Y a ben juste l`angélus qui a l`heure juste!

Transcription

Y a ben juste l`angélus qui a l`heure juste!
Y a ben juste l’angélus qui a l’heure juste!
Par icitte, y a pas grand monde qui a l’heure, mais, on a l’temps!
Quand ben même La Bolduc s’époumone a chanter dans la rédio à
batterie <Les maringouins, c’t’une bébite, faut s’gratter quand ça
nous pique> j’vous dit que cé pas des bestioles qu’on voit ben gros à
c’temps-citte d’l’année!
On a l’temps de jongler à plein avec c’te batème d’hiver qui en finit
pu d’finir. J’su pas tout fin seul à me d’mander si y va avoir assez
d’foin dans la grange pour attendre la vardure. Quand on sait que, y
en a pas plus chez l’voisin, cé inquiétant sans bon sens! Vois-tu ça
d’icitte, faire venir du foin par les gros chars (train), la fierté en
prendrait un coup, et pis itou, faudrait l’payer gros prix ! Non,
d’après moé, c’t’un hiver qui va passer à l’histoire, que j’vous dit!
Y a eu aussi la tempête de février,,, trois jours tapant sans voir ni
ciel ni terre. J’ai entendu dire que, dans l’rang Saint-Isidore, y a des
habitants qui ont été obligés de sortir par les châssis du deuxième
étage pour aller faire le train(s’occuper des animaux à l’étable). Faut
dire que cé toujours pire dans bout-là, rapport que l’vent a d’la
pogne terribelment, les terres sont grandes. On est sans nouvelles
non plus des hommes dans les chantiers, on s’demande quel sorte
d’hiver ça été pour eux autres itou??? On parle des jeunesses qui
sont aux chantiers, faut pas oublier que la moitié de c’monde-là, cé
des péres de famille. De coutume, cé eux autres qui font la drave au
printemps. Après un hiver avec les poux qui te font penser que t’es
encore vivant, les jeunesses en ont plein l’eux combines(sousvêtement) tu comprends ben, y veulent pas rester, même si c’est
payant. Ben, si y pensent qui vont gagner du temps, y s’trompent
pas pour rire. Un fois rendus au village, y pas une créature(femme)
qui veut les voir dans la maison avec leurs varmines. Y en ont pour
un boutte à coucher dans grange!!! Les vrais draveurs eux-autres
vont être propres, propres, nets, nets,,, a se sacrer l’cul à l’eau frette
cinq à dix fois par jour, les poux sont rendus au moulin à scie ben
avant tout l’monde!
Un temps d’l’année, pas facile, pas facile pantoutte,,, avec l’ennuie,
y a la peur du danger que t’ai pas mal mieux de jamais oublier!...
Ha! Oui, j’peux comprendre le mauvais caractère de plusieurs
femmes dans l’coin…
Cé comme ça que les années passent avec un bout d’misère pis un
bout d’plaisance!
Nous autres on parle des années avec des affaires qui sont arrivées
comme l’année du Titanic(1912), l’année d’la grippe
espagnole(1918), oui, oui y a l’année que l’pont d’Québec est tombé
une fois, pis une deuxième(1907-1916).
Si y s’passe rien une année, on va les baptiser à not’façon… Pour
ça, on peut compter sur Démrise Ouellet. Pas parente pantoutte
avec Adélard, cé la patriarche des bas cantons, jusqu’aux hautes
terres. On sait pas son âge, si vous y d’mandez, a va vous répondre
que,,, quand le p’tit Jésus est né, cé elle qui a pris l’portrait(photo).
Cé l’genre de parsonne que tu vois une fois dans ta vie, pis tu
pourras jamais l’oublier! On s’entend qu’avec son âge, ça peut
arriver qu’elle aye déjà été belle! On peut pas contrecarrer(contredire)
ses dires non plus, on était pas là! Dans toué cas, est plus vieille
que mémére Boisclair, ça, cé ben certain!
