Actualités de prise en charge clinique La personnalité a-t

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Actualités de prise en charge clinique La personnalité a-t
Juin 2008, volume 16, n° 2
Aspects psychosociaux de la réadaptation cardiaque
Actualités de prise en charge clinique
La personnalité a-t-elle vraiment de l’importance?
La personnalité de Type D et ses conséquences sur la
prévention et la réadaptation cardiovasculaires
Heather Tulloch, Ph. D., Robert Pelletier, MSW
MINTO Prevention and Rehabilitation Centre, I’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa
U
ne corrélation a été établie entre la détresse psychologique –
comme l’anxiété, la dépression et la colère – et la pathogenèse
et le pronostic de la maladie coronarienne1. Outre ces facteurs émotifs
aigus, certains traits de personnalité omniprésents ont également fait
Sommaire
Articles
La personnalité a-t-elle vraiment de l’importance?
La personnalité de Type D et ses conséquences
sur la prévention et la réadaptation
cardiovasculaires .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
La réadaptation cardiaque au NouveauBrunswick – Une province qui va de l’avant! .. . . . . . 5
Portrait de programme
Un service régional de psychologie pour les
patients cardiaques inscrits à un programme
de réadaptation cardiaque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Regard sur une étude en cours
La dépression et l’inflammation dans la
maladie coronarienne .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
Consolidation de votre profil professionnel
Cas nº 1 – Un cas clinique complexe :
myocardiopathie dilatée consécutive à une
acidémie propionique .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
Cas nº 2 – « De poids mort à force vive » :
présentation de cas .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
Références et comptes rendus
Études prospectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
Essais .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
Compte rendu de livre : Contributions
Toward Evidence-Based Psychocardiology:
A Systematic Review of the Literature .. . . . . . . . . . . . . . 20
Nouvelles de l’Association . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
l’objet d’études afin de déterminer leur impact respectif sur l’évolution
de la maladie cardiaque. Le mode comportemental de Type A est le
facteur de personnalité le plus connu; il englobe des caractéristiques
telles que l’ambition, le dynamisme, le sens de la compétition,
l’impatience, la tension musculaire, le cynisme, l’hostilité et
une facilité à se mettre en colère. Les personnes qui affichent un
comportement de Type A veulent toujours en faire plus en moins de
temps; si nécessaire, elles tenteront d’atteindre leur objectif même si
pour ce faire elles doivent s’opposer aux efforts des autres2. Bien qu’on
ait établi initialement un lien entre ce modèle de comportement et
la maladie cardiovasculaire, les études réalisées par la suite n’ont pas
corroboré une telle relation. Tout au plus, a‑t-on établi que certains
traits du type comportemental A (c.-à-d., colère/hostilité) avaient
une influence sur l’apparition de la maladie cardiovasculaire. Ces
résultats contradictoires sur le comportement de Type A ont fait en
sorte que l’on s’est désintéressé des traits de la personnalité et de leur
impact sur la santé cardiaque : les traits de personnalité n’étaient plus
à la mode. Au cours des 15 dernières années est apparu un nouveau
modèle de personnalité, soit le Type D, ou « personnalité en détresse
», susceptible d’influer sur l’état de santé des patients cardiaques3.
Quels sont les traits de la personnalité de Type D?
