Lettre du Service Jésuite International
Transcription
Lettre du Service Jésuite International
La Lettre du N°21 S J I ervice Trimestriel ésuite nternational Avril – juin 2011 éditorial sommaire Un mois jour pour jour après avoir signé l’éditorial du numéro 20 de cette Lettre du Service Jésuite International, le Père Louis de Vaucelles était inhumé à Paris. Le Père Provincial de France l’évoquait en ces termes. Afrique Burkina Faso Les 25 ans du CERCLE Tchad Le CHU de Walia Échos de Mongo Soudan Lettre du P. Putman sj Asie Chine Dialogue avec les Bouddhistes madagascar F. Hubert sj et le S.R.I. 3 livres d’initiation maghreb Algérie L’attente Prions pour ceux qui nous ont quittés C’ est à l’âge de 66 ans que Louis de Vaucelles, sollicité par des jésuites sur place, a considéré l’hypothèse d’une mission à Yaoundé. Conscient de la fatigue supplémentaire que cela pourrait lui occasionner, conscient aussi de la différence de cadre de son travail intellectuel, loin des bibliothèques parisiennes, mais surtout disponible pour un service demandé, ouvert à un défi à relever, attiré aussi par un tel renouvellement de son engagement pour les pays du Sud, Louis s’est dit prêt à tenter l’aventure avec l’aide de la communauté locale jésuite. Ce moment, qui remonte à 12 ans, dit quelque chose de ce que beaucoup ont pu constater dans la vie de Louis : • une disponibilité au service du monde, de l’Église et de la Compagnie, qui – une fois les paroles dites, les réserves comme les acquiescements, et fortement quand il le faut – fait se mettre sans réserve au service des décisions prises. • une vie de compagnon jésuite qui compte sur les autres compagnons comme elle a su se mettre à leur service. • une capacité à analyser, à faire réfléchir, à organiser, capacité longuement mise au service de la formation au Centre Sèvres, à la Catho de Paris, à l’Université d’Afrique de l’Ouest et encore à la revue Etudes. • une capacité à mettre en relation les uns avec les autres. Comme il l’écrivait en présentant “La Lettre” : « La communication des expériences et récits venus d’ailleurs [...] est une pratique tout à fait classique dans l’histoire de la Compagnie, qui recèle un enjeu décisif à l’heure de la mondialisation. » Jean-Yves Grenet Provincial de France éCHOS DE MONGO Le CERCLE (1985 – 2010) « 25 ans d’éducation au service de la jeunesse burkinabée », tel était le thème du jubilé d’argent du Centre d’étude et de Réflexion pour Collégiens, Lycéens et étudiants de Ouagadougou. Le 30 octobre 2010, les jésuites, leurs collaborateurs et les membres, anciens et nouveaux, ont fêté les 25 ans du CERCLE créé par le P. François Peltier sj. Le P. Jean-Luc Masson sj s’y est dévoué jusqu’à sa mort. Lors de la soirée d’action de grâce, des anciens ont témoigné : « Le CERCLE, a été pour nous un cadre idéal et propice qui a favorisé notre réussite sociale, nous en sommes reconnaissants ! » Après la messe d’action de grâce qui a débuté la journée, le P. Jacques Fédry, directeur du CERCLE, en a rappelé la visée première : • Fournir aux collégiens, lycéens et étudiants un lieu avec instruments de travail et conseils. • Développer la culture générale en leur offrant deux bibliothèques, une salle de lecture et une salle d’informatique. • Acquérir un certain équilibre général, grâce au sport et aux loisirs Trois buts, a-t-il ajouté, qui n’en font qu’un seul : développer l’homme dans sa totalité. Fondé et dirigé par des religieux jésuites le Centre ne peut pas négliger la formation religieuse. « Enfin, a terminé le P. Fedry, ce jubilé n’invite pas seulement à regarder le passé, en mesurant le chemin parcouru, mais aussi à faire le point pour nous tourner résolument vers l’avenir. » l Adret Claudel BAKATOULA sj Formation médicale au Tchad L’ Association Tchadienne Communauté pour le Progrès (A.T.C.P) a été fondée par le P. Angelo Gherardi sj qui en est la cheville ouvrière depuis plus de 50 ans. Après le Centre hospitalier de Goundi au Sud, où l’activité continue avec succès, il s’attelle à développer le Complexe HospitaloUniversitaire « Le Bon Samaritain » à Walia–N’Djaména : projet initié en 2003, concrétisé en 2005 et ouvert en 2007. La Faculté de médecine qui s’y rattache accueille actuellement deux promotions. Elle est dirigée par le Professeur Pierre Farah, doyen émérite de la faculté de médecine de Beyrouth (USJ). Celui-ci mobilise les bonnes volontés dans l’espace médical francophone (France, Liban, Maghreb,...). De nombreux spécialistes, enseignants des Universités les plus prestigieuses, répondent à son appel et viennent bénévolement assurer des enseignements et l’encadrement des étudiants pour des périodes variant de dix jours à trois semaines. Les étudiants sont tous boursiers, grâce à de nombreux donateurs : pour pouvoir continuer le P. Gherardi fait appel à toutes les générosités. Lors des festivités du Cinquantenaire de l’indépendance du Tchad, le Président de la République M. Idriss Deby a remis, au Père Angelo Gherardi, la médaille du Cinquantenaire pour tous les services rendus à la population tchadienne (26 janvier 2011). l la lettre – avril-juin 2011 – 2 U ne nouvelle déjà ancienne de six mois. La période de la « soudure », toujours critique au moment où les greniers sont vides et où il faut trouver du mil aussi pour les semailles, était aggravée, cette année, par les très mauvaises récoltes de 2009 et l’existence de poches de famine. Or, au 1er juillet, dans les 153 banques de céréales dont nous avons eu, avec nos partenaires locaux, l’initiative depuis plusieurs années, les greniers – totalement autogérés par les communautés villageoises – totalisaient 1 150 tonnes de mil. Ces stocks – mis par les villageois à leur propre disposition sous forme de prêts remboursables à la récolte – leur ont permis, une fois encore, de se libérer des griffes des usuriers. Le 28 novembre, je suis allé à Barama, 80 km à l’ouest, pour bénir une nouvelle chapelle réalisée, comme toujours, en collaboration étroite entre la communauté chrétienne (taille et transport des pierres, apport du gravier, du sable, de l’eau et de la main-d’œuvre non qualifiée) et le diocèse (ciment, fer, tôles et maître-maçon). Tous les villageois, quelle que soit leur appartenance religieuse – y compris les musulmans, qui n’ont pourtant pour mosquée qu’une simple paillote – ont pris part à la construction. L’imam a assisté à toute la messe et, à la fin de la cérémonie, y est allé de sa petite homélie – heureux complément à la mienne ! – appelant au respect et à la collaboration entre croyants et à notre unité foncière en Abraham, le « Père des croyants ». l Mgr Henri Coudray sj Le 1er janvier 2011 SOUDAN LE REFERENDUM AU SOUDAN L a naissance de la République du Soudan Sud aura lieu le 9 juillet 2011. Un premier Exode a eu lieu avant le référendum du 9 janvier ; un second Exode se prépare dès la mi-mars, fin de l’année scolaire et des examens officiels. CHINE On dit que dès le 9 juillet il n’y aurait plus de « Sudistes » à résider encore au Nord. Considérés comme des étrangers, ils auront besoin de passeport et de permis de séjour. De plus ils résideront dans un pays où la Loi musulmane (Chari’a) s’appliquera et où la langue arabe sera la seule tolérée. Le 9 avril, les troupes du Nord auront achevé leur retrait du Sud, et les forces du SPLA, du Nord. Cela peut donner lieu a des tensions. Abieh, les Montagnes Nubiennes et le Nil Bleu se préparent à une « délibération populaire », pour se déterminer sur leur appartenance au Nord ou au Sud. Déjà aujourd’hui la région d’Abieh (riche en pétrole) est l’objet de convoitises et de violentes rencontres. Je ne suis ni journaliste ni commentateur politique. Je vis avec les gens. Priez pour nous et surtout pour que ceux qui rentrent dans le sud puissent y trouver leur place. Des familles ont dû revenir au nord quelques semaines après leur déplacement « pas d’école pour nos enfants, d’hôpital pour nos malades, de travail pour nos jeunes ». l Hans Putman sj DIALOGUE AVEC DES BOUDDHISTES A PEKIN L’ octogénaire que je suis devenu fait face aujourd’hui à un auditoire de moines bouddhistes dans un des principaux monastères de la capitale chinoise. Le Vénérable Xue Cheng, abbé du Longquan Si (“le temple de la source du Dragon”), vice-président et secrétaire général de l’Association bouddhiste de Chine, prieur de quatre grands monastères, âgé de 44 ans, comptait sur moi pour faire une conférence à la communauté ! Par ses nombreuses activités dans le domaine social et son engagement dans la vie de la nation, cet ancien monastère rénové exemplifie le « bouddhisme humaniste » de l’époque moderne. Je suis aussitôt le point de mire de l’assistance, curieuse de dévisager ce prêtre