AGRICULTURE BIOLOGIQUE ET COMMERCE
Transcription
AGRICULTURE BIOLOGIQUE ET COMMERCE
Moringa et autres végétaux à fort potentiel nutritionnel : Stratégies, normes et marchés pour un meilleur impact sur la nutrition en Afrique. Accra, Ghana, 16-18 novembre 2006 AGRICULTURE BIOLOGIQUE ET COMMERCE EQUITABLE PRINCIPES, REGLEMENTATIONS, MARCHES Stephane Durand Teralis S.A. BP 5017 - F 66030 Perpignan cedex France [email protected] I. L'AGRICULTURE BIOLOGIQUE Définition L'agriculture biologique a vu le jour dans les années 1920, a connu un certain essor dans les années 1970 auprès de militants écologistes, et s'est développée en tant que marché structuré à partir des années 1990. C'est une agriculture qui se veut avant tout respectueuse de l’environnement, des animaux et des hommes. Si on veut la définir très simplement on peut dire que c'est une agriculture qui : - respecte le sol et les cycles naturels - se fait sans apports de produits issus de la chimie de synthèse Mais le monde de l'AB (Agriculture Biologique) est très diversifié et les règles de production souvent plus élaborées. Les principes L'IFOAM, (International Federation of Organic Agriculture Movements) qui fédère la plupart des mouvements d'agriculture biologique dans le monde, a cependant défini 4 principes sur lesquels doit se fonder l'AB quel que soit le cahier des charges concerné : • santé : l'AB doit soutenir et améliore la santé des sols, des plantes, des animaux et des hommes de la planète considérée comme étant une entité indivisible • écologie : l'AB doit être fondée sur les cycles et les systèmes écologiques vivants, s'accorder avec eux, les imiter et les aider à se maintenir • équité : elle doit se construire sur des relations qui assurent l'équité par rapport à l'environnement commun • principe de précaution : elle doit être conduite de manière prudente et responsable afin de protéger le bien être des générations futures et l'environnement 1 Moringa et autres végétaux à fort potentiel nutritionnel : Stratégies, normes et marchés pour un meilleur impact sur la nutrition en Afrique. Accra, Ghana, 16-18 novembre 2006 TRADUCTION ET MISE EN OEUVRE Les traductions de ces principes sont diverses ce qui a aboutit à une multiplicité de cahiers des charges et qui a poussé les Etats ou groupes d'Etats à mettre en place des réglementations (il en existe une 60aine dans le monde) destinées à : • uniformiser les pratiques au sein d'une zone donnée (l'UE par exemple), • mais surtout à protéger le consommateur qui ne peut connaître, ni analyser dans le détail, les différents cahiers de charges et règles de production et qui ne peut donc s'appuyer que sur une dénomination et/ou un signe officiel pour avoir la garantie que le produit concerné correspond bien à ses attentes. Ainsi la France a établi en 1981 une définition de l'AB (sans utilisation de produits chimiques de synthèse), et l'UE s'est dotée en 1991 d'une réglementation (CE 2092/91) régissant la production biologique dans tous les pays de l'Union. Cette réglementation qui a été depuis amendée et complétée à maintes reprises est en cours de révision pour une application à partir de 2009. Il faut distinguer • les réglementations qui s'imposent à tous les acteurs s'ils veulent utiliser le terme Agriculture Biologique pour commercialiser leurs productions • les cahiers des charges « réglementaires », qui déclinent pour telle ou telle production la réglementation globale • les cahiers des charges privés qui viennent en complément (Biodynamie par exemple), ou en parallèle (Nature et Progrès) de la réglementation, ces derniers ne pouvant prétendre alors à l'utilisation de la dénomination « Agriculture biologique ». La certification : C’est le moyen d'apporter au client la garantie que la réglementation et/ou le cahier des charges sont bien respectés dans le processus de production/transformation. La certification est le plus souvent assurée par une “tierce partie”, c'est à dire à un organisme indépendant, accrédité par l'autorité ayant établi le règlement ou par le propriétaire du cahier des charges. Cet organisme va contrôler, par tous les moyens appropriés, que toutes les étapes de la production/transformation/distribution sont conformes au référentiel pour lequel il a été mandaté. En pratique : En pratique le fournisseur doit appliquer la réglementation en vigueur dans les différents marchés vers lesquels il compte exporter, ce qui peut entraîner une multiplication des certifications et donc des coûts. 