Hippique - WordPress.com

Transcription

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LE GALOP
Depuis le XIXe siècle, la communauté acadienne s’est fait une place
bien à elle sur l’estrade nationale. Munie du Paradis perdu comme
pierre angulaire, l’Acadie des premiers artistes nationaux est devenue
une patrie promise par le travail et la foi du peuple. Un « home »
idyllique cruellement arraché par les forces du destin.
Évangéline, le violon et le drapeau acadien ont
été adoptés, assimilés et secoués comme
des solutions à ce qui demeure, en
fait, une réalité identitaire complexe.
Depuis les débuts de sa
carrière, François Gaudet
pique et repique, souvent
avec ironie et humour, les
tenants d’un nationalisme
jugé réducteur. Mais, s’il
s’acharne à déconstruire
ce mythe fondateur de
l’Acadie, à déconstruire
ce « Home » si chéri des
peuples diasporiques, ce
n’est pas pour nous vider
d’espoir. Au contraire, dans
Hippique, cet élan contestataire
éveille le mouvement, le pouls
d’un nouveau mythe fondateur.
Pour faire bouger et révolutionner le monde,
il faut défaire. Dans Hippique, François Gaudet
déconstruit sa maison acadienne, son « Home ». Il
décroche dentelles de table et papier peint, jouets de bois, courbes
françaises, sacoches avec messages qui restent à écrire, iconographie
religieuse et les superpose pour créer un ciel étoilé. Les stores (qui
couvrent des fenêtres qui ne sont pas là) deviennent les véritables
GALLOP
fenêtres de l’imaginaire. Le réservoir d’huile, percé par le voyage et
les flammes régénératrices, évoque la chaleur tant désirée et prisée
par l’exilé. Mais il ne s’arrête pas à la déconstruction et c’est peut-être
ici une des grandes forces de son travail. C’est comme si François,
en ayant défait les représentations nationales acceptées,
plongeait dans une dimension atemporelle.
Dans la dimension de l’allégorie où l’image
garde sa puissance métaphorique.
Since the 19th Century, the Acadian community has been carving its very own niche on the national stage. Armed with Paradise Lost as its cornerstone, the Acadie of the very first national artists has become a promised land through its people’s work and faith. An idyllic home cruelly torn away from Acadians by the forces of fate. Evangeline, the fiddle and the Acadian flag have been embraced, assimilated and thrown about as solutions to what remains, in fact, a complex identity issue.
C’est à la figure centrale, le cheval,
de galoper sur ce nouveau
territoire mythique. Inspiré
des chevaux de l’île de Sable,
François Gaudet adopte
l’icône du cheval pour en
faire à la fois l’ancêtre
et le fondateur d’une
nouvelle mémoire. Volés
par un marchand anglais
des fermes acadiennes
pendant la déportation, ces
chevaux ne sont pas restés
victimes et liés au bourreau
pour assurer leur survie et
leur identité. Les chevaux de
l’île de Sable se sont refaits dans
leur nouveau territoire. De même,
galopant avec le cheval, les personnages
qui ont marqué le territoire mythique acadien,
jusqu’au cowboy de la culture populaire américaine,
reprennent vie dans ce ciel tapissé de François Gaudet. La
victoire de Napoléon est réduite à sa taille. Évangéline ose finalement
s’approprier des lettres et des mots, de son masque autochtone. Le
temps horloge est arrêté pour laisser place au temps mythique.
From the beginning of his career, François Gaudet has stung, again and again, — often with irony and humour — the upholders of a na­
tionalism that he deems too simplistic. However, if he relentlessly deconstructs the founding myth of Acadie, this “home” so dear to the victims of a diaspora, it is not because he wants to take hope away from us. On the contrary, in “Hippique”, this urge to dissent awakens and gives life to a new founding mythology.
GEORGETTE LEBLANC
In order to initiate change and revolutionize the world, one has to take things apart. In “Hippique”, François Gaudet deconstructs his Acadian “home”. He tears off the lace tablecloths, the wallpaper, the wooden toys, the French curves, the bags with mes­
sages remaining to be written, the religious iconog­
raphy, and super­
imposes them in order to compose a starry sky. The window shades (covering win­
dows that aren’t there) become the true windows on imagination. Punctured by trav­
els and regenera­
tive fire, the oil tank recalls the warmth so desired and so prized by exiles. But de­
construction is not François’s ultimate goal, and this might be one of the great strengths of his work. It is as if, having taken apart recognized national symbols, François is im­
mersing us in a dimension of timelessness — in the dimension of allegory, where images retain their metaphorical power.
The central figure of the horse gallops through this new mythical land. Inspired by the horses of Sable Island, François Gaudet adopts this icon to make it both the ancestor and the founder of a new his­
tory. Stolen by an English merchant from Acadian farms during the Deportation, these horses did not remain victims tied to their tor­
menter. They ensured their survival and created their identity by re­
inventing themselves in their new land. In the same way, gallop­
ing with the horse, the characters that marked the mythical land of Acadie — all the way to the cow­boy of American popular culture — find new life in François Gaudet’s reconstructed sky. Napoleon’s victory is cut back to size. Evangeline finally dares to appropriate words and letters, from her aboriginal mask. Clock time is stopped, and gives way to the time of myth.
En haut : « Révangéline »
En bas : « Amédé »
À droite : « Rideau cheval »
GEORGETTE LEBLANC
François Gaudet
« Hippique »
page couverture : « Hippique »
« Tank d’huile »
Université Sainte-Anne
Pointe-de-l’Église (Nouvelle-Écosse)
902 769-2114, poste 262
[email protected]
du 6 août au 10 septembre 2011
vernissage le 9 septembre 2011