catholique français que leur vénéré prieur vient de leur présenter en termes très amicaux. Comment ai-je pu, pendant une heure entière, et sans aucune note, capter l’attention de ce public ? J’en suis encore à me le demander, sans autre réponse que la certitude d’avoir bénéficié d’une grâce spéciale. J’ai eu droit à de chaleureux applaudissements et, dès le lendemain, à la publication in-extenso de mon texte chinois sur le site du temple, signe que j’avais bien passé la rampe. Voici un bref résumé de ce que j’ai dit ce jour-là : 1- « Mon intérêt pour le Bouddhisme est ancien : depuis mes études du chinois à Taïwan en 1961. Plus tard, j’ai visité de nombreux temples (157) : l’accueil amical reçu partout m’a beaucoup encouragé. À partir de 2003, avec l’aide de l’Institut Ricci de Macau, j’ai mené une enquête sur les monastères de nationalité Han pour aider les Occidentaux à mieux apprécier et comprendre le Bouddhisme chinois1. 2- Je suis prêtre catholique depuis plus de 50 ans. J’ai une grande estime pour la morale bouddhiste, très élevée. Mon enquête m’a fait réaliser à quel point le Bouddhisme est une composante intégrale de la culture chinoise. Taixu, le grand réformateur du Bouddhisme chinois, rêvait, disait-il, de voir toutes les civilisations, ancienne et nouvelle, occidentale et orientale, fusionner dans une civilisation mondiale. La culture chinoise peut jouer aujourd’hui un grand rôle dans l’édification de cette culture mondiale. Et donc le Bouddhisme, qui en est une part inséparable. l Christian Cochini sj Beijing, July 14, 2010 1. Cf : Lettre n°11 - Guide des Temples Bouddhistes en Chine. MADAGASCAR BONNES NOUVELLES POUR LE RIZ U n peu d’histoire. En 2003 je m’efforçais de protéger de toute tromperie les acquis rizicoles du Père de Laulanié, cette trouvaille étonnante qui permet de quadrupler les récoltes de riz, sans inondation ou presque, en obéissant à un Système nouveau de Riziculture Intensive malagasy (SRI). Voir http://www.omcfaa.org. Gros ennuis gouvernementaux en 2009 ! Un contrat officiel conclu assurait le soutien technique de riziculteurs SRI dans 71 villages durant 6 mois, et la formation, peu après, de 200 techniciens. Notre équipe s’en était acquitté avec succès mais… attendait toujours les 14 000 euros promis. Ce fut très dur. On ne pouvait indéfiniment emprunter : un mort (d’épuisement) et tout le personnel dispersé pour survivre. Dans l’épreuve nous avions toutefois amélioré et perfectionné le matériel pédagogique. Ma la lettre – avril-juin 2011 – 3 suite en page 4 madagascar suite chambre s’était transformée en laboratoire rizicole ! Le Centre d’Information (CITE) accepte maintenant de publier les documents prêts : un jeu de 60 affichettes, appuyé d’un fascicule de commentaires avec dépliant « aide-mémoire », un DVD de 60 minutes qui présente notre façon d’intervenir et de former en classe et sur le terrain. Il ne reste qu’à achever le long-métrage SRI pour récapituler en 2h30 tout ce qui peut être recevable sur la rizière. Un autre fascicule important, Humus, Fumier, Compost, tellement demandé, devrait paraître prochainement. Autre bonne nouvelle : reprise d’une animation régionale dans l’Itasy pour neuf villages. Une Association française va parrainer ce petit démarrage. Je viens de rentrer de la proclamation officielle de ce « Projet communautaire » à étendre sur toute la zone. Dans une semaine nous commencerons à exposer – pour amorcer la réflexion – certains de nos travaux (Maquettes, Outils, Affiches). Je me trouve ainsi dans l’obligation, et avec joie, de me replonger dans le développement rural intégré. Je suis toujours en admiration devant le courage et les services de l’un ou l’autre, qui m’obligent à tenir, à aller plus loin. l F. Michel HUBERT sj algérie L’Algérie dans la vague actuelle L a récente levée de l’état d’urgence, imposé au pays depuis 1992, modifiera-t-elle la situation en Algérie ? Scandales financiers, bas salaires, chômage des jeunes, flambée des prix des produits de base… tous les ingrédients de la révolte sont là. Pourtant la vague de contestation a du mal à prendre corps. Certes, un contrôle policier impressionnant empêche son développement. Mais plus profondément, les Algériens voient dans la révolte de leurs voisins une réplique de ce qu’ils ont vécu en 1988 : ils l’ont payé de 10 ans de terrorisme, et ne souhaitent