Point juridique sur les chemins ruraux

Transcription

Point juridique sur les chemins ruraux
Compte rendu de la réunion téléphonique du 29 avril 2010
Point juridique sur les chemins ruraux
Compte rendu de la réunion téléphonique juridique du 29 avril 2010 – Point juridique sur les chemins ruraux
– Mairie-conseils Caisse des dépôts – Téléchargeable en ligne sur www.mairieconseils.net Rubrique
Ressources, Comptes rendus.
1
LISTE DES PARTICIPANTS
Structures inscrites
Communauté de communes
Fave Et Meurthe
Dép
88
Commune
d'Etrepilly
Commune
de Neuville
63
Communauté d'agglomération
Maubeuge Val De Sambre
59
Commune
de Chomelix
43
Communauté de communes
Provence Luberon Durance
84
Commune
de Lannemaignan
32
Communauté de communes
Fave Et Meurthe
88
77
Commune
de Vescovato
20
Commune
de Machezal
42
Parc Naturel Régional
du Vexin Français
95
Commune
de Xivray Et Marvoisin
55
Communauté de communes
du Lautrécois
81
Communauté de communes
Eyrieux Aux Serres
7
Commune
de Nohant Vic
36
Commune
de Saint-Rome-De-Cernon
12
Ville
de Poissy
78
COMPTE RENDU
Intervention juridique de Benjamin ROUGERON et David LEGROS, experts au service
de renseignements téléphoniques de Mairie-conseils.
Réunion organisée avec le concours d’Isabelle FARGES, consultante en développement
territorial, expert associé à Mairie-conseils.
L’intervention se compose de cinq parties :
•
Définition et caractéristiques techniques des chemins ruraux
•
L’exercice des pouvoirs de police sur les chemins ruraux
• Les droits et obligations des riverains
•
L’entretien des chemins ruraux
•
Le régime des décisions de création, modification, suppression et vente des
chemins ruraux
Abréviations utilisées :
•
Cass. : Cour de cassation
•
CE : Conseil d’Etat
•
TC : Tribunal des conflits
•
CAA : Cour administrative d’appel
•
RM : Réponse ministérielle
•
CGCT : Code général des collectivités territoriales
•
CVR : Code de la voirie routière
Compte rendu de la réunion téléphonique juridique du 29 avril 2010 – Point juridique sur les chemins ruraux
– Mairie-conseils Caisse des dépôts – Téléchargeable en ligne sur www.mairieconseils.net Rubrique
Ressources, Comptes rendus.
2
Benjamin ROUGERON, Service de Renseignements téléphoniques de MairieConseils.
Nous n’aborderons pas aujourd’hui, ou de manière très succincte, les questions de
transfert de compétence. Mais, dès lors qu’un transfert de compétence chemins ruraux
en particulier, ou voirie de manière générale, intervient, des questions se posent pour
l’entretien, par exemple, qui seront examinées dans les mêmes termes bien sûr, par les
EPCI chargées de ces compétences.
Un point historique
Aux prémices de la Révolution, les cahiers de doléances qui avaient été produits par
les Français en 1787 et 1788 avaient réclamé la construction d’un réseau secondaire,
pour irriguer le pays. Le peuple avait constaté que de grands travaux de routes royales
e
avaient été entrepris au XVIII siècle, et qu’il était nécessaire de passer à une étape de
réseaux secondaires.
Cela a été entériné plus tard par une loi datant de 1824, qui a prévu que les chemins
reconnus par un arrêté du préfet sur délibération du conseil municipal, pour répondre à la
communication des communes, sont à la charge de celles sur le terrain desquelles ils
sont établis.
Une loi du 21 août 1981, importante sur les chemins vicinaux a marqué la naissance
d’une nouvelle organisation des voies secondaires. Puis, une loi du 20 août 1881 a
e
consacré la catégorie des chemins ruraux en tant que tels. Ensuite, au XX siècle, une
ordonnance de 1959 établit très expressément pour la première fois la distinction entre
les voies communales, qui font partie du domaine public, et les chemins ruraux, qui font
partie du domaine privé. Finalement, on aboutit à une loi de 1992 qui consacre la partie
législative du nouveau Code rural et entérine le régime juridique actuel des chemins
ruraux. Désormais, il faut faire référence aux articles L.161-1 et suivants, et R.161-1 et
suivants du Code rural. La France compte aujourd’hui environ 750 000 kilomètres de
chemins ruraux, un réseau considérable par rapport à des pays de taille comparable.
Définition et caractéristiques techniques des chemins ruraux
La définition des chemins ruraux est apportée à l’article L.161-1, qui dispose que les
chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l’usage public,
qui n’ont pas été classés comme voie communale. Ils font partie du domaine privé de la
commune.
Les deux premières conditions, à elles seules, suffiraient à faire de ces voies des voies
du domaine public. Elles appartiennent aux communes et sont affectées à l’usage du
public. Mais il se trouve que la loi en décide autrement, puisque d’autorité, elle dispose
que ces chemins font partie du domaine privé de la commune. Ces conditions sont
importantes, puisque la propriété de la commune distingue ces chemins ruraux, d’une
part les chemins d’exploitation qui servent exclusivement à la communication ou à
l’exploitation de fonds privés et qui sont présumés appartenir aux riverains. Et cela les
distingue également des autres voies qui appartiennent à des particuliers, même si elles
sont ouvertes à la circulation publique.
L’article L.161-2 établit que l’affectation à usage du public est présumé, notamment par
l’utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de
surveillance ou de voirie de l’autorité municipale. Il existe un principe de présomption
d’affectation à l’usage du public. Un certain nombre d’éléments de fait sont vérifiée par
le juge en cas de contentieux. Par exemple, la destination du chemin, qui est de
satisfaire les intérêts généraux, peut être un élément de présomption (Cass. 2 mai 1888,
Passeguay). Une circulation exercée par la généralité des habitants est également la
preuve d’une utilisation comme voie de passage (Cass. 26 septembre 1982, Sté
Nadaud c/ consorts Theillout).
Des exemples concrets, issus de la jurisprudence. Si des barrières amovibles sont
posées aux deux extrémités d’un chemin surveillé et entretenu par la commune, cela ne
touche pas à priori l’affectation présumée, même si de non-riverains y font parfois passer
Compte rendu de la réunion téléphonique juridique du 29 avril 2010 – Point juridique sur les chemins ruraux
– Mairie-conseils Caisse des dépôts – Téléchargeable en ligne sur www.mairieconseils.net Rubrique
Ressources, Comptes rendus.
3
du bétail (CE 30 octobre 1981 époux Charles Gorse) . De la même manière, si une
fermeture transitoire du chemin est décidée, pour des raisons de sécurité, cela n’aboutit
pas à faire disparaître cette présomption.
