biz-dev : comment diversifier les revenus, quelles conditions de

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biz-dev : comment diversifier les revenus, quelles conditions de
BIZ-DEV :
COMMENT DIVERSIFIER LES REVENUS, QUELLES CONDITIONS DE
SUCCES, QUELLE COHERENCE AVEC LA MARQUE ?
Loïc Guilloux, Directeur Général Adjoint de Prisma Presse pour Femme Actuelle
Franck Espiasse, Editeur de Elle, Lagardère Active
Jean Weiss, Directeur Général Adjoint et Directeur du pôle des titres spécialisés du Groupe
Express Roularta, Président de l’Etudiant
Animé par Marc Baudriller, Journaliste à Challenges
Mercredi 6 avril 2011
15h00-16h00
SPM - Journée de la Presse Magazine
06.04.2011, Salons Hoche
BIZ-DEV :
COMMENT DIVERSIFIER LES REVENUS, QUELLES CONDITIONS DE SUCCES, QUELLE
COHERENCE AVEC LA MARQUE ?
Marc Baudriller
M6 fait autant de chiffre d'affaires à l'antenne que hors antenne, TF1 en fait à peine moins,
et la presse doit s'y mettre très vite, sans faire d'erreur. Par conséquent, nos trois
participants à cette table ronde connaissent bien ces développements.
J'aimerais vous demander, aux uns et aux autres, quelle est votre dernière initiative en
terme de business développement et quelles sont les principales diversifications de vos
Groupes de presses respectifs ainsi que leur poids dans votre chiffre d'affaires.
Franck Espiasse
Notre dernière diversification un peu emblématique est " Elle en scène ". L'année dernière,
nous sommes devenus producteurs de concerts : nous avons organisé 4 concerts avec
Charlie Winston, M, Raphaël et Yaël Naim. Nous gagnons de l'argent avec cela, mais surtout,
nous prolongeons un territoire d'expression naturelle du journal puisqu'il contient de la
critique musicale. Nous réunissons des artistes, nous aimons bien avoir une première partie
avec un nouveau talent et un artiste de renom. Ceci se fait dans de petites salles : nous
avons produit " M " à l'Élysée Montmartre. Lorsque l'on connaît les tournées magistrales de
" M ", nous préférons réunir mille personnes pour un tel artiste. C'est un modèle
économique où il y a de la billetterie qui, malgré le fait de rapporter de l'argent, permet
surtout de réunir des gens intéressés par les concerts. Surtout, nous avons un sponsor qui
s'appelle Maje, également présent sur le territoire de la musique, et qui a souhaité nous
accompagner.
Concernant les diversifications de Elle, elles sont nombreuses et depuis très longtemps : il y a
ce que nous faisons avec le Journal et ce qui est fait ailleurs. Nous avons un énorme business
de licencing sur Elle qui représente 30 % de la rentabilité de la marque. Cette activité est
gérée par une équipe dont c'est le métier : lorsque l'on fait de la diversification sur d'autres
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métiers que le nôtre, il ne faut pas hésiter à le confier à des personnes dont c'est le métier.
Certains produits Elle sont présents dans 20 000 magasins du monde entier. 60 % de cette
activité est réalisé en Asie. À titre d'exemple, au Japon, les produits Elle sont nés avant le
magazine. Le reste se fait en Amérique pour 20 %, un peu moins en Europe et encore un peu
moins en France. En outre, l'année dernière nous avons fait une voiture avec Lancia. Nous
vendons également des produits en France qui ne sont pas sous notre marque. Pour les
lectrices de Elle, la boutique Elle Passion leur propose des produits sélectionnés par la
rédaction et mis en vente comme un catalogue de vépéciste pourrait le faire.
Il y a également la diversification "naturelle" du titre : Elle Décoration, Elle à table… Elle
Décoration compte 25 éditions dans le monde. Dans le monde entier, nous avons aussi des
Spin-off et un certain nombre de Elle autres que ceux que l'on connaît en France : il existe un
Elle Men en Asie, des Elle Accessories, Elle Beauty, Elle Kids, Elle Girl… Nous développons
beaucoup de choses ainsi dans le monde. J'en profite pour dire que ce n'est pas parce que
nous avons passé sous licence un certain nombre de nos filiales que cela va s'arrêter.
