Chanet 2001 Budapest 7th IntPragmConf

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Chanet 2001 Budapest 7th IntPragmConf
Paru dans : Eniko NEMETH T. (ed.) (2001) : Cognition in language use : Selected
papers from the 7th International Pragmatics Conference, Vol.1, Antwerp :
International Pragmatics Association, pp.44-55.
« CONNECTEURS », « PARTICULES », ET REPRESENTATIONS
COGNITIVES DE LA PLANIFICATION DISCURSIVE
Catherine Chanet
1. Objectifs
L'objectif de cet article est d'examiner les connecteurs et/ou les particules, à partir
d'exemples limités à donc et alors, du point de vue de leur rôle dans la construction ou
la réorganisation des représentations cognitives créées par le discours. L'hypothèse de
départ est en effet que les connecteurs / particules, en opérant sur ces représentations
cognitives, constituent à la fois :
- des traces de l'organisation des représentations que le locuteur veut construire par son
discours (point de vue de l'«encodage», ou de la production),
- des indices à partir desquels l'allocutaire reconstruit ce qu'il suppose être ces
représentations (point de vue du «décodage», ou de l'interprétation),
étant entendu que tout participant à une interaction verbale peut occuper tour à tour les
rôles de locuteur et d'allocutaire.
Cette hypothèse sous-tend une démarche à plus long terme, qui se fixe essentiellement
deux objectifs :
1- rechercher d'éventuelles différences de fonctionnement entre ce que la littérature
francophone appelle «connecteurs» et ce qu'elle appelle «particules». Il s'avère en effet
que des mots tels que mais ou donc sont non seulement considérés comme des
connecteurs (argumentatifs et/ou pragmatiques), mais aussi comme des «particules
énonciatives» (Fernandez, 1994), alors que des mots comme quoi ou bon sont toujours
considérés comme des particules, mais jamais comme des connecteurs. Il y a là une
différence encore peu explicitée, que le cadre cognitif des représentations discursives
permettrait peut-être d'éclaircir.
2- mettre au jour "ce qu'il y a de commun" aux différents emplois d'une même forme
considérée comme connecteur et/ou particule. Les études de ces vingt dernières années
se sont en effet surtout attachées à mettre l'accent sur les différences d'emploi d'une
même forme, en recensant et en typologisant ces emplois. Ainsi Zenone (1981) avaitelle distingué cinq valeurs principales pour donc : donc de reprise, donc discursif, donc
argumentatif, donc métadiscursif, donc récapitulatif. Quinze ans plus tard, Hybertie
(1996) suit une démarche similaire en recensant également cinq catégories de donc :
donc de reprise/récapitulation, donc métadiscursif, donc de conséquence, donc
conclusif, donc marquant l'aboutissement d'un parcours inférentiel. Or, ces études, si
précieuses soient-elles, n'expliquent pas pourquoi c'est toujours la même forme qui fait
l'objet de tous ces emplois. Il est donc important de voir si cette unité ne se situerait pas
« Connecteurs », « particules », et représentations cognitives de la planification discursive
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au niveau d'un fonctionnement lié aux opérations effectuées sur les représentations
discursives.
Pour cela, il est nécessaire de préciser ce qui est entendu ici par le terme
"représentations discursives".
2. Un modèle des représentations discursives : la «schématisation» de Jean-Blaise
Grize
Je m'appuierai ici sur un modèle développé par Grize (1982, 1990, et 1996, entre
autres), où l'ensemble des représentations mentales créées par le discours est appelé
«schématisation1«. Ce modèle est en effet celui qui me semble le mieux s'accorder avec
les hypothèses suivantes :
1- le discours est une activité située, multimodale, à dominante verbale, pouvant
s'inscrire dans (et servir) une activité plus large;
2- le texte est le produit verbal de cette activité (oral ou écrit, dialogal ou monologal);
3- le discours a pour effet de modifier les représentations cognitives (mentales) de
chacun des interactants;
4- cette modification passe par un processus de construction de représentations
communes ou, plus exactement, par une tentative de construction de représentations
supposées communes.
L'intérêt du modèle de Grize est qu'il est le seul, à ma connaissance, à tenir compte des
représentations individuelles des interactants, et de leur rôle dans cette tentative de coconstruction de représentations mentales par le discours. Un atout majeur de la notion
de schématisation est en effet qu'elle ne considère pas les activités mentales des
interactants comme symétriques : selon Grize (1996 : 68-71), le locuteur (que je noterai
"L") construit une (proposition de) schématisation, en fonction de ce que Grize (1996 :
65 sqq) appelle ses «préconstruits culturels» (i.e. ses connaissances d'arrière-plan), de
ses propres représentations, et de ses propres finalités; l'allocutaire ("A") reconstruit
une schématisation, en fonction de paramètres similaires le concernant, et de la
proposition de schématisation qui lui est faite. Ainsi, occupant tour à tour les places de
locuteur et d'allocutaire, les interactants vont co-construire dynamiquement, par
l'activité discursive, ce que Grize appelle une «image» du monde ("Im (M)"), et des
«images» d'eux-mêmes ("Im(L)" et "Im(A)").