En revanche, si la fermeture conduit à ce que le chemin ne desserve que quelques
héritages et ne soit utilisé que par ces propriétaires, l’affectation à usage du public n’est
pas retenue (CE 13 octobre 1989 ville de Champagnat).
Le juge vérifiera si des actes réitérés de surveillance et de voirie sont régulièrement
effectués sur ce chemin (délivrance de permis de voirie par le maire, travaux d’entretien
par la commune, sanction des dégradations et des usurpations ...). Tous ces éléments
matériels peuvent conduire à considérer qu’il s’agit bien d’un chemin rural.
Il est à noter que l’alinéa 2 de cet article prévoit que l’inscription d’un chemin sur le
plan départemental des itinéraires de promenades et de randonnée, définit de fait la
destination du chemin.
Troisième condition, les chemins ne doivent pas avoir été classés comme voies
communales. Le classement dans la voirie communale, qui implique l’appartenance au
domaine public, suppose un acte intervenu depuis la loi du 20 août 1981. Les actes de
classement qui étaient intervenus antérieurement étaient établis sous réserve des droits
des tiers. L’article 9 de l’ordonnance du 7 janvier 1959 a prévu que n’auraient la
nature de voies communales que ceux, parmi les chemins ruraux, qui seraient dans un
délai de six mois à compter de ce texte, incorporés dans la voie communale. Un chemin
rural ne peut être qualifié de tel que s’il n’a pas appartenu auparavant à la catégorie de
voie urbaine et s’il n’a jamais fait l’objet d’une décision d’incorporation dans la voirie
communale par la commune (TC 6 novembre 1967, commune de Bléneau c/ Chaput).
Une précision, rappelée par le Conseil d’État, est qu’un chemin situé dans une zone
urbanisée d’une commune, et qui a l’aspect d’une rue, n’est pas un chemin rural (CE 19
mai 1976, Sté coop. La Léonarde).
Un autre article du Code rural est important. L’article L. 161-6, prévoit que le conseil
municipal peut, sur délibération, incorporée à la voirie rurale, sur proposition du bureau
de l’association foncière ou de l’assemblée générale de la société syndicale, les chemins
créés en application des dispositions sur les travaux connexes d’amélioration foncière,
(qui ont pour but de permettre de meilleures conditions d’exploitation et de desserte des
terres remembrées), et également les chemins d’exploitation qui sont ouverts par des
associations syndicales autorisées.
David LEGROS, Service de Renseignements téléphoniques, Mairie-Conseils
On nous demande fréquemment au service ce qu’il convient de faire lorsqu’aucun acte
dans les archives communales ne permet de savoir si une voie appartient à la
commune ou à un privé.
Benjamin ROUGERON
Beaucoup de communes connaissent des difficultés à vérifier la propriété de voies dans
leurs archives. Parfois, le cadastre n’est pas très clair. La loi établit une autre
présomption. L’article L.161-3 dit que « tout chemin affecté à l’usage du public est
présumé, jusqu’à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de
laquelle il est situé ».
C’est au propriétaire, en général propriétaire privé, qui revendique la propriété d’un
chemin affecté à la circulation générale, de renverser la présomption. C’est lui qui doit
apporter la preuve, par un titre ou par des éléments permettant d’établir une prescription
ère
acquisitive, de sa propriété sur ce chemin (Cass. civ.1 20 mai 1957 ; 27 février 1961).
C’est le Tribunal d’Instance qui est compétent pour connaître de ces litiges relatifs aux
revendications de propriété (art. L 161-4 et R 161-28 du code rural).
Avant que des recours soient engagés, à l’initiative de privés, vous pouvez, de votre
côté, constituer un faisceau d’indices en contactant certains organismes :
•
Le Bureau des hypothèques,
•
Le service de France Domaine,
•
La DDT, qui a succédé aux DDE et DDA,
Compte rendu de la réunion téléphonique juridique du 29 avril 2010 – Point juridique sur les chemins ruraux
– Mairie-conseils Caisse des dépôts – Téléchargeable en ligne sur www.mairieconseils.net Rubrique
Ressources, Comptes rendus.
4
•
La préfecture,
•
Le service du cadastre,
•
Les cartes IGN, parfois très précises à ce sujet.
Vous pourriez mettre ce faisceau d’indices en avant à l’occasion d’un recours, mais la
charge de la preuve incombe au demandeur qui revendique la propriété d’un chemin.
ème
La prescription acquisitive est admise sur un chemin rural (Cass. Civ.3
10 février
2004, commune de Villard-Sallet), à condition que la personne apporte la preuve d’une
possession continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de
propriétaire, en vertu de l’article 2261 du code civil. Ce n’est pas toujours simple à
démontrer. La plupart du temps, il est important de se fonder sur les témoignages
publics, ou sur des éléments matériels. La commune peut interrompre ce délai de
prescription trentenaire, mais uniquement par la voie d’une citation en justice délivrée par
huissier visant à empêcher le propriétaire de prescrire.
Il est à noter également que le droit de propriété de la commune ne peut pas
ème
s’éteindre par le seul non-usage d’un chemin abandonné (Cass. civ.3
26
septembre 2001, n°00-10307 ). Un chemin qui n’est plus entretenu, et même
véritablement abandonné par la commune, si aucun propriétaire n’en revendique la
propriété, demeure juridiquement un chemin rural.
Lorsqu’un chemin rural est irrégulièrement occupé, il existe une atteinte au droit de
propriété communale. La commune peut revendiquer la propriété du chemin sans délai,
devant le juge judiciaire, en s’appuyant sur les documents d’arpentage et plans
parcellaires, sans préjudice d’éventuelles mesures provisoires qui pourraient être prises
par le maire, et motivées par l’urgence. Ces mesures sont prises sur sommation
administrative. Vous devez obligatoirement mettre en demeure le propriétaire de mettre
fin à cette occupation irrégulière, et les instructions (circulaire interministérielle du 18
décembre 1959) recommandent de ne procéder, après sommation, à des mesures
d’exécution d’office risquant de porter atteinte à des droits ou à des biens, que si des
circonstances exceptionnelles le justifient, et de veiller à donner à ces mesures un
caractère provisoire et strictement conservatoire.
Par exemple, si un agriculteur a placé des bottes de paille sur un chemin qui gênent la
circulation, et qui peuvent même être dangereuses pour la sécurité des usagers, le maire
peut le mettre en demeure de retirer ses bottes de paille, puis remédier d’urgence à cela
(art. D 161-11 du code rural).
En revanche, s’il s’agit d’une occupation touchant à l’emprise de la chaussée, mais ne
mettant pas en péril la sécurité publique, par un déplacement des bornes par exemple, la
mise en demeure reste nécessaire, mais seul le juge pourrait ensuite ordonner les
mesures nécessaires.
Les caractéristiques techniques des chemins ruraux, prévues dans les articles D
161-8 et 161-9 du code rural.