La personnalité de Type D se caractérise par une tendance à
éprouver des émotions négatives tout en les gardant pour soi, sans
en faire part aux autres3. Plus précisément, le Type D répond à
deux caractéristiques : 1) une affectivité négative (AN) – soit une
tendance à éprouver une détresse négative avec le temps et face aux
situations, et 2) une inhibition sociale (IS) – soit une tendance à
inhiber l’expression des émotions négatives dans les interactions
sociales. Les personnes qui obtiennent un score élevé à l’échelle AN
éprouvent des sentiments de dysphorie ou de dépression, d’anxiété,
d’irritabilité et de colère; elles ont également une perception négative
d’elles-mêmes et sont plus attentives aux signaux négatifs de leur
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environnement. Les personnes qui obtiennent un score élevé
à l’échelle IS se sentent inhibées, tendues, inconfortables et
dans un état d’insécurité avec les autres. Du point de vue
clinique, les patients de Type D ont tendance à s’inquiéter,
à adopter une vision plutôt sombre de la vie, à toujours
anticiper les menaces imminentes, et se sentent tendus et
malheureux. Ces personnes ont moins tendance à partager
leurs sentiments négatifs par crainte d’être rejetées ou
désapprouvées. Par conséquent, la manière dont elles gèrent
(c.-à-d., expriment ou inhibent) leurs émotions semble
tout aussi importante que l’expérience proprement dite des
émotions négatives4.
« La personnalité de Type D se caractérise par
une tendance à éprouver des émotions négatives
tout en les gardant pour soi, sans en faire part
aux autres 3. »
La personnalité de Type D est-elle associée à la
détresse psychologique?
La personnalité de Type D n’est pas un trouble pathologique
en soi, bien qu’elle puisse constituer une prédisposition à
une psychopathologie5. Certaines données indiquent que
la personnalité de Type D est associée à des symptômes
d’anxiété et de dépression, de même qu’à une moins bonne
qualité de vie. Pederson et ses collègues6 ont étudié les
prédicteurs de la dépression chez des patients ayant subi une
intervention coronarienne percutanée (ICP). Les résultats
ont révélé que les patients dépressifs ont plus tendance à avoir
une personnalité de Type D (34 % des patients dépressifs vs
16 % des patients non dépressifs). Ce groupe de chercheurs
a également montré que le prédicteur indépendant le plus
puissant de l’anxiété chez les patients cardiaques après
une ICP est le trait de personnalité de Type D (rapport
de cotes = 3,31)7. Dans une étude où ont été examinés
de nombreux prédicteurs démographiques, médicaux et
psychologiques relatifs à une mauvaise qualité de vie liée à
l’état de santé un an après un pontage coronarien, seules trois
variables – l’angiopathie périphérique, les complications
infectieuses et la personnalité de Type D – permettaient de
prédire un mauvais score de santé mentale au questionnaire
sur la qualité de vie SF-368. Les patients de Type D affichent
des scores significativement inférieurs dans tous les domaines
du questionnaire SF-36 et connaissent une évolution moins
favorable à la suite de leur ICP que les patients n’appartenant
pas au Type D9. Par ailleurs, comparativement aux patients
non de Type D, les patients de Type D ont plus tendance à
faire usage chronique de benzodiazépines et à ne pas réussir
à reprendre le travail3,10.
Le Type D est-il prédicteur de résultats cliniques
moins favorables?
Des recherches récentes montrent que les patients de Type
D sont davantage prédisposés à connaître diverses issues
cliniques défavorables. La personnalité de Type D a en effet
été reconnue comme étant un prédicteur d’épuisement vital
chez les patients atteints de maladie coronarienne11; ces
patients étaient exposés à un risque substantiellement accru
d’épuisement avant comme après le traitement (rapport de
cotes = 6,35 et 4,74 respectivement). Tout comme pour
les résultats mentionnés ci-dessus en santé mentale, seules
trois variables – problèmes digestifs, insuffisance cardiaque
congestive et personnalité de Type D – étaient prédictives
d’un mauvais score de santé physique au questionnaire
SF-36 sur la qualité de vie chez les patients ayant subi
un pontage coronarien8. On a pu établir un lien entre
l’inhibition émotionnelle et une réactivité cardiovasculaire
accrue, une diminution de la récupération cardiovasculaire
et une variabilité de la fréquence cardiaque, de même
qu’avec l’incidence de la maladie coronarienne5. Une étude
récente a permis d’analyser l’effet de la personnalité de Type
D sur le pronostic cardiaque cinq ans après l’événement
coronarien. Les résultats ont montré que les patients de
Type D étaient exposés à un risque accru de mortalité
ou de récidive d’infarctus (rapport de cotes = 4,84)
comparativement aux patients n’entrant pas dans cette
catégorie12. De même, on a constaté que la personnalité de
Type D modérait l’effet de l’ICP avec endoprothèse sur les
événements cliniques indésirables lors du suivi de 2 ans; en
effet, les patients de Type D avaient 2 fois plus tendance
à subir une manifestation cardiovasculaire13. Le pouvoir
prédictif indépendant de la personnalité de Type D persistait
après pondération en fonction de l’âge, du sexe, du statut
de fumeur et des antécédents de maladie coronarienne et
autres. Il est toutefois important de souligner que, sur plus
de 300 patients, 22 manifestations cardiaques seulement ont
été relevées.