Dire que dans les processus de schématisation, les activités des interactants ne sont pas
symétriques, c'est à mon sens supposer que chacun des interactants élabore sa propre
représentation de ce qui se passe dans le discours. Ainsi, on peut raisonnablement faire
l'hypothèse (et c'est là un intérêt majeur du modèle de Grize) que L et A vont tenter, tout
au long du discours, d'ajuster ces représentations métadiscursives pour construire par le
discours une image de l'activité discursive même. Le modèle de Grize peut donc être
enrichi en posant que la schématisation comporte également une image de l'activité
discursive "Im(AD)".
Le schéma suivant, qui s'appuie sur celui de Grize (1996 : 68) pour le modifier, résume
ces processus de schématisation dans la communication verbale :
1
Comme le signale Grize (1996 : 69), le terme de schématisation, «comme toute nominalisation, renvoie
à la fois à un processus et à son résultat». Il désigne donc la construction des représentations, et les
représentations construites.
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Catherine Chanet
Place de l'Allocutaire
Place du Locuteur
Schématisation
A
L
Im(M)
construit
en fonction de :
Im(L) Im(A)
reconstruit
Im(AD)
en fonction de :
- Schématisation proposée par L
- Pré-Construits Culturels (L)
- Représentations (L)
- Finalités (L)
- Pré-Construits Culturels (A)
- Représentations (A)
- Finalités (A)
La disymétrie des opérations cognitives en jeu dans les processus de schématisation
laisse supposer, comme le signale Grize (1996 : 70), que «toute schématisation contient
des aides à la reconstruction», c'est-à-dire que le discours véhicule des traces des images
que L construit, traces qui peuvent être exploitées par A comme des indices pour
reconstruire la schématisation. Mon hypothèse, que je voudrais maintenant illustrer par
des exemples concernant donc et alors, est que les connecteurs et les particules font
partie de ces traces/indices, et constituent donc des opérateurs qui tendent à construire
une représentation cognitive commune pour modifier les représentations individuelles
des interactants.
3. Image du Monde et Image de l'Activité Discursive : le cas de donc et alors
3.1. Analyses "classiques"
3.1.1. L'exemple (1), emprunté à Zenone (1981), illustre une possible analyse
"classique" de donc :
(1)
B ne l'a pas lu, donc il ne peut rien dire. (< Zenone 1981 : 122)
Ici, donc peut être décrit comme marquant une conséquence logique : il serait peu ou
prou équivalent au "si…alors" (ou "conditionnel" noté ⊃) de la logique classique des
propositions ("si B ne l'a pas lu, alors il ne peut rien dire").
Une analyse de ce type d'emploi en lien avec les représentations discursives a été
proposée par Berrendonner (1983), qui considère donc comme une instruction de
recherche dans la schématisation d'une information qui puisse constituer l'antécédent p
dans une formule p ⊃ q. Appliqué concrètement à l'exemple (1), cela signifie que donc
indique que l'information portée par il ne peut rien dire est la conséquence logique d'une
autre information (à rechercher) figurant dans la schématisation, que l'on identifie sans
peine comme étant celle portée par B ne l'a pas lu.
Le point important à signaler ici est que le lien antécédent / conséquent est établi entre
deux états de choses, c'est-à-dire entre deux informations figurant dans l'Image du
« Connecteurs », « particules », et représentations cognitives de la planification discursive
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Monde Im(M) que construit le discours. C'est même à mon sens pour cela que ce lien
peut être interprété sur le plan sémantique comme un lien cause / conséquence : en (1),
c'est parce que "B ne l'a pas lu" (cause) qu'il ne peut rien dire (conséquence).
3.1.2. Le même type d'analyse peut être conduit sur alors à partir de l'exemple (2) :
(2)
[…] il faut pas en arriver là il faut pas aussi que les américains qui sont en cause
se disent nous arriverons à isoler la France au sein de la communauté et donc dans
le reste du monde alors on peut y aller on ne peut aboutir à un accord que s'il est
global et que s'il est équilibré […] (oral, Corpus Mitterrand, < P. Cappeau,
Poitiers, F)
A l'intérieur du discours (rapporté) que Mitterrand prête aux Américains, alors relie
deux informations : nous arriverons à isoler la France […] alors on peut y aller. Ce
type d'emploi est traditionnellement décrit (notamment par Hybertie 1996) comme
marquant une relation cause / conséquence. Alors véhiculerait l'instruction de considérer
que, à l'intérieur du monde construit par le discours rapporté, le fait de pouvoir "isoler la
France" est une cause pour le fait de "pouvoir y aller". Là encore, tout porte donc à
croire que ce lien opère au niveau de l'Image du Monde construite par le discours
(rapporté).
3.2. Critique de ces analyses
3.2.1. Les analyses précédentes ne s'appliquent cependant pas à d'autres emplois de
donc, comme celui présent en (3), cité en note dans Zenone (1981) :
(3)
Tiens, l'eau a gelé. La température a donc vraiment baissé cette nuit.