Parmi les dispositions les plus importantes, les caractéristiques techniques générales
des chemins ruraux sont fixées de manière à satisfaire, suivant les conditions imposées
par la géographie des lieux et les structures agraires, à la nature et à l’importance des
divers courants de desserte des terres et bâtiments d’exploitation, tels qu’ils peuvent être
déterminés dans le cadre d’une prévision d’ensemble des besoins de la commune,
compte tenu des cultures pratiquées et des matériels utilisés. C’est le principe général.
Un exemple concret, prévu par le texte. Sauf circonstances particulières, appréciées
par le conseil municipal sur délibération motivée, aucun chemin rural ne doit avoir une
largeur de plate-forme supérieure à 7 mètres, et une largeur de chaussée
supérieure à 4 mètres. Par contre, c’est rappelé par le texte et confirmé par des
réponses ministérielles (RM n° 10235 JO Sénat du 19 novembre 2009 ), des surlargeurs
doivent être aménagées à intervalles plus ou moins rapprochés, pour permettre le
croisement des véhicules et matériels, lorsque, sur des sections données, la nature du
trafic le justifie. Des dimensions supérieures à celles fixées réglementairement peuvent
être adoptées en cas de circonstances particulières appréciées par le conseil municipal.
Compte rendu de la réunion téléphonique juridique du 29 avril 2010 – Point juridique sur les chemins ruraux
– Mairie-conseils Caisse des dépôts – Téléchargeable en ligne sur www.mairieconseils.net Rubrique
Ressources, Comptes rendus.
5
Questions des participants
Un participant
Nous avons un chemin inscrit au PDIPR, occupé illégalement par un agriculteur.
J’aimerais savoir la conduite à tenir pour lancer une action.
Benjamin ROUGERON
La conduite à tenir est la même, sans préjudice des éventuels pouvoirs du conseil
général sur ces chemins, puisque c’est lui qui a l’initiative de l’inscription. Malgré tout, en
tant que maire, la commune restant propriétaire de ces chemins, les pouvoirs de police
dont vous disposez restent inchangés (art. L 361-1 du code de l’environnement). S’il
existe une occupation irrégulière d’une voie rurale, vous devez mettre en demeure
le propriétaire récalcitrant de mettre fin à cette occupation. Et s’il ne donne pas suite,
il convient de saisir le juge judiciaire, qui ordonnera les mesures à prendre.
David LEGROS
Les communes peuvent-elles elles-mêmes fixer un tarif d’occupation du domaine
public ?
Benjamin ROUGERON
Il ne s’agit pas en l’espèce du domaine public. Nous n’évoquons pas aujourd’hui les
voies communales, mais les chemins ruraux. C’est la raison pour laquelle vous avez
moins de moyens d’action que pour les voies communales. Pour les voies communales,
faisant partie du domaine public, vous pourriez instituer, notamment des sanctions
pécuniaires pour occupation illégale. Concernant les chemins faisant partie du domaine
privé de la commune, vous n’avez pas ces moyens d’action. C’est bien le juge
judiciaire qui a une compétence d’office en la matière. Vous ne pouvez prendre que
des mesures conservatoires, qui seraient motivées par une urgence impérieuse.
Une participante
Lorsque l’on parle de prescription acquisitive, un chemin non entretenu par la
commune depuis plus de trente ans, d’office, ne devient-il pas la propriété du
riverain qui l’a accaparé ?
Benjamin ROUGERON
D’office, non. Le Conseil d’État et la Cour de cassation le rappellent. Il faut qu’il existe
une action d’un riverain revendiquant une prescription acquisitive pour que cela
aboutisse à un transfert de propriété. Mais c’est le juge qui décide ce transfert de
propriété, à l’appui des éléments apportés par le propriétaire.
Une participante
A l’inverse, si une commune voulait se débarrasser d’un chemin rural, pour
justement ne pas avoir à le rouvrir, ne peut-on pas aller dans l’autre sens ?
Benjamin ROUGERON
Dans ce cas, vous pouvez procéder à une suppression de ce chemin ou bien à une
vente.
Une participante
Le fait de labourer ce chemin est-il une action positive ?
Benjamin ROUGERON
Labourer un chemin est une action proscrite par l’article D 161-14, 3°, du code rural .
Une action positive consiste à ne pas nuire à la conservation du chemin. Si une
personne, en labourant, fait de ce chemin une parcelle agricole, cela doit être sanctionné.
Si cela n’est pas fait, alors la prescription acquisitive peut être invoquée au terme du délai
légal.
Compte rendu de la réunion téléphonique juridique du 29 avril 2010 – Point juridique sur les chemins ruraux
– Mairie-conseils Caisse des dépôts – Téléchargeable en ligne sur www.mairieconseils.net Rubrique
Ressources, Comptes rendus.
6
Une participante
Un chemin accaparé par un riverain, possédant des parcelles de chaque côté et qui a
mis une clôture, cela constitue-t-il un point positif ?
Benjamin ROUGERON
Il existe dans ce cas également d’une prise de possession irrégulière d’une propriété
communale. La commune est en droit, à tout moment, de mettre en demeure le
propriétaire d’agir, par citation en justice, ce qui interrompt le délai de prescription.
Une participante
La prescription maintenant est éteinte, puisque cela a été fait il y a trente ans.
Benjamin ROUGERON
Si la commune n’a rien fait pendant ces trente années, le riverain peut considérer,
en apportant tous les éléments de preuve devant le juge, qu’il en est désormais
propriétaire, parce qu’il se serait comporté comme tel pendant une durée continue de
trente ans. C’est la raison pour laquelle il est important d’être vigilant lorsque vous avez
connaissance d’actions de dépossession de propriété, avant de prendre les mesures
nécessaires, d’abord parce que ça interrompt le délai de prescription et ensuite, parce
que cela peut conduire le juge à ordonner les mesures qui s’imposent.
Un participant
Quand un agriculteur laboure un chemin communal, si le conseil municipal ne fait rien, et
que le maire ne fait pas son devoir de police, des tiers peuvent-ils faire un recours ?
Benjamin ROUGERON
La constatation de l’infraction relève de la compétence du maire. Des tiers peuvent faire
un recours qui pourrait mettre en jeu la responsabilité de la commune pour un défaut
d’entretien normal. Si l’ouvrage public n’est pas conforme à sa destination, un tiers ou un
usager de cette voie peut intenter une action devant le juge administratif, contre la
commune.
L’exercice des pouvoirs de police sur les chemins ruraux
Les pouvoirs de police, qui relèvent de la compétence du maire sont rappelés à l’article
L.161-5 du code rural. L’autorité municipale est chargée de la police et de la
conservation des chemins ruraux. La responsabilité juridique incombe au maire. Elle
ne peut pas être confiée à un tiers, par exemple les Ponts et chaussées (CE 7 novembre
1980).
