ambassade
royale du Danemark à Cotonou pour une relance institutionnalisée de la coopération
partenariale entre notre DHA et la structure équivalente de l’Université de Copenhague.
Pour faire face à ce défi ponctuel reçu comme une onde de choc et à d’autres alors en
attente, la direction du DHA a organisé, au titre de la rentrée académique 2008/09, un
débat sur le bilan et les perspectives des filières d’archéologie et d’histoire de l’art.
Parmi les conclusions significatives, l’une est allée dans le sens de la nécessité de
création immédiate d’un laboratoire d’archéologie au moins ou d’archéologie et d’art
au mieux. Le débat ainsi lancé se poursuit pour que, d’une part les actions de volontarisme et les stratégies de captation erratique des opportunités de pratique de terrain
et de « rentes », d’autre part les choix occasionnels de léthargie résignée, cèdent
désormais place à une normalité fonctionnelle et pérenne au double plan didactique
et institutionnel.
3.2. Atouts et perspectives pour un enseignement et une recherche
plus professionnels
La fonctionnalité didactique et institutionnelle pour être normale et efficiente au sein
de l’ERAB et par extension au sein du DHA, doit satisfaire les deux exigences urgentes
de création d’un laboratoire d’archéologie (et d’art ?) et de mise en place d’un
chantier-école pérenne à coût supportable durablement. Le lancement des deux
actions est possible au cours de l’année académique 2009/10.
La création d’un laboratoire d’archéologie (et d’art, si possible) constitue en effet le
premier atout majeur pour un fonctionnement réglementaire de l’ERAB et un
enseignement et une recherche plus professionnels au sein du DHA. Ce nouveau type
de fonctionnement requiert d’amont en aval une politique adéquate de mobilisation
de fonds, d’équipement logistique et de consolidation des compétences professionnelles.
Sa mise en œuvre s’appuiera aussi sur le maintien et le renforcement plus efficient du
partenariat didactique et scientifique, d’une part avec les laboratoires de cartographie
et de géographie physique et celui d’études linguistiques à la FLASH, d’autre part avec
395
Enseignement et recherche en archéologie en l’absence de laboratoire a l’UAC bilan et perspectives
les laboratoires en charge de la géologie quaternaire, de la botanique /écologie végétale
et de la génétique à la FAST.
La mise en place expérimentale d’un chantier-école, de coût et de proximité rentables est immédiatement possible dans l’enceinte du Collège d’Enseignement Général
I (CEG I) d’Abomey-Calavi sur la portion résiduelle du site de l’agglomération conquise
par le roi Agaja d’Agbomê au début du XVIII siècle. L’administration du collège y est
favorable et attend une démarche formalisée en sa direction. Sur cette portion de site
se trouvent, en contexte stratigraphique de plus en plus mis à mal par l’érosion
différentielle, des vestiges céramiques dont notamment une relique de pavement de
sol d’habitat.
Par ailleurs, la création du laboratoire permettra sur la longue durée à l’ERAB en charge
de la filière archéologique au sein du DHA, de conformer sa fonctionnalité avec celle
en vigueur au plan global de l’UAC. Cette mise en conformité présente l’avantage
comparatif de faire bénéficier de soutiens financier et logistique renouvelables dans la
continuité. Le laboratoire facilitera en outre le règlement définitif du lieu d’implantation
du chantier-école permanent pour la formation adéquate des étudiants à coûts
supportables et indexés sur les ressources disponibles ou mobilisables. Le laboratoire
permettra en sus d’établir des partenariats sous-régionaux et internationaux
plus réglementaires et plus porteurs en crédibilité et en respectabilité. Enfin, la
synergie régulée de la fonctionnalité aux plans de la bonne gestion administrative et
financière, de l’enseignement et de la recherche, constituera un levain de stimulation/
motivation des apprenants pour le métier d’archéologue et d’émulation scientifique
et professionnelle dans les rangs de leurs formateurs.
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Conclusion
Le bilan sommaire qui vient d’être fait vise à mettre en relief les exigences et les
perspectives d’une fonctionnalité normative, garante et régulatrice d’un enseignement plus professionnalisé et d’activités de recherches interdisciplinaires et
interinstitutionnelles au profit de la filière archéologique pilotée par l’ERAB au sein du
DHA de la FLASH/UAC.
Pour faire ce bilan sommaire, l’auteur de la présente réflexion s’est trouvé dans un
dilemme, celui d’être à la fois acteur et évaluateur. Dans cette position d’inconfort
intellectuel et professionnel, l’effort est fait de n’être point un juge d’audience qui
condamne ou innocente, ni un avocat qui défend une position de clientèle, encore
moins un arbitre qui applique des sanctions.
La réflexion ainsi menée a abouti à la nécessité impérieuse de mettre en place un
laboratoire et un chantier-école institutionnels et pérennes dès le début de l’année
académique 2009/10, l’un et l’autre étant des outils stratégiques et incontournables
d’enseignement et de recherche dans toute structure académique de formation en
archéologie.
La réflexion a pris fin sur une note d’optimisme et d’espérance mesurés, en projetant
en double séquence immédiate et lointaine la gestion de la filière archéologique du
DHA dans une normalité fonctionnelle plus performante et plus crédible pour un
rayonnement plus grand aussi bien au plan national qu’international.
396
OBARÈ B. BAGODO
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Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences Cultures et Technologies, Histoire et Sociologies: P. 399 - 409, 2009
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changement social et commerce informel d’essence ‘’kpayo’’au benin : cas de la commune d’abomey-calavi
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GOUDA SOUAÏBOU KPOLEDJI MAXENCE
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Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences Cultures et Technologies, Histoire et Sociologies: P. 410 - 426, 2009
Egalite naturelle homme / femme et égalité
Perte de la féminité chez Sénèque
Paulin Hounsounon-Tolin
Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines
Université d’Abomey-Calavi
[email protected] Rép. du Bénin
Résumé
Une certaine tradition littéraire chrétienne fait de la Patientia une forme de Virtus
accessible aux femmes. Or la théorie stoïcienne de l’égalité des fautes soutient qu’un
vice implique nécessairement tous les autres, l’écartement de la voie de la sagesse.
De même, la pratique d’une vertu entraîne à sa suite toutes les autres. C’est l’intention
ferme qui rend sage. Si donc la Patientia est accessible aux femmes, les autres vertus
leur seraient également accessibles. Mieux encore, la Patientia, selon les mêmes
Stoïciens, est le seul domaine où l’homme peut espérer être supérieur aux dieux. En
effet, si ceux-ci sont patients, c’est par leur nature. Ils ne se sont donné aucune peine
avant de l’être. Mais l’homme, lui, doit le peu de patience dont il dispose à un rude
apprentissage. Or la sagesse acquise est supérieure à la sagesse innée. Il convient
donc de comprendre que la faiblesse du sexe féminin ne peut relever que de l’ordre
physique et ne constituerait nullement un handicap pour le combat de l’existence
humaine. Car toute disgrâce de la nature peut se racheter, par ailleurs, par la beauté de
l’âme, la vie vertueuse selon Sénèque. Même confinée donc au rôle de mère et
d’épouse, la femme peut faire preuve de courage, donc de vertu. L’excuse de la
faiblesse du sexe féminin est récusée par Sénèque. La femme peut naturellement
accéder à toutes les vertus au même titre que l’homme. Par contre, vouloir égaler
celui-ci en incommodités, considérées autrefois comme propres à la gent masculine,
peut entraîner la perte de sa féminité et celle des privilèges propres à sa nature de
femme. Il apparaît donc intellectuellement convenable qu’on se saisisse de la conception
de l’égalité des vertus afin de pouvoir faire le rapprochement possible entre la Patientia
et la Pudicitia pour montrer comment la pudeur traditionnelle de la femme peut bien
constituer un facteur capable d’induire le respect de la femme moderne.
Mots clés : Egalité, disgrâce de la nature, faiblesse du sexe féminin, incommodités
propres à la gent masculine, Patientia, Pudeur traditionnelle de la femme, respect de
la femme, virtus.
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Egalite naturelle homme / femme et égalité Perte de la féminité chez Sénèque
INTRODUCTION
‘’… Il n’est pas surprenant qu’une femme complice de la
mort de son premier mari ait eu assez d’artifice pour faire
donner l’héritage au fruit de son adultère, et pour faire
déshériter le fils légitime, qui de plus était l’aîné ‘’1
Voltaire, Salomon in Dictionnaire philosophique, Edition de
Etiemble, Paris, Garnier Frères, 1967, p. 576.
1
Nous avons consacré un bon nombre de nos écrits à la bonne représentation des realia
du continent noir. En d’autres termes, nous nous intéressons à la rhétorique convenable à la question de l’Identité de l’Afrique noire. Une lecture attentive de ces articles
montrera clairement que notre souci majeur, que ce soit à propos du postulat d’une
épistémologie propre au continent noir et la nécessité du devoir épistémologique
universel, ou au sujet de la singularité de l’Afrique à travers la question ‘’Les difficultés
rencontrées par l’Evangélisation en Afrique sont-elles différentes de celles qu’elle a
déjà connues au cours de son histoire ?’’ ou encore à propos de la sauvegarde de
l’Identité africaine face à la mondialisation comme une question de rhétorique et de
cannibalisme culturel ainsi qu’au sujet de la Négritude et de l’Orphée noir comme
oubli de la loi universelle du cannibalisme cultuel et comme ignorance de l’identité
culturelle comme rapport à l’autre 2etc., est d’indiquer l’existence d’autres pistes de
réflexion que les intellectuels africains ne prennent pas toujours en compte.
Nous nous intéressons ici à la question de l’Egalité de la femme par rapport à l’homme.
C’est une question d’actualité et très galvaudée. Et comme d’habitude, on en parle
comme si c’est la première fois qu’on l’aborde dans l’histoire de l’humanité. Mais en
fait, il s’agit d’une question qui ne devrait pas se poser d’après les Stoïciens. Sinon pas
en ces termes du moins. La quête de l’Egalité Homme / Femme conduit, depuis la plus
haute Antiquité gréco-romaine, à un curieux paradoxe qui a attiré l’attention du
philosophe latin Sénèque. Il en parle en des termes pathétiques dans sa quête du
moralement correct et dans sa condamnation itérative de notre vie à l’instar de celle
des autres et qui est se faire guider par la foule et non par la raison, non par la nature,
mais plutôt par le contre-pied de celle-ci. C’est ainsi qu’en récusant l’excuse du sexe
faible, il attire l’attention des dames de l’aristocratie romaine, des dames du’’ Populus
romanus’’, sur comment en voulant faire l’homme, en voulant égaler celui en
incommodités considérées comme typiquement propres à ‘’la gent masculine’’, elles
en arrivent à perdre leur féminité et ipso facto les privilèges propres à la gent féminine.
Nos axes de réflexion seront, entre autres, l’égalité des vertus à partir de la patientia
1
1
Le roi Salomon, fils et successeur du roi David des Hébreux, est issu d’adultère suivi de l’assassinat du premier mari de sa mère Bethsabée, Urie.
L’histoire offre un réel parallélisme avec le mariage, frisant l’inceste, d’Agrippine avec Claude et qui donna naissance à l’Empereur Néron. Ce
dernier parvient à hériter du trône des Césars à la suite de l’assassinat de Claude et du fils héritier Britannicus, par
sa mère Agrippine
2
Voici en termes approximatifs les titres de quelques-uns de nos publications relatives à la rhétorique des realia du continent noir.
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les ruses de
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comme une vertu accessible aux femmes pour montrer que la pratique d’une vertu
implique nécessairement toutes les autres. Ce point de vue sera suivi de la question
de l’Egalité naturelle Homme / Femme et des exemples de femmes ayant démenti la
faiblesse du sexe féminin. Ensuite, nous verrons comment le brouillage des rôles et de
l’identité de la femme au temps de Sénèque a conduit à la perte de la féminité avec
des conséquences d’ordre médical. Nous terminerons enfin par la perte, par les femmes,
de leur droit d’héritage et de vote à Rome et à Athènes. Et cette dernière perte est liée
au problème de leur surnombre que nous considérerons également.
I. DE LA FAIBLESSE DU SEXE FEMININ
1.1. Patientia comme la vertu accessible aux femmes dans la Consolation à
Grégoria d’Arnobe le jeune
La question de l’Egalité Homme/ Femme ne date pas de nos jours. Elle remonte à la
plus haute Antiquité. On en trouve les échos chez Sénèque le Philosophe. Mais avant
d’en venir à celui-ci, dont la position sur la question constitue l’angle de lecture et
d’analyse essentiel de notre propos, jetons d’abord un coup d’œil sur l’ouvrage ‘’Consolation à Grégoria’’ et qui donne une vue d’ensemble sur la question au Ve siècle de
notre ère.
C’est en fait un opuscule que l’on s’accorde à attribuer à Arnobe le Jeune et qui est
pour nous non vidi. Il a été réédité par Dom G. MORIN dans Etudes, textes, découvertes
dans Anecdocta Maredsolona, II série, t.1, 1913, pp. 310-339. Le texte lui-même
occupe les pages 383-339. Les pages 310-382 contiennent une étude consacrée à
Arnobe le Jeune et destinée à justifier, par de nombreux parallèles textuels, l’attribution
à Arnobe d’une œuvre qu’on a longtemps cru être de Jean Chrysostome.
Nous avons eu accès à ce texte par le biais de l’article ‘’Une forme de la virtus accessible
aux femmes’’ par Pierre Monat. ‘’La Patientia dans la ‘’Consolation à Grégoria d’Arnobe
le Jeune3’’. 4A l’époque d’Arnobe le Jeune, une femme considérée comme ayant atteint la vertu était celle-là qui a su s’élever au-dessus de son sexe. En d’autres termes,
c’est celle qui s’est virilisée en quelque sorte. Ce fut dans les dures épreuves des
persécutions, qu’il s’est avéré dans les communautés chrétiennes la capacité des femmes de pratiquer les vertus de la Patientia jusqu’à l’héroïsme pour égaler, dans les
tourments, la virtus des hommes. Mais cela s’appelait s’élever au-dessus du sexe. Et
quand la paix religieuse fut solidement établie et entraînant avec elle la disparition des
occasions héroïques, la Patientia clé des vertus, était redevenue inaccessible aux
femmes, sauf à celles qui avaient opté pour la vie monastique et à celles qui, se
trouvant confrontées à la dure épreuve du veuvage, l’affrontent avec fermeté et
1
2
3
In Valeurs dans le Stoïcisme. Du Portique à nos jours. Mélanges en l’honneur de M. le Doyen Spanneut, Lille, Presses Universitaires de Lille, 1993,
304 p., pp. 305-311.
4
C’est la disposition typographique adoptée par l’éditeur pour la présentation du titre de l’article de Pierre Monat que nous analysons ici.
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Egalite naturelle homme / femme et égalité Perte de la féminité chez Sénèque
dignité5. Et la femme est retournée ainsi à son domaine favori, sinon propre de vertu,
le domaine de la Pudicitia, de la pudeur. Nous voulons mener notre propos à partir de
deux constats de l’analyse de Pierre Monat : Patientia clé des vertus6 et Pudicitia
comme vertu propre aux femmes.
En nous plaçant dans la logique stoïcienne de l’égalité des vertus, si la Pudicitia est une
vertu accessible aux femmes, les autres vertus leur seraient également accessibles.
Pour les mêmes Stoïciens, la Patientia, la clé des vertus demeure le seul domaine où
l’homme peut espérer dépasser les dieux immortels d’une part, et d’autre part, la
vertu est une façon d’être de l’âme. Si donc la femme peut la pratiquer aux moments
d’agressivité, pourquoi lui dénier cette force de sa partie hégémonique aux moments
de la fortune heureuse7. Un autre aspect de la Pudicitia reste à souligner. Une femme
qui s’acquitte bien de son rôle de mère, avec la pudeur propre aux femmes, n’a rien à
envier aux hommes en matière de la conquête de la sagesse, de la vie heureuse et de
la concorde sociale. Car la part de la pudeur dans la définition des caractères
typiquement féminins est considérable. Mais commençons d’abord par des exemples
de femmes ayant démenti la faiblesse du sexe féminin.
3
4
1
5
Pierre Monat, Op. cit. p. 106.
Voir la théorie stoïcienne de la concaténation des vertus in Les Stoïciens. Passion et vertus. Fragments, Traduction de Pierre Maréchaux, Paris,
Editions Payot et Rivage, 2003, 216 p., p. 21 (Préface).
7
Et par ailleurs toute disgrâce physique peut se racheter par la beauté de l’âme, la vie vertueuse. Voir à ce sujet notre article ‘’Vertu éthique de la
propriété réflexive du miroir chez Sénèque’’, in Les Annales de la FLASH, N° 11, Cotonou, décembre 2005.
6
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1.2. Marcia et Helvia comme démenties de la faiblesse du sexe
féminin
La faiblesse du sexe féminin comme excuse, surtout dans la quête de la vie heureuse,
de l’amitié avec soi-même, a été formellement récusée par Sénèque. La question de
la faiblesse du sexe féminin comme motif d’excuse a été clairement posée par
Sénèque dans deux Consolations : Consolation à Marcia et Consolation à Helvia ma
mère. Dans la seconde, on peut lire :
‘’Ne cherche pas à t’excuser sur la faiblesse de ton sexe. On lui accorde
presque unanimement le droit immodéré, mais non illimité, de s’adonner aux
larmes. Et si nos ancêtres, voulant par un décret solennel composer avec la douleur
obstinée des femmes, leur ont accordé neuf mois pour pleurer leurs époux, ce
n’était pas leur interdire le deuil, mais y mettre un terme8.’’
2
Avant ce passage, nous pouvons lire : ‘’Ton courage depuis ton entrée dans la vie t’oblige
à une autre conduite. Comment une femme pourrait-elle s’excuser sur son sexe, quand
elle n’est jamais tombée dans aucun des travers de ce siècle.’’9
Le philosophe veut dire, par ce texte, qu’une femme qui a su échapper aux travers de
son siècle, a déjà, par sa volonté et son courage mêmes atteint la dignité de l’Homme
et ipso facto ne peut plus prétexter de la faiblesse de son sexe à propos de quoi que ce
soit dans le combat de l’existence humaine. Helvia a su échapper à la contagion de
l’exemple, de la vie à l’instar de celle des autres et de l’emprunt des chemins les plus foulés
qui conduisent toujours au contre-pied de la nature et à des contradictions générales.
Dans la Consolation à Marcia, nous lisons : ‘’… je vais te mettre sous les yeux deux exemples illustres, que m’offrent ton sexe et ton siècle10’’11.
Sénèque veut dire par-là qu’il adapte ses exemples au sexe de Marcia.
3
’
5
8
Ad Helviam matrem de consolation, XVI, 3.
Ibid., p. XVI, 2.
Ce propos qui explique le motif des exemples choisis à la consolation de Marcia fait suite à ‘’Je sais qu’il est d’usage, lorsqu’on admoneste
quelqu’un, de commencer par les préceptes et de finir par les exemples. Mais il est bon parfois de changer de méthode. Car les moyens à employer varient
selon les esprits : les uns cèdent à la raison ; à d’autres il faut alléguer de grands noms, dont l’autorité les enchaînent’’. Ce passage rappelle un autre
aspect très pédagogique du souci de la création d’une langue philosophique et militante, en vue de l’éducation du genre humain, chez Sénèque :
Argumentation pédagogique selon les circonstances. Ce passage, et sans doute comme certains d’autres qui justifient bien ce souci permanent chez
Sénèque, nous a échappé lors de la rédaction de notre article à ce sujet ‘’ De l’argumentation pédagogique selon les circonstances chez Sénèque in Les
Annales de la FLASH, N° 12, Cotonou, 2008.
11
Sénèque, Entretiens. Lettres à Lucilius, Paris, Robert Laffont, 1995, CLXXXIV-1103 p., p. 11.
9
10
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Egalite naturelle homme / femme et égalité Perte de la féminité chez Sénèque
On peut gloser ici, sur le compte de Sénèque, que Marcia étant femme appartient
visiblement à ses yeux à une espèce vivante différente comme le fait remarquer Paul
Veyne, présentateur des œuvres de Sénèque publiées par Robert Laffont à la page 11,
note de bas de page N°2.12
La première phrase de la Consolation à Marcia, commence par ‘’Si je ne savais, Marcia,
que tu es aussi étrangère à la faiblesse d’âme de ton sexe qu’aux autres imperfections
humaines et que ton caractère a quelque chose d’antique qui le fait regarder comme un
modèle …’’. Au passage I, 5, nous lisons ‘’Cette grandeur d’âme qui est tienne me défendait de prendre en considération ton sexe …’’ Nous avons ici un autre exemple de femme
ayant démenti l’excuse de la faiblesse du sexe féminin. Mais il s’agit là de deux
parentes du philosophe : Helvia en question est sa mère et Marcia, sa tante. Qu’en
est-il exactement de la femme en général chez lui ? On sait que les Stoïciens ont
beaucoup contribué à supprimer nombre de préjugés d’ordre social et racial13. Ils ont
été les premiers à reconnaître que tous les hommes sont égaux et que la raison,
l’hégémonikon, la portion divine est égale en tout homme. La seule chose qui diffère
est l’usage que chacun en fait. Et pour R. Lafon :
‘’(…) Les Stoïciens ont ainsi essayé de supprimer nombre de préjugés, sur
les femmes, les esclaves, les étrangers et même sur les dieux. Il ne faut pas disentils considérer les étrangers comme ennemis (…) Aucune raisonreligieuse ne
s’oppose plus à ce qu’on voit dans tout homme un semblable, c’est-à-dire un être
formé des mêmes éléments, né pour les mêmes fins et qui participe à la même
raison que les autres. L’esprit de cité comme l’esprit de caste, n’est plus de mise.
Aussi dans la cité, humaine et divine qui se nomme le monde, nulle part on est seul
; partout on se sent chez soi (…) Cette doctrine de héros a exercé sur la société
antique, particulièrement à l’époque impériale, une puissante action (…) Nombre
de préceptes stoïciens sont passés alors dans les lois et dans les mœurs. A la faveur
du Stoïcisme, de larges idées de fraternité universelles se répandent ; les juristes
s’accoutument à regarder tous les hommes comme égaux en droit (…). Le Stoï
cisme a été donc un grand fait de civilisation.’’14
Quand on sait d’une part, la fidélité de Sénèque à l’ancien Stoïcisme, et d’autre part,
son rôle capital dans l’instauration du Stoïcisme impérial, le naturalisme avec lequel il
accepte l’Egalité naturelle Homme / Femme n’étonnerait plus personne :
1
2
1
12
13
14
Ibid., même page.
On peut lire Ludwig FEUERBACH, L’essence du christianisme, traduction de Jean-Pierre Osier, Paris, Gallimard, 1992, 528 p., pp. 422-423.
R. LAFON, Les Stoïciens, Paris, Editions Mellottée, 132 p., pp. 42-44.
415
PAULIN HOUNSOUNON-TOLIN
‘’ << C’est le lieu de rappeler la phrase de Calvus à Vatinius : ‘’ Vous
savez qu’il y eu brigue, et tous savent que vous le savez >>. Tu sais qu’il
faut pieusement cultiver l’amitié ; mais tu ne fais pas. Tu sais qu’il est
malhonnête d’exiger de sa femme la fidélité, quand on séduit soi-même
celles des autres. Tu sais que si elle ne doit pas avoir d’amant, tu ne dois
pas avoir de maîtresse ; et tu ne le fais pas. Aussi faut-il souvent te rafraîchir
la mémoire ; car ce ne doivent pas être des préceptes de réserve, mais
d’usage courant.’’15
Ailleurs, c’est-à-dire dans une autre Lettre adressée à ce même Lucilius, et dans
laquelle il est question de l’insuffisance des préceptes et de la nécessité des principes
généraux pour faire naître la vertu, il lâche la formule qui prouve que pour lui, même
dans le foyer, la femme doit jouir des mêmes droits que l’homme :
‘’… La plus grave injure à sa femme est d’avoir une maîtresse …16 ‘’
1
Comme les Stoïciens, Sénèque voit la femme comme une semblable, un être formé
des mêmes éléments et aussi bien douée que l’homme pour la pratique de la vertu et
de la fraternité universelle. Par contre, il manifeste ouvertement son dépit à l’égard
des femmes qui, en voulant égaler l’homme en incommodités, en arrivent à ébrécher
complètement la nature féminine particulièrement propre à pudicitia dont notre monde
d’aujourd’hui a tant besoin.
