Le premier contact des Français avec l`alcool s`effectue-t
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Le premier contact des Français avec l`alcool s`effectue-t
L’Encéphale (2012) 38, 277—279 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP ÉDITORIAL Le premier contact des Français avec l’alcool s’effectue-t-il vraiment de plus en plus précocement ? Une récente conférence de consensus fait le tri entre vérités et approximations Is the age of first contact with alcohol of the French really getting younger? A recent consensus conference sifts out reality and approximations L’âge de début de la consommation d’alcool et des alcoolisations serait de plus en plus précoce. . . La presse, certaines communications entre médecins et quelques données épidémiologiques évoquent en effet un rajeunissement des premières consommations d’alcool ainsi que des alcoolisations massives (binge drinking), qui pourraient concerner non seulement les jeunes adolescents mais même les enfants de moins de 13 ans. Les données de la littérature semblent, de plus, assez claires sur le fait que la précocité des premières consommations d’alcool est associée à une prévalence accrue de l’alcoolo-dépendance ultérieure. Devons donc nous attendre à un pic épidémiologique d’abus d’alcool dans les années à venir ? Les données sur la précocité des consommations et l’alcoolo-dépendance sont en fait bien plus complexes qu’on ne pourrait penser, association n’étant pas explication. Nous avons donc proposé de faire le point avec plusieurs spécialistes nationaux du domaine (impliqués dans l’épidémiologie, la clinique et la recherche) pour arriver à des conclusions ayant obtenu l’accord de l’ensemble des experts, quel que soient leurs domaines d’expertise, leurs horizons et leurs avis initiaux sur la question. 0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2012. doi:10.1016/j.encep.2012.01.002 Nous espérons que les informations consensuelles ici développées permettront d’éclaircir ce domaine de santé publique pour lequel des données souvent contradictoires sont présentées. Etant donné qu’il s’agit de conclusions d’experts, ces propositions n’engagent qu’eux. Néanmoins, chacun des participants a effectué une recherche exhaustive de la littérature scientifique pour étayer leurs propos, données en fin de document et disponible sur le site internet de ireb.com (l’IREB), l’institut de recherche et d’étude sur les boissons, qui a accueilli la réunion des experts. Voici les 13 déclarations qui ont recueilli un consensus : • les études en population générale montrent un lien intense entre la précocité des premières consommations d’alcool et la prévalence de la dépendance à l’alcool, y compris en ajustant sur d’autres variables (tels milieu social, précarité, lieu de vie et ethnie) [1—5] ; • l’âge moyen déclaré des premières consommations d’alcool baisse d’un mois par an en moyenne depuis les années 2000 (à méthodologie égale), alors que l’âge moyen déclaré des premières ivresses semble stable en Europe [6], contrairement aux États-Unis [7]. Il manque d’études prospectives avec suffisamment de recul en France ; 278 • le souvenir de l’âge à la première consommation d’alcool est de fiabilité moyenne et évolue avec l’âge du sujet (recul d’un an tous les quatre ans de vie), ce qui est une source importante de biais dans plusieurs études [8—11] ; • l’alcoolisation précoce est associée à une prévalence accrue d’ivresses régulières (+ 40 %), de dépendances (+ 40 % chez les hommes et + 50 % chez les femmes), ainsi que de l’usage d’autres substances telles que le tabac et le cannabis (+ 70 %) [12—17] ; • il existe un effet direct de la précocité de la consommation d’alcool sur la structure du cerveau (et des fonctions cognitives associées) qui n’est pas expliqué par la durée de l’exposition (les sujets débutant précocement ont une exposition plus longue) [18] ; • l’animal juvénile (période équivalente à l’adolescence chez l’Homme) résiste mieux que l’animal adulte aux effets sédatifs de l’alcool ; mais il est plus sensible à ses effets désinhibiteurs et neurotoxiques, amenant à considérer l’âge adolescent comme une période particulièrement à risque [19—25] ; • l’exposition forcée (voire aussi volontaire) à l’alcool durant la période juvénile chez le rat, dans certains contextes, augmente de 30 % leur motivation à consommer à l’âge adulte [26—28] ; • la précocité de la première consommation d’alcool est à la fois un signe de vulnérabilité à la dépendance et un facteur de risque en soi [29—31] ; • on sait repérer précocement les enfants à risques de dépendance ultérieure [29,32] ; • la prévention doit être mise en place le plus tôt possible, au plus tard à l’âge de l’école primaire et devrait associer étroitement politiques [33], éducateurs et parents [29,32] ; • l’exposition prénatale à l’alcool est associée à une augmentation claire (environ trois fois) des troubles ultérieurs liés à l’alcool, mais aspécifique dans ses mécanismes (plutôt à travers des troubles cognitifs) et son expression (troubles psychopathologiques) [34,35] ; • il est difficile de distinguer le poids de l’exposition prénatale à l’alcool sur le risque d’alcoolo-dépendance ultérieure du fait de l’existence de facteurs intermédiaires (éducatifs, comorbides et sociaux) et très probablement par le retard mental qui y est associé [36] ; • les facteurs de vulnérabilité génétique sont impliqués dans la précocité des consommations d’alcool et pourraient interagir avec des facteurs environnementaux [37—39]. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Remerciements Liste des experts impliqués : • Marie Choquet, épidémiologiste, directeur de recherche Inserm, spécialiste de la santé des adolescents. Éditorial • Laure Com-Ruelle, médecin de santé publique, directeur de recherche Irdes, membre du comité scientifique de l’Ireb. • Philippe Arvers, médecin addictologue, spécialiste du comportement des jeunes Français vis-à-vis des produits psychoactifs. • Mickaël Naassila, directeur de l’équipe Inserm ERI 24/groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances (GRAP). • Daniel Bailly, pédopsychiatre, spécialiste de la relation parents-enfants et des comportements addictifs chez les jeunes. • Thierry Danel, psychiatre, praticien hospitalier au CHRU de Lille en psychiatrie et en addictologie. • Benjamin Rolland, praticien hospitalier dans le service d’addictologie du CHRU de Lille. • Héloïse Bernard, psychiatre, responsable de l’unité mèrebébé de psychiatrie et d’addictologie au CHRU de Lille. • Yann Le Strat, psychiatre au CHU Louis-Mourier (Colombes), membre de l’équipe Inserm U894 au centre de psychiatrie et neurosciences (Paris). • Philip Gorwood, psychiatre à Sainte-Anne et responsable de l’équipe « génétique des addictions » au centre de psychiatrie et neurosciences (Inserm U894). • Jean-Luc Martinot, psychiatre et directeur de l’unité 1000 « neuroimagerie et psychiatrie », n’a pu participer à la session de consensus. 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