Rapport sommaire

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Forum Afrique-Canada – Symposium 2006
Atelier : Les enjeux environnementaux dans le régime de l’aide
Quelles sont les options viables pour les pauvres?
Rapport sommaire
À la lumière des préoccupations internationales croissantes au regard de l’environnement
et des changements climatiques, la séance examine l’impact actuel – et à venir – de ces
enjeux sur l’Afrique, notamment en rapport avec les stratégies de réduction de la
pauvreté. Cette discussion s’inscrit dans l’analyse globale de l’évolution du régime de
l’aide et la façon dont il influe sur des options viables pour les pauvres. Ce thème est
étroitement lié à d’autres enjeux d’importance abordés par les membres du FAC,
notamment le rôle des femmes, la santé, la viabilité des moyens de subsistance, la
sécurité alimentaire et la biodiversité.
Les conférenciers ont souligné diverses facettes du problème : l’impact spécifique sur les
femmes, la question de l’accès à la terre et aux ressources et de la viabilité des moyens de
subsistance, ainsi que le rapport entre biodiversité, sécurité alimentaire et développement.
On peut consulter certains des exposés sur le site : http://www.ccic.ca/e/003/acf.shtml.
Contexte
« Rien n’arrive en Afrique qui ne soit lié à l’environnement »
Plus de 70 % du sol arable en Afrique est dégradé ou se dégrade rapidement – surexploité
par les populations rurales pauvres faute de choix, les interventions politiques extérieures
et la pression démographique, et exposé aux sécheresses, aux inondations et à la
variabilité du climat. Plus de 45 % des terres sont en zones sèches, des régions arides,
semi-arides ou sèches-subhumides. En raison de leur vulnérabilité à la dégradation des
sols, elles se désertifient. Les populations locales sont parmi les plus marginalisées, avec
des taux de pauvreté records et un accès minimal aux services essentiels. Elles dépendent
de l’environnement pour assurer la sécurité de leurs moyens de subsistance.
De nos jours, les collectivités rurales doivent affronter de nombreuses difficultés –
dégradation des sols, déforestation, perte de la biodiversité locale, manque d’eau,
variabilité du climat – qui entraînent souvent la migration des populations locales. Par
tradition, les populations locales ont appris à gérer leurs ressources naturelles grâce à des
stratégies adaptées à leur contexte particulier. Cela englobe les systèmes de gestion
intégrée du sol et des eaux; l’agriculture mixte combinant l’utilisation du sol pour la
culture et pour l’élevage, avec une intégration économique et culturelle plus poussée; la
conservation et l’utilisation des variétés végétales locales résistant à la sécheresse; le
développement de moyens de subsistance alternatifs, moins exigeants pour le sol et
moins gourmands en ressources naturelles, qui fournissent des revenus durables et offrent
des possibilités économiques dans les centres urbains des zones sèches.
Cette interdépendance est évidente dans le cas du Bassin du lac Tchad, le seul qui reste
lors des grandes sécheresses, élément clé d’un système plus vaste niché au confluent de
trois pays, étroitement lié à la vie économique, sociale et culturelle des collectivités
riveraines. Au cours des 30 dernières années, le lac a rétréci à cause de la guerre, des
changements climatiques et des projets de développement national des divers pays. Ces
trois pays n’ont pas réussi à s’entendre sur un plan de gestion global de l’écosystème du
lac. La découverte récente de pétrole dans le lac ajoute à la complexité des négociations
et met en péril la viabilité des moyens de subsistance dans un milieu déjà très hostile et
un climat sociopolitique tendu. Si on n’agit pas sans tarder, il n’y aura plus de vie dans le
lac d’ici 30 à 50 ans.
Ce sont les femmes qui souffrent le plus de la dégradation de l’environnement et des
changements climatiques. Vu l’importance de leur rôle dans la production alimentaire, les
soins du ménage et l’approvisionnement en eau et en combustible, elles sont tributaires
des ressources de l’environnement. Subissant de plein fouet l’impact des conditions
environnementales, elles sont étroitement liées à la gestion de l’environnement, même si
elles participent encore de façon très marginale au processus décisionnel. Malgré trente
ans d’efforts pour tenir compte des besoins et aspirations des femmes avec la décennie
des femmes (1975-1985) des Nations unies et la Plateforme d’action de Beijing (1995),
on reconnaît encore très peu la complexité et le caractère multidimensionnel de la
pauvreté des femmes, notamment en zone rurale, et on ne s’y est pas vraiment attaqué.
