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La consommation d'alcool des jeunes 08/2015 Sur la base de certaines études, force est de constater que s'il y a une baisse de la consommation globale d'alcool chez les jeunes, on constate l'augmentation de la "consommation importante durant une même occasion" (appelée parfois « binge drinking »). L'influence des parents s'avère importante et le contrôle parental intervient avec succès dans la prévention des consommations à risque. Le rôle des pairs reste toutefois essentiel dans les trajectoires de consommation des jeunes. Synthèse rédigée par Anne Duwelz et relue par Marie Choquet Centre de documentation Fondation pour la recherche en alcoologie, 19 avenue Trudaine, 75009 Paris Description de la consommation d’alcool chez les jeunes Quand on parle de consommation juvénile, il s’agit essentiellement de consommation excessive de fin de semaine. La consommation d’alcool des jeunes Français reste dans la moyenne européenne (la France est au 15e rang). La France est 9ème pour l'usage récent d'alcool et 12ème pour les API (Alcoolisation Ponctuelle Importante soit 5 verres ou plus en une même occasion) sur 33 pays européens (Hibell et al., 2012)1. Selon le Pr Kuntche E. et al., (2013)2, une ivresse précoce est un facteur à un comportement à risque, mais pas l’initiation précoce à l'alcool. On observe une diminution de la consommation globale d’alcool des jeunes mais une augmentation des ivresses occasionnelles (Amsellem-Mainguy, 2011)3. A l'adolescence, les comportements de consommation sont beaucoup moins fixés qu'à l'âge adulte. Si la consommation augmente sensiblement avec l’âge durant l’adolescence, les jeunes réduisent souvent leur consommation quand ils commencent à assumer leur rôle d’adulte (NIAA, 2006)4. L’âge moyen de la première consommation est de 13,3 ans pour les garçons et 13,5 ans pour les filles (Godeau et al., 2008)5. Selon les derniers résultats de l’enquête Ireb (Choquet et al., 2003)6, il y aurait un abaissement de l’âge moyen de la première consommation. L'âge de la première ivresse est de 15,2 ans (15,3 ans pour les filles et 15,1 ans pour les garçons (Inserm, 2014)7. Cet âge moyen d'initiation à l'ivresse reste stable depuis plus de 10 ans. Pour les trois quarts des pays de l’enquête ESPAD 2011 (jeunes de 15-16 ans dans 36 pays européens) (Hibell et al., 2012), moins de la moitié des étudiants ont déclaré avoir déjà consommé un verre d’alcool à l’âge de 13 ans ou plus jeune, le plus souvent de la bière (44 %), suivi par le vin (38 %). Le pays où il y a une plus grande proportion d’étudiants ayant déjà bu de l’alcool à l’âge de 13 ans ou moins est la Lettonie (79 %), suivi par l’Estonie (76 %). A l’inverse, c’est dans les pays nordiques que ce chiffre est plus faible, par exemple en Islande (20 %) et en Norvège (29 %). Parmi la tranche d'âge 13-18 ans, selon l'enquête Inserm de 2015 (Jousselme et al., 2015)8, en 2013 en France, ils étaient 37,6 % à pratiquer une API dans le mois précédant l'enquête (avec 41,6 % de garçons et 33,8 % de filles). De plus, 14,8% connaissent des API répétées (au moins 3 fois au cours des 30 derniers jours), davantage de garçons que de filles (18,7 % de garçons et 11,2 % de filles), et ce quel que soit l'âge. Pour les API régulières (au moins 10 fois au cours des 30 derniers jours), 2,9 % des jeunes sont concernés, et les garçons sont toujours les plus nombreux (4,5 % vs 1,4 %), et ce quel que soit l'âge. D'après les premiers résultats de l’étude ESCAPAD 2014 (Enquête sur la santé et les consommations lors de l’appel de préparation à la défense) (Stanislas et al., 2015)9, à 17 ans l’usage régulier (au moins 10 usages dans les 30 derniers jours) progresse de 10,5 à 12,3 % pour retrouver le niveau de 2005. L’expérimentation continue de baisser comme la