Parlant de mémére Boisclair, après les fêtes, a sé r’marriée comme à
l’avait dit,,, pauvr’mémére, a méritait mieux que ça! Dans tous ses
défunts, y en a pas un qui a levé l’coude(Prendre un verre) plus que
de raison, la pauv’vieille a ben d’la misère à vivre avec ça. Quand
j’ai voulu y en parler l’automne passé, est v’nue les yeux grands
comme des trente sous, j’ai vite compris que j’s’rais mieux de m’la
farmer! Hye! L’pére Stanislas,,, y a passé sa vie a brocanter d’la
bagosse(alcool), mais j’dois avouer que lui,,, y l’a la recette,
ouais,monsieur ouais!!!
Au moins, y en a deux qui sont ben dadons(heureux), cé mes voisins
ast’heure. Drien bûche su ses terres que la tête y tourne, Florence
estben contente que son Drien rente à toué soirs.
On peut pas en dire autant pour Adélard! Depus que y cédé sa terre,
y a comme pris un coup d’vieux. Y passe ses journées à s’barcer et
pis chauffer l’poêle. Albertine sa femme me dit que, cé ben rare qui
va dans les bâtiments, on dirait que y a pu d’intérêt pantoutte.
Même moé, j’sais pu quoi dire pour y r’trousser l’moral. Si les
chaleurs peuvent r’venir!
Avec tout ça, pour fendre l’hiver en deux, on sé faite comme on
dirait un genre de p’tit bal à l’huile(veillée d’antan). On peut pas
dire que ça été une réussite! Pour tout dire, y aurait pas eu
d’boucane plus que ça,,, si la blette à Gendron (commère) s’en était
pas mêlée. Hà! Pour mettre le feu dans l’poêle quand yé déjà rouge,
a donne pas sa place celle-là! A passe ses journée la face dans
l’châssis, quand a sait pas quecque chose, a s’organise toujours pour
en savoir plus et n’en rajouter, ben sûr! Normalement, elle aurait
pas dû être invitée c’te soir-là, parce qu’on sait qu’elle rapporte
toutte au curé, ça fait que, cé manquablement, c’qui ai arrivé! Dans
ces veillées-là, pas mal tout l’monde prend un p’tit verre et pis un
autre! Ben faut l’dire,,, la maîtresse d’école sé epivardée un peu plus
que de coutume, en swingnant dans un set carré, sa robe a accrochée
dans la poignée d’la porte du poêle. La pauvr’fille est tombée les fers
en l’air, la robe est restée là, pis l’poêle lui, y a pas grouillé. On s’fras
pas d’accrère, la même chose s’rait arrivé à n’importe quelle créature
du village, on aurait trouvé ça drôle en batème mais, la maîtresse
d’école, cé délicat sans bon sens!!! En plus, mon Simard qui ai v’nu
mettre son mot! Lui yé menuisier/marquiller au village,,, j’ai pour
mon dire, quand t’es assez croche dans vie pis que, tu peux t’cacher
en arrière de ton vilebrequin, tu s’rais mieux d’passer ton tour! Dans
toué cas, on verra ben, la poussiére va finir par r’tomber, jamais
j’croirai!…
Cé ben pour dire,,, qu’on me dise que l’hiver est long, j’su ben de
vot’dire! Mais en seulement, qu’on vienne pas m’dire qu’à l’est
plate pour autant!!!
Hà! Ben hou dont! Quossé ça? Ça cogne à porte,,, à c’t’heure-citte!?!
M.l’curé,,, yé arrivé quecque chose? Y a d’la mortalité? J’vous ai
même pas entendu arriver!
Ben voyons Simion, prends pas une face de mi-carême comme ça,
j’suis juste venu te demander quelque chose, j’suis sûr que tu peux
répondre à ma question…
D’ordinaire, vous êtes pas sorteux l’soir, ça surprend un p’tit brin,
mais là,,,rentrez M.l’curé,,, Dephine, viens voir, on a d’la visite
rare!
J’s’rai pas longtemps Simion, déranges pas tout l’monde!!!
En v’là une bonne! Ast’heure que vous êtes rendu…