3.1. Pudeur et hypocrisie comme hommage à la vertu
‘’ L’ivresse allume chez l’homme et découvre tous les vices ; elle bannit
cette pudeur qui est un obstacle aux efforts des méchants ; car on
s’abstient de ce qui est défendu, plus souvent par la honte de mal faire
que par la volonté de faire bien. Quand le vin asservit la raison, tous les
vices cachés s’étalent. L’ivresse ne crée pas le vice, elle le traduit au
dehors : alors le sensuel n’attend même pas d’être dans sa chambre, il
donne sans retard à sa passion tout ce qu’elle exige ; alors l’impudique
avoue son mal et lepublie ; alors l’homme emporté ne sait plus retenir
ni sa langue, ni son bras ; alors croissent l’insolence de l’orgueilleux, la
cruauté du furieux, la méchanceté de l’envieux ; tous les vices sont
lâchés et s’étalent. Joignez que l’homme ivre ne se connaît plus…’’
Sénèque, Lettre à Lucilius, LXXXIII, 19-21.
Dans les Question naturelles, Sénèque accusant Hostius Quadra de faire un mésusage
de la propriété réflexive du miroir17, le présente comme quelqu’un qu’on ne peut plus
amener à la voie de la raison, de la sagesse. Car il ne lui reste plus le moindre brin de
pudeur sur lequel la cure philosophique pourrait agir. Et c’est en analysant la luxure de
ce débauché, complètement éhonté et pourri, que Sénèque formule toute l’importance de la pudeur dans la quête de la sagesse :
3
15
16
17
Lettre à Lucilius, XCIV.
Lettres à Lucilius, XCV.
Voir notre article :’’Vertu éthique de la propriété réflexive du miroir chez Sénèque’’, in Les Annales de la FLASH, N° 11, Cotonou, décembre 2005.
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Egalite naturelle homme / femme et égalité Perte de la féminité chez Sénèque
‘’Chez les prostituées on rencontre une certaine réserve ; leur corps est livré à la
lubricité publique, mais elles tendent un voile pour cacher leur misérable docilité ; le
lupanar lui-même montre une certaine pudeur (…) ‘’18
Toujours à propos du même Hostius Quadra :
«Va donc maintenant nous dire que c’est par coquetterie qu’on a
inventé les miroirs ! à quelles abominations se livrait ce monstre qu’il eût fallu condamner à se déchirer lui-même ! il avait fait disposer des miroirs dans tous les sens pour
assister lui-même à tous ses débordements ; et ce que la conscience humaine refoule
dans le secret du cœur, ce que tout accusé se refuse à avouer, il en souillait, non
seulement sa bouche, mais ses yeux. En général, le crime n’ose pas se donner à
lui-même en spectacle, et, même chez les êtres pervertis et déshonorés, les yeux
conservent une pudeur scrupuleuse... Qu’est-ce que cet homme pourri pouvait bien
garder à faire dans les ténèbres ? « (I, XVI).
La pudeur implique nécessairement un sentiment de retenue. Les soulignés du texte,
et qui le sont par nos soins, le montrent bien. Sénèque insiste sur la nécessité d’aider
quelqu’un à conserver le peu de pudeur qui lui reste dans la quête de l’amitié avec
soi-même :
«Peut-être que le vice dont tu te plains, si tu veux te secouer sérieusement, tu le
trouveras sur toi. C’est une injustice de t’emporter contre une faute commune. C’est
une sottise de t’emporter contre une faute qui est tienne ; Pour être pardonné, pardonne. Tu rendras un homme meilleur en le supportant, pire à coup sûr en le gourmandant ; il ne faut pas lui durcir le visage ; permet lui de conserver le peu de pudeur qui
lui reste. Souvent ce sentiment de retenue, qui n’est pas encore bien net, est anéanti
par un reproche trop brutalement formulé. On n’a pas peur d’être ce qu’on paraît déjà
; si l’on ’est pris en flagrant délit, adieu toute pudeur.19»
Les soulignés de ce texte, et qui le sont également par nos soins, nous présentent
la pudeur comme un véritable baromètre de la vertu. C’est pourquoi nous trouvons
magnifique la compréhension qu’a Henri-Irénée Marrou de l’hypocrisie à propos de la
politique romaine :
‘’ (…) Je ne prétends pas, bien entendu, que la politique romaine ait
toujours été si pure, mais enfin l’hypocrisie même est un hommage rendu à
l’idéal, à la vertu.’’20
2
Nous pensons donc que le propos d’Henri-Irénée Marrou cadre bien avec les points de
vue de Sénèque. Or le même Sénèque qui, à la suite des Stoïciens, constate l’Egalité
naturelle Homme / Femme, nous expose également comment en voulant égaler
l’homme en incommodités, la femme en arrive à perdre tout sens de la pudeur et ipso
facto toute féminité et ainsi que les privilèges propres à la nature féminine.
18
19
20
Questions naturelles, I, XVI.
Les Bienfaits, VII, XXVIII, 3.
Henri-Irénée MARROU, Histoire de l’éducation dans l’Antiquité. 2. Le Monde romain.
417
PAULIN HOUNSOUNON-TOLIN
3.2. Egalité perte de féminité et inconséquences
‘’ << S’il n’y avait pas d’injustice, on
ignorerait jusqu’au nom de la justice (éd. Diels,
B. 23) ; il faut savoir que la guerre est universelle,
que la justice est une lutte, et que tout arrive à
l’existence par la discorde et la nécessité (B. 80)
; pour Dieu, tout est beau, bon et juste ; les
hommes, au contraire, conçoivent certaines
choses injustes, d’autres comme justes >> (B.
102). Et bine sûr, le panta rei, source de tous les
évolutionnismes’’
(Héraclite d’Ephèse cité par Jean
Charbonnier,
Sociologie
juridique, Paris, PUF, 1994, 416
p., p. 65.)
Nous avons vu que ni l’anthropologie stoïcienne, encore moins la théologie de la Stoa,
autre nom de la même Ecole, ne permettent de concevoir la femme comme
inférieure à l’homme d’une manière ou d’une autre. Nous avons également vu les
exemples de Marcia et d’Helvia comme des démentis de l’excuse du sexe féminin.
Nous avons exposé d’autres textes de Sénèque qui montrent clairement toute
l’évidence et toute la naturalité de l’Egalité Homme / Femme comme le texte relatif à
l’interdiction d’exiger de sa femme la fidélité quand on séduit soi-même celle d’autrui
et celui relatif à la plus grave injure que l’on puisse faire à sa femme.21 Par contre,
Sénèque ne comprend pas comment ‘’la gent féminine’’ pourrait chercher à égaler
l’homme en dévergondage. Et c’est avec amertume qu’il le dénonce. Dévergondage
dû à la volonté de ‘’la gent féminine’’ d’égaler l’homme en incommodités qu’on
considérait, du temps des ancêtres des Romains, comme propre à l’homme.
A tort ou à raison, les femmes sont considérées comme de nature plus encline à la
pudeur que l’homme. Du moins, l’humanité a toujours attendu de la femme plus de
pudeur que du côté de l’homme. Mais en contrepartie, l’humanité a toujours exigé de
l’homme de la galanterie à l’égard de la femme. C’est comme un partage de certains
comportements, de certaines attitudes de la femme et de l’homme dans le but de la
concorde sociale. La pudeur comme baromètre de la vertu et hommage rendu à la
vertu, comme nous l’avons vu, a été toujours été considérée comme un domaine où
l’homme faillit souvent devant la femme. Mais avec le temps les choses ont changé
depuis fort longtemps, semble-t-il. Et tout porte à croire que l’Egalité Homme / Femme
1
21
Nous pouvons ajouter au texte de Sénèque sur la plus grave injure à faire à une femme et à propos de l’interdiction faite à l’homme d’avoir de maîtresse
si la femme ne doit pas avoir d’amant, l’exemple de Pénélope qu’il rapporte dans la lettre 88, 8. Il condamne avec amertume ceux qui, au lieu de chercher
à imiter Pénélope, l’exemple proverbial même de la fidélité conjugale, cherchent plutôt à savoir si cette dame n’avait pas mystifié tout un siècle et si elle
n’avait été en fait impudique. Cette amertume de Sénèque rejoint celle de Cicéron à propos de l’anneau d’or d’un cadavre, mis à découvert par de grandes
pluies, et pris par Gygès et qui permettait à celui-ci de faire du mal sans être vu. Aux philosophes qui pensent qu’il s’agit d’une fable controuvée par
Platon, Cicéron répond : «C’est une allégorie, une manière ingénieuse de leur adresser la question suivante : <<Si vous pouviez, sans vous exposer aux
regards et aux soupçons des autres, satisfaire votre amour des richesses, du pouvoir, de la domination, de la débauche, en vous couvrant d’un voile
impénétrable aux regards des hommes et des dieux, le feriez-vous ? «.
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Egalite naturelle homme / femme et égalité Perte de la féminité chez Sénèque
s’exprime désormais en termes de la course de la femme à égaler l’homme en
dévergondage et en incommodités. Sénèque s’en indigne en exposant l’exemple de
la fille d’Auguste que celui-ci a été obligé de condamner à la relégation. C’est dans Les
bienfaits, VI, XXXII, 1, que notre philosophe désapprouve aussi bien l’empereur que sa
fille. Il dit de la fille que le mot impudicité serait trop faible à propos
des scandales et des troupeaux d’amants auxquels elle s’adonnait en plein jour comme
en pleine nuit sur les places publiques. Mais Sénèque reproche également à
l’empereur son manque de pudeur. Il est vrai que la fille a choisi de se livrer en
spectacle d’adultère aux lieux, Forum et Rostres, d’où le père avait fait passer sa loi sur
les adultères. Sénèque pense quand même que l’empereur aurait du taire les scandales
de débauches de sa fille qui passent d’adultère à la promiscuité :
‘’ … (car il est de certaines hontes qui rejaillissent jusqu’à celui qui les
châtie), trop peu maître de son courroux, il les avait rendus publics.
Puis comme au bout de quelques jours la colère avait fait place à la
honte, il gémissait de n’avoir pas su taire et refouler en lui ce qu’il
avait ignoré jusqu’au moment où parler entraînant déshonneur.’’22
Ce texte nous rappelle le propos d’Henri-Irénée Marrou, cité plus haut, selon lequel
l’hypocrisie est un hommage rendu à la vertu. Mais reconnaissons que l’hypocrisie ne
peut prétendre rendre hommage à la vertu que guidée par le souci de la pudeur. Et
nous avons également vu ce que signifie l’importance d’un brin de pudeur pour l’homme
en général et pour la femme en particulier. Et Sénèque constate justement que ce fut
par manque de pudeur, c’est-à-dire par une impudicité sans vergogne, dans tous les
domaines, habillement, adultère, divorce, banalisation et désacralisation du mariage
etc., que certaines dames de la Plèbe et de l’Aristocratie romaines en furent arrivées à
perdre leur féminité et par conséquent les privilèges naturels propres à la nature
féminine. Ainsi à propos de l’habillement qui a également une importance éthique,
on peut lire :
‘’ Je vois des perles non à raison d’une seule par oreille : car on
a exercé les oreilles à supporter de vraies charges ; on les accouple, puis
au-dessus de chaque paire on en met d’autres ; la folie des femmes n’aurait
pas suffisamment subjugué les hommes, si à chacune de leurs oreilles
elles n’eussent pendu deux ou trois patrimoines. Je vois des tuniques de
soie, si l’on peut appeler tunique un vêtement qui ne protège ni le corps, ni
même la pudeur, et avec lequel une femme ne pourra jurer en toute vérité
qu’elle n’est pas nu. Voilà ce que, à grands frais, on fait venir des régions
inconnues même au commerce, pour que les dames romaines n’aient pas
à montrer à leurs amants, dans leur chambre à coucher, plus de leur corps
qu’elles n’en montrent à tout le monde.’’23
22
23
Les bienfaits, VI, XXXII, 1.
Ibid.VII, IX, 3-5.
419
PAULIN HOUNSOUNON-TOLIN
Les soulignés du texte, qui le sont par nos soins, montrent assez clairement le degré
de dévergondage et d’incommodités atteint par certaines dames romaines et que
condamne Sénèque.24 Et au dire de celui-ci, certaines dames de l’aristocratie romaine
divorçaient pour se remarier comme un jeu d’enfant.25 En d’autres termes, la course à
l’adultère a gagné même les dames de haut rang et de l’aristocratie romaine. Et cet
état des choses ne pouvait conduire qu’à la désacralisation du mariage au point où ces
dames en étaient arrivées à ne plus calculer leur âge en calculant les années mais le
nombre de maris connus.26 Comptant sur leur nombre effrayant, elles ne répugnaient
plus d’être répudiées. Car elles se savaient plus nombreuses que les femmes ayant
encore quelque pudeur.
En effet, il faut vraiment être sotte, en tant que femme, et d’un autre siècle pour
savoir que l’on appelle mariage la vie avec un seul homme. Même dans les rôles
d’intimité conjugale, elles faisaient également l’homme.27 Et cela s’appelle égalité
perte de féminité et Sénèque en déduit que la perte de certains privilèges de la nature
propres à cette ‘’gent féminine’’ relève justement des inconséquences de la volonté
de la femme à égaler l’homme en incommodités considérées comme propres à
l’homme. Et le flagrant délit de contradictions d’Hippocrate, au sujet de ‘’la gent
féminine’’, vient également de là. :
‘’De là vient que nous avons sans exception toutes les maladies de même que
toutes les variétés de victuailles. Le plus grand des médecins, le fondateur de la
médecine, a dit que les femmes ne perdaient pas leurs cheveux, et qu’elles n’avaient
jamais la goutte aux pieds. Cependant elles voient leurs cheveux disparaître et la
goutte les afflige. Changement survenu dans la nature féminine ? Non, victoire des
femmes sur leur constitution ; égalant l’homme dans ses débordements, elles s’égalent à lui dans ses misères physiques. Elles veillent tout autant, elles boivent tout
autant ; à la gymnastique, à la beuverie, elles défient les hommes. Comme eux,
bourrant leur ventre qui demande grâce, elles le délivrent par le haut ; quant au vin
absorbé, elles le rendent mesure pour mesure. Comme eux elles grignotent de la
neige, calmant d’un estomac en feu. Dans l’amour même elles ne le cèdent plus aux
mâles : nées pour le rôle passif, elles ont poussé (Que tous les dieux du ciel les
maudissent !) la perversité inventive jusqu’à faire l’homme. Comment donc s’étonner
que le plus grand des médecins, celui qui connaît le mieux la nature, reçoive un
démenti, qu’il y ait tant de femmes podagres et chauves ? Elles ont galvaudé à force de
vices, le privilège de leur sexe. Pour avoir dépouillé leur nature de femmes, les voilà
condamnées aux maladies des hommes.’’ (Lettre, XCV, 19-21).
Les soulignés de ce texte, le sont par nos soins, pour rappeler ce que nous avions dit à
propos de l’importance de la pudeur chez la femme et les conséquences néfastes de
leur volonté d’égaler l’homme en incommodités.
3
4
1
2
24
Même condamnation des hommes qui prennent plaisir à s’habiller en homme. (De vita beata, XIII).
Des bienfaits, III, XVI.
Ibid., III, XVI.
27
Ibid., III, XVI.
25
26
420
Egalite naturelle homme / femme et égalité Perte de la féminité chez Sénèque
IV. PERTE DE DROIT D’HERITAGE ET DE VOTE DES FEMMES A
ROME ET A ATHENES
‘’Plancus, maître expert en cet art
avant Vitellus, disait qu’il ne faut
jamais, pour flatter, se cacher : <<
C’est, disait-il, peine perdue, que de
rechercher une femme en mariage
sans le lui dire.’’ (Questions
naturelles, IV-A, Préface.)
L’exagération des dépenses des dames de l’aristocratie romaine relève du
moralement non correct, non éducatif. En effet, outre tout ce que nous avons appris de
la prostitution et de l’habillement de certaines dames de l’aristocratie romaine, et qui
nous a sans doute paru inimaginable, la folie de ces dames a été telle, en matière de
dépenses, que nous pouvons dire que Sénèque a eu raison, même s’il gonfle un peu
l’hyperbole, de dire qu’une femme porte le trésor d’un siècle aux bouts de ses oreilles.
Ce qu’il ne faut pas perdre de vue dans cette peinture, est qu’il s’agit de dépenses
exagérées non seulement, mais qui amènent aussi certaines dames d’alors à s’habiller
de façon indécente. Ce fut donc pour des raisons d’ordre économique et éthique que
le tribun Q. Voconius Saxa n’eut pas grand’ peine pour faire voter en 169 avant notre
ère une loi qui interdisait d’instituer une femme héritière ou de lui léguer plus de la
moitié de l’avoir dont on disposerait par testament.28 Il ne faut pas oublier qu’un
honnête homme se doit de se soucier aussi bien de la bonne gestion de l’économie de
l’Etat que de l’argent des particuliers. On peut donc, et dans l’intérêt de notre propos,
voir dans la loi Voconius le souci du moralement et socialement correct, une condamnation du mépris de la pudeur de la part de certaines dames de l’aristocratie romaine.
1
Quant à la privation des droits de vote des femmes à Athènes, elle est liée en fait à la
question épineuse du nombre de’’ la gent féminine’’. L’enjeu est capital pour la survie
de la démocratie. D’après l’érudit romain Varron, cité par saint Augustin, voici les
raisons qui ont amené les Athéniens à priver les femmes du droit de vote :
‘’Voici selon Varron pourquoi Athènes a reçu son Nom qui dérive
manifestement de celui de Minerve, en grec Athéna. Un olivier avait
fait soudain apparition tandis qu’en un autre endroit jaillissait de l’eau,
prodiges qui étonnèrent le roi ; il envoya consulter Apollon de Delphes
pour s’enquérir de ce qu’il fallait comprendre et ce qu’il fallait faire.
Apollon répondit que l’olivier signifiait Minerve et l’eau Neptune, et
qu’il dépendait des citoyens de décider laquelle des deux divinités,
28
CICERON, Des lois, X et note 150 du traducteur.
421
PAULIN HOUNSOUNON-TOLIN
dont c’étaient là les emblèmes, donnerait de préférence son nom à la
cité. Ayant reçu cet oracle, Cécrops convoqua, pour qu’ils donnent
leur suffrage, l’ensemble des citoyens des deux sexes (c’était alors
l’habitude en ce pays que les femmes aussi participent aux
consultations publiques). On prit donc l’avis de la masse, et les hommes
votèrent pour Neptune, les femmes pour Minerve ; et comme il se
trouvait une voix de plus du côté des femmes, Minerve fut victorieuse.
Alors Neptune en colère ravagea de ses flots tumultueux le pays
athénien : déchaîner à plaisir des masses d’eaux, voilà qui n’est pas
difficile aux démons. Pour apaiser sa fureur, les Athéniens, nous dit
notre auteur, imposèrent aux femmes trois sortes de peines ; elles
n’auraient plus désormais le droit de vote ; aucun des enfants à venir
ne porterait le nom de sa mère29 et on ne les appellerait pas
Athéniennes.’’30
L’enjeu est en fait le surnombre des femmes. Celles-ci peuvent faire basculer la victoire, d’une élection, d’un côté comme de l’autre. Il convient donc de les inviter le plus
gentiment possible du monde à prendre conscience de l’importance de leur nombre
dans les élections d’importance capitale comme les élections présidentielles, législatives et communales etc. Et nous savons aujourd’hui, et ce surtout après les deux
grandes guerres, que sous presque tous les cieux, le nombre des femmes dépasse
celui des hommes. Il n’y a pas lieu de gloser sur les raisons réelles de cette réalité. C’est
facile, très facile même à comprendre. Les hommes en général prennent plus de
risques que les femmes. Pendant les guerres, ils sont les premiers sur les fronts. Ils sont
également les premiers pour les métiers et les jeux qui exigent plus de risques. Le
catch et le football féminins n’offrent pas aux spectateurs la même combativité et
agressivité que le catch et le football masculins. Pour le moment, nous ne voyons pas
encore des équipes de rugby féminin. Ces réalités font bien partie des raisons qui
expliquent le surnombre des femmes par rapport aux hommes. Ce n’est nullement
parce que Dieu voudrait la polygamie que les femmes soient plus nombreuses que les
hommes. Ce serait excuser les maux dont nous souffrons que d’en donner l’initiative à
l’auteur de nous, c’est-à-dire à Dieu lui-même. Que les femmes fassent l’effort de
comprendre que ces réalités expliquent les raisons essentielles de leur surnombre et
en sachent gré aux hommes et essaient d’utiliser convenablement leur surnombre.
Car leur mésusage peut ébrécher les fondements mêmes d’un Etat, d’une démocratie,
comme ce fut le cas à Athènes, la Cité Mère de la Démocratie, et qui a coûté aux
Athéniennes leur droit de vote.
29
Pour le passage de la filiation matrilinéaire à la filiation patrilinéaire, voir M. AUSTIN et P. VIDAL-NAQUET, Economies et Sociétés en Grèce
ancienne, Paris, Armand Colin, 1972, 416 p., pp. 210-211., Note 4 de la page 211.
30
Saint Augustin, La cité de Dieu, XVIII, 9.
422
Egalite naturelle homme / femme et égalité Perte de la féminité chez Sénèque
Si la capitale historique d’Attique et actuelle de la Grèce moderne demeure toujours
Athènes, cela signifie que le roi Cécrops qu’au lieu de faire reprendre le vote, en
excluant simplement les femmes, l’a respecté mais en privant celles-ci du droit de
vote pour l’avenir. Cela signifie pour nous que quand un vote est fait, il est fait. Il n’est
donc pas facile de faire reprendre un vote démocratique. Aussi doivent-elles, les
femmes, faire très attention avant de mettre leur bulletin dans l’urne. Il ne convient
donc pas qu’elles votent pour quelqu’un sur la base de n’importe quel argument.
Dans les pays africains, leur surnombre intéresse particulièrement les politiques
peux scrupuleux. Tous les moyens sont mis en jeux pour améliorer leur situation, diton, officiellement. Or il peut s’agir d’une simple manœuvre de séduction. Parmi ces
moyens, il y a, par exemple, les fameux microcrédits aux femmes. Nous voulons
simplement inviter les femmes à ne pas brader leur vote n’importe comment.
Un Etat lambda qui a choisi, par exemple, le projet des microcrédits aux femmes, n’a
fait qu’un choix possible parmi tant d’autres. En effet, cet Etat pourrait bien utiliser cet
argent, qui constitue en fait des milliards et des milliards de F CFA, pour résoudre le
problème de délestage. Le délestage empêche même les femmes de bien faire
fruitier les prêts des microcrédits. Les produits congelés achetés avec l’argent de tel
projet ne peuvent pas bien se conserver. Le délestage empêche de travailler à certaine heures cruciales pour le commerce. La dépendance énergique fait d’un Etat
indépendant dépendant. Si cet Etat utilisait cet l’argent des microcrédits pour résoudre une fois de bon le problème de délestage, il ne se serait donc pas pour autant
montré moins préoccupé des problèmes des femmes. Il en serait de même si un autre
Etat, qui doit par exemple des arriérés de salaires et de primes à ses fonctionnaires,
utilisait les milliards des microcrédits pour rembourser ses dettes envers ses fonctionnaires et salariés, cet Etat aussi ne se serait pas montré moins soucieux à l’égard de la
situation des femmes. Car beaucoup de femmes ont perdu un parent, un époux, un
frère, une sœur, un fils, une fille etc. par manque de moyens financiers pour se faire
soigner à temps et convenablement. Or si cet Etat devait des moins perçus sur salaires
et avancements pouvant s’élever à de milliards et des milliards de francs CFA, en
choisissant d’utiliser l’argent des microcrédits pour payer ses dettes envers ses fonctionnaires, il ne se serait donc pas montré moins soucieux des problèmes des femmes.