consommation mensuelle. Les ivresses ont baissé aussi bien chez les filles que chez les garçons ainsi que les API qui régressent sensiblement entre 2011 et 2014. Désormais, les comportements d’API sont partagés par moins de la moitié des adolescents à 17 ans (48,8 % contre 53,2 % en 2011). Pour les jeunes de 18-25 ans, d'après les premiers résultats du Baromètre santé 2014 (Richard et al., 2015)10, la proportion ayant connu une ivresse dans l'année est passée de 33 % à 46 % de 2005 à 2014, et la part ayant connu au moins trois ivresses a presque doublé en passant de 15 % à 29 % de 2005 à 2014. Pour les jeunes français de 11, 13 et 15 ans (Godeau et al., 2012)11, le champagne est consommé par 35,2 % des élèves de sixième et 45,2 % des élèves de cinquième. Les autres alcools Fondation pour la recherche en alcoologie – synthèse « Alcool et jeunes » - 08/2015 apparaissent nettement moins consommés par les plus jeunes. C’est à partir de la quatrième que la consommation de bière, de spiritueux ou de premix augmente fortement. Ainsi le champagne et le cidre restent les deux types de boissons le plus consommées tout au long du collège. Les jeunes européens de 15-16 ans, d’après ESPAD 2011 (Hibell et al., 2012), montrent une nette préférence pour la bière, suivie par le vin et les spiritueux. Durant l’adolescence, bière et spiritueux augmentent progressivement chez les garçons pour devenir les boissons les plus consommées à l’âge de 18 ans. Chez les filles, seule la consommation de spiritueux augmente pour devenir la première boisson consommée à 18 ans. Le vin est la troisième boisson la plus consommée à 18 ans (Siegel et al., 2011)12. En France, le champagne est la boisson occasionnelle par excellence (Hibell et al., 2009)13. La plupart des adolescents boivent pour des raisons sociales (motifs positifs externes - boire pour obtenir des faveurs sociales) ; ceci se retrouve dans la plupart des pays européens (Kuntsche E et al., 2014)14. Un lien existe entre motifs sociaux et fréquence de consommation d'alcool, pour des raisons de mise en valeur (motifs positifs internes - boire pour augmenter le bien-être ou l’humeur) dans le sens festif du terme (jouir pleinement de la situation) (Kuntsche et al., 2005)15. D’après le Baromètre santé 2005, les jeunes français de 20-25 ans boivent le plus souvent le samedi, jour où le nombre moyen de verres d’alcool consommés est de 4,5 verres (question non posée dans le Baromètre santé 2010). Une étude américaine qui analyse la dernière occasion de boire montre que la majorité des 12-20 ans (53 %) ont bu au domicile d’un ami et que 30 % d’entre eux ont bu chez eux (SAMSHA, 2008)16, confirmant ainsi qu’il existe deux environnements majeurs de consommation pour les adolescents : la famille et les amis (Bremner et al., 2011)17. Reste que, selon l’enquête ESPAD 2007, d’importantes différences existent entre les pays. Ainsi, les Français sont moins enclins à boire dans les bars, pubs ou discothèques (8 %) que les Autrichiens (36 %), Tchèques (35 %), Italiens (36 %), Portugais (31 %) ou Grecs (26 %). Ils sont aussi moins enclins (9 %) à boire dans la rue (parc ou plage) que les Russes (33 %), Polonais (30 %) ou Finlandais (25 %) (Hibell et al., 2009). Les jeunes élèves français de 15 ans ne se trouvent pas parmi ceux qui boivent le plus de manière hebdomadaire (24e/38) (Godeau et al., 2012). Ce sont les Grecs et les Tchèques qui sont en tête du classement, avec près de 4 élèves sur 10 qui sont concernés. En 2011, la France occupe une position médiane en Europe pour les alcoolisations ponctuelles importantes à 16 ans et se situe au-dessus de la moyenne pour la consommation régulière d'alcool (Inserm, 2014). En comparaison internationale, aux USA, l'évolution de la consommation d'alcool chez les jeunes est différente. D'après The Monitoring