Ici, on peut difficilement soutenir que le fait que la température ait baissé soit signalé
comme une conséquence logique du fait que l'eau ait gelé. Nos connaissances sur le
monde, qui font partie de ce que Grize (1996) appelle nos «préconstruits culturels»,
nous interdisent en effet de considérer que L construit une image du monde où l'eau qui
gèle serait la cause de la température qui baisse. Au niveau de Im(M), c'est l'inverse qui
est construit par (3) : c'est bien parce que la température a baissé (cause) que l'eau a gelé
(conséquence). C'est donc l'information portée par l'eau a gelé qui constitue une
conséquence de celle portée par la température a baissé, et non l'inverse. Bref, si donc
signale une conséquence logique, cette relation de conséquence ne se situe pas entre
deux informations de Im(M)2.
Une autre analyse possible (et provisoire) de ce type d'emploi consiste à dire que donc
ne marque pas une relation de conséquence logique, mais signale que l'unité discursive
qui suit verbalise la conclusion d'un raisonnement de L, et invite donc à rechercher,
parmi les représentations discursives, des informations qui pourraient constituer les
prémisses et/ou la règle d'inférence de ce raisonnement. On rejoint ici, on le voit, deux
conceptions du rôle de donc :
- les conceptions de donc comme connecteur argumentatif, pour lesquelles donc
signalerait une conclusion argumentative et donnerait l'instruction de rechercher les
arguments dans ce qui a été dit,
- la conception de Hybertie (1996) de donc comme marquant l'aboutissement d'un
parcours inférentiel.
Il est alors possible de revenir sur l'exemple (1) pour lui appliquer la même analyse.
Rien n'interdit en effet de considérer qu'en (1), donc signale que il ne peut rien dire
2 Ceci incite à penser qu'une relation cause / conséquence est une relation qui (i) relie deux faits de
l'Image du Monde et (ii) est consistante avec nos représentations d'arrière-plan.
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Catherine Chanet
verbalise la conclusion d'une activité inférentielle de L, dont la règle reste implicite (ce
qui est un fait discursif banal), et dont une prémisse peut être identifiée au contenu de il
ne l'a pas lu. Ce qui est nouveau par rapport à une analyse plus "classique" de cet
exemple, c'est que le lien signalé ici par donc ne se situe pas seulement entre deux
informations présentes dans l'Image du Monde, mais aussi entre deux procédures de
verbalisation, c'est-à-dire entre deux actions ou opérations discursives de L, au niveau
de l'Image de l'Activité Discursive Im(AD) même3.
3.2.2. Là encore, on peut brièvement étendre ces réflexions à certains emplois de alors,
comme celui mis en gras en (4) :
(4)
monsieur le Président il y a une affaire vous le savez qui qui préoccupe je dirai
même qui bouleverse tous les Français c'est l'affaire du sang contaminé alors il y a
eu au fond une loi d'indemnisation un procès un jugement et les Français ont
l'impression d'abord de ne pas tout savoir deuxièmement que toute la justice n'a
pas été faite sur cette affaire alors les politiques sont-ils responsables et les
politiques doivent-ils être jugés (oral, Corpus Mitterrand, < P. Cappeau, Poitiers,
F)
Cet emploi ne peut être décrit comme marquant une relation cause / conséquence entre
deux faits du monde : L n'a pas l'intention de signifier que le fait que l'affaire bouleverse
tous les français soit une cause du fait que les politiques soient responsables ou pas. On
ne peut donc pas soutenir ici que alors relie deux informations de l'Image du Monde
construite par le discours.
Ce que alors signale ici, c'est plutôt que, étant donné que les français sont bouleversés
et ont l'impression de ne pas tout savoir, il est possible (voire légitime) de se poser la
question de la responsabilité des politiques. En d'autres termes, c'est ici la question
même qui est présentée comme une conséquence de faits appartenant à Im(M) : alors
signale que l'état de la schématisation, et particulièrement l'état de Im(M), permet, aux
yeux de L, la réalisation d'une certaine action/opération discursive signalée comme une
conséquence possible de cet état de Im(M).
L'exemple (2) devient alors susceptible d'une analyse similaire : à l'intérieur de la
schématisation secondaire construite par le discours que Mitterrand prête aux
américains, alors signale que le fait que les américains arriveront à isoler la France leur
permet, selon eux, d'affirmer qu'ils peuvent "y aller" (tout ceci, bien sûr, d'après
Mitterrand). Le lien signalé par alors se situe donc non seulement au niveau des faits du
monde construit par le discours rapporté (cf. 3.1.2) (d'où son interprétation possible en
termes de lien cause / conséquence), mais aussi entre un certain état de la
schématisation et une action/opération discursive rendue possible par cet état. Comme
ce sont des actions/opérations discursives antérieures qui ont créé cet état de la
schématisation, alors relie finalement des actions discursives, et opère aussi au niveau
de Im(AD).