Marc Baudriller
Loïc Guilloux, quelle est votre dernière initiative et comment se structurent les grandes
diversifications ? Quel est leur poids dans le chiffre d’affaires de Prisma Presse ?
Loïc Guilloux
Le Groupe Prisma Presse pèse environ 450 millions d'euros de chiffre d'affaires : 60 % pour
la diffusion, 30 % pour la publicité et 10 % pour les diversifications. Dans ce que l'on appelle
les diversifications, la partie numérique pèse environ pour un quart et les trois quarts sont
un des périmètres dont je m'occupe, à savoir les diversifications "non numériques".
Pour ce qui est vraiment mis sous les marques, c'est une activité que nous avons
commencée depuis plus d'une dizaine d'années avec Géo, par cercles concentriques
successifs. Nous sommes allés sur de l'écrit (Géo étant un magazine très écrit), puis sur du
beau livre, du calendrier… Petit à petit, on peut s'éloigner du métier de base de la marque,
tout en restant extrêmement proche.
Concernant les dernières initiatives de Femme Actuelle, nous avons lancé l'année dernière
Femme Actuelle Fashion ainsi qu'une licence de chaussures qui a extrêmement bien
fonctionné. Nous avons passé un accord avec un réseau de distribution situé dans les
centres-villes et les centres commerciaux. Les modèles ont été validés par la rédaction. Nous
nous en sommes servis pour faire un sujet de mode dans le magazine : les résultats ont été
extrêmement intéressants et rentables.
Nous avons également lancé une activité de voyages et de croisières sous plusieurs de nos
marques : Télé Loisirs, Femme Actuelle, Voici… Nous organisons des croisières avec des
spécificités pour les personnes voyageant sous cette marque-là, avec des rencontres avec la
rédaction, des ateliers culinaires… Les taux de satisfaction dépassent les 98 %.
Marc Baudriller
Monsieur Weiss, je vous pose la même question. Votre cas est un peu impressionnant,
notamment sur l'Etudiant, qui ne pèse plus que 15 % du chiffre d'affaires du groupe.
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Jean Weiss
En termes de diversification et de développement, je ressemble peu à mes confrères ici
présents. Notre dernier développement est d’être passé à une communauté "B to B". Cette
communauté qui est la nôtre depuis l'origine, ce sont des consommateurs, des clients "B to
C" : des collégiens, lycéens, des étudiants et leurs parents. Lorsque l'on se trouve sur de
l'information spécialisée, lorsque l'on peut servir et satisfaire à travers une marque bien
connue et appréciée telle que l’Etudiant, on peut aussi s'intéresser à une autre
communauté : une communauté d'annonceurs ou de non d'annonceurs. C'est ce que nous
avons fait à travers la création de plusieurs services de "B to B" pour ce monde amont qui
regroupe des professionnels du secteur de l'Education : des managers, des responsables, des
chefs de service travaillant dans des universités, des établissements d'enseignement
supérieur. Peu de gens savent qu'il y a du public dans ce pays, mais également du privé, que
les milliers d'écoles privées font "la fortune" ou les bénéfices de l'Etudiant depuis des
années.
L'Etudiant est une PME qui représente environ 35 millions d'euros de chiffre d'affaires. Un
mensuel est à l'origine de cette entreprise : L’Etudiant, ainsi que des hors-séries, des
suppléments. Ensuite est venue l'édition : aujourd'hui, nous publions environ 55 livres par
an, traitant de formation, d'orientation, de métiers. De plus en plus, nous parlons de cuisine
à notre cible, à savoir les étudiants. Nous parlons aussi de plus en plus aux parents à travers
nos livres.
La deuxième activité historique a été l'édition, puis les salons, puis le Web et une petite
partie de hors médias. Les salons pèsent aujourd'hui plus de 60 % du chiffre d'affaires,
sachant que la presse ne pèse plus de 12 %.
Marc Baudriller
Une fois brossé ce premier tableau, j'aimerais que l'on bascule sur les conditions de la
réussite en vous demandant ce qu'est une bonne diversification : est-ce une activité
rentable ? Est-ce une activité qui apporte à l'image ?
Loïc Guilloux
Globalement, si on se dit qu'un produit appartient à son producteur et qu’une marque
appartient à son consommateur : la marque représente autre chose que le strict produit
acheté. Vous n'avez pas dans un portefeuille de produits autant de marques que vous n'avez
de produits. Nous avons une vingtaine de magazines : je serais tenté de dire qu’à l'intérieur
de ces produits magazines, nous n'avons probablement que sept ou huit vraies marques sur
lesquelles nous pouvons réellement compter.