the Future (Miech et al., 2015)18, la consommation journalière a diminué de moitié de 1980 à 1992, avec des pics en 1979 à 6,9 % et 3,4 % en 1992. En 2014, la consommation d'alcool rapportée a atteint le niveau le plus bas depuis le début des enquêtes "Monitoring the future" en 1975. L'alcoolisation a diminué depuis les année 90. En 2014, la consommation d'alcool dans l'année a été respectivement de 20,8 %, 44 %, et 60,2 % chez les 8th (niveau quatrième en France), 10th (seconde) et 12th (terminale). De plus, le niveau des jeunes qui ont été "ivres" a atteint son niveau le plus bas depuis 1991. Pour le « binge drinking » (consommation de 5 verres ou plus en une ou plusieurs occasions dans les deux semaines précédentes) l'évolution est à la baisse aussi. Le pourcentage des 8th est de 4,1 %, 12,6 % pour les 10th et 19,4 % pour les 12th en 2014. Diminution aussi pour les consommations de type « extreme binge drinking » (consommation de 10 ou 15 consommations ou plus en une ou plusieurs occasions dans les deux semaines précédentes). D'après cette étude, globalement tous les indicateurs de consommation d'alcool ont diminué aux USA. Fondation pour la recherche en alcoologie – synthèse « Alcool et jeunes » - 08/2015 Des facteurs qui influent la consommation Les parents L'influence des parents est particulièrement importante lors de la phase d'initiation et en France, les adolescents ont leur premier contact avec l'alcool très jeunes et généralement en famille (Freyssinet-Dominjon et Wagner, 2004)19. L'environnement familial est aussi un facteur prédictif important de la consommation d'alcool des jeunes. Une autorité expliquée à l'adolescent serait le meilleur moyen de prévenir des modes de consommation excessifs ou des comportements dangereux ultérieurs (Moore G.F. et al., 2010)20. Clark et al. (2005)21 mettent en évidence les problèmes que rencontrent les adolescents qui ne bénéficient pas de contrôle parental. En effet, ils démontrent que les adolescents sans contrôle parental ont une probabilité plus grande de boire à toutes les occasions et développent plus facilement des problèmes liés à l'alcool. Parmi les adolescents sans problèmes liés à l'alcool au début de l'étude, ceux qui n'ont pas de contrôle parental ont une probabilité plus élevée d'en développer lors de la première année de suivi. Plusieurs études montrent également qu'un parent ayant une attitude permissive peut directement influencer les processus de contrôle et indirectement influencer la consommation et l'abus d'alcool de son enfant (Patock-Peckham et Morgan-Lopez, 200622 ; Patock-Peckham et al., 201123 ; Piko et al., 2012 )24. De plus, mettant encore en avant le rôle du contrôle parental, une étude de Susanne E. Tanski et al. (2010)25 sur des préadolescents, montre que 2,9 % des enfants qui déclaraient que leurs parents leur interdisaient de regarder les films « R » ( pour "Restricted", c’est-à-dire interdits aux moins de 17 ans non accompagnés) se sont initiés à l’alcool treize mois après le début de l’étude, contre 12,5 % de ceux qui regardaient de temps en temps ce type de films, 18,8 % parfois et 24,4 % tout le temps. En France, il existe une relation inverse entre le contrôle parental et la consommation de tabac, d'alcool et de cannabis chez les adolescents (Choquet et al., 2008)26. Les adolescents ayant des parents de style "autoritaire" sont moins susceptibles de boire beaucoup, comparés aux adolescents ayant des parents de style parental "indulgent" (Hoffmann J.P. et al., 2014)27. L'impact du contrôle parental est plus grand chez les filles que chez les garçons. La communication parents-enfant est également importante comme le montre l’étude de Spijkerman et al. (2008)28. Les résultats de cette étude suggèrent que certaines pratiques parentales liées à l'alcool semblent être plus