2 Moringa et autres végétaux à fort potentiel nutritionnel : Stratégies, normes et marchés pour un meilleur impact sur la nutrition en Afrique. Accra, Ghana, 16-18 novembre 2006 Chiffres Le marché des produits biologiques est caractérisé par trois données principales: - il est essentiellement concentré dans les pays à fort pouvoir d’achats, - il représente une faible part des achats de produits alimentaires : 1 à 3% selon les pays, - il connaît depuis une décennie une croissance à 2 chiffres dans tous ces pays (20 à 30% pour les USA et l’UE) Les principaux marchés sont les Etats Unis et l’UE avec plus de 15Md USD chacun. Le marché Allemand représente à lui seul le quart du marché européen (4Md € en 2005). La distribution La distribution des produits biologiques s’est historiquement développée au sein de réseaux spécialisés (BIOCOOP en France ou Reformhaus en Allemagne par exemple) qui souvent distribuaient également les produits diététiques. Mais depuis quelques années la Grande Distribution s’est fortement investie sur ce segment pour profiter de son développement. Elle est cependant très diversement représentée selon les pays 70 à 80% UK, Suisse, Scandinavie, 65% Belgique Autriche, 37% en France et seulement 25% en Allemagne où les réseaux spécialisés sont très bien implantés. La grande distribution joue un rôle important dans le développement du marché des produits bio pour 3 raisons : • elle met les produits bios à disposition d'un grand nombre de consommateurs, et notamment de ceux qui n’auraient pas fait la démarche de s’approvisionner dans des circuits spécialisés • elle a un pouvoir de communication très important • elle accélère la diffusion du bio par le développement rapide des produits bio à marque distributeur mais également par leur présence de plus en plus fréquente dans les magasins discount Les produits les plus vendus en Bio sur le marché européen sont les produits laitiers (près d’1/3 de la valeur totale du marché des produits bio) et les aliments pour bébé (5% des aliments pour bébé vendus en Europe sont bio). Mais le marché se développe pour tous les produits, y compris les produits non alimentaires (textile, cosmétiques). La consommation Cela permet d’aborder la question des motivations des consommateurs bios. Les consommateurs « historiques » des années 70-80 consommaient des produits bios par « philosophie de vie ». Les crises alimentaires des années 90 (dioxine dans les œufs et produits laitiers, vache folle) on fait prendre conscience à un grand nombre de consommateurs de certaines dérives de l’agro-industrie mais aussi du fait que la santé se gérait aussi dans l’assiette. Nombre d’entre eux ce sont alors progressivement tournés vers les produits bio dans le but de préserver leur santé, qui est aujourd’hui la principale motivation d’achat et de consommation des produits bio. On pourrait assister dans les prochaines années à une troisième vague de nouveaux consommateurs, qui auraient comme motivation supplémentaire la préservation de l’environnement qui devient un thème majeur du marketing. 3 Moringa et autres végétaux à fort potentiel nutritionnel : Stratégies, normes et marchés pour un meilleur impact sur la nutrition en Afrique. Accra, Ghana, 16-18 novembre 2006 Le différentiel de prix qui demeure entre les produits bio et les produits conventionnels (en moyenne de 20 à 40%) reste néanmoins aujourd’hui un frein au développement du marché même si l’alimentation ne pèse plus qu’une part modeste (15-18%) dans les dépenses des ménages européens. Aussi les produits bio sont avant tout achetés par les ménages aux revenus aisés, de taille réduite et souvent relativement âgés (la cinquantaine). Une tendance nouvelle se dégage cependant chez les jeunes parents, qui sont de plus en plus nombreux à acheter des produits bios pour la consommation de leurs enfants. LE COMMERCE EQUITABLE L’objectif du commerce équitable est de favoriser le développement économique et social en rééquilibrant les relations entre les acteurs d’échanges commerciaux dont les poids économiques, et par conséquent les pouvoirs de négociation sont très déséquilibrés. Définition Le Commerce Équitable est un partenariat commercial, technique et social, fondé sur la transparence, le respect et le dialogue. Il agit au bénéfice des producteurs désavantagés