Ensuite, il faut extrêmement bien étudier ce que cette marque a dans ses "tripes" : à quoi
elle correspond pour ses consommateurs et ses consommatrices ? Jusqu'où peut-elle aller ?
A partir de quand n’est-elle plus légitime ? A ce moment-là, vous commencez à percevoir des
réponses possibles à votre question. À la base, une bonne diversification ne doit pas faire de
mal à la marque et si possible, elle lui fait du bien. De nombreuses diversifications peuvent
faire du mal. Lorsque vous gérez une marque, vous passez plus de temps à refuser des
choses qu'à en accepter. Une bonne diversification nourrit la relation très particulière qu’a le
consommateur avec celle-ci. Au final, elle doit bonifier les comptes de l'entreprise, ce qui
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permet souvent de continuer d'investir sur la marque de base. Vous créez ainsi un cercle
vertueux permettant de maintenir la marque très vivante.
Franck Espiasse
Je suis entièrement d'accord avec Loïc : il faut surtout dire non. Je passe mon temps à dire
non, ce qui ne me rend pas nécessairement populaire. L'action de court terme est un ennemi
terrible. Il est facile de faire beaucoup d'argent rapidement en acceptant des choses que l'on
nous propose. Nous devons sans cesse réfléchir à la mesure du risque que l'on fait porter à la
marque.
Marc Baudriller
Très concrètement, avez-vous refusé une diversification que l'on vous aurait proposée
récemment ? Si oui, pourquoi ?
Franck Espiasse
Nous avons refusé un sèche-cheveux Elle pour deux raisons : peut-il y avoir une concordance
entre notre marque et un sèche-cheveux ? De plus, cela nous gênait d'avoir la marque Elle
chez Carrefour, dans un linéaire avec d'autres marques n'étant pas du même niveau que la
nôtre.
Marc Baudriller
Au contraire, y a-t-il quelque chose que vous ayez accepté récemment ?
Franck Espiasse
Nous avons accepté de faire une voiture. Cela faisait très longtemps qu’Elle n'en avait pas
faite : il s'agit de la Lancia Epsilon, une voiture féminine, que l'on trouvait jolie et que l'on a
pu customiser à notre guise. Nous l'avons faite l'année dernière et cela a très bien
fonctionné.
Jean Weiss
Notre richesse à nous, éditeur d'information spécialisée, c'est notre contenu et nos bases de
données. Les indications que l'on peut tirer de l'expérience de l'Etudiant sont que lorsqu'une
communauté de personnes est intéressée par des informations sur des thématiques
données, ces personnes sont prêtes à recevoir l'information sous toutes ses formes. Lorsque
je parle de formes, je parle de médias. Prenons l'exemple des salons : nous avons mille fois
plus de visiteurs sur nos salons que d'acheteurs kiosque ou abonnés à l'Etudiant. Les salons
ou nos autres activités montrent bien que lorsque l'on est intéressé par une thématique, on
est prêt à aller la chercher dans d'autres lieux que le papier. On pense souvent qu'un visiteur
salon vient voir des exposants. Or, c'est une motivation secondaire. Lorsque l'on pose la
question, la réponse est claire : ils viennent chercher de l'information à travers des
conférences, des visuels à travers leur visite sur tel ou tel stand. Ceci est vrai également sur
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le Web. Aujourd'hui, notre activité Web génère davantage de chiffre d'affaires que notre
activité presse. La diversification de l'Etudiant s'est faite sur l'information et le service et
continuera à se faire là-dessus. Malheureusement, personne n'est venu nous proposer de
faire une voiture logotypée l’Etudiant. Demain, je ne ferai pas de croisière, mon public ne
peut pas se le permettre. En revanche, nous continuerons à développer information et
services sur l'ensemble des médias disponibles. C'est la recette de l'Etudiant aujourd'hui.
Marc Baudriller
Avez-vous une manière de trouver la bonne diversification ? Y a-t-il une grille ? Faites-vous
des réunions de créativité ?
