Exploitation des Produits Forestiers Non-Ligneux (PFNL)

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Exploitation des Produits Forestiers Non-Ligneux (PFNL)
Communication pour le Workshop de CARPE du 18 au 20 juillet 2000, Limbé
EXPLOITATION ET GESTION DES PRODUITS FORESTIERS NON - LIGNEUX (PFNL) :
l’exemple de Garcinia lucida Vesque.
Par : Guedje Chaungueu Nicole Marie
RESUME
L’exploitation des Produits Forestiers Non Ligneux (PFNL) devient une activité de plus en plus
attrayante pour de nombreuses personnes démunies et sans emplois en Afrique Central et au
Cameroun en particulier. Garcinia lucida Vesque. (Clusiaceae) est un important PFNL largement
exploité dans la région de Bipindi Akom II au Sud-Cameroun. Son écorce et sa graine sont utilisées
pour leurs vertus médicinales et pour la production du vin de palme, du vin de raphia et d’une liqueur
traditionnelle dénommée « Odontol ». Elle pousse en peuplements sur les pentes des forêts au-dessus
de 500 mètres d’altitude. Dans certains peuplements naturels de cette essence, la mortalité des arbres
après prélèvement de l’écorce est parfois élevée, atteignant jusqu’à 50% de l’effectif total. C’est ainsi
que le présent travail s’est assigné pour objectif l’étude d’un système d’exploitation viable de l’écorce
de cette ressource forestière.
Pour ce faire, le suivi d’un échantillon de tiges, soumises à diverses intensités et techniques de
prélèvement de l’écorce, a permis d’évaluer l’impact de ces prélèvements sur la vitalité et les capacités
de résistance des arbres. L’implication des groupes de collecteurs d’écorce lors des processus de suivi
et d’évaluation de cette expérimentation a permis d’esquisser un système d’exploitation viable et
approprié.
Les résultats obtenus montrent que, lorsque de petites quantités d’écorce sont exploitées, l’arbre
surmonte très souvent le traumatisme et peut développer de nouveaux organes afin d’assurer sa survie.
Cependant, si l’arbre est annelé ou perd plus de la moitié de sa couverture d’écorce, la probabilité de
décès est très élevée. La reconstitution de l’écorce est une stratégie de résistance largement développée
par les tiges à moitié écorcées tandis que la coupe de ’larbre à hauteur de pied stimule le rejet de
nouvelles tiges par les souches.
L’approche participative qui a été adoptée, a permis une implication directe des populations locales
dans le processus de suivi et de définition d’un système d’exploitation qui se doit d’être facilement
applicable et de garantir la satisfaction des besoins, tout en laissant une chance de survie ou de
reproduction à la plante. L’adoption et l’application effective d’un tel système d’exploitation par
l’ensemble des collecteurs d’éc orce, permettraient de réduire notablement la mortalité dans les stands
naturels où croît cette essence et contribueraient à garantir la pérennité de la ressource.
ABSTRACT
Processing of Non-Timber Forest Products (NTFP) to generate sources of income or food for
subsistence has become more attractive for several unemployed people particular in
Cameroon and general in Central Africa. Garcinia lucida Vesque. (Guttiferae) is a highly valued
Non-Timber Forest Product for domestic consumption and commercial purpose in the SouthCameroon region. The bark of this species is used as an additive in palm wine, while bark and
nuts are also exploited for medicinal purposes. The bark is also used to make traditional liquor
named “Odontol”. It is a gregarious species and a small sub-canopy tree of undisturbed or
mature forest at more than 500-m altitude. In some areas where this species is founded, tree
1
mortality after bark decorticating is high, sometime around 50% of the total number of trees.
Thus the aim of the pr esent work was to define a sustainable harvesting systems for this
important forest resource.
To achieve this, an experimental test of the traditional harvesting techniques and levels has
been carried and several treatments have been applied to determine their different effects on
plant health and vitality. The participatory approach, in which forest gatherers have been
actively involved in the processes of monitoring and evaluating the harvesting practices,
permits to select the most efficient and appropr iate systems of bark harvesting.
The data obtained clearly established that when harvesting involved small quantities of bark,
the tree can face the trauma and survive in most cases and later, recover the bark extracted or
coppice new stems or roots. In case of a complete harvesting of the tree all around the stem or
stripping more than a half of the total bark cover, the probability to destroy the tree is highest.