3.3. Extension de l'analyse proposée et hypothèses sur donc et alors
3.3.1. Les extraits de corpus (5) et (6), que j'emprunte au mémoire de Maîtrise d'une
étudiante de l'Université de Provence4, invitent cependant à revoir les réflexions
précédentes :
3
De ce point de vue, la seule différence entre (1) et (3) réside dans le fait que nos préconstruits culturels
(et notamment nos connaissances sur le monde) nous permettent d'identifier le raisonnement du locuteur
comme déductif en (1) et comme abductif en (3).
4 Carretta, Caroline : Analyse linguistique des "donc" en français. Mémoire de Maîtrise Sciences du
Langage, Juin 2000, Université de Provence.
« Connecteurs », « particules », et représentations cognitives de la planification discursive
(5)
H
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euh pour votre sortie pique-nique vendredi 13 donc vendredi là
V
H
S
si si c'est celui-ci oui
il faut que vous ayez réfléchi à votre fil rouge pour la journée
ah le thème
(Corpus R1, < C. Carretta, Aix-en-Provence, F)
H
V
[début de la réunion]
alors euh donc la quatrième semaine donc la semaine qui vient on reste là
pas de pique-nique
(Corpus R2, < C. Carretta, Aix-en-Provence, F)
(6)
Les segments qui m'intéressent ici sont pour (5), vendredi 13 donc vendredi là, et pour
(6), la quatrième semaine donc la semaine qui vient. Dans les deux cas, le locuteur
change de système de référence après donc :
- en (5), il passe d'un système de référence absolue5 (vendredi 13) à un système de
référence déictique (vendredi là)
- en (6), il passe d'une référence relative ou textuelle (la quatrième semaine) à une
référence déictique (la semaine qui vient).
On peut s'interroger sur les raisons de ces changements. Certes, il est toujours possible
de soutenir que le SN à référence déictique verbalise dans les deux cas la conclusion
d'un raisonnement de L, qui consisterait à "calculer" l'expression d'un référent temporel
en fonction du moment de l'énonciation pris comme nouveau repère. Mais à quoi
servirait ce raisonnement et pourquoi est-il verbalisé ? Une réponse possible est que L
prête cette inférence aux autres participants de l'interaction, du moins l'estime
pertinente pour ses allocutaires. Compte tenu des objectifs du discours dont sont
extraits (5) et (6) (il s'agissait ici d'organiser des activités pour les enfants dans un centre
aéré), L juge qu'il est plus pertinent pour ses interlocuteurs d'avoir à l'esprit que le
vendredi dont on parle est le vendredi qui vient, que d'avoir à l'esprit qu'il s'agit du
vendredi 13. Ce qui est à mon sens important ici, c'est que L rend saillante, par
l'emploi de donc, la verbalisation de vendredi qui vient.
3.3.2. L'hypothèse que je ferai sur le fonctionnement général de donc est la suivante :
- donc constitue une trace de la construction de la schématisation par L dans la
mesure où il fonctionne comme instruction de considérer l'action discursive au cours de
laquelle il prend naissance comme verbalisant l'aboutissement d'une activité
inférentielle du locuteur.
- au niveau de l'interprétation, donc fonctionne comme un indice de ce qui doit être pris
en compte de façon prioritaire par l'interlocuteur, c'est-à-dire de ce qui est le plus
pertinent, pour reconstruire la schématisation. On rejoint ici l'idée de Grize
mentionnée plus haut selon laquelle toute schématisation contient des aides à sa
reconstruction par l'allocutaire.
Ici, c'est l'action discursive dans laquelle donc est verbalisé qui constitue l'action la plus
pertinente d'une série, pour reconstruire la schématisation, dans la mesure où elle est
rendue saillante. Quant à la série d'actions discursives en question, il s'agit de toutes
celles qui verbalisent une étape du raisonnement de L, c'est-à-dire de toutes les
verbalisations de ce qui peut être considéré comme une prémisse ou comme la règle
d'inférence du raisonnement de L, et qui n'avaient donc pour but que de pouvoir amener
la conclusion du raisonnement en créant un état de la schématisation adéquat. La
recherche éventuelle par l'interprète de cette série d'actions discursives n'a alors pour
seul rôle que celui d'établir le domaine de pertinence d'une action discursive, c'est-àdire de délimiter un sous-programme discursif à l'intérieur du discours. Il devient alors
possible pour l'interprète de vérifier la pertinence qu'indique donc, en confrontant la/les
5
Du moins à l'intérieur d'un cadre temporel donné qui est lui déictique (le mois en cours) et qui reste
implicite.
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Catherine Chanet
prémisse(s) et/ou la règle identifiées à ses propres connaissances / représentations. Mais
cette recherche ne constitue pas selon moi le but attaché à l'interprétation du donc : elle
constitue seulement un moyen d'évaluer la pertinence d'une action discursive donnée
pour reconstruire la schématisation.
Quant à alors, il constituerait ainsi :
- une trace du fait que, selon le locuteur, l'état de la schématisation permet d'effectuer
une action discursive donnée; de façon concomitante, alors constitue une trace du fait
que L a évalué l'état de la schématisation, et choisi une action discursive à l'intérieur du
paradigme de toutes celles qui étaient rendues possibles par cet état.