Le chemin rural est ouvert à la circulation publique ; cela emporte un certain nombre
de conséquences. Le maire peut faire appliquer, s’il estime que les circonstances le
justifient, les articles généraux du code général des collectivités territoriales, à savoir
les articles L.2213-1 et L.2213-4. Il pourra s’agir notamment de mesures de restriction
ou d’interdiction de circulation, des permissions de voirie, la mise en place d’une
signalisation appropriée. Le maire peut par exemple interdire la circulation aux 4 x 4
sur une partie non goudronnée (CE 24 septembre 2002, Fougerouse). Si le chemin est
inclus dans un PDIPR, des restrictions ou des interdictions de circulation peuvent être
motivées par le souci de préserver le caractère sensible de l’espace naturel ou son
intérêt écologique (CAA Lyon 10 février 2005, Decroix). Les services de la voirie
devront mettre en place la signalisation routière appropriée, qui de même nature que
pour les autres voies publiques (art. L 161-13 du code rural qui renvoie à l’art. L 113-1
du CVR).
L’article L. 5211-9-2 du CGCT prévoit que lorsqu’un EPCI à fiscalité propre est
compétent en matière de voirie, les maires des communes membres peuvent
transférer au président de cet établissement tout ou partie des prérogatives qu’il
détiennent en matière de circulation et de stationnement.
Compte rendu de la réunion téléphonique juridique du 29 avril 2010 – Point juridique sur les chemins ruraux
– Mairie-conseils Caisse des dépôts – Téléchargeable en ligne sur www.mairieconseils.net Rubrique
Ressources, Comptes rendus.
7
Ce texte, issu d’une loi de 2004, et encore peu appliqué, établit un principe de transfert,
total ou partiel, des compétences des pouvoirs de police de la circulation. Cela doit être
décidé par le préfet sur proposition d’un ou plusieurs maires concernés, et ensuite
subordonné à l’accord des maires de toutes les communes membres. Peu de maires
acceptent de se déposséder de leur pouvoir de police de la circulation. Seules peuvent
être déléguées au profit de l’EPCI les prérogatives de police spéciales, que le maire
détient en matière de circulation et de stationnement ; alors que tout ce qui intéresse la
sûreté et la commodité du passage, le balayage, le déneigement, le nettoiement, relève
des pouvoirs de police générale du maire et ne peut pas en principe faire l’objet d’un
transfert au profit de l’EPCI.
Le transfert de la compétence voirie (art. L 5214-16, II, 3°, du CGCT ) ne peut pas avoir
pour conséquence de confier à deux personnes publiques distinctes les dépenses
d’investissement et de fonctionnement afférentes à l’exercice d’une même compétence
(circulaire du ministère de l’Intérieur du 23 novembre 2005).
Pour des compléments d’information, vous pouvez vous référer aux RM n°52821 JOAN
du 5 avril 2005 et n° 26212 JOAN du 21 avril 2009 .
Sur la question de la conservation du chemin, le maire, là aussi dans le cadre de ses
pouvoirs de police, peut prendre des sanctions pour préserver l’intégrité de l’assiette des
chemins ruraux et de leurs dépendances. Ces mesures sont bien sûr prises sous le
contrôle du juge administratif. Le maire peut s’appuyer sur deux articles spécifiques, les
articles D.161-10 et D. 161-11 du code rural, qui disposent respectivement que, dans le
cadre des pouvoirs de police, le maire peut d’une manière temporaire ou permanente
interdire l’usage de tout ou partie du réseau des chemins ruraux aux catégories de
véhicules et de matériels dont les caractéristiques sont incompatibles avec la constitution
de ces chemins, et notamment avec la résistance et la largeur de la chaussée ou des
ouvrages d’art. Les mesures provisoires de conservation du chemin exigées par les
circonstances sont prises, sur simple sommation administrative, aux frais et risques de
l’auteur de l’infraction et sans préjudice des poursuites qui peuvent être exercées contre
lui.
Un dispositif original : les contributions spéciales.
Ce dispositif est intéressant à plus d’un titre, car il permet aux communes d’imposer
aux entrepreneurs ou aux propriétaires des véhicules responsables de la
détérioration anormale des voies, une contribution spéciale proportionnée à la
dégradation causée.
L’article L.161-8 du code rural renvoie expressément à un article du code de la voirie
routière, l’article L 141-9, qui s’applique aux voies communales et est donc
transposable aux chemins ruraux. Il dispose que toutes les fois qu’une voie communale
entretenue à l’état de viabilité est habituellement ou temporairement, soit empruntée par
des véhicules dont la circulation entraîne des détériorations anormales, soit dégradée par
des exploitations de mines, de carrières, de forêts ou de tout autre entreprise, il peut être
imposé aux entrepreneurs ou propriétaires des contributions spéciales, dont la quotité est
proportionnée à la dégradation causée.
Ces contributions peuvent être acquittées en argent ou en prestation en nature et faire
l’objet d’un abonnement. À défaut d’accord amiable, elles sont fixées annuellement sur
la demande des communes par les tribunaux administratifs, après expertise, et
recouvrées comme en matière d’impôts directs.
La dégradation doit être effective et présenter un caractère anormal, c’est-à-dire
entraîner des dépenses de remise en état supérieures à celles nécessaires à l’entretien
d’une chaussée, qui serait soumise à l’usage normal et habituel pour lequel elle est
conçue.
Des listes très concrètes de faits matériels qui ne peuvent pas être entrepris sur un
chemin rural, ou qui peuvent nuire à un chemin rural sont dressées aux articles D.16114 à D.161-19 du code rural.
Quelques exemples :
Il est expressément fait défense de nuire aux chaussées, notamment de faire sur
l’emprise de ces chemins des plantations d’arbres, de mutiler les arbres plantés sur ces
chemins, de les dépaver, ou bien encore de détériorer les talus et accotements, etc., etc.
Compte rendu de la réunion téléphonique juridique du 29 avril 2010 – Point juridique sur les chemins ruraux
– Mairie-conseils Caisse des dépôts – Téléchargeable en ligne sur www.mairieconseils.net Rubrique
Ressources, Comptes rendus.
8
Nul ne peut également, sans autorisation délivrée par le maire, faire aucun ouvrage sur
les chemins ruraux, et notamment ouvrir sur le sol de ces chemins ou de leurs
dépendances, aucune fouille ou tranchée, ou enlever de l’herbe, de la terre, du gravier et
y faire aucun dépôt de quelque nature que ce soit.
C’est tout un arsenal qui permet aux officiers de police judiciaire, les maires et leurs
adjoints, de dresser des procès-verbaux. Toutes ces infractions sont instruites dans le
cadre du code de procédure pénale
Questions des participants
David LEGROS
Une question nous a été transmise sur la possibilité de mettre en œuvre un système de
dépôt de garantie pour l’usage des chemins par les forestiers.