More over, the faculty to sprout or coppice new stems is highly stimulated when tree is felled
at approximately 1 m height, while the regeneration of bark is mostly the fact of tree which
bark have been partially removed.
The effective involve of forest gatherers permits to establish a sustainable harvesting systems
in which extraction levels and techniques have to be the least damaging, the most efficient
and socially appropriate ones. The establishment of such appropriate systems could permit to
reduce tree mortality in natural stands and to ensure the long-term availability of the species.
INTRODUCTION
La crise économique que traverse l’Afrique Centrale a entraîné une pression sans cesse accrue sur les
ressources naturelles des pays de cette sous-région. Cette crise, aggravée par la dévaluation du franc
CFA a rendu encore plus attrayant le secteur des PFNL.
Ainsi, de nombreux acteurs ruraux ou locaux se sont lancés dans l’exploitation et la commercialisation
de certains PFNL pour faire face au manque criard d’emplois et de revenus.
- Les amandes de Irvingia gabonensis, de même les feuilles de Gnetum sp., largement
commercialisés sur les marchés urbains camerounais, sont également exportés vers le Nigeria.
- Les écorces de Garcinia lucida et G. kola, en provenance du Cameroun, sont vendues au Gabon et
en Guinée Equatoriale.
Cette commercialisation à grande échelle met en jeu d’énormes quantités de ressources prélevées dans
la forêt et rapporte par la même occasion des revenus non négligeables pour les populations locales et
urbaines.
- Dans la province du Sud-Ouest au Cameroun, la valeur marchande de l’écorce du Prunus africana
a été estimée à 150.000.000 US$ par an, et représente une moyenne de 1923 tonnes d’écorces
exploitées entre 1986 et 1991 (Cunningham & Mbenkum, 1993).
- Selon un rapport de AEERD (1993), cité par Ndoye et coll. (1998), 428 tonnes de feuilles de
Gnetum africanum ont été exportées du Cameroun vers le Nigeria en 1992
- Dans la zone de forêt dense humide du Cameroun, Ndoye et al. (1999), ont estimé, pour
l’ensemble des vendeurs sur 28 marchés de cette zone, que la quantité d’écorce de G. lucida et G.
kola commercialisée en 1995 s’élevait à 40.600 et 16.200 kg, pour un montant de 10.360.000 et
3.971.000 francs CFA respectivement. Pour l’année 1996, ce sont 27.300 et 9.900 kg d’écorce de
G. lucida et G. kola respectivement qui auront été vendus pour une valeur de 9.867.000 et
2.110.000 francs CFA.
- Par ailleurs, pour la période de janvier à juillet 95, 13.212 kg d’écorce de G. lucida ont été
exportés au Gabon (Ndoye, 1995).
2
Alors que les possibilités d’accroissement de ces activités au profit des communautés rurales et
urbaines sont grandes, de multiples exemples montrent que cette exploitation commerciale des PFNL
s’accompagne le plus souvent d’une diminution, voire d’une raréfaction de ces ressources.
Les rotins se raréfient en Asie (H all & Bawa , 1993 ; Peters, 1996) et au Cameroun (Bene, 1994).
Selon Cunningham et Mbenkum (1993), 35.000 pieds de Prunus africana sont écorcés annuellement,
portant ainsi une sérieuse menace sur l’existence de cette ressource (WWF, 1994). Dans la province du
Sud-Ouest (Cameroun), les plantes de Gnetum deviennent de moins en moins abondantes à la suite de
leur exploitation commerciale.
Dans la région de Bipindi – Akom II, les arbres desséchés après écorçage représentent parfois jusqu’à
50% de l’effectif total des individus de cette espèce à l’intérieur de certains sites naturels où croît cette
plante (Guedje, 1996). Cette essence revêt pour les populations de cette région une importance socio –
économique, médicinales et culturelle. Son écorce et sa graine sont utilisées pour leurs vertus
médicinales et pour la production du vin de palme, du vin de raphia et d’une liqueur traditionnelle
dénommée Odontol à partir du vin de palme ou de raphia. Les populations locales prêtent à ces graines
et écorces des vertus anti poison. La commercialisation de l’écorce se fait tant au niveau local et
urbain, que régional.