- un indice, pour l'allocutaire, du fait que cette action discursive-là est un moyen de
résoudre une "attente" créée par le discours. Alors fonctionnerait pour l'interprète
comme un indice qu'un des buts discursifs du locuteur a été (ou va être) atteint.
Dire cela suppose avoir recours aux notions de programme discursif et d'action (ou
d'opération ?) discursive, ce qui ne va pas sans poser un certain nombre de problèmes,
notamment ceux (cruciaux) de la définition d'une "action" discursive, et des indices qui
permettent d'identifier et de délimiter un "programme discursif". Cela suppose
également que toutes les actions / opérations effectuées dans le cadre de l'activité
discursive n'ont pas toutes le même poids dans la (re)construction de la schématisation,
puisque certaines sont signalées à l'attention de l'interlocuteur comme plus saillantes
que d'autres, et comme jouant un rôle particulier dans une éventuelle planification du
discours.
4. Donc, alors, et la planification discursive
4.1. Structuration et hiérarchisation des programmes discursifs
Il existe des emplois de donc et de alors qui semblent donner des indications sur une
éventuelle structuration hiérarchique des programmes discursifs attribuables au
locuteur.
4.1.1. On connaît notamment un emploi de donc très souvent décrit comme signalant
une «reprise» d'un thème provisoirement abandonné, ou un «recentrage» sur le thème en
cours dans le développement du discours. En termes de planification discursive, cet
emploi peut être décrit comme signalant la reprise d'un programme après l'exécution de
sous-programmes discursifs, ou de programmes discursifs annexes. C'est ce qu'illustre
(7), où Desproges s'amuse à caricaturer le phénomène :
(7)
La grande différence entre l'homme et la bête, c'est l'intelligence. Comme le rire, l'intelligence
est le propre de l'homme, et beaucoup plus rarement de la femme, mais c'est de moindre
importance car la femme, pour peu qu'elle soit belle, n'a guère besoin d'être intelligente. Pour peu
qu'elle soit moche, elle a encore moins besoin d'être intelligente.
A ce propos, je citerai le mot admirable de Louis XIV, […]
Donc, l'intelligence distingue l'homme de la bête. Pour s'en convaincre, livrons-nous à une petite
expérience fort simple. Prenons un homme que nous appellerons Albert. (S'il ne vient pas
lorsque nous l'appelons Albert, appelons-le René ou Sigismond, ça n'a absolument aucune espèce
d'importance. Personnellement, je m'en fous complètement.) Je disais : « Prenons un homme que
nous appellerons Albert » par pure convention. D'ailleurs, je n'avais même pas terminé ma phrase.
Je voulais dire : « Prenons un homme que nous appellerons Albert et un chien que nous
appellerons Kiki. » (Ce sont juste des appellations arbitraires que je choisissais au hasard pour
aider à la compréhension de cette expérience.) Bien. Prenons un homme que… (Si vous préférez
appeler le chien Albert et l'homme Kiki, je m'en fous, vous pouvez pas savoir à quel point.
Simplement… c'est ridicule. Aucun chien ne s'appelle Albert. Aucun homme ne s'appelle Kiki.
Seuls les chiens et les femmes s'appellent Kiki. Kiki Caron, par exemple.) Bon. Prenons un
homme… (Je sais bien que Kiki Caron c'est un nom qui n'évoque plus rien aux moins de soixante
ans. C'était une nageuse. Pas dans l'équipe est-allemande. Une femme.) Bon, trêve de digressions
oiseuses. Revenons à l'intelligence, car je sens que l'on s'en écarte.
« Connecteurs », « particules », et représentations cognitives de la planification discursive
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Donc, soit un homme qui répond au nom d'Albert… (S'il ne répond pas au nom d'Albert, ne nous
affolons pas, c'est peut-être qu'il est sourd. Pardon. Qu'il est malentendant. Je ne voudrais surtout
pas vexer les aveugles qui nous lisent par milliers.)
Donc, soit un homme qui répond au nom d'Albert et un chien qui répond au nom de Kiki. Pour
démontrer que l'homme est beaucoup plus intelligent que le chien, il nous suffira de […]
(Pierre Desproges, Manuel de savoir vivre à l'usage des rustres et des malpolis, 100-101)
Ici, avec la grande différence entre l'homme et la bête, c'est l'intelligence (en gras et
italiques), un but global est initié : montrer que l'homme est plus intelligent que la bête.
Suit une digression, qui réalise un but que je qualifierai d'opportuniste6 : différencier
l'homme de la femme (sur la base de la polysémie du mot homme), suivie d'une seconde
digression qui consiste à narrer un mot attribué à Louis XIV. Le retour à la réalisation
du programme global est marqué par donc, l'intelligence distingue l'homme de la bête :
selon les hypothèses exposées en 3.3.2, donc signalerait que l'intelligence distingue
l'homme de la bête verbalise la conclusion d'un raisonnement de L, et constitue
l'information signalée comme la plus pertinente pour la reconstruction de la
schématisation par A. Or, les prémisses et/ou la règle de ce raisonnement n'ont pas été
verbalisées. A peut alors inférer que le but argumentatif global de L n'a pas été achevé,
et recatégoriser (rétroactivement) les verbalisations précédentes comme ne faisant pas
partie du programme discursif global, c'est-à-dire comme constituant des digressions par
rapport à l'objectif argumentatif.