pas recommencer. L’attente est donc forte pour une autre Algérie, qui semble à La Lettre du portée de main. Mais le déclic Service Jésuite se fait encore désirer : les jeunes I nternational aspirent à un changement, mais ils craignent en même temps Trimestriel une reprise de la violence et Service Jésuite n’ont qu’une confiance limitée International dans le politique. Pour l’heure, c’est la presse qui est à la pointe du combat, comme cet éditorialiste qui écrit : « Des walis élus, des polices au service du citoyen et pas contre lui, des journaux dignes, des télés libres, des rêves pour tous et des élections sans fraudes, ouvertes aux jeunes, réellement et pas par folklore… Voilà ce que veut l’Algérie. Donner plus d’argent ne convoque pas les plus honnêtes mais les plus rapaces. Le pays n’est pas pauvre : il est triste. Les Algériens veulent le travail, le logement mais aussi une définition du bonheur qui ne ressemble pas à un colis alimentaire. Au Soudan nu, ils ont été heureux avec un casse-croûte et un ballon. » (Référence à la victoire en 2009 de l’Algérie contre l’Égypte pour la coupe du monde de football qui fut fêtée avec une joie comparable à celle des premiers jours de l’Indépendance) (Kamel DAOUD, Le Quotidien d’Oran, 23/02/2011). Quoi qu’il en soit, le plus important est peut-être l’émergence d’une nouvelle vision du monde rendue possible par un regard renouvelé sur les pays arabomusulmans. l Mocrabe sj 42, rue de Grenelle 75343 Paris Cedex 07 Tél. : 01 44 39 46 20/29 Fax : 01 44 39 46 28 Trois livres sur Madagascar… Email : • Au service des plus pauvres. Le Sud-Est malgache au défi de l’Évangile. Vincent Carme (Lazariste) - C’est le cri déchirant d’un prêtre qui s’intègre au peuple qu’il a choisi, les Antemoro, jusqu’à s’identifier à la caste des Antevolo – tenus pour des chiens par les autres. De cette mort sociale, il réussira à se relever, permettant un début de rapprochement entre clans irréductiblement opposés. Des récits dignes des fioretti de St François racontent ce parcours mystique autant que social. • Femmes de ménages. Enquête à Anosibe-Ambohibarikely, Antananarivo. Olivia Fenoavosoalalao (Petite Franciscaine de Marie) - Cette religieuse a été responsable du travail social de la paroisse d’Anosibe, l’un des lieux d’exclusion de la capitale avec une importante proportion d’anciens esclaves, péjorativement appelés les mainty (noirs). Elle s’y engagea si fortement, et avec tant de réussite, qu’elle fit ensuite de la condition des femmes de ménage, sujet tabou s’il en est, le sujet de son mémoire de fin d’études de Service social. Après son décès accidentel en taxi-brousse en juillet 2010, ce texte si humain est enfin accessible. • Droits de l’homme et dignité humaine à Madagascar. Hans Maier (expert allemand travaillant à l’ONG catholique Misereor) - Ce livre bilingue franco-malgache fait la synthèse des problèmes posés par le fonctionnement de la société. Non pas à la manière d’un rapport administratif qui ignore les conditions de vie des populations, et plus encore leur arrière-plan culturel, mais en analysant les causes profondes, citant des réalisations exemplaires et ouvrant des perspectives d’avenir. Prix : 18 € l’un ou 45 € les trois (port compris). Chèque à « Service Jésuite International » - 42, rue de Grenelle - 75343 Paris cedex 07. [email protected] La Lettre est envoyée pendant un an à tout donateur annuel de l’O.M.C.F.A.A.* Conception et réalisation : SER *OMCFAA : l’Œuvre des Missions Catholiques Françaises d’Asie et d’Afrique est une fondation reconnue d’utilité publique, habilitée à recevoir des dons et legs. Siège social : 42, rue de Grenelle 75343 Paris Cedex 07 Site : www.omcfaa.org Chèque bancaire à : O.M.C.F.A.A. (sans numéro). Un reçu pour déduction d’impôts sera envoyé. P r ions Par Sylvain Urfer sj pour celui qui nous a quittés • Le 15 février 2011, à Beyrouth (Liban) : le Père Augustin DUPRÉ LA TOUR, né à Colmar en 1921 et entré dans la Compagnie en 1938. Arrivé à Beyrouth en 1946, il y vécut toute sa vie hormis ses années d’études à Lyon et Rome. Professeur, puis doyen de la faculté de théologie, directeur de l’Institut d’études islamo-chrétiennes, écrivain, il pratiqua passionnément le dialogue des religions. Sans oublier l’aumônerie de la JEC, l’accompagnement spirituel et même, discrètement, le ministère d’exorciste.