Benjamin ROUGERON
Il est possible de mettre en œuvre un système de dépôt de garantie mais il faut être
vigilant. Vous pouvez mettre en place des conventions de règlement amiable ou
d’abonnement, visant à anticiper les dégradations, sachant que certaines entreprises
savent les déprédations qu’elles risquent de causer
Par contre, la délivrance d’autorisations d’exploitation ne peut pas être subordonnée à un
versement forfaitaire fixé avant la mise en route, ou à un droit de péage. Ce serait illégal
(circulaire du ministère de l’Intérieur n°78-312 du 22 août 1978). J’insiste également
sur le fait que, puisque ces contributions sont fixées annuellement, l’administration doit
au plus tard formuler sa requête dans l’année qui suit celle au cours de laquelle les
dégradations ont été constatées, ou au moins avoir engagé des pourparlers en vue d’un
règlement amiable (CE 11 février 1965, raffineries Say). Un accord amiable peut être
recherché avant de saisir, le cas échéant, le tribunal administratif, qui serait compétent
en la matière (TC 19 novembre 2007, commune de Chars).
Un autre moyen d’agir, consiste à mettre en œuvre l’action responsabilité délictuelle
fondée sur l’article 1382 du Code civil ; le recours serait alors porté devant le juge
judiciaire. Enfin, les contraventions de voirie routière ne sont pas applicables aux
chemins ruraux, car ceux-ci ne font pas partie du domaine public.
Une participante
Peut-on trouver des exemples de ce type de conventions amiables ?
Benjamin ROUGERON
Vous pourriez peut-être trouver des éléments auprès de l’Association des Maires de
France ou de votre DDT. Cette pratique implique de connaître parfaitement les
entreprises du secteur (gabarits des camions utilisés...) et d’anticiper des dégradations
possibles. Une commune ou un gestionnaire qui connaîtrait parfaitement la nature de la
circulation sur telle ou telle voie peut mettre en place une telle convention.
Une participante
Pour nous, c’est facile d’anticiper dans la mesure où c’est déjà arrivé cette année. Nous
avons pu évaluer exactement le coût des travaux nécessaires à la remise en état du
chemin, qui peut nous servir de base.
Benjamin ROUGERON
Vous pouvez vous appuyer sur des précédents en effet. Si le chemin est toujours
pratiqué par les mêmes entreprises, vous pouvez vous appuyer sur les dégradations
constatées par le passé.
Un participant
Je pense que c’est peu pratiqué mais je connais un exemple d’une commune qui
pratique le dépôt de garantie pour les exploitants forestiers. Cette commune s’appelle
Chateldon.
Compte rendu de la réunion téléphonique juridique du 29 avril 2010 – Point juridique sur les chemins ruraux
– Mairie-conseils Caisse des dépôts – Téléchargeable en ligne sur www.mairieconseils.net Rubrique
Ressources, Comptes rendus.
9
Droits et obligations des riverains
J’ai retenu trois droits des riverains :
•
Le droit d’accès. La qualité de riverain d’une voie publique implique le droit pour lui
d’accéder à cette voie (CE 19 janvier 2001, département de Tarn-et-Garonne, n°
297026). Cela est valable pour un chemin rural, qui appartient certes au domaine
privé, mais qui est une voie publique, en ce sens qu’elle est ouverte à la circulation
publique.
Le droit de bornage fait l’objet de prescriptions spécifiques dans le code rural aux
•
articles D.161-12 et D.161-13. Les maires peuvent, à titre individuel, constater par
un certificat de bornage délivré par arrêté à toute personne qui en fait la demande,
les limites des chemins ruraux. Et à défaut de bornes, les maires peuvent délivrer le
certificat de bornage, au vu des limites de fait, telles qu’elles résultent de la situation
des lieux, ou pouvant être établies par tout moyen de preuve de droit commun. Si le
propriétaire conteste cela, il peut être procédé à une délimitation à l’amiable,
conformément à l’article 646 du code civil. En cas de contestation, une action en
bornage judiciaire peut être intentée devant le tribunal d’instance.
•
Le droit de clore. Un riverain d’un chemin rural bénéficie d’un droit absolu, qui est
le droit de clore sa propriété par rapport à ce chemin. Sachant que certains
règlements locaux, c’est le cas par exemple dans le Jura, imposent un retrait de la
clôture d’environ 50 cm pour permettre aux animaux d’élevage de paître sans
avancer sur l’emprise des voies.
Concernant les autres obligations, en dehors de celle qui consiste à ne pas nuire à la
chaussée, nous en avons retenu deux importantes. Elles sont régies par les articles D
161-20 à D 161-24 du code rural.
David LEGROS
Une question nous a été posée récemment : à quelle distance d’un chemin rural les
vignes des riverains doivent-elles être implantées ?
Benjamin ROUGERON
C’est une question importante. Il n’existe pas de distance réglementaire. Le maire peut,
par arrêté, désigner les chemins de sa commune le long desquels les plantations devront
être placées, à des distances au plus égales à celles prévues pour les voies
communales, si tant est que la commune ait institué une servitude de visibilité pour les
voies communales, ce qui n’est pas obligatoire. Les textes (art. D 161-22 renvoyant aux
art. L 114-1 et suivants du CVR) rappellent que les propriétés riveraines, situées à
proximité de croisements, virages ou points dangereux ou incommodes pour la
circulation publique, peuvent être frappées de servitudes destinées à assurer une
meilleure visibilité.
Cela peut comporter une obligation de supprimer les clôtures, de supprimer les
plantations gênantes ; d’interdire de remblayer ou de faire des installations au-dessus du
niveau fixé par le plan de dégagement, etc., etc. Il faut donc se référer au plan de
dégagement institué pour les voies communales.
L’obligation d’élagage. Il existe un texte en la matière, l’article D.161-24, qui permet
l’exécution d’office. Les branches et racines des arbres qui avancent sur l’emprise des
chemins ruraux doivent être coupées à la diligence des propriétaires ou exploitants, dans
des conditions qui sauvegardent le sûreté et la commodité de passage, ainsi que la
conservation du chemin. Les haies doivent être conduites à l’aplomb de la limite des
chemins.
Dans le cas où les propriétaires riverains négligeraient de se conformer à ces
prescriptions, les travaux d’élagage peuvent être effectués d’office par la commune, à
leurs frais, après une mise en demeure restée sans résultat. C’est une particularité et
vraisemblablement une imperfection du droit actuel, ce dispositif d’exécution d’office
n’existe pas pour les voies communales, à ce jour. Une réforme est à l’étude
actuellement afin d’harmoniser ce régime juridique (RM n° 06439 JO Sénat du 12 mars
2009).
Compte rendu de la réunion téléphonique juridique du 29 avril 2010 – Point juridique sur les chemins ruraux
– Mairie-conseils Caisse des dépôts – Téléchargeable en ligne sur www.mairieconseils.net Rubrique
Ressources, Comptes rendus.