On observera aisément que le même phénomène se répète avec l'initiation d'un sous-but
marqué par prenons un homme que nous appellerons Albert, et le retour à la réalisation
de ce sous-but, par deux fois, marqué par donc, soit un homme qui répond au nom
d'Albert, où donc montre que l'information (qui est ici une instruction) est toujours
pertinente compte tenu des objectifs du discours. De fait, l'objectif global est repris à la
dernière ligne avec pour démontrer que l'homme est beaucoup plus intelligent que le
chien, il nous suffira de […]. En définitive, cet emploi de donc, en signalant que
certaines verbalisations sont à rattacher à l'exécution d'un programme discursif,
donnerait des indications sur la façon dont L organise ses buts discursifs et planifie son
discours.
4.1.2. Une analyse du même type pourrait éventuellement être conduite à partir de (8) en
ce qui concerne alors :
(8)
L1
L2
vous ne dessinez plus du tout
pratiquement plus non il avait quand on a fait ce sacré Hara-Kiri euh je
dessinais au début et puis on s'est aperçu qu'on /n', Ø/ était que des
dessinateurs j'avais trois quatre copains qui étaient venus nous rejoindre euh
c'étaient tous des dessinateurs personne n'écrivait une ligne alors il fallait il
fallait pour faire un journal il fallait quand même de la matière écrite alors
je me suis mis à écrire (Oral radio, Corpus Cavanna, < SLF Fribourg, CH)
Le premier alors présent dans cet exemple peut être interprété comme signalant que
pour le locuteur, les verbalisations précédentes (et notamment personne n'écrivait une
ligne) ont créé une attente au niveau du discours, et que cette attente va être résolue par
la réalisation d'un objectif discursif. Ce but discursif est lui-même réalisé en deux
temps : par la verbalisation de pour faire un journal il fallait quand même de la matière
écrite d'abord, qui précise en quoi consiste l'attente créée par le discours, et par celle de
je me suis mis à écrire ensuite, qui résout cette attente et répond du même coup à la
question du journaliste. De telle sorte qu'on pourrait dire que les deux alors permettent
de structurer cet exemple comme suit :
6 On peut penser que ces buts "opportunistes" sont possibles étant donné l'état de la schématisation, mais
non nécessaires à la réalisation du but discursif global : leur réalisation ne serait pas attendue compte tenu
de l'état des représentations.
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(8') quand on a fait ce sacré Hara-Kiri personne n'écrivait une ligne alors [ [pour faire
un journal il fallait quand même de la matière écrite] alors je me suis mis à écrire
]
4.1.3. Il serait cependant audacieux, voire dangereux, d'en conclure qu'un locuteur
"prépare" son texte avant le début de l'activité discursive même (sauf pour des genres
discursifs spécifiques tels les discours de propagande), et qu'on aurait affaire à une
réelle planification discursive à long terme dont donc ou alors constitueraient
simplement la trace. Ce n'est d'ailleurs pas ce que montrent les études
psycholinguistiques sur le sujet (Levelt, 1989). Tout au plus peut-on dire que les
phénomènes de planification dépendent étroitement des genres discursifs et que, du
point de vue strictement linguistique, donc ne fait que simuler une certaine
planification : ce que construit le discours (et donc ce à quoi le linguiste a accès), c'est
une image de sa propre planification, faisant partie de l'Image de l'Activité Discursive
Im(AD).
4.2. Planification locale "on line"
Il existe en effet des cas où l'on trouve des séries de donc ou de alors, et où il est
extrêmement difficile d'interpréter ces séries comme donnant des indications sur une
éventuelle hiérarchisation de programmes discursifs. Témoin l'exemple (9) pour donc :
(9)
[…] cet ADN va /porter, apporter/ des régions de variabilité qui vont faire que
chaque individu va être différent de son voisin euh pour symboliser un petit peu
ce système de variabilité je prends souvent l'exemple de trains on imagine que
notre ADN est caractérisé par deux trains chacun de ces trains ayant un nombre de
wagons variable donc on imagine un premier individu avec un train avec trois
wagons et le deuxième avec cinq wagons et son voisin d'à côté va avoir un train
avec dix wagons et le deuxième avec vingt wagons donc le but pour nous pour
identifier un individu est simple il suffit de caractériser la taille de ses trains et de
comparer s'ils sont identiques ou pas donc on nous fournit généralement deux
types de prélèvements des prélèvements de questions ce sont les prélèvements
qu'on retrouve sur les scènes du crime c'est du sperme c'est du sang ce sont des
mégots de cigarette et puis des prélèvements de référence prélèvements dont on
connaît l'origine donc on traite en parallèle prélèvements de questions
prélèvements de référence on mesure la taille des trains et puis on regarde si les
trains sont identiques ou pas entre les deux types de prélèvements (Oral radio,
Corpus "l'aveu désavoué", < C. Portes, Aix-en-Provence, F)
Dans cet extrait, emprunté à Portes (2000), un généticien explique comment les tests
génétiques peuvent permettre de prouver la culpabilité ou l'innocence d'un accusé dans
le cadre d'une affaire criminelle. Selon les paramètres acoustiques analysés par Portes
(2000), les donc présents ici ne "marquent" pas un type particulier d'unité discursive,
dans la mesure où les unités isolées prosodiquement ne recouvrent pas les segments
délimités par donc. C'est dire qu'il est difficile de relier ces segments à un programme
d'énonciation spécifique, si ce n'est le programme que constitue la totalité de
l'intervention du généticien, et qu'on ne peut définir le rôle des donc présents ici que
comme signalant une pertinence des verbalisations par rapport au but global du
locuteur. Force est de constater ici que ce pointage de pertinence fait l'objet d'un
déplacement constant au fur et à mesure de la production du texte : de fait, pratiquement
toutes les actions discursives sont successivement signalées comme pertinentes pour
reconstruire la visée explicative du généticien.