Jean Weiss
Non. Il y a une chose essentielle : la marque. Nous avons des consommateurs, au sens large :
des lecteurs, des visiteurs salons, des acheteurs de livres et des annonceurs, qui nous font
confiance. Dès lors que votre marque vous apporte notoriété et crédibilité, il y a un risque
qu'il faut prendre. Mais nous le prenons à partir du moment où l'on y croit.
Marc Baudriller
Avez-vous une manière d'écrémer les meilleures idées de diversifications ? Des choses sontelles mises en place ? Vous faisiez allusion tout à l'heure à l'investissement des rédactions
dans le processus : est-ce plus scientifique que cela ? Cela correspond-il à une organisation
particulière ?
Franck Espiasse
Nous avons une organisation particulière datant clairement de l'arrivée de Didier Quillot à la
présidence du Groupe. Venant d’Orange, ses premiers mots concernaient les marques. Au
début, cela a un peu surpris, et aujourd'hui, tout le monde parle de marques. Nous avons
créé des organisations avec des Brand managers qui sont soit le tandem éditeur/directrice
de rédaction, soit directeur de rédaction seul, soit l'éditeur seul. Sur ces gens-là converge la
décision finale.
Nous avons également en interne une structure de business développement animée par des
équipes et qui fait office de prestataire de services pour nous : il y a la diversification qui
émane de sources extérieures mais aussi celle qui émane de l'interne. Elle en scène a été fait
en interne. Des croisières ont été faites sur Télé 7 jours, Version Femina, Psychologies, et
pour ce dernier avec beaucoup de succès.
Par ailleurs, il y a des marques de presse incroyables, des marques patrimoniales en France,
comme Paris Match, mais sur lesquelles il est très difficile de faire de la diversification. Sur
Paris Match, on aime ou pas le magazine. Finalement on finit tous par l'acheter à un
moment ou à un autre, mais l'on n’imagine pas nécessairement porter quelque chose qui
s'appelle Paris Match. Nous faisons un certain nombre de choses, nous avons lancé avec
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succès un Grand prix du photoreportage étudiant qui permet à Paris Match d'aller voir les
jeunes dans les universités, mais en dehors de cela, ce n'est pas une marque très simple.
Marc Baudriller
Quelle est la différence ? La fierté ?
Franck Espiasse
Il s'agit plutôt de savoir si oui ou non il y a une relation entre le journal et son lecteur qui va
plus loin que ce que le journal délivre. Je ne suis pas certain que ce soit la fierté. Sur Version
Femina, des choses sont faites sur la valeur d'usage : des conférences avec Marcel Rufo,
nous sommes en train de lancer un challenge de course et de marche pour les femmes pour
le 8 mai. Ceci est directement lié à l'usage du magazine. Sur Elle, nous sommes à un stade
différent où il y a la valeur perçue et nous pouvons travailler dessus.
Marc Baudriller
Loïc Guilloux, qu'avez-vous mis en place pour faire surgir ces diversifications et les
exploiter ?
Loïc Guilloux
Il y a des éléments d'organisation et des éléments de méthode. En organisation, nous avons
un double pilotage. Dans les équipes marketing et développement qui s'occupent des titres,
certaines personnes ont pour objet de travailler la marque, l'idée étant de savoir quel
message elle fait passer aux consommateurs, ce qu'elle projette en termes de crédibilité et
jusqu'où elle peut aller. Ensuite, ces équipes déclinent plusieurs territoires. Nous avons bâti
des pyramides avec des éléments évidents et d'autres qui peuvent être parfois plus éloignés
mais avoir une justification « haute crédibilité ». Nous avons également en central des
équipes en charge de développer certains pans de l'activité, notamment les éditions, qui
vont sourcer, parfois commander ou écrire des livres sous la marque Géo, Capital, Femme
Actuelle… L’activité de licencing est très particulière, il faut y porter beaucoup d'attention car
c'est là que l'on peut faire les plus grosses erreurs par sens du business à très court terme.
Or, en réponse à des stimuli externes ou parce que vous avez pensé que c'était justifié, vous
pouvez apposer votre marque sur du linge de maison, du papier peint… Nous avons donc
cette double commande et ce double pilotage, réalisé dans un contexte de travail marketing
à la fois industriel et artisanal, où nous déterminons jusqu'où nous pouvons aller avec une
marque, ce que l'on refuse ou que l'on accepte. Ensuite, nous pouvons faire des tests de
screening en prenant un panel sur Internet et en projetant des idées. Ainsi, certaines idées
s’éliminent d'elles-mêmes. Nous avons aussi dans notre portefeuille des marques
magnifiques, des noms incroyables, et sur lesquelles il est difficile de faire de la
diversification. Pendant des années, il a été très difficile d'envisager de faire quelque chose
avec Voici. C'est une marque qui s'est retournée parce que la peopolisation a été mieux
acceptée.
