Gynécologues-obstétriciens et sages-femmes dans le suivi
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Gynécologues-obstétriciens et sages-femmes dans le suivi
Gynécologues-obstétriciens et sages-femmes dans le suivi de la grossesse, une complémentarité sous contrôle médical? Solène Gouilhers Hertig et Samuele Cavalli Département de sociologie 1 Journée scientifique de l’HESAV– Lausanne – 6 novembre 2012 Méthodologie Risques et information dans le suivi de la grossesse Etude financée par le FNS, articulant un volet juridique et un volet sociologique (dirigé par Claudine Burton-Jeangros, avec Raphaël Hammer, Samuele Cavalli et Solène Gouilhers Hertig) Pour la partie sociologique: entretiens semi-directifs avec des femmes enceintes et des professionnels – 26 gynécologues-obstétriciens (18 en libéral, 7 à l’hôpital) – 15 sages-femmes (8 en libéral, 7 à l’hôpital) De mars à septembre 2009 dans une grande ville de Suisse romande 2 Journée scientifique de l’HESAV– Lausanne – 6 novembre 2012 Contexte Types de suivi de la grossesse : – Avec un gynécologue-obstétricien (GO) ou une sage-femme (SF) – En milieu hospitalier ou en privé – Pris en charge par l’assurance maladie Division du travail articulée autour de la physiologie et de la pathologie – Règlement (cantonal) sur les professions de santé: Art.77 Les sages-femmes ont le droit de pratiquer les contrôles de grossesses physiologiques(…) de prescrire les analyses et examens para cliniques nécessaires à la surveillance de la grossesse normale. Art. 78 Toute anomalie de la grossesse(…) oblige les sages-femmes à faire immédiatement appel à un médecin. Héritage historique et conceptions de la grossesse: a priori à risque ou physiologique ? (Desaulniers 2003), (Vuille 2000), (Jacques 2007), (Gouilhers 2010). 3 Journée scientifique de l’HESAV– Lausanne – 6 novembre 2012 Questions de recherche Relations entre professionnels autour du suivi de la grossesse – Comment les professionnels décrivent-ils leurs interactions? – Comment perçoivent-ils le rôle de chacun? – Comment le contexte de travail influence-t-il les formes d'interactions professionnelles? Plan – – – Contexte hospitalier: spécificité de la collaboration institutionnelle Contexte privé: des tensions cristallisées autour de la division du travail Les représentations du « bon professionnel » 4 Journée scientifique de l’HESAV– Lausanne – 6 novembre 2012 A l’hôpital : une collaboration quotidienne (1) Division du travail et collaboration institutionnalisés chacun à son rôle. Anna, SF hosp. on suit les mêmes protocoles. C’est tout le temps un travail en commun, on discute pas mal. Chloé, SF hosp. Travail d’équipe et complémentarité Valorisation des compétences de sage-femme, «ressource d’informations» (Anna, Sf hosp.) du fait qu’on fait les palpations, qu’on écoute le cœur du bébé, etc... on a un contact un peu plus privilégié avec les femmes par rapport au médecin. Sara, SF hosp. Regards croisés et partage de la responsabilité on a un système qui est bien fait sachant que le dossier on n’est pas tout seul à le traiter. S’il y a le moindre signe d’incohérence ou des choses qui ne sont pas claires, on renvoie vers la sage-femme ou vers l’interne qui a vu la femme, pour soit rappeler la patiente, soit répondre aux questions qui ne sont pas claires. Chloé, SF hosp. Sentiment de reconnaissance des sages-femmes on n’est pas en dessous, on est côte à côte. Yvette, SF hosp. 5 Journée scientifique de l’HESAV– Lausanne – 6 novembre 2012 A l’hôpital : une collaboration quotidienne (2) Interconnaissance confiance il y a toujours eu un antagonisme SF-médecins, il faut pas le cacher, nos SF on travaille en équipe, elles nous connaissent, il y a une confiance. Dans notre équipe on est sûrs de la prise en charge. Pablo, GO clinique en général une fois qu’ils vous connaissent bien, qu’ils ont l’habitude de travailler avec vous, ils tiennent compte de votre avis. Maya, SF hosp. …. Mais il faut faire ses preuves, gagner la confiance Travail de légitimation nécessaire 6 Journée scientifique de l’HESAV– Lausanne – 