efficaces dans la prévention de la consommation d'alcool, du « binge drinking » et des problèmes liés à l'alcool des adolescents. Imposer des règles liées à l'alcool et avoir des conversations constructives à propos de l'alcool peuvent contribuer à la prévention des modes de consommation excessifs (Napper L.E. et al, 2014)29. De plus, la consommation parentale et la disponibilité de l'alcool semblent être en lien avec le risque de développer des modes de consommation excessifs et des problèmes liés à la consommation d'alcool parmi les plus jeunes (Abar, 2012)30. Pour J.P. Assailly (Assailly, 2015)31 les parents jouent un rôle majeur, même lorsque les enfants atteignent les âges 15-25 ans. Par la supervision de la sélection des pairs par exemple, l'effet du groupe est également sous l'influence de l'environnement familial. Le comportement de la mère vis-à-vis de ses enfants joue un rôle plus important. Selon Cleveland et al. (2014)32, les jeunes hommes adultes qui avaient vu leur mère se saouler étaient eux-mêmes plus susceptibles d'avoir une consommation à risque. Chez les jeunes filles adultes, la similitude de l'ivresse entre mères et filles a été plus forte parmi celles qui résidaient dans le foyer familial et qui recevaient peu d'amour maternel. Fondation pour la recherche en alcoologie – synthèse « Alcool et jeunes » - 08/2015 Les amis Les amis ou les pairs jouent un rôle dans la consommation des jeunes. Ainsi, la présence d’amis ou de pairs, les sécuriseraient et les encourageraient à adopter des modes de consommation risqués pour leur santé (Freyssinet-Dominjon et Wagner, 2004). Bot et al. 200533 et Teunissen et al. 201234 rendent compte de l'importance des modes de consommation des meilleurs amis sur le mode de consommation des jeunes âgés de 12 à 14 ans. Mais cette relation est bien plus complexe qu’il n’y paraît et le jeune n’est pas seulement « victime » de la consommation des pairs. Ainsi, une étude américaine sur trois ans (Bray et al., 2003)35 montre que les niveaux initiaux d'alcoolisation des pairs sont liés aux changements dans l'alcoolisation des adolescents et que l'alcoolisation initiale des adolescents est également liée aux changements dans l'alcoolisation des pairs. La relation serait donc bidirectionnelle et les résultats sont similaires selon les groupes ethniques. Une autre étude américaine (Musher-Eizenman et al., 2003)36 sur 213 adolescents de 12-15 ans et 219 de 18-22 ans confirme que, pour chaque sexe, chaque groupe d'âge et chaque substance (alcool, tabac et marijuana), l'usage de substances des pairs est fortement lié au propre usage de l'adolescent. Les mécanismes de cette relation sont multiples. Wood et al. (2004)37 mettent en évidence que les influences actives (offre d'alcool) et passives (perception des normes, modèle social) des pairs sont uniquement associées à la consommation excessive ponctuelle et à des conséquences négatives liées à l'alcool. Les influences parentales tendent à modérer cette influence des pairs. Les très jeunes adolescents (10-12 ans) sont plus facilement influençables par la consommation des pairs (Kelly et al., 2012)38. La consommation d’un seul pair peut déjà influencer la consommation du jeune adolescent. Parmi l'une des motivations de consommation d'alcool figure la popularité. En effet, Ali et al. (2014)39 suggèrent qu'une consommation d'alcool affichée sur les réseaux sociaux augmente la popularité des adolescents, avec un effet plus marqué sur la population blanche. Les normes Les normes de consommation sont différentes selon l'environnement. Ainsi, les filles ont-elles tendance à boire de la même manière en famille et entre amis alors que les garçons auront tendance à pratiquer des modes de consommation plus excessifs entre amis qu'en famille (Freyssinet-Dominjon et Wagner, 2004). La