Le reste relève de la politique. Et ce qui s’était passé à Athènes, à cause du surnombre
des femmes, nous amène à inviter celles-ci à ne pas brader ce qui constitue l’une de
leurs forces capitales.
423
PAULIN HOUNSOUNON-TOLIN
CONCLUSION
Au terme de notre propos, nous pouvons soutenir l’existence d’une Egalité naturelle
Homme / Femme31 qui n’entraine aucune inconséquence directe ou indirecte pour la
femme, ni pour l’homme et encore moins pour la société. Par contre, il existe
également une égalité factice Femme /Homme qui entraine la perte de la féminité
avec des inconséquences très graves pour ‘’la gent féminine’’ et la société. L’Egalité
naturelle Homme / Femme a conféré à la femme plus de sens de pudeur qu’à l’homme.
C’est pourquoi il convient de chercher d’abord à bien se représenter à quoi retourne
exactement les termes Egalité Femme / Homme ou Homme / Femme dans
l’imaginaire de certains Mouvements féministes et de certaines femmes avant de leur
accorder une quelconque caution intellectuelle, morale et politique.
Nous avons aussi vu, avec Sénèque, les exemples de femmes ayant démenti l’excuse
du sexe féminin ainsi que les conséquences négatives de cette forme d’Egalité Femme
/ Homme qui conduit inévitablement à la perte de la féminité. Or cette féminité induit
naturellement certaines commodités, voire certaines vertus propres à la femme. Parmi
ces commodités et vertus naturelles, il y a la pudeur. C’est pourquoi nous avons pu
affirmer que même confinée au rôle de mère, une femme peut bien se montrer
l’égale de l’homme. Car donner une bonne éducation aux enfants dans le monde
d’aujourd’hui est une nécessité capitale pour la sauvegarde des vertus et valeurs
traditionnelles. C’est pourquoi nous nous sommes également posé la question de
savoir si la pudeur traditionnelle de la femme ne peut pas constituer un facteur de
revalorisation de la femme moderne dans le monde d’aujourd’hui en panne des
bonnes manières.
La portée éducative et éthique de la pudeur traditionnelle de la femme a de quoi
susciter, de notre point de vue, une réflexion intellectuelle en matière d’analyse de
perte des vertus traditionnelles, surtout en Afrique. Et il nous apparait légitime même
de nous demander si cette pudeur traditionnelle de la femme ne pourrait pas mieux
induire le respect de la femme moderne et par-là même conduire à sa revalorisation
plutôt que les revendications de la parité Homme / Femme pour les postes de
nomination et de candidatures aux différentes élections qui semblent relever, de
notre point de vue, de la pratique de la charité envers les femmes.
De notre point de vue, comme l’auteur de nous lui-même n’a fait aucune concession
particulière aux femmes dans la conquête de la sainteté, - et que le royaume des cieux
va toujours souffrir de violence et seuls les violents vont pouvoir s’en accaparer -, nous
souhaitons de même que la politique, souffrant de violence et de ruse, que n’y aient
1
31
Les principes moraux d’Antisthène mentionnent également cette égalité puisqu’ils conçoivent le souverain bien comme : ‘’La vertu qui, notons-le, est
la même pour l’homme et la femme peut s’enseigner et relève des actes fondés sur l’effort qui est un bien, elle se révèle une arme imprenable : celle de la
vraie richesse ; elle n’a rien de commun avec ses biens extérieurs qui font courir les hommes au-delà de toute raison. Comment l’acquérir, comment passer
de la foule des insensés au petit nombre des sages ? Il suffit de <<désapprendre ce qui est mal>>*, autrement dit de faire table rase de toutes ces coutumes
et de toutes ces conventions que la société, pour se maintenir, s’ingénie à inculquer à chacun de ses membres.’’ (Marie-Odile GOPULET-CAZE, Avantpropos aux Cyniques grecs, Paris, Librairie Générale Française, 1992, 443 p., CF Stobée II, 31, 34.) et Pierre BOYANCE (Epicure, Paris, PUF, 1969, 107
p., p. 8.), fait remarquer que la communauté épicurienne était ouverte aux étrangers, de même qu’aux femmes et aux esclaves. Le nom d’une courtisane,
Léontion, et d’un esclave, Mys, sont passés à la postérité.
424
Egalite naturelle homme / femme et égalité Perte de la féminité chez Sénèque
accès que les dames de fer. Notre seul motif de respect pour elles, dans ce domaine,
réside dans cette seule condition. Car elles en sont capables et ce serait leur adresser
des injures que de leur exposer ici la liste des dames de fer en religion, en politique, en
sciences et technique et en littérature depuis la plus haute antiquité jusqu’à ce jour.
Qu’elles n’oublient pas non plus que beaucoup de droits de l’Homme (homme / femme)
ont été progressivement conquis par l’humanité par de féroces luttes.32 Si elles pensent que nous sommes maintenant à l’heure des droits spécifiques de la femme,
qu’elles prennent les devants et montrent que naturellement elles sont aussi capables
que les hommes. Car la charité implique qu’il existe d’un côté, un pauvre, et de l’autre,
un plus riche. La demande de conditions particulières ne convient nullement dans
une concurrence qui se veut légale, égale et équitable. Elle ne peut entrainer que de
l’inégalité. Que celle-ci soit jugée par les uns de positive et par les autres de négative,
ne change rien à l’affaire, à la réalité.
C’est de l’inégalité et rien d’autre. Les qualificatifs positive et négative sont des
exprimables, c’est-à-dire ce que nous disons des choses. Ils sont des incorporels
totalement indépendants des choses. Et les choses sont, elles aussi, totalement
indépendantes d’eux. Que le Diable patafiole donc l’opinion contraire ! Car elle ne
dirait pas la vérité à la femme pour l’inviter à comprendre que même dans un combat
d’égale chance, elle peut avoir le dessus sur l’homme et qu’à vaincre sans péril, on
triomphe sans gloire.33 Or nous voulons que la femme triomphe avec gloire. Ne
conviendrait-il donc pas alors qu’elle sollicite une concurrence à égale chance
avec l’homme ? De notre point de vue, c’est la question primordiale, en ce qui concerne le volet politique, de la quête de l’Egalité Homme / Femme.
1
1
32
Voir Jean NEGRE, Précis de législation du travail, d’Hygiène, professionnelle et d’Instruction civique (Initiation à la vie sociale), Nouvelle éd., Paris,
Publication Roy, 1963, 383 p.
33
Sénèque dit exactement : ‘’Le gladiateur juge déshonorant de lutter contre un adversaire qui ne le vaut pas ; il sait qu’ << à vaincre sans péril, on
triomphe sans gloire.’’ De la providence, I, III.
425
PAULIN HOUNSOUNON-TOLIN
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
-
M. AUSTIN et P. VIDAL-NAQUET, Economies et Sociétés en Grèce ancienne, Paris,
Armand Colin, 1972, 416 p.
-
CHARBONNIER, J., Sociologie juridique, Paris, PUF, 1994, 416 p., p. 65.)
-
CICERON, Des lois, X.
-
FAVEZ, CH., La consolation latine chrétienne, Paris, 1937.
-
FEUERBACH, L., L’essence du christianisme, traduction de Jean-Pierre Osier, Paris,
Gallimard, 1992, 528 p., pp. 422-423.
-
HOUNSOUNON-TOLIN, P., ‘’ De l’argumentation pédagogique selon les circons
tances chez Sénèque in Les Annales de la FLASH, N° 12, Cotonou, 2008.
-
‘’Vertu éthique de la propriété réflexive du miroir chez Sénèque’’ in Les Annales de
la FLASH, N° 11, Cotonou, décembre 2005.
-
MARECHAUX, P., (Traduction et présentation de), Les Stoïciens. Passion et vertus.
Fragments, Paris, Editions Payot et Rivage, 2003, 216 p.
-
MARROU, H.-I., Histoire de l’éducation dans l’Antiquité. 2. Le Monde romain.
-
MONAT, P., ‘’Une forme de la virtus accessible aux femmes’’. ‘’La patientia dans la
‘’Consolation à Grégoria d’Arnobe le Jeune in Valeurs dans le Stoïcisme. Du Porti
que à nos jours. Mélanges en l’honneur de M. le Doyen Spanneut, Lille, Presses
Universitaires de Lille, 1993, 304 p., pp. 305-311.
-
NEGRE, J., Précis de législation du travail, d’Hygiène, professionnelle et d’Instruction
civique (Initiation à la vie sociale), Nouvelle éd., Paris, Publication Roy, 1963, 383 p.
-
PERROT, M., Histoire des femmes dans l’Antiquité, Paris, Plon, 1990.
-
Saint Augustin, La cité de Dieu.
-
SENEQUE, Consolation à Marcia
-
Consolation à Helvia ma mère
-
SENEQUE, Entretiens. LettresàLucilius, Paris, Robert Laffont, 1995, CLXXXIV-1103 p., p. 11.
-
TUNC, S. Brève histoire des femmes chrétiennes, Paris, Cerf, 1989.
-
VOLTAIRE, Salomon in Dictionnaire philosophique, Edition de Etiemble, Paris,
Garnier Frères, 1967, p. 576.
426
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences Cultures et Technologies, Histoire et Sociologies: P. 427 - 454, 2009
La production historienne au département
d’Histoire et d’Archéologie de l’Université
d’Abomey-Calavi : caractéristiques,
mutations et défis
Sébastien Dossa Sotindjo, DHA/FLASH
Résumé :
Le Département d’Histoire et d’Archéologie (DHA) est l’une des institutions de formation
et de recherche à la Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines de l’Université
d’Abomey-Calavi (hier Université Nationale du Bénin). En trente huit (38) ans
d’existence, la moyenne des dix huit formateurs qui l’animent a conduit des étudiants
à produire environ 250 (estimation basse) mémoires de maîtrise en Histoire, en
Archéologie et en Histoire de l’Art.
A partir d’un échantillon de 165 mémoires de maîtrise et rien qu’en se basant sur les
intitulés de ces travaux de recherche, la présente communication se propose de faire
le bilan de cette historiographie du département, d’en dégager les caractéristiques en
terme de genre historique dominant, d’apprécier le taux de couverture du territoire
national par cette recherche, d’identifier les continuités et discontinuités et de relever
les défis à surmonter.
Après l’apurement des données de base, le corpus des 165 mémoires répertoriés,
réparti selon divers critères (ordre chronologique, périodes historiques, domaines
d’investigation, région couverte par les études,…) et soumis aux techniques quantitatives
(calcul de pourcentage des regroupements effectués, tableaux de répartition et différents
graphiques de visualisation) nous autorise à livrer les résultats ci-après :
• Le rythme de production des mémoires, lié à la maigreur des effectifs, est faible et
varie annuellement dans notre champ d’étude, de 1 à 13 ; un seul candidat sur trois
arrive à soutenir son mémoire de maîtrise au Département d’Histoire et d’Archéologie.
• Les conditions de vie et de travail des mémorants et le profil scientifique et idéologique des formateurs influent sur le choix et la nature des sujets traités.
• L’année 1992 marque une rupture dans l’historiographie du DHA.
Si jusque-là, la plupart des mémoires relèvent de la période précoloniale de l’histoire
nationale et s’identifient à la micro-histoire à portée locale, à partir de cette annéecharnière nous assistons à une « histoire éclatée » c’est-à-dire à une diversification
thématique, à des « écrits»1 sur la longue durée embrassant deux ou trois périodes du
découpage chronologique de l’histoire nationale. Le souci de mieux connaître nos
réalités d’avant la pénétration coloniale de la première phase se complète au cours de
la deuxième phase par la volonté d’évaluer les mutations, les héritages et les crises
1
1
Fernand Braudel, Ecrits sur l’Histoire, Paris, Flammarion, 1984, 315p.
427
La production historienne au département d’Histoire et d’Archéologie de l’UAC:caractéristiques, mutations et défis
identitaires liées à la colonisation.
Les défis à relever sont liés au « béninocentrisme » des travaux de recherche, au
déséquilibre dans la couverture du territoire national par la recherche historique et à
la remontée au-delà du XVI ou XV siècle des connaissances sur le passé lointain du
pays.
e
e
Mots-clés : département, historiographie, micro-histoire, béninocentrisme, mutations et héritages.
Introduction
Logée comme la géographie dans le département des études littéraires et linguistiques
(DELL) de 1971 à 1975, l’histoire a cessé sa vie de sœur siamoise avec la géographie
quand les deux disciplines séparées en 1975 constituèrent chacune une section
indépendante avant que la section d’Histoire ne soit érigée en département d’Histoire
et d’Archéologie en 1978.
Le Département d’Histoire et d’Archéologie (DHA) est donc l’une des institutions de
formation et de recherche à la Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines de
l’Université d’Abomey-Calavi (hier Université Nationale du Bénin). En trente huit ans
d’existence, la moyenne des dix- huit formateurs qui l’animent a conduit des étudiants à produire environ 250 (estimation basse) mémoires de maîtrise en Histoire,
en Archéologie et en Histoire de l’Art.
A partir d’un échantillon de 165 mémoires de maîtrise et rien qu’en se basant sur les
titres de ces travaux de recherche, la présente communication se propose de faire le
bilan de cette historiographie du département, d’en dégager les caractéristiques en
terme de genre historique dominant, d’apprécier le taux de couverture du territoire
national par cette recherche, d’identifier les continuités et discontinuités et de relever
les défis à surmonter.
Pour cela, il a fallu constituer un échantillon de 165 mémoires, de 1976 (année de
soutenance du 1 mémoire) à 2005, soit 30 années de travaux de recherche effectués
sous la direction des formateurs, à partir du dépouillement des archives du
département, de l’exploitation des rapports d’étudiants et d’ouvrages-sources puis les
classer selon l’ordre chronologique de la soutenance desdits mémoires inventoriés.
Après l’apurement des données de base, le corpus des 165 mémoires répertoriés
selon divers critères (ordre chronologique, périodes historiques, domaines
d’investigation, région couverte par les études,…) et soumis aux techniques quantitatives
(calcul de pourcentage des regroupements effectués, tableaux de répartition et différents
graphiques de visualisation) nous permet d’écrire les lignes qui suivent
er
428
SÉBASTIEN DOSSA SOTINDJO
I. Construction des faits historiques et caractères de la production
A. Sources et méthodes
Avant d’amorcer cette réflexion sur la production historienne du département d’Histoire
et d’Archéologie (DHA), il nous a semblé nécessaire d’élaborer un corpus de tous les
mémoires soutenus avec succès dans ce département de 1976 (année de soutenance
du premier mémoire) à 2005, soit 30 ans de recherche, pour inventorier 165 mémoires
de maîtrise soutenus favorablement devant un jury sur un total estimé à 250 mémoires
(estimation basse) produit de 1976 à 2009.
Notre intérêt pour un tel sujet, celui de faire le bilan de la production scientifique dans
un centre de formation et de recherche comme le DHA, remonte à l’année académique
1996 où, chargé d’animer un séminaire de méthodologie et de recherche en Histoire
quantitative pour les étudiants de 4èAnnée d’histoire, je prépare, en début de chaque
année, des thèmes de recherche distribués aux étudiants de chaque promotion.
Cette liste de thèmes répartis par équipe de deux étudiants sur chaque sujet fait l’objet
de recherche à présenter sous forme d’exposé en cours d’année et de rapport écrit à
déposer pour être noté en fin d’année. Voici quelques-uns des thèmes sur lesquels
ont travaillé des équipes d’étudiants en certaines années : Regard du DHA sur l’histoire
(par Titus Folly et Gbaguidi Florian, 1996-1997); Les grandes évolutions du DHA depuis
sa création à nos jours (rapport présenté par Olivier Allochémè et Idrissou Piamy en
2001), Le Trentenaire de l’UNB : grandes évolutions et contribution à la formation des
formateurs (Nazaire Ahounou et Rogatien Quenum, 2000-2001), La production scientifique au DHA : caractéristiques, tendances et défis (Julien Hadonou et Pascal Viho en
2003), Département d’Histoire et d’Archéologie : formateurs, formation, débouchés (Kossi
Missinhoun et Chabi Gani Barthelémy Tamou en 2004) et Analyse critique de la rédaction
des mémoires de maîtrise au DHA (Cyrille Boni Mora et Tchotcho Assamangan en 2005).
Chef adjoint (2000-2003) et chef du département d’Histoire et d’Archéologie (20032007), j’avais grandement facilité l’accès des archives du département aux étudiants
ayant réfléchi sur ces thèmes, notamment ceux portant sur les programmes d’étude,
les genres ou écoles historiques distillé(e)s au DHA et perceptibles à travers les sujets
de mémoire de maîtrise et les programmes d’étude, les secteurs ou domaines d’investigation ainsi que les aires géographiques couvertes par lesdits sujets. Les faits bruts
recueillis par ces étudiants lors du dépouillement, sous ma supervision, des procès
verbaux de soutenance de mémoire, de délibérations et de réunions de professeurs
ainsi que les comptes rendus et rapports sur les journées pédagogiques effectuées à
chaque rentrée académique par le collège des enseignants du DHA ont été pris en
compte dans ce travail sans que je n’éprouve la nécessité de revisiter lesdits
documents primaires lors de l’élaboration du présent article.
La constitution de l’échantillon des 165 mémoires de maîtrise soutenus entre 1976 et
2005 a été laborieuse. Les étudiants qui avaient travaillé sur les sujets indiqués plus
haut n’avaient remis aucun catalogue ou liste des mémoires consultés lors de leur
429
La production historienne au département d’Histoire et d’Archéologie de l’UAC:caractéristiques, mutations et défis
recherche ; il fallait élaborer un corpus (voir en annexe) aussi précis et aussi représentatif
que possible sur les travaux de recherche des étudiants du DHA. Plus la taille de
l’échantillon est grande et le champ chronologique étudié large, plus significatifs
seront les résultats issus des réflexions conduites exclusivement sur les titres des
mémoires soutenus. L’objet d’étude devient ici le corpus des 165 mémoires soutenus
pendant 30 ans de recherche historique par les étudiants sous la direction d’un de
leurs formateurs. Le corpus des 165 mémoires fut réalisé en reprenant les 89
mémoires soutenus au DHA de 1976 à 1994 et exposés dans le cahier n° 16 du Groupe
« Afrique Noire » du laboratoire (Tiers-Mondes Afrique Dynamique des Sociétés en
Développement) de Paris VII. Ledit Cahier n°16 a été publié chez L’Harmattan en 1995
sous le titre : L’Histoire africaine en Afrique2 et contient, classés par pays3 et par ordre
alphabétique du nom des auteurs, 884 titres4 de mémoires soutenus dans huit pays
francophones dont 89 thèmes sur le Bénin Les 89 titres furent complétés par 76 autres
thèmes de mémoires soutenus au DHA entre 1994 et 2005 et déposés à la bibliothèque
du département.
Dans un tableau (voir l’annexe) de 165 lignes découpées en 4 colonnes dont la marge
(en haut) porte successivement, de gauche à droite, les indications suivantes : Nom et
Prénoms d’auteurs, Thèmes (intitulé du mémoire), Année (de soutenance) et nombre
de pages, nous avons ainsi exposé les références de ces travaux de recherche. La
confrontation de cet échantillon élaboré de 165 mémoires avec les répertoires des
thèses et mémoires de la bibliothèque universitaire et du Centre de documentation
de la Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines ainsi qu’avec quelques procèsverbaux de soutenance de mémoires (archives du DHA) a permis de corriger certaines
données du tableau récapitulatif pour connaitre la date réelle de soutenance de certains mémoires et d’apurer notre fichier en supprimant du corpus des mémoires ceux
qui n’ont pas été soutenus5 quoique rédigés, reliés et déposés au département en son
temps. Nous avons ensuite interrogé certains collègues, anciens étudiants du
département sur la date ou l’année réelle de soutenance de leur mémoire dans le
cadre de l’apurement du fichier car l’exactitude de ces données temporelles est
essentielle pour la fiabilité de notre échantillon dont les éléments (chaque mémoire)
de la série sont classés selon l’ordre chronologique de soutenance des mémoires.
A partir de ce corpus diachronique, objet de notre réflexion, nous avons construit des
faits historiques en comptant et en regroupant6 le nombre de mémoires soutenus par
an durant tout le champ d’étude (tableau et graphique n°1), puis avons réparti l’ensemble
des mémoires recensés par périodes historiques (tableau et graphique n°2), par
domaines d’investigations (tableau et graphique n°3) et par espace géographique
couvert par le sujet (tableau et graphique n°4). Le regroupement des mémoires par
an, par périodes historiques, par genre historique et selon les régions ou pays
concernés aboutit à des chiffres, au calcul de pourcentage, à des tableaux statistiques
3
4
5
2
Catherine Coquery-Vidrovitch et Chantal Chanson-Jabeur (éds), L’Histoire africaine en Afrique, Paris, L’Harmattan, 1995, 245p.
Huit pays francophones : Bénin, Burkina Faso, Congo Brazzaville, Côte d’Ivoire, Guinée Conakry, Mali, Niger et Sénégal
Les 884 thèmes recensés sont inégalement répartis par universités de ces pays : Bénin (89), Burkina Faso (120), Congo (50), Côte d’Ivoire (81),
Guinée Conakry (64), Mali (175), Niger (31), Sénégal (274).
5
C’est le cas du mémoire de Lucien S.A.Assogba-djo, L’évolution des relations entre Abomey et Agonly de Kpengla à la chute de Bèhanzin, 147p.
6
La série des 165 mémoires est lue et relue au moins deux à trois fois selon les critères de classification que voici: par chronologie, par périodes
3
4
(histoire politique, histoire de l’art ou
l’archéologie, etc.) et par espace géographique couvert par le sujet afin d’identifier les mémoires répondant auxdits
critères, puis les compter par catégories pour les exposer dans les différents tableaux.
historiques de l’histoire « nationale », par domaines d’investigation ou secteurs historiques
430
SÉBASTIEN DOSSA SOTINDJO
et à des graphiques dont la lecture (éclairée par quelques ouvrages de méthodologie)
constitue la substance des lignes qui suivent.
B. De la description des tableaux aux caractéristiques de la production
Pour établir les tableaux ci-dessous, il a fallu compter et recompter plusieurs fois le
tableau récapitulatif d’ensemble (des 165 mémoires), au cas par cas, afin d’»étiqueter»
les thèmes de mémoires
selon les critères de regroupements retenus. Les chiffres obtenus après les décomptes
sont convertis en pourcentage par rapport au total des mémoires inventoriés, traduits
en graphiques et interprétés.
1. Une évolution en dents de scie influencée par le contexte national
Tableau N°1 : Nombre annuel de mémoires soutenus au DHA (1976-2005)
431
La production historienne au département d’Histoire et d’Archéologie de l’UAC:caractéristiques, mutations et défis
Les effectifs ont toujours été faibles au DHA pour des raisons assez complexes à
expliquer. Jusqu’en 2000, le total des étudiants en Histoire, toutes années confondues, ne dépassait guère 150 individus. C’est en 2007, que la barre des 200 étudiants
fut franchie, toutes promotions confondues, avec un effectif jamais égalé de 103
étudiants en 1 Année au moment où en Géographie, en Anglais ou en Sociologie, la
moyenne était de 2000 étudiants environ en première année dans ces autres départements de la FLASH.
La moyenne annuelle de mémoires soutenus est ainsi de 6 mémoires environ (165
mémoires en trente ans). Le dépouillement des procès-verbaux de délibération de
1992 à 2002 nous a permis de compter 229 étudiants ayant obtenu leur certificat C2.