Dans la perspective d’un développement de l’utilisation de cette ressource, il est nécessaire d’identifier
les conditions requises pour une exploitation économiquement viable et écologiquement durable. Ceci
suppose une bonne connaissance de la dynamique reproductive, de même que l’impact de
l’exploitation sur l’écologie de la ressource. De multiples travaux ont porté sur l’inventaire des
différentes catégories de PFNL et leurs utilisations (Falconer, 1990 ; Aké Assi et Adjanohoum, 1979 ;
Vivien, 1991 ; Noumi, 1984). D’autres travaux à l’exemple de ceux de de Beer & McDermott (1989),
Ros Tonen et al. (1994), Godoy et Bawa (1993) ont porté sur l’évaluation économique ou / et
écologique de ces PFNL (Kanh, 1988 ; Peters, 1991 ; van Dijk, 1999). Cependant, les études évaluant
l’impact des pratiques de récoltes sur la disponibilité de ces ressources sont peu abondantes.
La nature et l’importance des PFNL étant étroitement imbriquées dans le contexte socioculturel et
économique des populations locales, l’accent a été placé, lors du travail ici présenté, sur une approche
associant à la détermination des pratiques optimales de prélèvement de l’écorce, la participation des
populations locales dans les différents processus d’évaluation et de suivi afin de définir un système
d’exploitation viable qui soit socialement approprié, économiquement viable et économiquement
durable.
METHODOLOGIE
1 – 1 Site de l’étude :
Le site de recherche du Programme Tropenbos Cameroun se trouve dans la région délimitée par les
villes de Lolodorf, Bipindi et Akom II. Il couvre une superficie de 200.000 ha, située à 50 km environ
à l’est de Kribi. Le relief est dominé par des plaines dans la partie ouest et par des montagnes dans la
partie Est, il est caractérisé par des altitudes allant de 40 m à plus de 1000 m. Les sols sont des terres
glaises sablonneuses et ferralitiques, pauvres et acides. La température moyenne annuelle est de
l’ordre de 25°C. Les précipitations annuelles varient de 2000 à 2500 mm de pluie et sont réparties sur
deux saisons de pluie et deux saisons sèches. Selon Letouzey (1985), la majeure partie de la végétation
peut se décrire comme une transition graduelle entre "le type littoral", caractérisé par des "forêts
atlantiques à Caesalpiniaceae" et le "type atlantique biafréen", caractérisé par les "faciès de
dégradation des forêts toujours vertes". Les populations, d’une densité de 5 à 10 habitants au km², sont
en majorité composées de Bantous (Boulou, Mfang et Ngoumba), et en minorité de Bakola (Pygmées).
Les monocultures d'exportation (cacao, palmier à huile) et l’agriculture itinérante sur brûlis pour les
cultures vivrières y sont pratiquées. La chasse et la pêche sont également des activités de grande
envergure.
3
1 – 2 Collecte des données :
Une approche expérimentale est utilisée pour tester les différentes pratiques de prélèvement de
l’écorce sur un échantillonnage de tiges de différentes classes de taille. Les différentes techniques et
intensités d’écorçage testées ont été retenues à partir des observations préliminaires sur les pratiques
locales de récolte de cette ressource (Guedje, 1996; de Huu, 1997).
Les différents traitements appliqués sont les suivants :
• Prélèvement d’un tiers de la surface du tronc à l’aide d’une machette (traitement T 1)
• Prélèvement d’un tiers de la surface du tronc à l’aide d’une massue (traitement T 2),
• Prélèvement de deux tiers de la surface du tronc à l’aide d’une massue (traitement T 3),
• Prélèvement en anneau ou cerne sur toute la surface du tronc à l’aide d’une massue ou d’une
machette (traitement T 4),
• Coupe de la tige à hauteur de pied avant le prélèvement de l’écorce sur la partie coupée (traitement
T 5)
• Témoin (traitement T 0)
Pour chacun de ces traitements, 20 sujets équitablement distribués dans deux classes de
dimension ( 10 – 15 cm et >20 cm dhp) ont été sélectionnés. Les paramètres relevés, pendant
deux années, sur les individus ainsi exploités sont la vitalité de l’arbre et le s mécanismes
développés afin de surmonter le traumatisme.