perception des normes de consommation par les jeunes est souvent erronée et entraîne une plus grande consommation individuelle. L'hypothèse la plus avancée reste la dissonance cognitive, à savoir garder les comportements et les croyances qui sont conformes à son propre comportement. La propre consommation d'un adolescent est en corrélation avec ses perceptions liées à son groupe d'amis le plus proche (Kypri et Langley, 2003)40. La culture L'origine culturelle est un facteur important et l'enquête HBSC (Godeau et al., 2008) a distingué quatre grandes régions d’Europe selon les cultures : pays méditerranéens, pays nordiques, Europe de l'Est et Europe de l'Ouest. La religion joue un rôle également dans le comportement de consommation. Si les pays catholiques et orthodoxes retrouvent des symboles religieux dans le vin, les jeunes musulmans ne transgressent pas facilement l'interdit de l'alcool prôné par leur religion (Coslin, 2003)41. Fondation pour la recherche en alcoologie – synthèse « Alcool et jeunes » - 08/2015 Il existerait aussi une relation entre le niveau d’éducation et les problèmes de consommation. En effet d’après Latvala et al. (2011)42, un faible niveau d’éducation serait lié à des problèmes de consommation chez les jeunes adultes. Ce niveau d’éducation atténue l’importance de la génétique et de l’environnement sur les problèmes de consommation d’alcool. D’après l’enquête HBSC 2010 effectuée parmi les collégiens, la consommation d’alcool et les ivresses sont plus fréquentes chez les jeunes en difficulté scolaire (Godeau et al., 2012). Cependant, cette consommation est moindre parmi les jeunes scolarisés dans les établissements en ZEP. L’hypothèse culturelle est mise en avant pour expliquer cette différence. De plus, contrairement à ce qui avait été observé dans l’enquête HBSC 2006, l’usage d’alcool n’est pas plus répandu dans les milieux aisés pour les élèves de 15 ans. Il existe cependant un gradient social des parents. Si celui-ci est élevé, leur adolescent est plus souvent expérimentateur et buveur d'alcool. A l'inverse les adolescents avec des parents faisant partie de la partie basse du gradient social sont plus souvent « binge drinkers » (Legleye S. et al., 2013)43. Côté sport, il semblerait qu'une activité sportive diminue la consommation des drogues illicites (Kwan M. et al., 2014)44. En revanche, elle est positivement liée à une consommation d'alcool. Conséquences sanitaires Le « binge drinking » (défini comme une consommation de plus de cinq verres en deux heures chez l’homme et comme une consommation de plus de quatre verres en deux heures chez la femme) peut augmenter la toxicité de l’alcool. En effet, ce mode de consommation entraîne une augmentation de la perméabilité de l’intestin qui permet le passage des toxines du tube digestif vers le foie par la veine porte. Ce phénomène sensibilise les cellules responsables de l’inflammation hépatique (cellules Kupfer), ce qui entraîne la fibrose. Mais même à des doses modérées d’alcool pendant l’adolescence, des altérations se produisent au niveau de la dopamine dans le noyau accumbens pendant l’adolescence et le début de l’âge adulte (Maldonado-Devincci A.M. et al., 2010)45. Ces données indiquent que le cerveau de l’adolescent est sensible à l’impact d’une exposition à un stade précoce d’alcool, durant la période critique du développement. Les auteurs Petit G. et al. (2014)46 montrent aussi les effets délétères du "binge drinking" grâce à la neuroimagerie médicale. Une étude américaine (Oesterle et al., 2004)47 indique qu'une consommation excessive épisodique à l'adolescence a des conséquences sanitaires à long terme (Hayes et al., 2013)48. De plus, des modes de consommation excessive épisodique distincts ont des conséquences différentes. S'engager tardivement dans ce type de