Le lion (très) mal élevé Dans la savane, le roi lion pétait, rotait

Transcription

Le lion (très) mal élevé Dans la savane, le roi lion pétait, rotait
Le lion (très) mal élevé
Dans la savane, le roi lion pétait, rotait, crachait, jurait sans se gêner. C’était le lion le plus
mal poli, le plus mal élevé qu’on puisse imaginer. Comme il était le roi, ses sujets, les
animaux de la savane, l’imitaient. Et ça pétait, rotait, crachait, jurait à qui mieux mieux.
Le problème était que les antilopes, dégoûtées par le bruit et l’odeur, faisaient désormais un
large détour pour aller boire l’eau du fleuve. Et, comme on le sait, gazelles et antilopes
constituent le repas préféré des lions.
Un jour, le roi lion grogna dans sa barbe mal peignée :
- Mais qu’est-ce qu’elles f…, ces s… d’antilopes ? Ça fait trois semaines que j’en ai pas vu
une seule passer ! J’ai plus rien à me mettre sous les crocs, moi !
Suivit une rafale de jurons que la décence interdit de reproduire ici.
C’est un vieil et sage éléphant qui lui expliqua pourquoi les antilopes évitaient la savane.
- Moi, malpoli ? Mal élevé, moi ? Ça va pas la caboche, espèce de vieux crouton ? s’emporta
le lion.
Mais il dut se rendre à l’évidence. Et trouver une solution. Comment attirer les antilopes, pour
pouvoir ensuite les capturer ? Un singe lui donna une idée :
- Invitez-les à une fête champêtre et prouvez-leur que vous êtes bien éduqué.
Après avoir grondé et grogné longtemps, le roi accepta. Mais d’abord, il fallut s’entraîner : à
manger proprement, à polir son langage, à se tenir élégamment. Dur, dur… Mais la faim,
parfois, est bonne conseillère.
Des invitations furent adressées (sur papier glacé) aux antilopes. Prudentes, elles envoyèrent
une des leurs en éclaireuse.
Cachant sa déception, le lion l’accueillit bien poliment, faisant force révérences et
compliments. Il lui offrit à boire du jus d’ananas et des figues rôties et lui demanda des
nouvelles de ses compagnes, en prenant bien soin de ne pas roter inconsidérément.
Mais au bout d’un quart d’heure, n’y tenant plus, il ouvrit la gueule, rugit sauvagement et se
jeta sur l’antilope.
Mais celle-ci, qui avait vécu plusieurs années au Japon, était ceinture noire de judo. Avec
trois prises savantes, elle mit le lion KO et s’enfuit à toutes pattes.
Le lion lâcha un chapelet de jurons dont « igname pourrie » était le plus poli. Quant aux
antilopes, on ne les revit jamais dans la région.
Cette histoire a une fin, naturellement, mais tellement triste, tellement horrible que les lecteurs
trop sensibles risquent de faire des cauchemars épouvantables si jamais ils la lisent…
Enfin, bon, à vous de décider : si vous ne craignez pas les nuits blanches, retournez la page et
lisez !
N’ayant plus rien à se mettre sous la dent, le lion s’aventura jusqu’à des zones habitées. Là,
il tomba sur une troupe de touristes qui faisaient un safari photo. Il en croqua tout vifs une
demi-douzaine. Les autres, il les traîna jusqu’à son garde manger. Mais c’étaient des
touristes nord-américains, gavés de nourritures chimiques (carbonate de calcium, acétate
de sodium, maltol, sorbitol et bien d’autres encore). Le malheureux lion attrapa une colique
épouvantable et mourut trois jours plus tard en grommelant un dernier juron que je ne
répèterai pas !

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