C'est un phénomène similaire que l'on observe à propos de alors en (10) :
« Connecteurs », « particules », et représentations cognitives de la planification discursive
(10) L2
L1
L2
53
il il devait se marier le lendemain et il avait deux ministres comme témoins
et moi ça m'amusait de l'empêcher de se marier alors vous imaginez où je
visais seulement il
c'est un scoop
il est beaucoup plus grand que moi il avait des b- il a des bras très longs et
alors quand je me penchais pour atteindre mon objectif j'avais son épée
dans les yeux alors je me disais quand même ça serait bête de me faire
crever un oeil pour lui crever une alors je me suis rappelé du conseil du
maître d'armes quand j'ai pris la leçon je me jetais sur lui il m'a dit mais
qu'est-ce que vous voulez gagner ou perdre alors j'ai dit je veux gagner bien
sûr alors il m'a dit si vous faites ça il n'aura qu'à tendre le bras et vous vous
ferez embrocher alors comme vous ne savez pas tirer à l'épée contentezvous d'essayer de le blesser au bras alors c'est ce que j'ai fait une première
fois ça saignait pas beaucoup (Oral radio, Corpus Deferre, < SLF Fribourg,
CH)
Dans sa seconde intervention, L2 ne structure pas les actions discursives qui lui
permettent de mener à bien sa narration : il les enchaîne simplement, signalant par alors
que chaque nouvel état de la schématisation autorise le passage à l'action discursive
suivante. On a donc affaire ici à une série de "programmes" discursifs servant une
activité narrative pas vraiment planifiée, qui «relate» une série chronologique d'actions,
pour employer un terme propre à Adam (1994), davantage qu'elle ne la «raconte».
Autrement dit, l'ordre du texte "mime" ici l'organisation chronologique du Monde, que
veut rendre le locuteur.
Il semblerait donc que l'on ait dans le cas de (9) et de (10), plutôt que des indices de
hiérarchisation de programmes discursifs, des indices de prises de décisions locales, en
fonction de l'état de la schématisation auquel ont mené les actions discursives
précédentes : si "planification" il y a, cette planification est seulement linéaire, locale,
au coup par coup, en direct, "on line". Le pointage de la pertinence des actions
discursives et les buts discursifs mêmes se déplacent au fur et à mesure de l'avancement
de la production textuelle.
4.3. Disymétrie des buts attribués au discours par L et par A
Enfin, il faut signaler que L et A n'attribuent pas nécessairement, à un niveau local, les
mêmes buts au discours. Plus précisément, L et A n'ont pas nécessairement les mêmes
attentes vis-à-vis du discours, compte tenu d'un état donné de la schématisation. Cette
disymétrie va pouvoir engendrer des négociations (le plus souvent implicites) sur les
objectifs discursifs et, partant, sur la planification discursive et sur la schématisation à
co-construire. C'est ce qu'illustre l'exemple (11), qui constitue la suite de l'extrait (10) :
(11) L1
L3
L2
L1
L3
L2
L3
L2
vous avez bien aimé vous êtes prêt à recommencer alors
mais alors il s'est marié
je devrais pas le dire parce que je suis ministre mais ouais volontiers
qui voudra ti- qui veut vous provoquer
il s'est marié ou pas finalement le lendemain
pardon
le lendemain il s'est marié ou pas
non non non non le général de Gaulle euh qui a trouvé ça ridicule a interdit
aux ministres euh d'être témoins et le mariage a été renvoyé (Oral radio,
Corpus Deferre, < SLF Fribourg, CH)
54
Catherine Chanet
Les répliques en gras montrent que pour L3, l'intérêt du discours ne se situait pas dans la
narration du duel (que comportait l'extrait (10)), mais dans la résolution de l'attente
créée par la première intervention de L2 en (10) : il devait se marier le lendemain et il
avait deux ministres comme témoins et moi ça m'amusait de l'empêcher de se marier
alors vous imaginez où je visais. Cette intervention crée en effet une attente au niveau
de la schématisation, qui est de savoir si le il en question s'est marié ou pas. L3 le
rappelle d'ailleurs en (11) à ses interlocuteurs par un mais alors il s'est marié, où le mais
alors signifie : "un des buts discursifs créé par vos énonciations antérieures n'a pas été
réalisé, or selon moi, mais pas selon vous, il aurait pu / dû l'être, et ce but est de dire s'il
s'est marié". Manifestement, l'objectif de L2 était de divertir les auditeurs en racontant
son duel, mais pas de donner cette information concernant son adversaire.