L’approche participative a été utilisée afin de déterminer les techniques optimales d’écorçage
et d’esquisser un système d’exploitation qui soit socialement approprié, économiquement
rentable et écologiquement durable. Deux villages pilotes ont été choisis en raison de leur
proximité par rapport aux deux peuplements naturels d’Essok étudiés.
Le processus exécuté est le suivant :
•
•
•
•
•
Discussions par le canal des réunions dans deux villages pilotes, de la notion d’exploitation et de
gestion durable;
constitution par les membres de la communauté des deux villages, de groupes de travail de 5 à 10
exploitants locaux de l’écorce devant participer au suivi et à l’examen du test des différentes
pratiques de prélèvement de l’écorce ;
détermination par les groupes de travail, des techniques et intensités optimales de prélèvement de
l’écorce et des autres mesures d’aménagement à envisager ;
Essai d’application et de suivi, par chaque membre des groupes constitués , du système
d’exploitation retenu ;
restitution et sensibilisation des autres membres de la communauté, par le canal des réunions dans
les villages et des bulletins d’informations, sur l’intérêt d’une application effective du système
d’exploitation et de gestion défini par les membres des groupes de travail.
4
RESULTATS
Au stade actuel de l’étude, les résultats qui sont présentés ci-dessous, peuvent déjà se prêter à une
analyse préliminaire.
2.1 Impact des différentes techniques de prélèvement de l’écorce au niveau de la plante
Les sites naturels de G. lucida dans la région de Bipindi – Akom II, sont sous régime du libre accès
pour la récolte de l’écorce. Le prélèvement de cette écorce se fait soit en frappant à l’aide d’une
massue, soit en pelant à l’aide d’une machette les arbres sur pied. L’écorce est enlevée sur de petites
surface ou sur un coté de la plante. Les observations de terrains montrent que lorsque de petites bandes
ou pièces sont extraites de l’arbre et sur une seule face, ce dernier résiste très souvent et continue
d’assurer ses fonctions reproductrices.
Très souvent, l’arbre est écorcé ou cerné sur toute sa circonférence et sur des hauteurs plus ou moins
considérables. Cette pratique qui consiste à anneler l’arbre entraîne fréquemment et plus ou moins
rapidement le dessèchement de l’arbre donc le système vasculaire a été complètement détruit.
Une autre pratique, peu courante, consiste à couper l’arbre à hauteur de pied avant d’écorcer la partie
supérieure sectionnée.
Mortalité (% d'individus morts après application
du traitement)
Les résultats du test de ces différentes techniques et intensités d’écorçage montrent à cet effet que les
pratiques d’écorçage qui consiste à anneler l’arbre entraîne une forte mortalité des plantes de l’ordre
de 70% (figure 1). Cependant, un prélèvement partiel, sur un ou deux tiers de la circonférence totale
de l’arbre, entraîne une faible mortalité donc le taux est de 10% en moyenne.
80%
T0
T1
T2
T3
T4
T5
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
1
3
6
9
12
15
18
21
24
Temps (Mois)
Figure 1 : Courbe de mortalité de Garcinia lucida suivant les différents traitements de
prélèvement de l'écorce
Le tableau 1 présente pour chaque traitement, la mortalité des tiges en fonction de la taille de l’arbre et
des surfaces d’écorce prélevées ou des quantités d’écorce extraites correspondantes. L’examen de ce
tableau permet de noter que les arbres de grande taille sont les plus productifs et les plus sensibles à
l’écorçage. Les plus fortes quantités d’écorce extraites, de même que les taux de mortalité les plus
élevés sont enregistrés dans ces grandes classes, pour l’ensemble des différents traitements. Par
ailleurs, les informations recueillies sur le terrain indiquent que les critères d’exploitation de l’écorce
5
sont, par ordre de priorit é ou de préférence, l’épaisseur de l’écorce, la facilité avec laquelle celle-ci se
détache de l’aubier et enfin la grosseur de l’arbre.