Marc Baudriller
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Comment décidez-vous finalement de filialiser ces diversifications, de les gérer en interne ?
Combien de personnes s'occupent de cela dans chacun de vos groupes, et à quel moment
décidez-vous que quelque chose n'est pas pour vous en interne ?
Jean Weiss
Nous avons lancé il y a quelques années de cela des agendas l’Etudiant. Il faut savoir que
nous vendons 700 000 agendas tous les ans. Un moment donné, j'ai pensé qu'il fallait
développer cette « pépite », notamment en faisant des T-shirts. Avant de se lancer, nous
avons fait une étude et nous avons vu que notre public n'en voulait pas. En effet, entre
l'image que peut avoir le consommateur de votre marque et la diversification que vous
voulez faire, la différence peut être étonnante. L’Etudiant est connoté comme une marque
sérieuse qui apporte de l'information utile, ce n'est pas une marque fun. Dans les agendas, il
y a des dessins, nous introduisons une dose d'humour, il y a des conseils sur la sexualité pour
aider les jeunes : nous avons réussi à apporter un « plus » par rapport à cette image
sérieuse.
En termes d'organisation, nous avons une seule rédaction dont l'objectif est de donner de
l'information à l'ensemble des médias, que ce soit le web, l’édition ou le papier.
Par ailleurs, on ne peut pas dire que nous ayons une équipe diversification. Aujourd'hui,
pour les quatre activités dont j'ai parlées, nous avons une petite équipe qui travaille des
idées pour voir si elles peuvent aboutir.
Marc Baudriller
Vous posez-vous la question de savoir si vous faites en interne ou si vous externalisez à
chaque diversification ?
Loïc Guilloux
Globalement, quand on a le sentiment que l'on est dans des savoir-faire que l'on possède ou
qui sont proches de savoir-faire en interne, ou que l'on a un intérêt stratégique à garder en
interne, nous le faisons effectivement en interne. Si nous nous éloignons de nos métiers,
nous allons externaliser, surtout si l'internalisation comporte des risques financiers
importants (stockage, frais d’entrepôt). Lorsque nous avons développé la maison d'édition,
au début des années 2000, nous avons pensé qu'il était très important d'internaliser cela
parce que nous étions en connexité de notre savoir-faire de base, que nous étions près du
produit et que la relation avec les rédactions était essentielle. Il est vrai que nos guides Géo
sont coédités avec Gallimard, mais cela fait partie du monde de l'édition : parfois vous faites
tout seul, parfois vous êtes en coédition. Mais nous sommes toujours dans une équipe qui
est chez nous et nous avons dans l'équipe des éditions Prisma une vingtaine de personnes.
Franck Espiasse
Nous concernant, nous avions de nombreuses choses intégrées, nous les avons
externalisées, considérant qu'il était préférable de s'appuyer sur des gens dont c’est le
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métier. Pour l'édition, nous avons un accord avec une société avec qui nous sortons des
ouvrages, un agenda sur Elle. Nous travaillons plutôt en externe, sachant que les gens qui
s'occupent du business développement en interne chez nous sont très commerciaux, très
dynamiques, ils vont chercher des produits, des idées, des projets.
Jean Weiss
Vous évoquiez le fait de sous-traiter lorsque l'on n'a pas le savoir-faire en interne. L'agenda
peut être un bon exemple : que lui apporte-t-on ? De l'information, des dessins, de
l'iconographie. Pour tout le reste, nous ne sommes pas fabricants d'agenda, donc nous nous
arrêtons à notre savoir-faire.
Marc Baudriller
On apprend de ses succès et de ses échecs. Avez-vous connu un échec dont vous avez tiré
une leçon intéressante ?