Pendant la même période, 94 mémoires ont été favorablement soutenus, ce qui fait
un taux de succès de 41% ; autrement dit, sur dix candidats potentiels à la rédaction
d’un mémoire, seuls quatre réussissent à avoir leur diplôme de fin de second cycle.
e
Malgré la maigreur du nombre de maîtrisards sortis annuellement du DHA (tableau 1),
nombre rarement à deux chiffres, une analyse plus fine des tableau et graphique 1
révèle des périodes relativement de «vaches grasses» (1992-1995 et 1999-2004) où
le total annuel est au moins égal à six mémoires7 et une plage chronologique de
«vaches maigres»(1982-1990). En replaçant ces périodes de vaches grasses ou maigres dans leur contexte historique, nous constatons que l’environnement national
influe sur la production historienne au DHA. En effet, la grande période de la décroissance de1982 à 1992, où aucune année n’a enregistré un total de six mémoires
soutenus, reste marquée, à l’échelle nationale, par de grandes difficultés économique
et sociale (licenciements massifs de travailleurs suite à la restructuration des entreprises mal gérées (1982-1988) sous le régime du Parti de la Révolution populaire du
Bénin (PRPB), gel du recrutement dans la fonction publique à partir de 1986, faillite
bancaire généralisée en 1989, explosions sociales la même année débouchant sur la
conférence nationale des forces vives de la Nation de février 1990), par une
professionnalisation de l’enseignement dans les Facultés classiques8, mesures prises
par l’Etat pour faire face à la pénurie d’enseignants qualifiés dans les lycées et collèges
du pays. C’est ainsi qu’après l’amère expérience des étudiants et bacheliers envoyés
en mission d’enseignement (années 1970 et 1980) pour résoudre quantitativement la
pénurie d’enseignants dans les lycées et collèges béninois, l’Etat décida de donner
une formation professionnelle à tout candidat à l’enseignement. Des écoles normales
intégrées (ENI), ouvertes à Lokossa, à Parakou et Natitingou devaient former en trois
ans les professeurs-adjoints dont l’école béninoise avait besoin pour enseigner dans le
1 cycle de l’enseignement secondaire. Les étudiants des facultés classiques qui passaient au second cycle (année de Licence) avec une moyenne au moins égale à 12 sur
20 allaient faire le second cycle à l’Ecole Normale Supérieure de Porto-Novo sans
obligation de soutenir un mémoire de maitrise avant d’avoir le diplôme requis, le
Certificat d’Aptitude professionnelle pour l’Enseignement Moyen (CAPEM) pour
1
2
er
7
8
La moyenne annuelle de mémoires soutenus pendant les trente ans est de Six obtenus en divisant les 165 mémoires par le temps de production soit 30 ans.
Il s’agit, notamment de la Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines (FLASH) et de la Faculté des Sciences et Techniques (FAST).
432
SÉBASTIEN DOSSA SOTINDJO
enseigner dans toutes les classes des deux cycles de l’enseignement secondaire. Les
Travaux d’Etude et de Recherche (TER), document d’une vingtaine de pages tenant
lieu d’initiation à la recherche les dispensaient de l’obtention du diplôme de Maitrise
en Histoire jusque-là nécessaire pour accéder au corps des professeurs certifiés de
l’enseignement secondaire. Le premier débouché qui s’offre aux étudiants en fin de
second cycle dans nos facultés de connaissances générales étant l’enseignement, il y
eut dès lors peu de candidats pour la recherche en vue de la rédaction d’un mémoire
de Maîtrise. Ainsi donc, la morosité économique des années 80, la poussée de la
pauvreté au sein des populations et les mesures pour professionnaliser le métier
d’enseignant contribuèrent à la misère du nombre de mémoires soutenus au DHA
entre 1982 et 1989.
Par contre à partir de 1991 où les écoles normales intégrées furent délaissées et
qu’une formation modulaire pour obtenir le CAPEM ou le CAPES exigeait la Maîtrise
d’Histoire comme pièce maitresse du dossier de candidature à ladite formation
diplômante, les retombées de ces nouvelles dispositions administratives sont nettes
sur le rythme de soutenance des mémoires au DHA de 1992 à 2003 (sauf en 1996 et 1998).
C’est dire que le diplôme de Maîtrise d’Histoire est plus recherché pour sa fonction de
promotion professionnelle et sociale que son rôle de ballon d’essai pour tester les
aptitudes de chercheur chez le récipiendaire. Ainsi rares sont les étudiants qui l’obtiennent un an après le succès au certificat C2, préalable auquel est soumis tout
candidat à la préparation d’un mémoire de maîtrise au DHA. Ainsi on est déterminé à
l’obtenir quand, déjà dans la vie active, le candidat s’aperçoit que la promotion dans
son corps professionnel et/ou la stabilité ou sa titularisation dans son emploi dépend
de l’obtention de ce diplôme. Cet état de choses c’est-à-dire la longue durée entre
l’obtention du C2 et la soutenance du mémoire de maîtrise est due en grande partie à
la rareté de bourses d’étude en 4 Année d’Histoire où beaucoup d’étudiants sont
obligés d’avoir un «job»(généralement des cours de vacation dans les collèges ou
journalistes amateurs dans un organe de presse) qui finit par être leur métier. Ecartelé
entre les exigences de la recherche pour un mémoire et les contraintes
d’un job de fortune, le mémorant met du temps (deux, trois ans voire davantage) pour
conduire à terme un sujet de mémoire.
e
1. Une chronologie polarisée
Tableau N°2 : Répartition par périodes historiques
433
La production historienne au département d’Histoire et d’Archéologie de l’UAC:caractéristiques, mutations et défis
Source : Archives du DHA
La période avant la pénétration coloniale enregistre 70 mémoires dont 41 relèvent de
la période 1976-1990 et 29 de 1991 à 2005. Ces mémoires de la période précoloniale
sont continus sur tout le champ chronologique étudié (1976-2005).
Trois périodes se dégagent des tableaux et graphique n°2 comme des périodes
privilégiées par la recherche historique au DHA : la période avant la pénétration
coloniale (43%), la période post indépendance (21%) et la période coloniale (15%).
27 mémoires couvrent à la fois deux ou trois périodes : précoloniale et coloniale (4),
coloniale et post- coloniale (17) ou s’étendent sur les trois périodes (6).
La rubrique «Autres» désignent les thèmes de mémoires qui ne portent
explicitement ou implicitement aucun repère chronologique. Il s’agit des titres comme
ceux-ci : Les grandes tentures et les bas-reliefs du musée d’Agbomè ou Recherches
archéologiques au Bénin et au Togo : essai d’évaluation, etc.
Ces constats de polarisation de la recherche sur les périodes précoloniale, postcoloniale
et coloniale reflètent les préoccupations des chercheurs de dresser un inventaire
aussi complet que possible des entités territoriales ou sociopolitiques constituées9
avant le XIXe siècle colonial et d’en étudier les formes d’organisation et le mode de
fonctionnement (43%), de mesurer les mutations et autres crises
identitaires de la société induites par la colonisation (15%) et enfin d’évaluer la gestion
des héritages d’après l’indépendance (21%).10
1
1
9
Un séminaire national fut organisé sur ces entités sociopolitiques d’avant la colonisation européenne du XIXe siècle par le DHA les 24, 25 et 26
octobre 2006 à INFOSEC de Cotonou.
10
Ces pourcentages du tableau 2 repris dans le commentaire sont arrondis.
434
SÉBASTIEN DOSSA SOTINDJO
3. Un « territoire de l’historien11» varié et dynamique
Tableau N°3 : Répartition des mémoires par domaines d’investigation (1976-2005)
Le total 173 du tableau3 dépasse l’échantillon (165) de 8 points parce que dans la
rubrique « Monographie et Biographie », certains mémoires ont été comptés deux fois
selon la nature du thème ou son domaine d’investigation. Par exemple, un mémoire
sur le roi Agaja (1711-1732) ou sur Léopold Fourn (1917-1928) relève à la fois d’une
étude monographique et de l’histoire politique, le premier étant le 7 monarque
(Alladayé, 2008 : 107) de la dynastie d’Abomey et le second, le 8
lieutenant-gouverneur du Dahomey (d’Alméida-Topor, 1995, vol.2 : 299).
L’Archéologie (11) et l’histoire de l’Art ((14) font un peu plus du 8 (14,45%) du total de
l’échantillon alors que les premiers mémoires dans ces secteurs d’investigation ne
datent que de 1993 et que les équipements adéquats à ces enseignements tardent à
se mettre en place au grand dam des collègues spécialistes de ces disciplines.
Les mémoires en Archéologie, souvent bien illustrés, sont polarisés sur l’étude
des cultures matérielles, de la métallurgie du fer (travail de fer à Ségbana,
dans l’Atakora, à Allada, à Porto_Novo…) ou de la poterie dans les différentes régions du pays. Appliquant avec dextérité l’approche pluridisciplinaire
et transfrontalière, les Archéologues s’emploient à faire reculer la frontière
chronologique de l’histoire connue au-delà du XVIe siècle en utilisant comme
arsenal de recherche la culture matérielle et les sources orales, la métallurgie de fer,
les sites préhistoriques, des outils et autres vestiges préhistoriques qui attestent de la
e
e
e
435
La production historienne au département d’Histoire et d’Archéologie de l’UAC:caractéristiques, mutations et défis
présence humaine dans des régions du pays. L’enjeu de ses recherches archéologiques
est la mise au point de « séquences chronologiques nécessaires, entre autres, à la
détermination des grandes phases du peuplement et de l’évolution des hommes qui
se sont succédés dans ces milieux » (A.B.A. Adandé, Afrika Zamani, 1993 : 66).
Les secteurs de l’Histoire, déjà connus au XIXe siècle : archéologie, histoire de l’Art,
histoire politique et sociale, sociale et culturelle, monographie12, biographie et histoire religieuse totalisent 152 mémoires sur les 165 soit la quasi-totalité (92,12%) de
notre échantillon
Le premier mémoire en histoire économique remonte à l’année 197813, le deuxième
à 198114 et le troisième à 198315, soit au total trois mémoires d’histoire économique
(secteur historique connu en France seulement à partir des années 1930) relevant de
la période 1976-1990 et le reste (18) s’inscrivant dans la césure chronologique de
1991-2005 (14 ans).
Les sujets d’histoire économique couvrent généralement de larges périodes : 35 ou
40 ans comme ce titre : Une banque au service du développement du Bénin : la BBD
(1954-1989), ou parfois plusieurs siècles comme cette étude sur …l’introduction du
maïs et son impact dans les activités agraires du XVIe au XIXe siècle. Certaines de ces
études économiques sur la longue durée semblent rechercher dans le long terme
(colonial et postcolonial ou précolonial et colonial) les éléments de blocage qui
expliqueraient les échecs répétés des politiques de développement mises en œuvre
après l’indépendance de 1960. D’autres s’intéressent à l’histoire des techniques et
rites de production traditionnels ou de transformation alimentaire artisanale
(fabrication de gari chez les Mahi de Savalou ou tissage au pays baatonnu de 1910 à
1940) ou à l’histoire d’une culture vivrière et à ses transformations culinaires (le niébé
ou le maïs) rapprochant ainsi l’histoire de l’anthropologie ou de l’agronomie.
Les monographies (au total 23) et biographies (5 dont trois de la période 1979-1988),
genre historique très prisé à la première moitié du XIXe16 siècle s’ajoutent à l’histoire
politique et militaire ou sociale (42), à l’histoire sociale et culturelle (47) et à la
religieuse (9) pour faire des domaines traditionnels de l’Histoire classique c’est-à-dire
ceux déjà connus au XIXe le genre historique dominant au DHA (73,41%) entre 1976
et 1981.
La biographie est un genre historique qui a beaucoup perdu, comme l’histoire politique
traditionnelle, de son audience auprès des historiens de la « nouvelle histoire » après le
grand combat mené au cours des années 1950 et 1960 par les fondateurs de l’école
des Annales (Lucien Fèbvre et Marc Bloch) et par leurs héritiers (F.Braudel, P. Chaunu,
J. Le Goff, P. Nora ; E. Le Roy Ladurie…) pour pourfendre l’histoire événementielle et
promouvoir l’histoire structurale ou des masses populaires au détriment de celle des
héros.
1
21
3
4
5
12
L’expression « Le territoire de l’historien » est le titre d’un ouvrage d’Emmanuel Le Roy Ladurie publié chez Gallimard en 1985 pour désigner les
différents domaines d’investigation de la recherche historique
Une monographie est une étude complète et détaillée qui se propose d’épuiser un sujet précis relativement restreint.
13
Anselme Guézo, Commerce et évolution économique au Dahomey : Danxomè (1818-1858), UNB, 1978, 195p.
14
Michel Holonou, Le Mono et la crise économique de 1929 à 1935, UNB, 1981, 92p.
15
Ibrahim B.Donbouri, Le chemin de fer dans la colonie du Dahomey ; 1900-1914, UNB, 1983, 123p.
16
G. Bourdé, Hervé Martin, Les écoles historiques, éditions du Seuil, 1990, pp.148-180.
.
12
436
SÉBASTIEN DOSSA SOTINDJO
Nous reviendrons plus loin sur cette période (1976-1990) très caractéristique des
études sur les entités sociopolitiques précoloniales et de la micro-histoire à portée
locale pour l’identifier comme une étape importante dans l’évolution de la vision du
département sur la discipline de CLIO.
En attendant, poursuivons la description des faits caractéristiques de la production
historienne en examinant la couverture de l’espace national par la recherche historique.
4. Une couverture contrastée et encore insuffisante du territoire national
Tableau N°4 : Etat de couverture du territoire par la recherche historique (1976-2005)
437
La production historienne au département d’Histoire et d’Archéologie de l’UAC:caractéristiques, mutations et défis
La couverture de l’ensemble du territoire national (46 mémoires) ou de sa partie
méridionale (6) par 52 titres des travaux soit plus du tiers (36,36%) du total de notre
échantillon introduit l’inégalité qui caractérise la couverture de l’espace béninois par
l’historiographie du département.
La région qui fait figure de parent pauvre est le Sud-Ouest du Bénin ( 9 soit 5,45% du
total) c’est-à-dire les actuels départements du Mono et du Couffo, loin derrière le
centre-Bénin (27) (avec comme noyau central le Danxomè : 13) et le Sud-Centre (19
ou 11,52%), actuels départements du Zou-Collines et de l’Atlantique-Littoral, qui
abritaient des entités sociopolitiques bien célèbres comme les royaumes de Saxé ou
Savi (XVe ou XVIe siècle., d’Allada (XVe-XVIIIe siècles) et d’Agbomè (XVIIe-XIXe siècles),
tous de renommée mondiale et pourvus d’une littérature relativement abondante.
Le Nord (26 ou 15,76%), le Centre (27 soit 16,36%), le Sud-Est (24 ou 14,55%) de
l’espace béninois constituent, avec la couverture par 46 mémoires ((27,88%) de
l’ensemble du territoire national, les quatre pôles des travaux de recherche au
département d’Histoire et d’Archéologie.
La grande nouveauté est le rattrapage du Centre et de la partie méridionale du Bénin
(Sud-centre et Sud-Est) par le Septentrion (Borgou et Atakora) effectué par la recherche historique récente au DHA (1992 -2005). Les raisons de cette relative polarisation
de la recherche historique estudiantine sur ces pôles ( Bénin tout entier, Nord, Centre
et Sud-Est) restent liées à l’abondance documentaire sur les grandes monarchies
centralisées (Nikki, Danxomè, Xogbonou, Kétou …) qui ont poussé et grandi en ces
lieux entre les XVe et XIXe siècles, à une sorte de ‘’territorialisation’’ de la recherche
17par certains formateurs, à la poussée du nombre d’étudiants originaires du Septentrion dans les effectifs du département surtout en 4 Année d’Histoire et enfin à la
pratique courante chez tous les étudiants de conduire la réflexion sur des sujets
portant sur l’histoire de leur terroir.
Les tableau et graphique n°4 indiquent clairement que seulement huit mémoires
portent soit sur un autre pays que le Bénin (sur le Niger18 et le Tchad19 faits par deux
étudiants ressortissants de ces deux pays), soit sur une organisation interafricaine
(OUA)20 ou sur la coopération internationale 21ou enfin sur l’étude du Bénin avec un
autre ou dans un ensemble de pays africains22
Tout le reste, soit 157 mémoires sur un total de 165 soit 95,15% des mémoires soutenus au DHA de 1976 à 2005 portent sur le Bénin. Ce béninocentrisme caractérisé
semble être un passage obligé qui voudrait donner raison à la maxime qui a dit : «
Connais-toi toi-même » d’abord. Ce regard presqu’exclusif de l’historiographie du
DHA sur l’histoire nationale est une réponse aux recommandations du premier
colloque international sur les civilisations AJA-EWE, organisé par le DHA à Cotonou du
1
e
3
4
17
Des enseignants chercheurs du DHA privilégient certaines parties de l’espace béninois (par exemples les deux Nords, Abomey, Dassa, Porto-Novo,
etc) comme domaines de leurs travaux de recherche et par voie de conséquence orientent habilement leurs étudiants en quête de sujet vers cette
spécialisation/régionalisation de la recherche.
18
Maman Chaïbou, Evolution politique et conscience nationale au Niger (1946-1960), UNB, 1992,177p.
19
Salam Nam, Recherches archéologiques aux abords du lac Tchad de 1936 à nos jours : l’état actuel des connaissances en territoire tchadien, UNB, 1998.
20
Joseph N.P.Sagui, Bilan critique de l’œuvre de l’OUA en matière de décolonisation : 25 mai 1963-9 juillet 2002,UAC, 2004.
21
Symphorien Houangni, Contribution à l’histoire des relations Nord-Sud ; exemple de coopération au développement entre le Dahomey/Bénin et
l’Union européenne de 1963 à nos jours, UNB, 2001, 98p. et
Winner Abécy, Chine-Afrique, le dynamisme d’une coopération Sud-Sud (1956-2004), UAC, 2005.
22
Aimée Houémavo épse Grimaud, Les médecins africains en AOF ; étude socio-historique sur la formation d’une élite coloniale, UNB, 1979, 145p. et
Félix C.M.d’Olivéira, Problématique des frontières dans l’ex AOF ; le différend nigéro-dahoméen de décembre 1963, UNB, 1994, 221p.
438
SÉBASTIEN DOSSA SOTINDJO
1 au 5 décembre 1977, colloque au cours duquel trois des quatre ateliers constitués
ont clairement défini les orientations et programmes de la recherche à entreprendre
au département les années à venir et insisté sur la nécessité absolue d’une meilleure
connaissance des peuples Aja-Ewé. La même soif d’étudier de façon approfondie
l’histoire des peuples de tout l’espace béninois a poussé à l’organisation en 1999 d’un
autre «colloque international, 23Borgou 98», et à deux séminaires nationaux réalisés en
200124 et en 200625 à l’INFOSEC de Cotonou. Ce regard des Historiens béninois «braqué» sur l’histoire nationale serait une phase obligatoire dans l’évolution de la recherche historique car la même étape a marqué la croissance de l’historiographie française
du XIXe siècle à en croire Carbonell. En effet, cet auteur de : Histoire et historiens, une
mutation idéologique des historiens français, 1865-1883 (paru en 1976 à Toulouse chez
Privat), en cherchant à apprécier l’importance relative des différents domaines de
l’histoire à travers 1884 titres publiés en France entre 1870 et 1874, fait le même
constat que nous quand il écrit : « le petit nombre d’ouvrages consacrés à des pays
autres que la France (…) seulement 5 histoires universelles, 41 études sur l’Europe et
9 sur les colonies, contre 168 consacrés à l’histoire nationale ». Il qualifie l’historiographie française de l’époque de « européocentrisme outrancier » (Bourdé et Martin,
1990 :151.). Nous espérons,
que ce béninocentrisme, comme l’européocentrisme en France, ne sera qu’une étape
vite franchie grâce à une visibilité plus grande du DHA dans les débats nationaux et
internationaux, à une mobilité plus grande des formateurs et des étudiants vers les
Universités sous-régionales et régionales donc à une intensification des échanges
interuniversitaires pour «dénationaliser» la recherche historique et lui conférer son
caractère supranational ou universel que requièrent l’histoire et la géographie des
peuples africains.
Au total, le béninocentrisme et l’inégale couverture de l’espace béninois par la recherche historique traduisent la dépendance de celle-ci vis-à-vis de la documentation, de
la diversification du profil scientifique des formateurs et du financement de la Recherche en général et de la recherche en Sciences sociales et humaines en particulier par
les Autorités à différents niveaux.
er
7
8
9
23
Prévu pour l’année 1998, ce colloque a été effectivement tenu à Parakou et à Nikki du 6 au 9 avril 1999.
24
Ce Séminaire national tenu à l’INFOSEC de Cotonou, les 9 10 et 11 octobre 2001 avait pour thème central : Nouveau regard sur l’histoire des
peuples de l’espace béninois des origines au XIXe siècle.
25
Tenu du 24 au 26 octobre 2006 à l’INFOSEC, ce second national partage le même souci d’étude exploratoire et d’analyses approfondies sur la «
question de l’évolution sociopolitique » de l’historiographie béninoise des « XIe/XIIe siècle à nos jours »
439
La production historienne au département d’Histoire et d’Archéologie de l’UAC:caractéristiques, mutations et défis
I. Mutations et défis
La répartition des 165 titres de mémoires par ordre chronologique et leur distribution
par domaines d’histoire et par régions ou pays couverts met en relief deux étapes très
distinctes dans l’évolution de la recherche historique estudiantine du DHA. Il s’agit
chronologiquement de la période allant de 1976 à 1992 dénommée par nous «phase
de l’école méthodique» et celle qui couvre l’intervalle temporel de 1992 à 2005 ou
‘’phase hybride à dominante annaliste’’.
A. Phase de l’ « école méthodique » : 1976-1992
En lisant et en relisant les titres des mémoires de cette césure chronologique, le
lecteur attentif est frappé par des traits communs à ces travaux : sur 70 mémoires de
la période précoloniale 41 titres s’inscrivent dans cette période ainsi que la
quasi-totalité des monographies à portée locale et trois sur les cinq biographies de
notre champ d’étude. En ce qui concerne les domaines d’investigation, ceux
privilégiés par l’histoire classique sont les plus représentés : l’histoire politique et/ou
sociale ou culturelle (89), la micro-histoire monographique (23 à 24) à portée locale
ancrée sur l’étude d’un groupe socioculturel (Fon, Notba, Dendi, Yoruba, Mahi, Waaba,
Tankamba, Idaaca) ou d’une collectivité familiale (louanges familiales de dravoxolû
kode, panégyriques des kpokonnu du Bas-Bénin), l’histoire religieuse ou militaire (10).
Des titres de mémoires commençant par « Introduction à l’histoire de… » ou par «
Perspectives d’approche historique de … » témoignent certes de la modestie de leur
auteur, qualité des Grands Hommes et surtout du Chercheur mais ils nous renvoient
aussi, par leur fréquence dans la période 1976-1990, au manque de confiance en soi
de l’historien, à cette « oscillation hésitante », aux « prudences tremblotantes » qui
caractérisaient les historiens de la première moitié du XIXe siècle, cette génération
d’historiens de qui la Revue historique fondée en 1876 par Gabriel Monod a hérité «
les procédures de la critique textuelle et la pratique du doute méthodique dans
l’examen des témoignages » (Bourdé et Martin, 1990 :128). Mais comme le reconnaissent
les deux auteurs de « Les écoles historiques » en France, « Tous ces travaux
contribuent à faire droit… aux vertus traditionnelles de l’historien, comme le souci
scrupuleux d’exactitude et la prudence dans le jugement » (Bourdé et Martin, 1990 : 149).
Cette période privilégie la petite histoire ethnique et institutionnelle, la période
précoloniale, les domaines traditionnels de l’histoire dans la vision des historiens de l’
« école méthodique des historiens professionnels » dont les grands théoriciens et
animateurs furent Charles-Victor Langlois et Charles Seignobos de la deuxième moitié
du XIXe siècle. Rappelons que cette histoire méthodique des Historiens professionnels,
née avec la Revue historique en 1876, reste le courant majoritaire dans les universités
européennes jusqu’aux années 1950 malgré l’émergence de l’école des Annales en
1929. Cette dernière n’infléchit le rapport de force en sa faveur au niveau de
l’establishment universitaire qu’au cours des années 1960 et début 1970 grâce à
440
SÉBASTIEN DOSSA SOTINDJO
l’action vigoureuse de la deuxième génération des héritiers de l’école des Annales
rassemblés autour de la figure emblématique de Fernand Braudel (1902-1985).