Certaines données concernant les mécanismes par
lesquels la personnalité de Type D est associée à des résultats
cliniques défavorables en cas de maladie coronarienne
commencent à émerger. Les données préliminaires font
ressortir certaines interactions avec le système immunitaire14.
D’autres études portent à penser que le Type D serait lié
à la maladie cardiovasculaire en raison d’une association
avec une hyperactivité physiologique15. On pense que
la personnalité de Type D aurait pour conséquence de
perturber les fonctions de l’axe hypothalamo-hypophysosurrénalien16, ce qui contribuerait à augmenter les taux de
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cortisol. Or le cortisol a de nombreux effets qui favorisent
la maladie coronarienne (p. ex., l’inhibition des hormones
de croissance, la stimulation de la graisse viscérale). On a
aussi établi des associations entre la personnalité de Type D
et l’augmentation des taux de cytokines pro-inflammatoires
circulantes et de leurs récepteurs circulants14,17. Enfin, la
personnalité de Type D peut aussi donner lieu à des modes
comportementaux mauvais pour la santé comme l’inactivité
physique, l’inobservance thérapeutique et le tabagisme qui
favorisent tous la maladie coronarienne.
« …les patients de Type D étaient exposés à
un risque accru de mortalité ou de récidive
d’infarctus comparativement aux patients
n’entrant pas dans la catégorie de Type D 12. »
Si le Type D est un trait de personnalité
permanent, comment pouvons-nous aider ces
patients?
Il ne fait aucun doute que les patients qui répondent à
ce profil de personnalité ont tendance à gérer leur stress
émotionnel d’une façon particulière (c.-à-d., intérioriser),
mais il est plausible qu’ils puissent apprendre de nouvelles
stratégies pour réduire leur degré de stress. À l’heure
actuelle, toutefois, aucun essai clinique n’a été mené en
vue d’évaluer les stratégies thérapeutiques axées sur les
personnes de Type D. Les recherches antérieures menées
auprès de patients expérimentant des symptômes semblables
à ceux qui caractérisent les patients de Type D portent à
penser que la psychothérapie cognitivo-comportementale
et interpersonnelle, l’apprentissage d’aptitudes sociales, la
gestion du stress, le soutien émotionnel et les techniques
de relaxation (p. ex., respiration abdominale, relaxation
musculaire graduelle) peuvent réduire le stress chez ces
patients et améliorer leur capacité à faire part de leurs
émotions aux autres18. La pratique régulière d’une activité
physique a également des effets favorables sur la santé
psychologique. D’autres études s’imposent pour examiner
les démarches thérapeutiques qui pourraient améliorer la
santé mentale et physique de ces patients.
En résumé, les données à ce jour indiquent que le trait
de personnalité de Type D est associé à des résultats peu
favorables en santé physique et psychologique. La source
d’aggravation des problèmes ne relève pas simplement
des émotions négatives, mais bien de la détresse associée à
l’inhibition de ces émotions5. Par conséquent, on peut aider
les patients repérés en leur apprenant des façons efficaces
d’exprimer leurs émotions négatives. Il ressort donc que la
Aspects psychosociaux de la réadaptation cardiaque
personnalité a vraiment de l’importance.
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