Loïc Guilloux
Honnêtement, nous n'avons pas eu beaucoup d'échecs, juste des choses pour lesquelles
nous nous sommes demandés a posteriori, si c'était à refaire, le referait-on ? Il s'agissait de
deals pour lesquels nous avions répondu suite à un coup de cœur. Il y a quelques années,
nous avions fait des accroches-sac avec Femme Actuelle. Était-ce stratégique de le faire,
avions-nous choisi le bon partenaire ? Non. Nous l'avions fait parce que nous avions
rencontré quelqu'un dans un salon. Lorsque vous faites de la licence, au départ, vous avez
tendance à faire un peu tout, pour donner un signal. Ensuite, vous vous rendez compte que
cela ne mène nulle part, que vous allez faire des choses qui n'ont aucun rapport, que vous ne
pourrez jamais capitaliser sur un savoir-faire. Vous prenez alors une approche plus
stratégique, en sélectionnant les secteurs d'activités, les intervenants, vous faites l'analyse
de la marque. C'est là que vous commencez à faire des choses plus efficaces. Certes, vous
pouvez avoir des échecs, mais ce ne sont pas des échecs de réflexion stratégique.
Marc Baudriller
Y a-t-il des diversifications beaucoup plus lourdes que vous ayez refusées en pensant qu'elles
représentaient trop de risque ?
Loïc Guilloux
Nous avons réfléchi sur une diversification pendant 18 mois, nous sommes allés
extrêmement loin. Il s'agissait d'une carte de paiement Femme Actuelle. Nous avons décidé
de refuser le business, faute d'avoir un crédit-révolving attaché à la carte. Il nous a semblé
que pour une marque comme Femme Actuelle, avec sa responsabilité citoyenne, il n'était
pas de bonne politique de mettre sur le marché quelque chose qui comprenait des crédits
tentants, que ce n'était pas un bon message à passer aux consommatrices.
Franck Espiasse
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Nous non plus n’avons pas vraiment d'échecs. En revanche, nous avons des échecs en
interne. Il nous est arrivé de travailler pendant des mois sur des projets, avec des talents, des
gens qui contribuent à la réflexion, pour finalement décider de ne pas y aller, soit parce que
ce n'est pas un gros business, soit parce que ce n'est pas le moment de le faire. Les business
sur Femme Actuelle ou Elle sont importants, il n'est pas question de mobiliser une équipe de
10 personnes pour gagner in fine 50 000 €. Certaines choses nous plaisent plus ou moins,
mais sur Elle, elles sont plutôt faites ailleurs dans le monde.
Parfois, je regrette de ne pas être allé plus loin sur certains projets. Il y a quelques années,
Elle a fait quelque chose de fantastique avec la rédaction sur les élections présidentielles.
Nous avions réuni tous les candidats à Science Po. Tous sont venus. Nous avions fait un
questionnaire en ligne. La journée s'est très bien déroulée, la couverture presse était
formidable. Finalement, les choses se sont arrêtées au numéro suivant. Peut-être aurionsnous pu aller plus loin. L'année dernière, nous avons fait les états généraux de la femme,
nous sommes cette année sur « Elle aime la mode ».
Jean Weiss
Sans vouloir me dédouaner, je vais parler d’une erreur avant que j'arrive. René Sylvestre, qui
a fondé l'Etudiant et l'a longtemps dirigé a décidé un jour d’aller beaucoup plus loin et a pris
des locaux juste en face de ceux de l'Etudiant pour ouvrir une grande surface, pour vendre
de tout à des prix étudiants. Il s'est finalement bien trompé. En réalité, on ne peut pas tout
faire. Nous étions en dehors du territoire de la marque, il n'était pas attendu comme
distributeur de vêtements ou de matériel de sport.
Marc Baudriller
Ces diversifications représentent-elles l'avenir des médias ? Tous les groupes vont-ils devoir
passer par là, y consacrer de plus en plus de moyens et d'efforts, ou bien est-ce que ce n'est
pas si simple ?
Loïc Guilloux
Le simple panel de trois personnes sur cette estrade signifie que cela va être oui pour
certains, peut-être, ou non pour d'autres. En premier lieu, il n'y a pas que des marques dans
votre portefeuille d'activités. Si vous n'avez pas de marques, il va être difficile de faire de la
diversification de quelque chose qui ne vous le permet pas. Vous pourrez parfois développer
des activités qui seront des moteurs d’appoint, des ajouts de croissance et peut-être pour
certaines d'entre elles de vrais relais de croissance.