En définitive, la planification du discours pour un interactant X n'est pas nécessairement
la planification pour un interactant Y : chaque participant à l'interaction construit sa
propre image de l'activité discursive en cours et des objectifs de celle-ci. Si l'on veut
décrire l'incidence des connecteurs et des particules sur la construction des
représentations discursives, il est nécessaire de tenir compte de cette disymétrie, et de
travailler sur les traces linguistiques de la négociation des représentations créées par le
discours.
5. Conclusions
On peut tirer plusieurs hypothèses de travail de ce qui précède. J'en indiquerai ici trois.
1- Tout d'abord, il semble qu'il existe une différence de fonctionnement entre
connecteurs d'une part, et particules énonciatives d'autre part, vis-à-vis de la
construction des représentations discursives. Cette différence pourrait résider dans le
fait que les connecteurs agissent à la fois au niveau de Im(M) et de Im(AD), alors que
les particules n'agissent qu'au niveau de Im(AD). Cette hypothèse expliquerait que
certains connecteurs puissent parfois se comporter comme des particules, dans les
emplois où ils perdent la capacité d'agir sur les représentations du monde construit par
le discours (soit : sur Im(M)).
2- Ensuite, connecteurs et particules ont ceci en commun qu'ils contribuent à construire
une image de l'activité et de la planification discursive, qui n'est qu'une image
linguistiquement construite, et qui ne renseigne pas sur une éventuelle préprogrammation cognitive de la production verbale, mais sur la façon dont le discours se
met en scène. Dans le cas de discours pré-planifiés (discours politique, religieux,
pédagogique, — du moins en principe —), les connecteurs peuvent être interprétés
comme une trace de la planification partielle conçue par le locuteur, et un repère pour
l'interlocuteur sur la manière dont il peut reconstruire cette planification (ce qui
explique, en partie au moins, que l'on puisse parler du discours comme activité), parce
que cette planification est conforme aux attentes créées par le genre discursif même. En
revanche, dans le cas de discours non pré-planifiés (conversation quotidienne,
interactions de service,…), les connecteurs ne donnent qu'un semblant de structuration
au discours (ce qui explique que l'on puisse parler du discours comme improvisation) :
s'ils peuvent méthodologiquement être utilisés pour montrer l'image que le discours
donne de lui-même, ils ne peuvent pas l'être, à mon sens, pour rendre compte des
procédés cognitifs sous-jacents à la production discursive.
3- Enfin, il ne faut pas oublier que l'Image de l'Activité Discursive Im(AD) comporte
nécessairement une image de la schématisation en cours de construction, puisque toute
activité discursive construit une schématisation. Or, cette image de la schématisation
comporte elle-même une image de l'image de l'activité discursive, qui comporte elle-
« Connecteurs », « particules », et représentations cognitives de la planification discursive
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même une image de l'image de la schématisation, etc. Cela signifie que, si l'on étend le
modèle de Grize pour y inclure une image du discours en train de se tenir, on aboutit
immanquablement à un modèle "en abyme", récursif à l'infini, où un élément comporte,
ou plutôt reflète, le tout qui le contient, et le reflète en train de le contenir… Bref, de
quoi s'interroger, non sans un certain vertige, sur les architectures à construire pour
modéliser les représentations discursives.
Références
Adam, J.-M. (1994) : Décrire des actions : raconter ou relater ? Littérature 95, 3-22.
Berrendonner, A. (1983) : Connecteurs pragmatiques et anaphores. Cahiers de Linguistique Française 5,
215-246.
Fernandez, J. (1994) : Les particules énonciatives. Paris : PUF.
Grize, J.-B. (1982) : De la logique à l'argumentation. Genève : Droz.
Grize, J.-B. (1990) : Logique et langage. Paris : Ophrys.
Grize, J.-B. (1996) : Logique naturelle et communications. Paris : PUF.
Hybertie, C. (1996) : La conséquence en français. Gap : Ophrys.
Levelt, J.M. (1989) : Speaking. From intention to articulation. Cambridge (MA) : MIT Press.
Mosegaard-Hansen, M.-B. (1997) : Alors and donc in spoken french : a reanalysis. Journal of Pragmatics
28/2, 153-187.
Portes, C. (2000) : Approche du rôle de la prosodie dans la structuration du discours oral en français.
Mémoire de D.E.A. "Langage et parole", Université de Provence.
Zenone, A. (1981) : Marqueurs de consécution : le cas de donc. Cahiers de Linguistique Française 2,
113-139.

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