et des travailleurs ainsi que de leurs familles, dans les pays en développement. Le commerce équitable vise l’équité dans les relations commerciales et s'inscrit dans un processus de développement durable. LES PRINCIPES Il s’appuie sur quelques principes incontournables: • • • • • • Entretenir des relations durables pour permettre une dynamique de développement, Travailler avec des petits producteurs ou des producteurs défavorisés, Garantir un prix d’achat minimum satisfaisant aux besoins élémentaires des travailleurs et producteurs, Refuser l’esclavage, le travail forcé et l’exploitation des enfants, Favoriser des productions respectant l’environnement, Assurer une transparence de fonctionnement. Il implique : Le respect d’un ensemble d’engagements impératifs Les critères de progrès (organisation participative, le respect, l’élimination du travail des enfants, la valorisation du potentiel local,…) Le monde du commerce équitable est moins organisé que le monde de l’agriculture biologique pour la raison simple qu’il n’y a pas, à ce jour de réglementation fixant les règles du jeu. Un petit rappel historique : Apparu à la fin des années 1960 aux Pays-Bas, le Commerce Équitable s’est progressivement étendu à toute l’Europe. Quelques repères : 4 Moringa et autres végétaux à fort potentiel nutritionnel : Stratégies, normes et marchés pour un meilleur impact sur la nutrition en Afrique. Accra, Ghana, 16-18 novembre 2006 1964 : Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement 1968 : Nouvelle conférence à New Delhi 1970 : 120 boutiques vendent les produits du Tiers monde 1973 : Véritable démarrage avec la vente du café ‘Indio’ en provenance des coopératives du Guatemala. 1988 : Attribution d’un « label Fair Trade » avec un café sous le nom de Max Havelaar. Courants fondateurs du Commerce Équitable • Humaniste / Religieux : Après guerre, influence des courants philosophiques ou religieux : respect de la dignité humaine, lutte contre la pauvreté. Implication des ONG et églises, en particulier l'église protestante dans les pays d'Europe du Nord (Hollande, Suisse, Angleterre, Allemagne) et aux États-unis (Mennonites). Volonté d'aider les plus pauvres et les exclus. Pas d'activisme militant. • Tiers-Mondiste : Dans les années 1960, fondement idéologique et politique : lutte contre l'échange inégal et l'exploitation du prolétariat. Courant d'ONG, syndicats, partis politiques. Implication de groupes militants " de gauche " en Europe, critique virulente du système libéral et du libre-échangisme, mais mouvement limité à des groupes militants. • Développement durable : Apparition dans les années 1990, fondement économique, social et environnemental : Acceptation du mouvement de mondialisation mais désir d'y intégrer un développement plus harmonieux et le respect de l'équilibre social, économique et environnemental. Mouvement plus consensuel, rassemblant associations, entreprises, institutions nationales et internationales et extension à l'ensemble du public. Chacune de ces sensibilités à donné naissance à une multiplicité démarches distinctes, mises en œuvre par des acteurs différents, disposant de référentiels propres…. Les tensions ne sont pas rares. Les principaux mouvements du Commerce Équitable IFAT : Fédération internationale du commerce alternatif regroupe quelques acteurs FINE regroupe les structures FLO, IFAT, NEWS et EFTA. Son rôle est d’homogénéiser les procédures et ‘certifier’ les coopératives. FLO (Fair trade Labelling Organisation) : Une organisation internationale, créée en 97, coordonne certaines démarches / labels dits de ‘commerce équitable’. Trois associations (Transfair, Fairtrade, MH) se sont regroupées au sein de FLO pour avoir des actions communes. Elles travaillent au développement d’un ‘label’ international de commerce équitable. Les principaux acteurs - les ONG Les ONG ont compris que le Commerce Équitable pouvait répondre aux quatre grands enjeux planétaires pour lesquels elles s’investissent souvent : * Protection et conservation des écosystèmes * Justice sociale * Responsabilité économique 5 Moringa et autres végétaux à fort potentiel nutritionnel : Stratégies, normes et marchés pour un meilleur impact sur la nutrition en Afrique. Accra, Ghana, 16-18 novembre 2006 * L'éradication de la pauvreté. Elles sont aujourd’hui très présentes dans de nombreux programmes de commerce équitable. - Les entreprises Le