10
Questions des participants
Une participante
Sur le droit d’accès des riverains, nous avons une ancienne voie ferrée, non utilisée
depuis quarante ans, et les gens peuvent accéder comme ils le souhaitent à leur
parcelle. Nous souhaitons fermer cet accès, sauf pour les riverains, pour casser le transit.
Est-ce un droit que nous avons ?
Benjamin ROUGERON
Cela préserverait-il vraiment le droit d’accès des riverains ?
Une participante
D’autres parcelles seraient accessibles, à condition que les riverains fassent demi-tour.
Benjamin ROUGERON
D’accord. C’est très envisageable. Vous préservez le droit d’accès, et en fonction des
circonstances de lieu, vous prenez une mesure conservatoire rendue nécessaire par les
impératifs de circulation.
Un participant
Quand un chemin communal, par exemple, est de 3 mètres et que les agriculteurs
veulent l’agrandir à 8 mètres pour y faire passer des engins, des batteuses, etc. … ?
Benjamin ROUGERON
Des agriculteurs peuvent le proposer, mais c’est une décision du conseil municipal.
Sachant que la largeur de plate-forme doit être de 7 mètres maximum. Pour des
impératifs qui tiennent à la circulation de moissonneuses-batteuses par exemple, ou des
engins de grand gabarit, vous pourriez décider, c’est une compétence du conseil
municipal sur délibération, d’élargir en effet ce chemin.
L’entretien des chemins ruraux
La question de l’entretien peut soulever des problématiques juridiques. Il existe une
absence d’obligation générale d’entretien des chemins ruraux. Cela résulte de
l’ordonnance de 1959 et de la jurisprudence. Dans un arrêt du 20 novembre 1964,
ville de Carcassonne, le Conseil d’État a précisé que, s’agissant d’un chemin
appartenant au domaine privé, la commune se trouve soustraite à l’obligation d’entretien
qui lui incombait précédemment. Et sa responsabilité, en raison des dommages trouvant
leur origine dans cet ouvrage public n’est plus, en principe, susceptible d’être engagée à
l’égard des usagers sur le fondement de défaut d’entretien normal dudit ouvrage.
Une conséquence importante est le risque d’une exonération de responsabilité de la
commune propriétaire à l’égard d’un usager victime d’un accident, même si celui-ci a été
causé par un mauvais état de la voie. Une commune ne peut se voir obliger de remettre
en état le chemin, dès lors qu’elle ne l’entretient pas (CAA Nantes 28 juin 2002,
n°99NT00462 ).
Cela n’exonère en rien le maire de faire application de ses pouvoirs de police générale
en matière de sécurité du passage. Si le maire ne prend pas les précautions nécessaires
pour garantir la sécurité publique, au sens large du terme, la responsabilité de la
commune peut être engagée. Pas sur l’entretien défectueux parce que la commune
déciderait de ne pas le faire, mais sur le foncement des pouvoirs de police relevant de la
sécurité publique (RM n° 55615 JOAN du 11 mai 1992 ).
La commune peut donc ne pas assurer l’entretien. Il ne s’agit pas d’une dépense
obligatoire. Le CGCT rappelle que les dépenses d’entretien des voies communales sont
obligatoires, à contrario elles ne le sont pas pour les chemins ruraux (art. L 2321-2, 20°).
Si vous incorporez les chemins ruraux dans la voirie communale, vous pouvez
bénéficier d’une aide au titre de la DGF pour faire face à l’entretien (RM n°18465 JO
Sénat du 22 juin 2000).
Compte rendu de la réunion téléphonique juridique du 29 avril 2010 – Point juridique sur les chemins ruraux
– Mairie-conseils Caisse des dépôts – Téléchargeable en ligne sur www.mairieconseils.net Rubrique
Ressources, Comptes rendus.
11
Bien sûr, il n’existe pas d’obligation générale, mais la commune peut librement décider
d’assumer l’entretien. Elle apprécie l’intérêt pour elle de le faire, en fonction de
l’importance du trafic, du coût. Certains chemins ruraux peuvent se révéler importants,
par exemple pour la traversée de l’agglomération.
L’arrêt ville de Carcassonne dit: « la responsabilité de la commune peut continuer à être
mise en jeu par les usagers pour défaut d’entretien normal, aussi longtemps que la
collectivité continue à procéder aux travaux nécessaires pour conserver à l’ouvrage la
destination pour laquelle il a été conçu puis maintenu en état ».
Des arrêts postérieurs l’ont confirmé : dès lors que la commune cesse d’entretenir un
chemin rural, sa responsabilité ne peut plus être engagée pour défaut d’entretien
normal. Bien sûr, cela peut soulever de gros problèmes d’appréciation. Seul le juge est
compétent en la matière.
Une exception légale existe : les chemins créés ou modifiés dans le cadre d’opérations
d’aménagement foncier rural doivent être obligatoirement entretenus par la commune.
Elle ne peut pas s’y soustraire (article L. 121-17 du code rural).
Lorsque le chemin n’est pas entretenu ou que sa réfection s’impose, une majorité
spécifique de propriétaires riverains peuvent se proposer de participer aux
travaux, par le biais de ce que l’on appelle les souscriptions volontaires en espèces
ou en nature, ou alors demander la mise en place d’une taxe prévue à l’article L. 1617. Ce texte prévoit que lorsqu’antérieurement à son incorporation dans la voirie rurale, un
chemin a été créé ou entretenu par une association foncière, une association syndicale
autorisée, ou lorsque le chemin est créé en application de l’article L. 121-7
(aménagement foncier), les travaux d’entretien sont financés au moyen d’une taxe,
répartie à raison de l’intérêt de chaque propriété aux travaux.
C’est le conseil municipal qui fixe librement le montant de la taxe que doivent payer les
propriétaires concernés. Vous pouvez vous référer par exemple à la superficie des
parcelles, ou à l’intérêt qu’un exploitant peut avoir, d’utiliser ou non le chemin. C’est une
appréciation relativement libre et large des conseils municipaux à ce sujet.
Parmi les exemples classiques de défaut d’entretien, on peut citer les déformations de la
voie, sur une distance de 20 à 30 mètres, des arbres tombés et qui ne sont pas enlevés
par la commune, l’insuffisance d’un dispositif d’éclairage d’un chantier de travaux publics,
qui serait situé au milieu de la chaussée ; cela peut conduire à la mise en jeu de la
responsabilité de la commune, parfois partagée parce que les juges peuvent tenir compte
aussi de la vitesse de l’automobiliste ou de l’usager d’une moto.
Questions des participants
David LEGROS
Une question récurrente est posée à notre service : la commune peut-elle confier à
une association foncière d’aménagement foncier agricole et forestier l’entretien de
certains chemins ruraux ?
Benjamin ROUGERON
C’est possible. Lorsqu’une association foncière n’a pas été créée, l’autorité administrative
peut constituer d’office une association syndicale regroupant l’ensemble des propriétaires
intéressés, qui seraient chargés de l’entretien de ces lieux (RM n° 11274 JO Sénat du 4
mars 2010).
