miam-miam 18 [24/06/95]

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miam-miam 18 [24/06/95]
miam-miam
miam-miam 18 [24/06/95]
chez les épiciers,
la vanille Â
chez les épiciers [1] Il y a peu, V. (de Paris) me téléphonait très angoissée, car sa mère était à la recherche de “
poilue― (dite aujourd’hui, en pici dans le texte, “givrée―). En bonne fille, elle souhaitait lui faire plaisir — c’ét
l’époque de la fête des Mères — et s’était lancée dans une quête quasi désespérée… Il est vrai que ce
propose couramment n’a à voir que de très loin avec une vanille de grand cru, même glabre.Voici une quinzaine, j’é
en vadrouille dans le Lot (pour découvrir les vins de Mercuès et de Haute-Serre… on en reparlera plus loin) et Michel
Dussau, le cuisinier du Château de Mercuès, m’a parlé d’un monsieur d’un certain âge qui, dans son jardin, cu
safran et fournissait deux restaurants de la région (dont Mercuès, justement) et je n’ai pas manqué d’aller lui rendre
visite.Depuis, je suis allé déjeuner à Cancale chez Olivier Roellinger, sans doute le plus brillant représentant d’une cu
“tout-épices―, et en reportage dans la région de Vannes je n’ai pas manqué d’aller dîner chez Régis Ma
d’une cuisine aux saveurs qui peuvent paraître exotiques. J’ai également trouvé à la COUR D’ORGÈRES, u
artisanal installé près de Quiberon et qui a dans sa boutique un véritable département “épicerie fine―, des produits
basques à base de piment d’Espelette : compote, purée, piment pulvérisé. À Quiberon encore, au restaurant de LA
SIRÈNE, le chef sert une barbue rôtie accompagnée d’une purée de pommes de terre relevée de graines de moutard
Très intéressant…Tout ceci m’a fait penser tout à coup que les épices étaient sans doute un produit très estival.
Spontanément je les associais davantage à une idée d’hiver et de froidure mais c’est vrai que c’est idiot : et je n
pas, l’été, de préparer une salade de pêches blanches au vin rosé et à la cardamome.Prenez une pêche et demie
deux pêches par personne. Pour six à huit fruits, il faut une bouteille d’un bon vin rosé. Personnellement j’utilise un
collioure du Clos de Paulilles — parce que j’aime bien ce domaine, mais aussi parce qu’on le trouve facilement, chez
NICOLAS — mais très certainement les Roses de Château-Faugères (dont il est question plus loin dans le premier
numéro de GLOU-GLOU) iraient très bien aussi…Faites pocher vos fruits quelques secondes pour les peler.
Eventuellement, partagez-les en deux et dénoyautez-les, mais si vous pouvez les servir entières, gardez le noyau. C’est
toujours meilleur.Faites bouillir le vin dans une grande casserole (ou mieux un sautoir) et flambez. Ajoutez un peu de
sucre (deux ou trois cuillers à soupe, pas plus) et les graines d’une bonne cuillerée bombée de gousses de cardamome
blanche (elle vient de l’Inde et dégage un parfum plus puissant que la verte) .Faites pocher les fruits dans ce sirop léger
(pour le temps que prendra l’opération, tout dépend des fruits, de leur degré de maturité… et de votre goût : plante
aiguille ou la pointe d’une lame, pour juger). Quand ils vous paraissent cuits, retirez-les et faites réduite le sirop de
moitié. Versez bouillant sur les fruits et laissez refroidir. Je sers ces pêches avec des petits sablés au safran et à la
cardamome.Les épices ont beaucoup fait rêver. Elles ont fait voyager, découvrir des mondes nouveaux. Aujourd’hui â€
France du moins — elles laissent très souvent le consommateur perplexe : une trop longue tradition de cuisine sans
épices (ou en tous cas bien peu, hormis le clou de girofle planté dans l’oignon du bouillon de pot-au-feu et un peu de
quatre-épices par-ci par-là , il est vrai que la “grande cuisine de tradition― négligeait totalement ces ingrédients) nous
fait presque tout oublier de leur usage… Ce n’est donc pas l’un des moindres mérites de la “nouvelle― cuisine q
avoir ouvert un peu les papilles aux saveurs du monde. On se souvient de l’aujourd’hui fameux “homard à la vanille
Senderens.Bizarrement, les cuisines régionales, elles, avaient gardé certaines associations venues d’autrefois : c’es
“sauce au loup― de Margaridou, remise au goût du jour sous forme de “poudre au loup― par Régis Marcon (voir M
n°1), mais c’est aussi le pâté aux poires et au poivre du Bourbonnais et de l’Auvergne. Ce sont les pains d’ép
pâtisseries du Nord ou d’Alsace, le safran dans le Midi ou le Quercy, et c’est un des éléments qui a mis mon cultiva
de safran du Lot sur sa piste, le “moustayrol―, sorte de poule au pot au safran, dont le bouillon était traditionnellement se
lors des repas de neuvaine suivant les funérailles. Ou encore la cannelle du kigg-a-farz breton, sorte de pot-au-feu dans
lequel cuit un “farz―, un peu comme les miques du Quercy (on sait d’ailleurs les liens entre Rocamadour et la Bretagne
Camaret s’enorgueillit d’un sanctuaire à Notre-Dame de Rocamadour). Mais lui est à base de farine de sarrasin, de lai
d’œuf, et nettement aromatisé avec cette épice… C’est évidemment plutôt tendance hiver, mais l’été s
peut-être pas inutile :Faites fondre, comme l’on disait autrefois, “gros comme un œuf― de beurre salé dans un demi
lait chaud. Ajoutez-y une cuiller à soupe de sucre en poudre, un peu moins de cannelle en poudre, une grosse poignée
de raisins de Corinthe que vous aurez fait tremper quelque temps auparavant, une bonne pincée de sel. Dans une jatte
mettez trois cents grammes de farine de blé noir et un œuf entier et délayez le tout avec le lait en tournant bien pour éviter
les grumeaux. Dans une passoire, disposez un torchon propre et versez-y la pâte à farz. Rassemblez les coins, serrez
fortement et ficelez. Roulez la boule sur la table pour bien homogénéiser la pâte. Les Bretons ont un sac spécial pour
préparer ce plat. Plongez le farz dans un pot au feu de bœuf et de porc salé (moitié-moitié) dont le bouillon est juste
frémissant et laissez cuire deux bonnes heures. Quand tout est cuit, sortez le farz du sac. On peut l’émietter (cela se dit
en franco-breton “bruginé―) ou le couper en tranches. De toutes façons cela s’assaisonne d’un beau morcea
salé frais (pour être tout à fait couleur locale, il devrait plutôt être noir!!!). Servez avec la viande et les légumes du pot-aufeu, le bouillon à part.On voit bien, en tous cas, à l’énoncé de ces différentes façons d’utiliser les épices quâ€
laissait volontiers cuire, alors qu’aujourd’hui on les saupoudre plutôt au dernier moment, voire dans l’assiette mêm
évite ainsi de les rendre amers ou de leur faire perdre une partie de leur parfum (c’est particulièrement vrai pour le poivre
ou le safran) pour privilégier puissance et fraîcheur aromatique.Comment s’y retrouver dans cet univers immense? Je
sens qu’il faudra tout un feuilleton. Sans doute sera t-il celui de l’été?     Â
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Généré: 16 February, 2017, 15:17