commerce équitable est un acte de commerce. Et cet acte de commerce ne peut pas être le seul fait des ONG mais doit prendre en compte l’engagement des entreprises. Aujourd’hui de nouvelles organisations qui placent les acteurs économiques au cœur de la démarche, ont une action différente qui s’inscrit dans une logique de développement économique durable. Elles accompagnent des entreprises profondément responsabilisées, dans la mise en place d’actions et d’engagements qui sous-tendent la démarche de Commerce Équitable. - les associations possédant un cahier des charges, une marque, ou un « label » L’absence de réglementation nationale ou internationale fait qu’à ce jour ce sont le plus souvent des associations qui gèrent l’attribution des marques de reconnaissance du commerce équitable. Elles rédigent leurs propres cahiers des charges, définissent les procédures de contrôle, attribuent une marque, parfois qualifiée de « label », dont elles gèrent la communication. La diversité et la multiplicité des approches font qu’il est urgent que les pouvoirs publics s’emparent de se dossier afin de garantir au consommateur les critères retenus sous le vocable « commerce équitable » Il existe peu de chiffres globaux récents sur le commerce équitable. Selon le rapport Fair Trade (99), le volume des produits faisant l’objet du commerce équitable s’élevait à peine à 0,1% du commerce européen avec le Tiers Monde. En 2002, d'après FLO, 60 000 tonnes de produits alimentaires "labellisés" ont été commercialisés soit une augmentation de plus de 21% par rapport à l'année précédente. En France 2240 tonnes ont été commercialisées en 2002. Les produits alimentaires représentent +/- 60% du Chiffre d'affaires du Commerce Equitable. L’Europe est la principale destination des produits issus du commerce équitable. Ainsi, sur les 58 000 tonnes de produits alimentaires équitables qui sont exportés à travers le monde, 22 000 le sont à destination de l’Europe. Près de 80% de la production de café équitable y est aussi distribuée. Les meilleurs élèves » Les leaders de la consommation équitable sont : le marché suisse où 47% des bananes vendues sont issues du commerce équitable, le marché néerlandais, le marché britannique où les ventes de café équitable ont atteint près de 50 millions de livres en 2004, soit 71,7 millions d’euros, le marché autrichien où, du fait d’une importante médiatisation, le café biologique équitable représente 70% de ce marché. Une consommation en plein essor Déjà en 2002, la consommation de produits « labellisés » explose dans certains pays comme la Suisse, atteignant 10,16 € par an et par habitant. En 2005, ce chiffre progresse encore et atteint 18 € par an et par habitant. La France, classée dans les « mauvais élèves » avec une consommation faible de 1,20 € par an et par habitant en 2005, rattrape peu à peu son retard. 6 Moringa et autres végétaux à fort potentiel nutritionnel : Stratégies, normes et marchés pour un meilleur impact sur la nutrition en Afrique. Accra, Ghana, 16-18 novembre 2006 Par exemple, la consommation de café portant le logo Max Havelaar a presque doublé chaque année depuis 5 ans, passant de 495 tonnes en 2000 à 3 860 tonnes en 2004. Comme pour les produits bio la distribution des produits du commerce équitable est sorti des circuits alternatifs (Oxfam, Artisans du Monde) et bio pour investir les linéaires de la grande distribution. On assiste à un véritable phénomène de mode dont sont se emparés les distributeurs. CONCLUSIONS Les marchés bio et du commerce équitable peuvent constituer une bonne opportunité pour introduire le moringa sur les marchés des pays à économie développée qui ne connaissent pas les mêmes problèmes de malnutrition que ceux que l'on peut rencontrer dans les pays ACP (mais qui en connaissent d'autres) les systèmes de production actuels du moringa sont en cohérence avec les règles de certification pour ces marchés • ce sont des marchés qui savent travailler avec des quantités réduites et des petites entreprises • les consommateurs de ces produits ont une grande sensibilité par rapport aux qualités nutiritionnelles de leurs aliments • ces sont des marchés en très fort développement et à la recherche de diversification de gamme Il y a néanmoins à ce jour un obstacle important à lever : le moringa ne dispose pas encore, en tous cas pour le marché européen, d'autorisation de mise en marché. • 7