La réforme de la publicité extérieure, des enseignes et des
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La réforme de la publicité extérieure, des enseignes et des
❙ Décryptages ❙ Législation Loi Grenelle II La réforme de la publicité extérieure, des enseignes et des pré-enseignes La loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite loi Grenelle II, qui a fortement modifié le droit de l’urbanisme (SCOT et PLU), le droit de la construction (bâtiments basse consommation) et le droit de l’environnement (études d’impact et enquêtes publiques), a également retouché le droit de la publicité extérieure, dans des conditions à fixer par décret en Conseil d’État. C omme la loi du 29 décembre 1979 qui fixe le droit actuel, il s’agit d’un dispositif de sauvegarde des paysages, destiné à faire disparaître la « pollution visuelle », encore appelée « cloaques publicitaires », surtout dans les entrées de villes (qui ont également fait l’objet de mesures de protection nouvelles issues de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit). La loi, sur ce thème, a fait l’objet de commentaires assez contrastés, d’aucuns suggérant que le dispositif législatif n’aurait qu’en apparence un but de protection environnementale. Le projet de décret, publié au printemps 2011 sur le site Internet du ministère de l’Écologie et du Développement durable, a de son côté suscité un véritable tollé, non seulement des professionnels de l’affichage (qui indiquent que 15 000 emplois directs et indirects sont menacés) mais encore des professions immobilières (fédérations immobilières et UNPI notamment). À vrai dire, ce que tous redoutent, c’est que le nouveau droit soit désormais appliqué, car les prohibitions anciennes – déjà fort nombreuses – faisaient l’objet d’une assez large tolérance. Les articles 36 et suivants de la loi Grenelle II (relatifs à la publicité extérieure, aux enseignes et pré-enseignes) comportent un principe général d’interdiction des publicités hors agglomération (sauf gares, aéroports, ainsi que 22 - Le Propriétaire immobilier - Septembre 2011 certains centres commerciaux, si le règlement local de publicité le permet), l’affichage étant en outre interdit en agglomération dans les lieux présentant des qualités architecturales (monuments historiques et autres zones de protection ; secteurs sauvegardés ; parcs naturels, mais aussi sur les arbres et les pylônes)1. Règlement national de publicité 1 Articles L.581-4 et L.581-7 du Code de l’environnement. Le règlement national de publicité, objet du projet de décret, fixe le détail des règles applicables (emplacements, densité, surface, hauteur, entretien) en fonction des dispositifs, des supports et de l’importance des agglomérations. En l’état du projet, est prévue la réduction de la surface totale des publicités et des enseignes dans les zones où elles ne sont pas interdites : de façon générale, le plafond doit passer de 16 à 12 m2 et, le long des routes, un seul dispositif d’affichage doit être permis sur chaque section de 80 mètres de longueur. Des dispositions particulières sont prévues pour les portatifs spéciaux, tels que le mobilier urbain, la publicité sur les véhicules et sur les eaux intérieures, ou encore le micro-affichage. La réglementation des enseignes devient drastique : si elles peuvent être désormais installées sur des toitures ou des terrasses, la surface totale cumulée des enseignes installées sur façade ou toiture d’un même bâtiment ne peut excéder 20 m2, la surface unitaire maximale des enseignes implantées sur portatifs spéciaux étant limitée à 6 m2 (12 m2 dans les communes de plus de 10 000 habitants). L’avis de l’UNPI Le droit de la publicité extérieure sera très prochainement modifié par décret en Conseil d’État. La surface totale des publicités, là où elles sont autorisées, sera diminuée. Par conséquent, les propriétaires et copropriétaires tirant une source de revenus de l’affichage publicitaire risquent bien d’être pénalisés par les nouvelles mesures annoncées. La publicité extérieure représente en effet une source importante et indispensable de financement des opérations de travaux et les revenus générés par la location d’emplacements publicitaires pour murs aveugles permettent d’alléger les charges de copropriété des propriétaires bailleurs