Tableau 1: Mortalité des plantes Garcinia lucida en fonction de la taille des arbres exploités et
des quantités d'écor ces extraites
Traitements Classe de
diamètre
(cm)
T1
10 – 1 3
T1
13 – 1 7
Mortalité (%) Quantité totale Surfaces
Quantité d'écorce
d'écorces
correspondantes moyenne / arbre
extraites (kg)
(m²)
(kg)
0.00%
3.5
0.76
0.88
0.00%
9
1.56
1.50
T1
T1
T2
17 - 2 0
20 - 2 5
10 - 1 3
0.00%
0.00%
0.00%
10
19.5
2.5
1.58
2.25
0.71
2.00
3.90
0.63
T2
T2
T2
13 - 1 7
17 - 2 0
20 - 2 5
50.00%
0.00%
0.00%
6
7.5
7.5
1.31
1.73
1.42
1.00
1.25
1.88
T3
T3
T3
T3
T4
T4
10 - 1 3
13 - 1 7
17 - 2 0
20 - 2 5
10 - 1 3
13 - 1 7
0.00%
0.00%
0.00%
33.33%
25.00%
66.67%
4
9.5
17
17.5
8.5
14.5
1.66
2.12
3.56
2.75
2.05
4.12
0.80
1.90
2.83
4.38
2.13
2.42
T4
T4
17 – 2 0
20 – 2 5
100.00%
100.00%
20.5
46.5
4.28
5.30
4.10
9.30
2.2 Mécanismes de survie développés par les arbres écorcés
Les mécanismes développés par les arbres écorcés afin de surmonter le traumatisme de l’écorçage sont
la reconstitution d’une nouvelle écorce, le développement de racines échasses au niveau de la cicatrice
ou le rejet de nouvelles tiges. La figure 2 ci-après présente la fréquence de développement de ces
différents mécanismes en fonction des techniques et intensité de prélèvement de l’écorce. Les arbres
écorcés partiellement possèdent plus de chances de développer une nouvelle écorce que ceux qui ont
été annelés. En effet, plus de 80% de tiges pour les traitements T1, T2 et T3 ont amorcé une
reconstitution de l’écorce. Il faudrait cependant souligner qu’après cette amorce de reconstitution, une
importante proportion d’arbres n’échappe pas au processus de dégénérescence causé par la
désorganisation des tissus vasculaires et le dessèchement de la plante. Les arbres annelés, malgré la
longue période de leur résistance au dessèchement qui est d’environ six mois (figure 1), montrent un
faible taux de néoformation de l’écorce, concernant seulement 20% environ des individus.
L’émission de nouvelles racines au niveau supérieur de l’écorchure est un processus secondaire,
s’effectuant plus tardivement et accompagnant très souvent celui de la reconstitution de l’écorce. On
note cependant que les arbres dénudés, ayant perdu plus de la moitié ou toute leur écorce sont ceux qui
développent plus aisément ces structures. En effet, 20 à 30% de sujets pour les traitements T3 et T4
ont développé ces racines échasses.
Le développement des rejets par les souches est un processus stimulé par la coupe de la tige à hauteur
de pied. La figure 2 montre à cet effet que 95% de souches ont développé de nouvelles tiges. Cette
capacité de réitération est moins fréquente ou pratiquement absente chez les arbres ayant subis un
prélèvement partiel ou total de l’écorce. Chez ces plantes, la présence du bourgeon apical inhibe le
débourrement des bourgeons latéraux au niveau du tronc.
6
Nombre de
tiges (%)
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
T1
T2
T3
T4
T5
T0
30%
20%
10%
0%
Reconstitution
Ecorce
Emission Racines
Stratégies de survie
Développement
Tiges
Figure 2 : Mécanismes de survie développés par les tiges de G.
lucida soumises à divers traitements de prélèvement de l'écorce
(observation sur 24 mois)
2.3 Esquisse d’un système d’exploitation viable de l’écorce
A la suite du processus de suivi et d’examen sur le terrain de l’impact des différentes techniques et
intensité de prélèvement de l’écorce, par les membres des différents groupes constitués de collecteurs
spécialisés de l’écorce, des discussions en sous-groupes ont été menées dans le but de sélectionner les
techniques et intensités qui soient facilement applicables, permettent la survie de la plante et
fournissent des quantités d’écorces suffisantes pour la satisfaction des besoins de consommation ou de
commercialisation.