consommation au lycée a certaines conséquences à l'âge de 24 ans mais une consommation excessive épisodique chronique durant l'adolescence est particulièrement nuisible à la santé des jeunes adultes et aux comportements liés à la santé. Il a été démontré dans une étude américaine, menée sur des cerveaux adolescents de singes macaques, l’effet délétère durable du « binge drinking » sur la neurogénése hippocampique au stade adolescent. En effet, les chercheurs (Taffe M. et al., 2010)49 ont mis en évidence chez des singes en hyperalcoolisation, une diminution significative de la croissance cellulaire dans une zone spécifique de l’hippocampe (zone sous-granulaire du gyrus), et une réduction des neurones immatures par rapport au groupe témoin. Les altérations de la neurogenèse par l’alcool pourraient précéder la neurodégénérescence et les atteintes hippocampiques associées à l’alcoolisme de l’âge adulte. L’alcool interviendrait au niveau de la division et de la migration des progéniteurs préneuronaux hippocampiques. Fondation pour la recherche en alcoologie – synthèse « Alcool et jeunes » - 08/2015 Chez l’Homme, Prada et al. (2011)50 montrent les effets du « binge drinking » chez les adolescents sur la mémoire et l’apprentissage. D’après Squeglia et al. (2011)51, le cerveau des filles serait plus atteint par les « beuveries » que celui des garçons car le développement cérébral féminin possède un ou deux ans d’avance sur celui des garçons. Autre facteur, les différences hormonales entre les deux sexes avec, chez la femme, un métabolisme plus lent ainsi qu’un indice de masse graisseuse supérieur et un poids en moyenne inférieur. Cette étude montre aussi que chez les jeunes, les risques pour les fonctions cognitives du cerveau perdurent longtemps après les consommations excessives. Comment intervenir ? Les interventions individuelles Les interventions brèves visant à la réduction de la consommation d’alcool chez les jeunes sont aujourd’hui recommandées par les autorités sanitaires. Selon une étude de Mallett K.A. et al. (2010)52, les résultats suggèrent que la combinaison d’une intervention brève des parents et d’un entretien motivationnel délivré par l’un de leur pair est une bonne méthode pour réduire la consommation d’alcool et les conséquences chez les individus qui ont été initiés tôt à l’adolescence. De plus, dans une autre étude de Schwinn T.M. et al. (2010)53 portée sur l’intervention, il est démontré que six ans après l’intervention initiale, les jeunes qui ont reçu les connaissances et le programme de prévention ont réduit leur consommation d’alcool et diminué leurs comportements à risque. Deappen J.B. et al. (2010)54 montrent qu’une intervention brève basée sur un entretien motivationnel (BMI : Brief Motivational Intervention) de 20 minutes avec des jeunes militaires entraînait une baisse de 20 % de leur consommation d’alcool. L’intervention brève motivationnelle réduit la consommation des grands buveurs, particulièrement parmi ceux qui ont expérimenté les conséquences négatives de l’alcool. Aucun effet préventif n’est détecté chez des non buveurs après cette intervention. Le bref entretien motivationnel est une option préventive convaincante chez les jeunes grands consommateurs (Kypri et al., 2010)55 ainsi qu'une intervention brève (Doumas D.M. et al., 2014)56. Selon une étude québécoise, il faudrait faire valoir auprès des jeunes que le fait de limiter sa consommation d’alcool permet d’éviter la déprime (Institut National de Santé Publique du Québec, 2011)57 ; elle recommande aussi un soutien psychosocial et une intervention clinique. Les politiques publiques Plusieurs politiques pour la prévention de l’abus d’alcool des jeunes essayent de se mettre en place. Comme par exemple l’interdiction de vente d’alcool aux jeunes de moins de 18 ans décidée en