Une participante
Un chemin rural dessert un bâtiment agricole, que le propriétaire souhaite réhabiliter. Le
chemin n’existe plus sur le terrain, puisqu’il a été inclus dans les parcelles agricoles.
Quand vous parliez de taxes ou de souscriptions volontaires, est-ce uniquement dans le
cadre d’associations foncières ? Ou la commune peut-elle taxer les propriétaires
riverains pour la réouverture du chemin rural ?
Benjamin ROUGERON
Deux hypothèses sont possibles : soit une association syndicale autorisée est déjà
créée ; soit des propriétaires riverains, qui ne se sont pas constitués en association,
Compte rendu de la réunion téléphonique juridique du 29 avril 2010 – Point juridique sur les chemins ruraux
– Mairie-conseils Caisse des dépôts – Téléchargeable en ligne sur www.mairieconseils.net Rubrique
Ressources, Comptes rendus.
12
interviennent. L’article L. 161-7 le prévoit explicitement. C’est le cas par exemple pour
l’entretien d’un chemin rural qui dessert une maison isolée. La commune peut demander
au propriétaire, qui a le droit de refuser, d’entretenir ou de participer, en nature ou en
espèces, aux frais d’entretien de ce chemin qui ne desservirait que son domicile. Il en
serait l’usager prioritaire. On peut l’admettre dans ce cas (RM n° 07691 JO Sénat du 11
juin 2009).
Le régime des décisions de création, modification, suppression et vente des
chemins ruraux
La décision de créer un chemin rural appartient au conseil municipal, après
enquête publique (art. L 121-17 du code rural in fine ; décret n°76-9 21 du 8 octobre
1976). Les délibérations du conseil municipal, portant ouverture, redressement ou
fixation de la largeur des chemins ruraux, doivent être précédés d’une enquête publique.
Le juge exerce un contrôle sur l’opportunité de créer un chemin rural. Par exemple, le
Conseil d’État considère que cette création est justifiée lorsque le réseau existant ne
satisfait pas les besoins réels et que la gêne occasionnée au propriétaire, dont la
propriété est coupée en deux, n’est pas excessive au regard de l’intérêt de la circulation
et de la desserte des autres exploitations. Si l’importance de créer ce chemin et l’intérêt
que cela procure sont supérieurs à la gêne occasionnée, le juge considère que la
décision est justifiée (CE 9 novembre 1990, Mme Marie c/ commune de Guichen).
Cela dit, on peut s’interroger sur l’intérêt de procéder à une enquête publique lorsqu’il
s’agit simplement d’ouvrir à la circulation générale un chemin qui déjà appartient au
domaine privé de la commune, mais qui était jusqu’à présent réservé à un usage
exclusif. Dans ce cas, vous pourriez vous abstenir d’enquête publique. Il n’est pas non
plus indispensable de procéder à une enquête publique, si vous devez procéder à des
rectifications de l’emprise, uniquement dans la limite de terrains qui vous appartiennent
déjà. Dans ce cas, vous ne dépossédez pas un tiers et l’enquête publique n’apparaît pas
nécessaire, sauf si véritablement le changement de tracé est important. Par contre, dès
lors qu’il existe un redressement, un élargissement ou une création d’un chemin,
impliquant l’appropriation de terres voisines, l’enquête publique est absolument
indispensable.
Lorsqu’intervient une décision d’élargissement ou de déplacement de l’assiette d’un
chemin rural, s’applique une règle spécifique d’appropriation de plein droit des terrains
non bâtis. Cette règle est prévue à l’article L. 161-9 du code rural, qui renvoie à
l’article L. 141-6 du code de la voirie routière, et qui dispose que la délibération du
conseil municipal décidant le redressement ou l’élargissement d’une voie existante
emporte, lorsqu’elle est exécutoire, transfert au profit de la commune de la propriété des
parcelles ou parties de parcelles non bâties situées à l’intérieur des limites fixées par le
plan parcellaire auquel elle se réfère, et qui lui est annexé.
À défaut d’accord amiable, l’indemnité est fixée comme en matière d’expropriation. Cela
signifie que lorsque vous avez à élargir un chemin rural de moins de 2 mètres ou de
réaliser des augmentations de rayons de courbure ou bien la suppression de sinuosités
(définitions officielles du redressement résultant de la circulaire du 29 décembre
1964), le transfert a lieu de plein droit, après délibération du conseil et enquête préalable.
Il faut réunir ces trois conditions :
•
Les terrains aux alentours doivent être non bâtis, ni clos de murs ;
•
Les décisions doivent être régulières ;
•
Les limites des terrains doivent pouvoir être repérées sans ambiguïté, dans
les plans sujets à enquête, et annexés à la délibération.
Si ces conditions ne sont pas réunies ou que l’élargissement est supérieur à 2 mètres, et
que vous parvenez à acquérir ces terrains privés voisins par voie amiable, l’enquête
publique sera une enquête publique de voirie, que vous connaissez, menée
conformément aux articles R. 141-4 et suivants du code de la voirie routière. En
revanche, si les propriétaires riverains ne sont pas en accord avec l’achat des parcelles
et que vous êtes obligés de passer par l’expropriation, l’enquête préalable à la
déclaration d’utilité publique se substitue à l’enquête de voirie. C’est cette enquête
Compte rendu de la réunion téléphonique juridique du 29 avril 2010 – Point juridique sur les chemins ruraux
– Mairie-conseils Caisse des dépôts – Téléchargeable en ligne sur www.mairieconseils.net Rubrique
Ressources, Comptes rendus.
13
préalable à la DUP qui tient lieu d’enquête de voirie (RM n° 18188 JO Sénat du 20
octobre 2005).
Autre exception qui relève de l’aménagement foncier, que le classement, l’ouverture, la
modification de tracé et d’emprise des chemins, dans le cadre d’un aménagement
foncier, sont dispensés d’enquête publique. Là encore, c’est un assouplissement lié au
régime très particulier de l’aménagement foncier (art. L 121-17 du code rural).
La procédure de vente est également spécifique et rappelée à l’article L. 161-10 :
lorsqu’un chemin rural cesse d’être affecté à l’usage du public, la vente peut être
décidée, après enquête par le conseil municipal, à moins que les intéressés, groupés en
association syndicale, conformément à l’article L. 161-11, n’aient demandé à se charger
de l’entretien dans les deux mois qui suivent l’ouverture de l’enquête. Lorsque l’aliénation
est ordonnée, les propriétaires riverains sont mis en demeure d’acquérir les terrains
attenants à leurs propriétés. Et si dans le délai d’un mois à dater de l’avertissement, les
propriétaires riverains n’ont pas déposé leur soumission, ou si leurs offres sont
insuffisantes, il est procédé à l’aliénation des terrains selon les règles suivies pour la
vente des propriétés communales. Il s’agit là d’une formalité absolument substantielle.