La biodiversité est le fondement de la vie; tout le monde – y compris les grandes sociétés
– reconnaît sa valeur, notamment dans le domaine agricole. L’Afrique se caractérise par
des ressources génétiques énormes sur le plan cultural et des systèmes de production
comportant des limites intrinsèques. Les sécheresses et autres phénomènes naturels ont
existé de tout temps; les populations ont développé des systèmes locaux adaptés aux
possibilités des divers milieux sur le plan de la production alimentaire. L’intervention
humaine peut avoir des effets désastreux dans certains milieux. Il est crucial de connaître
précisément les systèmes de production alimentaire avant de permettre les interventions
de l’extérieur.
Les politiques de développement sont souvent inadéquates en regard des besoins des
populations rurales pauvres. Dans bien des cas, elles compromettent les ressources
génétiques qui existent déjà. Liées à des conditionnalités, les politiques d’aide alimentaire
sont souvent mal adaptées sur le plan nutritionnel et social. Les programmes nationaux
vantent les semences modifiées, alors que les variétés locales sont pourtant hautement
nutritives et peuvent résister à la sécheresse. Il faut un nouveau paradigme – axé sur
l’agriculteur, sur la biodiversité et sur la conservation. Il faut intégrer le savoir et
l’expérience des agriculteurs – ils doivent s’approprier les politiques agricoles et les
politiques relatives au développement. Les populations locales les plus touchées, y
compris les femmes, doivent participer au processus décisionnel sur les politiques.
Il faut aussi de nouvelles approches : gestion durable des terres intégrant la gestion des
sols, des eaux et des autres ressources naturelles; approche écosystémique alliant viabilité
environnementale et sécurité des moyens de subsistance; adaptation aux changements
climatiques et atténuation de ces changements à partir de stratégies fondées sur les
connaissances locales. Il faut revoir les plans de développement national et les documents
de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DRSP) afin d’y intégrer des approches
écosystémiques adaptées au contexte.
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Défis à relever pour le Forum Afrique-Canada
•
Faire des pressions pour que le Canada honore ses engagements internationaux au
regard des objectifs du Millénaire pour le développement (objectif 3, sur
l’autonomisation des femmes et objectif 7, sur la viabilité environnementale), et
des trois conventions des Nations unies – Convention sur la diversité biologique
(CDB), Convention des Nations unies sur la lutte contre la diversification
(UNCCD) et Convention-cadre des Nations unies sur les changements
climatiques (CCNUCC).
•
Soutenir les initiatives africaines : réseaux d’ONG nationales qui lient le
développement aux enjeux environnementaux et servent de centre de liaison
national pour les ententes multilatérales.
•
Surveiller les nouveaux programmes, tels que la Révolution verte africaine
proposée par la Fondation Rockefeller et la Fondation Bill & Melinda Gates1, et
l’appui accordé par l’ACDI au projet Biologie appliquée en Afrique centrale et de
l’Est – BECA – un projet de 30 millions $ financé par le Fonds canadien pour
l’Afrique.2
•
Voir dans quelle mesure nos propres programmes contribuent au modèle de
développement axé sur l’efficacité de l’aide, qui s’ingère dans le mode de vie des
gens plutôt que d’émaner du palier local. Ainsi, ce modèle de développement
oblige encore les sociétés pastorales à se sédentariser malgré les leçons tirées
d’expériences antérieures, qui ont bouleversé les moyens de subsistance en plus
d’aggraver la dégradation des sols et la désertification dans ces zones sèches.
Le Forum Afrique-Canada tient à remercier Friederike Knabe, expert-conseil,
Mahamat Abakar, conseiller en élaboration de programmes, ACORD et Awegechew
Teshome, conseiller scientifique, programme Semences de survie,USC-Canada, pour
leurs exposés enrichissants et leur apport aux discussions du symposium.
1
Voir le document de politiques no 12 de Food First : « Ten Reasons Why the Rockefeller and the Bill and
Melinda Gates Foundations’Alliance for Another Green Revolution Will Not Solve the Problems of
Poverty and Hunger in Sub-Saharan Africa », http://www.foodfirst.org/.
2
http://www.acdicida.gc.ca/cidaweb/cpo.nsf/vLUWebProjEn/D515DDCB859A7107852571CF003CE7E8?OpenDocument
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