et de leurs locataires. La taille de l’affichage sur les bâches couvrant les chantiers de ravalement est concernée par le projet de décret. Il apparaît cependant que les monuments historiques échappent aux nouvelles règles plus contraignantes. Nous reviendrons sur ce dossier dans un prochain numéro. © free_photo - fotolia.com Les pré-enseignes, signalant la proximité d’un immeuble où s’exerce une activité déterminée, sont soumises au régime de la publicité : il ne pourra y avoir plus de deux pré-enseignes par activité culturelle signalée, à condition qu’il n’y ait pas vente de produit culturel ; même chose pour les produits du terroir, ces dispositions entrant en vigueur en juillet 2015. Elles ne devront pas excéder 0,60 m en hauteur et 1 m en largeur, et ne pourront être implantées à plus de 5 km de l’entrée de l’agglomération ou de l’activité qu’elles signalent (cette distance étant portée à 10 km pour les monuments historiques, classés ou inscrits, ouverts à la visite). La loi réglemente aussi les publicités lumineuses, le décret prohibant le maintien des lumières une partie de la nuit (de même, les enseignes lumineuses doivent être éteintes à partir de minuit). Elle codifie aussi la publicité sur les bâches de chantier et les bâches publicitaires, le décret les soumettant à autorisation et en diminuant la surface. Ceci a été vive- ment contesté par l’UNPI notamment, qui estime que ces contraintes nouvelles priveront les propriétaires d’une source de revenu non négligeable pour le financement des opérations de rénovation. D’une seule et même voix, l’UNPI, le SNPI, l’UNIS et la FNAIM ont interpellé le gouvernement et demandé que le projet de décret sur la publicité extérieure soit modifié en conséquence2. La loi assujettit enfin à déclaration préalable ou autorisation l’installation et la modification des différents dispositifs de publicité, et le décret détaille la procédure applicable. Règlement local de publicité En plus de la réglementation nationale, une réglementation locale peut, comme auparavant, être adoptée. Ainsi, un règlement local de publicité (RLP) peut être établi par l’établissement public intercommunal compétent en matière de plan local d’urbanisme, ou à défaut par les communes. 2 Voir Le Propriétaire immobilier de juin, p. 4. 3 Article L.58114 du Code de l’environnement. 4 Article L.581-7 et L.581-8 du Code de l’environnement. Par souci de simplification, la procédure d’institution est calquée sur la procédure d’élaboration des plans locaux d’urbanisme (PLU) avec nécessité d’une enquête publique ; par une procédure unique, le RLP et le PLU peuvent d’ailleurs être établis simultanément. Le RLP fait désormais l’objet d’une annexe du PLU, et son régime contentieux est analogue à celui du document d’urbanisme. Théoriquement, le RLP peut seulement « durcir » les dispositions du règlement national3, mais il peut pourtant autoriser la publicité dans des secteurs de l’agglomération où elle est en principe interdite4, de sorte que les zones de publicité autorisée ne disparaissent pas tout à fait. L’existence d’un RLP donne compétence au maire (à la place du préfet) pour engager des procédures de sanctions administratives (ces sanctions s’ajoutant à des sanctions répressives, prononcées par les tribunaux). La loi renforce le dispositif de contrôle et de sanctions, qui fait l’objet des articles L.581-26 à L.58143 du Code de l’environnement. À noter : les anciens règlements locaux de publicité peuvent demeurer en vigueur pendant dix ans. Conclusion La réforme de la réglementation sur la publicité, les enseignes et pré-enseignes, telle que précisée par le projet de décret, crée de nouvelles sujétions qui devraient faire évoluer de façon significative le paysage. La réduction du nombre de dispositifs publicitaires existants devrait se faire assez vite, puisque ces dispositifs ne pourront être maintenus que pendant un délai de deux ans à compter de l’entrée en vigueur du nouveau régime ; ce droit au maintien étant limité aux dispositifs ne contrevenant pas à la réglementation actuelle. Cette réduction ne sera alors pas sans incidence sur les revenus des afficheurs, mais aussi des propriétaires et copropriétaires. Sandrine Bouyssou, avocat au barreau de Toulouse Le Propriétaire immobilier - Septembre 2011 - 23