Fortement influencée par l’école allemande du XIXe siècle, notamment par Léopold
Von Ranke, l’école méthodique en France prône une histoire scientifique donc
objective, une histoire désintéressée c’est-à-dire qui se suffit à elle-même ou qui se
fait pour elle-même ; une histoire indépendante de toute doctrine philosophique,
religieuse et politique et de tout régime politique. Si sur le plan épistémologique,
l’école méthodique n’a pas remis en cause l’objet de l’histoire (« la découverte du
passé »), ni ses domaines d’investigation (politique, militaire, social, diplomatique,
religieux), ni sa nature (histoire narrative ou « histoire événementielle ») et a confirmé
l’exclusivité des documents écrits pour « faire de l’histoire », en revanche sur le plan
méthodologique, elle innove en insistant sur la priorité à accorder aux documents
primaires au nom de leur fiabilité et authenticité et sur l’effacement de l’historien
derrière les documents qu’il doit se garder d’interpréter selon ses idées, ses
sentiments ou ses croyances religieuses.
Les Maîtres qui ont dirigé les travaux de recherche des premiers formateurs des
premiers étudiants du DHA (1976-1980), pétris dans le moule de l’école méthodique
qui a dominé tous les ordres d’enseignement en France et influencé toutes les
universités européennes jusqu’aux années 1950, ont fortement influencé
idéologiquement, épistémologiquement et méthodiquement les œuvres historiques
au DHA à travers leurs disciples devenus formateurs-encadreurs des mémoires de la
période 1976-1980. Dans ce laps de temps en effet, sur les 26 premiers mémoires
recensés par nos soins, 16 appartiennent à l’histoire politique ou militaire, 7 (sept)
relèvent de l’histoire sociale, un seul titre est de l’histoire économique, un autre, de
l’histoire de l’Art et enfin un autre thème porte sur l’étude d’un journal du pouvoir
colonial : France-Dahomey (1944-1960). L’équipe de formateurs au département d’histoire et d’archéologie de cette époque (1971-1980) comptait environ neuf Docteurs
dont les travaux portaient tous sur la période précoloniale comme la grande majorité
des 26 mémoires ci-dessus indiqués et sur l’Afrique (6) ou sur l’histoire nationale (3).
Un seul titre en histoire de l’Art et également en histoire économique datent de 1976
à 1980; cela est certainement dû à l’absence dans les programmes d’études de
l’époque de thèmes d’enseignements portant sur ces deux domaines d’histoire ; à
moins que l’évitement de l’histoire économique par la recherche historique de cette
période ne soit dicté par une allergie manifeste à la doctrine marxiste. En effet,
celle-ci avait influencé l’école des Annales à sa naissance et par voie de conséquence
l’histoire économique dont le jaurésien Ernest Labrousse fut une figure de proue en
France dans les années 1930. L’école méthodique prescrivant théoriquement
l’indépendance de l’histoire de toute doctrine philosophique ou politique, la justification
épistémologique et idéologique d’un tel abandon de l’histoire économique mettrait à
l’abri de tout soupçon l’équipe d’encadrement du département de cette époque.
Ainsi, la forte proportion des titres relevant de la période précoloniale, la mode des
monographies locales, la prépondérance d’autres domaines traditionnels de l’histoire
441
La production historienne au département d’Histoire et d’Archéologie de l’UAC:caractéristiques, mutations et défis
classique, notamment de l’histoire politique ou de l’ethnohistoire (appelée ici histoire
sociale ou de groupes socioculturels) et la rareté de l’histoire économique (un seul
titre entre 1976 et 1980 et trois entre 1976 et 1990), caractéristiques de la phase
1976-1992 de l’évolution du département, rapproche idéologiquement et techniquement
l’historiographie du DHA plus près de l’école méthodique que de celle de la phase
suivante, celle de la ‘’mixité des genres historiques à dominante annaliste’’
B. Mélange des genres à dominante annaliste (1992-2005)
Les facteurs des mutations au niveau de l’historiographie du DHA exprimées à travers
les titres des mémoires d’étudiants s’appuient sur un renforcement du personnel
enseignant entre 1980 et 1988 et la révision périodique des programmes d’enseignements.
1. Un personnel enseignant plus diversifié
La période de 1980 à 1988 ou celle un peu plus large de 1978 à 1990 a vu arriver au
DHA un gros contingent de nouveaux enseignants (15) au profil scientifique diversifié
: trois spécialistes en Archéologie/Préhistoire, un spécialiste de l’histoire de l’Art, un
médiéviste, quatre historiens de l’histoire économique, deux spécialistes de
l’Antiquité… provenant de différentes universités : université nationale (trois 26
anciens étudiants du DHA), université d’Ilè Ifè au Nigeria, universités françaises dont
celle de Paris VII où Catherine Coquery-Vidrovitch a dirigé au cours des années 80 et
90 la ou les thèses d’au moins Sept formateurs du département. Ce cocktail de nouveaux enseignants chercheurs entraine une diversification thématique aussi bien au
niveau des enseignements dispensés qu’au niveau des titres de mémoires conduits
dans une vision très différente de la phase précédente. De nouveaux enseignements
furent programmés et dispensés en archéologie/Préhistoire, en histoire économique,
en histoire de l’Art, en histoire de l’Antiquité gréco-romaine et africaine… et des
séminaires de méthodologie en archéologie, en histoire, en histoire quantitative, sur
l’histoire nationale organisés en 4 Année renforcent les capacités de recherche des
futurs candidats à la maîtrise d’Histoire.
1
e
2. Une révision périodique des programmes d’enseignement
En dehors des journées pédagogiques organisées au début de chaque année
académique pour évaluer l’année écoulée et discuter du contenu des syllabi sur les
enseignements à dispenser, en plus des colloques (1977, 1994, 2006) et autres
séminaires nationaux (1985, 1988, 2001 et 2006) organisés par le département pour
faire le point sur les recherches en cours, le collège des enseignants-chercheurs du
DHA s’était spécialement réuni au cours des années universitaires 1980-1981, 19921993 et 2003-2004 pour réviser en profondeur les programmes d’étude en cours en
vue d’un renforcement des enseignements sur l’histoire africaine et sur l’histoire
26
Trois anciens étudiants du département dont deux ont fait leur thèse à la Sorbonne à Paris et le troisième, doctorant à l’époque, était inscrit dans
une université nigériane pour une thèse en Préhistoire.
442
SÉBASTIEN DOSSA SOTINDJO
nationale, d’une réorganisation/diversification des enseignements (en Unités de
Valeur en 1981, création d’une option en Archéologie en 3 Année en 1992) et d’une
adaptation des programmes d’étude aux préoccupations contemporaines. Ce dernier
souci de traduire les exigences du marché du travail dans les programmes d’enseignement
a débouché sur l’apparition dès la rentrée 2003-2004 de thèmes d’enseignement à
valeur pratique comme ; Histoire et informatique en 1 Année ; initiation à l’éducation
et à la pédagogie et initiation à la conception de projet en 2 Année ; Informatique et
élaboration de projets en 3 année et Histoire, Archivistique et informatique en 4
Année d’histoire.
Les effets conjugués de ces changements aux niveaux des ressources humaines, des
manifestations scientifiques, de la nature et de la structure des enseignements ont eu
des retombées sur l’historiographie de cette période.
e
e
e
e
e
3. Une historiographie de ‘’mouvance annaliste’’
Cette période (1992-2005) diffère de la précédente (1976-1991) par une diversité de
thèmes et de domaines d’investigations (histoire de l’Art, histoire économique,
Archéologie, histoire politique, histoire sociale, histoire culturelle) majoritairement
préoccupés par l’étude de faits des XIXe et XXe siècles c’est-à-dire des faits récents ou
présents.
A partir de 1991, l’engouement pour l’histoire politique (celle des entités sociopolitiques
précoloniales) est tempéré puisque de 1991 à 2001, on enregistre à peine 7 titres de
mémoires relevant de ce secteur historique alors que de 1976 à 1980 nous avions
identifié 26 titres. Le retour de l’histoire politique semble marqué les années 2002 (2
tires), 2003 (3), 2004 (3) et 2005 (1) soit 9 mémoires dont deux de la période
précoloniale revisitée étudient les sociétés Natéma de l’Atakora et la chefferie Waawo
de Maaringou (Atakora) et un autre de la période coloniale et postcoloniale est une
biographie d’un homme politique, Marcellin Sourou Migan Apithy. Les six autres titres
de mémoires de la sous-période 2002 à 2005, tous branchés sur la période postcoloniale,
analysent successivement : la conférence nationale de février 1990 et ses
répercussions, la période d’instabilité politique de 1963 à 1972, les réformes territoriales de
443
La production historienne au département d’Histoire et d’Archéologie de l’UAC:caractéristiques, mutations et défis
1960 à 2003, le bilan de l’œuvre de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) et sa mue
en Union africaine (UA) en juillet 2002 et le dernier de la série étudie l’Organisation de
la Jeunesse révolutionnaire du Bénin (OJRB) dans l’animation politique de 1972 à
1989 (voir annexe)
Ainsi cette plage chronologique de 1991 à 2005 se caractérise par des sujets qui
portent sur l’histoire récente, celle-là qui se préoccupe d’établir un rapport actif entre
le passé et le présent et qui amène l’historien à intégrer dans ses réflexions les grands
débats d’actualité (conflits frontaliers, démocratie locale, conférences nationales en
Afrique, question du panafricanisme à travers l’OUA, etc). La rupture est nette avec la
période allant de 1976 à 1988 où l’histoire politique était plus préoccupée à connaitre
les entités sociopolitiques d’avant la pénétration coloniale et les bouleversements
induits par la colonisation que de se risquer sur l’étude des faits récents relevant de
l’histoire immédiate.
Les études sur la longue durée embrassant deux ou trois périodes de l’histoire
nationale (coloniale et postcoloniale ; précoloniale, coloniale et postcoloniale…), la
forte fréquence des titres portant sur l’histoire récente ou immédiate, l’utilisation des
techniques quantitatives dans l’analyse historique en plus de l’approche qualitative
sont autant d’indicateurs qui montrent que l’histoire «pointilliste ou événementielle»
a cédé le pas à l’histoire annaliste, celle qui traite le passé par de larges pans
chronologiques et/ou géographiques ( le Bénin entier, Bénin et Togo, Bénin dans la
coopération CEE-ACP…) et qui s’ouvre à toutes les Sciences de l’homme par
l’interdisciplinarité pour s’enrichir de leurs concepts et outils d’analyse. Cette histoire
là, celle de la sous-période de 1992-2005 est très proche de l’école historique née en
1929, la grande école française des Annales, encore minoritaire dans les universités
françaises au cours des années 1930 et 1940, concurrente de l’école méthodique
entre 1950 et 1960, s’imposa en France au cours de la décennie 1960 et début 1970.
L’influence de l’école des Annales avec sa revue : Annales : économies, Sociétés,
Civilisations27 a largement débordé les frontières de l’Hexagone pour couvrir l’Europe,
l’ex-URSS, les Etats-Unis et le Canada. Cette école des Annales sert de cadre de
pensée à beaucoup de formateurs du DHA formés dans les universités européennes
et ‘’sanglo-saxophones’’ depuis le renforcement de l’équipement d’encadrement du
DHA (années 80 et 90).
1
C. Deux des nombreux défis à relever
·La nécessité d’un ouvrage de synthèse
L’étude systématique des entités sociopolitiques d’avant la conquête coloniale du
XIXe siècle sur l’ensemble de l’actuel espace béninois, recommandée par les
colloques de 1977 sur les civilisations Aja-Ewe et de 1999 sur le Borgou (Borgou 98) et
les séminaires nationaux de 1988, 2001 et de 2006, avait pour ultime finalité une
connaissance approfondie des différents groupes socioculturels de chez nous, de leur
mode de fonctionnement et de leur degré et formes d’organisation en vue d’une
27
Aujourd’hui la Revue Annales : ESC s’appelle « Annales Histoire, Sciences Sociales ».
444
SÉBASTIEN DOSSA SOTINDJO
synthèse actualisée dans un ouvrage collectif sur l’histoire « nationale ». La rédaction
de cet ouvrage s’impose comme un devoir de résultats de tous les travaux de
recherche historique effectués aussi bien par les formateurs que par les étudiants
depuis les années 1970 dans le souci de rendre visible tout le travail de termites ou
d’abeilles que font journellement enseignants-chercheurs et enseignés-apprentischercheurs dans cette termitière ou ruche qu’est le DHA. La rédaction de cet ouvrage
collectif intégrant tous les travaux récents de la recherche sur l’histoire du Bénin serait
une réponse des professionnels de ce département à une attente sociale faite du
grand public, notamment des acteurs de tous les ordres d’enseignement du Bénin qui
y verraient une précieuse source d’informations réévaluées et actualisées à côté des
deux seuls ouvrages de synthèse sur le Dahomey/Bénin. Ces derniers, les seuls en
usage, datent, le premier de 1962 et réédité en 1981 a pour auteur Robert Cornevin28
le second de 1970 (dont la 3 édition est de 1975), un manuel destiné à la classe de
CM2 de l’école primaire est rédigé par un homme de culture, Jean Pliya29, Professeur
de Géographie et écrivain de renommée internationale. Ces deux ouvrages ont
maintenant vieilli et il est grand temps que les historiens professionnels du DHA
relèvent le défi en mettant à la disposition du peuple béninois un autre ouvrage de
synthèse sur l’histoire du Bénin.
Reculer les frontières de l’ignorance
Les frontières connues aujourd’hui de l’histoire du Bénin coïncident avec les XVe ou
XVIe siècle. Au-delà, les faits historiques deviennent rares, les sources orales sont
inconsistantes et la parole devrait être laissée aux ‘’archives du sol ‘’30 dont les seuls
interprètes sont les Archéologues et les Préhistoriens qui malgré leur compétence et
bonne volonté manquent du minimum pour faire leur travail d’enseignant et de
chercheur. Pourtant ils sont les seuls qui, avec les vestiges exhumés des fouilles et
l’approche pluridisciplinaire coutumière, parviennent à faire les remontées les plus
lointaines dans le temps grâce aux techniques de datation. Quelle est cette histoire du
Bénin qui ignore encore comment le processus d’hominisation s’est effectué chez
nous ; cette histoire qui ne sait encore rien ou presque des longs siècles du passé de
l’Homme ayant précédé la naissance de Jésus Christ et de ceux qui l’ont suivi jusqu’à
la traite négrière? L’Histoire connue, celle allant du XVe siècle à nos jours, n’est qu’une
infime partie du passé de l’Homme béninois par rapport à la grande Histoire de
l’espace béninois dont la fresque part de la Préhistoire à aujourd’hui. L’histoire déjà
connue a besoin d’être élargie, approfondie et réévaluée tandis que la grande
inconnue doit être dégrossie, débroussaillée et labourée. Il y va de l’avenir du pays car
aucune Nation ne saurait prétendre se développer si elle reste amnésique de son passé.
1
e
2
3
28
Robert Cornevin, Histoire du Dahomey, Paris, Berger-Levrault, 1962,568p. Ce livre a été réédité sous le titre de La République populaire du Bénin
Des origines dahoméennes à nos jours, éditions Maisonneuve et Larose, Paris, 1981, 584p.
Jean Pliya, Histoire du Dahomey Afrique occidentale, Paris, imprimerie Saint-Paul, 1975, 178p.
30
Expression empruntée au nom de la Revue biannuelle : Cahiers des archives du sol, de l’équipe de recherche archéologique de l’Université nationale
du Bénin mise en place en 1978.
29
445
La production historienne au département d’Histoire et d’Archéologie de l’UAC:caractéristiques, mutations et défis
Conclusion
Logée comme la géographie dans le département des études littéraires et
linguistiques (DELL) de 1971 à 1975, l’histoire a cessé sa vie de sœur siamoise avec la
géographie quand les deux disciplines séparées en 1975 constituèrent chacune une
section indépendante.
Les mémoires soutenus entre 1976 et 1991, de par leur titre, affectionnent la
micro-histoire à portée locale, la période précoloniale, l’histoire politique des entités
territoriales constituées dans l’espace béninois, les bouleversements dus à la
pénétration coloniale dans le souci manifeste d’inventorier le patrimoine politique et
culturel mis en place par nos populations avant l’intrusion étrangère et les
déstructurations/déconstructions perpétrées par l’impérialisme français dans nos
sociétés indigènes. Pendant cette première phase de l’évolution de la production
historienne du DHA, la vision du « passé humain », les domaines d’investigation de la
recherche historique, la propension pour l’étude des faits datant des XVIe, XVIIe, XVIIIe
et XIXe siècles, donc pour l’histoire « des faits certains » nous renvoient à ce courant ou
école historique du XIXe siècle européen connu (e) sous le nom de l’école
méthodique des historiens professionnels fondée en France par G. Monod et G.
Fagniez à travers la Revue historique lancée en 1876. Les grands théoriciens et
propagandistes de cette école - encore appelée abusivement le positivisme –
encore dominante dans les universités européennes des années 1940 et 1950
furent Ch.-V. Langlois et Ch. Seignobos qui ont défini les règles applicables à la
discipline dans un ouvrage classique : introduction aux études historiques dont la
première édition a été publiée chez Hachette en 1898. Cet arôme positiviste que
dégage la production historienne de cette époque (1976-1992) était insufflé par les
premiers formateurs du DHA moulés dans l’école méthodique de leurs Maîtres.
De l’école méthodique à celle des Annales, le passage est repérable à travers les
thèmes de mémoires de la deuxième phase (1992-2005) de la croissance du DHA à
partir de la diversification des titres, de la propension pour les études sur la longue
durée et pour l’histoire récente ou immédiate et de l’utilisation d’une panoplie plus
variée de techniques ou outils d’analyse sur un fond de pluridisciplinarité et de
comparatisme unanimement acquis.
Le béninocentrisme, passage obligé d’une jeune historiographie encore friande de
son passé qui n’aura de sens qu’élargie à la sous-région, la mise à la disposition du
public béninois de la première synthèse intégrant les résultats de la riche production
historienne du DHA et la conquête patiente, méthodique et inévitable, par la
recherche historique, de toutes les zones d’ombre de l’intégralité de la fresque
historique du Pays, des origines préhistoriques à l’heure de la mondialisation du destin
des Peuples, restent quelques défis à relever.
446
SÉBASTIEN DOSSA SOTINDJO
Sources et références bibliographiques
I. Sources
· Sources d’archives du DHA
- Procès-verbaux de délibérations de soutenance de mémoires (1989-2000)
- Cahiers de procès-verbaux de réunions, de journées pédagogiques et de séminaires du DHA
- Rapports de fin d’année de 1990 à 2007 contenant les statistiques sur les
effectifs d’étudiants par promotion et les taux de réussite par année
· Sources imprimées
- Bibliothèque universitaire, Des thèses et mémoires conservés à la bibliothèque
de l’UNB, 1982, 78 p.
- Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines (FLASH), Centre de
documentation, Catalogue des mémoires d’Histoire (1978-1994) (très lacunaire)
- Département d’Histoire et d’Archéologie, Etat récapitulatif des thèses et
mémoires déposés au DHA (1976-2008) (cet instrument de recherche initié par
le chef de département de l’époque (2006) doit être corrigé et poursuivi)
· Ouvrage-source
CHANSON-JABEUR C. COQUERY-VIDROVITCH C. (éds), L’Histoire africaine en Afrique,
Paris, L’Harmattan, 1995, 245p.
·Littérature grise : rapports d’étudiants produits dans le cadre du séminaire de « M é thodologie et Recherche en histoire quantitative » assuré par l’auteur en 4ème Année
- AHOUNOU Nazaire et QUENUM Rogatien, Le trentenaire de l’Université nationale du
Bénin (UNB) : grandes évolutions et contribution à la formation des formateurs du
Supérieur, AC,2000-2001, doc. manuscrit, 25p.
- ALLOCHÉMÈ D.Olivier et PIAMY Idrissou, Les grandes évolutions du DHA des origines à
aujourd’hui, AC, 1999-2000, doc. manuscrit de 23p.
- ASSAMAGAN Tchotcho et BONI MORA Cyrille, Analyse critique de la rédaction des
mémoires en Histoire et en Archéologie, AC, 2004-2005, doc. manuscrit de 18p.
- FOLLY Titus L. et GBAGUIDI S.Florian, Regard du DHA sur l’Histoire, UNB, Année
académique (AC), 1996-1997. doc. manuscrit de 15p.
- HADONOU Julien et VIHO Pascal, Production scientique au DHA : bilan, tendances et
défis (1976-2002), communication présentée par les intéressés à la Journée du
Maîtrisard du 25 mai 2003, AC, 2002-2003, doc. imprimé de 13p.
- MISSIHOUN D.Kossi et TAMOU B.C.G., Département d’Histoire et d’Archéologie :
formateurs, formation et débouchés, AC, 2004-2005, doc. manuscrit de 25p.
447
La production historienne au département d’Histoire et d’Archéologie de l’UAC:caractéristiques, mutations et défis
II. Bibliographie
·
Ouvrages généraux
ALLADAYÈ (C.J.), Fresques danxoéennes, Cotonou, éditions du Flamboyant, 2008, 120p.
ALMEIDA (H.d’), Histoire économique du Dahomey (Bénin) (1820-1890), Paris,
L’Harmattan, vol. II, 299p.
AFRIKA ZAMANI, Revue annuelle d’Histoire africaine, Numéro spécial sur le Bénin,
Nouvelle série – N°1, CODESRIA publications, Yaoundé, 1993, 276p.
Le COURRIER de l’UNESCO, Si l’Histoire m’était contée Penser le passé, avril 1990, 50p.
·
Ouvrages de méthodologie
BRAUDEL F., Écrits sur l’Histoire, Paris, Flammarion, 1984, 315p.
BOURDÉ G. MARTIN H., Les écoles historiques, Paris, éditions du Seuil, 417p.
LE ROY LADURIE E., Le territoire de l’historien, Paris, Gallimard, 1985, 344p.
448
SÉBASTIEN DOSSA SOTINDJO
Annexe
Tableau chronologique des mémoires d’Histoire soutenus au DHA (1976-2005)
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453
La production historienne au département d’Histoire et d’Archéologie de l’UAC:caractéristiques, mutations et défis
Sources : - 1976-1994, C.Chanson-Jabeur et C.Coquery-Vidrovitch (éds), 1995, pp.11-35.
-1988-2000, Quelques procès verbaux de délibération, source d’archives du DHA
-1976-2005, Bibliothèque du DHA avec de graves lacunes dans les Années 70 et 80.
454
Economie
455
456
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences Cultures et Technologies Economie : P. 456 - 469, 2009
Analyse des systèmes des pôles de
compétitivité en construction dans les
secteurs ananas au sud du Bénin
Hortensia ACACHA/ INJEPS/ Université d’Abomey-Calavi
Introduction
Si la concentration des activités dans un secteur est le processus d’un développement
économique, les effets de ce processus dans l’espace s’estompent après une distance
spatiale. C’est pourquoi, dans le cadre de cet article, nous voulons étudier les pôles de
compétitivité qui se créent et qui sont en formation dans le secteur ananas et analyser
leur fonctionnement et leur dynamique territoriale dans le département de l’Atlantique.
1- Objectifs et hypothèse de la recherche
Etudier les pôles de compétitivité qui se créent et qui sont fonctionnels dans le secteur
ananas
Objectifs spécifiques
1-Identifier les pôles de croissance dans le secteur ananas
2-Analyser le fonctionnement de ces pôles
Hypothèses de recherche
H1
Les zones qui concentrent la production de l’ananas ont des potentialités endogènes
de production et de faibles réseaux organisationnels et institutionnels de commercialisation
2- Cadre théorique
La notion de pôle de compétitivité indique une région généralement organisée, ou
s’accumule un savoir-faire dans un domaine technique qui pourrait procurer un avantage
compétitif au niveau national et même mondial. La compétitivité de la région est une
phase critique d’évolution et de croissance à atteindre.