Tous les propriétaires riverains ont un droit de priorité (CE 9 février 1994, Lecureur).
Quand un chemin rural appartient à plusieurs communes, ce qui est souvent le cas,
il est statué sur la vente après enquête unique par délibérations concordantes des
conseils municipaux.
Les actes de vente et d’acquisition des terrains peuvent revêtir la forme administrative
ou notariée. Le maire peut en effet, au nom de la commune, authentifier l’acte en la
forme administrative.
Je voudrais terminer par une exception législative importante, issue de deux articles :
•
L’article L. 361-1 du Code de l’environnement ;
•
L’article L. 121-17 du Code rural.
Ces articles concernent les chemins inscrits aux plans départementaux. Toute
aliénation d’un chemin rural susceptible d’interrompre la continuité d’un itinéraire inscrit
sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée doit, à peine de
nullité, comporter soit le maintien, soit le rétablissement de cette continuité par un
itinéraire de substitution. Toute opération publique d’aménagement foncier doit
également respecter ce maintien ou cette continuité. La suppression d’un chemin inscrit
sur le PDIPR ne peut intervenir que sur décision expresse du conseil municipal, qui doit
avoir proposé au conseil général un itinéraire de substitution approprié à la pratique de la
promenade et de la randonnée.
La suppression pure et simple d’un chemin par le conseil municipal, qui n’impliquerait
pas une vente, mais une suppression de l’assiette, est décidée par le conseil municipal
après enquête publique (principe de parallélisme des formes par rapport à la création).
En perspective : deux questions de sénateurs ont été posées en mars. Ceux-ci
s’inquiètent de la disparition progressive de tout ce réseau secondaire, de ces
750 000 kilomètres de chemins ruraux, soit par manque d’entretien, soit par prise de
possession irrégulière de riverains ne donnant pas lieu à des contestations par les
communes. Ces sénateurs ont demandé au gouvernement s’il comptait renforcer
l’arsenal législatif de protection. Le gouvernement a rappelé un certain nombre de
dispositions dont nous avons parlé ce matin, mais n’envisage pas la création de
dispositifs complémentaires.
Compte rendu de la réunion téléphonique juridique du 29 avril 2010 – Point juridique sur les chemins ruraux
– Mairie-conseils Caisse des dépôts – Téléchargeable en ligne sur www.mairieconseils.net Rubrique
Ressources, Comptes rendus.
14
Questions des participants
David LEGROS
L’enquête publique doit-elle être publiée dans un JAD ?
Benjamin ROUGERON
Il n’existe pas d’obligation. Il faut faire référence à l’article R. 141-5 du Code de la
voirie routière, quinze jours au moins avant l’ouverture de l’enquête publique et durant
toute la durée de celle-ci, l’arrêté du maire est publié par voie d’affiche et éventuellement
par tout autre procédé. Il n’existe donc pas d’obligation de publier cet arrêté dans un
journal d’annonces légales.
Le déclassement d’une voie communale en chemin rural ou a contrario, le classement
d’un chemin rural en voie communale, sont dispensés de l’enquête publique par principe,
sauf si l’opération a pour conséquences de porter atteinte aux conditions de desserte ou
de circulation assurées par la voie (art. L 141-3 du CVR).
S’il s’agit simplement d’un classement administratif de la voie, qui vise à mieux la
protéger, en la faisant passer dans le domaine public, cela ne modifie en rien les
conditions de circulation ; vous pouvez vous dispenser d’enquête publique.
En revanche, si le classement ou le déclassement d’une voie communale en chemin
rural, a comme corollaire une modification, quelle qu’elle soit, des conditions de desserte,
à ce moment-là, l’enquête publique de voirie sera nécessaire.
Un point est rappelé régulièrement par la jurisprudence administrative. La vente d’un
chemin rural ne peut jamais se faire par voie d’échange, mais uniquement par
vente. Vous ne pouvez pas échanger, aliéner à titre gracieux contre une autre parcelle
un chemin rural. Il faut obligatoirement un acte de vente en tant que tel, moyennant un
prix et éventuellement un acte d’achat, si nécessaire (CAA Bordeaux 15 juin 2006 n°
03BX00126 ; TA Clermont-Ferrand 4 novembre 2009 n° 091083).
Un participant
Cet acte de vente doit-il être validé par un notaire ?
Benjamin ROUGERON
Pas nécessairement. C’est bien sûr conseillé en termes de preuve, mais le maire de la
commune concernée peut authentifier l’acte en la forme administrative. C’est dans ce cas
er
le 1 adjoint au maire qui représente la commune à la vente, et le maire agit en tant
qu’agent de l’État, en authentifiant l’acte.
Un participant
Quelle est la procédure pour réaliser l’enquête publique de voirie ?
Benjamin ROUGERON
Le maire désigne un commissaire enquêteur. Il ne doit pas y avoir de collusion d’intérêts.
Une personne qui serait intéressée à l’affaire ne peut pas être commissaire enquêteur.
Un commissaire enquêteur centralise ; le public est invité à faire des observations ; enfin,
il y a publication des conclusions. Les articles du code de la voirie routière (art. R 141-4
et suivants) sont très limpides à ce sujet.
Une participante
La charge de la réhabilitation du chemin rural revient à la commune ?
Benjamin ROUGERON
L’entretien n’est pas obligatoire, mais si la commune décide de le réhabiliter, c’est elle
qui le fera, en tant que propriétaire.
Compte rendu de la réunion téléphonique juridique du 29 avril 2010 – Point juridique sur les chemins ruraux
– Mairie-conseils Caisse des dépôts – Téléchargeable en ligne sur www.mairieconseils.net Rubrique
Ressources, Comptes rendus.
15
Certaines questions posées par les participants renvoient à des situations très particulières, qui
nécessitent une réflexion plus approfondie qui dépasse le cadre de ces réunions.
Afin d’obtenir la meilleure réponse possible :
Contactez le service de renseignements téléphoniques de Mairie-conseils :
Par téléphone au 02 38 79 97 97.
Par mail sur le site Internet www.mairieconseils.net à la rubrique Service de renseignements
téléphoniques : « vos questions par mail ».
Vous pouvez également consulter la rubrique « Vos questions, nos réponses ».
Dans le cadre des missions d’intérêt général de la Caisse des Dépôts, ce service est accessible
gratuitement à toutes les intercommunalités, quelle que soit leur taille et leur type, ainsi qu’aux
communes de moins de 3 500 habitants.
N’hésitez pas à l’utiliser
Compte rendu de la réunion téléphonique juridique du 29 avril 2010 – Point juridique sur les chemins ruraux
– Mairie-conseils Caisse des dépôts – Téléchargeable en ligne sur www.mairieconseils.net Rubrique
Ressources, Comptes rendus.
16