France en 2010. Certaines études montrent que la stratégie de l’augmentation du prix de l’alcool diminuerait la consommation d’alcool des jeunes (Purshouse R.C. et al., 2010)58 avec une sensibilité moins forte chez les femmes (Skidmore et Murphy 2011)59. Une autre étude (Adams M. et al., 2010)60 a étudié différents scénarios de taxation de l’alcool dans la prévention du « binge drinking » en Allemagne. Il apparaît que l’augmentation de la taxe diminuerait la consommation d’alcool des jeunes. Ainsi, la taxation pourrait servir de prévention dans la consommation d’alcool des jeunes (Le Garjean et al., 2011)61. D’après une méta-analyse d’une douzaine d’études, la méthode de l’augmentation des taxes/prix serait une des mesures les plus efficaces pour réduire les dommages causés par l’alcool dans les pays en développement et en voie de développement (Patra et al., 2012)62. Toutefois, certaines études soulignent qu’une hausse des taxes ne touche que les petits ou moyens buveurs alors que les 5 % des plus gros buveurs seraient « unresponsive to Fondation pour la recherche en alcoologie – synthèse « Alcool et jeunes » - 08/2015 price » (Manning et al., 1995 ; Kenkel 1996). Une méta-étude conclut que les adolescents sont moins sensibles au prix et qu’il faut donc plutôt envisager pour eux des campagnes d’éducation (The demand for alcohol, a meta-analysis of elasticities – Craig Gallet - 2007). Enfin, à l’inverse, plusieurs études conduites après la baisse de la fiscalité dans les pays nordiques montrent que celle-ci n’a pas été accompagnée par une hausse de la consommation (plutôt une baisse ou une stagnation selon les régions) ni par une hausse des problèmes liés à l’alcool (Changes in Alcohol-Related Problems After Alcohol Policy Changes in Denmark, Finland, and Sweden - Kim Bloomfield, DR.P.H., Matthias Wicki, CAND. LIC. PHIL., Nina-Katri Gustafsson, B.A. Pia Mäkelä, Ph.D. and Robin Room, Ph.D (2010). - Changes in alcohol consumption in Denmark after the tax reduction on spirits - Ulrike Grittner, Nina-Katri Gustafsson,and Kim Bloomfield (2009). Conclusion La consommation globale d’alcool des jeunes en France diminue alors que les ivresses occasionnelles augmentent. Leur niveau de consommation reste dans la moyenne européenne (la France est au 15e rang, d'après l'enquête ESPAD 2011). L’entourage proche, que sont la famille et les amis, joue un rôle prédominant dans l’initiation et la chronicisation de la consommation juvénile. Les influences positives des parents (contrôle parental, communication parents/enfants) tendent à modérer les influences négatives des amis (offre d’alcool, normes du groupe). L’effet délétère durable du « binge drinking » des adolescents a été largement démontré. Mais même à des doses modérées, l’alcool peut produire des altérations au niveau du cerveau des plus jeunes. L’intervention brève visant à la réduction de la consommation d’alcool chez les jeunes est aujourd’hui recommandée par les autorités sanitaires, son efficacité augmente en combinaison d’une intervention brève des parents. En matière de politiques publiques, l’augmentation des taxes apparaît dans certaines études comme une mesure efficace pour faire diminuer la consommation d’alcool des jeunes. Références bibliographiques Hibell B., Guttormsson U., Ahlström S., Balakireva O., Bjarnason T., Kokkevi A., Kraus L. The 2011 ESPAD Report. Substance Use Among Students in 36 European Countries. CAN 2012, 390 p. 1 Kuntche E., Rossow I., Simons-Morton B., Bogt T.T., Kokkevi A., Godeau E. Not early drinking but early drunkenness is a risk factor for problem behaviors among adolescents from 38 European and north American countries. Alcoholism: Clinical and Experimental Research 2013, vol.37, n°2, p. 308-314. 2 Amsellem-Mainguy Y. 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