Texte rédigé à l`occasion de l`exposition Gobron au Salon du Cercle

Transcription

Texte rédigé à l`occasion de l`exposition Gobron au Salon du Cercle
Texte rédigé à l’occasion de l’exposition Gobron au
Salon du Cercle Belge de la Librairie à Bruxelles en 1946.
Personne ne peut échapper à une certaine domination de son époque; mais
cette domination loin d’écraser l’artiste, doit l’aider à trouver sa propre réalité, car
l’artiste est toujours hanté par une recherche du “moi” qui ne trouve jamais de
réalisation satisfaisante. C’est ainsi que s’expliquent les aspects multiples et même
les retournements de tant de peintres. Cette recherche continuelle et qui demande
des moyens souples et adéquats propres à chacun, est-elle possible avec
l’aquarelle comme moyen d’expression? L’aquarelle il faut bien le dire est un peu
considérée (dans notre pays du moins) comme un art mineur pouvant tout au plus
être employée par certains touristes en mal de pittoresque et préférant (on se
demande pourquoi!) un souvenir “fait à la main” à quelque bonne photographie.
Comme le disait un jour le peintre Tytgat «l’aquarelle possède quelque chose
d'impalpable, de plus irréel que la peinture à l’huile et convient mieux à certains
tempéraments».
Mais il fallait tout d'abord se débarrasser de tout un vieil arsenal de trucs, de
cuisinage, de recettes “tabou” qui ne visaient uniquement qu’à la fraîcheur et à la
transparence du coloris. Depuis longtemps la technique de l‘huile s’est pliée aux
nécessités des visions nouvelles et s’est transformée, par l’apport du couteau, du
pouce ou du chiffon. On se demande pour quelles raisons l’aquarelle est restée
confinée dans les notations de croquis, rehauts de dessins, lavis ou tableaux
fabriqués selon des principes immuables et sacrés auxquels très peu ont songé à
apporter une transformation. Comme tout le monde j’ai abordé l’aquarelle de cette
façon: je n'avais reçu qu'un seul conseil d’un professeur de l’Académie de
Bruxelles de cette époque, c’est «de remplir consciencieusement tous les petits blancs
du papier» qui transparaissaient lorsqu’on lave hâtivement une aquarelle sans
retoucher pour l’avoir lumineuse et transparente: le résultat de ce remplissage fut
lourd et terne et dès ce moment j’ai compris qu’il me fallait chercher seul le moyen
d’employer ces couleurs à l’eau dont la transparence et la fluidité m’enchantaient.
Depuis, j’ai passé par bien des étapes parmi lesquelles mon installation en
Flandre et le contact des flamands a été des plus salutaires et des plus décisives.
Mon exposition actuelle (du moins je l’espère) prouvera peut-être à l’amateur
que l’aquarelle, loin d’être un art limité, possède au contraire toutes les possibilités
et les souplesses de métier que l’on peut trouver dans la peinture à l'huile tout en
conservant cette fraîcheur et cette subtilité de tons qui en font justement le charme
très spécial.
Roger Gobron