Ce concept repose sur deux postulats. La concentration géographique de l’activité
économique et les bienfaits que cette concentration économique répandra sous
457
Analyse des systèmes des pôles de compétitivité en construction dans les secteurs ananas au sud du Bénin
formes d’effet d’entrainement à travers différents facteurs (stimulation de la demande,
création d’emplois) sur le reste de la région. Selon les auteurs comme PERROUX, Mario
Polèse et Shearmur (2002), les effets de cette propagation se font au niveau des
services et de la sous traitance.
Les théories des pôles formulent un postulat de la manière suivante : La création de
foyer dans le centre principal d’un hinterland ou d’une périphérie en besoin de
développement, va améliorer le système économique de tout le territoire grâce aux
effets de diffusion.
Selon cette théorie, les facteurs de polarisation sont dus soient à la centralité plus ou
moins forte d’un lieu (Christallier), la présence de foyer de croissance, la dotation
d’économie d’agglomération et enfin, par les interrelations hiérarchiques ou par
réseaux.
La théorie des pôles de croissance élaborée par Perroux a connut une grande renommée
internationale, pratiquement dès sa conception. Mais les travaux de Hirschman (1958),
Myrdal (1959), Kuklinski et Petrella (1972), et d’autres, ont ajouté beaucoup aux idées
de départ de Perroux, et surtout à celle selon laquelle le développement correspond
à un processus de déséquilibre. Ainsi, selon Hirschman et Myrdal, les pôles de
croissance sont associés à deux processus dynamiques principaux, qu’on peut
identifier, comme effets de polarisation et effets de Croissance endogène ou croissance
exogène. En d’autres termes, outre le phénomène de la centralité, les forces centripètes et les forces centrifuges peuvent expliquer le phénomène des pôles en formation.
Les forces centripètes peuvent être de nature culturelle, sociale, institutionnelle ou
purement économique qui attirent les activités de l’hinterland ou de la périphérie vers
le centre. Par exemple, ce phénomène peut venir des activités formelles ; des
équipements spécialisés, de l’éducation, des loisirs, des services spécialisés, de la
recherche et développement, des médias. Ces forces contribuent au redéploiement et
à la construction d’infrastructures de transport souvent qui réduisent la distance et
favorise la polarisation.
Les forces exogènes ou centrifuges diffusent l’effet des pôles vers l’extérieur, vers
l’hinterland ou la périphérie à travers la diffusion des innovations. L’achat de matières
premières issue de l’hinterland par des entreprises localisées au centre, la diffusion de
flux de capitaux, de ressources, de main d’œuvre de technologie et d’informations. Ce
phénomène s’observe aussi au niveau des migrants qui travaillent au centre et qui
migrent vers l’hinterland afin de bénéficier d’agréments divers. On pourrait aussi identifier dans ce cadre, des entreprises qui délocalisent leur unité vers l’hinterland afin de
bénéficier d’agréments divers.
Les forces centrifuges sont maintenues par le transport et par des subventions au
développement, des différences salariales, les effets de répulsion des centres comme
la pollution, la congestion, les coûts fonciers, la violence, les services gouvernementaux offerts dans l’espace national.
La dynamique des forces centripète et centrifuge influence la structure spatiale comme
la topographie et autres. Les fores centrifuges neutralisent les forces centripètes lorsque le centre est bien développé et dans le cas contraire, le drainage de l’hinterland
458
HORTENSIA ACACHA
vers le centre se fait.
La théorie des pôles présente des avantages pour le développement local. Selon
Proulx 2002, cette théorie permet l’établissement d’une fiscalité de communauté
plus équitable qui favorisera une gestion publique plus cohérente de certains services
et biens publics collectifs. Cette théorie permet un aménagement du territoire plus
efficace, plus harmonieux, et réduits les coûts liés à l’étalement urbain et aux
problèmes de dévitalisation. Elle permet aussi le renforcement des agglomérations
pour le soutien au développement socioéconomique, global et plus équilibré dans
l’ensemble du développement au niveau national.
Cette perspective territoriale devient pertinente pour comprendre le rôle de l’espace
dans les activités économiques. Sous cet angle, la représentation de l’espace se
modifie et influence les choix collectifs et la localisation (production, profitabilité,
transport) Aydalot 1987. L’espace n’est plus neutre de même que les activités qui y
sont localisées surtout par rapport à certains grands centres d’agglomération.
3- Méthodologie
L’analyse des pôles de croissance se fera ici suivant une vision territoriale. Le développement des pôles se rapporte à des territoires dont les activités économiques qui y
sont localisées contribuent à leur développement. Ces activités sont donc exercées
par des acteurs régionaux, locaux qui influencent la dynamique territoriale. Ainsi,
l’analyse des pôles de croissance dans le secteur ananas sera abordée sous quatre
dimensions dont le tableau suivant informe sur les choix effectués pour opérationnaliser
le concept de pôle :
Tableau N°1 Cadre opératoire de l’analyse du travail
Indicateurs de centralité
Forces endogènes
Pôle
Forces exogènes
Localisation des activités économiques
Indicateur de spécialisation
Indicateur de concentration
Organisation de la production
Capacité d’adaptation et d’innovation du système
productif local
Potentialités de la main d’œuvre
Intensité des relations d’échange et rapport avec la
ville, analyse organisationnelle
Densité industrielle
Localisation des activités économiques
Caractéristiques géographiques
Facteurs de rapprochements et infrastructures
459
Analyse des systèmes des pôles de compétitivité en construction dans les secteurs ananas au sud du Bénin
4- Présentation et analyse des données de la recherche
La république du Bénin dispose de près de 490 000 ha de terres aptes à la culture
d’ananas ; mais la production actuelle n’occupe que 2 ,5% de cette superficie.
4-1- Analyse des espaces de production et de développement de l’ananas
Communes de
production
concernées
Part en % de la
production de
l’ananas par
rapport aux
autres cultures
Rang
Actifs agricoles
sur superficie
en ha
Abomey-calavi
14
1
4
Traces
0,8
37 ,6
24 ,8
2
6
4
Très négligeables
5
2
2
6,87
0
1 ,4
0
65,57
9,01
1 ,6
Allada
Kpomasse
Ouidah
Toffo
Tori-bossito
Zê
Source enquête 2009
L’analyse de ce tableau montre que l’ananas vient en second rang pour les communes
d’abomey-calavi, de Tori-bossito et de Zê. Il faudrait aussi respectivement, 7, 9, et 2
actifs agricoles par ha pour produire dans ces différentes communes.
La culture d’ananas est en propension dans ces communes pour la mécanisation, et
pourrait être considéré comme une potentialité économique de la zone.
460
HORTENSIA ACACHA
Source enquête 2009
Ce tableau montre la répartition des actifs agricoles dans le secteur ananas au niveau
des différentes communes du département du littoral. Aussi, ces données à différents
niveaux ont permis de calculer l’indice de spécialisation au niveau de chaque
arrondissement dans le secteur concerné.
xij
∑ xij
i
Quotient localisation =
Xi
∑ Xi
i
Quotient de localisation est égal au coefficient de concentration
∑/
Spécialisation = ½
j
xij
Xi
−
/
∑ xij ∑ Xi
i
i
461
Analyse des systèmes des pôles de compétitivité en construction dans les secteurs ananas au sud du Bénin
xij : pop active dans la branche i dans la région j
Xi : pop active nationale dans la branche i
∑ xij : pop active totale dans la région j
i
∑ Xi : pop active nationale totale
i
Le quotient de localisation est plus élevé dans les communes de tori-bossito, Toffo, zê
et d’Abomey-calavi et très faible dans les communes de Ouidah et kpomasse. Ces
résultats
montrent que les zones de meilleure production de l’ananas restent Tori bossito, Toffo
et Abomey-calavi.
Quant au coefficient de spécialisation, il apparaît plus fort à tori bossito, Toffo et zê.
Cette analyse de la répartition spatiale de cette culture dans l’atlantique montre donc
une répartition inégale de la production. Les activités de production et la main d’œuvre
utilisée sont plus concentrées dans ces zones que partout ailleurs.
4- 2- Dynamique territoriale
4-2-1 Analyse des facteurs exogènes
Tableau N° 3 Production et exportation de l’ananas béninois dans les communes choisies
Source enquête 2009
L’analyse de ce tableau montre que la superficie cultivée augmente de 2000 à 2006
de 955 ha à 2196 ha. De même, la production en tonnes a augmenté de 51 151
tonnes à 120 000 tonnes. Cette situation a aussi amené une exportation beaucoup
plus grande des quantités produites d’ananas comme le montre le tableau ci-dessous.
462
HORTENSIA ACACHA
Ces résultats montrent suivant une analyse chronologique aussi que les zones de
production choisies sont propices à cette culture et qu’il existe de plus en plus une
domestication de la culture dans l’espace qu’on pourrait appeler territoire de production
d’ananas, comme activité économique principale qui contribue au développement
de l’économie des communes choisies.
4-2-2 Répartition de la production nationale suivant les destinations
Sur le plan national, la répartition de l’offre dans le secteur ananas se fait selon les sous
branches de la façon suivante :
Tableau N°5 Répartition de l’offre d’ananas produite au niveau national suivant l’usage
Source enquête 2009
L’analyse de ce tableau montre que l’exportation de l’ananas dans les pays africains
prend une portion plus élevée que toutes les autres formes d’utilisations de production
d’ananas. Cette filière transforme aussi peu sa production qui est de 15%. La consommation
locale est de 35%, proportion assez faible pour une activité pouvant être considéré
comme un ressort économique au niveau territorial.
L’analyse de ce tableau montre aussi que les unités de production sont de taille assez
réduite et de capacités limités pour une production répondant aux normes internationales
; seulement 2% sont placés sur le marché européen. Par contre, les marchés régionaux
de normes économiques moins exigeantes arrivent à accepter moins de 50%.
L’analyse du tableau montre enfin que seulement 15% de la production qui sont
transformés. Se basant sur le fait que la culture de l’ananas est une denrée très périssable, cette voie de transformation locale est faible et montre que cette production
n’est pas encore maîtriser sous toutes ses formes, mêmes dans les zones de fortes
concentration. On rencontre une multiplicité d’acteurs économiques, dont peu de
transformateurs mais qui utilisent des moyens de production par très modernes tel
observés lors de nos visites.
Au niveau des facteurs exogènes, notons la présence de l’Etat qui appuie le secteur
par la subvention de motoculteurs au niveau de chaque unité villageoise.
463
Analyse des systèmes des pôles de compétitivité en construction dans les secteurs ananas au sud du Bénin
Il subventionne des engrais comme le NPK, l’urée et le sulfate de potassium qui
restent encore insuffisant, mais l’ananas peut bénéficier des arrières effets de l’engrais
destinés au mais.
4-2-3 L’analyse des réseaux d’acteurs rencontrés dans le secteur ananas
Les principaux acteurs de la filière sont : Les producteurs, les associations de producteurs
et de transformateurs, les détaillants, les collecteurs et les structures d’approvisionnement,
les transporteurs, les entreprises impliquées ; les douaniers etc. Ces différents acteurs
s’organisent pour faire fonctionner le système de production d’ananas jusqu’à l’exportation.
Ces différents acteurs se retrouvent en réseau. Au niveau de chaque village, on
retrouve un groupe de producteurs d’ananas y compris les transformateurs. Les
représentants de ces groupes niveau village, sont les membres des groupements
d’ananas au niveau de chaque commune qui à leur tour, sont les membres des
réseaux au niveau du département.
Il existe aussi les ONG, qui jouent un rôle important à travers un appui institutionnel et
organisationnel des producteurs et transformateurs dans la filière et à travers des
appuis techniques. Elles interviennent aussi dans l’exportation de l’ananas en facilitent
l’établissement des contrats entre les réseaux locaux et les réseaux au niveau national
et international. Voir le schéma ci-dessous
464
HORTENSIA ACACHA
Il existe dans la filière, différents niveaux de construction de réseaux du niveau local
au niveau national et international. Ces réseaux sont peu fonctionnels (dénombrement des membres difficile à estimer, invisibilité des actions concrètes au niveau
local, peu de dynamisme dans la commercialisation de l’ananas exporté).
La division spatiale des activités économiques des différents acteurs impliqués dans la
chaîne montre que le centre, la ville de Cotonou joue un rôle stratégique dans la
filière ananas. Ainsi, la relation que Cotonou entretient avec les zones de grande
concentration de production identifiée dépend de la forme spatiale qu’épousent les
activités économiques.
En réalité, l’espace se décompose comme un espace de production de la matière de
base (production d’ananas°, puis les activités de transformation comme les usines
apparaissent un peu plus rapprochées de Cotonou, et enfin, les activités de biens et
services et les activités de manufactures et des consommations sont domiciliées à
Cotonou. Il existe donc différents niveaux spatiales des activités de production, puis
celles de transformation et enfin, des activités de services et de consommation. Voir
le schéma ci-dessous
Schéma Spatialisation des différentes activités rencontrées dans le secteur
Il existe donc trois grands pôles qui sont représentés par chaque base du triangle. Le
pôle de production, le pôle de consommation et le pôle de services et manufactures.
465
Pour la commercialisation du produit, l’espace est découpé. Alors qu’il existe de petits
centres de production et des centres de transformation très dispersés, les lieux de
consommation et les activités de prestation de services se retrouvent concentrées au
niveau des grands centres. Ces grands centres représentent aussi les lieux de distribution du produit ou sont concentrées les nombreuses entreprises publiques et privées
comme les restaurants, les supermarchés et autres géants de la distribution. Ce sont
donc ces derniers qui interviennent dans la diffusion et qui polarisent les activités
tertiaires au niveau des grandes agglomérations, jouant un rôle particulier dans la
structuration de l’espace de pôle.
Cependant, il ne nous est pas été facile d’analyser les flux économiques qui circulent
entre les différents pôles en construction, pôles de production, pôles de consommation, et pôle de services.
L’analyse des données montre que la production d’ananas pourrait s’intensifier certes,
mais la valeur ajoutée de cette production est de plus en plus drainée en dehors des
circuits économiques territoriaux de la zone de production. En effet, les consommateurs dans les grandes villes investissent plus dans l’achat de ce bien que ceux situés à
proximité des centres de production. Par exemple, l’ananas qui coûte 50Francs à
Akassato, coûte Cent cinquante à Cotonou et encore plus élevé pendant les périodes
de jeune et de fête dans la même journée. Les producteurs préfèrent supporter le
coût de transport afin de mieux bénéficier de son effort ou tout simplement attendent
le jour du marché pour aller vendre son produit en semi-détaillant aux femmes revendeuses.
4-3 Densité industrielle
La densité industrielle s’identifie par le nombre d’usines dans la zone. Les usines se
rencontrent à l’étape de la transformation. Dans le département de l’atlantique, on a
quatre usines de transformation de l’ananas et de ces dérivées. Par contre, on observe
une quinzaine de transformateurs artisanaux.
Les usines emploient entre trois à cinq personnes en moyenne lors de la transformation
alors que les usines artisanales utilisent une main d’œuvre plus grande qui pourrait
aller à quinze.
Ces informations montrent que cette filière est encore peu investit.
Tableau N°6 Analyse spatiale de la densité industrielle
Source enquête 2009
466
HORTENSIA ACACHA
L’ananas est transformé en jus, en ananas en lambeaux séchés, puis en confiture, et en
sirop qui est un troisième niveau de transformation du produit initial.
Premier niveau Production
Deuxième niveau transformation en jus
Troisième niveau transformation en différents types d’ananas séchés
Quatrième niveau transformation en sirop
Cinquième niveau Confiture d’ananas
On pourrait établir cinq niveaux de réseaux de transformation et qui montrent que la
transformation est aussi un pôle en construction. Ces réseaux ne sont pas structurés.
Malheureusement, les individus ne sont pas encore informés de certains niveaux de
transformation du produit comme le sirop, la confiture et l’étape de copeaux d’ananas.
La consommation de ses sous produits reste encore très faible, à peine 2%, (par
l’estimation des recettes au niveau des supermarchés). Mieux encore, les consommateurs
actuels de ces dérivées sont en majorité les étrangers.
Il existe de plus en plus, une concentration de la demande du produit au niveau des
grandes agglomérations qui facilite la déconcentration spatiale du produit et maintien
la polarisation de la consommation dans les grands centres. Sur un échantillon de
quarante entreprises sillonnées, tous vendent des jus de fruit d’ananas produits
localement dans les entreprises identifiées. On rencontre dans les grandes surfaces de
vente comme, EREVAN, Leaders Price la pointe tous les sous produits ananas transformés
au Bénin que partout ailleurs. Elles représentent 10% de l’échantillon. 40% des
entreprises vendent au moins des sous produits de deux entreprises locales de
transformation. Les sous produits vendus deviennent de plus en plus rares lorsque l’on
s’éloigne des grands centres. Par exemple, les plus grandes surfaces de vente à
Parakou n’ont eu que deux au plus de sous produits des entreprises de transformation
ananas identifiées.
Conclusion
L’article a montré les zones qui concentrent la production de l’ananas au Bénin. Ces
zones sont situées dans l’Atlantique et spécifiquement au Nord du département. L’analyse
du fonctionnement de ce secteur suivant une approche territoriale montre que la
filière ananas est une potentialité considérée comme un ressort économique. Le
niveau de technologie reste faible et les motoculteurs affectés à tout un groupement
insuffisant pour une relance du secteur.
L’Etat et des ONG Comme Helvetas, PADIP et le CARDER interviennent à travers des
subventions, des appuis et formations pour le renforcement des capacités dans le
secteur. L’analyse de la dynamique territoriale de cette filière montre aussi l’existence
de réseaux constitués et organisés du niveau local au niveau national mais encore très
mal structurés sur le fonctionnement. Ce qui confirme notre hypothèse.
L’analyse spatiale des différentes activités des acteurs œuvrant dans la zone montre
que les pôles de production sont différents des pôles de consommation qui sont
différentes des pôles de services et de biens. Cette analyse géoéconomique qui
467
Analyse des systèmes des pôles de compétitivité en construction dans les secteurs ananas au sud du Bénin
caractérise l’analyse des activités de la filière permet de visualiser au niveau de
l’espace, les forces économiques. Il existe trois grandes forces économiques. Le pôle
de production et de transformation qui se retrouvent en périphérie, le pôle de
services et de manufactures qui se retrouvent au niveau de Cotonou, puis le pôle de
consommation que l’on retrouve au niveau des grands centres, Cotonou, puis
Porto-Novo, Parakou et Lokossa.
Il existe une concentration des activités de consommation au niveau des grands centres
urbains et cela est davantage maintenu par la multiplication des petits magasins de
vente et des gros magasins qui se multiplient.
Enfin, cette division spatiale des activités économiques dépassent cette dualité classique
centre périphérique ou les produits de la périphérique nourrissent le centre et vice
versa. Le schéma de triangulation fait recours à trois catégories de pôles distincts en
interaction qui fondent la filière.
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469
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences Cultures et Technologies Economie : P. 2009
Compétitivité et avantage comparatif de la
production cotonnière au Bénin
Jean ADANGUIDI1
INTRODUCTION
Depuis l’indépendance du Bénin en 1960, les exportations de produits agricoles jouent
un rôle significatif dans l’économie béninoise: le palmier à huile jusqu’au début des
années 70 et le coton depuis 1980. La filière cotonnière béninoise constitue pour
plusieurs raisons la source principale de croissance de l’économie nationale. La
production moyenne annuelle de coton graine estimée à 350 000 tonnes représente
environ 70 milliards de francs CFA qui sont versés à plus de 325 000 exploitants
agricoles, procurant ainsi des revenus monétaires à environ 3 millions de personnes.
Les exportations de coton participent pour 80% à la constitution des recettes
d’exportation officielles. La filière représente 45% des rentrées fiscales (hors douane)
et contribue en terme de valeur ajoutée pour 13% à la formation du PIB national. Sur
le plan industriel, le coton représente environ 60% du tissu industriel du Bénin à
travers 18 usines d’égrenage, 5 unités textile, 3 usines de trituration des graines de
coton et une usine de fabrication de coton hydrophile. Les activités d’égrenage au
cours d’une campagne d’environ six (6) mois génèrent plus de 3 500 emplois au plan
national. Le revenu du coton crée par ailleurs d’emplois à travers ses effets multiplicateurs
dans le transport, l’artisanat, le commerce et la construction.
Depuis la décennie 90, la filière coton a fait l’objet de nombreuses reformes affectant
aussi bien le marché des inputs que celui des outputs et donc l’avantage comparatif de
la production nationale avec différents niveaux de ressources domestiques et techniques
agricoles. Elles ont surtout concernées la libéralisation du marché des intrants agricoles
(engrais et insecticides), la libéralisation du sous-secteur d’égrenage, la mise en place
d’une interprofession.
Toutes ces mesures visaient l’amélioration du cadre de production et de commercialisation
du coton. Mais force est de constater malheureusement que cette réforme, tant
appréciée par les bailleurs de fonds et qui fait même école, n’a pas donnée les résultats
escomptés.
Pour le gouvernement, les subventions des pays développés seraient à l’origine du
mal dont souffre cette filière, qui jadis jouait un rôle prépondérant dans l’économie
béninoise. Pour les acteurs de la filière, la difficulté actuelle serait liée au non respect
des règles du jeu de l’interprofession par les principaux acteurs.
Aucune étude n’existe jusque-là sur l’impact réel des dernières réformes sur la
compétitivité du coton béninois. La présente étude se propose de faire une telle
analyse à l’aide de la matrice d’analyse des politiques qui un outil adéquat d’évaluation
de l’influence de toutes ces reformes économiques sur les coûts et revenus de la
production agricole. Cet outil sera utilisé pour analyser la rentabilité financière et
économique dans le cadre de la production et de la commercialisation de la culture du coton.
1
Faculté des Sciences Economiques et de Gestion (FASEG). Université d’Abomey-Calavi, République du Bénin. 03 BP 0984 Cotonou. Tel: (00229)
033520. E-mail: [email protected]
470
Compétitivité et avantage comparatif de la production cotonnière au bénin
I. PRODUCTION ET COMMERCIALISATION DU COTON AU BENIN
Le coton est surtout cultivé au Bénin dans le centre et le nord du pays. Sa production
est principalement concentrée dans trois zones Agroécologiques2 qui à elles seules
totalisent en moyenne 96% de la production nationale. Il s’agit notamment de :
2
• La zone cotonnière du Nord Bénin qui regroupe cinq communes (Banikoara,
Gogounou, Kandi, Kérou et Ségbanan) et qui fournit en moyenne 35% de la production nationale ;
• La zone vivrière du Sud Borgou qui regroupe huit communes (Bembèrèkè, Kalalé,
Kouandé, N’Dali, Nikki, Péhunco, Pèrèrè et Sinendé) et qui fournit 41% de la production nationale ;
• La zone cotonnière du Centre Bénin qui regroupe douze communes (Aplahoué,
Bantè, Bassila, Dassa-Zoumè, Djidja, Glazoué, Kétou, Ouessè, Parakou, Savalou, Savè
et Tchaourou) et qui fournit environ 20% de la production nationale.
Le développement du secteur cotonnier au Bénin a démarré en 1952 avec l’établissement de la Compagnie Française pour le Développement des Fibres et Textiles (CFDT)
suivi plus tard par la Société d’Aide Technique et de Coopération (SATEC).
La révolution d’octobre 1972 a précipité le départ de ces deux sociétés étrangères en
1974, année où le Marxisme-Leninisme a été choisi comme idéologie de l’Etat. La
Société Nationale de Coton (SONACO), créée en 1971, a repris les activités de ces deux
sociétés.
En 1975, le Centre d’Action Régionale pour le Développement Rural (CARDER) a été crée
dans les six départements que comptait alors le pays. Il s’occupait des activités de
vulgarisation, de distribution d’intrants agricoles et de la commercialisation du coton.