6 novembre 2012 A l’hôpital : une collaboration quotidienne sous contrôle médical ? Surveillance médicale et sentiment de dévalorisation on fait tout le contrôle obstétrical… et quand le médecin arrive on lui fait le feedback (…) y’en a qui vont simplement lire ce qu’on a écrit, mais il y en a d’autres parfois qui vont reprendre tout ce qu’on a demandé, parce qu’ils veulent vérifier si effectivement on n’a pas oublié quelque chose (…) c’est un peu frustrant pour nous à ce moment là parce que c’est fait à double. Sara, SF hosp Des sages-femmes socialisées à la culture médicale on va jamais réussir à discuter avec un médecin si on lui parle de notre feeling, ou de notre impression. Oui, on a un feeling, une impression mais on a aussi des éléments. Des éléments médicaux, des faits, des choses qui peuvent venir soutenir ce qu’on dit. Yvette, SF hosp. Des formes d’inégalités dans la complémentarité 7 Journée scientifique de l’HESAV– Lausanne – 6 novembre 2012 En pratique privée : des formes de reconnaissance L’institutionnalisation des sages-femmes il y a eu une dissension et petit à petit grâce je pense à D [structure qui regroupe la majorité des SF ind.], les choses se sont améliorées. Fernanda, GO lib. Complémentarité des approches Confiance être suivie par une SF c’est moins une démédicalisation parce qu’elles ont une formation qui est faite sur le suivi de la grossesse physiologique donc c’est un autre suivi (…) j’y vois pas du tout une démédicalisation. Marie, GO lib. Une diversité des suivis qui profite aux femmes enceintes c’est pas d’un côté le monde des SF et de l’autre le monde des médecins, moi je dois en effet parler beaucoup de risques, la SF aura peut-être plus une vision sur la physiologie… c’est peut-être important pour une patiente d’avoir les deux [approches]. Carine, GO lib. 8 Journée scientifique de l’HESAV– Lausanne – 6 novembre 2012 En pratique privée : des tensions autour de la division du travail Concurrence autour de la physiologie Arguments économiques chacun défend un peu son beefsteak. Une sage-femme(…) elle est un peu perçue par certains médecins comme lui volant une partie de sa clientèle. Maude, SF lib. Identité professionnelle c’est juste magique de suivre une femme depuis que l’embryon fait 2 millimètres, jusqu’à ce qu’on le voie s’agiter sur le ventre de sa maman, c’est quelque chose qui est extraordinaire donc je veux pas y renoncer. Fernanda, GO lib. Délégation de la responsabilité certaines sages-femmes veulent suivre les grossesses en nous envoyant juste les choses à contrôler et finalement transférer les risques aux médecins(…) pour qu’elles n’aient pas la responsabilité d’interpréter ces examens qu’elles prescrivent. David, GO lib. tout se retourne dès qu’il y a la moindre complication, on est appelés et on n’a pas été là pour les dépister(…) et là on est censé arranger les pots cassés. Amanda, GO lib. Crainte des risques médicos-légaux9 ? Journée scientifique de l’HESAV– Lausanne – 6 novembre 2012 En pratique privée : des tensions autour de la division du travail Le « sale-boulot » Devoir faire des ordonnances et des arrêts de travail, c’est pas comme ça que je conçois une relation entre le médecin et la patiente, comme si on était des épiciers! Camille, GO lib. Ils se sentent très dépossédés. Ils supportent pas l’idée de pouvoir être appelés à jouer le bouche-trou (…) ce tourisme médical. Zoé, SF lib. Les hésitations du cadre légal la sage-femme est là pour suivre une grossesse physiologique. Alors une grossesse physiologique, la loi suisse nous dit qu'il n'y a pas d'arrêt de travail prévu. L'arrêt de travail est sur certificat médical, on considère ça comme une complication même si bien sûr il y a une certaine forme d'absurdité là-dedans puisque il y a pratiquement aucune femme qui va travailler à 100% jusqu'au jour du terme. Nadine, GO lib. 10 Journée scientifique de l’HESAV– Lausanne – 6 novembre 2012 En Pratique privée : une identité construite dans le conflit Une rivalité historique L’histoire a fait que les sages-femmes ont perdu…un certain pouvoir et