Est-ce le nouvel eldorado tous les groupes ? Je pense que c'est comme Internet, cela
dépendra des talents. En outre, il faut du temps pour faire du vrai travail de diversification,
et un peu d'argent.
Franck Espiasse
Avant tout, il ne faut pas oublier que notre métier est le contenu, en l'occurrence vendre des
magazines ou faire de l'audience sur Internet. En revanche, les marques servent. La
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meilleure idée que l'on puisse avoir est l'opération de business développement qui est
également une opération d'image.
Jean Weiss
Il s'agissait pour l'Etudiant d'une question de vie ou de mort. Ces quatre dernières années,
nous avons perdu 60 % de notre chiffre d'affaires publicitaire sur le print. L'Etudiant aurait
disparu depuis longtemps s'il ne s'était pas diversifié.
Echanges avec la salle
Intervenant
La diversification a fatalement une incidence dans les relations avec les annonceurs. Ils sont
peut-être amenés à être un peu plus frileux, sachant que vous offrez davantage à vos
lecteurs. Jusqu'où pouvez-vous aller pour calmer le jeu avec ces annonceurs et avez-vous
pensé un système permettant de rendre lisible sur Internet le contenu des annonces qui
sont dans vos bureaux ?
Jean Weiss
En ce qui nous concerne, les annonceurs de l'Etudiant et exposants de nos salons cherchent
du contact. C'est la raison pour laquelle ils fréquentent nos salons, et de plus en plus nos
sites Internet. Les choses sont mesurables : la porte d'entrée à letudiant.fr pour un
annonceur représente moins de 1000 euros. Dans la presse spécialisée B to B que nous
avons pu connaître, peut-être vous souvenez-vous de l'existence de ces cartons qui
permettaient à un lecteur intéressé par une publicité de retourner ce carton, lequel mettait
plusieurs semaines à arriver chez l’annonceur. Une fiche chez letudiant.fr peut concerner
HEC qui décrit les formations dispensées dans son école, avec un lien sur lequel clique
l'internaute pour le renvoyer vers le site d’HEC.
Intervenant
Quand le magazine représente moins de 20% du chiffre d’affaires, peut-on, à un moment
donné, évoquer la disparition du magazine ? Est-ce que le moteur dans les activités de
l’Etudiant n’est pas déjà ailleurs que dans le magazine ?
Jean Weiss
La marque l’Etudiant a été et est toujours portée par le journal. Par ailleurs, j'ai parlé d'une
rédaction unique parce qu'elle permet de servir en informations, en contenus, l'ensemble
des supports et médias. Le tout est de faire en sorte de ne pas perdre d'argent sur le print.
Marc Baudriller
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La croissance des diversifications ne met-elle pas en péril l'existence même du support de la
marque, c'est-à-dire du titre de presse ?
Loïc Guilloux
Il y a six ans, lorsque je faisais des présentations de la marque Femme Actuelle, elles se
faisaient sous forme de galaxie ou d'un système solaire. Le soleil était le magazine et nous
placions les différentes planètes. Pour la plupart d'entre nous, nous avons créé des systèmes
solaires qui ont deux soleils : un soleil print et un soleil Web. Ceci est vrai pour Elle, Femme
Actuelle, et quelques autres marques de presse. On ne peut pas considérer que le Web est
une planète du print. Il existe des systèmes solaires avec plusieurs soleils, ils donnent des
formes d'énergies différentes de ce qu'est un produit de base qui peut parfois, à travers les
cycles de vie, perdre de la pertinence.
Franck Espiasse
Je regarde beaucoup le modèle de National Géographic que je trouve incroyable : le
magazine existe toujours alors qu'il ne représente plus que 30 % du business.
Intervenant
Sur le co-branding, comment se passe la répartition entre, par exemple, Géo et Gallimard,
Elle et Lancia ? Comment se fait le suivi du chiffre d’affaires ?
Loïc Guilloux
Cela dépend vraiment du type de contrat que vous avez. Pour certains, ce sont les royalties
qui peuvent aller parfois jusqu'à 7 %. La façon dont vous partagez le chiffre d'affaires dépend
aussi grandement de la façon dont vont se partager les coûts liés à l'opération. Si vous
prenez en charge la promotion ou le marketing, cela peut aller jusqu'à 70 % de la valeur
dégagée, et ce sera parfois beaucoup faible.
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