En 1983, La Société Nationale de Promotion Agricole (SONAPRA) a été créée pour gérer
la distribution des intrants agricoles et la commercialisation du coton.
Suite à la crise économique des années 80, le Bénin s’est engagé dans plusieurs
reformes économiques avec l’aide de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire
International à travers trois programmes d’ajustement structurels (PAS I, PAS II et PAS
III). Une composante importante de ces reformes est la suppression de plusieurs monopoles publics à travers la privatisation et la libéralisation. Ainsi donc,
• les Centres Régionaux de Promotion Agricole (CeRPA) (autrefois CARDER) se sont
progressivement retirés de la filière.
• Le sous-secteur des intrants a été ouvert aux opérateurs privés en 1992. En 1999, la
fourniture des intrants a été complètement transférée aux acteurs privés par le décret
N°99-537 du 17 Novembre 1999 : le nombre de distributeurs d’intrants passa de 2 en
1994 à 17 en 2001.
• En 2000, le monopole de la SONAPRA sur la commercialisation primaire du coton
2 Le Bénin est divisé en huit Zones Agroécologiques que sont : Zone de l’Extrême nord Bénin, Zone Cotonnière du Nord Bénin, Zone vivrière du Sud
Borgou, Zone Atacora-Ouest, Zone Cotonnière du Centre Bénin, Zone des Terres de Barre, Zone des Pêcheries et Zone de la Dépression.
471
JEAN ADANGUIDI
graine a été aboli (Décret N°2000-294 du 23 Juin 2000).
• Le sous-secteur de l’égrenage a été ouvert aux opérateurs privés en 1995.
Dans le cadre de ces reformes, plusieurs institutions ont été créée pour gérer le
secteur cotonnier. Il s’agit de :
• Groupement Professionnel des Distributeurs d’Intrants Agricoles (GPDIA), crée en
1992 ;
• Coopérative d’Approvisionnement et de Gestion des Intrants Agricoles (CAGIA) créée
en 1998 par les 77 Unions Communales des Producteurs ;
• Association Interprofessionnelle du Coton (AIC), créée en 1999 conjointement par la
Fédération des Unions des producteurs (FUPRO créée en 1995) et l’Association professionnelle des Egreneurs du Bénin (APEB créée en 1999). Elle assure la coordination
technique des activités relatives à la gestion de la filière.
• Centrale de Sécurisation des Paiements et des Recouvrements (CSPR), créée en
2000 par la FUPRO, l’APEB et le GPDIA.
L’efficacité de ce dispositif institutionnel basé sur des contrats collectifs privés conclus
entre les familles professionnelles, est subordonnée à l’adhésion de tous les acteurs. A
cet effet, il est inquiétant de constater que certains acteurs ne respectent pas la règle
du jeu et ont plutôt opté pour le rejet des mécanismes et accords interprofessionnels,
entraînant la filière vers une situation de crise caractérisée par :
• une concurrence exacerbée entre égreneurs;
• la baisse du taux de remboursement du crédit intrant et un surendettement accru
des Organisations Paysannes; et
• la perte de confiance entre les acteurs de la filière.
Le coton est le seul produit dont la commercialisation est garantie au Bénin. Le prix
d’achat du coton graine au producteur est annoncé en début de campagne et est le
même partout sur le territoire national. Les prix de cession des intrants (engrais et
insecticides) sont identiques pour tous les différents types d’engrais et d’insecticides
utilisés dans la production et ils sont par ailleurs uniformes dans tout le pays.
II. OBJECTIF
L’objectif principal de ce travail est d’analyser l’effet des reformes de ces dernières
années sur la compétitivité du coton béninois. Plus spécifiquement, il s’agira d’évaluer
• la rentabilité financière et économique du coton dans les différentes zones
Agroécologiques du Bénin,
• l’avantage comparatif de la production cotonnière dans les différentes zones
Agroécologiques du Bénin.
III. METHODOLOGIE
3.1. Zonage
L’enquête a été menée dans les trois zones agroecologiques qui constituent le bassin
cotonnier du Bénin à savoir la Zone Cotonnière du Nord Bénin, la Zone Vivrière du Sud
Borgou et la Zone Cotonnière du Centre Bénin, soit un total de 25 communes sur les
472
Compétitivité et avantage comparatif de la production cotonnière au bénin
77 que compte le pays. Un échantillon de quinze (15) producteurs a été tiré au hasard
dans chacune des communes, ce qui donne un total de 375 producteurs pour les trois
zones Agroécologiques étudiées.
3.2. Collecte des Données
Les données utilisées dans la présente étude proviennent de diverses sources et
comprennent notamment des données microéconomiques et macroéconomiques
sous forme de données primaires et de données secondaires. Les données
microéconomiques ont été collectées de novembre 2005 à janvier 2006. Elles portent
notamment sur :
• les coûts d’exécution des différents travaux champêtres : délimitation et défrichement du terrain, labour, billonnage, semis, démariage et remplacement des manquants, épandage d’engrais, 1 sarclage, 2 sarclage (accompagné d’un buttage), 3
sarclage, 5 à 6 traitements insecticides, récolte, stockage, commercialisation ;
• les quantités d’intrants utilisées ainsi que leurs coûts de même que les quantités
produites et vendues.
• les différents coûts afférents à l’exportation du coton et à l’importation des engrais et
insecticides.
Parallèlement, des données macroéconomiques telles que les taux de change, le
volume des échanges, les prix et tarifs à l’exportation et à l’importation, etc. ont été
collectées pour l’année 2005 auprès du Ministère du Développement de l’Economie
et des Finances, l’Institut National de Recherche Agricole du Bénin, des Centres de
Promotion Agricole, des Centres Régionaux de Promotion Agricole et du Ministère de
l’Agriculture de l’Elevage et de la Pêche.
er
ème
ème
3.3.Méthode d’analyse des données
Le modèle utilisé pour l’analyse des données est la Matrice d’Analyse des Politiques
(PAM)3. Elle a été développée par Monke & Pearson (1989) puis plus tard par Masters
& Winter-Nelson (1995), pour mesurer l’efficience de l’utilisation des intrants dans la
production, l’avantage comparatif et le degré de l’intervention de l’Etat.
Il est composé de deux types de budgets : un budget évalué aux prix du marché ou
prix financiers (budget financier) et l’autre aux coûts d’opportunité social ou prix économique (budget économique)4. Les prix financiers sont ceux que les paysans paient
ou reçoivent tandis que les prix économiques reflètent le coût de l’économie ou de la
société. Ensuite, les divergences entre le budget financier et le budget économique
sont également calculées.
Le budget est construit pour chaque zone Agroécologique. Avant la conception du
budget, tous les intrants et la production sont classés en biens échangeables ou
non-échangeables. Les produits échangeables ou commercialisables sont ceux qui
peuvent être théoriquement importés ou exportés et évalués aux prix du marché
1
2
3
Policy Analysis Matrix.
4
La détermination du prix économique varie selon qu’il s’agit de biens échangeables ou de biens non-échangeables. Ce prix représente le coût
d’opportunité des intrants et des outputs pour l’économie. Il représente la vraie valeur économique des biens et services en absence de taxes, de
subvention, de taxes à l’importation, de quota, de contrôle de prix et d’autres mesures gouvernementales (Morris 1989 & CIMMYT 1986).
473
JEAN ADANGUIDI
international, tandis que les produits non-échangeables ou facteurs domestiques sont
ceux qui ne sont pas normalement commercialisables sur le marché international.
Le tableau suivant donne une synthèse des grandes étapes du modèle PAM.
Tableau 1 : Matrice d’Analyse des Politiques
Revenus
Budget financier
Budget économique
Divergence
A
D
G
Coûts
Facteurs
Intrants
échangeables domestiques
B
C
E
F
H
I
Profits
N
O
P
Source : Monde & Pearson 1989
A, B, C et N sont les éléments du budget financier; et D, E, F et O ceux du budget
économique.
Les données de la première ligne du tableau permettent de calculer la profitabilité
privée nette (N) qui est définie comme étant la différence entre le revenu observé (A)
et les coûts (B+C). Elle mesure la compétitivité du système de production. Lorsque N
est supérieur à 0, cela signifie que le système de production considérée est
financièrement rentable.
Les données de la seconde ligne du tableau permettent de calculer la profitabilité
sociale nette (O = D – E - F) qui est une mesure d’efficience et d’avantage comparatif.
Lorsque O est positif, cela signifie que le pays utilise les ressources rares de manière
efficiente et dispose aussi d’un avantage comparatif statique. Mais lorsque O est négatif,
cela signifie que le secteur est entrain de gaspiller des ressources qui pourraient être
utilisées avec plus d’efficience dans d’autres secteurs. Ce qui veut dire que le coût de
la production domestique excède le coût des importations et en conséquence le
secteur ne peut survivre sans l’appui de l’Etat.
La troisième ligne du tableau mesure la différence entre le budget financier et le
budget économique. Cette différence peut s’expliquer par les interventions politiques.
La Matrice d’Analyse des Politiques sera utilisée pour calculer d’importants indicateurs
d’analyse de politique. Il s’agit de :
474
Compétitivité et avantage comparatif de la production cotonnière au bénin
a. Coefficient de Protection Nominale (CPN =A/D) ou ‘’Nominal protection Coefficient’’ qui
est égal au rapport du prix financier du bien considéré et de son prix économique.
Lorsque le CPN = 1, cela signifie qu’il y a équilibre (niveau optimum de la compétitivité
des échanges entre le marché national et international). La structure de protection est
neutre. Les producteurs ne sont ni favorisés ni défavorisés. CPN > 1 signifie que le bien
bénéficie d’une protection par rapport au bien importé ou exporté. Les producteurs
profitent d’une subvention due à l’intervention d’une structure de protection (protection positive). CPN < 1 signifie que le pays ne protège pas son marché. Les producteurs sont taxés, défavorisés (protection négative).
b . Coefficient de Protection Effective (CPE = (A - B) / (D - E)) ou ‘’Effective Protection Coefficient’’ qui est égal au rapport de la valeur ajoutée (aux facteurs domestiques) évaluée
aux prix domestiques et de la valeur ajoutée évaluée aux prix sociaux (ou rapport de la
différence entre le revenu brut financier et le coût financier des facteurs échangeables
par celle entre le revenu brut économique et le coût économique des intrants
échangeables). Ce coefficient indique l’effet combiné des politiques de prix des produits et des intrants échangeables sur les incitations à la production agricole. Lorsque
le CPE > 1, les acteurs de la branche d’activité considérée gagnent plus de revenu
qu’ils ne gagneraient sans distorsion de prix. Les producteurs bénéficient d’une subvention implicite sur les intrants et/ou d’une protection du prix du produit. CPE = 1
traduit l’équilibre ou le niveau optimum de la compétitivité des échanges entre le
marché national et international. La structure de protection est neutre. Les producteurs ne sont ni favorisés ni défavorisés. CPE < 1 signifie que le pays ne protège pas son
marché. Le produit est implicitement taxé. Les producteurs gagneraient un meilleur
revenu s’ils achètent et vendent aux prix économiques, définis comme étant les prix
sur le marché international. Ils sont donc défavorisés sur le marché interne.
c.’Coûts des Ressources Domestiques’’ ou ‘’Domestic Resource Cost’’ (DRC = F / (D - E)) qui
est le rapport du coût social des facteurs domestiques et de la valeur ajoutée aux prix
sociaux. Il est utilisé pour mesurer l’avantage comparatif ou la compétitivité internationale d’un produit (ADB 1993; Gonzales & al. 1993; Alpine & Pickett 1993; Morris 1989
; Appleyard 1987 ; Banque Mondiale 1991). Il est interprété comme le coût d’opportunité des ressources domestiques puisqu’il mesure le coût d’opportunité de la production d’une unité de produit en employant les ressources locales. 0 < DRC < 1 signifie
que la production à base de la technologie considérée a un avantage comparatif.
Autrement dit, l’activité de production est économiquement efficace. Il est moins
coûteux en ressources domestiques de produire localement le bien considéré que de
l’importer. DRC > 1 signifie que la production à base de la technologie considérée n’a
pas un avantage comparatif dans la production du bien considéré. Il n’est pas rentable
pour le paysan de produire localement le bien considéré; il vaut mieux pour lui de
l’importer. DRC = 1 traduit un cas d’indifférence; c’est-à-dire que le paysan ne réalise ni
bénéfice ni perte en produisant localement ou en important le bien considéré.
Cependant, ce ratio pourrait être biaisé pour des activités qui dépendent fortement
475
des facteurs domestiques non échangeables comme la terre et le travail. Une bonne
alternative au DRC est le Ratio Avantage-Coût Economique (Fang & Beghin 1999 ;
Beghin & Fang 2002).
d)
Ratio Avantage-Coût Economique ou ‘’Cost-Benfit Ratio’’ (CBR = (E + F) / D)
(Squire & van der Tak 1975; Gittinger 1982; Little & Mirrlees 1982; Ward & al. 1991) qui
est le rapport des coûts (coûts des facteurs échangeables et domestiques) et des
revenus bruts. Ces coûts et revenus sont valorisés aux prix économiques. Si CBR < 1,
l’activité de production considérée est économiquement rentable. Par contre, si CBR
> 1 l’activité de production n’est pas économiquement rentable. Enfin, lorsque CBR
est égal à 1, l’activité de production n’engendre ni perte ni profit.
e)
Indice de l’Avantage Comparatif Régional ou ‘’Regional Comparative Advantage
Index’’ (RCAI) qui est le rapport de la Profitabilité Sociale Nette d’une région sur la
moyenne nationale des Profitabilités Sociales Nettes.
PSN xj − PSN j
•
RCAI xj =
•
RCAI xj =
•
RCAI xj = PSN xj • 100
PSN j
lorsque PSNj > 0
PSN xj − PSN j
PSN j
lorsque PSN < 0
j
lorsque PSN = 0
j
avec :
RCAI = avantage comparatif du bien j produit dans la région x,
PSN = profitabilité sociale nette du bien j produit dans la région x,
PSN
= moyenne nationale des profitabilités sociales nettes du bien j.
Lorsque RCAI > 0, cela signifie que la région x a l’avantage comparatif de produire le
bien j dans le pays. RCAI < 0 indique que la région x a un désavantage dans la production du bien j. RCAI = 0 est une situation intermédiaire où la région x n’a ni avantage ni
désavantage dans la production du bien j.
Les différents indicateurs ci-dessus énumérés ont été calculés pour le coton dans
chacune des trois zones Agroécologiques.
Et comme le DRC analyse seulement l’efficience statique et reste limité dans la prise
en compte de l’aspect dynamique des prix et des changements de quantité dans la
relation intrants–produits (Nelson & Panggabean 1991), une étude de sensibilité a été
réalisée afin d’approfondir les analyses.
jx
jx
j
jx
jx
jx
3.4. Hypothèses de base du modèle
476
Compétitivité et avantage comparatif de la production cotonnière au bénin
Les biens échangeables sont évalués par leurs prix sur le marché international, c’est-àdire le prix auquel ils peuvent être importés ou exportés ajustés des coûts de transport
et des fluctuations du taux de change. Ils comprennent d’un côté les produits (coton
fibre et graines de coton) et de l’autre les intrants (engrais, insecticides).
Les biens échangeables importés (engrais, insecticides) sont évalués aux prix CAF
(Coût, Assurance, Fret) ajustés par les droits de douane, les coûts de stockage et de
transport jusqu’à la zone de consommation. L’importateur au stade CAF (référence à
l’importation) supporte le prix FOB au point d’exportation, le coût du fret jusqu’au port
d’importation, les frais d’assurance et de déchargement.
Les biens échangeables exportés (coton fibre et graines de coton) sont évalués à partir
du prix FOB (Free On Board). L’exportateur au stade FOB (référence à l’exportation)
supporte les coûts de transport et de distribution jusqu’au port, les éventuelles taxes à
l’export, les frais portuaires. Il bénéficie éventuellement des subventions à l’export.
Les prix FOB et CAF en devises (Dollars US) sont convertis en monnaie locale (FCFA) à
l’aide d’un taux de change de référence.
3.4.1. Taux de change de référence
La formule utilisée pour calculer le taux de change de référence est la suivante (cf.
Gittinger 1985 ; Ward & al. 1991; Tinprapha 1995) :
TCR =
TCO
SCF
avec
SCF =
I+E
I (1 + Ti ) + E (1 + Te )
Avec: TCR = Taux de Change de Référence; I = Valeur des Importations en dollars;
TCO = Taux de Change Officiel;
E = Valeur des Exportations en dollars;
SCF = Social Conversion Factor;
Ti = Taxation moyenne à l’Importation;
Te = Taxation moyenne à l’Exportation.
Pour l’année 2005, la valeur des Importations (I) s’élève à 1,043 milliards de dollars
(FOB) et celle des Exportations (E) est égale à 826,9 millions de dollars (FOB). Le taux
de change officiel (TCO) est de 1$ = 527,488 FCFA. La Taxation moyenne à l’Importation (Ti) est de 29,6% et la Taxation moyenne à l’Exportation (Te) est de 0,9% (INSAE
2005). Sur la base de ces statistiques et des équations précédentes, le Taux de Change
de Référence a été estimé à 1 $ = 563,306534 FCFA. Cette valeur sera utilisée pour
convertir les valeurs en dollars US en FCFA.
3.4.2. Prix paritaires à l’Importation et à l’Exportation pour les
477
JEAN ADANGUIDI
biens échangeables
Le point d’estimation des prix pertinents des Inputs/Outputs est : à la ‘’Porte de la
ferme’’.
Valeur à la porte de la ferme +/- coûts de transport & distribution = Prix du marché
le plus proche
Prix du marché le plus proche +/- coûts de transport & distribution = Prix de
référence à la frontière.
Les prix à la ferme sont approximés par les prix paritaires facilement déduits des prix
directeurs des biens échangeables et des biens non échangeables.
La valeur économique des intrants et des outputs est obtenue en multipliant les
quantités par les prix paritaires respectifs (Tinprapha 1995). A la frontière, les prix
paritaires des importations et des exportations sont les prix CAF et FOB respectivement.
Ces prix représentent le gain d’une marchandise à l’exportation ou le coût d’une
marchandise à l’importation. Ils sont utilisés comme prix de référence. Lorsqu’ils sont
convertis en monnaie domestique avec le taux de change de référence, ils
deviennent le prix économique à la frontière.
Pour les produits exportés (coton fibre/graines de coton et autres produits agricoles)5,
le prix paritaire à l’exportation au niveau du producteur est calculé selon le schéma
suivant (cf. Annexes 1 et 2) :
1
Estimation des prix paritaires à l’exportation du coton et autres produits agricoles
5
Pour le coton, il y a une péréquation géographique qui est appliquée si bien que le prix d’achat aux producteurs est le même sur toute l’étendue du
territoire national. Le prix financier ici est le prix d’achat du coton graine aux producteurs.
478
Compétitivité et avantage comparatif de la production cotonnière au bénin
Pour les produits importés, le prix paritaire bord-champ à l’importation est calculé
selon le schéma suivant (cf. Annexe 3):
Estimation des prix paritaires à l’importation des engrais et insecticides
3.4.3. Facteurs de production non- échangeables
Dans les zones Agroécologiques considérées, l’eau n’est pas considérée comme un
intrant dans le processus de production. Par contre, la terre, le travail et le petit
matériel sont considérés comme des intrants non-échangeables.
En situation de concurrence parfaite, la valeur sociale ou économique d’un facteur
équivaut à sa valeur financière. Mais en l’absence de marché actif pour le facteur, son
coût d’opportunité est sa meilleure productivité marginale sacrifiée au profit de l’activité
actuelle (Gittinger 1985 cité par Houndékon 1996). Cependant, la non disponibilité de
données ainsi que le risque de surestimation dû à la non prise en compte du coût de
gestion de l’exploitation limitent l’utilisation de cette approche (Grilishes 1963 ; Upton
1979 ; Gonzales & al ; 1993 ; Houndékon 1996). Partant de ce constat, nous retenons
dans le cadre de cette étude que :
479
JEAN ADANGUIDI
· Pour l’analyse économique, le coût d’opportunité (donc le prix de référence) du
facteur terre sera évalué à 0 à cause de sa relative abondance dans les zones d’étude ;
· Le prix financier estimé pour la main-d’œuvre familiale est égal à son prix de référence.
· Les matériels et équipements utilisés pour les activités agricoles sont essentiellement: la houe, le coupe-coupe, la charrue, la charrette. Leur amortissement a été
comptabilisé. La méthode de calcul utilisée est celle de l’amortissement constant. Le
coût des outils utilisés, de même que leur durée d’utilisation sont directement
obtenus auprès des producteurs. Le montant total de l’amortissement a été divisé par
le nombre moyen de spéculations annuelles pratiquées pour trouver la part des
charges à mettre au compte de la culture du coton.
La semence du coton est fournie gratuitement aux producteurs ; Le prix de référence
des semences de coton est égal au prix paritaire à l’exportation des graines de coton.
IV. ANALYSE DES RESULTATS DE LA MATRICE D’ANALYSE DES POLITIQUES
4.1. Rentabilité Financière et Economique de la Production du
Coton au Bénin
La mesure de la rentabilité de la production se fait grâce à deux types d’indicateurs à
savoir la rentabilité financière qui est la rentabilité du point de vue du producteur et la
rentabilité économique qui est celle envisagée du point de vue de la collectivité.
Le Tableau 2 présente pour les trois zones Agroécologiques les revenus Financiers et
Economiques et les Profits qui en découlent.
Les revenus financiers varient entre 181 573 FCFA et 225 719 FCFA. Le revenu le plus
bas a été obtenu dans la zone cotonnière du Centre Bénin et le plus élevé a été obtenu
dans la zone vivrière du Sud-Borgou. Les revenus économiques, dans l’ensemble
légèrement plus élevés, varient entre 198 874 FCFA et 247 227 FCFA et concernent
les mêmes zones Agroécologiques.
Les profits financiers nets varient entre – 4 265 FCFa et 9 269 FCFA. Les profits sociaux
nets varient de 9361 FCFA à 26 047 FCFA. Le profit le plus bas aussi bien au niveau
financier que économique a été obtenu dans la zone cotonnière du Centre-Bénin.
Cela pourrait s’expliquer par le faible rendement du coton dans cette zone
Agroécologique.
La zone vivrière du Sud-Borgou a donné respectivement au niveau financier et économique le profit net le plus élevé.
Les résultats montrent que la production du coton dans la zone cotonnière du NordBénin et dans la Zone cotonnière du Centre Bénin n’est pas financièrement rentable.
Elle l’est cependant dans la zone vivrière du Sud-Borgou.
L’étude de la rentabilité économique du coton a révélé que dans les trois zones
Agroécologiques, la production cotonnière est économiquement rentable. Elle
prérentes zones Agroécologiques est inférieur au profit social, preuve que le coton
joue un rôle clé dans l’économie béninoise.
480
Compétitivité et avantage comparatif de la production cotonnière au bénin
Ce résultat est la conséquence logique de la politique agricole de l’Etat dans la filière
cotonnière, politique qui crée une différence entre la profitabilité privée et la profitabilité
sociale.
Tableau 2 : Synthèse des calculs des indicateurs des politiques
Source : Nos estimations, 2005
4.2. Analyse des indicateurs de politiques
4.2.1. Analyse des divergences
L’analyse des résultats du Tableau 2 montre que les transferts de revenus sont négatifs
au niveau des trois zones Agroécologiques. Cela suppose que les prix économiques
que devraient recevoir les producteurs produisant dans ces zones, après correction
des distorsions, sont plus élevés que ceux qu’ils reçoivent actuellement.
Ces producteurs sont donc taxés Ils gagneraient mieux en exportant leur production
vers les pays où le prix paritaire du coton serait plus élevé.
4.2.2. Analyse de l’avantage comparatif
En plus du revenu économique qui est un indicateur de l’avantage comparatif, on
distingue deux autres indicateurs de l’avantage comparatif : Le DRC (Domestic Resource
Cost) ou Coûts des Ressources Domestiques et le Ratio Coût – Bénéfice (CBR)
développés plus haut.