une certaine indépendance aussi et sans vouloir critiquer elles s’en sont pas bien remises! Et ça a créé une rivalité. Fernanda, GO lib. On a appris à se battre pour se défendre, plus que dans d’autres métiers. Maude, SF lib. Des catégorisations stéréotypées Pour les sages-femmes c’est «les médecins, ils font des césariennes à tout le monde, ils veulent faire ça avant leurs vacances», c’est assez… une espèce d’animosité. Annick, GO lib. il y a un fossé entre nous. Nous on pense qu’ils hyper-médicalisent la grossesse, et eux au contraire pensent que nous on fait de la soussurveillance. Léa SF lib. Méconnaissance Ils ont peur aussi de ce qu’ils ne voient pas. Ils ne se sont jamais intéressés sur ce qu’on propose comme suivi, est-ce que vraiment on fait les examens nécessaires. Léa, SF lib. 11 Journée scientifique de l’HESAV– Lausanne – 6 novembre 2012 Une bonne sage-femme c’est… «une infirmière en obstétrique» ! Rôle de confort c’est bien que ce soit les médecins qui suivent les grossesses, pour faire les contrôles, pour faire le médical, puis que la sage-femme puisse plus voir le coté normal de la grossesse, parler des petits bobos un peu normaux. Annick, GO lib. Activité sous délégation médicale j’ai des patientes qui ont des problèmes de tension, des MAP, à ce moment là on collabore bien avec les sages-femmes qui vont voir les patientes à domicile mais elles se substituent pas à nôtre rôle, elles font leur rôle de sage-femme. Camille, GO lib. Exclusion du dépistage «si vous êtes suivie par la sage-femme c’est bien mais vous venez (…) [aux] moments importants d’examens de dépistage et de croissance du bébé», mais sinon la sage-femme ça me va bien. Jérôme, GO lib. Conscience de la frontière physiologie/pathologie une bonne sage-femme est capable de voir la normalité de la grossesse et de dire à un moment «là ce n’est plus une grossesse normale, je la transfère à un médecin», une sage-femme consciente de son métier, il n’y a aucun problème. Carine, GO lib. 12 Journée scientifique de l’HESAV– Lausanne – 6 novembre 2012 Un bon gynécologue-obstétricien c’est …. un expert de la pathologie Dénonciation de la médicalisation excessive et revendication de l’autonomie on a toujours besoin d’un médecin quand on a un souci, comme quand on a besoin d’un hôpital quand on est malade. Mais quand on n’est pas malade, pourquoi aller à l’hôpital? une grossesse n’est pas une maladie a priori, donc on peut tout à fait être suivie par une sage-femme. Léa SF lib. Besoin de reconnaissance Quand nous on voit qu’il y a des problèmes on doit lâcher et aller demander au médecin, ça serait une faute de notre part de ne pas l’appeler (…) le médecin dans l’autre sens, devrait nous laisser quand c’est tout normal, il devrait nous laisser notre place. Virginie, SF lib. L’expert comme ressource ma condition c’est qu’elles gardent leur gynécologue et qu’elles leur explique, je veux être suivie par une sage-femme mais je ne vous quitte pas. C’est parce que ma grossesse se passe bien, mais si ça ne se passe pas bien, je reviendrai vers vous. Je les invite vraiment à aller causer avec eux pour pas aller leur faire un bébé dans le dos. Stéphanie, SF lib. 13 Journée scientifique de l’HESAV– Lausanne – 6 novembre 2012 Conclusion (1) Une complémentarité sous contrôle médical Formes des relations interprofessionnelles fortement corrélées aux contextes de travail : • A l’hôpital: un équilibre dans la division du travail – – • Médecin: établit la frontière Sage-femme: reconnue pour le suivi physiologique + acceptation de la hiérarchie En privé: Une concurrence sur la physiologie – – Médecin: complémentarité si maintien du contrôle Sage-femme: complémentarité si reconnaissance de son rôle dans le suivi physiologique Rôle de la diversité de la demande sociale en matière de suivi physiologique 14 Journée scientifique de l’HESAV– Lausanne – 6 novembre 2012 Conclusion (2) Une complémentarité sous contrôle médical «on n’est quand même pas des ennemis» (Séverine, sage-femme indépendante) 15 Journée scientifique de l’HESAV– Lausanne – 6 novembre 2012