Les principales recommandations suivantes ont été formulées lors de la séance plénière regroupant
tous les sous -groupes :
• éviter impérativement d’anneler ou de dénuder complètement l’arbre ;
• exploiter sélectivement les individus les plus âgés et éviter d’écorcer les tiges d’avenir;
• prélever l’écorce sur une seule face de l’arbre, de préférence sous la forme d’une bande dont la
largeur correspond à environ un tiers de la circonférence de la tige ;
• laisser un intervalle de temps suffisant entre deux prélèvements sur la même tige afin de favoriser
la reconstitution de l’écorce (cet intervalle de temps pourra être précisément déterminer d’ici la fin
du dépouillement des données) ;
• dans le cas d’une exploitation commerciale ou faisant appel à d’importantes quantités d’écorce,
couper l’arbre à hauteur de pied, préserver la souche et écorcer la partie supérieure de l’arbre
abattue.
2.4 Autres stratégies de gestion à envisager
Pendant les réunions de discussions et de sensibilisation dans les villages, de même qu’au cours de la
séance plénière regroupant tous les sous -groupes de collecteurs spécialisés de l’écorce, les suggestions
suivantes ont été formulées en vue d’approcher une gestion durable de cette ressource :
•
•
•
régulariser l’accès à cette ressource en milieu naturel
développer des programmes de sélection, d’amélioration et de multiplication de l’espèce à grande
échelle;
vulgariser la culture ou la domestication de cette essence dans les plantations ou les jardins de case
7
DISCUSSIONS - CONCLUSION
Le test des différentes pratiques traditionnelles de prélèvement de l’écorce a permis de mettre en
évidence leur impact sur la survie et la vitalité des arbres écorcés. Lorsque l’exploitation fait appel a
de petites quantités ou surfaces d’écorce, l’arbre surmonte très souvent le traumatisme et peut
développer de nouveaux organes afin d’assurer sa survie. Cependant, s’il est annelé, la probabilité de
décès est très élevée. Dans le cas des tiges qui amorcent assez tôt la reconstitution de l’écorce, la
probabilité de décès reste assez élevée car la désorganisation des tissus vasculaires conducteurs de
sève brute ou élaborée a profondément affecté la vitalité de la plante. Et c’est cette destruction des
canaux conducteurs de sève qui est à l’origine du processus de dégénérescence par dessèchement de la
plante. D’autre part, la capacité de la plante à former une nouvelle écorce dépend énormément de la
facilité ou de la difficulté de détachement de l’ancienne écorce de l’aubier au moment de l’écorçage.
Les observat ions de terrain permettent de remarquer que, plus l’écorce est difficilement détachable du
bois, plus rapide sera la formation de la nouvelle écorce et la cicatrisation du prélèvement. Les taux de
reconstitution de l’écorce, obtenus des tiges qui ont été pelées à l’aide d’une machette confirment ces
remarques.
La coupe de la tige à hauteur de pied permet à l’arbre, dans plus de 90% de cas, de se reproduire de
manière végétative. Ces facultés réitératives présentent outre l’avantage de reproduire un individu
identique à la plante-mère, mais également de rejuvéniliser la plante. Ces potentialités pourraient être
le point de départ des programmes de sélection et de multiplication végétative à l’instar du marcottage
chez cette espèce.
L’approche participative, basée sur les pratiques et connaissances locales des peuples de la région de
Bipindi – Akom II, s’est inspirée de celle développée par Ewusi (1998) dans la province du SudOuest. Cette approche permet une implication directe des populations locales dans el processus de
suivi et de définition d’un système d’exploitation qui se doit d’être facilement applicable, de garantir
la satisfaction des besoins, tout en laissant une chance de survie ou de reproduction à la plante.
L’adoption et l’application effective d’un tel système d’exploitation et de gestion des arbres par
l’ensemble des populations locales, permettraient de réduire notablement la mortalité dans les stands
naturels où croît cette essence et contribueraient à garantir la pérennité de la ressource.
Le contexte socio-économique actuel étant marqué par une démographie humaine sans cesse
croissante, un marasme économique qui perdure et un manque criard d’emplois et de revenus au
Cameroun, des travaux portant sur la détermination des taux d’extraction judicieux, des méthodes de
récolte viables ou des techniques de multiplication et de domestication des ressources forestières nonligneuses, sont d’une importance vitale et devraient contribuer à garantir les sources de revenus aux
populations locales ou urbaines, ainsi que la pérennité des forêts tropicales et la préservation de leur
biodiversité.
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