Les trois zones Agroécologiques présentent un DRC compris entre 0 et 1 (cf. Tableau
2). Ceci indique que les paysans produisant dans ces zones ont un avantage comparatif dans la production du coton. Autrement dit le coût d’opportunité des ressources
domestiques pour la production d’un kilogramme de coton est plus faible
481
JEAN ADANGUIDI
localement que sur le marché international. En conséquence, il coûterait moins en
ressources domestiques de produire le coton au Bénin dans ces zones Agroécologiques
que de l’importer.
S’agissant du Ratio Coût-Bénéfice les mêmes conclusions tirées pour le DRC sont
observées.
4.3. Analyse des Indicateurs des Effets des Politiques
On distingue principalement deux indicateurs des effets des politiques économiques :
·Le Coefficient de Protection Nominal (CPN) ou (Nominal Protection Coefficient). Et,
·Le Coefficient de Protection Effective (CPE) ou Effective Protection Coefficient.
Le CPN du coton dans les trois zones Agroécologiques est inférieur à 1. Cela signifie
que la production de coton de façon générale ne bénéficie pas d’une protection (le
Bénin ne protège pas son marché). Le prix financier d’une unité du produit est inférieur d’au moins 9% à son prix économique. Les producteurs sont taxés, défavorisés
(protection négative).
S’agissant du coefficient de protection effective, il est également inférieur à 1
dans les trois zones Agroécologiques. Les producteurs de coton sont défavorisés sur le
marché intérieur et gagneraient à exporter leur produit.
Le coton, principal produit d’exportation du Bénin, malgré les nombreuses réformes
entreprises depuis la décennie 90 en vue de libéraliser la filière, reste toujours
contrôlé par l’Etat qui influence d’une façon ou d’une autre, les niveaux de prix domestiques pour le coton, les engrais (NPK et Urée) et les pesticides. En conséquence, le
coefficient de protection nominal et le coefficient de protection effectif restent
inférieurs à 1, preuve qu’il y a une distorsion dans les marchés de coton, des engrais et
des pesticides (cf. Tableau 2).
4.4. Classement des cultures en fonction de leurs avantages comparatifs
Sur la base des prix en vigueur, des rendements actuels des cultures et des valeurs des
DRC (au prix privé et au prix collectif ), les principales spéculations agricoles du Bénin
ont été classées en tenant compte de leur rentabilité au niveau individuel et au niveau
collectif (cf. Tableaux 3 et 4).
L’analyse des résultats montre que les cultures vivrières, notamment les tubercules et
les céréales, peuvent contribuer à la croissance économique du Bénin à partir du
moment où elles confèrent aux zones Agroécologiques concernées un certain avantage
social.
Dans l’ensemble, les tubercules présentent des avantages comparatifs élevés dans les
trois zones étudiées. Ils sont suivis par les céréales notamment le maïs, le sorgho et
dans une moindre mesure le niébé.
482
Compétitivité et avantage comparatif de la production cotonnière au bénin
Du point de vue privé, le coton a un avantage comparatif dans la zone vivrière du SudBorgou alors qu’il ne l’ait point dans les deux autres zones Agroécologiques. Du point
de vue de la collectivité, le coton dispose d’avantage comparatif dans les trois zones.
Le Bénin peut donc en conséquence diversifier ses exportations en faisant la promotion des cultures vivrières ci-dessus citées.
Tableau 3 : Résumé des résultats des indicateurs pour les principaux produits agricoles
Source : Nos estimations, 2005
Tableau 4 : Classement des cultures en fonction du coût des ressources domestiques
Source : Nos estimations, 2005
483
JEAN ADANGUIDI
4.5. Analyse des avantages comparatifs régionaux
Les Indices des Avantages Comparatifs Régionaux (ou «Regional Comparative
Advantage Index») (RCAI) ont été calculés pour plusieurs cultures dans les trois zones
Agroécologiques étudiées.
L’analyse des résultats obtenus permet de tirer les conclusions suivantes (cf. Tableau 5) :
•Seule la zone vivrière du Sud-Borgou dispose d’un avantage comparatif régional dans
la production du coton au Bénin ;
•La zone vivrière du Sud-Borgou et la zone cotonnière du centre-Bénin disposent d’un
avantage comparatif régional dans la production de l’igname ;
•Le maïs, base alimentaire de la population ne dispose pas d’un avantage comparatif
régional dans la zone vivrière du Sud-Borgou ;
•La zone cotonnière du Nord-Bénin dispose d’un avantage comparatif régional dans la
production du niébé et du sorgho mais pas dans celle du manioc ;
•La zone vivrière du Sud-Borgou ne dispose pas d’un avantage comparatif régional
dans la production du niébé et du sorgho.
•La Zone cotonnière du Centre-Bénin dispose d’un avantage comparatif régional pour
les produits vivriers étudiés (Igname, maús, Manioc, Niébé, Sorgho)
•La Zone vivrière du Sud-Borgou dispose d’un avantage comparatif régional pour le
coton est les tubercules étudiés notamment l’igname et le manioc.
•La Zone cotonnière Nord-Bénin dispose d’un avantage comparatif régional dans la
production des céréales étudiées (maús, Niébé, Sorgho).
Tableau 5 : Vue d’ensemble des avantages comparatifs régionaux pour les spéculations étudiées
Source : Nos estimations 2005
NB :
+ = existence d’un avantage comparatif régional
- = non existence d’un avantage comparatif régional
4.6. Analyse de sensibilité des avantages comparatifs pour le coton
Dans le cadre de l’estimation des ratios du coût des ressources domestiques et d’autres
indicateurs de la rentabilité économique, plusieurs données ont été utilisées. Il s’agit
notamment du rendement des cultures, de la quantité d’intrants, des prix des intrants
et des produits et du taux de change de référence. Ces paramètres sont la plupart du
484
Compétitivité et avantage comparatif de la production cotonnière au bénin
temps des valeurs moyennes et seraient donc sensibles aux changement de l’environnement économique, aux conditions de marché et aux politiques gouvernementales.
Une analyse de sensibilité s’impose donc afin de montrer l’impact différencié de la
variation de certains facteurs clés sur les avantages comparatifs du coton dans les
différentes zones Agroécologiques.
Tinprapha (1995) a identifié le prix paritaire des produits et des intrants, le rendement
des cultures et le prix de référence de la terre comme étant les principaux facteurs
pouvant changer la valeur du DRC et se faisant, l’avantage comparatif pour les producteurs et les pays.
Nous allons ici analyser la sensibilité des résultats précédents suite à une variation du
prix CAF des intrants échangeables, du prix FOB du coton et du coût global des ressources domestiques. L’impact individuel de la variation de chaque facteur et l’impact
simultané de la variation de plusieurs facteurs ont été analysés (cf. tableaux 6, 7 et 8).
Les résultats de la Zone cotonnière du Nord-Bénin montrent que (cf. tableau 6) :
• Avec une augmentation de 5 à 10% du coût global des ressources domestiques, le
DRC est supérieur à 1 lorsque le prix FOB du coton connaît une baisse de 20% ou reste
à son niveau actuel. Le DRC ne devient inférieur à 1 que lorsque le prix FOB du coton
augmente de 20%. Ce constat général reste valable dans tous les cas de envisagés au
niveau du prix CAF des intrants importés.
• L’augmentation du prix FOB du coton de 20% par rapport à son niveau actuel, donne
un DRC inférieur à 1 quelles que soient les évolutions simulées au niveau des autres
facteurs considérés.
Les résultats de la Zone Vivrière du Sud-Borgou montrent que (cf. tableau 7) :
• Avec une baisse de 20% du prix CAF des intrants importés et un prix FOB du coton
maintenu à son niveau actuel ou augmenté de 20% également, on obtient un DRC
inférieur à 1 quelles soient les évolutions simulées au niveau du coût global des
ressources domestiques.
• Lorsque le prix CAF des intrants importés est maintenu à son niveau actuel ou
connaît une augmentation de 20%, le DRC ne devient inférieur à 1 que dans le cas
d’une augmentation du prix FOB du coton de 20% également (et ceci quelles que
soient les niveaux simulés du coût global des ressources domestiques).
• L’augmentation du prix FOB du coton de 20% par rapport à son niveau actuel, donne
un DRC inférieur à 1 quelles que soient les évolutions simulées au niveau des autres
facteurs considérés.
Les résultats de la Zone Cotonnière du Centre Bénin montrent que (cf. tableau 8) :
• L’augmentation du prix FOB du coton de 20% par rapport à son niveau actuel, donne
un DRC inférieur à 1 quelles que soient les évolutions simulées au niveau des autres
facteurs considérés.
• Avec une augmentation de 5 à 10% du coût global des ressources domestiques, le
DRC est supérieur à 1 lorsque le prix FOB du coton connaît une baisse de 20% ou reste
à son niveau actuel. Le DRC ne devient inférieur à 1 que lorsque le prix FOB du coton
augmente de 20%.
485
JEAN ADANGUIDI
Tableau 6 : Influence de la variabilité de certains facteurs sur la rentabilité du coton dans la Zone cotonnière Nord-Bénin
Source : Nos propres estimations, 206
Tableau 7 : Influence de la variabilité de certains facteurs sur la rentabilité du coton dans la Zone vivrière du Sud-Borgou
Source : Nos propres estimations, 206
Tableau 8 : Influence de la variabilité de certains facteurs sur la rentabilité du coton dans la Zone cotonnière du centre-Bénin
Source : Nos propres estimations, 2006
486
Compétitivité et avantage comparatif de la production cotonnière au bénin
CONCLUSION
Cette étude est une application de la Matrice d’Analyse des Politiques (Policy Analysis
Matrix : PAM) au coton dans les trois zones agroécologiques qui constituent le bassin
cotonnier du Bénin.
Les indicateurs de la Matrice d’Analyse des Politiques montrent d’une part, que le
Bénin dispose d’un avantage comparatif dans la production cotonnière et d’autre part,
que le pays gagnerait mieux en optant pour une spécialisation agricole basée sur les
avantages comparatifs régionaux dans sa stratégie de diversification des recettes d’exportation, histoire de réduire la forte dépendance vis-à-vis du coton.
L’analyse des effets de politiques de l’état fait ressortir une absence de protection du
marché national du coton. Aussi bien les prix du produit que celui des intrants commercialisés se trouvent être implicitement taxés, comme l’atteste le coefficient de
protection effective.
L’étude de sensibilité a montré qu’une augmentation substantielle du prix FOB du
coton de l’ordre de 20% influence positivement la rentabilité financière et économique du coton dans les différentes zones Agroécologiques. Mais cet avantage comparatif baisse au fur et à mesure qu’augmente le prix CAF des intrants échangeables et le
coût global des ressources domestiques.
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487
JEAN ADANGUIDI
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ème
488
Compétitivité et avantage comparatif de la production cotonnière au bénin
ANNEXES
Annexe 1: Prix paritaire à l’exportation du coton
Source: SONAPRA 2005
489
JEAN ADANGUIDI
Annexe 2: Prix paritaires à l’exportation des produits agricole
Source: Nos enquêtes 2005
Annexe 3: Prix paritaire à l’importation des engrais et insecticides
Source: CAGIA 2005
490
Actes 2ème colloque de l’UAC des Sciences Cultures et Technologies Economie : P.491 - 502, 2009
Implication organisationnelle et performance au
travail chez les infirmières et infirmiers diplômés
d’Etat au Bénin.
Damase AGONHOSSOU, UAC FASEG Bénin, [email protected]
Célestin K. GODONOU, UAC FASEG Bénin, [email protected]
Bassirou TIDJANI, UCAD IST Dakar, [email protected]
Résumé
La présente recherche vise à mieux comprendre les relations qui existent entre la
performance au travail des infirmières et infirmiers diplômés d’Etat et l’implication
organisationnelle. Une analyse qualitative exploratoire portant sur un échantillon de
huit agents de santé, a permis de formuler les hypothèses par rapport aux relations
entre les variables. L’analyse de régression multiple a mis en évidence une relation
positive entre les deux sous dimensions de l’implication organisationnelle calculée sacrifices perçus et manque d’alternatifs perçus - et les variables de performance au
travail telles que la satisfaction au travail, le taux de rotation, l’absentéisme, la promotion
et le retard.
Mots clés : infirmières, infirmiers diplômés d’Etat, performance au travail, implication
organisationnelle, départ, promotion, marché du travail.
Codes JEL: M12 M54
Abstract
The purpose of this study is to gain a better understanding of the relationships between
nurses’ job performance and organizational commitment. An exploratory qualitative
analysis with eight persons who work in hospital, permitted to formulate the
hypotheses based on relations between variables. The analytical procedure of multiple regressions was utilized to determine the predicting strength among job performance (through job satisfaction, absenteeism, turnover, advancement) and the
independent variable: organizational commitment especially with the organizational
commitment construct’s of continuance. This study is based on the two constructs of
continuance commitment: individuals do not leave a company for fear of losing their
benefits, and not being able to find another job.
Key Words: Nurses, job satisfaction, organizational commitment, turnover,
advancement, labour market.
JEL Classification: M12 M54
491
Implication organisationnelle et performance au travail chez les infirmières et infirmiers diplômés d’Etat au Bénin.
1. Introduction et problématique
Le réseau mondial de la santé connaît une crise majeure au niveau des ressources
humaines qui doit être résolue de manière urgente. Au Bénin, dans le cadre du plan de
développement sanitaire 2007-20161, les professionnels de santé ont reconnu qu’à «
défaut d’un système de motivation et d’incitatifs opérationnel et exhaustif, il s’observe
une démotivation des agents de santé ». Cette situation a pour conséquences :
l’absentéisme pour s’adonner à des activités parallèles et illégales, le mauvais
rendement, la réticence de plus en plus accrue des médecins spécialistes à intégrer le
secteur public et la fuite des cerveaux.
A l’origine, l’implication organisationnelle était conçue comme un construit
unidimensionnel faisant référence à l’attachement et à l’identification d’un individu
envers son organisation. Il était mesuré par‘’l’organizational Commitment Questionnaire’’
(Mowday, Poter, Steers, 1982). Depuis le milieu des années 1980, une
reconceptualisation de l’implication organisationnelle a progressivement émergé.
Divers auteurs ont montré que l’implication organisationnelle est constituée de
plusieurs dimensions (O’Reilly et Chattman, 1986 ; Meyer et Allen, 1997). A cet égard,
les travaux de Meyer et Allen (Meyer et Allen, 1991, 1997) sont les plus connus. Ces
derniers ont développé un cadre théorique qui propose de distinguer trois dimensions
de l’implication : l’implication affective, l’implication dite « calculée » et l’implication
normative.
L’implication affective se réfère à l’attachement émotionnel et à une identification à
l’organisation. L’implication calculée a trait à la prédisposition d’un individu à se sentir
lié à l’organisation à cause des bénéfices qu’elle lui procure (salaire, statut, promotion,
etc.) et ce qu’il lui en coûte d’y rester (sacrifices de temps, de salaires, etc.) (Meyer et
Allen, 1991). Quant à l’implication normative, elle se réfère à un sentiment
d’obligation de rester travailler dans l’organisation par devoir moral, loyauté ou pour
achever un projet dans lequel la personne se considère engagée (Allen et Meyer,
1990 et Allen, 1991, 1997).
Ce modèle tridimensionnel de Meyer et Allen (1991, 1997) a donné lieu à
l’élaboration d’échelles de mesure qui ont fait l’objet de multiples travaux de validation
(Dunham,
Grube et Castemada, 1994 ; Moorman et Miehoff, 1993 ; Reilly et Orsak, 1991 ; Shore
et al., 1991 ; Finegssan, 2000 etc.).
L’implication ‘’calculée’’ basée sur les coûts perçus engendrés, par la rupture du lien
contractuel avec l’organisation ayant fait l’objet de certaines contestations peut être
décomposée en deux sous dimension. Il s’agit d’une part, de la dimension qui résulte
de la prise en compte qu’un ensemble d’investissements serait perdu en cas de départ
de l’organisation ; et d’autre part, celle résultant de l’absence perçue, d’alternatives
d’emploi à l’extérieur.
1
1
Plan National de Développement Sanitaire au Bénin (PNDS), (2007-2016)
492
Bassirou TIDJAN DAMASE AGONHOSSOU Célestin K. GODONOU
Les nombreuses études sur l’implication organisationnelle témoignent de la volonté
des théoriciens et des praticiens de mieux comprendre les comportements des employés et leur contribution à la performance de l’organisation, dont l’implication organisationnelle peut constituer un déterminant important.
Le présent article vise à rechercher chez les infirmières et infirmiers diplômés d’Etat,
une relation entre d’une part, l’implication organisationnelle et, d’autre part, la satisfaction au travail, les augmentations salariales, la promotion, le turn over, et examiner
si cette relation change en fonction du statut d’emploi des travailleurs (emploi traditionnel, emploi atypique).
2. Démarche méthodologique
A l’aide d’un guide d’entretien élaboré autour des différentes facettes de l’implication
organisationnelle, nous avons mené des entretiens semi directifs d’une heure à une
heure et demie en moyenne, auprès de 8 acteurs du système de santé (médecins,
paramédicaux, personnels administratifs) choisis au hasard pour appréhender les variables les plus pertinentes lorsqu’on invoque le thème d’implication organisationnelle dans leurs différents milieux de travail.
L’analyse de contenu développée par Huberman (1991) a été retenue. Cette technique d’analyse présente l’avantage de tenir compte des mots et des phrases des répondants.
Les différents résultats obtenus suite à l’analyse qualitative des données sont résumés
comme suit :
- en matière d’implication organisationnelle, la dimension calculée domine de loin les
autres facettes ;
- il faut tenir compte de la réalité du marché du travail en soins infirmiers pour mieux
comprendre les enjeux de l’implication organisationnelle ;
- en matière de performance au travail, les aspects les plus importants semblent être
la satisfaction au travail (liée au salaire, aux conditions de travail etc.), les absences ou
les retards au poste, l’intention de retrait, le manque de promotion.
Puisque le but de la recherche qualitative ici est de permettre de parvenir à des
résultats plus plausibles, qui seront vérifiés sur une plus grande échelle dans une
étude quantitative, nous formulons les hypothèses suivantes.
H1 : Les infirmières et infirmiers diplômés d’Etat développent une implication
organisationnelle calculée par rapport au centre de santé dans lequel ils travaillent.
H2 : Il existe une relation entre l’implication organisationnelle calculée et la
performance au travail des infirmiers diplômés d’Etat.
. De façon spécifique, nous allons vérifier les deux hypothèses sous-jacentes suivantes :
493
Implication organisationnelle et performance au travail chez les infirmières et infirmiers diplômés d’Etat au Bénin.
H2a : Il existe une relation positive entre la facette ISP (implication basée sur les
sacrifices personnels associes au départ éventuel de l’organisation) de l’implication «
calculée » et la performance au travail.
H2b : Il existe une relation négative entre la facette IPE (implication basée sur la
perception qu’il existe peu d’alternatif d’emploi à l’extérieur) de l’implication « calculée »
et la performance au travail.
Le modèle d’analyse que nous avons retenu pour vérifier nos hypothèses se présente
comme suit :
Modèle d’étude
Variables explicatives
Statutd’emploi
(APEouContractuel)
Implicationliéeaux«sacrifices
personnels
associésaudépart»éventuel
( ISP)
Implicationliéeau
«peud’alternatives
d’emploià’extérieur»
(IPE)
Variables expliquées
Satisfaction au
travail
Intention de
quitter
Absentéisme
Retard
Promotion
Dans le but de mesurer l’implication organisationnelle calculée, nous avons adopté
l’échelle de Meyer, Allen et Smith (1993) ; nous avons aussi utilisé l’échelle de mesure de
Likert à 5 points (1 : Pas du tout d’accord à 5 : Tout à fait d’accord) pour l’ensemble des
6 items de Meyer concernant l’implication calculée. Les items utilisés pour cette
recherche résultent de la traduction en français faite par Durrieu et Roussel (2002) des
énoncés en anglais que nous avons adaptés au contexte sanitaire béninois. Comme
l’ont précédemment procédé ces deux auteurs, les items des différentes composantes de l’implication organisationnelle retenues, ont été mélangés pour réduire les
risques d’effets de halo et de contamination (Igalens et Roussel, 1998).
Les six items de l’implication calculée ont été divisés en 2, soit 3 items pour chacune
des sous dimensions ISP et IPE.
Pour la dimension «implication envers l’organisation basée sur les sacrifices personnels (ISP) associés au départ éventuel de l’organisation», les items de mesure sont :
494
Bassirou TIDJAN DAMASE AGONHOSSOU Célestin K. GODONOU
1. J’aurai des problèmes de survie si je me décidais à quitter l’hôpital ou le centre de
santé maintenant.
6. En ce moment, rester dans cet hôpital ou ce centre de santé est un problème qui relève
de la nécessité.
3. J’aurai pu envisager de travailler dans d’autres secteurs si je pouvais faire autre chose.
Pour la dimension «attachement basée sur la perception qu’il existe peu d’alternatif
d’emploi à l’extérieur» (IPE), les items de mesure sont :
4. Il serait difficile pour moi de quitter l’hôpital ou ce centre de santé en ce moment, même
si je le voulais.
2. Je pense avoir trop peu de possibilités pour envisager de quitter l’hôpital ou ce centre
de santé.
5. L’une des raisons pour laquelle je continue de travailler ici est le manque de solution de
rechange.
En ce qui concerne la performance au travail, nous avons retenu les variables ci-après.
- La satisfaction au travail : elle est mesurée par quatre facettes de l’emploi avec un
item par facette, sur l’échelle de Likert en cinq points (1 : Pas du tout d’accord à 5 : Tout
à fait d’accord).
- L’intention de quitter et la promotion sont mesurées par un item sur la même
échelle
- L’absentéisme et le retard sont mesurés par deux items sur la même échelle de
Likert.
Pour le traitement des résultats, nous avons opérationnalisé les différentes variables
afin d’en faciliter l’exploitation.
Les calculs statistiques effectués, permettant d’aboutir aux résultats consistent
principalement en des statistiques descriptives, des tests de fiabilité, de régression et
en des analyses corrélationnelles.
Les questionnaires ont été distribués à 276 infirmières et infirmiers diplômés d’Etat
des hôpitaux et centres de santé des départements du Littoral (102), de l’Atlantique
(45), du Couffo (52) de l’Ouémé (38) et du Zou (39). Le choix de ces départements
s’explique par le fait qu’ils ne sont pas trop éloignés de la capitale. En outre, la densité
en personnels de santé est plus forte dans ces départements (PNDSRH, 2006).
Nous avons pu récupérer 224 questionnaires, soit un taux de récupération de 85, 25
%. Sur ces 224 répondants, 27 infirmiers n’ont pas indiqué soit leur âge, soit leur statut
ou alors n’ont pas répondu par rapport aux mesures de performance suggérées. L’échantillon final est constitué de 197 sujets avec une moyenne d’âge de 32 ans. 44,7 % sont
des hommes et 54,3 % des femmes.
495
Implication organisationnelle et performance au travail chez les infirmières et infirmiers diplômés d’Etat au Bénin.
En définitive, la répartition par rapport au statut d’emploi se présente comme suit : 66
Agents Permanents de l’Etat (APE) et 131 Contractuels (contractuels, mesures sociales, fonds communautaire…). L’enquête s’est déroulée d’octobre à novembre 2006.
3. Résultats de l’étude
Avant de réaliser les analyses de corrélation, nous avons examiné les statistiques
descriptives au niveau de caractéristiques sociodémographiques, puis la qualité des
résultats à l’aide de l’analyse de fiabilité.
L’âge moyen des répondants s’établit respectivement à 39,82 ans pour la population
des infirmières et infirmiers ayant un statut d’agents permanents de l’Etat et 29,31 ans
pour les infirmières et infirmiers diplômés d’Etat contractuels. Les écarts types sont
respectivement de 4,537 et 3,807 pour l’âge des différents interrogés. Par rapport à
l’ancienneté dans le centre, on not

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